La non brevetabilité des méthodes chirurgicales, thérapeutiques, de diagnostic

L’exclusion des méthodes chirurgicales, thérapeutiques ou de diagnostic

De façon schématique, pour aborder les conditions de protection par brevet, on peut opposer les conditions négatives ) aux conditions positives de protection

Les conditions négatives font référence au fait que la législation sur les brevets écarte de la protection certaines formes de créations, ou des créations se situant dans certains domaines.

Il faut toutefois souligner que ces exclusions ont un caractère assez limité, comme beaucoup d’exceptions en droit. C’est donc quelque chose qui finalement répond à une volonté de ne pas trop limiter le droit des brevets.

En-dehors de leur définition stricte, la plupart des champs de l’activité humaine peuvent ouvrir la voie du brevet.Ces exclusions sont assez variées, diversifiées, et l’on peut ainsi créer des liens artificiels pour les grouper en catégories. Il y a des exclusions qui sont rattachées à l’exigence d’invention, car un brevet porte sur une invention. Puisqu’on exige une invention, on va donc d’emblée faire tomber un certain nombre d’éléments.

D’autres exclusions trouvent en revanche des justifications propres, comme les méthodes chirurgicales, thérapeutiques ou de diagnostic (étudié dans ce chapitre)

L’article L. 611-16 du Code de la propriété intellectuelle dispose que «Ne sont pas brevetables les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal, et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal».

Cette bouture qu’est l’article L. 611-16 du Code de la propriété industrielle est issue de la Loi du 4 août 2008, qui a supprimé la justification formelle de cette exclusion, qui conduisait à affirmer que ces méthodes étaient exclues parce qu’elles n’étaient pas susceptibles d’application industrielle.

On peut comprendre ces exceptions. En effet, l’exclusion du champ de la brevetabilité des méthodes appliquées au corps humain s’inspire très probablement de considérations d’ordre moral. Il est en effet très difficile d’admettre qu’un savoir aussi utile à la Santé publique fasse l’objet d’un monopole. L’existence d’un brevet sur ces méthodes empêcherait en effet les médecins de prendre toutes les mesures nécessaires aux patients, dans les meilleures conditions possibles – notamment financières – et dans les plus brefs délais.Cela impliquerait en fait que chaque médecin obtienne une licence d’exploitation auprès de chaque titulaire de brevet pour pouvoir exercer leur profession.

On a donc pris conscience que, pour des raisons d’ordre économique et moral, ces méthodes ne pouvaient entrer dans le champ de brevetabilité.

Le statut de l’animal conduit à interdire des pratiques appliquées au corps animal. On a donc un raisonnement analogique pour le corps animal.

Ces méthodes relèvent de l’art de guérir, et elles ne sont malheureusement pas définies. Elles sont justes énoncées sans être définies par le Code de la propriété industrielle.

Le procédé thérapeutique :un procédé thérapeutique intervient pour guérir une maladie, supprimer un dysfonctionnement organique, et il inclut des méthodes prophylactiques, comme par exemple la vaccination ou l’immunisation.

Le procédé de traitement chirurgical :la définition a été donnée par l’Office européen des brevets. Un procédé de traitement chirurgical se détermine plus par sa nature que par son but. Il s’agit du traitement de maladies ou de lésions du corps humain ou animal qui comportent des interventions sanglantes ou des manœuvres externes.

Le procédé de diagnostic :c’est l’exécution, à des fins médicales, d’un examen concernant l’état du corps humain ou animal. Il s’agit ici d’identifier un état pathologique ou son absence. Plus classiquement, on trouve une idée assez simple qu’un procédé de diagnostic est «l’identification d’une maladie par ses symptômes». Cela signifie que l’on va viser tout un tas de méthodes de diagnostic, et cela peut aller très loin, comme par exemple des méthodes d’application de tests de diagnostic (comme un dépistage de maladie, par exemple).

Ces méthodes sont certes exclues, mais le législateur a pris le soin de préciser à l’article L. 611-16 du Code de la propriété industrielle que seules sont exclues les méthodes, et ne sont pas concernées les produits, notamment les substances ou les compositions pour la mise en œuvre d’une de ces méthodes. Mais cette réserve n’a pas toujours existé. En effet, quand on parle de « substances » ou de « composition », on parle demédicaments.

On a là tout un secteur économique qui est touché, et la position française et européenne n’a pas toujours été de formuler cette réserve en faveur des médicaments. Pendant longtemps, la volonté politique a été d’empêcher la constitution de monopole dans le secteur de la Santé publique. Néanmoins, assez rapidement, et dans un souci d’incitation à la recherche, il a semblé utile d’autoriser la protection des médicaments par brevet, ce qui fût fait dans un premier temps par la création d’un brevet spécial pour les médicaments. Très rapidement néanmoins, ce brevet a été supprimé, et les réformes ultérieures ont réintégré le médicament dans le brevet classique (c’est la Réforme de 1968 qui a achevé ce transfert).

Le secteur pharmaceutique et médical offre en outre la particularité de disposer d’un titre particulier de propriété industrielle, qui s’appelle le certificat complémentaire de protection.

Qu’est-ce qu’un certificat complémentaire de protection ?

Ce certificat a vocation à prolonger la durée de vie d’un brevet, d’une durée équivalente à celle qui a été nécessaire à l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché. Cette prorogation est tout de même limitée dans le temps puisqu’elle est limitée à 5 ans, bien que les industries pharmaceutiques souhaitent qu’elle soit étendue à 10 ans.

Si l’on part du brevet, la protection par brevet est accordée à compter de la date de dépôt de la demande. Comme il faut déposer la demande de brevet avant la demande d’autorisation de mise sur le marché, le monopole d’exploitation ne sert à rien puisqu’il n’y a pas encore d’autorisation de mise sur le marché. Donc, c’est parce que le brevet prend effet dès la date de la demande de brevet que l’on accorde ce délai supplémentaire de 5 ans maximum avec le certificat complémentaire de protection.

Cela fait l’objet de beaucoup de discussions et de pressions dans les pays, notamment entre l’Europe qui est reconnue comme partie prenante au traité (Cf. l’Inde est le plus grand fournisseur de médicaments). L’Inde a besoin de cela pour développer son économie, et parfois cela donne lieu à des contournements.