Les procédures d’urgence : les référés du droit administratif

Les procédures d’urgence du contentieux administratif

Depuis la loi du 30 juin 2000, relative au référé devant les juridictions administratives, entrée en vigueur le 1er janvier 2001, le traitement de l’urgence devant le juge administratif a été profondément modifié.

En effet, ce texte a créé de nouveaux référés (ex : référé-liberté), en a réformé d’autres (ex : le référé-suspension a remplacé l’ancien sursis à exécution, le référé conservatoire) et a maintenu un nombre important de référés spéciaux qui existaient avant la réforme (ex : référé fiscal).

On peut distinguer les référés liés à l’urgence (suspension, liberté, conservatoire), au centre de la réforme de juin 2000, et ceux exemptés de la condition d’urgence.

  • Préliminaire : Historique

Les données du problème

— Normalement le demandeur est l’administré.

Le temps est une espèce d’allié objectif de l’administration.

— D’un autre côté l’administration ce sont des personnes morales traversées par des liens hiérarchiques de contrôles donc dans l’organisation de sa défense, elle a besoin de temps. De plus, la procédure administrative est inquisitoire, le juge dirige le procès, il lui appartient donc d’assigner des délais et de tirer les conséquences du non respect de celles-ci.

La distance qui sépare le litige de la solution, le temps, donne beaucoup de liberté au juge. Le juge administratif a certainement une fonction juridictionnelle éminente. La fonction de juger du juge est soumise à des impératifs conventionnels. Ce droit exige un vrai comportement juridictionnel c’est à dire l’existence de mesures donnant l’effectivité au recours.

Pendant longtemps les procédures d’urgence n’étaient pas très efficace et en plus lourdes à mettre en route. D’où la loi du 30 juin 2000 d’ouverture dont l’auteur est l’ancien président du Conseil d’Etat Marceau Long et dont l’auteur actuel est Chapus sous la présidence de Labetoulle avec Pacteau.

Pendant longtemps les procédures d’urgence étaient organisées par la loi du 22 juillet 1889 : procédure du constat d’urgence, exclusivement dans le cadre d’une instruction qui permettait de faire constater par un expert désigné des faits quand il y avait un risque de dépérissement des faits. Une ordonnance du 31 juillet 1945 sur le Conseil d’Etat place à la procédure de sursis à exécution mesure d’urgence qui doit être demandée au juge qui suppose l’introduction d’une requête en annulation et par une requête satellite, demande de sursis à exécution pendant l’instruction. A condition qu’il y ait urgence, qu’il y ait une illégalité manifeste de l’acte et condition enfin que l’exécution immédiate de l’acte risque de causer un préjudice irréparable. Dans des conditions très strictes (préjudice pécuniaire n’est jamais irréparable).

Enfin, il existait des tentatives pour des procédures de référés, procédures indifférenciées justifiées par l’urgence qui permettent souvent l’économie d’une procédure au fond. Il faut attendre la loi du 26 novembre 1955 pour la création d’une forme de référé administratif. Ce référé est amélioré par un décret de 1988 y ajoutant le référé-provision (possibilité dans le contentieux indemnitaire d’obtenir dans l’urgence une provision sur l’indemnité à venir). Dans les années 70-80, il y eut un développement de procédures particulières (sursis particulier pour le préfet, sursis de 48h, création du référé audiovisuel pour le contentieux du CSA, contentieux spécial en matière de publicité).

Le Conseil d’Etat gardait une jurisprudence restrictive et considère que lors même que les conditions du sursis à exécution sont réunies, il n’était pas tout de même tenu de prononcer le sursis (Huglot 1982) et à propos du référé-provision, il juge la même chose.

  • 1er: Les procédures d’urgence avant la loi du 30 juin 2000

Avant la loi du 30 juin 2000, les procédures d’urgence prévues devant le juge administratif étaient peu nombreuses et concernaient des domaines restreints :

  • depuis la décentralisation de 1982, le préfet peut faire juger par le tribunal administratif, dans un délai de 48 heures, un acte d’une collectivité locale lui semblant compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle ;
  • la loi a par ailleurs prévu en 1988 l’instauration d’un « référé provision » permettant au juge d’accorder une provision au demandeur d’une indemnité dont la créance n’est pas sérieusement contestable, et en 1990 la création d’un « référé précontractuel » autorisant le juge à suspendre la passation d’un contrat en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

Cependant, ces procédures n’étaient en rien comparables à celles permettant au juge judiciaire de gérer les situations d’urgence. La loi du 30 juin 2000 a pallié ce manque, dotant le juge des référés administratifs d’un statut et créant deux nouvelles procédures

  • 2 : Les procédures d’urgence dans la loi du 30 juin 2000

Aujourd’hui, plus de la moitié des décisions rendues le sont dans le cadre des procédures d’urgence ne nécessitant pas la présence d’un commissaire du gouvernement.

A) Un juge de l’urgence

C’est le juge de l’urgence administrative, formation juridictionnelle particulière, qui sera compétent pour les référés de droit commun. La réforme laisse en effet certaines procédures particulières relevant de juridictions spécifiques.

  1. Un juge unique

Ce juge est normalement un juge unique. Il y a là une rupture nette avec la tradition de la juridiction administrative, traditionnellement très hostile à cela. En effet de la collégialité tire une force vis-à-vis de l’administration.

Toutefois, rien n’interdit au juge des référés, quand il le souhaite, de faire intervenir une formation collégiale notamment si la question est difficile. Ce juge unique peut aussi statuer sans commissaire du gouvernement.

Qui est ce juge unique ?

— Le président de la juridiction ou selon le texte, le magistrat qui délègue c’est à dire un magistrat de la cours qui délègue sa compétence de juge unique. Le principe est que ces mesures d’urgence ne sont pas susceptibles de voies de recours, sauf la cassation.

  1. Un juge qui « suit » la mesure d’urgence

Enfin, le juge unique, juge des référés est un juge qui suit la mesure d’urgence c’est à dire qu’elle n’est pas définitive, il en suit l’application, peut la compléter, ajouter des dispositions. Il peut mettre fin à la suspension, gestion de l’urgence et de la mesure d’urgence dans la limite de ses pouvoirs de juge.

Entre les mains de ce juge des référés, sont confiées des procédures.

B) Les pouvoirs du juge de l’urgence

Le pouvoir du juge de l’urgence est de mettre en œuvre, à la demande des parties, des mesures que justifie l’urgence.

La réforme met de l’ordre en créant ou reprenant trois types de référés. Ce sont là des créations législatives, alors même que normalement la procédure administrative contentieuse est du domaine du règlement.

La loi a donc réorganisé les référés préexistants. Mais concernant la procédure, elle est du domaine du règlement. La procédure est réglée par le décret du 22 novembre 2000 mais laisse subsister des procédures de référés hors du CJA (des procédures spéciales).

  1. Les référés de droit commun

Ils sont tous dans le Code de justice administrative.

a) Les référés de la loi du 30 juin 2000

Le référé suspension (ancienne procédure de sursis à exécution améliorée).

Il s’agit ici de demander au juge, pour une certaine durée, de suspendre l’application de l’acte, le recours en lui-même ne l’étant jamais. C’est une contestation de l’acte dans le contentieux de l’excès de pouvoir. Le juge est saisi d’une requête en annulation ou réformation de l’acte.

C’est à l’article L 521-1 du CJA. C’est amélioré car une jurisprudence estimait qu’on ne pouvait demander la suspension d’une mesure négative. Suspendre un refus reviendrait à obliger l’administration… Cette analyse est pourtant inexacte car il ne s’agit pas de suspendre la mesure mais ses effets. La jurisprudence essayait de faire la distinction. La loi de 2000 tranche : « même de rejet, le référé-suspension est possible ».

Les conditions de l’ancien sursis étaient très sévères et avaient pour conséquence que le sursis était rare. Ces conditions ont été réécrites sur un mode mineur, l’idée étant que ce soit plus facile.

Conditions du référé suspension

L’urgence. Un moyen propre à créer en l’état de l’instruction un doute sérieux quant à la légalité de cette décision (suspicion d’illégalité),

— Disparition de la condition du préjudice irréparable. Toutefois, le juge peut en tenir compte. La jurisprudence Huglot n’oblige jamais à prononcer le sursis quand bien même les conditions seraient réalisées.

— La suspension peut être partielle et ne porter que sur certains effets de l’acte comme la rétroactivité par exemple, ou encore limiter dans le temps les effets de cette suspension.

— Enfin quand la suspension est prononcée, la procédure au fond doit être réglée dans les meilleurs délais.

Ce référé fonctionne bien. Depuis la loi, son développement est important et le juge n’hésite pas à les combiner avec des procédures d’injonction.

Le référé liberté ou référé injonction (article L521-2, il correspond à la reprise d’une institution qui était autrefois réservée au préfet).

Dans le contrôle de légalité, le référé peut mettre en œuvre la procédure des 48h c’est à dire qu’en matière de privation de liberté, de contrôle de légalité renforcé et depuis 1982, le préfet peut les déférer au Tribunal Administratif qui statut dans les 48 heures.

Le juge des référés va pouvoir ordonner toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale si cette atteinte

— est le fait d’une personne publique

— est grave

— est manifestement illégale.

En ce cas, le juge des référés, s’il est saisi de conclusions en ce sens, peut ordonner toutes les mesures nécessaires. Il le fait dans un délai de 48 heures. Le sursis 48h quitte le contrôle de légalité et le référé-liberté. Il a désormais une portée générale. Attention le juge n’est pas dessaisi s’il est plus long que 48h.

Largement admis par le juge administratif qui estime que la notion de liberté fondamentale est une conception large. De plus, ce référé-liberté avait une finalité précise, celle de récupérer le contentieux de la voie de fait car normalement quand l’administration porte une atteinte grave à une liberté fondamentale l’acte n’est plus du droit mais du fait et le juge judiciaire devient alors compétent pour adresser une injonction à fin de réparer. Le but de la loi est ainsi de permettre au juge administratif de rapatrier cette voie dans le contentieux administratif.

Le Conseil d’Etat a eu connaissance effectivement d’affaires qui sinon auraient été devant le juge judiciaire mais le Tribunal des Conflits rappelle que la voie de fait dans son principe n’a pas disparue : arrêt du 12 mai 1997 : « Préfet de police ». Ici, laissant entendre que si le juge administratif devenait compétent au titre du référé liberté pour des atteintes manifestement illégales à une liberté fondamentales, quand il s’agit du droit de propriété ce reste de la compétence du juge judiciaire.

Le référé mesure conservatoire (article L521-3. Permet d’ordonner en référé toutes les mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative, d’où la distinction du référé-suspension et liberté).

Ici, l’exigence de la décision administrative préalable est abandonnée. Ce référé sert dans deux domaines :

— Pour assurer la communication de documents nécessaires à l’instruction du litige

— En matière d’expulsion d’occupants sans titre du domaine public.

b) Les référés du décret du 22 novembre 2000

Le référé constatation est possibilité en référé de commettre un expert pour constater des faits périssables dans l’urgence.

Le référé instruction, proche du précédent, signifie que toutes les décisions d’instruction d’un dosser peuvent être décidées par le juge des référés.

Le référé provision, article R541-1 du CJA, permet sous certaines conditions, avant de statuer au fond, d’accorder un avaloir sur la créance dont elle réclame le bénéfice. Apparut en 1988 où on exigeait qu’il y ait auparavant une décision au fond.

  1. Maintient des procédures spécifiques de référé

Exemple du déféré préfectoral

Le déféré préfectoral peut passer par des procédures de référés spécifiques et le sursis 48h n’a pas disparut. Le référé audio visuel persiste également, procédure spéciale permettant au président de la section du contentieux d’en disposer.

L’aménagement du référé pré contractuel

Enfin le référé précontractuel, d’origine communautaire, repris au titre de la transposition de directive sur les marchés publics et à ce titre, voie de droit spéciale devant le juge des référés qui lui permet, avant la conclusion du contrat d’ordonner un certains nombres de mesures pour faire respecter les règles de concurrence dans la passation du contrat. Il est à R 521-2 en consacre le principe, améliore le dispositif en permettant au magistrat d’empêcher la conclusion du contrat

C) Les procédures

La procédure du référé se déroule devant juge unique.

Calendrier inamovible selon date des décisions. La procédure sera orale ou écrite. Le magistrat juge des référés convoque dans son bureau les parties pour une discussion. La requête est dispensée de timbre, de décision administrative préalable et le juge garde la mesure de l’urgence tant que pas décision au fond.

Problème des voies de recours, logique aurait été que cassation mais pour le référé-liberté, il y a un appel possible mais devant le CE.

  1. Un tri de l’urgence

En premier lieu, on met en place un tri de l’urgence à l’arrivée des requêtes. Le principe est que, à l’arrivée de la requête, il faut trier entre l’urgent, le très urgent et l’extrêmement urgent. A ce stade que le magistrat peut rejeter la requête pour « irrecevabilité d’urgence ». Le calendrier est inamovible selon la date des décisions.

  1. Procédure orale ou écrite : La procédure sera orale ou écrite. Le magistrat juge des référés convoque dans son bureau les parties pour une discussion.
  2. Dispense du timbre : La requête est dispensée de timbre,
  3. Les voies de recours : La requête est dispensée d’une décision administrative préalable.
  4. La « surveillance » des mesures d’urgence : Le juge garde la mesure de l’urgence tant que pas décision au fond. Problème des voies de recours : la logique aurait été la cassation. Mais pour le référé-liberté, il y a un appel possible mais devant le Conseil d’Etat.

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