Les incidents de paiement : opposition et défaut de provision

Les incidents de paiement (chèque)

Le chèque est un effet de commerce par lequel une personne dénommée le tireur donne l’ordre à une autre personne dénommée le tiré de payer une certaine somme au titulaire ou à un tiers, appelé le bénéficiaire à concurrence des fonds déposés chez le tiré. Deux questions : que se passe-t’il si le chèque est perdu ou volé? que se passe t’il si le compte n’est approvisionné?

— Après la perte ou le vol d’un chèques (ceux qui vous servent à payer), il est important de le faire annuler en formant opposition à leur encaissement. Cette démarche se fait auprès de la banque. Si la banque estime que l’opposition est justifiée l’encaissement du chèque est rendu impossible (ou est annulé, s’il a déjà eu lieu). Le compte ne sera pas débité.

— Les banques ne peuvent rejeter pour défaut de provision les chèques égaux ou inférieurs à 15 € émis depuis moins d’un mois. L’émission d’un chèque sans provision ne constitue pas un délit pénalement sanctionné, mais elle entraîne une interdiction d’émettre des chèques pour une durée de cinq ans, sauf en cas de régularisation (paiement du chèque).

1°)- L’opposition :

a)- Notion :

L’opposition est une interdiction au banquier de payer le chèque qui lui sera présenté tant qu’elle n’a pas été levée, régie par CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-35.

  • Auteur de l’opposition :

CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-35 semble réserver l’opposition au tireur.

Mais la Cour de cassation a admis dans certaines hypothèses que le porteur et ses créanciers puissent faire opposition : opposition pour redressement ou liquidation judiciaire du porteur (bénéficiaire ou sa banque).

Puisqu’avant dessaisissement et incapacité de la personne mise en liquidation judiciaire.

  • Cas d’opposition :

Cas énuméré par la loi : perte, vol, le redressement ou la liquidation judiciaire du porteur.

Et depuis la loi du 30/12/2001, en cas d’utilisation frauduleuse du chèque.

Il semble qu’elle puisse consister dans l’emploi de manœuvres frauduleuses pour se faire remettre un chèque, ou dans une falsification d’un chèque.

Le tireur averti de la falsification pourrait faire opposition au paiement sur le fondement de l’utilisation frauduleuse.

Cour de cassation ; 24/10/2000 : refuse de voir dans la remise immédiate à l’encaissement d’un chèque de garantie, une utilisation frauduleuse. Le chèque est un titre payable à vue.

En dehors de ces cas, l’opposition est illicite et le banquier doit informer tout tireur qui fait opposition, des sanctions applicables à l’opposition injustifiée (liste limitative).

Opposition illégitime : la provision reste bloquée, le tireur qui fait une telle opposition est assimilé à un tireur qui n’a pas fait provision, ou l’ayant retiré avant le paiement, quel que soit le solde du compte : délit de blocage.

  • Forme de l’opposition :

CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-35 : par tous moyens, mais le tireur doit confirmer son opposition par un écrit, quelque soit le support de cet écrit.

  • Appréciation du bien-fondé de l’opposition par le banquier (contrôle motif) ? :

Cour de cassation ; 8/10/2002 : le banquier n’a pas à vérifier la réalité du motif de l’opposition invoquée, il engage sa responsabilité pour tout paiement d’un chèque au mépris d’une opposition.

Et donc à contrario, il doit toujours refuser de donner effet à une opposition qui n’est pas fondée sur l’un des quatre cas légaux.

  • Effets de l’opposition :

Elle provoque la révocation immédiate de l’ordre de paiement, interdisant au banquier de payer le chèque qui lui sera présenté (obligation de ne pas faire).

Le banquier doit bloquer la provision correspondant au montant du chèque (obligation de faire), jusqu’à ce que l’opposition soit levée ou jusqu’à l’expiration du délai de prescription de l’action du porteur, c’est à dire un an à compter de l’expiration du délai de présentation (1an et 8 jours).

Com ; 16/07/1985 : la faute du tiré qui a payé au mépris d’une opposition, exclut toute action fondée sur l’enrichissement sans cause à l’égard du tireur, dans la mesure où l’on peut y voir une faute délibérée.

  • Levée de l’opposition :

La levée de l’opposition, ou main-levée, est une procédure offerte au porteur lorsque le tireur a fait opposition pour un autre cas que ceux autorisés par la loi (CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-35).

Ex : achat marchandises, non livrées : opposition. Le porteur peut demander la main-levée de l’opposition.

Cette procédure est portée devant le juge des référés, appartenant au seul porteur du chèque. Le juge des référés a une compétence liée, il est obligé de lever l’opposition, si elle a été faite pour un autre motif que ceux prévus par la loi.

Délai : Un an à compter de l’expiration du délai de présentation du chèque (1 ans et 8 jours).

– Soit levée de l’opposition : le tiré payera normalement le chèque, au vu de la décision du juge des référés.

– Soit il n’y a pas levée, tout se passe comme si le tireur n’avait jamais émis le chèque, le porteur n’obtiendra pas paiement du chèque et ne disposera pas de recours fondés sur le chèque.

2°)- Le défaut de provision :

A l’origine, en 1935, l’émission de chèque sans provision était un délit, sanctionné par les peines de l’escroquerie. Mais les infractions étaient si nombreuses que la répression est devenue aléatoire, arbitraire, certains tribunaux engorgés ne punissaient jamais, d’autres les sanctionnaient systématiquement.

  • La prévention était nécessaire, confiée au banquier : obligation de vérification avant la délivrance des chéquiers.
  • On distingue le tireur distrait et le tireur malhonnête.

L’infraction pénale a été redéfinie par la loi du 3/01/1975, puis une suppression de l’infraction pénale par celle du 30/12/1991.

De plus, le législateur a crée une faculté de régularisation au bénéfice du tireur.

Mais insuffisant, loi du 15/05/2001 et loi du 11/12/2001, pour tenter d’améliorer le sort des victimes des chèques sans provision.

a)-La sanction bancaire du chèque sans provision :

Elle va être prononcée au terme de la procédure d’interdiction bancaire.

L’interdiction bancaire a la nature d’une déchéance – sanction.

la décision du banquier tiré :

Lorsqu’un chèque non provisionné est présenté au paiement auprès du tiré, il peut :

– Soit payer le chèque, ce faisant il consent une facilité de caisse à son client.

– Soit de refuser le paiement du chèque : il y aura alors incident de paiement, chèque sans provision.

Com ; 5/12/2001 (chèque volé par le fils, découvert autorisé).

Le banquier doit avant de le refuser, informé son client tireur par tous moyens des conséquences du défaut de provision, CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-73 résultant de la loi Murcef du 11/12/2001.

2 conditions :

– défaut de paiement ;

– absence ou insuffisance de la provision.

Dès lors que le paiement a été effectué par le tiré, soit en vertu d’une obligation légale, soit même par erreur, l’interdiction bancaire ne pourra être prononcée. Idem si le banquier refuse le chèque, parce que la provision a été immobilisée par une saisie ou une opposition, fût-elle illicite.

– injonction par le banquier tiré :

Le banquier doit constater l’incident de paiement dans les 2 jours ouvrés.

Le banquier qui rejette le chèque doit adresser au tireur une lettre d’injonction, recommandée avec accusé de réception, ou simple si récidiviste.

Le banquier y informe son client qu’il lui est interdit d’émettre des chèques et qu’il doit restituer les formules de chèques qu’il a en sa possession à tous les banquiers dont il est client (interdiction élargie à l’ensemble des comptes du client).

Le banquier doit ensuite déclarer l’incident à la Banque de France.

Ce dispositif est automatique. Le tireur garde la possibilité de faire des chèques de retrait et des chèques certifiés.

Cette interdiction est une durée de 5 ans, à défaut de régularisation.

Conditions de l’injonction :

– le banquier doit refuser de payer le chèque.

– le banquier doit refuser pour défaut de provision.

→ si le banquier a payé le chèque sans provision, il ne peut faire une lettre d’injonction, idem s’il le refuse pour irrégularité formelle du chèque.

Le banquier n’a aucune latitude, s’il rejette le chèque pour défaut de provision, il est obligé de déclencher la procédure d’interdiction par la lettre d’injonction.

Le banquier se voit ainsi investi d’un véritable pouvoir de sanction, répressif.

Devant l’inefficacité des tribunaux de droit commun, le législateur a confié à des personnes privées, les banques, la sanction des chèques sans provision : recherche de l’efficacité économique.

Mais conformité avec l’art. 6 de la CESDH ? d’où obligation d’information et recours toujours possible de la décision du banquier.

Le juge des référés peut suspendre l’interdiction, au cas où la contestation du tireur paraît sérieuse.

la régularisation par le tireur :

CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-37 al 2 donne au tireur la possibilité de mettre fin à l’interdiction en régularisant sa situation, à tout moment pendant la période d’interdiction.

Le tireur peut payer le montant du chèque impayé sous 30 jours (à vérifier, livre).

  • S’il s’agit du premier incident, constaté depuis 12 mois :

Le tireur qui régularise dans un délai de 2 mois, à compter de l’injonction, ne paye aucune amende, à défaut il doit payer une pénalité.

  • Pénalité libératoire :

L’émetteur d’un chèque sans provision est tenu d’acquitter, outre le montant du chèque au titre de la régularisation, une pénalité libératoire, recouvrée au profit du Trésor Public.

La pénalité est calculée sur la fraction non provisionnée du chèque.

– Au-delà des 12 mois, ou si un autre incident de paiement a été régularisé dans les 12 mois, la régularisation est possible, mais assortie d’une amende : 22€ par tranche de 150€.

Cette tranche est calculée sur la fraction non provisionnée du chèque, et non plus sur le montant total du chèque.

– Lorsque cette fraction non provisionnée est inférieure à 150€, l’amende est ramenée à 5€.

– A partir du 4 e incident de paiement, dans une période de 12 mois, la pénalité est doublée.

La régularisation peut prendre deux formes :

– soit le paiement du chèque directement au porteur.

– soit la constitution d’une provision suffisante auprès du tiré.

Le deuxième mode de régularisation a posé des difficultés : pour régulariser sa situation suffit-il que le tireur dépose sur son compte une somme au moins égale au montant du chèque ?

Ou faut-il que le tireur affecte spécialement au paiement du chèque la somme déposée ?

Deux articles paraissent contradictoires :

CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; R131-22 : la régularisation et acquise lorsqu’est constituée à la demande du tireur une provision bloquée affectée au paiement effectif du chèque.

→ 2e solution.

CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-74 : tout versement effectué par le tireur, sur le compte duquel a été émis le chèque impayé, est affecté en priorité à la constitution d’une provision pour le paiement intégral de celui-ci.

→ 1ère

Com ; 22/02/2005 : il résulte de la combinaison de ces articles que l’affectation d’un versement du tireur, en priorité à la constitution d’une provision pour paiement d’un chèque impayé, suppose que le tireur est opté pour cette modalité de régularisation, en demandant à cet effet que la provision soit bloquée.

→ Le seul fait que le compte devienne débiteur ne suffit pas à la régularisation, il faut demander au banquier.

Com : la remise au banquier d’un chèque d’un montant supérieur à celui du chèque impayé n’opérait pas la régularisation, dès lors qu’il subsistait après remise un solde débiteur.

Mais cette solution a été remise en cause par la loi ultérieure : utilisation par le banquier du chèque remis pour apurer le découvert au lieu de l’affecter à la régularisation est condamnée.

L’information de la Banque de France :

(prévention)

CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-84 : le banquier tiré est tenu de déclarer dans les meilleurs délais à la Banque de France, tout incident de paiement : émission de chèque sans provision, régularisation, violation de l’interdiction d’émission.

Le banquier qui ne procèderait pas à cette information est soumis à des sanctions pénales.

La Banque de France centralise dans un fichier central, l’ensemble de ces informations et les tient à la disposition des banquiers.

C’est ce fichier central que les banquiers doivent consulter avant de délivrer des formules de chèque, pour s’assurer que leur client éventuel n’est pas interdit bancaire.

b)- La sanction judiciaire :

Jusqu’en 1975, l’émission de chèque sans provision était un délai.

Dépénalisation en 2 temps :

– Loi du 3/01/1975 : Le législateur a limité l’incrimination pénale à l’émission de chèque sans provision avec intention de porter préjudice à autrui.

– Loi du 30/12/1991 : a supprimé ce dernier délit, reste toutefois dans le Code Monétaire et Financier , quatre délits liés à l’émission de chèque sans provision.

Ces délits sont précisés à Code Monétaire et Financier . L163-2 :

– retrait ou blocage intentionnel de la provision

– endossement ou acquisition en connaissance de cause d’un chèque émis en vue de retirer la provision.

– l’émission de chèques au mépris de l’interdiction bancaire.

– l’émission d’un chèque par mandataire, alors que le mandat est sous le coup d’une interdiction bancaire et que le mandataire a été informé par le banquier de cette interdiction.

Pour que soit caractérisés l’un de ces délits, il faut prouver le caractère intentionnel : la volonté dûment établie de porter atteinte au droit légitime du bénéficiaire du chèque.

Ce qui exclut la simple négligence ou l’inattention.

Le ministère public doit rapporter la preuve de ce que, en bloquant ou en retirant la provision, le tireur avait l’intention de porter atteinte aux droits du bénéficiaire ou le porteur, à l’exception des droits qu’il détient sur la provision.

– soit intention de nuire à autrui en obtenant de lui, une prestation que seule la remise du chèque a déterminé le contractant à fournir

– soit de la volonté consciente du tireur de léser les droits du bénéficiaire ou du tiré par le défaut de provision.

Sanctions : 5 ans de prison et 375 000€

Pouvant être assortie de peines complémentaires : interdiction d’émettre des chèques, déchéance des droits civils, civiques et de famille.

L’action en justice pourra être déclenchée soit par constitution de partie civile émanant de la victime, soit par l’ouverture d’une information par le Parquet.

Mais le porteur du chèque s’il avait connaissance de l’absence, insuffisance ou blocage de la provision, pourra être considéré comme complice et sanctionné pénalement, idem pour l’endossataire du chèque.