Les règles de forme de la lettre de change

Les règles de forme de la lettre de change

Des exigences se sont posées par le législateur : le manquement à telle ou telle règle de forme est sanctionné, à titre de principe, par la nullité.

Le législateur a voulu maintenir des lettres de change valables ; alors, il y a des solutions permettant d’évincer la nullité.

Sous section 1 : Les exigences posées de les règles de forme.

  • 1 : Les exigences obligatoires

La lettre de change est nécessairement écrite. Il serait impossible de prouver la lettre de change par une autre forme que l’écrit (article L 511-1 du code de commerce).Peu importe la forme de l’écrit – même si en pratique, il existe des formes types des lettres de change.

En pratique la lettre de change sera rédigée en support écrit unique. Mais le code de commerce permet la possibilité d’en faire plusieurs – mais ils doivent être identique.

Les mentions sont énumérées à l’article L 511-1 du code de commerce. L’article énumère des mentions principes ainsi que des mentions considérées comme supplétives.

  1. Les mentions légalement obligatoires

8 mentions doivent être présentes :

  • la dénomination de la lettre de change – elle est indispensable en ne faisant pas l’objet d’une régularisation car les signataires doivent voir la gravité de la signature entrainant l’engagement cambiaire et d’éviter toute confusion.
  • La mention de payer une somme déterminée. Cela doit porter sur une somme déterminée, pour être certain de l’adéquation, en chiffre et lettre : attention, c’est la somme en lettre qui l’emporte s’il y a l’absence d’adéquation. La lettre de change peut être rédigée en langue étrangère mais ne doit pas stipuler des intérêts. Il est possible d’intégrer le montant des intérêts au capital qui permet de contourner l’interdiction.
  • Le terme de mandat (ne renvoi pas au mandat déjà vue). La notion de mandat signifie ordre de payer. La mention d’ordre est indispensable.
  • l’indication du tiré, c’est à dire le nom du tiré. La signature du tiré n’est pas requise – cela va permettre de savoir quel sera le débiteur et à qui le porteur de l’effet de commerce devra demander le paiement à l’échéance. Il est possible d’avoir plusieurs tirés dans la lettre de change. L’adresse apparait comme essentielle mais cette mention n’est pas obligatoire dans le code de commerce, mais en pratique oui.
  • la mention de l’échéance, à quel moment l’endossataire pourra obtenir le paiement de la lettre de change.

L’engagement cambiaire exclut toute idée de délai de grâce :

  • la lettre stipulée à vue – le porteur choisit la date de présentation et de paiement de l’effet de commerce. Il y a néanmoins un délai de 1 an à compter de la création.
  • l’échéance peut être un certain délai de vue ; cela peut être à 2 mois de vu. En conséquence, le délai court à compter de la 1ère présentation de la lettre de change au tiré. Cela correspond au jour de la présentation à l’acceptation.
  • l’échéance se fait à jour fixe.
  • l’échéance à un certain délai de date – délai de date et de vue – les délais diffèrent : le point de départ ici est la création de la lettre de change

Dans ces hypothèses, la liberté des parties est totale.

  • l’indication du lieu de paiement qui apparait comme une subsistance de l’origine de la lettre de change. Cette indication n’est pas requise à peine de nullité, le lieu du paiement correspond au lieu indiqué à coté du nom du tiré.
  • l’indication du nom de la personne à l’ordre de laquelle le paiement doit être fait, cette obligation vise à désigner le bénéficiaire de la création de la lettre de change car le bénéficiaire est chronologiquement le 1er Cette obligation relève d’incohérence car la loi permet l’endossement en blanc, dépourvu de toute indication de nom.
  • L’indication de la date et du lieu de la création de la lettre de change – plusieurs utilités :
    • Déterminer l’échéance à partir du moment où la lettre de change à un délai de date.
    • Déterminer la juridiction nationale compétente, pour les lettres de change utilisées dans un contexte international.
    • Vérifier que le tireur était capable au moment de l’émission de la lettre. Et vérifier qu’il disposait des pouvoirs suffisants.

  • La question de la signature du tireur – Cette signature peut être apposée à la main, soit par tout autre procédé non manuscrit. Cette dernière affirmation suscite des interrogations : peut-on validé une lettre de change avec une griffe (un cachet reproduisant la signature du tireur) ? La réponse est affirmative. Peut-on admettre une signature électronique de la lettre de change ? La signature électronique est permise par le code civil. Mais le code de commerce l’accepte t-elle ? Pas de réponse ; dans le doute, il est préférable de ne pas apposer une signature électronique.

  1. Les mentions légalement supplétives automatiques

Trois suppléances légales automatiques sont prévues par le législateur :

  • Lorsqu’il y a aucune date, déchéance est indiquée. Dans ce cas, la lettre de change est réputée être payable à vue.
  • Lorsque n’est pas indiqué le lieu du paiement. Dans ce cas, la lettre sera réputée payable au domicile du tiré.
  • Lorsque n’apparait pas le lieu de création. Dans ce cas, cela revient à considérer que la lettre a été souscrite au lieu indiqué à coté du nom du tireur.

  • 2 : Les exigences facultatives

Par définition, les mentions facultatives sont celles dont aucune obligation n’est exigée.

Ces mentions peuvent être insérées au moment de la création de la lettre de change ou encore ultérieurement (durant sa circulation).

1ère mention facultative: indication de la valeur fournie – cela correspond à la prestation fournie par la bénéficiaire au profit du tireur. 2 conséquences :

  • Les suretés qui accompagnent et garantissent la créance du bénéficiaire sur le tireur, sont transmises au profit des porteurs successifs.
  • Indiquer la valeur fournie à des effets sur la validité de la lettre de change. Pourquoi ? Car faire état de cette valeur permettra de découvrir le motif illicite qui a précédé à la création de la lettre de change.

2ème mention facultative: la clause de retour sans frais ou sans protêt: le porteur non payé n’aura pas à faire dresser protêt en cas de défaut de paiement du tiré. Cette clause est fréquente pour deux raisons :

  • Le tireur y trouve moyen de garantir la crédibilité et le crédit du tiré. En effet, ce protêt fait l’objet d’une publication au tribunal de commerce. C’est un moyen de conservation du crédit du tiré.
  • Le porteur y voit un avantage : la clause évite des frais. En effet, l’acte de dresser protêt a un cout.

Néanmoins, cette clause a une portée limitée dans la mesure où elle dispense le porteur de faire protester la traite par acte d’huissier. En revanche, cette clause ne dispense par le porteur de devoir présenter la lettre de change à l’échéance au tiré.

3ème mention facultative : la clause relative à l’acceptation. La présentation à l’acceptation est facultative, tout comme l’acceptation elle-même. Les parties peuvent toutefois prévoir que la présentation à l’acceptation soit, soit obligatoire, soit interdite. La présentation obligatoire est la « clause contre acceptation ». La clause qui interdit la présentation à l’acceptation est la « clause non acceptable ».

4ème mention facultative : la clause dite suivants avis. Cette clause impose au tiré de ne payer la traite qu’après avoir été avisé par le tireur, de la date à laquelle il devra payer ainsi que du montant qu’il devra payer. De la sorte, on lutte contre les détournements et les falsifications de la lettre de change.

5ème mention: la clause de domiciliation. Elle concerne la domiciliation du paiement. On indique à quel endroit le paiement sera effectué. La clause de domiciliation revient à indiquer que le paiement aura lieu au domicile d’un tiers (généralement auprès de l’établissement bancaire où est le compte courant du tiré).

Sous section 2 : la régularisation de la lettre de change

En principe, la lettre de change dépourvue de mentions obligatoires est potentiellement nulle. Cette nullité susceptible d’être soulevé par le juge.

L’absence d’une mention est un vice apparent opposable à tout porteur de bonne foi.

Le législateur a voulu éviter le domaine de nullité grâce à la régularisation. Les hypothèses de régularisation sont à interpréter de manière restrictive. Mais la doctrine a tendance à étendre le domaine de la régularisation. Les tribunaux, à travers cette extension, s’inspire de la théorie de l’équivalence des résultats. La régularisation apparait comme l’instrument de la mise en œuvre de l’équivalence des résultats.

  • 1 : Les conditions de la régularisation.

Elles sont au nombre de trois, toutes d’origine prétorienne :

  • Une condition tenant à l’esprit de la régularisation :

Les tribunaux vérifiant que la régularisation est conforme à l’intention initiale des parties à la lettre de change. C’est la raison pour laquelle la régularisation ne sera jamais unilatérale. La régularisation suppose un accord de volonté entre le porteur et le tireur au moment où le porteur reçoit la lettre de change du tireur. Mais également un accord entre le tiré et le tireur lorsque le tiré reçoit et accepte une lettre de change incomplète. Les juges recherchent donc l’existence de l’accord sur la question de la régularisation. Ils admettent plusieurs formes possibles de consentement :

  • Une manifestions implicite (exemple : un usage bancaire).
  • Une manifestation explicite.

  • Le moment de la régularisation:

Elle doit intervenir avant l’échéance de la dette. La pratique émet la régularisation jusqu’à la présentation au paiement, même si elle doit intervenir au jour de l’échéance. Aucune régularisation n’est envisageable après la présentation au paiement.

  • Les mentions régularisables :

La jurisprudence ne permet pas de régulariser tous les vices affectant la lettre de change. Certaines mentions ne sont pas régularisables Les mentions régularisables sont les irrégularités minimes. A l’inverse, lorsqu’est mis en cause une mention principale, la régularisation n’est pas possible (le montant, la notion de lettre de change, la signature du tireur). La jurisprudence n’admet pas la régularisation de la signature du tireur.

Remarque : certains arrêt n’admettent pas la régularisation parce qu’un vice essentiel existe. Certains arrêts font applications de la théorie de la conversion des actes juridiques. Cette théorie admet que la lettre de change ne vaut pas lettre de change car un vice essentiel l’affecte. En revanche, elle sera requalifiée en autre chose (un commencement de preuve par écrit).

  • 2 : Les effets de la régularisation

Globalement, l’effet est de conférer la validité d’un acte affecté d’un vice. Simplement, cette validation produit des effets distincts selon le point de vue dans lequel on se met.

  • Les effets de la régularisation dans les relations entre les parties à la régularisation

La lettre de change aura la même valeur qu’une lettre de change valable ab initio, à condition que la régularisation intervienne à l’accord des parties.

Il se peut que cette condition soit absente : les parties (le tireur ou le récepteur) ne sont pas tenues de respecter les mentions régularisées qui ne correspondent pas à l’accord intervenu entre les parties sur ce point. Cela permet à la partie concernée de ne pas être tenu de respecter les mentions régularisées opérées non conformément à son accord.

  • Les effets de la régularisation dans les rapports avec les tiers

Les tiers (l’endossataire par exemple) peuvent avoir ignoré le vice initial, au moment de son émission. Le tiers doit alors considérer la traite comme valable dès son émission. Il ne pourra se prévaloir du vice affectant la lettre de change.

Ce principe supporte une exception lorsque pourra être établi la preuve que le tiers porteur savait que la lettre n’a pas été régularisée conformément à l’accord des parties. Dans ce cas, le tiers ne peut pas opposer la validité ab initio de la lettre de change.