Les infractions commises hors de France

LE PRINCIPE DE TERRITORIALITÉ : QUID DES INFRACTIONS COMMISES HORS DU TERRITOIRE DE LA RÉPUBLIQUE

Dans un système de territorialité, elles devraient échapper à la compétence de la loi pénale française toutes les fois qu’on ne peut les y rattacher par le jeu des règles précédemment étudiées.

Mais les nécessités de la répression, et notamment celle de la criminalité internationale, la nécessité de protéger les intérêts nationaux et les nationaux eux mêmes, tout ceci conduit à reconnaître la compétence de la loi française pour un nombre toujours plus grand d’infractions.

La question se trouve traitée aux articles 113-6 à 113-12 du code pénal et aux articles 689 à 689-7 du Code de Procédure Pénale.

Le système de la compétence personnelle (active, fondée sur la nationalité de l’auteur ou passive, fondée sur celle de la victime), le système de la compétence réelle fondée sur la nature de certaines infractions, voire de la compétence universelle qui tire parti de la présence en France de l’auteur de l’infraction peuvent ici venir au soutien de la compétence des juridictions et de la loi française. Nous allons voir dans quelles conditions ils sont retenus.

  1. A. Application de la loi française en raison de lanationalité française de l’auteur ou de la victime

On a ici, d’une part, les infractions commises par un français et celles commises sur une victime française et ces deux cas de figures ont des règles communes, et nous avons aussi le cas spécifiques des infractions sexuelles.

  • 1 les infractions commises par un français

Article 113-6« La loi pénale française est applicable à tout cri me commis par un français hors du territoire de la république.

Elle est applicable aux délits commis par des français hors du territoire de la république si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis.

Il est fait application du présent article lors même que le prévenu aurait acquis la nationalité française postérieurement au fait qui lui est imputé. »

  • 2 les infractions commises à l’étranger à l’encontre d’un français

« La loi pénale française est applicable à tout cri me, ainsi qu’à tout délit puni d’emprisonnement, commis par un français ou un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l’infraction. »

B application de la loi française en raison de l’atteinte àdes intérêts supérieurs français ou étrangers.

C’est l’article 113-10 : « La loi pénale française s’applique aux crimes et délits qualifiés d’atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation et réprimés par le titre Ier du livre IV, à la falsification et à la contrefaçon du sceau de l’Etat, de pièces de monnaie, de billets de banque ou d’effets publics réprimés par les articles 442-1, 443-1 et 44-1 et à tout crime ou délit contre les agents ou les locaux diplomatique sous consulaires français, commis hors du territoire de la République».

Ici, les conditions requises en matière de compétence personnelle ne sont pas exigées. On est en présence d’un système de compétence territoriale fictive et tout se passe comme si on était en France.

Mais en fait, en ces cas là, la loi française est applicable même si ces infractions portent atteinte à des intérêts supérieurs étrangers de sorte qu’on se rapproche de la compétence universelle.

Or, ici, la règle non bis in idem est exclue alors que des intérêts étrangers ont pu être atteints et ont peut être été sanctionnés.

C Compétence universelle des juridictions françaises par l’effet des conventions internationales.

  • 1 compétence universelle

Elle donne vocation à juger une infraction aux tribunaux de l’Etat sur lequel un suspect a été arrêté ou se trouve même passagèrement, quelque soit le lieu de commission de l’infraction, et quelque soient les nationalités de l’auteur et de la victime (R. Koering-Joulain).

Il s’agit là d’une compétence juridictionnelle essentiellement et secondairement législative qui est demeurée dans le Code de Procédure Pénal aux articles 689-1 à 689-9. Conséquence : s’agissant de règles de procédure, elles sont immédiatement applicables : Crim. 26 mars 1996 B n° 132 sur la compétence universelle des juridictions françaises pour juger les crimes commis dans l’ex Yougoslavie.

Autre question débattue : la prise en compte de la loi étrangère. En vertu du principe de solidarité des compétences juridictionnelle et législative vu plus haut, seule la loi française s’applique selon la jurisprudence. Or, on l’a dit, les dispositions en cause sont au Code de Procédure Pénale et il serait logique au moins tout en appliquant la loi française d’exiger la vérification que la loi française n’excède pas la loi du lieu de l’infraction. Pourquoi cette préconisation de la doctrine (Koering-Joulain et Lombois) ? Parce que la compétence n’est ici qu’accidentelle et il n’est pas très sain que la loi applicable soit celle du hasard de l’arrestation.

  • 2 conditions de mise en œuvre

La personne doit être trouvée en France et la procédure par défaut est donc exclue. (Cf. irrecevabilité des plaintes déposées contre des dirigeants serbes Crim 26 mars 1996 précité et par contre 6 janvier 1998 B n° 2 recevabilité d’une plainte contre un prêtre rwandais).

La règle non bis in idem s’applique, 692 Code de Procédure Pénale, mais en revanche aucune plainte ni dénonciation préalable n’est exigée et la réciprocité d’incrimination est indifférente.

  • 3 cas de compétence universelle.

Ils tendent à se multiplier. Les principaux se trou vent aux articles 689-2 à 689-9 du Code de Procédure Pénale. Ils résultent de différentes conventions internationales :

-convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants adoptée à new-York le 10 décembre 1984.689-2

-convention européenne pour la répression du terrorisme signée à Strasbourg en 1977et accord de Dublin de 1979.689-3

-convention sur la protection physique des matières nucléaires de 1980(689-4)

-convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et ses suites 1988. 689-5

-convention sur la répression de la capture illicite d’aéronefs et pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile de 1970 et 1971 ; 689-6

  • protocole pour la répression des actes illicites dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale de 1988 689-7

Protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes de 1996 et convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des communautés européennes de 1997 689-8

-convention internationale pour la répression des attentats terroristes de 1998, 689-9

A ces textes qui donnent dans tous ces domaines une compétence universelle aux juridictions françaises il convient encore d’ajouter quelques autres textes :

-les lois de 1995 et 1996 adaptant la législation française aux résolutions de l’ONU sur le jugement des crimes commis dans l’e x Yougoslavie ou au Rwanda.

La loi du 29 avril 1996 sur le trafic de stupéfiant en haute mer. La compétence peut ici résulter de conventions mais aussi d’arrangements particuliers d’Etat à Etat, au cas le cas.

  1. Cas particulier des infractions commises à bord ou à l’encontre d’aéronefs non immatriculés en France.

Article 113-11 du code pénal.Sous réserve des dispositions de l’article 113-9, la loi pénale française est applicable aux crimes et délits commis à bord ou à l’encontre des aéronefs non immatriculé en France :

1° Lorsque l’auteur ou la victime est de nationalité française ;

2° Lorsque l’appareil atterrit en France après le crime ou le délit ;

3° Lorsque l’aéronef a été donné en location sans équipage à une personne qui a le siège principal de son exploitation, ou à défaut sa résidence permanente sur le territoire de la république. Dans le cas prévu au 1° la nationalité de l’auteur ou de la victime de l’infraction est appréciée conformément aux articles 113-6, dernier alinéa, et113-7 ».

Le premier alinéa instaure donc un système de compétence personnelle active et passive, mais ici, seule la règle ne bis in idem s’applique. Les autres conditions du système de compétence personnelle ne sont pas requises.

Le second alinéa relève d’un système de compétence universelle puisque l’atterrissage en France donne compétence aux juridictions françaises par le seul fait que l’auteur se trouve en France.

Le troisième alinéa instaure enfin une sorte de compétence territoriale par extrapolation non bis in idem s’applique ici.

  1. Application de la loi française résultant d’un refus d’extradition : à un étranger pour un crime ou délit puni de plus de 5 ans mais commis à l’étranger.

Article 113-8-1 du Code Pénal (loi du 9 mars 2004) : Sans préjudice de l’application des articles 113-6 à 113-8, la loi pénale française est également applicable à tout crime ou à tout délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement commis hors du territoire de la République par un étranger dont l’extradition a été refusée à l’Etat requérant par les autorités françaises aux motifs, soit que le fait à raison duquel l’extradition avait été demandée est puni d’une peine ou d’une mesure de sûreté contraire à l’ordre public français, soit que la personne réclamée aurait été jugée dans ledit Etat par un tribunal n’assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense, soit que le fait considéré revêt le caractère d’infraction politique.

La poursuite des infractions mentionnées au premier alinéa ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public. Elle doit être précédée d’une dénonciation officielle, transmise par le ministre de la justice, de l’autorité du pays où le fait a été commis et qui avait requis l’extradition.

Nature de

Fondement

Réciprocité

Plainte ou

Non bis

Présence

l’infraction

de la

d’incrimination

dénonciation

in idem

de

compétence

préalable

l’auteur

en France

Crimes ou

Personnalité

Oui pour les

Oui pour les

Oui

non

délits commis

active

délits 113-6al 2

délits 113-8

pour les

par un

113-6

Sauf 113-7,

Sauf 113-11 al

délits

français

113-11 al 1

1

113-9

et 227-26

et les

crimes

Crimes ou

Personnalité

non

Idem

Idem

non

délits commis

passive

Ci dessus

Ci

sur un

113-7

dessus

français

Infractions

Réalité

non

non

non

non

portant

universalité

atteinte aux

113-10

intérêts

supérieurs de

la France ou

d’un état

étranger

Infractions

Universalité

non

non

Oui

Oui

visées dans

689-1 et s.

692

689-1

certaines

CPP

CPP

CPP

conventions

internationales

Infractions

Territorialité

non

non

non

non

connexes à une

113-2 et

infraction

Jurisprudence

Commise en

France