Les présomptions et preuves en matière de filiation

Les dispositions générales sur la filiation

La filiation est le lien qui défini l’enfant à son auteur .Elle peut se prouver soit de manière contentieuse soit de manière non contentieuse .

Les modes de preuves non contentieux de la filiation sont prévus à l’article 310-3al1. Elles peuvent se faire par :

  • – acte de naissance
  • – acte de reconnaissance
  • – acte notarié constatant la possession d’état

Cependant il faut tenir compte de la présomption de paternité

Section 1 : Les présomptions relatives à la filiation

La maternité peut se prouver par l’accouchement, la paternité est plus difficile à prouver.

Ainsi le droit a posé une présomption, un procédé technique destiné à faciliter la preuve d’un droit inconnu. Les méthodes scientifiques ont aujourd’hui bouleversé les données du problème, il est désormais possible de faire la preuve certaine de la paternité.

Cependant la loi privilégie toujours la preuve indirecte par le maintien de ces présomptions.

– 2 grandes catégories de présomptions, celles relatives à la conception contournent impossibilité pratique. La filiation fondée sur la possession d’état permet d’établir la preuve de la filiation.

I) Les présomptions relatives à la conception

La date de naissance est en principe connue, il est parfois important de connaitre la date de la conception afin d’identifier le père. Le Code civil pose alors 2 présomptions : une relative à la période de la conception et l’autre à la date de celle-ci.

L’article 311 pose une présomption qui permet de déterminer période de conception. L’alinéa 1 prévoit en effet les dispositions suivantes « la loi présume que l’enfant a été conçu pendant la période qui s’étend du 300ème au 180ème jour inclusivement avant la date de la naissance ».

Elle peut toutefois être combattue par la preuve contraire.

2ème présomption (art 311 al-2). La conception est présumée avoir lieu à un moment quelconque de cette période suivant, ce qui est demandé dans l’intérêt de l’enfant.

Ces 2 présomptions ne sont pas irréfragables. C’est-à-dire qu’on ne peut la combattre par la preuve contraire. L’alinéa 3 dispose que la preuve contraire est recevable donc réfragable.

II) La possession d’état

Le fait de se comporter comme ayant un état et être considéré comme l’ayant même si en droit il ne l’a pas. Elle résulte de la réunion suffisante de fait et de geste indiquant un rapport de filiation. La possession d’état est l’apparence de la filiation.

La présomption légale relative à la filiation est déduite de la situation apparente. En partant d’éléments connus qui sont les éléments constitutifs de la filiation.

  • Éléments constitutifs

L’article 311-1 « possession d’état » s’établit par une réunion suffisante de fait révélant le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir.

L’énumération de ces différents faits, les juristes les regroupent dans une trilogie qui provient du droit canon : le nomen, tractatus et fama. La nouvelle présentation de l’article 311-1 inverse cet ordre traditionnel ce qui correspond mieux à la réalité puisqu’elle place en premier le tractatus qui engendre le fama, quant au nome il vient en dernier car souplesse actuelle ne traduit plus la filiation.

  1. Nomen, tractatus, fama

La paternité par les actes, il s’agit du comportement respectif des parents apparents.

L’article 311-1 le définit de la façon suivante :

  • 1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu’elle-même les a traités comme son ou ses parents ;
  • 2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvue à son éducation, à son entretien ou à son installation ;
  • 3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ;
  • 4° Qu’elle est considérée comme telle par l’autorité publique ;
  • 5° Qu’elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue.

La fama est l’image sociale, déterminée par les alinéas 3 et 4 de l’article 311. Il s’agit d’examiner l’usage externe du lien de parenté partagé par les 3 cercles qui entourent l’enfant, la société et l’autorité publique.

Le nomen est le fait de porter le nom de la personne dont on dit être issu. Il vient aujourd’hui en dernier.

  • La Réunion suffisante de faits

Comme l’explique l’article 308 avec la réunion suffisante de faits, il suffit que l’on puisse recenser un nombre suffisant de faits pour que leur force soit probante, c’est un faisceau d’indice qui doit être à l’origine de la possession d’état.

La Cour de cassation exerce son contrôle sur cette notion et notamment elle censure les décisions qui constatent l’existence d’une possession d’état sans avoir recherché s’il existait n la cause un ensemble d’éléments de la nature de ceux énumérés par l’article 311-1.

  • Les qualités de la possession d’état

Selon l’article 311-2 la possession d’état doit être continue, paisible, publique et non équivoque.

  • Possession d’état continue

Elle suppose une certaine durée et donc un comportement isolé ou des faits passagers ne peuvent constituer une possession d’état. Cette exigence n’est pas sans soulever des difficultés. Il ne faut pas identifier continuité et communauté de vie.

La communauté de vie est sans doute le support naturel et privilégié de la possession d’état mais n’en est pas la condition « sine qua non ». Elle peut exister et être continue même en l’absence de vie commune.

Un enfant placé ou vivant chez un autre parent peut avoir une possession d’état d’enfant autre qu’il héberge. Il suffit qu’elle soit entretenue de relations suffisamment suivies. La continuité de la possession d’état ne correspond pas toujours à une longue durée, elle commence à se développer dès la naissance et même pendant la grossesse de la femme.

– Si le procès à lieu durant les premiers mois de l’enfant et durant grossesse de la mère, la Possession d’état peut exister. Un conflit de possession d’état peut surgir et on admet le plus souvent que la possession actuelle doit l’emporter sur la possession ancienne mais un renversement doit s’opérer en faveur de l’ancienne possession d’état lorsque l’actuelle a été obtenue par fraude.

  • Une possession d’état paisible, publique et non équivoque

Le caractère paisible indique que la Possession d’état doit être exempt de vices, elle ne doit pas avoir été constituée à la suite d’une violence ou d’une fraude. Il en peut y avoir de Possession d’état si la situation est ambigüe. Le caractère publique signifie que la Possession d’état doit être connue de tous, la « fama ».

  • Preuve de la Possession d’état

En dehors de tout litige elle s’établit par un acte de notoriété délivré par un juge d’instance. Il fait foi de la Possession d’état jusqu’à preuve contraire.

L’article 335 dispose expressément que la filiation établie par la Possession d’état constatée par un acte de notoriété peut être contestée par toute personne ayant intérêt en rapportant la preuve contraire dans le délai de 10 ans à compter de la délivrance de cet acte.

  • Rôle de la Possession d’état

Elle est d’ordre probatoire et constitue une présomption sur la filiation. Cela signifie que celui qui a la Possession d’état n’a pas à agir en justice un état qu’il déclare vraiment.

Section 2 : Les preuves de la filiation

A) Preuve préconstituée : Le titre

C’est un acte notarié ou de l’état civil qui offre à l’enfant une épreuve préconstituée de sa filiation. Cela peut être un Acte de naissance et reconnaissance.

1) L’acte de naissance

  • Acte de naissance et preuve de la maternité

La preuve de la maternité suppose existence de 2 éléments : l’accouchement et l’identité de l’enfant dont elle a accouché.

L’acte ne contient pas obligatoirement le nom de la mère mais dès lors qu’il est indiqué, le nom de la mère prouve le fait de l’accouchement à la date indiquée par l’acte de naissance. Ceci peut être librement contesté car l’officier d’état civil n’a pas lui-même constaté l’accouchement.

La supposition d’enfant attribue maternité à une femme qui n’en a pas accouché.

– La preuve de l’identité, peu contestée mais difficile. L’acte de naissance ne démontre pas que celui qui s’en prévaut est le même que celui dont la naissance est rapportée. Aussi, si contestée il devra prouver sa naissance par témoignage.

Pendant longtemps acte de naissance constitue preuve de maternité en mariage, pour la maternité hors mariage désignation de la mère ne suffisait pas. L’établissement supposait une démarche particulière ou l’existence d’une PE. L’ordonnance de 2005 a mis fin à cette différence difficile à justifier. L’article 311-5 dispose que la filiation est établie par désignation de la mère dans l’acte de naissance.

  • Acte de naissance et paternité

L’indication dans l’acte ne suffit pas à établir la filiation.

Si homme et femme sont mariés entre eux, alors la présomption de paternité « pater is est » selon laquelle mari de la mère présumé être le père de l’enfant établit alors la filiation paternelle. Si mari n’est pas mentionné dans l’acte

Dans l’hypothèse où le nom du mari de la mère n’apparait pas, l’enfant est dépourvu de PE à son égard et la présomption de paternité ne joue pas.

– Lorsque l’enfant est né hors mariage, l’acte ne prouve rien en lui-même. L’indication du père prétendu constitue un indice lors d’une action en justice. Pour l’enfant né hors mariage, le titre de paternité est la reconnaissance.

2) La reconnaissance

Elle est la démarche volontaire par laquelle un homme ou une femme avoue sa paternité ou maternité. Elle doit être faite par acte authentique (état civile, acte notarié ou aveu judiciaire).

B) La preuve judiciaire de la filiation

Auparavant il était impossible d’avoir une certitude quant à la paternité de l’enfant. Le droit avait développé une certaine méfiance à l’égard des procès relatifs à la filiation s’ajoutait à cette incertitude la peur de scandale et le souci de protéger les familles. Le Code Civil ne connaissait donc pas les actions en recherche de paternité naturelle.

L’ouverture de cette action a été plus subordonnée à des adminicules qui étaient des circonstances propres à rendre vraisemblable le lien de filiation prétendu. Aujourd’hui les données ont beaucoup évolué puisque l’ADN permet d’établir avec certitude la réalité biologique de la filiation.

L’article 16-11 du Code Civil prévoit ainsi que l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre d’une mesure d’enquête ou d’instruction diligentée lors d’une procédure judiciaire.

A l’origine les premières preuves scientifiques se faisaient par l’examen comparé des sangs. Cet examen permettait non pas d’établir une paternité mais de constater un défaut de paternité. La jurisprudence avait très tôt décidé qu’une preuve certaine du défaut de paternité résultait d’une incompatibilité de l’enfant et du père prétendu.

Cette expression souple s’est ensuite adaptée à l’évolution des sciences notamment à la génétique.

Aujourd’hui l’empreinte génétique constitue une preuve légitime de la paternité biologique.

Cette preuve ne peut être mise en œuvre que s’il y a une prise de sang ou un prélèvement de tissus. Au nom du principe de l’inviolabilité du corps humain consacré à l’article 16-11 du Code Civil on ne peut contraindre une personne à un tel examen.

Cependant ce refus peut être considéré comme crainte de vouloir révéler sa paternité. L’article 16-11 al 2 prévoit qu’en principe aucune identification par empreinte génétique ne peut être effectuée après la mort de l’intéressé. Arrêt de la 1ère chambre civile du 28 mars 2000 « l’expertise biologique est de droit en matière de filiation sauf s’il est légitime de ne pas y procéder ».

La Cour de cassation a cédé à une certaine pression biologique et est de plus en plus stricte sur l’interprétation des motifs légitimes. La CEDH encourage la Cour de cassation dans cette voie puisqu’elle ouvre très largement la porte à une expertise légitime au nom de l’article 8 de la C°EDH qui proclame le droit de chacun à une vie familiale.