Finalités et caractéristiques de la sanction pénale

QUELLES SONT LES FONCTIONS ET CARACTÈRES DE LA PEINE ?

La peine ou sanction pénale est une sanction infligée aux délinquants en rétribution des infractions qu’ils commettent. On distingue :

  • les peines principales : sanction obligatoirement attachées par le législateur à une incrimination. Les peines principales sont criminelles, correctionnelles ou de police.
  • les peines accessoires : sanctions découlant de plein droit d’une peine principale
  • les peines complémentaires : sanctions qui s’ajoutent ou peuvent s’ajouter à la peine principale selon qu’elles sont obligatoires ou facultatives pour le juge

I) La fonction de la peine

Il y a deux théories générales qui expliquent la fonction de la peine. L’une est relative à l’acte commis ; l’autre est relative au danger posé par un individu.

A)Les justifications reposant sur le postulat du libre arbitre.

La peine a deux fonctions, selon ce postulat :

  • L’intimidation (fonction utilitariste),
  • La punition (fonction rétributive).

a)La fonction utilitariste de la peine.

Il s’agit de l’intimidation collective. A certaines époques, pour captiver les imaginations, on liait ainsi la peine à l’infraction. Exemple : Sous l’ancien régime, le voleur était dépouillé de ses biens, l’empoisonneur était conduit à l’échafaud en chemise brodée de serpents, etc.

On espère que, à part l’intimidation du public, la peine intimidera aussi l’individu à ne pas récidiver —> intimidation individuelle.

Même les statisticiens ont du mal à se prononcer sur l’effet d’intimidation d’une peine.

Les fondements philosophiques de cette théorie? Platon, Ciceron, … Au 18°, les auteurs disaient que la justice exige qu’on ne punit pas plus que l’utilité exige (Montesquieu, Rousseau, etc.).

b)La fonction rétributive de la peine.

La punition est une souffrance qui rachète au coupable son péché : on retrouve ici la pensée de St Paul, St Augustin, Kant, … La punition fait qu’on puisse oublier.

Cette fonction se rattache surtout aux infractions intentionnelles : on cherche à effectuer une réconciliation avec la société.

Il s’agit d’une justice moralisatrice qui sanctionne. Les doctrines classiques, qui se rattachaient à l’acte, ont été bouleversées au 19e s. par la pensée positiviste.

B)Les justifications de la peine dans la doctrine positiviste

A partir la 2e moitié du 19e siècle, deux criminologues Italiens (Lombroso et Ferri) ont avancé cette théorie positiviste : la délinquance est inévitable. En fonction de son développement, chaque époque à ses délinquants. (Cela ressemble à la théorie d’A. Compte).Chaque pays a une délinquance qui lui est propre. La délinquance ne peut jamais être supprimée.

Ils concluent qu’il n’y a pas de libre-arbitre. Les actions de l’homme (les bonnes comme les mauvaises) sont déterminées par les conditions dans lesquelles il vit (milieu social), et par son caractère propre (voir les idées d’Auguste Compte). Chaque individu présente une dose propre de dangerosité sociale. Lombroso va jusqu’à dire qu’il existe des microbes sociaux. Alors le rôle de la sanction n’est pas de punir pour un acte volontairement commis. On s’attache ainsi à la dangerosité sociale : l’étude de la personnalité du responsable. On lutte contre cette dangerosité, pour la réadaptation. On n’exclut pas des mesures préventives. En outre, la doctrine positiviste fait reposer la sanction pénale sur l’examen de la personnalité du délinquant plutôt que sur l’infraction. On va jusqu’à admettre un rôle d’élimination de la doctrine. Cette théorie est très dangereuse en considérant la prédétermination sociale comme réelle. Les conséquence sont très dangereuses quand la théorie est poussée à l’extrême.

Cette théorie a connu des dérives : prédétermination des délinquants, microbes sociaux etc…Elle a été utilisé intelligemment quand l’idée de dangerosité donne un sens aux sanctions pénales : mais il faut des garanties contre l’abus de ces idées. Autrement, des dérives sont inévitables comme l’idée de Lombroso selon laquelle il existait des « criminels – nés ».

C)La réconciliation des doctrines classiques et positivistes

Les tendances à la délinquance seraient prédéterminées mais le passage à l’acte résulterait du libre arbitre de l’individu en question. Sauf exception, seule la commission de l’infraction peut déclancher le prononcer d’une sanction.

Le libre-arbitre n’est pas total, mais il existe et il commande le passage à l’acte.

Cet adage a pour conséquence de rendre certaines choses justifiées.

– Il y a donc possibilité de sanction s’il y a infraction.

– L’infraction, ensuite, est révélatrice d’un état dangereux.

– Le choix de la peine doit ainsi s’intéresser à la personnalité du délinquant : des mesures de traitement, de resocialisation doit être considérées. On va alors éviter des courtes peines d’emprisonnement, qui jouent contre la resocialisation car elles sont une punition non significative mais néanmoins suffisante pour couper le lien social. On va s’attacher à la personnalité du délinquant pour établir la peine en essayant de lui imposer des mesures de traitement ou au moins des obligations tendant à éviter la récidive ou même à permettre sa resocialisation. Mais aucune mesure ne peut être prononcée par avance.

Ce sont les idées des doctrines de la « Défense sociale nouvelle »(près des idées positivistes tout en refusant les conséquences les plus dangereuses de cette doctrine). On veut sauvegarder les garanties de l’individu (théories classiques), et effectuer des resocialisations (positivistes). (Voir, par exemple, Marc ANCEL, penseur français.)

Le Conseil constitutionnel, 20 janvier 1994, adopte cette doctrine réconciliatrice —> il adopte les fonctions classiques de la punition en leur ajoutant les fonctions modernes. « L’exécution des peines privatives de liberté » a été conçue « non seulement pour protéger la société et punir le condamné mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuel réinsertion ». On pense à l’aspect individuel autant qu’à l’aspect collectif et de protection sociale.

II)Les caractères de la peine.

A)L’égalité et la personnalisation des peines.

Il n’y a pas opposition entre égalité et personnalisation car on passe de l’égalité abstraite à l’égalité concrète, subjective. En effet, ceux qui ont commis les mêmes infractions sont traités avec les mêmes chances. Mais cela ne rend pas impossible l’individualisation de la peine.

L’individualisation cherche une égalité : l’égalité dans l’effet de la sanction. L’amende est donc ajustée à la richesse du coupable ; l’emprisonnement prend en compte le comportement du coupable en prison. Cela rend possible l’absence de discrimination et chance de réinsertion —> dans ce contexte, l’individualisation des peines est indispensable pour garantir le respect du principe de nécessité des peines. Donc, toute sanction automatique est contraire au principe de la nécessité des peines.

B)La légalité des sanctions.

Seule la loi peut fixer des privations de libertés comme sanctions. Les jugements des juridictions, suivis par l’intervention du juge des peines, représentent une dévolution du pouvoir de la loi. C’est-à-dire que le législateur délègue partiellement le choix de la sanction au juge au moment du prononcé ou par rapport à l’exécution de la peine.

Le législateur ne dispose plus d’un pouvoir absolu puisque le Conseil Constitutionnel contrôle le respect du principe de nécessité des peines. Le Conseil constitutionnel contrôle donc la nécessité des peines, selon un principe constitutionnel dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : seulement les peines « strictement nécessaires ». Le Conseil se réserve la possibilité de refuser une loi si la peine est manifestement disproportionnée (il intervient en fait rarement). Il intervient quand une sanction est manifestement disproportionnée ou encore en cas de sanction automatique. Mais il est rare qu’il écarte une disposition législative en disant que la sanction est manifestement disproportionnée.

Exemple : Montant de la peine disproportionné, l’affaire du « Canard enchaîné » (CC 30 décembre 1987). Le journal le Canard enchaîné a publié un article qui divulguait les revenus d’une personne. Une loi contre ces divulgations est intervenue, menaçant les journaux qui publiaient de tels détails, d’une amende égale au montant des revenus divulgués = une amende donc effectivement sans limites, et contre la liberté de la presse : le Conseil Constitutionnel l’a trouvée manifestement disproportionnée car de ce fait, l’entreprise aurait pu faire faillite. Il s’agit d’un délit sanctionné d’une amende.

Le Conseil constitutionnel refuse aussi les textes qui prévoient des sanctions automatiques car de ce seul fait ne sont pas forcément adaptées à la personnalité du délinquant ni nécessaire pour tous. Exemple : Décision CC du 13 août 1993 sur une loi prévoyait la reconduite à la frontière, accompagnait, emportait de plein droit de l’interdiction du territoire pendant un an. Ce dernier élément, automatique, sans possibilité de le modifier (en durée ou autrement) pour l’individualiser ni même d’en faire varier la durée, était contraire à la constitution.

C)Le respect de la dignité humaine.

Les sanctions ne peuvent pas constituer des traitements inhumains ou dégradants.

Donc, les peines, quant à leur nature, ne peuvent pas être des châtiments corporels (dont la peine de mort); et les privations de la liberté d’aller et venir doivent être les moindres possibles. Dont doit imposer le moins possible de contrainte physique.

Aussi, la contrainte doit être la plus faible possible : donc, le travail non rémunéré peut seulement être imposé avec l’accord du condamné. Exemple : Les délinquances sexuelles : il y a des obligations de soins, mais il ne faut pas que celles-ci soient contraires à la dignité (mais il faut protéger la société!) . L’individu reste donc libre de choisir le praticien qu’il préfère. Mais l’obligation de traitement est une obligation corporelle.

Les tribunaux accordent des sursis aux emprisonnements, souvent à condition d’une mise à l’épreuve (ex. un suivie médical). Autrement, le sursis est révoqué. Parmi les mesures du suivit, il peut avoir une injonction de soins : comme on l’a vu, il faut le consentement du condamné au traitement – mais ce consentement est donné sous menace d’emprisonnement. Le choix est donc là, même si la pression de l’emprisonnement est présente aussi. Il est difficile d’imaginer comment aller plus loin pour protéger la dignité du condamné.