Le monopole d’exploitation attaché à la marque

LE MONOPOLE ATTACHÉ A LA MARQUE

La marque confère à son titulaire un monopole temporaire d’exploitation pour les produits et/ou services couverts par l’acte d’enregistrement sur tout le territoire françaisAux termes de l’article L712-1 du Code de propriété intellectuelle: «La propriété de la marque s’acquiert par l’enregistrement. La marque peut être acquise en copropriété.

L’enregistrement produit ses effets à compter de la date de dépôt de la demande pour une période de dix ans indéfiniment renouvelable »

La marque confère à son titulaire un droit de propriété sur le territoire français exclusivement : la contrefaçon est indépendante de la nationalité de l’auteur de la contrefaçon et des rapports contractuels entre les parties.

Par exemple, la CA Paris dans un arrêt du 31 mai 1994a rappelé que le droit de marque est un droit territorial.

I/ Les droits conférés par la marque (l’exploitation de la marque)

A) La conception positive du monopole : l’exploitation

Principe : La marque confère à son titulaire un monopole temporaire d’exploitation pour les produits et/ou services couverts par cette marque. Ce dernier est le seul à pouvoir décider des modes d’exploitation dont sa marque fera l’objet.

Le droit sur la marque représente une valeur dans le patrimoine de son titulaire. Il peut donc être l’objet de contrats à titre onéreux (ou gratuits) : cession ou licence.

1) Le contrat de cession de marque :

Définition : le contrat de cession de marque est une convention par laquelle une personne, appelée cédant, transfère le droit sur la marque au profit d’une autre personne, appelée cessionnaire, moyennant versement d’une contrepartie en argent.

La loi comporte peu de règles spécifiques à la cession de marque : elle obéit au régime de la vente (1502 à 1685 C civ)

Elle est évoquée à l’article L714-1 al 1 du Code de propriété intellectuelle: «Les droit attachés à une marque sont transmissibles en totalité ou en partie, indépendamment de l’entreprise qui les exploite ou les fait exploiter. La cession, même partielle, ne peut comporter de limitation territoriale. ». Il s’agit ici de la règle de la cession libre de la marque car la marque peut ainsi être cédée indépendamment du fond de commerce dont elle constitue un élément. Mais la marque peut, bien entendu, également être cédée avec le fond de commerce et, sauf circonstances exceptionnelles ou stipulations particulières, les marques son réputées cédées en cas de vente du fond de commerce.

L’étendue du transfert est fixée par accord des parties : le transfert peut porter sur la totalité ou une partie du droit sur la marque.

La cession est totale lorsqu’elle ne comporte aucune restriction ni quant aux produits pour lesquels la marque peut être utilisée, ni quant aux modes d’utilisation, ni dans le temps ou l’espace.

La cession est partielle lorsque la marque n’est cédée que pour certaines catégories de produits ou de services.

Il existe sur ce point une large liberté contractuelle.

Cependant, la cession, même partielle, ne peut comporter de limitation territoriale. Elle portera forcément sur l’ensemble du territoire national.

En revanche, la cession d’une marque française n’emporte pas transfert des marques étrangères homologuées, ni transfert du droit de priorité unioniste.

Un même contrat de cession peut porter sur plusieurs marques déposées dans des Etats différents. Chacune d’elles est soumise au droit de l’Etat de son enregistrement.

S’agissant des cessions de marque parallèles, déposées dans plusieurs Etats membres de la Communauté européenne, elles ne doivent avoir pour effet de « décloisonner » le marché commun.

Par le contrat de cession, le cessionnaire est subrogé aux droits du cédant.

Le cédant est tenu d’une obligation de garantie contre l’éviction et contre les vices cachés.

Le cessionnaire, quant à lui, n’est tenu qu’à l’obligation de payer le prix convenu qui a été librement fixé par les parties.

2) Le contrat de licence de marque :

Définition : la licence de marque est une convention par laquelle une personne, appelée concédant, autorise l’exploitation en tout ou partie d’une marque à une autre personne, appelée licencié, moyennant une rémunération consistant le plus souvent en des redevances proportionnelles à l’exploitation appelée aussi royalties. (on pourra rencontrer des licences gratuites)

La licence de marque a pour fonction de permettre à un titulaire de marque de tirer profit de certains marchés qu’il ne peut exploiter directement. C’est souvent un moyen d’exploiter une marque à l’étranger.

La licence de marque constitue une pièce essentielle du contrat de franchise.

L‘article L 714-1 al 2 CPIautorise la conclusion de contrat de licence de marque, mais ne prévoit pas de règles spécifiques : «Les droits attachés à une marque peuvent faire l’objet en tout ou partie d’une concession de licence d’exploitation exclusive ou non exclusive ainsi que d’une mise en gage. »

Ce contrat est soumis au régime général du louage de choses (art 1708 et suiv C civ).

Ainsi, on peut mettre à la charge du donneur de licence une obligation de délivrance, d’entretien et de garantie (dédoublée en une obligation de garantie contre l’éviction et contre les vices cachés).

Le licencié est, quant à lui, débiteur de deux obligations essentielles. A savoir celle de payer la rémunération convenue. Mais il est également débiteur d’une obligation d’exploiter (personnellement et pas de sous-licencié sauf clause contraire)

Si le licencié manque à ses obligations il encourt une résiliation de son contrat de licence. En revanche, s’il enfreint les limites de sa licence, il pourra être poursuivi pour contrefaçon.

Il n’existe en matière de marques aucune forme de licence imposée. Toute licence est conventionnelle.

La licence peut être totale : le licencié est autorisé à utiliser la marque pour désigner tous les objets énumérés dans le dépôt, sans restriction quant aux modalités d’utilisation.

La licence peut être partielle : le licencié est autorisé à utiliser la marque pour désigner certains objets seulement.

3) Le nantissement

Mise en gage de la marque pour obtenir un financementEcrit à peine de nullité, publication au RNM, art 2073 et svt CC s’appliquent.

4) Les apports en société :

Ils ont soit la forme d’une cession de marque (apport en propriété) soit la forme d’une concession de licence de marque (apport en jouissance

B) La conception négative du monopole : l’action contre les tiers

Le droit sur la marque est un droit mobilier incorporel, à caractère réel : en conséquence le titulaire peut s’opposer à toute atteinte à son droit, qui constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile ou pénale de son auteur

1) La contrefaçon, délit civil :

Le droit de marque est défini par les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle de manière négative

Certains actes peuvent être empêchés alors même qu’il n’y a pas de risque de confusion avec la marque (L 713-2 CPI) :

  • Le fait de reproduire, de faire usage, d’apposer une marque ou de faire usage d’une marque reproduite pour désigner des produits et/ou des services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement
  • Le fait de modifier ou de supprimer le signe de la marque régulièrement apposée

Au contraire, certaines atteintes impliquent un risque de confusion avec la marque pour permettre à son titulaire d’agir en contrefaçon (L713-3 CPI) :

  • Le fait de reproduire, de faire usage, d’apposer une marque ou de faire usage d’une marque reproduite pour désigner des produits et/ou des services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement
  • Le fait d’imiter une marque ou de faire usage d’une marque imitée pour désigner des produits et/ou des services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.

De plus, le titulaire de la marque peut s’opposer à la diffusion de messages publicitaires utilisant sa marque lorsque celle-ci vise à tromper le consommateur (art L 115-33 du Code de la consommation)

Enfin, les titulaires de marques notoires bénéficient d’une protection étendue : l’emploi d’une telle marque pour des produits ou services même différents de ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité de son auteur « s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière » (art L713-5 CPI).

2) La contrefaçon, délit pénal :

Aux termes de l’article L 716-9 du CPI, constituent des infractions pénales les faits suivants :

  1. Le fait d‘importer sous tout régime douanier, d’exporter, de réexporter ou de transborder des marchandises présentées sous une marque contrefaite
  2. Le fait de produire industriellement des marchandises présentées sous une marque contrefaite
  3. Le fait de donner des instructions ou des ordres pour la commission des actes visés aux a) et b).

Ces atteintes au monopole du titulaire de la marque sont punies de quatre ans d’emprisonnement et de 400 000 euros

L’article L716-10 du CPI puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende les actes suivants, lorsqu’ils sont accomplis sciemment :

  • La détention sans motifs légitimes des produits revêtus d’une marque contrefaite
  • La vente, la mise en vente, la fourniture ou l’offre de fourniture de produits ou de services sous une telle marque
  • La livraison d’un produit ou d’un service autre que celui qui aura été demandé sous une marque enregistrée.

Enfin, l’article L217-1 du Code de la consommation permet au titulaire de la marque d’agir en contrefaçon à l’encontre de toute personne ayant frauduleusement supprimé, masqué, altéré, ou modifié de façon quelconque (…) les signes de toute nature apposés sur les produits et servant à les identifier.

Sont aussi punissables la vente, offre en vente ou détention de l’objet ainsi modifié par un professionnel de bonne foi (L212-2 et L 217-3 Code Consom).

Le Cours complet de droit de la propriété industrielle est divisé en plusieurs fiches :