Qu’est-ce que le chômage? Comment mesurer le chômage?

LE CHÔMAGE

L’Union européenne à 25 membres comptait en 2005 plus de 19 millions de chômeurs déclarés (OCDE) , soit un taux de chômage d’environ 8,7 % avec toutefois des disparités importantes puisqu’on enregistrait à la même période un taux de 17,7 % en Pologne et 4,5 % au Luxembourg . Pour autant , les Etats-Unis au cours de l’année 2005 et le Royaume-Uni apparaissent moins frappés par le chômage ; il faut donc se pencher sur les définitions et la mesure du chômage pour tenter d’expliquer ces différents taux .

Véritable fléau tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement , le chômage a constitué à plusieurs époques de l’histoire contemporaine et constitue encore une interrogation majeure pour les économistes . Frictionnel , conjoncturel ou structurel , volontaire ou non , indemnisé ou pas … il constitue la partie visible des déséquilibres de l’économie de marché .

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Section 1 ) Définitions et mesure du chômage :

Nous allons respectivement passer en revue les différentes définitions du chômage en même temps que de donner quelques chiffres globaux sur son évolution au sein de grandes zones .

Le chiffre du chômage est devenu l’indicateur économique mensuel le plus attendu. S’il apparaît comme le reflet objectif de l’état du marché du travail à un moment donné, il n’en demeure pas moins une construction statistique qui peut prêter à discussion :

– Les critères retenus pour considérer qu’une personne est au chômage sont conventionnels et comportent une certaine imprécision ;

– la frontière entre emploi, inactivité et chômage devient de plus en plus floue : le « halo » du chômage brouille les catégories statistiques traditionnelles.

La définition officielle que donne le Bureau International du Travail (BIT) est a priori simple en considérant comme chômeurs les personnes qui sont simultanément :

– sans travail ;

– disponibles pour travailler ;

– à la recherche d’un travail.

Les difficultés surgissent lorsqu’il s’agit de préciser les critères permettant de rendre opératoire cette définition.

Or, les deux principales sources en France que sont l’INSEE et l’ANPE ont une interprétation spécifique de cette définition.

  • 1.1 ) Définition du chômage au sens de l’ANPE :

Chaque mois, l’ANPE (Agence Nationale pour l’Emploi) publie le nombre de chômeurs inscrits dans ses fichiers, ce sont les demandes d’emploi en fin de mois (DEFM). Si toutes les personnes qui recherchent un emploi peuvent s’inscrire à l’ANPE, c’est la catégorie 1 qui sert de baromètre « officiel » du chômage. Il s’agit des chômeurs immédiatement disponibles (même s’ils exercent une activité réduite jusqu’à 78 heures par mois) cherchant un emploi à temps plein et à durée indéterminée (CDI).

Les statistiques de l’ANPE présentent plusieurs avantages. Elles sont d’abord exhaustives puisque tous les inscrits sont comptabilisés. Elles ont aussi l’avantage de pouvoir être exploitées tous les mois dans un délai très court, ce qui en fait le seul indicateur conjoncturel du chômage disponible en outre à un niveau géographique détaillé.

Mais la logique administrative de l’ANPE implique qu’elle ne comptabilise que les inscrits sur ses listes (logique d’indemnisation et de gestion des droits sociaux). Or, tous les demandeurs d’emploi ne font pas cette démarche. Par exemple, 19 % des chômeurs agés de 15 à 24 ans n’étaient pas inscrits à l’ANPE en 2001. En revanche , ne sont pas défalqués ceux qui ne cherchent pas effectivement un emploi mais qui renouvellent leur inscription comme certains chômeurs « découragés ». Par conséquent , la principale limite de cette statistique est qu’elle est très sensible aux modifications de la législation sociale et de la réglementation en matière de gestion administrative mais aussi des comportements d’inscription des chômeurs. Par exemple , la dispense de recherche d’emploi de certains chômeurs agés, décidée en 1985, à permis de soustraire du chômage « officiel » l’équivalent de 350000 personnes à la fin de l’année 2000 ;

L’ANPE procède aussi de temps à autre au « toilettage » de ces listes : elle radie les personnes qui ne répondent pas aux convocations de l’agence aux entretiens proposés.

Bien qu’une mesure objective du chômage soit illusoire, de tels changements nourissent le soupçon récurrent de « manipulation » qui pèse sur le chiffre du chômage.

  • 1.2 ) Définition du chômage au sens du BIT :

Le chômage au sens du BIT est mesuré au travers des enquêtes-emploi effectuées par l’INSEE (Institut National de la Statistique est des Etudes économiques) chaque année au mois de Mars auprès d’un échantillon d’environ 68000 ménages sélectionnés de façon aléatoire (tirage au sort).

L’INSEE dénombre la population sans emploi à la recherche d’un emploi (PSERE) à partir des critères édictés par le BIT qui s’avèrent particulièrement stricts. Ainsi le premier critère, être sans travail, exclut du chômage toutes les personnes déclarant avoir exercé une occupation ou qui ont travaillé, ne serait-ce qu’une heure, au cours de la semaine de référence. La définition est ici exactement restrictive.

En ce qui concerne le deuxième critère, sont considérées comme disponibles les personnes qui peuvent commencer à travailler dans un délai de quinze jours ( en cas de maladie le délai est porté à un mois).

Enfin l’appréciation du troisième critère, rechercher activement un travail, est relativement souple : le chômeur doit être inscrit à l’ANPE soit préciser les démarches effectives de recherche d’emploi qu’il a pu effectuer le mois précédent l’enquête.

Par rapport aux statistiques de l’ANPE, l’avantage de l’enquête-emploi résulte d’un comptage qui a pour but explicite la mesure du chômage internationalement reconnue (celle du BIT). Elle échappe donc aux changements réglementaires ou administratifs et permet en outre de réaliser des comparaisons internationales.

Toutefois, la périodicité annuelle de l’enquête-emploi et la définition excessivement restrictive des critères retenus sont les principales limites de cette statistique.

  • 1.3 ) Les chiffres du chômage : un déséquilibre macroéconomique ancien et contemporain :

Il n’est point besoin de s’attarder sur les taux de chômage des années 30 au sein des pays capitalistes industrialisés pour rappeler que le chômage est un déséquilibre ancien . Les analyses en terme de cycles montrent parfaitement que ce fléau a perduré à travers le temps et l’espace. Dans la période récente, le chômage s’est progressivement développé à partir des années 70 pour les pays de l’OCDE .

Le tableau ci-après en témoigne :

Tableau 1 : Evolution du taux de chômage dans certains pays et OCDE

En %FranceAllemagneRoyaume-UniItalieZone euroÉtats-UnisJaponOCDE
1961-19701,60,81,75,24,71,23,2
1971-19803,62,73,96,66,41,84,4
1981-19908,16,39,910,67,12,56,8
1991-20009,88,17,910,35,63,36,8
2001-20108,58,85,67,78,86,14,76,8
2011-20179,94,86,311,210,76,53,77,2
19918,15,58,68,56,82,16,2
19929,06,69,88,87,52,26,8
199310,17,810,29,76,92,57,4
199410,48,49,310,66,12,97,4
199510,28,28,511,25,63,17,3
199610,58,97,911,25,43,47,1
199710,79,66,811,24,93,46,8
199810,39,46,111,34,54,16,7
199910,08,65,910,99,74,24,76,5
20008,67,95,410,08,94,04,76,1
20017,87,85,09,08,34,75,06,3
20027,98,65,18,58,65,85,46,8
20038,59,75,08,49,16,05,37,0
20048,910,44,78,09,35,54,76,9
20058,911,24,87,79,15,14,46,6
20068,810,15,46,88,44,64,16,1
20078,08,55,36,17,54,63,85,6
20087,47,45,66,77,65,84,06,0
20099,17,67,67,79,69,35,18,1
20109,37,07,88,410,29,65,08,3
20119,25,88,18,410,28,94,68,0
20129,85,47,910,711,48,14,38,0
201310,35,27,512,112,07,44,07,9
201410,35,06,112,711,66,23,67,4
201510,44,65,311,910,95,33,46,8
201610,14,14,811,710,04,93,16,3
20179,43,84,411,29,14,42,85,8
2018p8,73,44,511,08,33,92,55,4

Les taux présentés ne sont pas des taux standardisés . Malgré cette imperfection, on peut relever 4 points :

– Le taux de chômage au Japon est reste longtemps limité au taux de chômage « naturel » mais aujourd’hui il augmente à cause de la crise économique qui sévit au Japon depuis le milieu des années 90, bien que la situation s’améliore de nouveau sur le front de l’emploi.

– Les Etats-Unis ont un taux de chômage qui correspond jusqu’en l’an 2000 au taux de chômage naturel.

– L’Allemagne à cause de la réunification connaît un déséquilibre du marché du travail plus prononcé.

– La France à l’instar des autres pays a connu une diminution sensible du chômage depuis 1997 et une remontée depuis 2001, le taux de chômage tend à diminuer significativement depuis quelques mois.

Le chômage n’est pas un phénomène homogène ; il importe de distinguer ses différents aspects qui peuvent avoir de multiples causes. D’autre part, les divers types de chômage ne présentent pas le même caractère de gravité pour les personnes qui le subissent ainsi que pour l’économie nationale considérée .

Section 2 ) Les différentes formes de chômage :

Nous allons maintenant examiner les différentes de chômage auxquels un individu peut être confronté dans sa vie active.

  • 2.1 ) Chômage saisonnier , conjoncturel , structurel :

On a pris l’habitude de distinguer , dans le chômage total , une composante saisonnière , une composante conjoncturelle ou cyclique et une composante structurelle ou à plus long terme .

Le chômage saisonnier frappe principalement diverses branches d’activité (comme l’agriculture et le bâtiment ) sujettes à des influences climatiques plus ou moins régulières ; la plupart des statistiques en matière de chômage cherchent d’ailleurs à faire abstraction de ces fluctuations et les données sont dites alors « corrigées des variations saisonnières » ou encore « désaisonnalisées ».

Le chômage de type conjoncturel est celui qui est lié aux fluctuations cycliques de l’activité économique , c’est-à-dire aux variations à court terme de la demande globale et de la production selon la séquence demande production emploi chômage .

Le chômage structurel est , lui considéré par définition comme indépendant du niveau général de la demande finale .

Suivant une conception assez répandue , tout travailleur serait en chômage structurel « lorsqu’il est en chômage et qu’il existe un emploi vacant pour lequel il n’a pas les qualifications requises ».

Un aspect important par rapport à ce type de chômage est en effet constitué par l’inadéquation souvent constatée de la structure de l’offre de travail ( ou demande d’emploi ) par les individus relativement à la structure de la demande de travail ( ou offre d’emploi ) par les entreprises . Cette dernière se modifie constamment sous l’effet de changements , d’une part , dans la demande de biens et services ( évolutions des besoins et des goûts des consommateurs ) et , d’autre part , dans les combinaisons productives ( progrès technique et substitutions entre les facteurs ) . Du chômage apparaît en l’absence de modifications correspondantes de la structure de l’offre de travail qui est fonction , elle , d’éléments plus stables : les qualifications des travailleurs données par le système d’enseignement et de formation ainsi que leurs préférences pour certains types d’activités .

  • 2.2 ) Le chômage keynésien et le chômage classique :

Une autre classification du chômage , plus récente mais aujourd’hui couramment utilisée par la plupart des théoriciens , consiste à distinguer un sous-emploi de type keynésien et un sous emploi de type classique .

Dans l’analyse macroéconomique de Keynes et dans la conception du chômage qui en découle, l’insuffisance de la demande de main d’oeuvre par les entreprises sur le marché du travail s’explique fondamentalement par l’insuffisance de la demande de biens et services aux entreprises sur le marché des produits . Dans une telle situation, la politique économique doit stimuler la demande ( par l’augmentation des dépenses publiques , l’abaissement des impôts ou par la diminution des taux d’intérêt ) ; à l’inverse , une politique de réduction des salaires entraînant une baisse des dépenses de consommation comprimerait plus encore l’activité des firmes et le niveau de l’emploi .

Avec la crise des années 70, on a cependant assisté à une résurgence des théories classiques qui expliquent le chômage courant par les contraintes que le niveau trop élevé des salaires réels (et non pas la demande insuffisante de produits) ferait peser sur l’économie .

Edmond MALINVAUD, en particulier, a essayé de renouveler les théories macroéconomiques du chômage en fondant son analyse sur des modèles microéconomiques où individus et entreprises sont confrontés à des marchés sur lesquels les prix et les salaires sont à court terme rigides (c’est-à-dire ne s’ajustent pas suffisamment vite pour assurer en permanence l’équilibre des offres et des demandes sur chaque marché) . Il a ramené ainsi l’hypothèse du chômage keynésien à un cas spécifique.

Alors que le sous-emploi keynésien s’identifie au chômage conjoncturel, le sous-emploi classique peut être considéré comme une variété du chômage dit structurel. Malgré une demande de biens et services suffisante, il subsiste dans l’économie un chômage non négligeable. Il n’est pas possible de réduire celui-ci par des politiques de stimulation de la demande qui ne feraient qu’attiser l’inflation. La solution préconisée dans ce cas consiste à rétablir ou accroître la rentabilité des entreprises par une politique de réduction des salaires et des charges sociales et fiscales .

Cette vue des choses a été, en particulier, à la base des développements de ce que l’on a appelé l’économie de l’offre. Les débats théoriques sur la nature du chômage contemporain ne correspondent pas, en effet, seulement à des plaisirs d’experts. Ils se situent au coeur de l’affrontement entre les deux grandes stratégies de politique économique qui se sont opposées après 1974, les économistes d’inspiration keynésienne privilégiant la dynamique demande-production-emploi , les économistes d’inspiration néo-classique privilégiant la dynamique rentabilité-investissement-emploi .

  • 2.3 ) Chômage volontaire et chômage involontaire :

Enfin , le chômage au sens strict devant être considéré comme une exclusion involontaire du marché du travail , une autre distinction consiste à séparer les différentes formes de chômage involontaire et le chômage volontaire , c’est-à-dire délibérément accepté par certaines personnes en conséquence de « stratégies » qui leur sont propres .

Parmi les principales formes de chômage volontaire , on relève le chômage dit « rationnel » et le chômage dit de « recherche » .

Le chômage dit rationnel est celui qui résulterait d’un certain rapport de prix ou plus précisément d’utilités nettes entre le travail et l’inactivité conduisant certains chômeurs à préférer celle-ci à celui-là .

Les individus de la théorie micro-économique , confrontés au dilemme travail-loisir dans l’affectation de leur budget-temps , sont supposés ne choisir de travailler qu’au terme d’un calcul faisant ressortir que l’utilité escomptée de l’emploi ( principalement le revenu attendu , mais parfois aussi la puissance et la notoriété ) est supérieure à sa désutilité ( la perte de temps libre et les autres contraintes ou inconvénients liés à certains emplois ) . Si le travail est rémunérateur , il est en effet , également coûteux : en termes physiologiques et psychologiques ( l’homme n’est pas fait pour le travail , la preuve est que cela le fatigue , dit l’humoriste … ) , mais souvent aussi en termes monétaires ( par exemple , il implique fréquemment un coût de déplacement du domicile vers le lieu d’activité ) .

D’autres auteurs ( notamment STIGLER et PHELPS ) ont mis en avant un chômage dit de recherche ou de prospection . Cette forme de chômage constituerait un investissement volontaire en temps de personnes qui cherchent à accroître leurs utilités futures .

Certains individus ont des exigences assez précises quant au taux de salaire acceptable par eux ou encore quant à la nature ou à la localisation de l’emploi . Si les caractéristiques qui correspondent à un poste disponible ne leur conviennent pas , ils poursuivent leur recherche jusqu’à ce qu’ils atteignent leur objectif ou qu’un fait nouveau les amène à réduire le niveau de leurs prétentions.

Comme on ne voit pas bien pourquoi, il serait moins intéressant de chercher un autre emploi tout en travaillant plutôt que de se spécialiser dans la recherche d’un emploi bien déterminé ( job search) , cette hypothèse concerne surtout ceux qui entrent sur le marché du travail . Les jeunes et , à nouveau , les femmes et l’indemnisation du chômage sont mis en cause dans la prétendue montée du chômage dit de « recherche » . D’une part , au sein d’un ménage qui compte déjà un travailleur et un revenu , les autres membres de la famille sont supposés pouvoir se consacrer à une recherche d’emploi plus longue ; d’autre part , les allocations de chômage réduisent les coûts marginaux de recherche et toutes choses égales par ailleurs passent pour inciter les individus à rester plus longtemps inactifs .

La multiplication de ce type d’explications a amené certains auteurs à accréditer l’idée , assez répandue dans une partie de l’opinion publique , selon laquelle une large proportion du chômage contemporain serait de nature volontaire . Le chômage volontaire existe ; il n’est pas impossible qu’il ait augmenté . Mais il ne permet pas d’expliquer la croissance spectaculaire du sous-emploi dans tous les pays de l’OCDE , après 1974 . Force est d’ailleurs bien de constater que quelques-unes des théories les plus récentes et les plus sophistiquées du chômage n’ont souvent fait que reprendre , en les renouvelant un peu , les arguments les plus anciens et les plus triviaux avancés à l’encontre de l’indemnisation du chômage .

  • 2.4 ) Les autres formes du chômage :

Il existe d’autres formes modernes du chômage , c’est ainsi que l’on distingue respectivement :

– Le chômage frictionnel dû essentiellement au processus d’inadéquation entre offre et demande d’emplois . Il s’agit bien d’un chômage incompressible où l’on peut observer des flux importants avec une probabilité de perdre son emploi (quand l’acteur social en a un ) ou de trouver un emploi ( quand il est au chômage ) .

– Le chômage déguisé , il concerne des emplois dont la productivité est faible, voire nulle , il a longtemps caractérisé la situation dans les pays de l’Est .

– Le chômage technique , il est dû à une interruption du processus technique de production (panne de machines , pénuries , etc ) .

– Le chômage technologique , c’est un chômage qui apparaît à la suite d’innovations qui économisent du travail , notamment par la substitution du capital au travail ( robotisation , informatisation ) .