Les régimes politiques fondés sur la confusion des pouvoirs

LA CONFUSION DES POUVOIRS

Si pour une série de systèmes politiques la séparation est d’abord ce qu’il faut organiser, dans d’autres constructions politique il y a d’autres préoccupations qu’il faut mettre en avant, parce qu’il peut y avoir un impératif essentiel, et après tout l’idée que ce qui compte avant tout est la séparation du pouvoir n’est pas une idée valable en tout temps et en tout lieu. Ex c’est secondaire dans un pays où la population vit dans la misère.

Ça a été aussi, même si ceci a disparu, l’idée révolutionnaire de la construction d’un monde politique nouveau. La modération, on verra après. Et, finalement l’idée qu’il peut y avoir autre chose caractérise la construction du 20ème siècle :

  1. les démocraties populaires : théories marxistes de la construction de quelque chose de nouveau
  2. les dictatures fascistes de l’entre deux guerre, qui ont a peu près disparu même si on a des résurgences parfois
  3. très différents : le problème qui s’est posé dans un certain nombre d’Etats en développement. La question était de savoir s’il n’y avait pas contradiction entre le développement et la modération du pouvoir.

Bien sûr tout cela est très différent. Si on examine tout cela ensemble, ce n’est pas pour autant que l’on confond ces trois éléments. C’est juste qu’ils fonctionnent selon une autre priorité que celle de la séparation du pouvoir et de la modération.

  • I. La théorie marxiste et les démocraties populaires

Aujourd’hui, tout cela semble très loin. Il y a 40 ans, on avait l’idée de 2 mondes opposés. On connaît les prémisses. La théorie marxiste de l’Etat voit dans l’Etat l’instrument de domination de classe déjà économiquement dominante pour maintenir sa domination sur la classe opprimée. L’Etat bourgeois, c’est-à-dire l’Etat du 19ème siècle, serait l’Etat qui permet l’oppression du prolétariat. Lorsque ce prolétariat ce soulève et s’empare de l’appareil d’Etat au cours d’une révolution, il s’en sert pour construire une société différente pour abolir le modèle capitalisme et construire le socialisme scientifique. C’est la phase dite de dictature de prolétariat. Quand le socialisme est construit, il apporte l’abondance, et l’Etat n’a plus de conflits à arbitrer. Il perd sa raison d’être : l’homme a changé, et l’Etat dépéri (thèse du dépérissement de l’Etat). On a un retour à une sorte d’Etat de nature.

Dans ce schéma il y a très peu de place pour la question de la séparation. Dans la phase 1 (pouvoir oppressif de la bourgeoisie), la séparation est considérée comme un leurre. Dans la phase 2 (mise en place du socialisme), pas de place pour la modération. Dans la phase 3, pourquoi séparer l’Etat, puisqu’il dépéri ?

Tout cela ne relève pas de la séparation des pouvoirs. On remarquera cependant que la construction constitutionnelle s’est parfois inspirée du schéma constitutionnel occidental. Notamment la constitution jacobine (montagnarde) de 1793 avec sa pyramide de délégations considérée souvent comme le modèle du constitutionnalisme soviétique. Dans son genre était une sorte de régime d’assemblée avec cette délégation de pouvoir qui dans la réalité fonctionnait de manière inversée avec une domination totale de l’exécutif sur le législatif avec un parti unique qui faisait appliquer ses décisions par les députés du parti. Le système, au lieu de faire remonter comme le voulait la théorie démocratique jacobine, fait descendre la volonté.

Ce schéma a été le schéma de l’URSS. La réalité n’a pas tout à fait illustré la théorie, la construction du socialisme d’abondance était en panne et le dépérissement de l’Etat aussi. Vers les 1990 ces pays sont revenus vers les formules occidentales insistant sur la séparation. Ce monde là a disparu sauf en Chine.

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :

  • II. Les dictatures fascistes de l’entre-deux-guerres

On est là dans une logique diamétralement opposé. Au départ c’est la répudiation de l’idée même de démocratie et des ses règles institutionnelles. Ces régimes s’installent dans le cadre de démocratie libérale somme toute assez fragile. Une fois au pouvoir ils suppriment la représentation, les libertés, les garanties légales, les parties politiques. Bref le problème des institutions devient parfaitement secondaire, l’essentiel c’est le culte du chef. L’idée d’une société unanime encadrée par un parti unique dirigé par un chef. Là dedans il n’y a à l’évidence aucune place pour la modération, l’équilibre, puisque tout est le pouvoir du chef.

Ces systèmes se sont écroulés dans des conditions tragiques.

  • III. Le problème des pays en voie de développement

Remarquons tout de suite qu’on ne peut pas généraliser. Plusieurs sont arrivés ces dernières années à faire fonctionner des structures démocratiques, des institutions authentiquement discutées. Ex le Sénégal, cas exemplaire.

Mais tout ceci se fait au sortir d’une période dans laquelle l’objectif n’a pas été la modération mais l’efficacité, la cohésion, ceci au nom d’une double nécessité :

  1. la nécessité de l’unité nationale : dans beaucoup de ces pays, des frontières issues de la décolonisations font que des populations n’ont pas forcément le sentiment commun d’appartenance. Par exemple on disait que le pluripartisme risquait de reposer sur les ethnies
  2. l’autre grande exigence, c’est évidemment la question du développement de la faim. Sortir de la faim, sortir de la dépendance. La question de la séparation des pouvoirs bien sur, mais est-ce que ça répond à la question ?

D’où l’idée qui a fonctionnement pendant longtemps mais qui est en plein recul : l’idée qu’on pouvait sacrifier ces « luxes » que sont le pluralisme, l’opposition, la séparation juridique des pouvoirs. Ceci s’est fait pendant une 20aine d’année. Début de la décolonisation on plaque de manière artificielle des institutions de type occidentale. Plus tôt en AL on colle des institutions collées sur les Etats-Unis.

Très vite est apparu que derrière ces institutions il y a le pouvoir du chef, héro de l’indépendance, et qu’il était extrêmement puissant. Souvent il est appuyé sur un parti unique, parti unique qui d’ailleurs a été parfois à finalité démocratique (surtout en Afrique). C’est le concept de « parti Nation », parti destiné à rassembler et fusionner toutes les couches de la nation dans une volonté politique commune.

Mais là aussi tout ceci a été un petit peu illusoire, d’autant que souvent à coté de ça il y avait l’armée, seule force sociale structurée et prompte à se saisir du pouvoir et doté des instruments permettant de le faire. Même si c’est moins le cas aujourd’hui, les coups d’Etat militaires et les dictatures ont été extrêmement fréquent et fréquentes en AL comme en Afrique noire. Selon les cas, ces coups d’Etat sont ensuite légitimité par un referendum, une nouvelle constitution, une nouvelle façade institutionnelle.

Tout cela s’atténue un petit peu car on s’est aperçu que ces pouvoirs forts/autoritaires ne faisaient pas forcément mieux que les autres. La question s’est posée de savoir s’il fallait faire que l’aide au développement aille au développement de la démocratie.

L’idée qu’un pouvoir fort est plus capable qu’un autre de procéder au développement est à peu près abandonnée.