La procédure d’acquisition de la marque

LA PROCÉDURE D’ACQUISITION DES MARQUES

Acquisition du droit par le dépôt et non par l’usage.Deux systèmes s’opposent dans le monde quant à l’acquisition du droit sur la marque.

  • Le mode naturel d’appropriation d’une marque est l’usage puisque c’est par l’usage que la marque remplit sa fonction. Pour assurer une protection à cette dernière, certains États ont retenu un système d’usage attributif, dans lequel l’usage crée le droit. Le droit sur la marque appartient alors à celui qui, le premier, en a fait usage.
  • la sécurité des tiers peut conduire à exiger pour la naissance même du droit que le signe soit déposé. C’est pourquoi un certain nombre de pays imposent le dépôt constitutif de droit, dans lequel le dépôt – suivi d’enregistrement – est le seul mode d’acquisition du droit sur la marque.

1° Dépôt constitutif de droit

  • Acquisition par le dépôt – Aux termes des articles L. 712-1 et L. 713-1 du Code de la propriété intellectuelle, la propriété de la marque s’acquiert par l’enregistrement : le droit de marque est conféré par le dépôt aux fins d’enregistrement et non par l’usage. Ainsi, l’usage d’une marque non déposée ne confère à son utilisateur aucun droit privatif sur la marque, ceci en raison de l’absence d’un dépôt de marque effectué auprès de l’INPI (V. infra n° 54).
  • Une marque non déposée mais notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention d’Union de Paris, confère à son titulaire le droit de s’opposer à la reprise de ce signe par un tiers

2° Effets du dépôt

  • Le droit naît du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque, mais seul l’enregistrement est constitutif de droit.
  • L’enregistrement produit ses effets à compter de la date de dépôt. Toutefois, la demande d’enregistrement de la marque n’est pas opposable aux tiers avant sa publication. Pour la rendre opposable, il faut la notifier à la personne intéressée conformément aux dispositions de l’article L. 716-2, alinéa 2, du Code de la propriété intellectuelle (CA Paris, 19 déc. 1995 : PIBD 609/1996, III, p. 189).

3° Action en revendication

  • Si un enregistrement a été demandé, soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice devant le tribunal de grande instance (TGI Strasbourg, 8 sept. 1997 : PIBD 641/1997, III, p. 560) .

À moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement (CPI, art. L. 712-6).

  • Effets de l’action en revendication – Il appartient au demandeur à l’action de démontrer la fraude. Si l’action aboutit, la propriété de la marque est transférée au demandeur (CA Paris, 12 sept. 1997 : PIBD 646/1998, III, p. 57).

Le transfert de propriété est inscrit au Registre national des marques (CPI, art. R. 714-2).

A- Dépôt de marque et procédure d’enregistrement

1° Dépôt d’une demande d’enregistrement de marque

a) Déposant

  • Toute personne physique ou morale, de droit public ou de droit privé, peut déposer une demande d’enregistrement de marque, peu importe l’activité du déposant (CPI, art. L. 711-1).

Ainsi, les syndicats, les associations [i]peuvent déposer une demande d’enregistrement ; une société en formation peut également déposer une demande d’enregistrement de marque sous réserve de reprendre, une fois immatriculée, les engagements souscrits pour son compte pendant la période de formation (TGI Paris, 19 mars 1996 : PIBD 623/1997, III, p. 3)

  • Étranger domicilié ou établi en France – Un étranger (personne physique ou morale) domicilié ou établi en France peut déposer une marque.
  • Étranger domicilié ou établi hors du territoire français – Un étranger (personne physique ou morale) non domicilié ou établi en France peut déposer une marque s’il est ressortissant d’un État signataire de la Convention d’Union de Paris ou s’il remplit les conditions de réciprocité imposées par l’article L. 712-11 du Code de la propriété intellectuelle sous réserve de faire élection de domicile en France et de constituer un mandataire (CPI, art. L. 712-2 et art. R. 712-2 – V. infra n° 65) .
  • Pluralité de déposants – Une marque peut être déposée par plusieurs personnes sous réserve de constituer un mandataire commun (CPI, art. R. 712-2) . La copropriété de la marque est gouvernée par les règles de droit commun des articles 815 et suivants du Code civil sauf stipulations contraires de la convention.

b) Dépôt : personne habilitée pour effectuer le dépôt

  • Déposant – Le dépôt peut être fait personnellement par le déposant (CPI, art. R. 712-2)
  • Mandataire : recours facultatif – Le dépôt peut être fait également par un mandataire ayant son domicile, son siège ou un établissement en France (CPI, art. R. 712-2) . Si le mandataire n’a pas qualité de Conseil en propriété industrielle, il doit joindre un pouvoir, dûment signé par le déposant, qui s’étend à tous les actes de procédure d’enregistrement de la marque, à l’exception du retrait de la demande d’enregistrement ou de sa renonciation (CPI, art. R. 712-2) .

Le pouvoir est dispensé de légalisation, de droit de timbre et d’enregistrement (CPI, art. R. 712-2) .

Mandataire : recours obligatoire – Les personnes physiques ou morales n’ayant pas leur domicile ou leur siège en France doivent, dans un délai qui leur est imparti par l’INPI, constituer un mandataire domicilié ou établi en France (art. R. 712-2) .

La constitution d’un mandataire est également obligatoire dans le cas d’un dépôt de marque en copropriété (CPI, art. R. 712-2) .

c) Lieu du dépôt

Déposant domicilié ou établi en France – Le dépôt peut être effectué soit à l’INPI ou à un centre régional de l’INPI, soit au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance en tenant lieu, dans le ressort duquel le déposant est établi ou domicilié (CPI, art. R. 712-1) .

Déposant n’ayant pas un domicile ou un établissement en France – Le dépôt doit avoir obligatoirement lieu à l’INPI (CPI, art. L. 712-2).

d) Modalité du dépôt

  • Dépôt matériel – Le dossier peut être déposé directement à l’INPI ou auprès d’un centre régional de l’INPI ou du greffe du tribunal de commerce ou de grande instance en tenant lieu (CPI, art. R. 712-1).
  • Dépôt sous pli postal – Le dépôt peut résulter de l’envoi à l’INPI d’un pli postal recommandé avec demande d’avis de réception (CPI, art. R. 712-1).
  • Autre mode de transmission – Le dépôt peut aussi résulter d’un message par tout mode de télétransmission défini par décision du Directeur de l’INPI (CPI, art. R. 712-1) .Selon la décision n° 95-196 du 27 juin 1995 (PIBD 593/1995, I, p. 75) , les demandes d’enregistrement de marque peuvent être déposées par l’envoi d’une télécopie à l’INPI de Paris ou dans l’un des centres régionaux . Sont exclues de ce mode de transmission, les demandes d’enregistrement de marques revendiquant des couleurs.

e) Dossier de la demande d’enregistrement

  • La demande d’enregistrement doit être présentée dans les formes et conditions fixées par le Code de la propriété intellectuelle (art. L. 712-2) et précisées par des dispositions réglementaires dudit code (art. R. 712-1 à R. 712-26) .

Il importe de respecter scrupuleusement les conditions imposées par les textes législatifs et réglementaires et notamment d’acquitter les redevances fixées dans les délais prescrits afin d’effectuer un dépôt régulier et valable. Faute de satisfaire à ces conditions, la demande d’enregistrement de marque peut être rejetée par l’INPI (CPI, art. L. 712-2 et L. 712-7) et le déposant perd tous ses droits de marque attachés à la demande.

  • Éléments à fournir :

– Un formulaire administratif obtenu auprès de l’INPI dûment complété à l’encre noire en cinq exemplaires doit être joint au dossier de la demande en indiquant

– l’identification du déposant,

– le modèle de la marque,à savoir le signe à protéger ,

– les produits et/ou services couvrant le signe, les classes administratives de la classification internationale de l’Arrangement de Nice (CPI, art. R. 712-3) .

La rédaction du libellé des produits et services doit être effectuée avec soin. En effet, ce libellé détermine l’étendue du droit sur la marque (Cass. com., 13 oct. 1992 : Ann. propr. ind. 3/1993, p. 130 : il n’y a pas d’obligation à énumérer tous les objets couverts dès lors qu’une expression permet de les désigner de manière concise et très précise. – CA Paris, 3 avr. 1998 : D. 1998, jurispr. p. 1095 : les services doivent être définis très précisément, afin de délimiter l’activité : refus des mentions « négoce de tout bien d’équipement » et « location de tout bien professionnel »).

La classification internationale est dépourvue de toute portée juridique (CA Paris, 10 sept. 1997 : PIBD 643/1997, III, p. 618) .

De plus, il faut joindre la justification du paiement des redevances prescrites (CPI, art. R. 712-3) et éventuellement le pouvoir du mandataire (CPI, art. R. 712-3. – Cass. com., 13 mai 1997 : PIBD 638/1997, III, p. 469 : non-justification du mandat dans le délai prescrit : procédure rejetée).

Un même dépôt ne peut porter que sur une seule marque (CPI, art. R. 712-3, in fine) .

2° Recevabilité du dépôt et publication de la demande d’enregistrement

À la réception du dépôt, sont mentionnés sur la demande d’enregistrement : la date, le lieu et le numéro d’ordre de dépôt pour les dossiers non déposés à l’INPI ou le numéro national pour les dépôts effectués directement à l’INPI (CPI, art. R. 712-5 et R. 712-6) . Un récépissé de dépôt est remis au déposant ou à son mandataire (CPI, art. R. 712-5) .

Si le dépôt ne satisfait pas aux conditions de l’article R. 712-7 du Code de la propriété intellectuelle, il est déclaré irrecevable. C’est notamment le cas lorsqu’il n’est pas accompagné de la justification du paiement de la redevance de dépôt.

Si le dépôt est reconnu recevable, la demande est publiée au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle (BOPI) dans les six semaines suivant le dépôt (CPI, art. R. 712-8).

B- Instruction de la demande d’enregistrement de la marque

1°-Examen de la demande d’enregistrement

  • Examen effectué par l’INPI – L’INPI vérifie, d’une part, que la demande d’enregistrement et les pièces jointes sont conformes aux prescriptions en vigueur et, d’autre part, que le signe déposé peut constituer une marque par application des articles L. 711-1 et L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ou peut être adopté comme marque par application de l’article L. 711-3 dudit code (CPI, art. L. 712-7 et R. 712-10) .
  • En cas d’irrégularité de la demande, une notification motivée est adressée au déposant ou à son mandataire (CPI, art. R. 712-11, R. 718-3 et R. 718-4) . Un délai inférieur à quatre mois lui est imparti (CPI, art. R. 718-1) pour régulariser le dépôt ou contester les objections de l’INPI (CPI, art. R. 712-11) . La notification peut être assortie d’une proposition de régularisation, elle est réputée acceptée si le déposant ne la conteste pas dans un délai imparti (CPI, art. R. 712-11) . Toute notification portant sur le fond ne peut être émise plus de quatre mois après la date de réception de la demande à l’INPI (CPI, art. R. 712-11).
  • Rejet de la demande – La demande d’enregistrement est rejetée si le déposant n’a pas fait connaître dans le délai prescrit ses prétentions ou si l’INPI considère malgré la réponse du déposant que la demande ne satisfait pas aux conditions imposées par le Code de la propriété intellectuelle (CPI, art. L. 712-7 et art. R. 712-11) .Lorsque les motifs de rejet n’affectent la demande qu’en partie, il n’est procédé qu’à son rejet partiel (CPI, art. L. 712-7).

La décision de rejet doit être motivée ; un recours peut être formé (CPI, art. L. 411-5 et R. 411-19 à R. 411-26).

Contrairement à certaines législations étrangères, aucune recherche d’antériorité n’est effectuée par l’INPI. Cela aurait demandé un travail trop lourd pour l’IRPI, la loi de 1991 a donc innové en créant la possibilité de faire opposition

2°- Observations ou opposition à l’enregistrement de la demande

Pendant le délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement, toute personne intéressée peut formuler des observations auprès du directeur de l’INPI, qui les communique au déposant (CPI, art. L. 712-3) . Ces observations sont dépourvues de tout effet juridique, la procédure d’enregistrement de la demande poursuit normalement son cours (CPI, art. R. 712-9).

  • La procédure d’opposition est facultative même si le titulaire de droits antérieurs a connaissance de la demande d’enregistrement. Il peut ultérieurement engager une action en contrefaçon contre cette marque, même s’il n’a pas formé une opposition (CA Paris, 26 févr. 1997 : PIBD 634/1997, III, p. 334) .

  • Procédure d’opposition :

Ø Pendant un délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement, les titulaires de droits antérieurs remplissant les conditions de l’article L. 712-4 du Code de la propriété intellectuelle peuvent, en acquittant une redevance , faire opposition à l’enregistrement de la marque suivant les modalités des articles R. 712-13 et suivants du Code de la propriété intellectuelle (Cass. com., 13 mai 1997 : PIBD 638/1997, III, p. 466) . Toute opposition formée après ce délai est irrecevable (CPI, art. L. 712-4 et R. 712-15 et art. R. 717-5. – CA Paris, 18 oct. 2000 : PIBD 713/2000, III, p. 55) .

Ø Personnes habilitées à former une opposition – Seules les personnes énumérées à l’article L. 712-4 du Code de la propriété intellectuelle peuvent former opposition, personnellement ou par l’intermédiaire d’un mandataire (CPI, art. R. 712-13) , à savoir

le propriétaire d’une marque enregistrée ou déposée antérieurement ou bénéficiant d’une date de priorité antérieure ;

le propriétaire d’une marque antérieure notoirement connue;

le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation, sauf stipulation contraire du contrat.

Ø Instruction de la demande et décision du Directeur de l’INPI – La procédure d’opposition doit respecter le principe du contradictoire, toute observation communiquée à l’INPI doit être communiquée à l’autre partie(CPI, art. L. 712-5 et R. 712-16).

L’opposition est notifiée sans délai au titulaire de la demande d’enregistrement, qui dispose d’un délai imparti par l’INPI pour présenter les observations en réponse (CPI, art. R. 712-16) . Si le titulaire de la demande ne donne pas suite dans le délai fixé, il est statué sur l’opposition (CPI, art. R. 712-16).

Si des observations en réponse ont été produites, un projet de décision par l’INPI est alors établi. Ce projet est notifié aux parties qui disposent d’un délai imparti pour éventuellement le contester (CPI, art. R. 712-16).

Le titulaire de la demande d’enregistrement peut, dans ses premières observations en réponse, inviter l’opposant à produire des pièces propres à établir que la déchéance de ses droits pour défaut d’exploitation n’est pas encourue (CPI, art. R. 712-17. – CA Paris, 12 janv. 1996 : PIBD 622/1996. III, p. 613 : l’article 643 du Nouveau Code de procédure civile ne s’applique pas aux délais impartis par l’INPI).

Ce projet vaut décision s’il n’est pas contesté. Dans le cas contraire, il est statué sur l’opposition au vu des dernières observations écrites et éventuellement orales (CPI, art. R. 712-16) .

  • Clôture ou rejet de la procédure d’opposition – La procédure est clôturée notamment, lorsque les effets de la marque opposée ont cessé (CA Paris, 21 févr. 2001 : Juris-Data n° 2001-138935 : nullité de la marque antérieure, objet de l’opposition), lorsque l’opposant a perdu qualité pour agir ou n’a fourni dans le délai aucune preuve d’exploitation de sa marque (CA Paris, 21 févr. 2001 : Juris-Data n° 2001-138940) ou lorsque les parties ont trouvé un accord ou lorsque la demande d’enregistrement sur laquelle l’opposition est formée est retirée (CPI, art. R. 712-18) .

L’opposition est réputée rejetée s’il n’est pas statué dans un délai de six mois à compter de l’expiration du délai de deux mois pour former opposition, sauf exceptions prévues à l’article L. 712-4 du Code de la propriété intellectuelle.

  • Recours contre la décision du Directeur de l’INPI – Un recours peut être formé par l’une des parties à l’opposition devant la cour d’appel selon les modalités des articles R. 411-19 et suivants du Code de la propriété [ii]

Il appartient à l’opposant de démontrer que les produits et services visés par la demande d’enregistrement sont identiques ou à tout le moins similaires à ceux désignés par sa marque et que les signes en cause présentent une similitude d’ensemble

  • Conséquences d’une opposition sur la demande d’enregistrement – Si l’opposition est reconnue justifiée, la demande d’enregistrement est rejetée dans sa totalité ou partiellement (CPI, art. L. 712-7).

3° Enregistrement de la demande

La marque est enregistrée, à moins que la demande n’ait été rejetée ou retirée. L’enregistrement est publié au BOPI (CPI, art. R. 712-23). Un certificat est adressé au titulaire ou à son mandataire.

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