Les obligations du cessionnaire de droit d’auteur

La contrepartie de la cession de droit d’auteur

Après cette autorisation, envisageons la contrepartie de cette autorisation, à savoir, la rémunération.

En effet, les droits patrimoniaux sont dits pécuniaires dans le sens où ils génèrent une contrepartie financière. Les créations font partie des informations communicables qui ne seraient pas reproduites sans un encouragement particulier. L’exploitant d’une œuvre est amené dans la plupart des cas à rémunérer les ayants droit. La rémunération n’est pourtant pas la seule obligation à la charge du cessionnaire, comme je l’ai évoqué tout à l’heure, en dehors même du respect des engagements contractuels qui sont librement négociés, la loi impose d’autres devoirs à l’exploitant.

Mais commençons par envisager le cas de la rémunération.

I – La rémunération.

L’auteur est amené à percevoir une partie des fruits de l’exploitation de son œuvre. Ce principe une fois consacré va être appliqué selon un mode dual. Le prix est généralement versé par l’exploitant mais la liberté contractuelle autorise à prévoir une source de financement différente. Le distributeur ou l’utilisateur final sont aptes à rémunérer les créateurs. Le développement de sociétés civiles de perception et de répartition de droits d’auteur tend à étendre cette pratique.

La fonction culturelle de la création donne à la rémunération un caractère singulier. Le paiement des trouvailles artistiques est indispensable pour stimuler l’innovation. La cession à titre gratuit est toléré par le Code de la propriété intellectuelle. En effet, l’article L122-7, alinéa 1 du CPI précise que le droit de représentation et le droit de reproduction sont cessibles à titre gratuit ou à titre onéreux. Mais comme pour toute libéralité, elle déclenche la méfiance de l’homme de loi. Si la lecture du contrat ne laisse subsister aucun doute quant à la volonté de l’auteur, le comportement suspicieux n’entraîne pas de facto la nullité du contrat. Encore est-il nécessaire de rechercher une autre cause à l’autorisation. D’ailleurs, en dehors des exceptions légales au droit de reproduction, les sociétés de gestion collective refusent d’utiliser une quelconque exploitation de la création sans rémunération. Le contrat se réfère à un prix déterminé ou déterminable. Si le montant de la rémunération fait totalement défaut, la cession est nulle. Lorsque le devenir de la création ne permet pas de fixer le prix, les cocontractants prévoient une fixation future par un tiers ou un expert. L’article 1592 du Code civil énoncé en matière de vente est applicable.

En présence d’une rémunération manifestement sous-évaluée, l’auteur peut agir en récision pour lésion. C’est-à-dire lorsqu’il aura subi un préjudice de plus des sept douzièmes et donc que la rémunération est inférieure au cinq douzièmes. L’action n’est ouverte qu’au profit des créateurs rémunérés forfaitairement. En effet, pour la rémunération proportionnelle, il faudrait attendre l’expiration du monopole pour faire les comptes et les ayants droit auraient bien du mal à prouver le préjudice puisqu’ils perçoivent une cote-part des recettes et sont donc associés au succès de l’œuvre. La lésion est donc particulièrement délicate à appréciée car le forfait est souvent appliqué quand le juste prix est indéterminable. En revanche, en présence de barèmes ou de pratiques professionnelles établies, le caractère lésionnaire est facilement démontré.

II – Les différents modes de rémunération.

Voyons maintenant les différents modes de rémunération. La loi adopte pour principe la rémunération proportionnelle, mais le paiement à forfait est néanmoins admis dans les situations précises. Envisageons d’abord la rémunération proportionnelle. Une participation proportionnelle de l’auteur aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation de son œuvre est prévue par la loi. L’article L131-4, alinéa 1 du CPI énonce : « la cession par l’auteur de ses droits sur son œuvre peut être totale ou partielle, elle doit comporter au profit de l’auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation. L’auteur ou ses ayants droit touchent par principe un pourcentage, une cote-part des recettes. La règle est d’ordre public, seules les dérogations légales sont admises. L’absence de rémunération proportionnelle est une cause de nullité de la cession. L’auteur ne peut y renoncer. Cependant la clause écartant la rémunération proportionnelle n’entraîne que la nullité relative du contrat.

Le taux de la rémunération est fixé de gré à gré et mentionné dans le contrat. Les exploitants sont libres de l’adapter en fonction de l’assiette. Pour des raisons psychologiques, l’auteur acceptera plus facilement un taux élevé sur une assiette réduite dont bien souvent il ignore la base que le contraire. En revanche, l’assiette de la rémunération est encadrée par la loi. Elle doit correspondre aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation. L’auteur participe à toutes les recettes générées par l’exploitation de l’œuvre. L’assiette prend en compte la recette brute et non le profit dégagé, c’est-à-dire la recette moins tous les frais engagés. L’assiette assise sur le bénéfice est prohibée, la seule exception au principe concerne l’exploitation par un procédé inconnu.

Dans le cas d’un contrat de production audiovisuelle, comme dans celui d’un contrat d’édition, c’est le prix payé par le public ou les produits d’exploitation qui sont retenus. La diversité des expressions utilisées par la loi pourrait laisser à penser que le législateur souhaite abandonner la détermination de l’assiette à la volonté des parties. Il ne semble pas que l’opinion soit partagée par la jurisprudence dominante.

En matière d’ouvrages édités, l’assiette de la rémunération est le prix de vente public hors taxes. Le principe est d’ordre public, il est applicable même dans les cas où une rémunération forfaitaire est légalement permise. L’exploitant a donc intérêt à recourir au forfait quand la loi l’y autorise. En conséquence, la politique commerciale de l’éditeur : tarifs dégressifs, promotions, etc. est sans effet sur la rémunération. La raison tient du bon sens : l’auteur peut contrôler facilement la recette brute. A défaut, il est à la merci de l’exploitant qui pourra imposer des sommes fantaisistes. En effet, les coûts à déduire sont variables, très complexes à définir et souvent difficiles à évaluer. En matière audiovisuelle les tribunaux imposent aussi un contrôle strict sur l’assiette sale. En revanche les auteurs sont associés aux tractations commerciales puisque les remises peuvent venir en déduction de leur rémunération.

Envisageons maintenant les cas dans lesquels la rémunération forfaitaire est autorisée.

La rémunération forfaitaire n’est jamais imposée, elle est simplement possible dans certains cas, dans certaines situations. La liberté de choix est offerte à l’exploitant pour les œuvres en général. D’après l’article L131-4, alinéa 2 du CPI, la rémunération de l’auteur peut être évaluée forfaitairement dans les cas suivants :

  • Premièrement, la base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée,
  • Deuxièmement, les moyens de contrôler l’application de la participation font défaut,
  • Troisièmement, les frais des opérations de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec les résultats à atteindre,
  • Quatrièmement, la nature ou les conditions de l’exploitation rendent impossible l’application de la règle de la rémunération proportionnelle, soit que la contribution de l’auteur ne constitue pas l’un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l’œuvre, soit que l’utilisation de l’œuvre ne présente qu’un caractère accessoire par rapport à l’objet exploité,
  • Cinquièmement, en cas de cession des droits portants sur un logiciel,
  • Sixièmement, enfin, dans les autres cas prévus au présent code.

L’exception connaît ainsi une application plus large pour les ouvrages édités, nous aurons l’occasion de revenir sur cette disposition.

Concernant l’exception de droit commun, la rémunération forfaitaire est licite lorsque le calcul d’une rémunération proportionnelle est matériellement impossible ou que sa mise en œuvre générerait des coûts prohibitifs. Mais aujourd’hui l’informatisation de la gestion des entreprises ainsi que le développement de logiciels de comptage ou des techniques de mesure d’audience permettent pour des prix raisonnables de connaître la place d’une contribution dans une création plurale ou d’apprécier la répartition des utilisations dans le cas d’une diffusion en ligne.

La loi ouvre sensiblement l’exception lorsque la création est accessoire ou ne constitue pas l’un des éléments essentiels, c’est le cas des préfaces d‘œuvres littéraires, par exemple. La loi autorise aussi le forfait dans les cas du logiciel. L’exploitation d’un programme d’ordinateur résultant de l’exécution d’un contrat de commande ne dispense pas du paiement de la rémunération au titre du droit d’auteur, indépendamment de la rémunération du travail des créateurs.

III – Les obligations annexes du cessionnaire

Envisageons pour terminer les obligations annexes du cessionnaire. L’exploitant ne peut se suffire de la rémunération de l’auteur pour seule contrepartie des droits cédés. Il lui incombe aussi de ne pas rester passif, il est dans l’obligation d’exploiter l’œuvre et par la suite de tenir l’auteur informé.

L’obligation d’exploitation.

Commençons donc par envisager l’obligation d’exploitation. Le droit commun du droit d’auteur ne prévoit aucune disposition tendant à obliger le cocontractant de l’auteur à exploiter l’objet de la convention. L’exploitant sera simplement autorisé à utiliser la création dans la limite des conditions prévues mais pas contraint de passer à l’action.

Cette interprétation est fausse. En effet, la passivité de l’exploitant engendre un manque à gagner pour l’auteur dans le cas d’une redevance proportionnelle. De plus, elle crée un préjudice moral par le non-respect du droit extrapatrimonial de divulgation du créateur. Comme nous le constaterons dans la leçon suivante. L’atteinte aux droits est renforcée quand les droits cédés le sont à titre exclusif. L’obligation d’exploitation est aussi fondée sur le simple respect des dispositions contractuelles. Le législateur a même prévu des dispositions expresses en présence des contrats d’édition et en présence des contrats de production audiovisuelle. Comme nous le constaterons par la suite, l’éditeur est tenu à une exploitation permanente et suivie de la création. De son côté, le producteur de l’œuvre audiovisuelle est soumis à une exploitation conforme aux usages de la profession. Dans cette situation, la durée et les modalités de l’exploitation sont libres. Le cocontractant peut se contenter d’une simple présentation de la création mais encore est-il nécessaire qu’il conduise la réalisation à son terme.

obligation d’information

Enfin, il existe une obligation d’information. Le devoir pour l’exploitant de justifier ses actes en informant l’auteur suit la même organisation que l’obligation d’exploitation. La loi n’impose un tel devoir qu’à l’égard des contrats d’édition et de production audiovisuelle. Il est prévu aux articles L132-13 et L132-28 du Code de la propriété intellectuelle. Une fois n’est pas coutume, le législateur est plus exigeant avec le producteur audiovisuel pour qui l’information est portable alors qu’elle est simple quérable dans le cas de l’édition.