Objet, nature et domaine du droit international privé

Objet, nature et domaine du droit international privé

On peut commencer à donner une première définition du Droit International Privé. On peut dire que le Droit International Privé est l’ensemble des règles applicables aux individus dans les relations internationales. Cette définition est succincte mais cela nous donne quelques informations : ce sont des règles et elles évoluent dans la dimension des relations internationales.

Mais cela nous mène à préciser l’objet du Droit International Privé.

  1. A) Objet du droit international privé

Son objet principal c’est la prise en considération des relations internationales. Le deuxième point important porte sur les relations entre individus, personnes privées.

1.) Prise en considération des relations internationales

Le droit international privé n’est pas qu’un ensemble de règles. Il prend une dimension particulière. Jusqu’ici le droit interne suppose que la France est le seul pays au monde. On a raisonné en cercle fermé. Mais ça donne une vision concentrée, égocentrique du système juridique.

Dans la pratique, les individus pensent que le droit français est le seul droit applicable. En fait, qu’il s’agisse d’un accident ou d’un contrat de mariage, il se peut que ces situations fassent intervenir un français et une personne nationalité différente, étrangères. De plus, de nos jours, les individus se déplacent énormément. Il faut donc relativiser le droit interne.

C’est ce que fait le droit international privé parce que sous l’angle du droit international privé les relations s’inscrivent dans une dimension, un ordre international.

Ainsi le droit international privé va s’intéresser à tout les rapports de droit (famille, obligations, commercial…). A cette relation déjà étudiée, va se greffer un élément d’extranéité (extérieur à la nation).

Cet élément n’ est pas unique il est constitué par tout ce qui est étranger au droit français et à la nationalité française. Il peut y avoir plusieurs éléments d’extranéité. Pas seulement la nationalité. Ça peut être le lieu de conclusion d’un contrat, où le lieu où un accident s’est produit, où le lieu d’exécution d’un contrat. Exemple : accident entre deux français à l’étranger, résidant en France.

Cette présence de l’élément d’extranéité, c’est ce qui va créer la différence entre le droit interne et le droit international privé. Sa présence va déclencher un raisonnement en termes de résolution d’un conflit de loi qui va se superposer. Il est préalable au raisonnement en terme de droit interne. Exemple : droit familial : étudie les différentes causes de divorce : 2 personnes mariées de nationalités différentes domiciliées France et domiciliées dans un pays de la nationalité d’aucun des deux. Ce couple veut divorcer. Ils vont devant le juge français (qui est compétent : on verra plus tard pourquoi). Ici il y a conflit de loi. Le droit international privé va essayer de résoudre ce conflit de loi.

La conséquence de tout cela est la très grande complexité du droit international privé. Ce sont les règles du droit international privé qui vont dire laquelle des lois va régler le litige.

2) Prise en considération des relations entre les individus

On insistera ici sur la distinction entre le droit international public et le droit international privé. Le droit international public consistait à étudier les relations entre 2 ou plusieurs Etats ou entre Etats et Organisations Internationales. Le droit international privé gère les relations entre individus, personne physique ou personne morale ayant une personnalité morale. On gère cette relation entre les individus, car ces sujets développent une vie privée internationale comme une vie privée nationale. Exemple : Ils vont en vacances ou font du commerce à l’étranger

Le droit international privé peut aussi gérer des relations entre un individu et un Etat.

Soit parce qu’ une prérogative d’un Etat affecte le statut d’un individu. Exemple : attribution de la nationalité

Soit parce que l’Etat ou un de ses démembrements se comporte comme une personne privée. Il va conclure des contrats privés, donc le droit international privé va intervenir.

  1. C) Nature du droit international privé.

1) Le Droit International privé est-il un droit international ou un droit interne

On a vu que le Droit International privé est national par ses sources et l’on a privilégié au départ les sources internes. On constate que les questions de Droit International privé sont souvent liées à des questions de souveraineté des Etats et comme chaque Etat a du mal à renoncer à son propre système juridique, on s’aperçoit que chaque Etat a son propre système de Droit International privé. Donc on aura autant de Droit International privé que d’Etats souverains. Sous cet angle, on donne raison aux Particularistes qui affirmaient que le Droit International privé est une projection du droit interne sur le plan international.

Mais de l’autre côté , il y a des arguments : Le fait que chaque Etat soit souverain n’exclue pas la possibilité de respecter la loi d’un autre Etat. Mais cela implique aussi le fait qu’il est possible de ne pas appliquer le droit d’un autre Etat.

Donc le Droit International privé reste international par son objet : le Droit International privé n’est mis en œuvre qu’à partir du moment où le conflit est international. Le Droit International privé est donc national par ses sources et international par son objet.

2) Le Droit International privé est-il une discipline de droit public ou de droit privé ?

Plusieurs thèses se sont affrontées. Beaucoup de spécialistes de Droit International privé à une époque étaient des spécialistes de droit public.

Les conflits de juridictions, la condition des étrangers, la nationalité sont des thèmes qui relèvent en partie du droit public, mais ces thèmes sont aussi réglés par le droit privé. Ainsi la nationalité relève du droit judiciaire.

Donc plus d’éléments du privé que du public.

  1. C) Domaine du droit international privé

Cette branche peut se diviser en quatre autres branches. Quatre matières sont étudiées de manière traditionnelle :

la nationalité

la condition des étrangers

conflit de juridiction

conflit de loi

Qui sont les sujets de la communauté du droit international privé ?

1) Sujet du droit international privé (nationalités et conditions des étrangers)

Cette distinction est incontournable. Elle existe dans tous les systèmes juridiques.

  1. a) La nationalité

Elle peut se définir comme ensemble des règles qui déterminent l’allégeance d’un individu par rapport à un Etat.

Il existe plusieurs particularités :

Elle est régie par la loi dans ses moindres détails et sa réglementation est contenue dans le Code civil (des articles 17 aux articles 33-2 du Code civil). Depuis 1945, il existait auparavant un code de nationalités et en 1998 cette partie a réintégré le Code civil

Ces règles sur le droit de la nationalité consistent ce que l’on appelle des règles matérielles unilatérales. La jurisprudence n’intervient que très rarement. Seul le droit français peut dire dans quelle mesure un individu est ou n’est pas français. Et de l’autre côté le droit français ne peut pas dire dans quelle mesure un individu à une autre nationalité.

le lien de nationalité est un lien de droit public. La nationalité est une institution de droit public car elle régie les rapports entre les individus et un Etat. De se fait l’individu se verra attribuer des droits. C’est une règle unilatérale.

Il y a plusieurs explications pour que le droit de nationalité fasse partie du droit international privé :

o C’est un élément de l’état des personnes. Donc son contentieux relève des juridictions judiciaires exclusivement.

o En plus, il y a eu plusieurs réformes en droit de la nationalité pour s’aligner sur les principes nouvellement consacrés ( loi 6/01/73)

o Autre raison principale, c’est que notre système de solution des conflits de loi fait une place très importante à la loi nationale c’est-à-dire que l’on utilise la nationalité comme critère de rattachement.

  1. b) la condition des étrangers

Notion qui sert à déterminer les prérogatives dont peuvent se prévaloir les étrangers sur notre territoire.

Cela pose des problèmes multiples, en autre administratif. Ex : droit d’entrée, droit de séjour, droit public( ex: droit de vote), et sur terrain du droit privé ( ex: droit d’ exercer un commerce)

Ces questions se posent beaucoup en France car c’est un territoire d’immigration. Evidemment les règles concernant la condition des étrangers dépendent du gouvernement en place. C’est donc une question politique.

Le texte de base est l’article 11 du code civil. Mais tout le reste à un caractère réglementaire. Exemple : ordonnance du 2 novembre 1945 qui a été souvent modifier par les lois. Caractère réglementaire car le pouvoir exécutif à un grand pouvoir en cette matière. Mais en contre argument, on ne peut pas faire abstraction de la situation démocratique du pays.

Quand on parle de politique des étrangers, on parle d’ intégration des étrangers en france. Mais cette question d’ intégration se pose sur le droit des personnes (question de nom, domicile, filiation…) Pour les questions de famille, personne, … on ne va pas appliquer la loi française, on va appliquer ça loi d’ origine.

2) Exercice des droits ou droit international privé

Il faut déterminer le système juridique qui va régir les rapports juridiques entre les sujets du droit international privé. Ce système juridique déterminera qu’elles seront les droits à exercer et comment exercer ces droits.

Il y a conflit de lois à chaque fois qu’une situation juridique peut se rattacher à plusieurs Etats donc plusieurs systèmes juridiques.

Ex : tiré de la jurisprudence. Cass, 25/05/48, Lautour: Met en cause un conflit de loi en responsabilité civile. Il s’agissait d’un convoi de camions qui transportait des explosifs pendant la guerre espagnole. Les camions étaient français, conduits par des Français. Ce convoi se trouvait en Espagne quand le premier camion est entré en collision avec un train. Il explose et les autres camions sont touchés. M. Lautour est propriétaire des camions mais c’était un de ses préposés qui conduisait. Un préposé est touché. Le conducteur d’un autre camion décède. La femme de ce conducteur intente une action contre M. Lautour. Elle se fonde sur l’article 1384 alinéa 1 du Code civil qui établit une responsabilité sans-faute. Mais dans cette affaire, il existe un conflit de loi. Même si les parties étaient françaises, l’accident avait eu lieu en Espagne donc la loi de commission du délit était espagnole (lex loci delicti). Cette loi était en conflit avec la loi des parties. Donc il fallait résoudre ce conflit de loi c’est-à-dire choisir une des lois. Cette question a des répercussions pratiques car si c’est la loi française qui est choisit, donc la responsabilité de Monsieur Lautour serait établi car la femme n’avait pas à prouver la faute. Si c’est la loi espagnole, pas de responsabilité de Monsieur Lautour. Pour choisir entre les deux lois qui sont en conflit on ne fait pas attention aux solutions qu’elles donnent. Tout se passe dans l’abstrait. Dans l’affaire Lautour, la cour de cassation a consacré le principe selon lequel la responsabilité délictuelle était régie par la lex loci delicti. Donc application de la loi espagnole. Donc la veuve n’ a pas obtenu réparation.

3.) Sanction des droits en droit international privé :

Les sanctions sont plus efficaces que celles du droit international public parce qu’on peut rendre obligatoire une décision à l’encontre d’un étranger sur le territoire français, et on peut rendre exécutoire des décisions françaises à l’étranger et vice versa. Cela rend les choses plus efficaces.

Cet avantage n’empêche pas les problèmes de compétence. Et il se peut que plusieurs juridictions nationales, c’est-à-dire des pays différents, peuvent être aptes à régler les litiges. On aura deux juges de nationalités différentes compétents pour régler le divorce. Pourtant il n’existe pas de juridiction internationale qui tranche des conflits de compétences. On ne peut pas régler comme ça la question. Donc ces litiges sont portés devant les juridictions nationales.

Cette question va poser le problème de conflit de juridiction. Dans cette question se pose deux types questions, étudiées de deux façons différentes :

Sous l’angle de la compétence directe : qui consiste à déterminer si les tribunaux français sont compétents pour un litige qui comporte un élément d’extranéité. Car là encore il doit avoir plusieurs juridictions compétentes. Logiquement cette question se pose avant celle du conflit de loi.

Sous l’angle de la compétence indirecte, c’est-à-dire la question de l’effet des jugements dans l’ordre international. Bien souvent cette reconnaissance des décisions étrangères passe, la plupart du temps, par un jugement intermédiaire : le jugement exequatur qui est rendu par un juge français.

Quelques remarques :

Les conflits de juridiction sont résolus par les règles de droit international privé de chaque Etat. En principe il n’y a pas de règles internationales. Exception faite en Europe où il existe la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 qui règle les questions de conflits de juridictions des Etats membres. Aujourd’hui, cette convention vient d’être transformée en règle communautaire : règlement du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence juridique et judiciaire en matière civile & commerciale (entrée en vigueur le 1ier mars 2002). Quand il y a problème et qu’on ne sait pas comment interpréter un article de ce règlement, c’est la Cour de Justice des Communautés Européennes qui est compétente.

Le conflit de juridiction est nécessairement préalable à la résolution du conflit de loi. Il n’empêche que le juge déclaré compétent applique sa propre loi. Donc quand le juge applique sa propre loi, on appelle cela la lex fori. ( loi du juge saisi).

Existence d’une différence de nature importante entre les règles de conflit de juridiction et de conflit de loi.

  • La règle de conflit de loi est une véritable règle de conflit dans la mesure où elle va mettre toutes les lois en présence à égalité, pour effectuer le choix. Ensuite la règle de conflit se borne à désigner la loi qui sera applicable.
  • La règle de conflit de juridiction n’est pas une véritable règle de conflit dans la mesure où elle ne met pas à égalité toutes les règles de juridiction. Techniquement on parle d’une règle matérielle, substantielle. Elle ne désigne pas la loi qui dira quel est le juge compétent. Elle tranche directement le problème.