Les origines et caractéristiques de la Vème République

Le cadre institutionnel de la VeME République

Les institutions de la Vème République adoptées en 1958 marquent, à la fois, une rupture constitutionnelle majeure par rapport aux Républiques précédentes en mettant le Président de la République au centre de l’édifice institutionnel mais elles s’inscrivent, dans le même temps, dans une tradition républicaine qui s’est mise peu à peu en place depuis la Révolution française.

La réforme constitutionnelle de 1962, instaurant l’élection du Président de la République au suffrage universel concourt à un renforcement de la souveraineté nationale tout en accentuant la primauté de l’institution présidentielle voulue par le Général de Gaulle. Ses successeurs, à partir de 1969, vont maintenir ce principe mais dans des conditions variables au gré des alternances et des cohabitations. En s’adaptant aux crises et aux situations politiques nouvelles, en faisant l’objet de quelques réformes constitutionnelles de circonstance, la Vème République est un régime politique qui s’inscrit dans la durée.

§1. Le débat constitutionnel de 1946 (IVème République)

A. Le projet d’avril 46

En août 1944, la France est libérée. Suite à cela, un gouvernement provisoire est installé avec à sa tête le général De Gaulle. On a une première tentative constitutionnelle avec une seule assemblée. Celle-ci va débattre sur un projet de constitution de 1946. La situation politique est caractérisée par un tripartisme avec les communistes, la SFIO (socialistes), et les démocrates chrétiens du MRP (mouvement républicain populaire). Ils ont des conceptions constitutionnelles différentes.

– le 1er courant est incarné par les communistes et en 1946 le PC veut le retour à la démocratie par une assemblée constituante souveraine qui a pour mission d’élaborer une nouvelle constitution en se fondant sur le principe d’une assemblée unique qui détient le pouvoir du peuple

– le 2nd courant est incarné par les démocrates chrétiens, qui mettent l’accent sur le pouvoir de statuer et d’empêcher. Ils veulent un parlement doté d’une seconde chambre et veulent doter le pouvoir exécutif d’un droit de dissolution.

Le projet d’avril 46 correspond au premier courant. Par conséquent, la constitution va installer un régime d’assemblée dans lequel le parlement sera le centre d’Le projet d’avril 46 correspond au premier courant. Par conséquent, la constitution va installer un régime d’assemblée dans lequel le parlement sera le centre d’impulsion de la vie politique nationale. Autrement dit, c’est le parlement qui va élire aussi bien le Président de la République que le Président du Conseil. En cas de crise gouvernementale, le Président de la République se contente de transmettre simplement auprès de l’assemblée le nom des candidats au poste de Président du Conseil. L’assemblée peut prononcer elle-même sa dissolution.

Le projet va être soumis au peuple qui va l’adopter lors du référendum du 13 octobre 1946, et promulgué le 27 octobre 1946 ; ceci fonde la constitution de 1946

B. Le discours de Bayeux

Il fut prononcé par le Général De Gaulle le 16 juin 1946 et est considéré comme un fondement de la IVème République. Ce n’est qu’à partir de février 1946 que De Gaulle s’intéresse au droit constitutionnel et en 3 mois il se fait une idée précise de ce qu’il veut pour la République.

Dans ce discours, il rappelle ce que doit être l’Etat.

« L’Etat légitime doit reposer sur l’intérêt et sur les sentiments de la nation. Il faut que ce soit un Etat sauvegardé dans son autorité et capable de rétablir autour de lui l’unité nationale. »

2 éléments fondamentaux :

– les institutions doivent répondre à la nécessité nationale

– elles doivent bénéficier de l’assentiment populaire

« Il est de l’essence même de la démocratie que les opinions s’expriment et qu’elles s’efforcent par le suffrage d’orienter suivant leur conception l’action des pouvoirs publics et la législation. Tous les principes et toutes les expériences exigent que les pouvoirs publics soient nettement séparés et fortement équilibrés, et qu’au-dessus des contingences politiques, il faut que soit établi un arbitre national qui fasse valoir la continuité au milieu des combinaisons. »

Le but du discours est de soustraire aux partis politiques l’essentiel national. Par conséquent le gouvernement doit être collectivement responsable devant le parlement, mais ce gouvernement doit procéder du chef de l’Etat qui nomme les ministres, qui préside les conseils du gouvernement et qui est garant de l’indépendance nationale.

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C. La constitution du 27 octobre 1946

Elle instaure la IVème République et veut se démarquer de la IIIème. En réalité, au départ le régime parlementaire mis en place est différent mais au fur et à mesure, il va ressembler au régime de la IIIème.

Dans la constitution, on a un parlement bicaméral qui comprend l’assemblée nationale (chambre basse) et le conseil de la République (chambre haute). Cette seconde chambre n’a qu’un rôle consultatif mais va prendre de l’importance. Le parlement exerce pleinement la fonction législative et il est à l’origine de la formation du gouvernement, il peut mettre ce gouvernement en minorité. L’exécutif est bicéphale avec un Président de la République qui n’a que des fonctions honorifiques et un Président du conseil responsable devant le parlement et qui est chef du gouvernement. Contrairement au discours de Bayeux ; la IVème République est fondée sur un principe unique, la délégation de la souveraineté nationale à l’assemblée nationale. L’assemblée nationale peut seule voter la loi, il y a donc une souveraineté parlementaire qui ne va être maîtrisée que par Michel Debré à travers la rationalisation du régime parlementaire. Cette opération va également échouer.

1. Le recours au parlementarisme rationalisé

– la fonction du chef du gouvernement est institutionnalisée. Le président du conseil des ministres désigné par le Président de la République doit avant d’être définitivement nommé se présenter devant l’assemblée nationale pour exposer son programme devant les députés et obtenir un vote d’investiture. Ensuite le président du conseil va composer son gouvernement et être définitivement nommé par le Président de la République. Ce gouvernement est investi à la majorité absolue.

– la demande de dissolution ne peut être prononcée que si dans une même période de 18 mois, 2 crises ministérielles surviennent dans des conditions constitutionnelles.

2. L’échec de la IVème République

Il est manifesté tout d’abord par le fait qu’il y ait une instabilité ministérielle, par exemple dans la période du 22 janvier 1947 au 8 janvier 1959, il y a eu 23 présidents du conseil ; les crises ministérielles avaient une période variant de 8 à 38 jours. Cette instabilité peut s’expliquer par le fait que les mécanismes constitutionnels prévus pour assurer la stabilité ont été détournés au profit des partis politiques. Par exemple, le Président du conseil investi par l’Assemblée devait revenir une seconde fois demander la confiance des députés après avoir constitué son gouvernement (double investiture). 2ème exemple : les députés ont appris à « calibrer » leur vote. Lorsqu’un gouvernement posait une question de confiance pour obtenir le vote ou l’adoption d’un texte, ils dosaient leur vote de telle sorte que le texte soit repoussé sans atteindre la majorité absolue. Ils ne prenaient donc pas la responsabilité de dire qu’ils avaient renversé le gouvernement avec la majorité absolue. 3ème exemple : le droit de dissolution a été neutralisé puisqu’il fallait 2 crises ministérielles survenant en 18 mois.

L’échec de la IVème République résulte donc des contradictions de ceux qui ont rédigé la constitution. Par conséquent, la IVème République a fini par ressembler à la IIIème en devenant un régime d’instabilité gouvernementale. Il y a une coupure entre le jeu parlementaire et l’opinion publique. Face aux multiples problèmes posés, le gouvernement de la IVème République va s’avérer incompétent pour apporter une réponse conséquente parmi ces problèmes : la décolonisation, la place de la France dans le monde, le développement de la démocratie, les impératifs économiques, la solution du problème algérien. La solution apportée : le retour du Général De Gaulle au pouvoir.

§2. L’élaboration et la mise en place des institutions de la Vème République

A. Les origines de la Vème République

L’origine provient des événements d’Algérie, le 13 mai 1958, des émeutiers prennent d’assaut le gouvernement général à Alger. Malgré l’appel du comité de salut public, le gouvernement en place n’a qu’une seule réponse, c’est de faire appel à De Gaulle. Le 28 mai 1958, le gouvernement de Pflimlin démissionne et le 1er juin 1958, le Président de la République Coty informe l’assemblée qu’il propose la présidence de De Gaulle et si les députés ne donnent pas son investiture à De Gaulle, alors Coty va démissionner. Suite à la lettre, De Gaulle est investi par l’assemblée nationale avec une majorité de 329 voix contre 224. Les députés cèdent à Coty et en même temps le gouvernement obtient la loi du 3 juin 1958, cette loi habilite le gouvernement à mettre en place de nouvelles institutions.

l. La loi du 3 juin 1958

La loi du 3 juin 1958 confie le pouvoir de révision de la constitution au gouvernement par dérogation de l’article 90 de la constitution de 1946. Cette loi impose au gouvernement divers conditions de procédure et parmi ces conditions :

– le gouvernement est obligé de recourir à l’avis du comité consultatif composé de 2/3 environ par des parlementaires.

– obligation de recourir à l’avis du conseil d’Etat.

– obtenir du peuple la ratification par référendum du projet de constitution.

Cette loi du 3 juin énonce les 5 principes de la Vème République qui doivent s’imposer au gouvernement :

– le suffrage universel est la source du pouvoir.

– la séparation des pouvoirs entre législatif et exécutif doit être respectée.

– le gouvernement doit être responsable devant le parlement.

– l’interdépendance du pouvoir judiciaire doit être assurée.

– le rapport de la République avec les peuples qui lui sont associés doit être organisé.

=> C’est une loi de dérogation.

2. L’adoption de la constitution

Elle se fait en 3 phases :

– l’élaboration du projet de la constitution : les 23-25-26 juillet, l’avant projet de constitution est présenté au gouvernement qui va ensuite au comité consultatif constitutionnel le 29 juillet. Le comité consultatif constitutionnel dirigé par Paul Reynaud rend le projet à De Gaulle le 14 août.

– le 27 août, le texte est soumis au conseil d’Etat par Michel Debré et le 3 septembre, le gouvernement adopte le projet de constitution, et le 4 septembre De Gaulle présente au peuple son projet.

– la ratification du projet : le référendum a lieu le 28 septembre 1958 et le peuple répond oui par 79,25 %. Le 4 octobre 1958 la constitution est officielle => naissance de la Ve République. La constitution prévoit la mise en place de nouvelles institutions dans un délai de 4 mois, pendant ce délai le parlement accorde au gouvernement les pleins pouvoirs. Les 2 et 3 novembre 1958, élection à l’assemblée nationale dont l’UNR (union pour la nouvelle République) et le 28.décembre De Gaulle est élu président.

B. Les caractéristiques de la Vème République

Elle a souvent été qualifiée de régime politique mixte, c’est à dire qu’elle a les caractéristiques d’un régime présidentiel et d’un régime parlementaire. La pratique présidentielle montre que le régime a évolué : l’alternance et la cohabitation font partie intégrante du système politique.

1. La nature juridique de la Vème République

La révision constitutionnelle du 6 novembre 1962 modifie le régime politique de la Ve République car le président de la République est élu au suffrage universel direct => attribut d’un régime présidentiel et le président dispose de pouvoirs très importants qui font de lui le numéro un de l’exécutif et le point central des institutions françaises. Quant aux attributs d’un régime parlementaire : l’exécutif est bicéphale avec un chef irresponsable politiquement et un chef du gouvernement responsable devant les chambres. Les pouvoirs exécutif et législatif disposent de la faculté d’empêcher. Les relations entre gouvernement et président s’établissent dans un équilibre de sorte que l’assemblée peut renverser le gouvernement et que le président peut dissoudre l’assemblée nationale. C’est donc un régime mixte ou hybride.

2. L’évolution historique de la Vème République

Le régime politique mis en place en 1958 restaure et conforte l’autorité de l’Etat car il s’agit de construire une nouvelle République qui évite les erreurs de la IIIe et de la IVe . Par conséquent, le pouvoir exécutif est renforcé tandis que le pouvoir législatif est diminué. Cette conception gaulliste va se confirmer sous la présidence de De Gaulle (1958-1969 ; de 1969 à 1974, sous la présidence de Pompidou, il y a toujours une application de conception gaulliste. De 1974 à 1981, continuité de la pensée avec un Président non gaulliste. De 1981 à 1995, Mitterrand favorise la conciliation entre gauche et Vème République. Pour la 1ere fois il y a une alternance du pouvoir de 81 à 86 et de 88 à 93. La première cohabitation de 86 à 88 puis une 2nde de 93 à 95 et ensuite dès 97 il y a une 3e cohabitation qui permet le retour de la gauche au pouvoir.

3. La cohabitation

En moins de 10 ans, la France a connu 3 périodes de cohabitation. On ne peut plus dire que la cohabitation est un phénomène marginal, mais elle est devenue un phénomène institutionnel non négligeable. Par définition, il y a cohabitation lorsqu’il a coexistence de 2 majorités distinctes à la tête de l’Etat, une majorité présidentielle et une majorité présidentielle. Solutions : soit le Président démissionne, soit il décide de dissoudre, soit il tente d’imposer sa majorité. La pratique de la 1ère cohabitation a montré que le président de la république conservait ses prérogatives constitutionnelles et que la 1erministre en tant que chef du gouvernement devait appliquer le programme pour lequel il avait été choisi. Cette situation est contraire à l’idéologie de De Gaulle, elle a le mérite d’éviter des tensions ou des conflits importants : le gouvernement applique sa politique et le président reste garant des institutions et il conserve les pouvoirs que lui donne la constitution. La défense nationale, les affaires étrangères, la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales restent le pouvoir du président

Cette conception a des inconvénients :

  • – l’effacement naturel du président de la république
  • – le développement du régime parlementaire
  • – critique sur la cohabitation : on voudrait modifier la constitution pour lui donner soit un caractère présidentiel, soit un caractère parlementaire.

Le système constitutionnel ne pouvait pas prévoir la cohabitation et le choix de Mitterrand reste fidèle à la philosophie de De Gaulle car le Président va rester le point central.