Qu’est-ce que l’usufruit ? définition, caractères, origine

L’usufruit : définition, caractères et sources de l’usufruit

Le droit de propriété bénéficie de certains aménagements, et peut se décomposer en trois branches distinctes : l’usus, droit d’usage, le fructus, droit de bénéficier des fruits, et l’abusus, droit d’en disposer. On parle alors de démembrement du droit de propriété. Le principe du démenbrement de propriété consiste à diviser la pleine propriété d’un bien immobilier en deux parties, la nue-propriété et l’usufruit. Ainsi, le droit de propriété qu’une personne exerce sur son bien est divisé en deux parties distinctes :

  • la nue-propriété, étudié dans un autre chapitre (élément principal du droit de propriété), qui donne à son titulaire le droit de disposer de la chose mais ne lui en confère ni l’usage, ni la jouissance, ces prérogatives-là étant réservées à l’usufruitier.
    l’usufruit, qui est le droit de se servir du bien et d’en récolter les fruits.

On verra qu’il existe différents modes d’acquisitions de l’usufruit (succession, donation et convention sont les plus communs).

> Code civil évoque les droits réels détachés de la propriété par le fait d’un démembrement, ils sont en nombre limités. En théorie, les individus peuvent créer des droits réels nouveaux par leurs volontés.
> L’article 543 du code civil « On peut avoir sur les biens ou un droit de propriété ou un simple droit de jouissance ou seulement des services fonciers (servitudes) à prétendre ». Les principaux démembrements sont donc les droits de jouissance (usufruit) et les servitudes.

> Usufruit est le droit réel qui confère le plus de pouvoir à un non propriétaire sur une chose ou sur un droit.
> article 578 Code civil « L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété comme le propriétaire lui même mais à charge d’en conserver la substance ». C’est donc un droit réel issu du démembrement de la propriété en ce sens ce que celle ci va se fractionner entre deux personnes différentes : l’usufruitier ( usus + fructus ) qui a l’usage de la chose, et perçois les fruits et revenus de cette chose, et le propriétaire ( abusus ) appelé Nu-propriétaire. Ce dernier n’a pas le droit d’aliéner la plein propriété du bien car il est grevé d’usufruit. La seul chose que le nu-propriétaire peut aliéner, est cette nue-propriété.
Pour pouvoir vendre la pleine propriété, le nu-propriétaire va avoir besoin du consentement de l’usufruitier.

Section 1 – Les caractères de l’usufruit.

Paragraphe 1 – Droit réel

> Droit qui porte sur la chose elle même. L’usufruitier peut exercer son droit de jouissance directement et immédiatement (sans intermédiaire) sur la chose. Il peut se défendre lui même en justice, mais à coté il n’a aucun droit personnel sur le nu-propriétaire.
> Le nu-propriétaire est tenu de laisser l’usufruitier jouir des prérogatives usus+fructus.
> L’usufruit portant directement sur la chose, il n’importe pas que cette chose soit aliéné ou donné à une autre personne. Ce droit est opposable erga omnes.
> Se distingue du droit au bail du locataire. La différence tient à ce que le locataire n’a qu’un droit personnel de créance contre le bailleur. Ce dernier a le devoir de faire jouir le locataire de la chose louée en la mettant à sa disposition. Nécessite donc le concours actif du bailleur.
> Rien n’interdit que plusieurs personnes soient ensembles nu-propriétaires de la même chose. Il y aura dans ce cas indivision.

> Le caractère réel de l’usufruit se vérifie du point de vue de l’objet grevé de l’usufruit, du point de vue de la
façon dont il est sanctionné.

 → Quant à l’objet, en théorie, l’usufruit peut porter sur toute espèce de biens meubles, immeubles, corporels ou incorporels (Article 581 du code civil). La nature de certains biens fait que l’usufruit s’exerce de manière originale. Ex. de l’usufruit portant sur des choses consomptibles par le premier usage, alors que le droit d’abusus est interdite à l’usufruitier. dans ce cas, l’usufruit sera un quasi-usufruit, et son régime sera particulier en ce sens que le quasi-usufruitier acquiert la propriété des choses consomptibles par le premier usage moyennant l’obligation de restituer à la fin de l’usufruit une égale quantité de même espèce/qualité. Le nu-propriétaire perd l’abusus et n’a plus qu’un droit de créance à l’encore de l’usufruitier, ou de la succession de ce dernier. En général, le quasi-usufruit se conçois peu de manière isolée.

– L’usufruit peut porter sur tout ou partie d’un patrimoine, et on parlera alors soit d’usufruit universel s’il porte sur l’ensemble du patrimoine, soit à titre universel s’il porte sur une portion du patrimoine. Quand l’usufruit est universel, l’usufruitier doit payer les dettes qui en résultent. Il doit contribuer au paiement des intérêts à titre passif, et au paiement des pensions et arrérages.

– Un usufruit peut porter sur une universalité de fait (fonds de commerce), et n’implique pour sa part aucune contribution de l’usufruitier au passif (dettes, etc).

– L’usufruit peut s’établir sur une propriété incorporelle, car le régime des choses incorporelles s’est calqué sur le régime des choses corporelles.

– L’usufruit peut porter sur un portefeuille de valeurs mobilières. La particularité tient au fait que ce portefeuille ne peut pas demeurer figé sous peine de perdre en valeur, son contenu doit sans cesse s’adapter au contenu économique et financier pour garder sa valeur. L’essor de l’usufruit fait que de nos jours, un démembrement de propriété est susceptible d’affecter les titres compris dans un portefeuille de valeurs. Jusqu’où peut aller l’autonomie de l’usufruitier pour aliéner des titres de valeurs mobilières sans l’intervention du nu-propriétaire ? On assiste à une dissociation entre le pouvoir juridique et le droit à la valeur. Plusieurs solutions : conventions entre usufruitier et nu-propriétaire pour redéfinir les pouvoirs du premier ( peuvent requalifier les titres en biens consomptibles, le nu-propriétaire peut donner l’abusus sur les titres, le portefeuille peut être qualifié d’universalité de fait ). Arrêt 12 novembre 1998, Cour de cassation a ouvertement qualifié d’universalité de fait le portefeuille de valeur mobilière sur lequel s’exerçait les droit de l’usufruitier, et dit que le fait que le portefeuille de valeur soit une universalité ne rend pas l’usufruitier propriétaire, mais lui donne simplement le droit de disposer (acheter/revendre) des composantes de la choses.< NOUVEAUTE >.

En contre partie, l’usufruitier doit informer le ou les nu-propriétaire sur la consistance et la valeur du portefeuille pour que ce dernier puisse prendre les mesures nécessaires en cas d’abus de jouissance de l’usufruitier. Ce dernier doit aussi conserver la valeur du portefeuille.

> Quels intérêts du démembrement de la propriété ? La dissociation peut sembler anti économique. Mais l’usufruit assure à son titulaire des ressources jusqu’à l’extinction de son droit, sans pour autant qu’il y ait transfert dans son patrimoine, et sans pour autant désavantager les enfants du couple ( dans le cas d’un mort ) puisqu’ils vont retrouver à terme la pleine propriété du bien. Même du vivant des époux, l’usufruit a une place de choix dans la transmission du patrimoine familial. Ex de la donation avec réserve d’usufruit.
> Il arrive souvent que le propriétaire d’un immeuble cède à autrui la propriété de cet immeuble mais en s’en réservant jusqu’à sa mort l’usufruit = vente en viager.
> L’usufruit a un large rayonnement et est économiquement très utile en matière fiscale.
> Il est un élément de gestion patrimonial très prisé car se grève sur tous les biens. L’usus et le fructus dépendent entièrement de la nature du bien grevé.

Section 2 – La manière dont se créée

Paragraphe 1 – les sources possibles de l’usufruit.

Selon l’article 579 du code civil, l’usufruit s’établit soit par la volonté de l’homme soit par la loi. Mais le texte oubli un mode non négligeable de constitution de l’usufruit qui réside dans la possession.

A – L’usufruit volontaire

1 – Par un contrat.

Un propriétaire peut volontairement démembrer la propriété de son bien pour transmettre à un tiers l’une des deux des trois attributs. Mais, la convention peut aboutir à d’autres résultats.
Le droit d’usufruit est un droit cessible entre vifs et donc peut être cédés à titre gratuit. Mais quand il est à titre onéreux, un barè(me est fourni dans le code général des impôts (art. 669) et qui détermine les valeurs respectives de l’usufruit et de la nue propriété. Le code procède par tranche de 10 ans. Quand l’usufruitier est âgé de 21 ans son droit représente 90% de la pleine propriété. Le nu propriété en face d’un usufruitier de 21 ans, sa nue propriété vaudra 10 %. Pour un usufruitier de moins de 21 ans, la nue propriété vaut 20%, 41 ans 70%. Quand on arrive à moins de 80 ans la valeur de l’usufruit est de 20 %.
Si l’usufruitier son droit ne vaut plus que 90 % de sa pleine propriété.
Ce barème proposé par l’administration fiscale, ne s’impose pas à des fins civiles, il n’est obligatoire quand il s’agit de liquider les droits des mutations. En matière civile, on peut soit l’utiliser soit élaborer un autre système d’élaboration de l’usufruit. La pratique, préfère à cet usufruit une évaluation dite économique, elle consiste à calculer le montant de la rente viagère qu’obtiendrait l’usufruitier s’il demandait la conversion de son usufruit en rente viagère (droit personnel). Donc à supposer que pour l’usufruitier son usufruit soit convertis en rente, celle-ci serait selon l’age de la personne et de son état de santé. Ainsi l’usufruit serait plus proche des données factuelles.

 2 – Le testament.

C’est un acte juridique unilatéral au terme duquel le testateur désigne celui de ses successeurs qu’il souhaite voir recueillir l’usufruit de tel ou de tel bien. Il désigne aussi celui qui héritera de la nue propriété du même bien. Tout cela pour désigner une personne sans pour autant dépouiller la famille car a la mort de celui des usufruits la nu propriété se reconstituera sur la tête des nu propriétaire.

3 – les usufruits qui procèdent directement de la loi.

Il existe 2 hypothèses :
– Article 382 du code civil : textes accorde un droit de jouissance aux pères et mères sur les biens de leurs enfants mineurs de moins de 16 ans.
– Article 757 du code civil : concernant le droit des successions modifié par 2 lois du 3 décembre 2001 et du 23 juin 2006. Le conjoint survivant à vocation à recevoir l’usufruit de la totalité des biens de la succession laissés par le pré mourant mais à condition qu’il n’y ait que des enfants issus des 2 époux. Si le conjoint choisit cette solution il peut opter pour ¼ de la pleine propriété et entre l’usufruit portant sur toute la succession. En revanche, quand certains des enfants laissés par le défunt ne sont pas issus des 2 époux alors le conjoint survivant ne dispose pas de l’option, il ne peut recueillir que ¼ en pleine propriété. Cela s’explique : quand le conjoint survivant est en concurrence avec les enfants du pré mourant, cela peut virer en conflit. Cette disposition ne vaut que si le défunt n’a pas disposé d’une volonté exprimée en faveur de son conjoint. Dans ce cas, la source est dans la volonté du défunt, on ne parle plus d’usufruit légal.

B – Le mécanisme de la prescription acquisitive.

On retrouve la distinction des meubles et des immeubles car cette prescription n’est pas la même. Quand une personne détient un meuble, la possession vaut titre. Mais quand c’est un immeuble, la propriété s’acquiert selon le temps de la possession : 10, 20 ou 30 ans.
Pour les meubles, l’article 2279 s’applique à l’acquisition aux autres droits réels que le droit de propriété tel que le droit d’usufruit. Celui qui possède un meuble en tant qu’usufruitier, s’il est de bonne foi, peut se prévaloir de l’art. 2279 à l’égard du véritable propriétaire pour conserver son usufruit et va acquérir ce droit par la vertu de l’article. Grâce à cet article l’acquisition de son usufruit immobilier va être instantanée.
En matière immobilière, ou bien l’usufruitier a acquis son droit réel de la part d’un non propriétaire alors qu’il ignorait le défaut de qualité de ce dernier dans ce cas, il est considéré comme de bonne foi et il va acquérir l’usufruit par l’effet de la prescription qui sera abrégée de 10 ou 20 ans. Le critère de la distinction est désuet il tient à des considérations de géographie.
L’usufruitier a acquis son droit d’un non propriétaire mais il savait que celui-ci ne l’était pas. Alors il est de mauvaise foi, il ne peut acquérir la propriété mais avec une prescription de 30 ans.

Paragraphe 2 – La question de l’entrée en jouissance de l’usufruit.

A partir du moment où les conditions d’usufruit sont réunies, l’usufruitier va pouvoir agir pour exercer son droit d’usage et de jouissance. Cela signifie que s’il éprouve une résistance pour entrer en possession soit de la part de tiers ou du nu propriétaire, il pourra alors exercé cette action réelle confessoire qui traduit l’opposabilité de son droit d’usufruit à l’égard de tous et c’est cette opposabilité que cette action va faire respectée. L’usufruitier pourra exercer une action personnelle en délivrance qui appartient à un usufruit constitué par contrat ou testament. L’usufruit étant un droit réel, le droit de l’usufruitier va porter sur la chose telle qu’elle est, l’usufruitier n’a pas de droit direct sur le nu propriétaire, c’est le sens de l’art. 600 qui contraste avec l’art 1720 relatif aux baux.
En effet, le bailleur propriétaire est tenu de donner la chose en bon état de réparation. De plus il est dit qu’il doit y faire pendant la durée du bail, toutes les réparations qui sont nécessaires autres que les locatives. En cas de bail, qui institue un droit personnel de créance entre le bailleur et le preneur, le bailleur doit faire des réparations alors qu’en tant qu’usufruit il n’y a pas ce genre d’obligation.
L’usufruit est un droit temporaire donc soit l’usufruitier lui même soit ses héritiers devront restituer la chose. C’est alors que 2 difficultés peuvent se présenter :
– Il faut savoir sur quoi porte la restitution, sur quel bien portait l’usufruit.
– A supposer que l’usufruitier ait détruit la chose, il devra en restituer l’équivalent pécuniaire sous forme de dommages et intérêts.
Et pour ménager les droits du nu propriétaire, la loi impose à l’usufruitier 2 obligations qui sont :
– Faire inventaire (art. 600 du code civil) : description écrite et détaillée des meubles et immeubles et s’agissant de ceux-ci l’inventaire à pour fonction de préciser l’état actuel des lieux. Cet inventaire sera dressé de manière contradictoire et il sera consigné dans un écrit dont la forme importe peu (sous seing privé, acte authentique…), et le nu propriétaire peut s’opposer à la prise de possession par l’usufruitier tant que l’inventaire n’a pas été dressé. S’il n’y a pas eut inventaire, le nu propriétaire en sera réduit à établir par tous moyens la consistance des biens sujets à restitution.
– Fournir caution (art. 601 du code civil) : la caution désigne une personne qui doit garantir le paiement des dommages et intérêts que l’usufruitier pourrait devoir au nu propriétaire en cas de perte ou de détérioration de la chose. Un cautionnement personnel est une lourde charge et parfois il est difficile de trouver quelqu’un c’est la raison pour laquelle l’usufruitier peut remplacer la caution par une sûreté dite réelle (hypothèque, gage…) constituait sur un immeuble voire un meuble lui appartenant au bénéfice du nu propriétaire.
Il y a des cas ou la loi dispense de fournir caution notamment s’agissant de l’usufruit légal des pères et mères sur les biens de leurs enfants, c’est le cas d’une donation avec réserve d’usufruit sur la tête du vendeur. Quand la loi ne précise pas qui est obligé de fournir caution, la volonté peut y suppléer. Un usufruitier peut être dispensé de caution dans un testament ou encore par le consentement exprès du nu propriétaire. C’est dire que l’article 601 qui fait obligation de fournir caution n’est pas un texte impératif mais supplétif. Toujours est-il que quelque que soit sa source, loi ou volonté, l’usufruit suppose que pendant son exercice les droits et les devoirs du nu propriétaire et de l’usufruitier soient déterminés.