Les sources juridiques des finances publiques

L’ENCADREMENT JURIDIQUE DES FINANCES PUBLIQUES

La question ici est de savoir comment est encadré le phénomène financier. Cela passe par la détermination d’un cadre juridique avant d’aborder un cadre administratif.

Différentes normes viennent opérer cet encadrement. On distingue la valeur de la norme (loi, loi organique…) et sa signification de fond.

A) La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen des 20 et 26 août 1789 (DDHC)

La DDHC a une valeur constitutionnelle, et mérite un traitement particulier car elle constitue le socle positif de notre droit public financier. Ce sont les art. 13, 14, 15 qui importent. Ils prévoient la contribution commune, sa nécessité et l’égalité des citoyens devant elle. Ils sont en lien très étroit avec l’article 12. La contribution commune permet de financer la force publique, c’est-à-dire au sens de 1789, les pouvoirs publics. De la déclaration découle le principe de nécessité de l’impôt, à la mise en œuvre des pouvoirs publics, à l’existence du corps social de protection (l’Etat), mais aussi le principe du consentement de l’impôt, et le principe du contrôle social des finances publiques (art. 15).

B) La Constitution du 4 octobre 1958

Elle doit être séparée au niveau financier en 3 thèmes différents : ¡ Les concepts affirmés par la Constitution : l’article 34 de la constitution affirme la légalité de la matière financière. Tout ce qui concerne les finances publiques relève de la compétence de la représentation nationale. Ce principe affirmé très tôt reprend évidemment la Déclaration. On distingue 2 choses dans ce principe :

La détermination de l’impôt (assiette, taux, modalité de recouvrement) est de la compétence parlementaire. On revient au principe politique du consentement de l’impôt. À l’article 34, on retrouve exprimée une autre forme de la légalité de l’impôt.

C’est la loi de finance qui détermine les ressources et les charges de l’Etat. La Constitution attribue à la représentation nationale ce que sont les ressources et les charges de l’Etat. Pendant des années, les dépenses sociales (depuis 1946 et jusqu’au milieu des années 1990), les cotisations sociales finançaient les prestations sociales et ces prélèvements obligatoires n’étaient pas ni discutés, ni votés, ni contrôlés par le Parlement. Au début, les régimes de Sécurité Sociale étaient à peu près équilibrés. À partir des années 1970, on a commencé à constater un déséquilibre de la Sécurité Sociale (en raison de l’assurance chômage et de l’assurance maladie), qui a conduit à faire financer les déficits de ces régimes par des transferts financiers (= dépenses de transfert) depuis le budget général de l’Etat. Le législateur, devant la récurrence de ces transferts (dizaines de milliards de F), a estimé qu’il n’était pas normal qu’il comble des régimes sans avoir au moins un droit de regard sur ce qui devenait bien des dépenses publiques. Une forme d’application de l’article 15 de la Déclaration. La Loi constitutionnelle du 22 fév. 1996 est donc venue introduire un nouveau type de lois de la compétence du législateur, les lois dites de financement de la Sécurité Sociale (LFSS), ce qui modifie l’article 34. Depuis 1996, et la première LFSS de 1997, il est de la compétence de la loi de déterminer les conditions générales de l’équilibre financier de la Sécurité Sociale compte tenu des prévisions de recettes d’un côté et des objectifs de dépenses de l’autre. Le principe de la légalité du concept de libre administration des collectivités territoriales. Ce concept de libre administration découle de l’article 72 de la Constitution, cette libre administration qui devrait en matière de finances publiques conduire les collectivités territoriales à être autonomes financièrement (de ce que sont leurs ressources et leurs dépenses). Or, cette libre administration de l’article 72 se trouve limitée par l’article 34 nous disant que c’est la loi qui détermine les principes de libre administration. Une des expressions financières de cet encadrement est évidemment l’article L 1612-4 du Code général des collectivités territoriales qui prescrit le fameux principe d’équilibre des sections de fonctionnement et d’investissement. ¡ L’organisation des pouvoirs financiers du Parlement : elle découle de la Constitution (art. 39 et 40 de la Constitution).

Ces articles posent deux types de normes :

Une première, qui vient organiser entre les chambres du Parlement la compétence financière, en accordant la priorité à l’Assemblée Nationale (art. 39). Depuis la réforme de 1996, ce sont aussi les LFSS qui sont soumises en premier lieu à l’Assemblée Nationale. Il s’agit bien ici d’opérer une forme de démocratie financière avec une application très ferme du principe du consentement de l’impôt. C’est bien le Parlement en tant qu’institution qui consent l’impôt, mais au sein du Parlement, c’est la chambre dite basse qui représente bien le corps social, la Nation. Ce principe de la priorité à la chambre basse date évidemment de la Restauration (le Sénat, ou chambre des pères, n’était pas du tout représentative car composée de pères nommés par le Roi). Cependant, si le Parlement est bien un acteur fondamental du Droit financier, la V République a profondément rationalisé les pouvoirs de ce Parlement. La Constitution de 1958 a confirmé que si l’initiative de la loi est bien une compétence partagée entre le Parlement et le 1er Ministre, en matière de Loi de Finances, on ne parle que de projet de loi. Cela signifie clairement que l’initiative en matière de loi de finance appartient au Gouvernement. Ici encore, il s’agit d’un principe extrêmement ancien. Comment s’exprime cette rationalisation : l’initiative appartient au 1er ministre, mais le droit d’amendement est considérablement réduit par la Constitution du 4 oct. 1958 et par son art. 40. Les propositions d’amendement qui diminuent une ressource ou augmentent une charge ne sont pas recevables. Cela signifie qu’elles ne seront même pas délibérées, mais considérées comme irrecevables par le président de l’Assemblée Nationale. Cela est 24 fait pour lutter contre la tentation démagogique du Parlement. Il est facile pour un député de proposer une baisse des impôts. ¡ La distinction entre les lois et les lois organiques : la Constitution renvoie à des lois organiques le soin d’organiser le régime des lois de finance et des lois de financement de la SS. La Constitution renvoie à une loi organique le soin de la conception, l’exécution et le contrôle du budget de l’Etat. La 1ère loi a été l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 (mise en route de la V République) La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finance organise la préparation, le contrôle du budget de l’Etat. Cette loi organique relative aux lois de finance est le prolongement de la Constitution venant encadrer la préparation, l’exécution et le contrôle du budget de l’Etat. Elle est absolument à distinguer des lois de finances (sorte de lois d’application). Cette loi organique s’effectue aussi en ce concerne les collectivités territoriales. La Constitution organique la répartition territoriale des compétences (art. 72 et 34). L’article 34 dispose qu’il est de la compétence du législateur « d’organiser la libre administration des collectivités territoriales, leurs compétences et leurs ressources. » L’article 34 pose le principe de la légalité de la libre administration des collectivités territoriales en ce qui concerne leurs finances. Cet article s’oppose à l’article 72 qui pose l’idée de la libre administration de ces collectivités territoriales. On a ici un encadrement de l’autonomie des collectivités territoriales. La réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République renforce quelque part l’autonomie financière de nos collectivités territoriales. Loi organique n°2004-758 du 29 juillet 2004 relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales. Ce renvoi aux lois organiques a aussi été prévu en ce qui concerne le régime des finances sociales. Depuis 1946, et la généralisation de la Sécurité Sociale, l’Etat a été amené régulièrement à opérer des versements au budget ou aux finances sociales. Très rapidement, le législateur s’est ému que des versements financiers s’opéraient sans qu’il soit saisi, au moins, d’un débat. Dès 1979, on note une proposition de loi organique relative au contrôle du Parlement sur les finances des régimes obligatoires de SS. La loi a été adopté en 1987, mais déclarée inconstitutionnelle par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 7 janvier 1988. Suite à cette volonté du Parlement d’avoir un regard sur ces versements opérés aux finances sociales (le contrôle démocratique sur l’attribution de sommes publiques), il y a inconstitutionnalité du contrôle, et une réforme constitutionnelle est adoptée (réforme du 22 février 1996 relative à la loi de financement de la SS). À partir de cette réforme de 1996, il est possible au Parlement d’opérer un contrôle des sommes affectées au régime de protection sociale. La Constitution renvoie à une précision du régime par une loi organique, logiquement le Parlement adopte une première loi organique dans la foulée de la réforme (loi organique du 22 juillet 1996 précisant le régime de la LFSS), et très récemment cette loi organique a été remplacée par la loi organique n°2005-881 du 2 août 2005. Cette loi organique est relative aux LFSS.

C) Les lois ordinaires et les lois de finance

La Constitution et les lois organiques posent un cadre juridique. En fonction des répartitions de compétence, il appartient au législateur dans certains domaines ou au pouvoir réglementaire dans d’autres de mettre en action l’Administration a l’intérieur du cadre des finances. La mise en œuvre de politiques publiques s’opère par la loi ou par des décrets. L’article 34 précise l’existence d’une catégorie particulière de lois : les lois de finances, qui concernent donc l’encadrement juridique du budget de l’Etat et reprenant le principe du consentement de l’impôt exprimé dès la Révolution et la Restauration au sein de la loi de l’impôt (loi de finance de l’époque), sont complétées par les loi de financement de la SS, venant mettre en œuvre le budget des organismes de SS. 25 Ici, il convient donc de ne pas confondre la compétence législative qui est posée par l’article 34 et 37, et la forme particulière qui est susceptible d’être prise par cette compétence législative d’une loi de finances (loi de finance ou loi normale dite « ordinaire »).

– L’enjeu de la question réside évidemment dans les formes et procédures particulières imposées aux lois de finance (forme et procédure d’adoption).

– Il ne faut pas confondre LOLF, loi de finance et loi ordinaire :

– LOLF = loi organique prévue par la Constitution et encadrant le régime juridique du budget. C’est un prolongement de la Constitution (il s’agissait de ne pas alourdir la Constitution d’article financiers). C’est un renvoi de la Constitution. Dans le prolongement de l’ordonnance, elle organise le régime de ce que l’on appelle les lois de finance.

– Lois de finance = lois annuelles qui précisent le budget de l’Etat. Du fait du dispositif de l’article 34, elles sont de la compétence du législateur. Ce ne sont pas des lois ordinaires.

– Lois ordinaires = elles peuvent comprendre des dispositions financières.