Qu’est ce que la responsabilité civile délictuelle ?

INTRODUCTION AU DROIT DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE

La responsabilité civile est l’obligation pour toute personne de réparer le dommage qu’elle a causé à un tiers. Ce principe est inscrit dans les anciens articles 1382 (aujourd’hui article 1240) à 1386 du code civil.

L’article 1240 du code civil (anciennement 1382) dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». L’article suivant (1241, anciennement l’article 1383) indique que « chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

D’un point de vue philosophique : la responsabilité est une condition de la liberté. L’homme libre est celui qui choisit et répond de ses actes. Nietzsche : le privilège extraordinaire de la responsabilité.

C’est l’ensemble des règles légales et jurisprudentielles qui ont pour objet de substituer une attribution matérielle d’un dommage à une attribution d’ordre juridique.

Cette théorie permet de répondre à la question de savoir si le dommage doit être laissé à la charge de la victime

(Attribution matérielle) ou au contraire s’il convient d’en déplacer le poids sur une autre personne (attribution juridique).

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I – LE FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE

§ 1. Droit romain

Le droit romain distinguait le délit du quasi délit. 4 sortes de délits permettant une action : le vol, la rapine, le dommage, l’injure ou outrage. Les actions permettait une restitution du bien nature ou en équivalent et l’octroi d’une sanction variable selon la nature du bien.

Distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité quasi délictuelle. Toutes les fois que les faits nuisibles n’entraient pas dans la classe des contrats ou que la législation n’avait pas attaché à ces faits une action spéciale en tant que délit : on disait que l’obligation était produite par l’effet d’un quasi délit.

§ 2. La responsabilité au temps du Code Napoléon

A cette époque la France était un pays rural et les occasions de responsabilité étaient peu nombreuses.

Le Cour de Cassation a fondé la responsabilité délictuelle sur la faute (alors qu’avant la responsabilité n’était admise que dans des cas bien déterminé). La faute était le point central de la responsabilité.

Art. 1382 : Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

C’est un système moralisateur, centré sur l’idée de faute. Cette conception est claire et individualiste: chacun doit répondre de la faute qu’il a pu commettre.

Cet article a longtemps été la seule responsabilité sur le fondement de laquelle les actions en réparation se sont développées.

§ 3. Évolution au cours du XIXe siècle

Le droit est un miroir promené le long des faits sociaux.

L’évolution de la société et la multiplication des risques de dommages, liée au développement du machinisme

accidents de + en + nombreux, et une difficulté accrue de prouver la faute de l’auteur de tels accidents

inadaptation du primat de la faute dans le régime de la responsabilité.

Dans le souci d’assurer la protection des victimes, la faute n’a plus le monopole de la responsabilité, et le législateur a créé de nombreux cas de responsabilité sans faute.

A. Théorie du risque

Substitution de l’idée du risque a l’idée de faute dans une tentative d’émancipation du primat de la faute dans la responsabilité délictuelle.

1. La théorie du risque

Afin d’assurer la protection des victimes, celui exerce une activité faisant courir un risque à autrui est tenu d’en supporter les risques. C’est-à-dire il est tenu de réparer le dommage qu’elle cause, même s’il n’est pas possible de discerner l’existence d’une faute à sa charge. Ils ont l’obligation d’assumer la charge des risques que l’activité humaine peut engendrer, ils prendre à leurs charges tous les dommages résultant de leurs activités.

La jurisprudence accueille cette approche en se fondant de manière artificielle sur l’art. 1384-1 : On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.

Pour la Haute juridiction, cet article est la reconnaissance d’une responsabilité de plein droit du fait des choses. Celui qui cause un dommage avec la chose dont il a la garde est responsable, même si il n’a commit aucune faute.

2. Les conséquences de la théorie du risque

Cette théorie implique un raisonnement en termes de pouvoir : sa logique ignore l’exigence d’un acte anormal engageant la responsabilité.

Cette théorie génère le risque de paralyser l’activité humaine, car toute activité est génératrice de responsabilité. Pour pallier les inconvénients de la théorie du risque…

B. Théorie de la garantie

La victime doit pouvoir obtenir réparation de son dommage indépendamment de l’appréciation du comportement de l’auteur du dommage. Pour cela, on part du droit subjectif virtuel selon lequel chaque individu a droit au respect de son intégrité physique. Atteinte à cette intégrité entraîne une réparation.

En promouvant un droit à la sécurité, la théorie de la garantie ne s’inscrit plus dans une logique de responsabilité, mais dans une logique d’indemnisation ou la commission d’un fait illicite n’est plus requise.

Nouvelle idéologie moderne de la réparation : toute victime doit être indemnisé (assurances, garanties). Cette théorie engendre le principe de précaution: mécanismes d’anticipation, prendre les mesures nécessaires afin d’éviter la survenance d’un événement probable.

§ 4. L’effacement de la notion de responsabilité

A. La responsabilité n’est plus la condition nécessaire de la prise en charge d’un risque par la collectivité

L’indemnisation est assurée a travers l’idée de risque social, la notion de faute n’a plus d’incidence.

La victime n’a plus de créance contre l’auteur mais contre la collectivité. Tout dommage doit être réparé. Divers mécanismes permettent cette réparation : l’assurance, la sécurité sociale, l’intervention de fonds d’indemnisation.

Exemple : indemnisation pour les victimes des dommages corporels résultant d’une infraction dont l’auteur est inconnu ou insolvable s’opère par la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction.

Déclin de la responsabilité individuelle au profit d’une responsabilité de + en + collective.

B. La responsabilité, lorsqu’elle est maintenue, remplit de nouvelles fonctions

  • Rôle de sanction : sanction de la violation d’obligations.
  • Rôle régulateur : permet de tempérer l’exercice de certains droits, elle exerce cette fonction régulatrice a travers la théorie de l’abus de droit.
  • Fonction complémentaire : l’art. 1382 est mis en œuvre pour corriger ou compléter des règles de droit insuffisante.

La responsabilité devient le centre du droit et a tendance à absorber le droit tout entier.

II – RAPPORTS ENTRE LA RESPONSABILITE CIVILE DELICTUELLE ET LES AUTRES ORDRES DE RESPONSABILITÉ

§ 1. Les rapports entre la responsabilité civile et administrative

Lorsqu’une personne se trouve dans une relation de droit administratif ce sont les règles de droit administratif qui jouent. Ces compétences juridictionnelles et matérielles excluent les règles de la responsabilité civile délictuelle.

§2. Les rapports entre la responsabilité civile et pénale

Critères

Responsabilité civile

Responsabilité pénale

But

Réparation du dommage

Répression. Protection de la société.

Fondement (fait

Faute quelconque causant dommage,

Faute pénale prévu par un texte

générateur)

responsabilité, sans faute.

Maîtrise de l’action

La victime

Le Ministère Public

Sanction

Dommage et intérêts (exécution en

Peine privative de liberté, amende et

nature)

autres.

Juridiction

Tribunaux civils

Cour d’assises, tribunal correctionnel,

compétente

tribunal de police

A. L’unité de la faute pénale et de la faute civile

Le principe : un comportement constitutif d’une infraction pénale, constitue en même temps une faute au sens de l’art. 1382 et 1383 du code civil.

Application : principe affaiblit, le délit pénal ne constitue plus forcement un délit civil.

Car le délit pénal sanction la lésion de l’intérêt public, il protège les valeurs fondamental de la société, contrairement au civil quoi doit indemniser les atteintes a des intérêts privés.

Une faute civile n’est pas forcement une faute pénale : la faute pénal nécessite un élément intentionnel, la volonté de la personne qui est à l’ origine de ce comportement. (Cette intention n’est pas nécessaire au civil).

La doctrine depuis 1912 condamnait l’unité de la faute. Deux objections majeures conduisent à la nécessaire séparation entre la faute civile et pénale :

1) La différence de finalité des deux ordres de responsabilité

L’infraction pénale et sa sanction tourné vers l’auteur de l’infractionet la réparation du trouble causé a la société entière.

Responsabilité civile tourné vers la victime et la réparation du préjudice subit.

L’existence d’une unité de faute mènerait à des incohérences, car afin de préserver le droit légitime d’une indemnisation pour la victime, on refusait la possibilité d’une relaxe, puisque s’il relaxe le prévenu, il privera la victime de tout droit à réparation. Le juge pénal était conduit à se placer dans la perspective civiliste.

2) La nature de la faute

  • En droit civile : la responsabilité n’est pas forcément liée à la faute (essor de la responsabilité sans faute avec le développement du machinisme) : responsabilité civile des déments.
  • En droit pénal : la faute est le pivot de la responsabilité pénal.

B. L’option de la victime

La victime d’une infraction pénale, bénéficie d’une option pour défendre ses droits : action devant la juridiction civile ou pénale. Encore faut il que la faute civile constitue en même temps une infraction pénale.

C. Supériorité de l’ordre pénal

L’ordre juridique pénal est supérieur à l’ordre juridique civil. Expression de supériorité :

Prescription: l’action civile se prescrit en même temps que l’action publique. Solidarité supprimé en

1980, prescription soumise aux délais du Cour de cassation.

Sursis à statuer: le pénal tient le civil en l’étatle juge civil saisi d’une demande en réparation doit attendre pour se prononcer qu’une décision pénale ait été rendue (= éviter les contradictions de jugement).

– L’autorité de la chose jugée: le juge civil doit respecter les contestations, qualifications et conclusions du juge pénal, sa décision a autorité et lie le juge civil.

§ 3. Les rapports entre la responsabilité civile délictuelle et contractuelle

La responsabilité contractuelle naît en cas d’inexécution d’une obligation contenue dans un contrat. Elle permet d’assurer l’exécution du contrat par équivalent et de réparer les préjudices causés par son inexécution.

La responsabilité contractuelle suppose donc l’existence d’un contrat, ceci contrairement a la responsabilité délictuelle qui nait en l’absence de tout contrat, et est engagé par la commission de tout fait contraire à l’ordre juridique.

A. Intérêts attachés à la distinction :le régime juridique est différent

En matière délictuelle

En matière contractuelle

Dommages

Tous les dommages dès l’instant qu’ils

Uniquement les dommages prévisibles (art

réparables

sont caractérisé.

1150)

Mise en demeure

Non nécessaire pour obtenir réparation

Nécessaire pour obtenir une réparation

Loi appliqué

La loi du lieu du délit

La loi choisit par les parties

Tribunal

Domicile du défendeur, lieu du fait

Domicile du défendeur, lieu d’exécution du

compétent

dommageable, lieu ou le dommage a été

contrat

subit.

Délais de

10 ans à compter de la manifestation du

10 ans ou particulière (ex: 1 ans en matière

prescription

dommage

de transport)

Clause de non

Nulle

Valable

responsabilité

Intérêts moratoire

Dues a partir du jugement de la

Dues a partir de la mise en demeure

condamnation.

B. Le problème du cumul des deux ordres de responsabilité

1. Le problème du cumul des responsabilités

Peut ont faire jouer les 2 responsabilités en même temps ? Non. Leur régime juridique est différent. Tentation de choisir celui qui nous ait le plus favorable.

Mais le choix entre ces deux régimes est parfois limité étant donné que :

tant que la relation contractuelle n’est pas conclue, ce sont les règles délictuelles qui jouent.

dès que la relation contractuelle a cessé, seule la responsabilité délictuelle peut jouer.

si, au sein d’une relation contractuelle, la faute n’est pas un manquement à une obligation contenu dans le contrat, la responsabilité est délictuelle. Car dès l’instant ou la faute est extérieure au contrat, la responsabilité n’est que délictuelle.

2. La solution au problème du cumul des responsabilités

Lorsque les conditions de la responsabilité contractuelle sont réunies, il n’est pas question de faire jouer les règles délictuelles. Ont doit agir par responsabilité contractuelle.

Les dispositions de l’art. 1382 ne peuvent pas être invoqués lorsque la faute a été commise dans l’exécution d’une obligation résultant d’un contrat.

Proposition nouvelle art. 1341: En cas d’inexécution d’une obligation contractuelle, ni le débiteur ni le créancier ne peuvent se soustraire à l’application des dispositions spécifiques à la responsabilité contractuelle pour opter en faveur de la responsabilité extracontractuelle. Toutefois, lorsque cette inexécution provoque un dommage corporel, le cocontractant peut, pour obtenir réparation de ce dommage, opter en faveur des règles qui lui sont plus favorables.

3. Les conséquences de la solution

Pas d’option entre responsabilité contractuelle ou délictuelle : si le contractant est tenu des règles contractuelles, il ne peut recourir aux règles de responsabilité délictuelle

Pas de cumul entre les responsabilités : si le contractant est tenu de réparer les dommages sur le fondement contractuel, le créancier ne peut agir concurremment sur le terrain délictuel.

Pas de concours : si le contractant est délié de tout devoir de réparation d’après les règles de la responsabilité contractuelle (par exemple, prescription ou cas de force majeure), le créancier ne peut pas poursuivre sur le plan délictuel.

Pas de jeu successif : si le contractant est tenu de réparer le dommage d’après les règles de la responsabilité délictuelle, et si sa dette a été fixée conformément à ce régime, il ne peut pas être condamné à verser une indemnité complémentaire de nature délictuelle.

4. Les atténuations au principe du non cumul des responsabilités

Lorsqu’un contractant commet une faute dolosive dans l’exécution de son contrat, cette faute dolosive fait éclater le contrat. Par conséquent, il ne peut plus compter sur les règles contractuelles : on ne peut appliquer que les règles délictuelles.

Extension récente de la responsabilité contractuelle au tiers intéressé au contrat qui peut agir sur la base contractuelle. L’évolution s’est produite en deux temps:

1. La chaine de contrats:Dans contrats successifs qui portent sur un même bien, on a considéré que le dernier maillon de la chaîne, s’il voulait agir contre le premier maillon, ne pouvait le faire que sur une base contractuelle.

Le contrat porte sur un bien et porte également sur les accessoires de ce bien ; on transmet le bien lui-même avec ses accessoires. Les accessoires sont matériels ou juridiques: toutes les actions juridiques (en responsabilité, en garantie), se trouvent transmises en même temps que la chose objet du contrat.

2. Responsabilité des professionnelles:limitant le droit de la responsabilité contractuel. Il peut paraître injuste de traiter différemment la victime du professionnel, selon qu’elle est ou non liée par un contrat. Conduit à imposer a de nombreux professionnels une obligation de renseignements / de conseils/ sécurité.

Conclusion

3 constats face à l’évolution récente de la doctrine et de la jurisprudence:

émergence de régimes spéciaux de responsabilité

renforcement de l’obligation de garantie

tentation envahissante du régime de précaution

Multiplication des régimes spéciaux de responsabilité. Le principe de précaution permet de justifier des décisions politiques en présence d’un risque potentiel plausible. (Précaution = définition vague et non constante). Précaution considéré comme une directive d’orientations de l’action politique, PGD ou standard juridique donné a l’appréciation du juge.