Les règles de dévolution en l’absence de conjoint survivant

Quels sont les droits des parents en l’absence de conjoint successible?

La succession ordinaire qui est fondée sur les affections présumées du défunt consacre un principe de dévolution inscrit à l’article 731 du Code civil qui déclare que « la succession est dévolue par la loi aux parents (= sens large) et au conjoint successible du défunt ».

Le Code Civil envisage donc 2 sortes de successibles :

  • les parents
  • le conjoint.

L’héritier légal est donc lié au défunt soit par un lien de parenté soit par un lien d’alliance.

La question des droits des héritiers va être nécessairement conditionnée par la place respective qui est accordée aux parents et au conjoint et va poser la question très délicate de l’articulation des droits du conjoint avec ceux qui sont reconnus aux parents. Le Code Civil règle ce problème en envisageant ces 2 hypothèses de façon successive. Il distingue, en effet,

  • dans une 1ère section les droits des parents en l’absence de conjoints successibles (étudié dans ce chapitre)
  • dans une 2ème section, la question des droits des héritiers en présence d’un conjoint successible. La présence du conjoint successible étant susceptible de modifier ces droits (étudié dans un autre chapitre)

Les règles de dévolution en l’absence de conjoint successible sont organisées selon un principe hiérarchique reposant sur la proximité du lien de parenté déterminée selon la règle de l’ordre et du degré.

Nous verrons dans un autre chapitre que la portée de ce principe hiérarchique devra, néanmoins, être relativisée car dans certains cas, la loi avantagera parfois d’autres héritiers que les plus proches. Elle dérogera à la règle de l’ordre et du degré grâce à des mécanismes correcteurs institués dans un souci de justice et d’équité. Ces mécanismes étant au nombre de 2 : la représentation successorale et la technique de la fente.

Dans ce chapitre, on se demandera quels sont les principes de dévolution en cas d’absence de conjoint successible : la règle de l’ordre et du degré

La détermination des héritiers en l’absence de conjoint successible est essentiellement guidée par un souci de conservation des biens dans la famille. Elle repose sur le système de l’ordre successoral qui est censé refléter l’ordre des affections présumées du défunt. Cet ordre allant donc des parents les plus proches au plus éloignés.

La dévolution est donc organisée de façon hiérarchique et s’appuie sur un classement des héritiers par ordre. Ce classement s’établit de façon successive : on classe, d’abord, les héritiers par ordre (= par catégorie) et en cas de pluralité d’héritiers à l’intérieur d’un même ordre, d’une même catégorie leur classement se fera par degré. L’objectif est d’assurer la dévolution des biens au parent le plus proche. Proximité issue de l’ordre le plus proche d’une part, proximité issue ensuite du degré le pus proche au sein de chaque ordre.

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I. Le classement par ordre

L’ordre est une catégorie qui est déterminée par la loi et qui regroupe plusieurs membres de la famille. Les ordres sont précisés à l’article 734 du Code civil qui prévoit 4 ordres différents :

  • les enfants et leurs descendants

  • les pères et mères, les frères et sœurs et les descendants de ces derniers

  • les ascendants autres que les pères et mères

  • les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers

Le texte de l’article 734 du Code civil après avoir énuméré les 4 ordres différents se conclut ensuite par l’affirmation du principe de leur classement hiérarchique.

A. La présentation des 4 ordres

1. Les enfants et leurs descendants

Le premier ordre visé par le texte est celui des enfants et de leurs descendants, cet ordre réunit donc tous les parents en ligne directe descendante c’est-à-dire les enfants, les petits-enfants, arrière petits-enfants …

L’article 735 précise, ensuite, concernant cet ordre que les enfants ou leurs descendants succèdent à leur père et mère ou autre ascendant sans distinction de sexe ni primogéniture même s’ils sont issus d’union différente.

Le fait que le premier ordre de successible visé par le texte concerne les enfants et leurs descendants correspond au sens même de la succession qui est comme le souligne le professeur Malaurie de se succéder de génération en génération. La succession est tournée vers l’avenir et l’avenir c’est la descendance.

S’agissant des dispositions inscrites à l’article 735 au terme desquelles la succession aux père et mère se fait sans distinction de sexe ou de primogéniture. Elle vient rappeler le principe d’égalité entre les enfants consacré par l’abolition de tous les privilèges qui caractérisaient certaines succession aristocratiques dans l’Ancien Droit ou sévissait les privilèges de primogéniture (= droit d’aînesse…). L’évolution historique du droit des successions s’est faite dans le sens de la suppression des inégalités entre les enfants. Les dernières inégalités qui pouvaient résulter de la nature du lien de filiation qui unissait les parents à leur enfant étant elles aussi abolies aujourd’hui par les nouvelles règles inscrites à l’article 733 du Code civil qui prend soin de rappeler que la loi ne distingue pas selon les modes d’établissement de la filiation pour déterminer les parents appelés à succéder. L’alinéa 2 poursuivant les droits résultant de la filiation adoptive sont réglés au titre de l’adoption.

Les règles contenues dans ce texte appellent 2 séries de remarques :

  • le principe d’égalité des filiations : en premier lieu ce texte pose clairement le principe d’égalité des enfants quelque soit le mode d’établissement de leur filiation. Il y a égalité de statut successoral pour tous les enfants qu’il s’agisse d’enfant « naturel », d’enfant issu du mariage voir enfant adultérins. La question des droits des enfants est, aujourd’hui, distincte de la structure du couple qui leur a donné naissance, couple marié ou non et leurs droits ne doivent pas subir les conséquences des fautes qui ont pu être accomplies par l’un des parents dans le cas de l’enfant adultérin. L’idéologie contemporaine est fondée sur la stricte égalité des enfants même si concrètement il sera toujours possible d’avantager l’un de ces enfants par des libéralités grâce à la fraction des biens dont les parents peuvent disposer librement et qui constitue la quotité disponible. Dans ce cas, il y a certes rupture d’égalité entre les enfants mais non pas à raison du statut des enfants, de la nature de sa filiation mais uniquement à raison de la marge de manœuvre laissée par le législateur sur une fraction des biens (= la fameuse quotité disponible). Au delà de cette hypothèse particulière, il faut néanmoins reconnaître que l’égalité des enfants quelque soit leur statut n’est pas totalement parfaite et qu’il demeure aujourd’hui un cas d’inégalité : la seule qui subsiste concerne les enfants incestueux nés d’un inceste absolu. Cet enfant né d’un inceste absolu est celui qui est né d’un homme et d’une femme qui sont frappés d’une interdiction de se marier ensemble en vertu d’un empêchement à mariage insusceptible de dispense. Cette catégorie d’enfants incestueux se voit interdire la possibilité d’établir son double lien de filiation car l’établissement du double lien de filiation qui les rattacheraient à la fois au père et à la mère révélerait l’inceste. Ils ne pourront faire valoir qu’une seule vocation successorale dans la succession du parent à l’égard duquel le lien juridique de filiation aura pu être établit.

  • le cas particulier des enfants adoptés : dans le cas de l’adoption, la vocation successorale de l’enfant adopté présente des particularités qui sont liées à la forme de l’adoption dont est issu leur lien de filiation puisque le système français connaît effectivement deux formes d’adoption :

adoption plénière : l’enfant rompt tout lien avec sa famille biologique. Cette rupture entraîne donc logiquement la disparition de toute vocation successorale dans sa famille par le sang alors que dans sa famille adoptive, il aura exactement les mêmes droits qu’un enfant dont la filiation est établie par l’effet de la loi d’une reconnaissance ou de la possession d’état.

adoption simple : à l’inverse, l’enfant conservant son lien de filiation avec sa famille par le sang cumule une double vocation successorale. Il conserve ses droits héréditaires dans sa famille d’origine et il ajoute à ces droits sa vocation successorale dans sa famille adoptive étant précisé néanmoins que l’adopté et ses descendants n’ont pas la qualité d’héritier réservataire à l’égard des ascendants de l’adoptant (= cf. article 368 alinéa 2 du Code civil).

2. Les père et mère, les frères et sœurs et leurs descendants (= neveu, nièce…)

D’un point de vue terminologique, on parlera à propos de cet ordre des ascendants privilégiés pour les père et mère et les collatéraux privilégiés pour les frères et sœurs et leurs descendants.

Ces ascendants et collatéraux sont qualifiés de privilégiés tout simplement car ils accèdent au 2ème ordre de successibles par opposition aux autres ascendants et aux autres collatéraux visés respectivement au 3ème et 4ème ordre.

Ce 2ème ordre de successibles vise 2 catégories différentes. C’est un ordre mixte dans lequel plusieurs situations doivent être envisagées selon qu’il existe à l’ouverture de la succession des représentants de chacune de ces 2 catégories ou selon qu’il n’y ait au contraire que des représentants de l’une de ces 2 catégories. Différentes hypothèses :

  • Il n’y a que des ascendants privilégiés : les père et mère, dans ce cas là, ont vocation à recueillir chacun la moitié de la succession. Cette règle se retrouve à l’article 736 du Code civil.

  • Il n’y a que des collatéraux privilégiés donc pas d’ascendants privilégiés : les collatéraux privilégiés ont vocation à recueillir la totalité de la succession (= article 737 du Code civil : lorsque les père et mère sont décédés avant le défunt…).

  • Il y a à la fois des ascendants privilégiés et des collatéraux privilégiés : 2 cas de figures envisageables :

il y a à la fois le père et la mère et des collatéraux privilégiés : dans ce cas, chacun des père et mère recueille ¼ de la succession et les collatéraux privilégiés se partagent l’autre moitié.

Il reste uniquement le père ou la mère et des collatéraux privilégiés : dans ce cas, le parent survivant unique recueille ¼ de la succession et les collatéraux privilégiés vont se partager les ¾.

3. Les ascendants autres que les père et mère que l’on qualifie d’ascendants ordinaires c’est-à-dire les grands-parents, arrières grands-parents …

Dans ce cas, à défaut de père et mère, de frères et sœurs et de leurs descendants, la succession du défunt est recueillie par les ascendants ordinaires comme le prévoit l’article 739 du Code civil.

4. Les collatéraux ordinaires (= autres que les frères et sœurs et leurs descendants) tel que les cousins germains

Ils recueillent, eux, la succession à défaut de descendant ou d’ascendant privilégié ou ordinaire et de collatéraux privilégiés.

B. L’articulation hiérarchique des ordres

Les héritiers étant classés par catégorie, par ordre, chacun de ces 4 ordres d’héritiers constitue un ordre qui exclut les suivants (= article 734 alinéa dernier). Par application de ce principe, dès lors qu’il existe un parent figurant dans un ordre d’un rang préférable à celui des autres parents, il exclut les autres parents et c’est lui qui a vocation à recueillir la succession. Un problème peut, néanmoins, se poser lorsque plusieurs parents font parti de cet ordre. Ce problème est réglé par un 2ème classement entre les parents appartenant au même ordre, on va appliquer un classement interne à cet ordre classement fondé sur le degré.

II. Le classement par degré

A l’intérieur de chaque ordre de successibles intervient un 2ème classement fondé sur le degré de parenté. La successibilité est alors déterminée par la proximité du lien de parenté et à l’intérieur d’un même ordre les parents les plus proches du défunt excluent les parents les plus éloignés et héritent sous réserve des correctifs issus du jeu de la représentation et de la fente qui seront vu plus tard.

La proximité de parenté résulte du nombre de générations qui sépare le défunt des héritiers d’un même ordre. A chaque génération s’applique un degré. Le degré peut donc être défini comme l’intervalle qui sépare 2 générations successives c’est-à-dire le nombre de générations qui sépare le défunt de son parent. La suite des degrés forme ce que l’on appelle la ligne. Cette ligne pouvant être soit directe soit collatérale.

A. La ligne directe

On appelle ligne directe la suite des degrés entre personnes qui descendent l’une de l’autre. Cette ligne peut être soit ascendante ou descendante. La ligne directe descendante, c’est celle qui relie une personne à ceux qui descendent de lui. La ligne directe ascendante est celle qui relie une personne à ceux de qui elle descend. S’agissant des degrés en ligne directe, on compte autant de degrés qu’il y a de générations entre les personnes. Le fils sera au 1er degré par rapport à son père.

B. La ligne collatérale

C’est lorsque 2 lignes sont reliées par un ancêtre commun. Donc, c’est la suite des degrés entre personnes qui ne descendent pas les unes des autres mais qui descendent d’un auteur commun. S’agissant du décompte des degrés en ligne collatérale, les degrés se comptent par génération depuis l’un des parents jusqu’à l’auteur commun et depuis celui-ci jusqu’à l’autre parent.

La successibilité en ligne collatérale comporte une limite inscrite à l’article 745 qui prévoit que les collatéraux ne peuvent succéder que jusqu’au 6ème degré.

Dès lors que l’on a établit le nombre de degrés qui sépare le défunt de ses parents au sein de l’ordre qui est appelé à hériter 2 règles corrélatives vont avoir vocation à s’appliquer :

  • la règle de proximité du degré : au terme de l’article 744 alinéa 1er, le parent le plus proche en degré exclut le parent le plus éloigné. C’est ainsi que le fils du défunt exclut ses propres descendants car c’est lui le plus proche en degré.

  • la règle de l’égalité des héritiers d’un même degré : à égalité de degré, les héritiers d’un même ordre se partagent la succession par tête et donc à égale portion. Si le défunt laisse 3 enfants, ils ont droit à la même part donc reçoit 1/3 de la succession chacun.

La détermination des héritiers qui se fait donc en principe par l’utilisation de ce double classement par ordre et par degré pourra être corrigée par l’application de correctifs issus de la technique de la représentation et de la fente.