Les opérations de l’enquête de flagrance (arrestation, écoutes…)

Le déroulement de l’enquête de flagrance

L’enquête de flagrance est caractérisée par le fait que les policiers peuvent recourir s’il le faut, à la contrainte. Autrement dit, s’agissant des opérations qu’ils voudront effectuer durant l’enquête, comme une perquisition, dire qu’ils peuvent recourir à la contrainte signifie qu’ils n’ont pas à requérir le consentement de l’intéressé.

C’est l’intérêt de cette enquête. En effet, il y a lieu de parier que la contrainte est justifiée, car l’infraction est constatée. C’est une sorte d’état d’urgence qui résulte de la flagrance. Cela est pourtant dangereux pour les libertés individuelles dans un État de droit.

Section 1 : La durée de l’enquête de flagrance

Compte tenu du caractère de la flagrance, il faut agir vite. L’enquête dure normalement

8 jours à compter de son début, avec possibilité d’une prolongation de même durée sur décision du procureur de la république lorsqu’il s’agit d’une enquête de flagrant crime ou de flagrant délit pour un délit punissable d’au moins 5 ans d’emprisonnement.

Ces investigations qui vont durer 8 ou 16 jours, doivent se succéder sans discontinuité. La cour de cassation considère que cette continuité suppose au minimum l’accomplissement d’un acte policier par jour. Si pendant 24h, aucun acte nouveau n’est fait, l’enquête doit être interrompue. Une fois que les apparences tombent, l’enquête doit être interrompue.

Section 2 : Les opérations policières de flagrance

Cela pose la question de savoir qui dirige l’enquête et quelles sont ces différentes opérations.

  • 1. La direction de l’enquête de flagrance

La solution de principe est que l’enquête de flagrance sera conduite par l’officier de police judiciaire qui sera arrivé le premier sur les lieux de la constatation de l’infraction. Une fois sur les lieux, il doit avertir le procureur de la république, et procéder aux premières constatations, pour ne pas perdre de temps. Il doit veiller à la conservation des indices, saisir tout ce qui se rapporte à l’infraction, et si des suspects ont été arrêtés, l’officier de police judiciaire doit présenter ces objets aux suspects pour une éventuelle reconnaissance.

L’officier de police judiciaire peut faire appel immédiatement à ceux qui ont le rôle d’expert, pour procéder à des constatations ou des examens techniques qui ne peuvent pas être différés, comme des relevés d’empreintes. Il reste néanmoins que, malgré la présence préliminaire de l’officier de police judiciaire, l’enquête reste sous la direction du procureur (article 12 du Code de Procédure Pénale : « La police judiciaire est exercée, sous la direction du procureur de la République, par les officiers, fonctionnaires et agents désignés au présent titre. »), qui reste de libre de se rendre sur les lieux de l’enquête, et il reste libre de dessaisir automatiquement l’officier de police judiciaire pour conduire les opérations.

Il n’est pas exclu qu’un juge d’instruction se déplace sur les lieux de l’infraction, de l’enquête, ce qui rend possible l’ouverture sur place d’une instruction . L’enquête de flagrance sera abrogée, pour une instruction ouverte sur les lieux mêmes de l’infraction.

Les officier de police judiciaire agiront sous l’autorité du juge d’instruction par des commissions rogatoires.

  • 2. Les différentes opérations de l’enquête de flagrance

Ces opérations sont diverses, nombreuses. On pense notamment aux opérations qui concernent le recueillement des preuves avant qu’elles ne disparaissent, mais il y en a d’autres.

L’officier de police judiciaire doit donner à la victime, la connaissance de ses droits (obtenir réparation, se constituer comme partie civile). De même, en matière d’infraction sexuelle, l’officier de police judiciaire peut faire procéder immédiatement à des mesures de dépistage de MST. La plupart des opérations tendent pourtant à réunir les preuves de l’infraction.

C’est à propos de ces opérations que le recours à la contrainte est systématique. Ce pouvoir de contrainte provient de la liberté de l’officier de police judiciaire sous la direction du procureur. Cette liberté s’explique car il n’y a pas de risque d’erreur, puisque l’infraction est constatée. Il ne s’agit que d’en réunir les preuves. À l’initiative du libre arbitre de l’officier de police judiciaire, on trouve des exceptions. Pour certaines opérations, il peut falloir que l’officier de police judiciaire ait au préalable une autorisation du procureur de la république, voire du juge des libertés et de la détention, donc d’un magistrat du siège, concernant les décisions portant atteinte aux libertés individuelles.

Ce sont les perquisitions avec des saisies de ce que l’on aura découvert, les interceptions de communications, les auditions et un ensemble de mesures qui peuvent entrainer une restriction à la liberté d’aller et de venir comme la garde à vue.

Le régime de ces différentes opérations est aujourd’hui un régime complexe. Pendant longtemps, il n’y en a eu qu’un seul, mais les années passant, le législateur a multiplié les régimes particuliers en distinguant deux types de délinquance : la délinquance organisée et la criminalité organisée. Il y a donc aujourd’hui deux enquêtes de flagrance, banale ou pour la criminalité organisée. Cette évolution s’est faite dans le sens d’une augmentation continue des pouvoirs policiers. La contrepartie, l’alibi, a été l’instauration du juge des libertés et de la détention. C’est un alibi car on ne lui a jamais donné les moyens d’exercer un contrôle efficace.

  1. Les perquisitions et saisies

La perquisition désigne la fouille d’un lieu, effectuée pour y trouver les preuves d’une infraction dont la constatation a déjà été faite, dans le cadre d’une enquête de flagrance. Il s’agit de trouver des objets utiles à la découverte de la vérité. Les perquisitions et saisies seront étudiés plus précisément dans un autre chapitre.

  1. Les écoutes téléphoniques

On parlait avant d’interceptions de correspondances télé communiquées. La règle est celle selon laquelle de telles opérations sont interdites durant des enquêtes policières, seraient-ce des enquêtes de flagrance. Les textes (articles 56 du Code de Procédure Pénale) prévoyant ces enquêtes n’y font aucune allusion, de telles opérations étant donc illégales. Tout acte qui porte atteinte à une liberté individuelle, qui n’est pas expressément accepté par la loi, est interdit. Certains magistrats l’avaient oublié, et il a fallut que la Cour de cassation rappelle cette solution en assemblée plénière en 1989.

Cass. Ass. Plén., 24 novembre 1989, 89-84.439 : « Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaquéet des pièces de la procédure qu’ayant été avisés de ce que Christian X… se serait livré à un trafic de stupéfiants et aurait eu notamment pour client André Y…, les services de police, agissant d’initiative, ont invité Y… à téléphoner à X… en vue de prendre rendez-vous pour une livraison de drogue et ont enregistré leur entretien sur radio-cassette, puis dressé un procès-verbal de cette opération ; qu’à l’heure convenue pour le rendez-vous, les policiers ont pu ainsi pénétrer, à la suite de Y… dans le domicile de X…, interpeller les occupants et procéder à perquisition. »

Convention européenne des droits de l’Homme – Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance – Ecoutes téléphoniques – Condition – Prescription d’un juge – Commission rogatoire Selon l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il ne peut y avoir ingérence des autorités publiques dans les conversations téléphoniques que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi. Ainsi, les articles 81 et 151 du

Code de procédure pénale ne permettent qu’au juge d’instruction d’ordonner, dans certaines conditions, des écoutes et des enregistrements téléphoniques. Viole ces textes la cour d’appel qui, pour refuser de prononcer la nullité d’un procès-verbal relatant l’écoute et l’enregistrement d’une conversation téléphonique suscitée par des services de police agissant d’initiative, énonce que ceux-ci n’ont pas employé un procédé de captation de toutes les conversations téléphoniques échangées à partir du poste d’un abonné, alors qu’ils ont, sans avoir reçu d’un juge commission rogatoire à cette fin, procédé, à l’insu de cet abonné, à l’écoute de propos tenus par celui-ci sur sa ligne téléphonique.

Le législateur est néanmoins intervenu pour accepter cette opération dans le cadre de la criminalité organisée. Le texte (article 706-95 du Code de Procédure Pénale) autorise l’interception de correspondances télécommuniquées, avec une autorisation du juge des libertés et de la détention, durant 15 jours, avec possibilité d’un renouvellement. Pour autoriser l’écoute des conversations d’un avocat, il faut l’autorisation d’un bâtonnier. Il faut prévenir le président de la juridiction pour un magistrat, ou le président de l’assemblée concernée pour un parlementaire.

On peut rapprocher de cette opération une disposition de l’article 60-2 du Code de Procédure Pénale, qui suppose une autorisation du juge des libertés et de la détention. Un officier de police judiciaire peut requérir d’un opérateur de télécommunications de préserver pendant une durée maximum d’un an le contenu des informations consultées par leur client.

  1. Les auditions

Selon l’article 62 du Code de Procédure Pénale, l’officier de police judiciaire peut effectuer des auditions durant une enquête de flagrance.

1) Les auditions de témoins

L’officier de police judiciaire a la possibilité de convoquer toute personne, pour entendre son témoignage, qui lui paraît susceptible de présenter des renseignements sur l’enquête. La personne peut se présenter d’elle- même, mais peut aussi être contrainte à venir comparaître avec l’autorisation du procureur de la république.

De la même manière, au cours d’une perquisition, lorsqu’elle s’effectue en présence de l’occupant, l’officier de police judiciaire peut entendre ce dernier, et de recueillir des informations sur les objets saisis, par exemple.

L’audition est soumise à certaines règles : l’ensemble des déclarations faites par le témoin doivent être consignées dans un procès verbal d’audition, puisqu’il n’y a pas de prestation préalable de serment. Cette personne, en tant que témoin, ne peut être retenue que le temps strictement nécessaire à son audition. Il faut donc lui rendre la liberté sauf à ce que l’on décide de placer cette personne en garde à vue .

2) Les auditions de victime

L’officier de police judiciaire peut recueillir les déclarations de victime. Il faut simplement évoquer le cas particulier du mineur : si l’enquête de flagrance a été ouverte à propos d’une infraction à caractère sexuel, il est possible de procéder à un enregistrement audiovisuel de la déclaration, pour que l’on évite à ce mineur de réexpliquer plusieurs fois l’infraction subie.

  1. Les restrictions à la liberté d’aller et de venir

  • Les arrestations

C’est un pouvoir confié au procureur de la république ou à l’officier de police judiciaire . Le premier peut délivrer un mandat particulier de recherche. Ce mandat comporte l’ordre adressé à la force publique de rechercher la personne concernée, et de la placer en garde à vue si elle est arrêtée.

Un tel mandat ne peut être délivré que s’il y a une ou plusieurs raisons plausibles de dire que cette personne est l’auteur de l’infraction. En exécution de ce mandat, la police judiciaire peut pénétrer dans un domicile à condition de respecter l’horaire. Si, au cours de l’exécution de ce mandat la personne désignée est arrêtée, l’individu sera immédiatement placée en garde à vue (article 122 du Code de Procédure Pénale).

En dehors de cette initiative du procureur, une arrestation peut se produire à l’initiative de l’officier de police judiciaire puisque l’article 61 du Code de Procédure Pénale l’autorise à interdire à toute personne se trouvant sur les lieux de l’infraction de s’éloigner de ces lieux durant la durée nécessaire à l’opération. Plus largement, chaque citoyen a la possibilité de procéder à l’arrestation de l’auteur apparent de l’infraction flagrante, avec l’obligation de conduire l’intéressé le plus rapidement possible devant un officier de police judiciaire. C’est le pouvoir d’arrestation confié à tout citoyen par l’article 73 du Code de Procédure Pénale (« Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche. »).

2) La garde à vue

Ce pouvoir est réservé à l’officier de police judiciaire et non pas au simple agent de police judiciaire. C’est le pouvoir pour l’officier de police judiciaire de garder une personne à sa disposition. L’article 63 du Code de Procédure Pénale précise que la garde à vue doit être décidée « pour les nécessités de l’enquête ». Cela signifie que, en tant que cette garde à vue est une atteinte aux libertés individuelles, elle doit être nécessaire à la découverte de la vérité. Dès lors, si cette condition n’est pas remplie, la garde à vue n’est pas nécessaire et elle est illégale.

La garde à vue sera étudiée plus précisément dans un autre chapitre.