Responsabilité du transporteur : juge compétent, délai pour agir

Responsabilité du transporteur : détermination du juge compétent et délai pour agir

Le transporteur est responsable de la perte totale ou partielle, ou de l’avarie, qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison, ainsi que du retard à la livraison.

Le transporteur est déchargé de cette responsabilité si la perte, l’avarie ou le retard a eu pour cause une faute de l’ayant droit, un ordre de celui-ci ne résultant pas d’une faute du transporteur, un vice propre de la marchandise, ou des circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier.

Chapitre 1 : La détermination du juge compétent

La détermination du juge compétent est un préalable nécessaire pour engager une action relative au transport.

Section 1: La détermination du juge compétent en droit interne

1) La compétence territoriale

CODE DE PROCÉDURE CIVILE Article42 compétence de principe du tribunal du domicile ou siège du défendeur

CODE DE PROCÉDURE CIVILE Article46 possibilité de saisir le tribunal du lieu d’exécution de la prestation: en matière de transport, le lieu d’exécution est le lieu de remise de la marchandise au premier transporteur.

Le transport étant une matière commerciale, il est possible d’insérer une clause attributive de juridiction conforme aux exigences CODE DE PROCÉDURE CIVILE Article 48.

Lorsque les deux parties sont commerçantes, il est possible d’insérer une clause compromissoire.

2) La compétence d’attribution

La compétence d’attribution: le contrat de transport étant un acte de commerce par nature, le tribunal de commerce sera compétent quel que soit le montant de la demande, le taux de ressort ne permettant que de distinguer le premier et le dernier ressort.

Section 2: La détermination du juge compétent en droit international

Les solutions du droit interne sont transposables (1959 Pelassa et 1962 Scheffel).

Les privilèges de juridiction Code Civil Article14 et 15 peuvent s’appliquer lorsque l’une des parties est française sauf si cette personne a renoncé au bénéfice du privilège.

Lorsque la situation est intégrée à l’UE, le juge compétent sera déterminé par référence au règlement communautaire 44/2001 du 22 déc. 2000. Ce règlement pose le principe de la compétence du juge de la résidence habituelle du défendeur et prévoit qu’en matière de transport, le juge est celui de la remise de la marchandise en vue du transport.

La loi applicable est la loi d’autonomie i.e. la loi choisie par les parties, que l’on se réfère au droit commun ou au droit conventionnel (Convention de Rome), la même solution s’impose. A défaut de choix, on se réfèrera à la loi du lieu d’exécution et donc de remise de la marchandise au transporteur.

En droit international, la CMR est d’ordre public, elle s’applique à tout transport routier international au départ ou à destination de la France. La loi désignée par les parties n’aura donc qu’un rôle supplétif, elle comblera les lacunes de la CMR.

Chapitre 2 / Les délais pour agir

Les délais sont très importants en matière procédurale et particulièrement en matière de transport car le droit commun a été volontairement écarté en vue de la création d’un système plus sévère. Cette plus grande sévérité a pour fondement l’objectif de préserver l’activité économique du transport.

L’aspect le plus important est la prescription exceptionnelle d’1 an prévue en matière de transport. Auparavant, la prescription ne profitait qu’au plaideur diligent, depuis la réforme du Code de commerce, cette notion a disparue, Code de commerce Article L133-6 dispose de manière générale et maintient la prescription annale.

La prescription annale vise toutes les actions principales nées du contrat de transport de marchandises. Le législateur voulait à tout prix éviter les procès: protéger le débiteur de bonne foi (idem Code Civil 2277 salaires, si le salarié n’a pas réclamé ses salaires pendant 4, 5 ? ans, c’est que l’employeur avait oublié de bonne foi) mais aussi préserver les preuves et éviter des procédures longues avec des faits anciens de plus en plus difficiles à établir à fur et à mesure que le temps avance et enfin pour ne pas paralyser l’économie.

Section 1: Le domaine de la prescription annale

Le domaine est important puisque la formule est générale. Sont concernées par la prescription annale, les actions auxquelles le contrat peut donner lieu. Code de commerce Article L133-6 al.1 concerne le voiturier et al.2 les autres auxiliaires.

1) Les actions soumises à la prescription annale

Ce sont:

  • – les actions en responsabilité pour avarie, perte ou retard intentées contre le voiturier soit par l’expéditeur, le destinataire ou le commissionnaire. Cela signifie que tous les usagers peuvent agir mais aussi tous les intervenants et tous les substitués à ces personnes. Cour de cassation 1985 a permis à un assureur d’agir à l’encontre du transporteur mais elle a accueilli l’exception d’irrecevabilité soulevée par le voiturier sur le fondement de la prescription.
  • – les actions en paiement de frais de transport: le voiturier ou le commissionnaire agit contre l’expéditeur ou le destinataire.
  • – les actions intentées par ou contre le commissionnaire pour faute personnelle ou faute d’autrui.
  • – les actions relatives aux envois contre remboursement: c’est le cas du transporteur qui n’a pas encaissé au moment de la livraison ou qui a encaissé mais s’est fait voler l’argent au cours du voyage de retour.
  • – toutes les demandes reconventionnelles: il s’agit de demande incidentes rattachées à la demande principale or la demande principale découle du contrat de transport. Une seule et même affaire, une seule et même prescription. La demande reconventionnelle est une véritable demande et non une demande accessoire, c’est sur ce constat que depuis 1965, la Cour de cassation lie la demande reconventionnelle à la prescription annale.
  • – les actions relatives à une convention complexe: la convention complexe intervient lorsqu’il y a transport et logistique, Cour de cassation 11 juin 1996 a estimé que s’agissant d’un contrat composite alliant transport et logistique, la prescription annale s’applique compte tenu du caractère indivisible de la convention et ce, malgré l’importance des opérations de manutention. Pour la Cour de cassation, il n’y aurait pas logistique s’il n’y avait pas transport, le transport emporte la prescription annale quelle que soit son importance.

2) Les actions échappant à la prescription annale

  1. A) La nécessité d’un contrat de transport

La prescription ne jouera pas à l’égard d’un tiers au contrat de transport. Ainsi, lorsque l’action est engagée par un tiers ou contre un tiers, la prescription ne s’applique pas.

Ainsi, l’action du transporteur contre le garagiste dont la mauvaise réparation est à l’origine du dommage n’est pas soumise à la prescription annale (donc prescription de droit commun de 10 ans).

Il faut un contrat de transport puisque l’action vise les situations auxquelles le transport peut donner lieu. Il faut que ce soit juridiquement un contrat de transport, c’est la raison pour laquelle la prescription annale ne s’applique pas au contrat de déménagement (car le contrat de déménagement est un contrat de louage d’ouvrage et d’industrie). Idem pour le contrat de transit, le contrat de manutention ou de garde-meuble.

  1. B) Fraude ou infidélité du voiturier

Il est fait référence au comportement du transporteur par rapport au client. La doctrine distingue: la fraude est la mauvaise foi alors que l’infidélité est la cupidité (i.e. pas d’intention de nuire). La jurisprudence ne distingue pas les actes déloyaux des actes normaux ou sans tricherie. Pour la jurisprudence, il ne faut pas que ce soit de la négligence ni de la maladresse car cela est gênant pour un professionnel. La notion est floue ce qui permet une appréciation des situations.

La notion est plus grave que la faute lourde (qui est cantonnée au transport), prend en considération le contexte. Etant grave, la fraude ou l’infidélité doit être poursuivie au-delà du délai d’un an. Ne va pas être admise l’attitude d’un transporteur qui promet un accord amiable dans le seul but d’acquérir la prescription.

  1. C) Les actions en réparation d’un dommage corporel

La prescription annale est exclue même si l’accident se réalise en cours du transport. Responsabilité civile, droit commun 30 ans.

3) L’interversion de la prescription annale

Il est possible d’interrompre la prescription annale. Normalement, l’interruption fait courir un nouveau délai de même nature et de même durée. En droit des transports, si cette solution était retenue elle ne stabiliserait pas l’économie du transport.

Ainsi, en matière de transport, s’il y a interruption, la prescription va être intervertie i.e. remplacée par la prescription normale.

ex: une offre de réparation ne vaut pas interruption de la prescription, le délai d’1 an va continuer à courir mais si un courrier précis indique une date pour le règlement d’une somme déterminée, il y a une sorte de novation, de transaction qui fait que ce document fait quitter le domaine du contrat de transport pour arriver dans le domaine contractuel classique et donc soumis à la prescription de droit commun.

De manière générale, la prescription en procédure civile est d’intérêt privé, elle n’est pas d’ordre public et doit donc être invoquée pour pouvoir être appliquée, c’est celui qui invoque la prescription qui doit démontrer qu’elle est acquise. Étant d’intérêt privé, la prescription peut être invoquée pour la première fois en appel même si le premier juge a connu le fond. En effet, la prescription est une fin de non-recevoir CODE DE PROCÉDURE CIVILE Article122 qui est opposable à tous les stades de la procédure.

La prescription ne peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation car dans ce cas il s’agirait d’un moyen nouveau donc irrecevable.

Section 2: Les actions en réparation d’une avarie ou perte partielle

En cas de retard, perte ou avarie, le transporteur est exposé à une responsabilité civile en raison des dommages causés.

Développement de cette section ici : Les-actions en réparation d’une avarie ou perte partielle, forclusion (responsabilite-du-transporteur)

Section 3: Les actions en garantie

Les actions en garantie doivent être intentées dans le délai d’1 mois. Il s’agit de toutes les actions récursoires que l’on est amené à mettre en œuvre à l’occasion d’une action principale née du contrat de transport. Ce délai d’1 mois est obligatoire et est de rigueur. On est très strict, si l’expéditeur a assigné le transporteur et le commissionnaire en même temps, cela ne suffit pas, il faut que le commissionnaire assigne en garantie le transporteur. A défaut, ce sera un jugement commun et non un jugement avec substitution de garantie. Le jugement commun signifie que toutes les parties sont tenues et que l’on va se diriger vers la plus solvable pour l’exécution (en principe le commissionnaire, il paiera tout et ne pourra récupérer auprès du transporteur). Sur la garantie, le transporteur pourra être condamné mais aussi le commissionnaire s’il a commis des fautes distinctes, le commissionnaire peut payer le tout mais dans cette hypothèse, il peut se faire rembourser en partie par le transporteur.

1) Les conditions d’application

Il faut que l’action principale soit fondée sur un contrat de transport. Ainsi, si l’expéditeur est le vendeur et le destinataire l’acheteur, si la personne agit en tant qu’expéditeur qui ne s’est pas fait payer le prix du transport, ce sera du transport mais si l’action vise à se faire payer le prix de la marchandise, ce ne sera pas du transporteur mais de la vente, aucun appel en garantie ne sera alors possible.

L’action en garantie doit aussi reposer sur un contrat de transport ou de commission de transport Peuvent être appelés en garantie un transporteur, commissionnaire ou transitaire mais pas un garde meuble ou un garagiste ayant intervenu sur le véhicule.

Il faut qu’il s’agisse véritablement d’une action en garantie, ce ne peut être une action contre l’assureur car alors il s’agit d’une subrogation et non d’une garantie. Pour la Cour de cassation, le délai d’1 mois ne vise que les actions incidentes i.e. celles qui se greffent sur la demande principale.

2) La computation du délai

Le délai d’1 mois court à compter du jour où l’action principale est intentée contre le garanti et plus précisément le délai court à compter de la signification de l’assignation.

Il ne faut pas confondre la date de l’assignation et la date de la signification, c’est toujours la date de la signification qui est prise en compte.

Le délai d’1 mois ne peut être interrompu (délai préfix), la Cour de cassation a estimé que le fait que l’on ait appelé en garantie un deuxième commissionnaire et qu’on l’ait fait dans le délai n’a pas interrompu ce délai de telle sorte que le troisième appel en garantie doit être déclaré irrecevable. Dans cette espèce un expéditeur agit contre un destinataire, le destinataire a 1 mois pour appeler en garantie, il a appelé en garantie le transporteur, dans le délai d’1 mois, le transporteur a appelé en garantie un commissionnaire et au-delà du délai d’1 mois un second commissionnaire en garantie. Le premier appel en garantie n’interrompt pas le délai.

Rien ne pouvant l’affecter, ce délai va s’ajouter au délai d’1 an, il n’est pas compris dans le délai d’1 an mais cela ne signifie pas que les demandes qui n’ont pas été formulées dans le délai d’1 mois puissent encore l’être dans le délai d’1 an. Par conséquent, si l’on s’est trompé de juge et que l’adversaire soulève l’incompétence territoriale du juge saisi et que le tribunal n’utilise pas la passerelle (i.e. ne transfert pas le dossier au juge normalement compétent), dans ce cas, le défendeur devra être réassigné devant le bon juge et le délai d’1 mois n’a plus à être respecté.

ex: je devais assigner à Lille, j’ai assigné à Arras, l’appel en garantie avait été fait dans le délai d’1 mois, le juge d’Arras se déclare incompétent et ne transfère par le dossier à Lille car il ne peut transférer d’office (il faut lui demander), le demandeur est obligé de réassigner à Lille mais il n’a pas à appeler en garantie car il l’a fait dans le délai d’1 mois.

Le délai va expirer 1 mois jour pour jour et aucun report n’est admis. Ainsi, si la personne a changé d’adresse, le délai n’est pas étendu jusqu’à ce qu’elle soit retrouvée, ce qui compte est que l’on ait essayé de la joindre dans le délai. Le seul cas de report est lorsque le dernier jour est un samedi, un dimanche, un jour férié ou un jour chômé.

La prescription étant d’intérêt privé, c’est celui qui s’en prévaut qui doit l’invoquer, elle ne peut être relevée d’office par le juge, elle peut être invoquée pour la première fois en appel mais pas en cassation, il est possible d’y renoncer.

3) Les effets de l’action en garantie

L’action en garantie est complètement distincte de la demande principale, elle ne crée de lien d’instance qu’entre le garanti et l’appelant, elle ne crée aucun lien entre le garanti et le demandeur principal et donc elle ne sera exécutée que si le demandeur principal exécute contre le garanti. En fait, toutes ces actions en garantie sont relativement rares en droit des transports puisque lorsque la responsabilité est établie, les actions ne sont pas engagées, on préfère avoir un geste commercial quand la somme n’est pas élevée, sinon la compagnie d’assurance interviendra.