Le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire

Pouvoir législatif et réglementaire : La loi limitée au profit du règlement

Dans ce cours, on se demandera quelle est la place du pouvoir législatif dans la Vème République. On verra qu’avant la 1958, date d’instauration de la Vème République, la loi ou le pouvoir législatif était prépondérant. Depuis la Constitution de 1958, la place du règlement (ou pouvoir réglementaire) a été accru.

La première des fonctions parlementaires est malgré tout la fonction législative. Le parlement n’est pas seul à voter la loi (référendum).

La loi occupe une place considérable dans l’ordonnancement juridique français. La V ème république a apporté des innovations spectaculaires.

Ce que la V ème république a introduit dans son principe: la limitation de la loi au profit du règlement. Mais elle l’a prolongé et ça produit des effets constant: c’est que la direction de la loi soit dirigée par le gouvernement.

Ça renvoie à des dispositions précises de la constitution. Révolution juridique en 58 à travers les articles 34 et 37. les ordonnances sont des extensions provisoires du pouvoir réglementaire.

Section 1: la révolution juridique de 1958

On a découvert soudain que non seulement le pouvoir du législateur avait évolué dans le sens d’une limitation drastique mais qu’à cette occasion on avait changé la définition même de la loi et de son autorité. En termes juridiques: il y avait quelque chose de révolutionnaire: la définition, la force, le périmètre de la loi.

Du même coup se trouvait substantiellement atteinte la hiérarchie des normes: qui reliaient les diverses normes.

Avant 58: règne de l’autorité suprême de la loi.

Après 58: ère du pouvoir normatif partagé.

Sous-section 1 : AVANT 58: règne de l’autorité suprême de la loi.

=> Traditionnellement il y avait une sorte de principe politico-juridique qui était la suprématie de la loi qui se traduisait en conséquences dans la définition de la loi.

  • Principe: autorité suprême de la loi

o Exposé dès 89 « la loi est l’expression de la volonté générale »

  • Traduction de la conception rousseauiste: les citoyens décident, qui s’assujettissent à la loi en contrepartie qu’ils ont eux-mêmes contribués à son élaboration. Du coup puisque la loi procède de la volonté commune des citoyens, elle exprime la volonté générale or rien ne peut y être supérieur tout comme rien ne peut limiter cette volonté générale. Puisque la loi est l’expression de cette volonté, rien ne peut y être supérieur et ne peut la limiter.
  • Ça s’est définitivement installé sous la IIIème république.
  • Elle emprunte aussi à la théorie de la souveraineté nationale: la règle générale, celle qu’on trouve normalement dans la loi, doit être fixée par la nation souveraine.
  • Le parlement la représente, en conséquence les règles générales doivent être fixes par le parlement. Donc le parlement fixe des règles sans autres limites que sa volonté.

  • Conséquences qui portent sur la définition juridique de la loi

o Domaine de la loi = illimité

  • Car mise en œuvre de la volonté générale
  • De la souveraineté
  • Elle ne doit pas tout réglementer mais ses limites appartiennent au législateur

o Définition de la loi: organique et formelle

  • Est une loi toute disposition adoptée par le parlement selon la procédure législative
  • Critère organique + formel

o Les règlements sont strictement et en tout point subordonnés à la loi

Sous- Section 2: après 1958 le pouvoir normatif partagé

Nouvelle situation politico-juridique

Le parlement doit partager son pouvoir. Avant il était la seule entité parfaitement légitime.

En 58 tout change. D’une part une concurrence lui est imposé avec le référendum. Il est mis sur pied d’égalité avec le parlement.

De plus le parlement n’a plus le monopole du représentation de la nation: il y a aussi le président de la république (indirectement puis directement). La situation largement monopolistique sur laquelle le parlement avait vécu a soudainement pris fin, et ceci va se traduire, s’aggraver dans le cas de la législation: une nouvelle définition de la loi qui sera matérielle aboutissant à la restriction du domaine parlementaire, et qu’il ne soit plus qu’une entité normative d’attribution.

  • La définition matérielle de la loi

o Article 34

  • La loi fixe les règles concernant…
  • La loi détermine les principes fondamentaux…
  • Lois de finance, loi de financement de la sécu, loi de programmation…

o Article 37

  • Les matières autres qui sont du caractère de la loi sont de matière réglementaire

o Désormais la loi a un domaine limité. Avant 58 le législateur intervenait sur ce qu’il voulait. Là il ne peut intervenir que limitativement dans les domaines de l’article 34. C’est un changement qualitatif considérable.

Dimension spectaculaire: avec ce mécanisme le législateur est une entité normative d’attribution. Ceci change la définition juridique de la loi, la complète mais la restreint.

Qu’est-ce qu’une loi? » …dans les matières pour lesquelles le législateur est compétent.

La constitution va plus loin en faisant du pouvoir réglementaire le pouvoir normatif du droit commun et en donnant les moyens pour défendre ses compétences.

Dans le silence de la constitution, le pouvoir réglementaire est compétent: « la colonne 34 soustraite à l’infini 37 ».

Lorsque une loi antérieure doit être modifiée et qu’elle porte sur une matière réglementaire alors un décret pris en Conseil d’Etat suffit à la modifier.

Pour les textes postérieurs à 58: même pour ceux là le gouvernement pourra les modifier par décret moyennant une décision préalable du conseil constitutionnel.

Si un acte du parlement a été adopté dans une matière réglementaire, le conseil constitutionnel suffit.

Dernière conséquence:

  • Deux pouvoirs règlementaires

o l’ancien pouvoir réglementaire subsiste: l’utilisation des règlements pour appliquer les lois. (décrets d’application).

o Décrets autonomes

  • Pas de lois à appliquer
  • Pas la même nature
  • Exemple: code de procédure civil entièrement réglementaire, parce que pas de compétence du législateur en matière de procédure civil.

Dans le cas de la procédure pénale la loi ne définit pas tout mais peut se référer à des décrets pour l’application.

Hiérarchie des normes: plus compliquée.

Certaines compétences de la loi résultent d’autres articles de la constitution: Article 36: autorisation parlementaire pour l’état de siège.

Article 53 constitution: la ratification d’un certain nombre de traités ne peuvent figurer qu’en vertu d’une loi.

l’article 34 dresse l’inventaire le plus important des compétences législatives il y a quelques compétences supplémentaires du législateur.

But de tout cela:

Réduire l’influence du parlement.

La nécessité de passer devant lui se trouvait diminuée. Le gouvernement se trouvait soulager de la présence parlementaire et voyait son propre pouvoir soulager. Cet article 34 est inspiré par d’autres pensées.

Non seulement infondée. Ce qu’on prenait pour une révolution juridique ne s’est traduit que par une rupture limitée.

Section 2: rupture finalement limitée.

Existence de précédents c’est à dire de jurisprudence

Jurisprudence du Conseil d’Etat.

Puis celle du Conseil Constitutionnel.

Possibilité de réviser la constitution.

Sous-section1 : l’existence de précédents

Certains éléments existaient déjà auparavant, dans la jurisprudence ou la pratique. d’un point de vue théorique, à l’article 54 par exemple.

La jurisprudence législative avait déjà accepté que les règlements aillent dans le domaine légale.

=> forme réglementaire autonome.

Sous-Section2: rupture limitée par le conseil d’Etat

Contrôle sur le pouvoir règlementaire dont le doute a toujours profité à la loi.

=> Conseil d’Etat compétent pour examiner la légalité des décrets et l’annuler. Le Conseil d’Etat compétent pour connaître de toutes les manifestations du pouvoir réglementaire autonome et la façon dont le Conseil d’Etat allait interpréter l’article 37 aurait des conséquences sur les domaines de la loi et règlement.

Le Conseil d’Etat considérait que la distinction entre principes fondamentaux et règles n’avaient pas de valeur.

En théorie la loi empièterait sur le territoire réglementaire chaque fois qu’elle allait trop loin dans le détail des matières où elle doit fixer les matières fondamentales. Or le Conseil d’Etat a considéré le contraire.

=> 1ere limitation des effets de la distinction

2ème limitation:

Aux yeux du Conseil d’Etat le doute profite toujours à la compétence législative.

Sous-Section 3: Par le Conseil Constitutionnel

Le gouvernement peut demander au conseil constitutionnel de pouvoir modifier par décret une mesure dans légale si elle est du domaine réglementaire.

Article 41: si au cours de l’élaboration de la loi il apparait que tel article, amendement, relève du pouvoir réglementaire, il est possible de lui opposer l’irrecevabilité: de faire obstacle à son adoption, et ainsi protéger le pouvoir réglementaire des empiètements du pouvoir législatif. Il s’agit de forcer le parlement à rester dans son domaine. En vérité cet article 41 et incommode car si le président de l’assemblée n’est pas d’accord, alors il faut renvoyer la question au conseil constitutionnel qui statue dans les 8 jours. Aujourd’hui le gouvernement peut voter contre plutôt que d’opposer l’irrecevabilité. Cette procédure existe cependant: on peut prévenir en empêchant d’adopter à la demande du gouvernement des dispositions empiétant sur le pouvoir réglementaire.

Comment opère le conseil constitutionnel?

Il adopte les mêmes méthodes que le Conseil d’Etat: le doute profite à la compétence législative. Ensuite il a mis au point une distinction qui est celle de «mise en cause» ; «mise en œuvre« . (Procédure, montant…)

Si un article met en cause une règle ou un principe, c’est du législateur. S’il la met en œuvre, il relève de la compétence du pouvoir règlementaire.

Dans le cadre de son contrôle de l’article 61 que le Conseil Constitutionnel en a dit le plus. => contrôle exercé sur la conformité de la loi à la constitution.

Deux décisions:

1982: question de l’empiètement du législateur sur le terrain réglementaire.

  • Question: Dans la loi Déféré le parlement a adopté des dispositions qui ont un caractère règlementaire et la loi doit être sanctionnée à ce titre.

o Le Conseil Constitutionnel a déclaré: que la méconnaissance de la frontière par le législateur n’est pas inconstitutionnel.

o Raisonnement: l’article 37 alinéa 2 envisage le cas de lois contenant des dispositions règlementaires.

Dans l’article 41 la constitution ne dit pas que tout amendement contraire à la constitution serait irrecevable mais qu’on peut opposer l’irrecevabilité, qui est facultative. Le mépris de la frontière n’est donc pas inconstitutionnel.

o Les règles de partage entre la loi et le règlement ne sont porteuse que d’une irrecevabilité et non pas d’une inconstitutionnalité.

Ainsi le décret ne peut jamais empiéter sur la loi, dans le cas contraire la frontière est poreuse.

o 2006: le Conseil Constitutionnel a considéré que les lois de mesures réglementaire pourraient être modifiées par décrets.

À partir du moment où il est acquis que le parlement peut empiéter sur le domaine règlementaire, alors la « révolution » de 58 a une portée beaucoup plus limitée.

  • Jurisprudence sur l’incompétence négative.

Normalement en droit quand on doit connaitre une décision, on se demande si la décision a été prise par l’autorité compétente.

Dans le cas contraire c’est une incompétence positive: on exerce le pouvoir qui ne nous appartient pas.

Incompétence négative: quand une autorité n’exerce pas une compétence qui n’appartient qu’à elle.

Le Conseil Constitutionnel sanctionne les lois qui laissent trop de marge au pouvoir règlementaire.

En conséquence le pouvoir du parlement est renforcé: il doit aller au bout de son pouvoir même lorsqu’il n’en a pas envie.

Ces jurisprudences n’ont fait que renforcer l’idée que la révolution juridique a eut une portée limitée.

Sous-section 4: par la révision de la constitution

Lorsqu’on lit l’article 34 de la constitution, les domaines sont considérables. Une fois qu’on a mentionné toutes les matières dans l’article 34 il ne reste plus grand-chose.

Il reste

  • Les contraventions
  • La procédure civile

Or s’il faut déterminer des délits c’est du domaine du législateur. La liste est dense et longue, de sorte qu’intrinsèquement la rupture n’était pas aussi considérable, de plus elle peut être complétée et allongée.

Il faut faire une révision de la constitution, qui n’est pas impossible. L’article 34 a été déjà modifié en

  • 1996: lois de financement de la sécurité sociale
  • En 2005: la charte de l’environnement, et on a modifié l’article 34 pour y ajouter « la préservation de l’environnement ».
  • En 2008: on a jugé bon d’ajouter « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias »
  • En 2008: les orientations des finances publiques annuelles…

Or dans l’ensemble des modifications dont a été sujet l’article 34 ont été dans le sens de l’élargissement des compétences du législateur, pas de son rétrécissement.

Conclusion: en réalité la révolution juridique de 1958 a donné lieu à une rupture limitée. Du point de vue de la réalité des pouvoirs du législateur le changement n’a pas été aussi considérable, mais du point de vue de la définition de la loi, des relations avec le parlement et du point de vue de la théorie juridique, le changement de 58 reste au sens conceptuel une véritable révolution même si elle n’a pas introduit de changements réels.

Ça a engendré au passage une espèce nouvelle: celle des ordonnances, qui sont une extension du pouvoir règlementaire.