Les traités, les normes européennes et le droit administratif

Les conventions internationales, les normes européennes et le droit administratif

Les traités constitutifs en droit communautaire sont considérés comme du droit communautaire. Comme traités on a: Rome 1957, acte unique 86, Maastricht 92, Amsterdam 1997 et Nice 2000.

Article 55 de la Constitution: « Les traités et accord régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle de la loi sous réserve de leur application par l’autre partie ». On a la clause de réciprocité.

A partir de là, la théorie oscille entre deux conceptions monistes et dualistes:

– Moniste: les normes internationales sont en application immédiate en droit interne et n’exigent donc aucune réception particulière.

– Dualiste: un acte est nécessaire pour introduire le droit international.

L’acte étatique qui fait qu’on est dans une conception dualiste en France est l’article 55. On a des théoriciens qui pensent aussi que l’on est dans conception dualiste.

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I) Les traités et accords internationaux

A) Le contrôle de la procédure

Avant d’appliquer le droit international, le juge administratif accepte d’en contrôler la procédure. Dans la Constitution, les articles 52 et 53 de la Constitution décrivent cette procédure:

Le président de la République négocie et ratifie les traités. En revanche les simples accords sont approuvés par le ministre des affaires étrangères (article 52).

l’article 53 dispose que pour les traités les plus importants, une loi de ratification est nécessaire. Les traités et accords internationaux sont publiés au JO de la République française.

Avant ratification ou approbation, le Conseil constitutionnel peut être saisit (article 54). Dans ce cas, conseil va contrôler la compatibilité du traité avec la const. En cas d’incompatibilité, le traité ne peut être ratifié que si la Constitution est révisée entre temps.

La saisine du Conseil constitutionnel peut se faire saisir par le Président de la République, le PM,le président de l’Assemblée Nationale ou du Sénat ou depuis 1992 par 60 députés ou 60 sénateurs (c’est en 1992 que la saisine est ouverte pour les traités et 1974 pour les lois). Le Conseil constitutionnel est obligé de statuer sur l’ensemble des incompatibilités.

Par rapport à ces éléments de procédure, le conseil d’Etat se dit compétent pour contrôler la régularité de cette procédure. Ceci résulte de l’arrêt du 18 décembre 1998 CE ass. : arrêt « SARL parc d’activité Blotsheim ». Le conseil d’Etat vérifie cette procédure y compris par voie d’exception (arrêt du 5 mars 2003, arrêt Aggain).

Le contrôle par voie d’exception signifie que le requérant va exciper de l’illégalité d’un acte ou d’une procédure antérieure pour obtenir l’annulation de l’acte attaqué.

B) Les conditions d’application

Pour pouvoir être applicable en droit français, un traité international doit respecter deux conditions:

– Le traité doit avoir un effet direct: il doit prévoir des droits en faveur des particuliers. Il ne doit pas uniquement prévoir des droits en faveur des Etats. Ces droits doivent être suffisamment précis. L’arrêt du Conseil d’Etat du 23 avril 1997 est un arrêt « JISTI » qui établit une distinction entre les dispositions de la convention internationale relative au droits de l’enfant qui comportent un effet direct et celles qui n’en comportent pas. Le droit de l’enfant de bénéficier du meilleur état de santé possible n’a pas d’effet direct: il faudrait des dispositions plus précises.

– La réciprocité: cela signifie que le traité ne peut être appliqué en droit interne français que sous réserve de son application par la ou les autres parties. L’arrêt CE 9 avril 1999 « Mme Chevreul Bankedeach » dit que seul le ministre des affaires étrangères est compétent pour apprécier la satisfaction de cette condition. Cela signifie que quand le juge français doit appliquer un traité et qu’il a un doute, il doit demander l’avis du ministre des affaires étrangères. Ceci pose problème: l’arrêt de CEDH du 13février 2003 dit que la France a été condamnée pour atteinte au droit à un procès équitable. Le droit français est de plus en plus en prise à la convention européenne des droits de l’homme. Le droit à un procès équitable (article 6-1 de la CEDH) est garanti par la CEDH. Le droit à un procès équitable comporte plusieurs éléments dont l’accès à un tribunal. Ce droit implique que le tribunal doit se reconnaître compétent sur tous les aspects du litige. En l’espèce, le Conseil d’Etat ne s’est pas estimé compétent sur la condition de réciprocité car seul le ministre des AE est compétent, ce qui a valu la condamnation de la France.

Le condition de réciprocité ne joue par pour tous les traités:

– Elle ne joue pas pour les traités multilatéraux (plusieurs Etats partis). En effet, si un seul Etat sur 100 n’applique pas le traité, il ne faut pas que les 99 autres arrêtent de l’appliquer.

– Elle ne joue pas pour les traités sur les droits de l’homme.

C) Le champ d’application

En dehors des dispositions des traités eux-mêmes, certains éléments du droit international ne sont pas forcément applicables en droit français.

Tout d’abord la coutume en droit international n’est pas applicable en France: c’est ce qu’à reconnu le juge administratif. L’arrêt du 6 juin 1997 « Aquarome » a dit que la coutume ne prévaut pas sur la loi.

Les principes généraux du droit international sont des principes non écrits mais reconnus par la jurisprudence internationale. L’arrêt du Conseil d’Etat du 23 octobre 1987, « société Nachfolger », dit que les principes généraux du droit international ne prévalent pas sur les lois françaises.

Les principes généraux du droit communautaire s’appliquent en droit français mais dans un domaine régit par le droit communautaire.

D) L’interprétation

La question que l’on se pose est : qui est compétent pour interpréter les traités internationaux ou communautaires ?

1) Le droit international

Avant 1990, le juge administratif s’estimait incompétent pour interpréter les traités internationaux. En l’occurrence le juge administratif demandait son avis au ministre des affaires étrangères. Le conseil d’Etat a opéré un revirement de jurisprudence en 1990: c’est un arrêt du 29 juin 1990 « JISTI » qui dit que le Conseil d’Etat ne doit plus demander son avis au MAE et même s’il le fait, il ne doit plus s’estimer lié par l’avis.

Le conseil d’Etat peut interpréter lui-même le droit international.

2) Le droit communautaire

La règle est la suivante: il y a obligation de saisir la CJCE (cour de justice des communautés européennes) d’une question préjudicielle (quand un juge demande à un autre juge quelque chose). Cette obligation figure à l’article 234 du traité instituant les communautés européennes (le TCE). Cette obligation ne concerne que les juridictions dont les décisions sont insusceptibles de recours (En France, la cour de cassation et le conseil d’Etat).

Le conseil d’Etat a dans un premier temps refusé de se plier à cette obligation. Il a utilisé dans un premier temps la théorie de l’acte clair: c’est le fait de dire que tel acte du droit communautaire est parfaitement clair et ne nécessite pas d’interprétation. Comme expression de cette théorie on a l’arrêt du Conseil d’Etat ass. du 19 juin 1964 « société des pétroles Shell Berre ».

A partir des années 1970, le Conseil d’Etat a accepté de saisir la CJCE.

E) Les modalités d’application

On a deux situations:

– Il existe une norme internationale puis un acte administratif.

– On a affaire à une norme internationale, une loi française et un acte administratif.

1) La confrontation directe d’un acte administratif à une norme internationale

L’exemple type est la convention d’extradition et le décret d’extradition. Dès la IVè République, le juge administratif a accepté de censurer les actes administratifs violant directement les traités internationaux. L’arrêt du Conseil d’Etat ass. du 30 mai 1952 « Kirkwood »: le Conseil d’Etat annule directement un décret d’extradition ne respectant pas la convention d’extradition.

On a beaucoup de jurisprudence dans lesquels le juge administratif confronte les décisions françaises sur le fondement de la CEDH.

2) L’interposition d’une loi entre un acte administratif et un traité international ou communautaire

Dès les années 1960, les juridictions communautaires affirment et réaffirme le principe de primauté du droit communautaire. On a deux arrêts: le premier de la CJCE du 15 juillet 1964 « Costa contre Enel » et le deuxième de la CJCE du 9 mars 1978 « Simmenthal » qui dit que tout juge national a obligation d’appliquer le droit communautaire.

Le Conseil d’Etat dans son arrêt du 1er mars 1978 « syndicat des fabricants de semoule de France » fait prévaloir les lois postérieures sur un traité.

On a la célèbre décision du Conseil constitutionnel (arrêt « IVG ») qui refuse de contrôler une loi par rapport à la convention européenne des droits de l’homme. La Constitution lui donne compétence pour contrôler les lois par rapport à la Constitution mais pas par rapport à d’autres normes. D’autre part le conseil constitutionnel décide que les décisions d’annulations prises dans le cadre de l’article 75 de la Constitution ont un caractère absolu et définitif alors que la supériorité des traités sur les lois est relative et contingente. Elle est relative car la supériorité des traités ne vaut que pour des éléments précis et contingente du fait de la clause de réciprocité. Une loi contraire au traité n’est pas pour autant contraire à la const.

Cependant, la cour de cassation accepte d’opérer un contrôle: c’est le très célèbre arrêt du 24 mai 1975 « café Jacques Vabres ».

Le Conseil constitutionnel revient dans un arrêt de 1986 où il invite très expressément le juge administratif à appliquer les conventions internationales même en présence d’une loi.

Le revirement de jurisprudence du conseil d’Etat est l’arrêt « Nicolo » du 20 octobre 1989 où Mr Nicolo conteste une élection. Cette élection est fondée par une loi de 1977 et Mr Nicolo estime que cette loi de 1977 est contraire au traité de Rome. Le conseil d’Etat vise expressément l’article 55 de la constitution. Le conseil d’Etat contrôle la compatibilité de la loi avec le traité de Rome.

L’arrêt Nicolo marque l’abandon de la théorie de la loi écran en matière d’application des conventions internationales. Les lois contraires aux conventions internationales sont contrôlées et sont écartées du litige, ce qui permet au juge administratif éventuellement d’annuler les opérations administratives.

La dernière étape est l’arrêt Sarran (30 octobre 1998, CE ass.) où le conseil d’Etat confirme la supériorité de la Constitution sur les traités.

Le Conseil constitutionnel ne souhaite pas contrôler les lois par rapport aux traités mais par rapport à la Constitution. Le juge administratif ne contrôle pas les lois par rapport à la Constitution mais par rapport aux traités depuis 1989 or certains traités comportent des droits quasiment équivalents à ceux du bloc de constitutionnalité.

II) Le droit européen dérivé

ATTENTION ON NE DOIT PAS DIRE DROIT COMMUNAUTAIRE MAIS DROIT EUROPEEN. Un règlement communautaire est obligatoire dans tous ses éléments. Une directive oblige les Etats membres pour les résultats à atteindre mais laisse libre les Etats membres quand aux moyens d’y parvenir. Une directive nécessite un acte de transposition en droit interne et cette mesure de transposition se fait avec une loi ou avec un acte administratif (on peut avoir des décrets de transposition).

A) Les règlements

Il y a un règlement européen, une loi et un acte administratif: le juge administratif accepte de contrôler la loi par rapport au règlement communautaire. Si la loi est contraire au règlement communautaire, elle sera écartée du litige et le juge administratif pourra éventuellement annuler l’acte ou l’opération administrative. Cela résulte de la jurisprudence du conseil d’Etat du 24 septembre 1990 « Doisnet » qui est proche de l’arrêt Nicolo.

B) Les directives

1) L’application directe des directives en l’absence de loi

Le juge administratif accepte de contrôler la régularité d’un acte administratif règlementaire par rapport à une directive communautaire. Un acte administratif règlementaire est un acte à portée générale et impersonnelle. L’arrêt du 28 septembre 1984 « confédération des animaux » et l’arrêt du 16 septembre 1984 « fédération française des animaux et de la nature ».

L’arrêt Alitalia dit que les autorités nationales ne peuvent ni édicter ni laisser subsister d’actes règlementaires contraires aux objectifs des directives après expiration du délai de transposition.

La directive et un acte administratif individuel: les directives sont considérées comme n’ayant pas d’effet direct. On estime donc que pour qu’un particulier puisse invoquer une directive, il faut qu’il y ait une mesure générale et impersonnelle de transposition. L’arrêt du Conseil d’Etat du 22 décembre 1978 « Cohn Bendit » statue sur la mesure d’expulsion de Cohn Bendit: il forme un recours contre le refus d’abrogation de son expulsion en invoquant une directive communautaire. Le Conseil d’Etat refuse qu’un requérant puisse invoquer une directive directement à l’appui d’un recours contre une mesure individuelle.

L’arrêt « Tête » du Conseil d’Etat correspond à une contestation d’un acte non réglementaire au regard d’une directive marché public. Le conseil d’Etat estime que des règles nationales lacunaires ou incomplètes ne sauraient fonder des mesures non réglementaires contraires à des directives. cela signifie que le conseil d’Etat invoque l’absence de mesures générales et impersonnelles au même titre que si elles étaient présentes. Le conseil d’Etat sanctionne un vide juridique pour annuler une mesure individuelle.

2) L’application des directives en présence d’une loi

L’arrêt du conseil d’Etat « Rothmans et Philippe Morris » du 28 février 1992 dit que si la loi est contraire à la directive, elle peut être écartée et les mesures administratives peuvent éventuellement être censurées s’ils sont contraire à la directive.

3) La responsabilité de l’Etat français en cas de mauvaise transcription de directive

Il y a responsabilité de l’Etat français en cas de mauvaise transcription d’une directive. L’arrêt du Conseil d’Etat ass. du 28 février 1992 « société Arizona Tobacco Products » dit que l’Etat français a engagé sa responsabilité et réparé le préjudice causé par l’édiction d’acte contraire à une directive.

4) Les obligations du pouvoir réglementaire d’application des lois en présence d’une directive

On a une directive de 1979 sur la chasse d’oiseaux migrateurs. On a l’arrêt du 3 décembre 1999 du Conseil d’Etat « association ornithologique et mammalogique de Saône-et-Loire » et « rassemblement des opposants à la chasse ». Le gouvernement avait fait fixer les dates de chasse par la loi (15 juillet 1994). Le Conseil constitutionnel ne contrôle pas la loi par rapport à une directive. Le conseil d’Etat ne peut être saisit car il n’y a pas d’acte administratif en jeu.

Les requérants ont demandé au Premier ministre de déclasser la loi car elle empiétait sur le domaine réglementaire. Lorsqu’une loi empiétant dans le domaine réglementaire est contraire à une directive, il est possible de demander au Premier ministre d’entamer une procédure de déclassement afin de prendre une mesure administrative conforme à la directive. Les dates de chasse dépendent du pouvoir réglementaire.

L’arrêt du conseil d’Etat du 3 septembre 1999 « association ornithologique et mammalogique de Saône-et-Loire et association France nature environnement » n’empêche pas le pouvoir réglementaire d’agir, il n’est juste pas intervenu. Le pouvoir réglementaire d’application des loi doit se conformer aux directives et ce dès la première mesure quitte à prendre une mesure d’application contraire à la loi que l’on est censé appliquer.

5) Le contrôle des lois de transposition des directives par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel refuse de contrôler une loi par rapport à une convention internationale. A partir des années 2003-2004, la France est lancée dans l’adoption d’une série de lois qui recopiaient quasiment les textes des directives pour rattraper le retard. On a la « loi pour la confiance de l’économie numérique » qui recopie une directive, il y a problème pour le contrôle du Conseil constitutionnel car contrôler cette loi revient à contrôler la directive. Or depuis l’arrêt IVG, le Conseil constitutionnel se déclare incompétent en matière de droit int.

On a l’exigence constitutionnelle de l’article 88-1 de Constitution qui dit que la transposition d’une directive est une exigence constitutionnelle. Il ne peut être fait obstacle à cette exigence qu’en raison d’une disposition expresse de la const. Le Conseil constitutionnel ne censurera une telle loi que si la loi ou ses articles sont contraires à une disposition expresse de la const. C’est une norme qui résulte de dispositions écrites du bloc de constitutionnalité et qui est spécifique à la Constitution française.

III) La convention européenne des droits de l’homme

Ce traité international multilatéral est en train de bouleverser des pans entiers du droit administratif. l’article 6-1 de la CEDH est souvent utilisé: c’est le droit à un procès équitable. On a l’indépendance du juge, l’impartialité, l’accès à un tribunal, le délai raisonnable du jugement, le tribunal compétent. On applique ces éléments à toute procédure de sanction administrative.

L’autre domaine administratif touché est le droit des étrangers. Toutes les libertés publiques consacrées par cette CEDH. On a aussi certains aspects du droit administratif des biens.

Le commissaire du gouvernement ne représente pas le gouvernement et n’a rien à voir avec le gouvernement: c’est un membre des formations de jugement. Son rôle est de donner un point de vue éclairé et impartial sur le litige et de proposer à la formation de jugement une solution juridique. Il rend donc des conclusions juste avant que la formation se retire pour le délibéré. On lui reproche d’être contraire à l’article 6-1 de la CEDH sur le principe d’impartialité.

La cour européenne sanctionne la participation du commissaire du gouvernement au délibéré. Le décret du 29 décembre 2005 dit que le commissaire peut rentrer dans la salle du délibéré mais reste muet. La CEDH en grande chambre, le 12 avril 2006 dans l’arrêt « Martinie contre France », condamne la France pour assistance muette au délibéré.