Le jugement : rédaction, prononcé et nullité

L’ÉLABORATION DU JUGEMENT

Pour qu’un jugement soit régulier, il doit remplir certaines conditions dont le respect permet de vérifier que les intérêts des parties ont été sauvegardés lorsque la justice a fait son œuvre. En cas de violation de ces conditions, la sanction encourue est sévère puisqu’il s’agit de la nullité du jugement.

Section 1 : Les conditions d’élaboration du jugement :

On distingue deux phases, celle de la rédaction du jugement et celle de son prononcé.

A) La rédaction du jugement :

Le jugement sur le fond est élaboré lors du délibéré mais il reste à en faire un acte solennel qui à ce titre doit contenir un certain nombre de mentions. Tout d’abord, le jugement doit contenir les mentions formelles énoncées à l’article 454 du nouveau code de procédure civile. Ce sont tout d’abord des mentions relatives à la juridiction auteur du jugement, c’est ainsi qu’on doit trouver dans le jugement l’indication de la juridiction, le nom des juges qui ont délibéré, le nom des représentants du ministère public s’il a assisté aux débats ainsi que le nom du secrétaire ; en outre, l’article 456 exige plus spécifiquement la signature du président ainsi que celle du secrétaire. Cette mention des signatures est en fait ce qui va conférer au jugement son caractère d’acte authentique. Comme autre mention formelle, on trouve aussi la date du jugement qui est celle de son prononcé ainsi que des mentions relatives aux parties. En effet, ces parties doivent être identifiées de même que leurs représentants ou les personnes qui les ont assistés. Ce jugement doit outre les mentions formelles comporter des mentions de fond prévues à l’article 455. On trouve tout d’abord l’exposé des prétentions et des moyens des parties, cette mention est en effet essentielle pour vérifier qu’il n’y a pas eu dénaturation et que le juge n’a pas statué ni au-delà ni en deçà de ce qui était demandé. Malgré tout, le décret du 28 décembre1998 a remis en cause cette mention en autorisant les juges à procéder par simple visa des prétentions des parties. Deuxième mention de fond, la motivation, les juges doivent exposer les raisons de droit et de fait qui ont déterminé la décision. Cette exigence de motivation est véritablement un rempart contre l’arbitraire du juge puisque la motivation permet de vérifier que le juge a bien raisonné et cette motivation doit permettre aux plaideurs de comprendre cette solution sachant que la Cour de Cassation exerce son contrôle sur cette motivation. Parce que la motivation ne doit pas seulement exister, elle doit aussi être suffisante, précise, rationnelle et complète. Cette exigence de motivation, on s’est longtemps interrogé sur sa valeur, il semblerait que le conseil constitutionnel lui ait conféré une valeur constitutionnelle. Ce qui est certain, c’est que la convention européenne des droits de l’homme y accorde une grande importance car elle le considère comme un fondement du procès équitable. La France a d’ailleurs été condamnée à trois reprises pour insuffisance de motivation dans les arrêts Fouquet, Higgins et Dulaurens.

Le dispositif : C’est la partie la plus importante du jugement car elle énonce d’une part la solution du litige et d’autre part les dépens et les condamnations à d’éventuels dommages et intérêts. Concernant ces dépens, il s’agit de frais répétibles, c’est-à-dire de frais récupérables sur le procès à l’encontre de son adversaire. L’article 696 met ces frais à la charge de la partie qui a perdu le procès, néanmoins, le juge peut en décider autrement en laissant une partie de ces frais ou leur totalité à la charge du gagnant. Ces dépens doivent être distingués des frais irrépétibles qui restent en principe à la charge de la partie qui les a engagés et son énumérés par l’article 700. Néanmoins, le juge peut en décider autrement en tenant compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée. Une fois ce jugement rédigé, il ne reste plus qu’à le prononcer.

B) Le prononcé du jugement :

Un jugement n’existe véritablement en tant que tel qu’à compter de son prononcé qui consiste tout simplement dans la lecture à haute voix de la décision ou uniquement du dispositif obligatoirement dans certains cas ou facultativement dans d’autres. Lorsque les décisions sont contentieuses, elles sont prononcées publiquement par contre lorsqu’elles sont gracieuses, elles sont prononcées en chambre du conseil. L’article 451 permet pour des raisons de faciliter et de rapidité qu’un seul juge prononce le jugement sans la présence de tous les autres. Quant à la présence des parties elles-mêmes, quand le président a indiqué la date du prononcé, le président n’a pas à convoquer les parties, leur présence n’est pas nécessaire. L’essentiel étant de les avoir informés.

Section 2 : La sanction de la violation des règles d’élaboration du jugement :

A) Le domaine de la nullité :

C’est l’article 458 qui énonce les prescriptions devant être observées à peine de nullité, elles concernent aussi bien le délibéré et par exemple, la règle de l’identité des juges. Elle concerne aussi la rédaction en la forme du jugement et plus spécifiquement la mention du nom des juges ayant délibéré, elles concernent aussi le prononcé du jugement et plus particulièrement son caractère public ou non. Il faut savoir cependant que la jurisprudence n’a pas hésité à étendre cette liste des cas de nullité en se fondant sur la notion de formalités d’ordre public ou sur le caractère substantiel de la formalité violée. Ce qui implique que cette liste de l’article 458 est loin d’être limitative.

B) Le régime de la nullité :

Il est là encore précisé par l’article 458 dans son alinéa 2 qui impose de soulever la nullité touchant aux règles de prononcé du jugement ou à l’identité des juges au moment même du prononcé du jugement par simple observation. Il en va de même pour le juge qui peut relever cette nullité d’office. Dans tous les autres cas, la nullité doit être soulevée après que la décision a été prononcée ce qui exige de mettre en œuvre la nullité par l’exercice d’une voie de recours. Malgré tout, le législateur là encore s’est montré soucieux de limiter les nullités de procédure, à cette fin il avance deux moyens, d’une part des présomptions de régularité de la décision, c’est dans cet esprit qu’à partir de certaines indications du jugement, la jurisprudence présume que la prescription légale qui a été omise a néanmoins été observée. D’autre part, dans certains cas, il est possible de faire la preuve de la régularité de certaines mentions omises en recourant à des éléments extrinsèques au jugement, par exemple, en s’aidant du registre d’audience.