Les droits civils protégés par la Convention Européenne (CEDH)

Quels sont les droits civils portégés par la Conv. EDH?

La Convention EDH comprend de nombreux principes et droits :

Droit à la vie, interdiction de la torture et de l’esclavage, droit à la liberté et à la sureté, droit à un procès équitable, le principe de légalité des peines, le droit au respect de la vie privée et familiale, droit à liberté d’expression, droit à la liberté de rencontre et d’association, droit au mariage, droit à un recours effectif, interdiction de discrimination, interdiction de l’abus de droit. Nous étudierons plus précisément les droits civils

Ce sont les droits qui protègent l’intégrité physique et morale de la personne.

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1/ Le droit à la vie énoncé par l’article 2 § 2 de la Convention qui affirme que le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. Cette disposition pose un premier problème, le terme de personne couvre-t-il également l’enfant à naitre? La Cour estime qu’il s’agit d’une question délicate, qu’il n’y a pas de consensus sur la question entre les états, et que donc il faut laisser aux états une marge d’appréciation c’est à dire un pouvoir discrétionnaire: arrêt « Vo vs France » 10 avril 2007, selon la Cour l’article 2 garantie le droit à la vie, il ne garantie pas un droit à mourir: arrêt « Pretty vs RU » 29 avril 2002 où la CEDH a été confrontée à la question du suicide assisté. L’article 2 prévoit des exceptions strictes au droit à a vie, le recours à la force étatique qui peut conduire à la mort d’un individu doit être absolument nécessaire pour assurer la défense contre la violence illégale pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’un détenu et enfin pour réprimer une émeute ou une insurrection. L’interprétation des exceptions posées et notamment le concept du recours à la force absolument nécessaire, a fait l’objet d’une affaire très importante qui a donné lieu à l’arrêt « Mc Can vs RU » du 27 septembre 1995. Les soldats britanniques présents au détroit de Gibraltar ont tiré sur 3 personnes membres de l’IRA qui étaient sur le point de procéder à un attentat à la bombe, les 3 personnes sont mortes. Les membres de leurs familles estimaient qu’il s’agissait d’une violation du droit à la vie de ces personnes. L’affaire pose un dilemme entre la protection de la population contre le terrorisme et le respect du droit à la vie. Les juges de la Cour Européenne étaient assez divisés sur la question, à une voix près ils ont décidé que la mort des 3 personnes aurait pu être évitée, que les autorités britanniques aurait du procéder d’une manière différente, le RU a donc été condamné pour violation du droit à la vie. Dans le même temps, la cour a énoncé que ce type de dilemme devait être examiné au cas par cas. Le texte de l’article 2 n’interdit pas la peine de mort, c’est le protocole n° 6 de la CEDH entré en vigueur le 1 mars 1985 qui abolit la peine de mort en temps de paix et c’est le protocole n°13, entré en vigueur le 1 juillet 2003, qui interdit la peine de mort en toute circonstance, y compris en temps de guerre. L’apport est reflété dans l’interprétation évolutive qu’a donné la cour européenne de l’article 2 dans l’arrêt du 12 mars 2003 « Ocalan vs Turquie ». Dans cette arrêt, la Cour nous dit que la peine de mort en temps de paix est une forme de sanction inacceptable, voire inhumaine qui n’est plus autorisée par l’article 2 de la Convention.

2/ Le droit énoncé par l’article 3 l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, ce droit a une portée absolue. La Cour Européenne a donné une interprétation large aux 3 concepts visés par l’article 3: arrêt du 26 juillet 1999 « Selmouni vs France » la Cour Européenne a qualifié d’actes de torture les sévices subies par M. Selmouni pendant sa garde à vue / arrêt « Soering vs Royaume Uni » du 7 juillet 1989: Mr Soering est un allemand qui vit en Grande Bretagne, auparavant il résidait aux USA où il a été condamné pour l’assassinat de sa belle mère. Les USA demandaient donc l’extradition aux autorités britanniques de Mr Soering qui allait se voir appliquer la peine capitale. La Cour européenne a estimé que le fait pour Mr Soering d’attendre l’exécution de la peine de mort aux USA était un traitement inhumain ce qui empêchait le RU d’extrader Mr Soering vers les USA / la Convention Européenne inclut dans la notion de traitements inhumains, les punitions corporelles infligées à certains écoliers, la discrimination fondée sur des motifs raciaux, la prostitution forcée. La protection offerte est complété par la Convention pour la prévention de la torture et des traitements dégradants adoptée au sein du Conseil de l’Europe et entrée en vigueur en 1989. Un comité indépendant peut alors effectuer des visites dans les états et peut ensuite faire un rapport avec des recommandations appropriées aux états concernés.

3/ L’article 4 énonce le droit à ne pas être placé en esclavage et en servitude et le droit à ne pas être astreint à un travail forcé. Ce droit a été très rarement utilisé dans la Jurisprudence. Le droit à la liberté et à la sureté est énoncé par l’article 5 qui a connu une série d’application et la Cour a souligné son importance particulière dans une société démocratique. C’est à la base de cet article que la Cour a mis en cause, à plusieurs reprises, la pratique française de la détention provisoire, notamment la durée raisonnable de celle ci ou l’absence de motivations exactes de la juridiction pour la justifier: arrêt « Blondet contre France » 5 octobre 2004: il s’agissait d’une détention provisoire qui avait duré 5 ans durant lesquels il n’y a eu que 4 interrogatoires et une générale inactivité de la police. À la suite d’une série de condamnations, la France a réformé la détention provisoire.

4/ L’article 8 énonce le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance. C’est sur le fondement de cet article que la Cour a rendu une série de décisions très créatives. Concernant la protection de la vie privée, celle ci est plus large que la protection assurée dans le cadre de l’article 9 du Code civil français. Selon la Cour Européenne, la vie privée recouvre l’intégrité physique et morale de la personne et comprend la vie sexuelle. C’est sur ce fondement de l’article 8 que la Cour a estimé que les législations nationales qui répriment les relations homosexuelles établies en privé et entre majeurs consentants constituent une violation. Cela était particulièrement important pour la protection des transsexuels. La France a d’ailleurs été condamnée car refusait de donner le droit à un transsexuel de rectifier l’indication de son sexe sur les registres d’état civil et de changer son nom. La France a été condamnée pour violation de l’article 8 et un arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de Cassation du 11 décembre 1992 a immédiatement tiré les conséquences d’un arrêt de la Cour européenne: Goodwin c/ Royaume Uni du 11 juillet 2002 qui oblige le Royaume Uni à procéder à la reconnaissance juridique de la nouvelle identité sexuelle d’un transsexuel et de lui garantir le droit au mariage. Le respect de la vie privé ne couvre pas seulement la sphère intime des relations personnelles mais aussi, au moins dans une certaine mesure, le droit pour chaque individu de nouer des relations avec ses semblables. Ce respect n’exclue pas les activités professionnelles et même les activités commerciales. Le respect de la vie privée inclut également le droit à l’image, le droit au nom, le droit d’accès aux informations relatives à la santé.

La notion de vie familiale est également interprétée largement. La Cour EDH a toujours défendu une conception ouverte et tolérante de la famille. Ainsi, la notion de vie familiale ne se limite pas aux seules relations fondées sur le mariage, mais peut englober d’autres liens comme le concubinage. La Cour EDH a une approche très pragmatique, elle va regarder si le couple vit ensemble, depuis combien de temps et s’il y a des enfants communs. Si c’est le cas, le concubinage entre dans la sphère de la vie familiale. La Cour protège aussi les rapports entre les parents et les enfants, naturels ou non. Elle a élaboré un véritablement statut juridique de l’enfant naturel: arrêt « Marckx c/ Belgique », qui condamne une loi belge qui établissait une discrimination quant à l’établissement de la filiation entre enfants naturels et enfants nés dans le cadre d’un mariage. L’arrêt « Mazurek c/ France » du 1er février 2000 condamne la loi française, en matière successorale, qui établissait une discrimination à l’encontre des enfants naturels. L’arrêt Mazurek a déclenché une réforme du Code Civil pour éliminer cette inégalité. Le droit au respect de la vie familiale est très souvent invoqué par des étrangers, soit pour entrer dans le territoire d’un Etat ou pour empêcher d’être expulsé d’un Etat. Dans la première hypothèse, la Cour estime que l’Etat n’a pas l’obligation de respecter le choix fait par un couple marier du lieu de leur domicile commun. Si le couple peut mener une vie familiale normale dans un autre Etat, on estime que l’article 8 est respecté. Dans la seconde hypothèse, si l’étranger invoque ce droit, la Cour européenne met en balance deux séries de considérations : d’une part, on examine les raisons qui justifient l’expulsion, notamment la gravité de l’infraction commise, ainsi que le comportement général de l’individu, d’autre part, on examine les attaches familiales de l’étranger dans le pays d’accueil. La Cour européenne a donné une interprétation très dynamique du respect dû à la vie privée et familiale: arrêt Lopez Ostra c/ Espagne du 9 décembre 1994. Dans cet arrêt, la Cour a estimé que l’article 8 implique un droit de vivre dans un environnement sain. L’Etat a donc l’obligation positive de prendre des mesures pour réduire les pollutions ou pour faire cesser des pollutions.

L’article 8 protège également les correspondances écrites et téléphoniques. L’arrêt Klass c/ Allemagne du 6 septembre 1978, au sujet des écoutes téléphoniques. La Cour a estimé que les écoutes téléphoniques peuvent être légales si une double condition est respectée. D’une part, les écoutes doivent être prévues par la loi. D’autre part, elles doivent être nécessaires dans une société démocratique, pour poursuivre un objectif légitime, par exemple la lutte contre la criminalité.

5/ Le droit à la liberté de penser, de conscience et de religion est prévu à l’article 9 de la convention.Une partie de la doctrine et de la classe politique française voyait dans l’article 9 une menace possible pour le principe de laïcité, c’est en partie pour cela que la France a refusé de ratifier la Convention. Mais la Cour a été très respectueuse de ce principe. On peut citer l’arrêt « Sahin c/ Turquie » où la Cour a été confronté à la question de savoir si le fait de porter le foulard dans les universités était contraire à l’article 9. La Cour a répondu que cela n’était pas contraire car nécessaire pour la préservation de la laïcité en Turquie. Par la suite, la Cour a été également saisie de la conventionalité de la loi française qui interdit le port de signes religieux ostentatoires à l’école. Dans une série d’arrêts, la Cour a confirmé la conventionalité de cette loi estimant que celle-ci protège le principe de laïcité qui apparait désormais dans la jurisprudence de la Cour comme un pilier de la société démocratique européenne. La Cour européenne a donné une portée large à l’article 9 puisque cette disposition ne protège pas seulement les religions et les croyances traditionnelles, mais d’autres croyances moins typiques comme les témoins de Jehova, c’est l’apport de l’arrêt « Kokkinakis c/ Grèce » de 1993. Selon la Cour, l’article 9 s’applique aussi au bénéfice des athées, des septiques et des indifférents à l’égard du phénomène religieux. L’arrêt consacre la liberté de manifester sa religion, qui inclue le droit d’essayer de convaincre les autres et le droit de changer de croyance. Il y a eu des tentatives d’appropriation de cet arrêt aux pratiques sectaires.

6/ Le droit de propriété ou le droit au respect de ses biens apparait à l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention

Il énonce le principe du respect des biens et vise ensuite les possibilités de privation de la propriété qui est soumise à certaines conditions, notamment l’indemnisation de l’individu. C’est-à-dire, que les ingérences de l’Etat dans le domaine de la propriété privée doivent être accompagnées de l’indemnisation de l’individu. La Cour examine toujours s’il y a un juste équilibre entre le respect de la propriété, qui commande l’indemnisation de l’individu, et les exigences de l’intérêt général qui peuvent justifier une expropriation. La notion de bien a été interprétée de façon large par la Cour. Elle inclut non seulement les biens corporels, mais aussi la clientèle, les intérêts économiques attachés à une licence d’exploitation, les créances d’origine contractuelle délictuelles et les prestations sociales.