Responsabilité du fait de la chose : la notion de chose

LA NOTION DE CHOSE DANS LE CADRE DE LA RESPONSABILITÉ DES CHOSES

L’article 1384 alinéa 1 code civil est un article qui a connu une destinée considérable. A la fin du 19ème siècle, ce petit membre de phrase «on est responsable …» a permis de fonder un principe général du fait des choses grâce à une jurisprudence inventive. 1 siècle plus tard, cette même phrase va fonder un principe général de responsabilité du fait d’autrui avec l’arrêt BLIECK.

Pour qu’il s’applique, il faut une chose, le fait de la chose et le dommage.

  • ¤ Une chose,
  • ¤ Que cette chose concourt à la réalisation du dommage
  • ¤ Elle doit avoir été l’instrument du dommage
  • ¤ Avoir eu un rôle actif dans la réalisation du dommage
  • ¤ La victime doit avoir souffert d’un dommage

Lorsque cela est rempli, le gardien est présumé responsable, ou encore responsable de plein droit. C’est à dire qu’il ne pourra s’exonérer qu’à certaines conditions strictes. On voit donc bien 2 phases qui intéressent l’application :

¤ Les conditions de l’application

¤ La 2nd porte en aval sur la présomption de responsabilité et l’exonération éventuelle du gardien.

Dans cette partie nous étudierons les conditions d’application : conditions relatives à la chose : il faut une chose et que cette chose concourt à la réalisation du dommage

1) Il faut une chose

Il faut qu’il y ait une chose inanimée puisque les choses animées relève de l’art 1385. Remarque :

  •  ¤ Ne sont pas visé les choses relevant d’un régime spécial (comme par exemple les immeubles)
  • ¤ Les choses qui n’appartiennent à personne, les choses communes (res nullius), comme les choses abandonnées ne sont pas dans le domaine de l’art 1384 al 1er
  •  ¤ Toutes les autres choses relève de l’art 1384 al 1er et ceux depuis l’arrêt JAND’HEURE qui a rejeté toute distinction entrer les choses.

Des débats avaient introduit une casuistique (qui favorise le cas par cas) importante reposant sur une série de distinction.

¤ On avait d’abords évoqué une distinction entre les choses viciées et non viciées. Dans l’arrêt TEFFAINE, il y avait un vice de la chose mais un arrêt de 1920 avait soulevé l’ambiguïté en soulignant qu’il importait peut que la chose soit ou non viciée. Certains avait proposé que l’art 1384 al 1er ne s’applique que quand la chose serait viciée car si la chose était pas vicié et qu’elle causé pour autant un dommage, c’est que en fait elle avait dû être mal utilisée et donc il y avait une faute de l’homme à l’origine. Il faudrait agir selon 1382.

¤ Une autre partie de la doctrine avait considéré que seule les choses mobilières pouvait être du domaine de 1384 al 1er; car on faisait valoir que les immeubles relevaient de l’art 1386 de telle sorte que l’intention des rédacteurs du code aurait été de conféré un régime spécifique aux immeubles soumis à l’art 1386. C’est un mauvais raisonnement car invoquer l’intention des rédacteurs du code civil n’a aucun sens pour déterminer le domaine de l’art 1384 al 1er; on ne peut pas se référer à l’intention des rédacteurs du code civil pour déterminer le domaine d’application d’un texte entièrement découvert par la jurisprudence et l’intention des rédacteurs est ici inopérante. Par ailleurs exclure les immeubles de l’art 1384 al 1er revenait à considérer que tous les dommages causés par le fait d’un immeuble qui n’est pas en ruine, c’est à dire par le fait d’un immeuble hors du domaine de l’art 1386, ne peuvent plus relever de la responsabilité du fait des choses. La jurisprudence a écarté la distinction et applique l’art 1384 al 1er aux meubles comme aux immeuble sauf quand on est dans le domaine de l’art 1386 et que lorsque la victime agit contre le propriétaire.

¤ On avait proposé de distinguer entre les choses dangereuses et non dangereuses (RIPPERT) en faisant valoir que seules les choses dangereuses relèveraient de l’art 1384 al 1er. Car ici on a dit que si la chose n’est pas dangereuse et qu’il y a pourtant un dommage, c’est que une faute a été commise dans l’utilisation de la faute et donc qu’il y aurait une faute de l’homme à l’origine et on devrait appliquer l’art 1382. Mais la distinction n’est pas fondée ; à partir du moment où la chose a causé un dommage, n’est-elle pas dangereuse par hypothèse ? Il n’y a pas de choses inoffensive à priori et c’est la raison par laquelle par l’arrêt JAND’HEURE la jurisprudence a abandonné cette distinction.

¤ On a proposé de distinguer selon les choses doté d’un dynamisme propre et les choses actionnées par la main de l’homme (les choses actionnée par la main de l’homme ne relèveraient pas de l’art 1384 al 1er mais de l’art 1382). Cette distinction est infondée et surtout la distinction est inique (injuste). Une telle distinction reviendrai à vider l’art 1384 al 1er d’une partie de sa portée tant il est vrai que le plus souvent, les choses sont actionnées par la main de l’homme. Cette distinction repose sur un présupposé illogique selon lequel il faudrait rechercher la faute humaine lorsque la chose est actionné par la mais de l’homme ; cela aurait pour effet de mettre la victime dans une situation plus difficile quand la chose est actionné par la main de l’homme que lorsqu’elle est actionné par un dynamisme propre. Dans la 1ère hypothèse la victime devrait prouver la faute alors qu’elle en serait dispensée avec l’art 1384 al 1er. Cette distinction a été refoulée par la jurisprudence et la notion de chose est très largement entendue.

2) un fait causal de la chose

La chose doit avoir un rôle causal, un rôle actif, dans la réalisation du dommage ; elle doit avoir été l’instrument du dommage. On va voir qu’il ne doit pas y avoir eu nécessairement contact entre la chose et la victime mais la seule concomitance ne suffit pas à établir le rôle causal de la chose. Libre administration seule présence d’une chose ne suffit pas à établir son rôle causal.

C’est là la victime qu’il appartient en principe d’établir le rôle causal de la chose mais on va voir qu’il en est autrement lorsqu’il y a contact entre la victime et une chose en mouvement. Dans ce cas on présume que la chose a eu un rôle actif.

— Les choses inertes

La question qui se pose est de savoir si une chose inerte peut-elle avoir un rôle actif. Pendant longtemps on a estimé qu’elle ne pouvait pas engager la responsabilité du gardien, que les choses inertes ne pouvaient être la cause du dommage. Mais la Cour de Cassation a jugé le contraire ; l’art 1384 al 1er ne distingue pas que la chose soit inerte ou en mouvement.

A partir de quand une chose inerte est-elle l’instrument du dommage ? On peut répondre en disant que la chose est l’instrument du dommage quand elle a un rôle actif. Encore faut-il savoir ce qu’il faut entendre par la libre administration jurisprudence nous éclaire sous le sens du rôle actif en décidant que la chose à un rôle actif dans la réalisation du dommage lorsqu’elle a un comportement ou une position anormale. Par exemple en matière de sol glissant, on considère que le sol est la cause du dommage lorsqu’il est anormalement glissant. Cette solution appelle plusieurs observations :

¤ C’est un critère très vague que celui de l’anormalité. Ce critère va s’appliquer au cas par cas en fonction de l’appréciation qu’en fera le juge ; plus il veut être favorable à la victime et plus il considèrera que la chose a un comportement anormal.

¤ Au fond, ce critère de l’anormalité ne revient-il pas à introduire dans la responsabilité du fait des choses l’idée de faute ? Ce qui est anormal n’est-ce pas ce que le gardien a mal entretenu de telle sorte qu’à travers le critère de l’anormalité on voit ressurgir l’idée de faute.

¤ Pour qu’une chose est un comportement anormal, il n’y est pas nécessaire d’avoir eu un disfonctionnement de la chose. 2ème chambre civil Cour de Cassation 29 mars 2001 ; c’était un dommage causé à la suite d’une chute dans un escalator. Or ici l’escalator n’était affecté d’aucun disfonctionnement. Si on exigeait le disfonctionnement on restreindrait le domaine de l’art 1384 al 1er; s’il on exigeait le disfonctionnement sur le terrain de la causalité c’est à dire pour que l’on puisse conclure au rôle causal de la chose, on réintroduirait une distinction entre les choses abandonné depuis JAND’HEURE (chose vicié et non vicié) ; lorsque la chose est inerte c’est à la victime de prouver le rôle de la chose. 2ème chambre civil heurs dans une baie vitrée du 15 juin 2000 et 25 octobre 2001 dans une boite au lettre ont paru assouplir cette exigence de preuve en déduisant le rôle actif de la chose de l’intervention matérielle de la chose dans le dommage alors que par hypothèse la chose est intervenue dans le dommage (ils ignorent le critère de la normalité). Des arrêts plus récents sont revenus au critère de l’anormalité.

La chose en mouvement

S’il y a contact avec la victime, (train qui roule et écrase quelqu’un) la jurisprudence considère qu’il y a une présomption de causalité et du rôle actif de la chose ; présomption simple qui est faite pour favoriser la victime. Le gardien de la chose pourra alors s’exonéré en prouvant le rôle passif de la chose. Il y a donc une présomption de causalité dans une première phase.

¤ Le rôle causal est présumé quand la chose est en mouvement et qu’il y a contact avec la victime.

¤ Le gardien va pouvoir renverser la présomption simple de responsabilité en prouvant le rôle passif de la chose c’est à dire la normalité de la chose

Cela est favorable à la victime ; prouver le rôle passif de la chose c’est prouver qu’une autre cause est intervenue. Prouver le rôle passif c’est donc prouver qu’il y a une cause étrangère.

AUTRES THÉMATIQUES ABORDÉES DANS CE COURS :