Les missions de service public des établissements de soin

Les missions des établissements de santé

Les missions des établissements de santé peuvent être résumées en deux types de mission :

  • – Les missions générales définies à l’article L611-2 du Code de la Santé Publique. Il y en a 5.
  • – Les missions de service public ont été précisées par la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, plus connue sous l’expression «Hôpital, patients, santé et territoire», abrégée en HPST et dite aussi loi Bachelot, est une loi française promulguée le 21 juillet 2009. Elle a été préparée fin 2008 par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot.

A- Les missions générales des établissements de santé

Les missions générales sont directement définies par la loi elle-même. L’article L. 6111-1 du Code de la Santé Publique donne aux établissements de santé 5 missions générales que tout établissement de santé doit remplir :

  • Les établissements de santé assurent le diagnostic, la surveillance, le traitement des malades, blessés et femmes enceintes.
  • Ils délivrent les soins avec hébergement sous forme ambulatoire ou à domicile du domicile pouvant s’entendre comme lieu de résidence ou d’un établissement avec hébergement relevant du code de l’action sociale et des familles.
  • Ils participent à la coordination des soins en relation avec les membres des professions de santé exerçant en pratique de ville et les établissements et services médico-sociaux dans le cadre définit par l’ARS en concertation avec les conseils généraux pour les compétences qui les concernent. Il y a une référence aux conseils généraux car les départements ont avant tout une vocation sociale.
  • Ils participent à la mise en œuvre de la politique de santé publique et au dispositif de vigilance sanitaire destiné à garantir la sécurité sanitaire. On pense principalement au rôle des établissements publics en cas de menace pour la sécurité sanitaire d’une population.
  • Ils mènent en leur sein une réflexion sur l’éthique liée à l’accueil et la prise en charge médicale. Cela concerne les conditions d’accueil et aussi les questions bioéthiques sur la façon dont on traite les patients, on requiert leur consentement,…

B- Les missions de service public

Cette question illustre bien à la fois l’importance de la question sanitaire et de la prise en charge des questions de santé et aussi la question de la modification apportée par la loi HPST de 2009. Cette loi a opéré une grande évolution dans l’approche des missions de service public, question au cœur de la matière du droit de la santé.

Premier élément, les hôpitaux publics dès 1936 ont été considérés comme gérant un service public : Conseil d’Etat. Section. 21 février 1936. Société anonyme des armateurs français. A l’époque, il n’y avait rien d’évident à désigner et considérer les hôpitaux comme gérant un service public. On considérait que la relation patient/médecin était privée, que la prise en charge des soins était privée et il y avait peu d’égard pour les questions de santé publique. Cette jurisprudence est significative d’une période dans laquelle on accroit les droits sociaux sur le fondement d’une conception appelée solidariste à l’époque. Il y a dans une vie en société une interdépendance des individus entre eux et le bien être commun, la santé commune, a une importance pour l’ensemble de la société et pour chacun des individus. Les questions de santé font parties des éléments essentiels du bien être social.

Il y a donc l’idée d’un service public de la santé qui veut dire application des lois des services publics et donc faire passer la question de santé au rang de service public c’est permettre un accès égalitaire et permanent. On sort donc de l’idée d’une question privée pour faire entrer la santé dans une conception solidariste de la santé individuelle ou publique. Cette jurisprudence de 1936 est significative de cette période.

Cela étant, on n’a pas écarté les personnes privées des missions de service public et du service public lui même. On a rapidement admit que des personnes de droit privé puissent exercer des missions de service public spécifiques. Cela a été le cas en matière psychiatrique mais en réalité cela ne se faisait pas dans des conditions dignes respectant l’intérêt général car cela relevait d’avantage de l’enfermement. Majoritairement, le service public créé en 1936 est dédié aux personnes publiques.

1- La législation antérieure à la loi HPST de 2009

On avait des missions d’intérêt général définit par l’article L. 6112-1 du Code de la Santé Publique. On avait les missions de diagnostic, de traitement des malades et blessés ainsi que d’autres missions comme la formation et la recherche, la médecine préventive, l’éducation pour la santé, l’aide médicale d’urgence, la lutte contre l’exclusion sociale, les soins apportés aux détenus et aux étrangers placés en centre de rétention administrative.

Ces différentes missions se voient toujours à la lumière des lois générales du service public : égalité, continuité, mutabilité. Concernant la continuité, c’est la permanence des soins, permanence territoriale et temporelle et donc les soins ne doivent pas être interrompus dans le temps ou géographiquement à l’égard de toute personne. Concernant l’égalité, c’est le principe de non discrimination et donc l’égalité d’accès au service public et donc par exemple adaptabilité du prix. Concernant la mutabilité, il faut constamment adapté le service public aux évolutions.

Ce service public est principalement pris en charge par les établissements publics administratifs de santé. Dans la législation antérieure, il y a la possibilité d’associer une personne privée à la gestion d’une mission de service public et donc il n’y a pas de monopole du service public pour les personnes publiques mais il n’y a pas d’obligation pour les personnes privées participantes non plus. D’un point de vue concret, qui dit service public dit « marché » car en cas de délégation de service public, il y a rémunération et donc il y a dons de « marché ». Il y avait donc des personnes privées intéressées par la prise en charge de service public, lucrative ou non lucrative. On pouvait donc trouver des associations, donc personne privée sans but lucratif, chargées d’une mission de service public.

2- Le changement apporté par la loi HPST de 2009

La loi HPST de 2009 modifie complètement cette structure dite du service public hospitalier. On avait un axe de pensée selon lequel les personnes publiques remplissent des missions de service public car elles sont légitimes et tournées vers l’intérêt général. On a changé avec la loi HPST en considérant que les personnes privées, au même titre que les personnes publiques, pouvaient remplir des missions de service public. On a donc abandonné le critère organique pour un critère purement matériel qui est la prise en charge d’une mission de service public.

En principe, il n’y a plus d’attachement au critère organique mais en pratique les établissements publics de santé ont toujours le moteur principal. En pratique, on retrouve donc une omniprésence des établissements publics de santé car les personnes privées ne sont pas capables de remplacer ou « concurrencer » les établissements publics.

Cette conception est inspirée du droit de l’Union européenne, de ce qu’on appelle les services d’intérêt général car le droit de l’Union européenne lui-même ne prend pas en considération le critère organique.

a- Les missions de service public

La loi HPST (La loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, plus connue sous l’expression « Hôpital, patients, santé et territoire », abrégée en HPST et dite aussi loi Bachelot) ne modifie pas substantiellement les missions qui doivent être accomplies. On conserve donc à peu près les mêmes missions, la seule chose changeante concerne les personnes pouvant les prendre en charge. L’article L. 6112-1 reprend ces missions. Evidemment, il reprend les lois de Rolland (égalité, continuité, mutabilité) car toutes les personnes en charge d’une mission de service public doit respecter les principes essentiels de gestion d’un service public, sinon ce n’est pas un service public.

Second point, on a une liste de missions de service public détaillée qui sont obligatoires :

  • obligation d’unité de soins palliatifs : il doit y avoir obligatoirement sur le territoire français des soins palliatifs qui sont des soins apportés aux personnes atteintes de maladies graves ou évolués dans leur pathologie, voir les soins apportées en fin de vie et donc il s’agit de soulager
  • prise en charge de personnes faisant l’objet de soins psychiatriques : cela se fait avec ou sans leur consentement
  • les soins apportés aux détenus et aux étrangers en centre de rétention administrative
  • enseignement et recherche : avec un monopole de la fonction publique (donc restriction aux personnes privées)
  • formation continue des médecins
  • participation à la politique de santé publique
  • ensemble des missions générales des établissements de santé : c’est-à-dire diagnostic et traitement des malades, blessés et femmes enceintes

b- Les modalités d’attribution de service public

C’est l’évolution principale opérée par la loi HPST de 2009 et donc c’est l’idée que le service public ne relève plus principalement des établissements publics de santé. Il y a donc abandon de la notion de service public hospitalier. Cela se traduit dans le Code de la Santé Publique par une disposition : L. 6112-2 qui dit que les missions de service public peuvent être confiées à tout établissement de santé. L’article ne donne donc plus de priorité aux établissements publics et on a même des missions de service public qui ne sont pas réservées aux établissement de santé, c’est-à-dire qu’on peut confier des missions de service public à des personnes privées qui ne constituent pas des établissements privés de santé comme les maisons de santé.

La répartition du service public est compliquée. D’abord, on a un certain nombre de missions qui étaient déjà attribuées à des personnes publiques et qui ne sont pas réattribuées aujourd’hui.

Premier élément, on procède à la détermination des besoins des populations. Cette détermination des besoins est faite pas l’ARS qui élabore tous les 5 ans un document qui est le schéma régional d’organisation des soins. Le niveau de détermination est le territoire qui peut être inter régional, supra départemental,… en fonction de la densité de la population et donc cela n’est pas calqué sur les collectivités territoriales.

Une fois ce document préparé, il est confronté à l’offre de soins déjà existante sur le territoire de santé. Ici, l’ARS va établir une sorte d’inventaire des services existants, aussi bien l’inventaire des services importants que des petites structures privées.

L’ARS doit lancer un appel à candidature pour octroyer à une personne privée ou publique la mission de service public. Si l’ARS se rend compte que l’adéquation est parfaite entre les besoins et l’offre, l’appel à candidature n’est pas nécessaire et donc ce dernier est obligatoire qu’en cas d’écart.

L’évolution de la loi HPST est donc que chacun est mis sur un pied d’égalité. Si une personne privée a un dossier plus solide que celui de la personne publique, la personne privée obtiendra le « marché ». Mais, encore une fois, les structures publiques importantes ont plus les moyens de prendre en charge certaines missions de service public.

On a une autre disposition en pratique qui est un peu plus dérogatoire, qui est une procédure exceptionnelle. C’est un appel d’offre qui a une nécessité impérieuse d’intérêt général. Ici, on n’a pas besoin de se fonder sur le schéma régional. En cas de nécessité impérieuse en matière de santé, l’ARS peut lancer un appel d’offre pour une mission de service public de 12 mois. Après, l’ARS doit procéder à un appel d’offre classique en fonction des besoins sur la base du schéma régional.

Le législateur n’est donc pas allé au bout de sa logique de simplification personne privée/personne publique. On a maintenu un régime spécifique qui est un régime d’association entre personnes publiques et personnes privées, par exemple pour la lutte contre le cancer où il y a nécessairement une association entre les personnes publiques et les centres qui sont des établissements privés de santé d’intérêt collectif c’est-à-dire sans but lucratif.

Concernant les obligations des bénéficiaires des délégations de service public, il y a une obligation de respect de l’ensemble des règles de service public donc un régime un peu contraignant qui doit garantir l’égal accès des soins de qualité à chaque patient, la permanence de l’accueil et de la prise en charge au tarif servant de base au remboursement de l’assurance maladie (absence de liberté de fixation des honoraires pour les établissements de santé).

On est en 2014 et donc les conséquences pratiques ne se sont pas encore traduites. Simplement, on mesurera l’évolution avec plus de recul et donc on verra si effectivement les personnes privées prennent une importance accrue dans la gestion des missions de service public de la santé.

Concernant l’égalité entre personnes privées et publiques dans l’accès aux missions de service public, cela prête à débat politique et on a devant le ministère une réforme en cours qui tend à revenir sur ce qu’a fait la loi HPST. L’arrière plan est de savoir si on fait un service public hospitalier et si on confit ce service en priorité aux personnes publiques. Cette réforme est significative d’une volonté politique derrière laquelle le droit positif ne suit pas nécessairement car on a une différence entre ce qui est communiqué et ce qui sera le droit positif demain. « Le service public hospitalier sera formellement réaffirmé dans la loi en définissant ses acteurs, ses missions, ses droits et ses obligations. L’exercice du service public hospitalier doit être confié à l’hôpital public sans pour autant que celui ci en ait le monopole » (extrait de la lettre de réforme). On trouve dans deux déclarations dont l’une faite suite à l’autre le fait que l’exercice du service public hospitalier doit être confié à la personne publique et donc il s’agit de quelque chose d’organique & de façon contradictoire, le fait qu’il faut dépasser les oppositions concernant le critère organique. Cela est significatif de l’enjeu politique. On affiche une position de principe mais en réalité il y a peu de chance que cela se retrouve en droit positif. Cela s’explique par le poids budgétaire duquel le ministère ne pourra pas se défaire.