Quelles sont les évolutions du droit des affaires?

L’évolution récente et historique du droit des affaires

  • 1°) Les balbutiement du droit des affaires

On constate depuis la Rome antique jusqu’au XI ème siècle, une longue période d’ignorance relative du droit des affaires. On fait remonter l’apparition du droit des affaires à partir du moyen âge (XII ème siècle).

Dès l’antiquité certaines règles étaient cependant spécifiques aux relations de commerce et d’échange, mais il ne s’agissait pas d’un droit commercial construit comme c’est le cas aujourd’hui. Ces règles préfiguraient le droit commercial moderne.

Dans le code d’ Hammourabi en 1750, on trouvait des développements relatifs au contrat de prêt, de dépôt ou encore aux contrats de sociétés.

En droit romain, le droit civil était utilisé pour régler les relations entre commerçants.

  • 2°) La construction du droit des affaires

Jusque-là, nous n’avions pas de droit commercial qui était détaché du droit civil des contrats. Selon les historiens, la systématisation des échanges économiques à concouru à l’apparition d’un véritable droit commercial, avec la multitude et l’importance des foires sous le moyen âge. L’émergence d’un droit spécifiquement réservé au droit commercial a notamment pu être constaté en Italie mais aussi dans le sud de la France, et pour faire face aux besoins spécifiques de la profession, des outils juridiques adaptés ont fait leurs apparition. La lettre de change par exemple a permis d’éviter le transport d’argent, autre exemple, la procédure de faillite a permis l’exécution immédiate des biens du commerçant. Au-delà du phénomène des foires, les croisades ont permis de développé un courant d’affaires durable entre l’orient et l’occident. L’église a également joué un rôle dans tout cela avec le droit canonique qui interdisait le prêt à intérêt afin d’éviter les pratiques usuraires. Thomas d’ Aquin et Calvin à la fin du XVI ème siècle ont réussi à faire légitimer le prêt à intérêt. A la même époque, des tribunaux de foire sont créés et en 1563 c’est la création des juridictions consulaires par Charles IX. La pensée doctrinale a contribué à faire naître et évoluer le droit commercial avec DOMAT et POTHIER. DOMAT nous dis que la profession de commerçant est la plus exposée aux avarices et à l’injustice. De ce fait, si le droit civil régit les échanges commerciaux, il convient de protéger ceux qui exerce la profession de commerçant et de leurs imposer un certains nombres de devoirs et de contraintes. Dès lors le droit commercial commence à se détacher du droit civil.

  • 3°) La consolidation du droit des affaires

La grande date du 23 mars 1673 (ordonnance de Colbert) marque la consolidation du droit commercial. Cette ordonnance est aussi dite loi Savary ou le Code Savary. Cette ordonnance traite de la profession de commerçants, des lettres de change et des sociétés commerciales. Une seconde ordonnance, en 1681 est consacré, elle est relative au commerce maritime. Il faudra par la suite attendre la loi du 15 septembre 1807 pour que le droit commercial soit véritablement codifié au sein du code de commerce qui comprenait initialement quatre divisions :

  • le commerce en général
  • le commerce maritime
  • la faillite
  • la juridiction commerciale

On a donc un véritable droit commercial pensé et structuré. Ce code de commerce dans sa version de 1807 a été très critiqué alors que le Code civil de 1804 à toujours été adulé de par son style rédactionnel. En dépit d’une absence de beauté rédactionnelle, il va tout de même fortement contribuer à l’expansion du droit commercial.

  • 4°) L’expansion du droit des affaires

Sous l’influence de la révolution industrielle du XIX ème siècle et du développement du libéralisme économique ainsi que de la mondialisation économique, le droit commercial a subi de profondes mutations. La loi de 1909 sur le fonds de commerce par exemple vient changer complètement le droit commercial ou encore le décret du 30 septembre 1953 sur le statut des baux commerciaux. Le mouvement d’expansion du droit des affaires résulte de l’émergence de nouvelles matières précédemment rattachées au droit civil ou droit commercial comme le droit de la consommation, de la concurrence, de la distribution, le droit boursier, le droit des transports, le droit de l’informatique. Cette expansion est telle qu’il est désormais attendu que le droit des affaires se désagrège.

  • 5°) La désagrégation du droit des affaires

La doctrine parle de décodification ou désagrégation du droit des affaires, ce phénomène renvoie aux nombreuses insuffisances du code de commerce qui sont apparues très tôt. Comme on l’a déjà vu, à la base le code de commerce ne contenait que 4 livres contenant 648 articles, de fait beaucoup de choses, de règles n’étaient pas codifiés. On considère que le premier code à mal vieilli dans le sens où il n’était pas la source unique du droit commercial. Par exemple les contrats commerciaux étaient régis par le Code civil avec les règles relatives à la théorie générale contractuelle. Ce phénomène s’est dès lors accentué. En 1867 une loi régissant les lois commerciales n’a pas été intégrée au Code de commerce. En 2000 le gouvernement a entrepris un vaste travail de recodification du code de commerce, l’objectif était d’ordonner les textes disparates pour tenter de redonner une cohérence à la matière. Le résultat est une ordonnance du 18 septembre 2000 donnant naissance à un nouveau Code de commerce. Désormais ce nouveau Code dispose de 9 livres, il est extrêmement critiqué et n’est pas suffisant pour faire état du droit commercial dans son ensemble, de fait il reste « étranger » au droit des affaires. La codification devait intervenir à droit constant, c’est à dire sans modifications des dispositions déjà existantes.

Dans la mesure où la répartition des règles est artificielle, la clarification obtenue est relative. Pour connaître le régime juridique de certains contrats commerciaux, il faut se référé au Code de commerce, au code de la consommation etc. Cette recodification opérée en 2000 est jugée très insuffisante. Depuis la recodification, au-delà des limites originelles, de nouveaux problèmes sont intervenus comme le fait que le législateur soit intervenu lors de grosses réforme comme la loi Macron du 6 août 2015 et que celle-ci ne soit pas remodifiées…

  • 6°) Les évolutions contemporaines du droit des affaires

A) Les facteurs d’évolutions d’ordres techniques

Internet et le développement du commerce électronique sont à l’évidence des facteurs de renouvellement importants du droit des affaires. Tout d’abord, le droit des affaires a dû s’adapter au passage du papier à l’électronique, ce passage à profondément modifier les exigences du droit relatives à l’écrit. Le droit des moyens de paiement a également été profondément modifié, le droit à du innové, par exemple, les instruments traditionnels tels que le chèque ou la lettre de change ont dû être adaptés et de nouveaux moyens de paiement tels que la carte bancaire ou le virement bancaire se sont considérablement développés. L’essor du commerce électronique est à l’origine notamment de la modernisation du droit de la preuve, de nombreuses règles du droit des contrats, comme celles relatives à la protection du consentement du contractant à son information ou encore à la détermination de la loi applicable, ont ainsi étés transposés par la loi sur l’économie numérique en date du 21 juin 2004. Plus encore que ces questions, ce qui représente un gros bouleversement, c’est la dernière décennie qui a vu apparaître l’économie dite virtuelle. Avec l’essor du commerce électronique, tout est dématérialisé, ce qui change beaucoup de choses, ainsi des contrats nouveaux sont inventés et imaginés pour régler les rapports entre les acteurs de la nouvelle économie.

Les plates-formes numériques deviennent l’un des acteurs clé du droit des affaires contemporain. Ce problème renvoie aux grands acteurs de l’économie numériques que l’on regroupe sous l’acronyme GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Ces acteurs apparaissent comme de plus en plus hégémoniques (ils sont dominants sur le marché), ainsi on observe un déséquilibre important entre le pouvoir de ces plates-formes et leurs usagés avec la crainte que ces acteurs imposent leurs conditions unilatérales aux marchés et leurs acteurs.

Dans ce contexte se développe le droit des données personnelles suite à la question de régulation de ces grands acteurs. En effet, cela peut poser certains problèmes vis à vis des données personnelles.

Le 13 juin 2014 le Conseil national du numérique a remis un rapport sur la neutralité de ces plates-formes. Le Conseil d’état peut s’y intéresser également. Il souhaite un statut spécial de plates-formes qui constituerais une sorte de régime intermédiaire entre deux régimes, celui des hébergeurs et celui des éditeurs.

L’uberisation renvoie à l’idée de transformation de l’activité économique traditionnelle sous l’impulsion de l’innovation numérique, cela peut faire référence à une nouvelle concurrence qui s’installe pour les acteurs de l’économie traditionnelle. Dans son manuel de droit des affaires le professeur logeais nous dis que les applications sur smartphones rendent possibles le développement de services jusqu’alors réservés aux professionnels (taxis, hôtellerie). Il se développe ainsi une économie collaborative qui peut mettre en péril certains secteurs économiques et favorise une certaine concurrence déloyale.

B) Les facteurs d’évolutions d’ordres économiques

Les changements économiques dans la société et notamment l’influence de la révolution industrielle mais aussi l’essor du libéralisme économique et la mondialisation, à vocation de modifier profondément le droit des affaires.

1°) Le phénomène de concentration économique

On peut tout d’abord parler d’un phénomène de concentration économique qui renvoie à l’idée que l’activité commerciale n’est plus avant tout le fait de commerçants isolés comme elle a pu l’être auparavant, c’est dire l’importance prise par les sociétés et même par les groupes de sociétés d’importance mondiale. Ainsi le phénomène de la grande distribution n’a cessé de s’amplifier, de fait un droit des réseaux de distribution est apparu. Les sociétés ont souvent perdues leur caractère familial qu’elles avaient auparavant.

2°) L’internationalisation de la vie des affaires

Cette internationalisation n’est pas nouvelle mais s’est renforcée sous l’effet de la globalisation de l’économie. Pour les juristes, cela n’est pas sans importance, sans conséquences, cela va entraîner un besoin d’harmoniser voir d’unifier différends pans de la législation commerciale. Ce projet existe surtout à l’échelle de l’union européenne. La commission européenne a clairement manifesté, dès 2001, son souhait de parvenir à un droit européen des contrats. Ce projet n’est pas adopté pour le moment, mais on peut imaginer que cela puisse se faire bientôt. En décembre 2014 la commission européenne à retirer la proposition de règlements relatifs à un droit commun européen de la vente, il ne s’agit officiellement pas d’un abandon du projet, mais d’une modification de texte afin d’exploiter pleinement le potentiel du commerce électronique dans le marché unique numérique. L’harmonisation est déjà bien avancée en droit de la consommation. Dans ce domaine, l’harmonisation du droit à l’échelle européenne est déjà bien entamée. Dès 1985, une directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux a été mise en place, elle a fait l’objet d’une transposition en 1998 (19 mai). Plus récemment, la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis à vis des consommateurs dans le marché intérieur. Enfin, avec la directive du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs.

Le processus d’harmonisation des législations intéressant le droit des affaires se développe aussi en droit de la concurrence, en droit des sociétés, en droit des moyens de paiements, autant de domaines qui ne sont pas étrangers au droit des affaires.

3°) Les effets de la crise économique sur le droit des affaires.

Inévitablement, la crise économique a été un facteur de développement de règles nouvelles telles que la réforme du droit des procédures collectives, les dernières réformes à ce sujet ont eus pour objectif de renforcer les chances de survie des entreprises connaissant des difficultés financières. Le renforcement du droit de la régulation dans le droit des marchés financiers.

4°) L’influence de l’analyse économique du droit

L’analyse économique du droit est un courant de pensée au carrefour du droit et de l’économie, certes ce n’est qu’un courant de pensée, mais il a vocation à influencer le droit des affaires, et l’influence déjà depuis un certain temps. C’est une école de pensée que l’on peut lier à la philosophie utilitariste. Elle s’est développée au États-Unis dans les années 60, en France dans les années 80, l’analyse économique du droit consiste à apprécier le bien-fondé d’une règle de droit en fonction de son effet sur l’économie. Elle a pénétré la jurisprudence française à tel point que Guy Canivet (ancien premier président de la cour de cassation) voulait faire de l’analyse économique du droit la doctrine de la Cour de Cassation.

C) Les facteurs d’évolutions d’ordres éthiques

1°) L’essor de l’éthique des affaires

Traditionnellement les liens entre la moral ou l’éthique et le droit des affaires étaient très compliqués, les techniques du droit des affaires visant avant tout le profit, de ce point de vue le droit des affaires serait complètement déconnecté de la morale, en cela, les relations entre les deux ont toujours étés compliquées. Pour cette raison pendant longtemps, le commerce a été considéré comme une activité vile. Au XVIII ème siècle, Montesquieu a pu affirmer que l’histoire du commerce est celle de la communication des peuples. Jusqu’à une certaine époque, les contraintes morales qui pesaient sur les acteurs de la vie des affaires étaient minimes mais les choses ont évoluées, ainsi depuis la seconde moitié du 20 ème siècle, la notion d’éthique des affaires fleurie.

On observe depuis quelques années, un retour de l’éthique dans le droit avec les lois bioéthiques etc.

L’éthique des affaires est une notion anglo-saxonne, on parle de business-etics. Cela aurait tendance à vouloir modifier les règles de la rémunération des dirigeants, mais aussi le développement du droit pénal des affaires. La responsabilité pour concurrence déloyale a pu se développer etc. Le mouvement de moralisation de la vie des affaires est très fort à tel point que les entreprises elles-mêmes ont fait le constat de cette nécessité d’une éthique des affaires à travers les règles de déontologie (morale appliquée à la vie professionnelle) ou encore de chartes éthiques. Depuis les années 80, de nombreuses grandes entreprises se sont dotées de Compliance officers (directeurs d’éthique) et élaborent même leurs propres codes de déontologie. Plus de 80% des entreprises du CAC40 possèdent sous une appellation ou une autre, une charte éthique. En 2016, une nouvelle édition du code de déontologie du groupe Lagardère a été publiée.

2°) Illustrations

a) L’obligation de loyauté du dirigeant

A partir des années 90 et sous l’influence du droit anglo-saxons, la jurisprudence a développé un devoir de loyauté spécifique du dirigeant, arrêt Vilgrain 27/02/1996, Chambre commerciale de la Cour de Cassation.

En 1998 la Chambre commerciale de la Cour de Cassation affirme que cette obligation de loyauté, le dirigeant la doit non seulement aux associés, mais également à l’égard de l’entreprise elle-même. Les fonctions du dirigeant exigent que ce dernier sacrifie ses intérêts personnels au profit des intérêts de la société.

b) L’exigence de transparence en droit des affaires

Traditionnellement le droit des affaires était régi largement par la règle du secret des affaires, cela signifiait par exemple que les entreprises n’avaient pas à se communiquer leurs conditions de vente mais cette règle à néanmoins montré ses limites, ainsi on s’est rendu compte que le secret pouvait favoriser la fraude. D’autres part le secret des affaires se révèle être un instrument de domination au profit des grandes entreprises tel que les centrales d’achats. Désormais la mode est à la transparence. La transparence dans la vie des affaires paraît plus conforme à l’exigence de moralisation contemporaine du droit des affaires. D’un point de vue plus concret, cela à changer certaines choses pour les juristes, comme le renforcement des pouvoirs d’investigations reconnu aux agents de la DGCCRF (direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes). Plus récemment, la loi du 09/12/2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique dite loi « Sapin 2 ». Cette loi vise à instaurer plus de transparence dans le processus d’élaboration des décisions publiques et dans la vie économique. Pour atteindre cet objectif, la loi prévoit la création d’un répertoire numérique sur les relations entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics, ce répertoire sera tenu par la haute autorité pour la transparence de la vie publique et sera accessible à tous sur internet.

En date du 14/04/2016 le parlement européen a adopté une directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicite. Dans un environnement concurrentiel complexe, une protection juridique des secrets d’affaires est indispensable à l’innovation et donc à l’économie. Elle a été critiquée quant à la protection des lanceurs d’alerte. La notion de lanceur d’alerte renvoie à la personne qui dénonce le manquement à la réglementation commis par son entreprise. Il existe depuis quelques années un débat sur la nécessité de protéger les lanceurs d’alerte, il se développerait0 même un droit d’alerte, ou d’alerter, en témoigne le rapport annuel du Conseil d’état pour l’année 2016 : le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger. Aux États-Unis, le régulateur des marchés américains à récompenser en 2016, un lanceur d’alerte qui avait délivrer des informations sur un cas de violation des règles boursières en lui attribuant une somme d’argent très importante pour le récompenser. Un texte de protection sur les lanceurs d’alerte est sollicité en ce moment par le parlement européen, on peut donc imaginer à l’avenir qu’un mécanisme de protection sera mis en place. A l’échelle interne, la protection des lanceurs d’alerte était l’un des objectifs de la loi du 09/12/2016 (loi Sapin 2). L’article 6 de cette loi définie ce qu’est un lanceur d’alerte.

Au-delà de cette définition, l’article 7 de la loi Sapin 2 prévoit d’insérer dans le Code pénal un article 122-9 ainsi ce dernier ne sera pas pénalement responsable une fois l’alerte lancée. L’article 16 prévoit que les personnes physiques qui auront signalé à l’autorité des marchés financiers ou à l’autorité de contrôle prudentielle des manquements aux obligations définies par le Code monétaire et financier ne pourront faire l’objet pour ce motif, d’un licenciement ou d’une sanction. Quoi qu’il en soit, il n’est pas aisé d’atteindre l’équilibre dans la nécessité de transparence des affaires et la nécessité de protection des acteurs économiques qui ont parfois besoin du secret du droit des affaires.