Responsabilité en matière de manifestations sportives

LA RESPONSABILITÉ DES SPORTIFS OU DES ORGANISATEURS DE MANIFESTATIONS SPORTIVES

Le spectacle sportif engendre le contentieux le plus important du droit du sport en raison de la multiplication des sources de dommages. Les activités sportives sont par nature des activités à risque et engendrent de nombreux accidents. Les victimes n’hésitent plus aujourd’hui à soulever la responsabilité des organisateurs.

De plus, le spectacle attire de plus en plus de spectateurs ce qui multiplie encore les risques d’accidents. Voici le plan du cours sur la responsabilité en matière sportive :

  • CHAPITRE 1 : LA RESPONSABILITE DES ORGANISATEURS
  • A/ LES OBLIGATIONS À LA CHARGE DES ORGANISATEURS
  • 1/ LA RESPONSABILITÉ À L’ÉGARD DES SPORTIFS
  • 2/ LA RESPONSABILITÉ À L’ÉGARD DES SPECTATEURS
  • B/ LA RESPONSABILITÉ DU FAIT D’AUTRUI
  • CHAPITRE 2 : LA RESPONSABILITE DES SPORTIFS
  • A/ LA RESPONSABILITÉ À L’ÉGARD DES AUTRES SPORTIFS
  • B/ LA RESPONSABILITÉ À L’ÉGARD DES SPECTATEURS
  • C/ RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES
  • a/ conditions
  • 1/ attribution de la garde
  • 2/ fait de la chose
  • b/ causes d’exonération
  • 1/ droit commun
  • 2/ causes d’exonération spécifiques
  • D/ RESPONSABILITÉ DU FAIT D’AUTRUI
  • a/ sportif préposé
  • b/ dommage causé par un sportif engageant la responsabilité du groupement
  • c/ dommage causé par un mineur engageant la responsabilité de ses parents
  • LES PARADOXES DU RÉGIME ACTUEL

Le contentieux se caractérise également par une confrontation d’intérêts divergents :

  • L’intérêt du sport : l’engagement physique des sportifs, recherche de la vitesse, exercice de la force physique,… l’intérêt est de se dépasser sans limiter les risques. On va donc accorder une certaine indulgence au sportif lorsqu’il a causé à autrui un dommage dans l’exercice de son activité.
  • L’intérêt des victimes : obtenir réparation des dommages subis (corporels le plus souvent).

Pour arbitrer cette confrontation le juge ne dispose pas de législation spécifique en matière sportive, il va donc appliquer le droit commun de la responsabilité. La jurisprudence permet de noter 2 tendances :

  • Garantir aux victimes la plus grande indemnisation ce qui implique une sévérité accrue à l’égard des organisateurs.
  • Indulgence à l’égard des sportifs se traduisant par un allègement de leur responsabilité lorsqu’ils causent un dommage à un autre sportif.

CHAPITRE 1 : LA RESPONSABILITE DES ORGANISATEURS

Il faut donner un sens large au concept d’organisateur. Il faut le voir comme celui qui met en place une manifestation (exploitant d’une salle de sport, le moniteur d’une discipline, le club sur le terrain duquel se déroule la compétition,…)

On peut noter un double mouvement dans l’extension du domaine de la responsabilité des organisateurs :

  • Accentuation du poids des obligations et notamment l’obligation de sécurité.
  • Engagement de la responsabilité du fait d’autrui.

A/ LES OBLIGATIONS À LA CHARGE DES ORGANISATEURS

1/ LA RESPONSABILITE À L’ÉGARD DES SPORTIFS

On se retrouve ici dans le cadre de la responsabilité contractuelle. Le juge impose donc aux organisateurs une obligation de moyen (notamment en matière de sécurité). Cela est justifié car la victime (le sportif) a un rôle actif qui lui confère une certaine autonomie. Ainsi, l’organisateur ne peut pas contrôler complètement les actes des sportifs.

L’organisateur a donc une obligation de surveillance ainsi qu’une obligation d’adapter l’épreuve aux participants.

L’obligation d’information retient elle plus de difficultés.

CA Paris 26 septembre 2000 : la fédération de triathlon est condamnée car elle n’a pas informé les participants à un championnat de la possibilité de souscrire une assurance personnelle plus avantageuse que celle souscrite par la fédération. Ici les juges vont réparer une perte de chance d’avoir souscrit une assurance plus performante. Cependant, la réparation va être partielle car il s’agit seulement d’une perte de chance.

Cour de cassation 12 mai 2004 :une association organise une course à pied rassemblant des personnes valides et invalides. Les juges du fond retiennent la responsabilité de l’organisation pour défaut d’organisation et manquement aux obligations de sécurité (responsabilité contractuelle).

TGI Paris, 1er juillet 1999 : la fédération de gymnastique est condamnée car elle a laissé une jeune athlète s’entraîner et participer à une compétition alors que cette athlète était blessée et qu’elle avait subi des douleurs physique quelques jours avant la compétition. Ainsi, le juge impose une obligation de vigilance qui implique l’intervention de l’organisateur si elle a connaissance d’un risque de dommage.

Cour de cassation 30 novembre 2004 : un club organise une sortie de ski et un participant se blesse lors d’une chute. Les juges du fond concluent à un partage de responsabilité entre le skieur et l’organisateur. La Cour estime elle que la victime n’a effectivement pas maîtrisé ses mouvements mais elle considère surtout que les juges du fond auraient dû rechercher si la défaillance du skieur n’était pas dû à une faute du moniteur qui a laissé la victime seule pendant plus d’une heure. Ainsi, la Cour souligne que l’encadrement de la victime n’a pas été continu, c’est le défaut de surveillance qui a donc créé les conditions de survenance de l’accident…

Ce genre de jurisprudence a un effet direct sur les primes d’assurance payées par les organisateurs (même principe pour les chirurgiens ou pour les clubs de rugby). On peut même estimer qu’il pèse quasiment une obligation de résultat sur l’organisateur.

Cette obligation de résultat se retrouve lorsque le sportif a un comportement passif.

Cour de cassation 21 octobre 1997 : obligation de résultat pour l’organisateur d’une initiation d’un vol en parapente.

Cour de cassation 30 juin 2004 : un pilote de quad se blesse et assigne l’exploitant du circuit sur le fondement de l’obligation de sécurité. La Cour de cassation estime que la victime avait reçu toutes les recommandations nécessaires, l’équipement du véhicule répondait aux normes, tout comme le circuit. Ainsi, la responsabilité de l’organisateur n’est pas engagée.

Cour de cassation 16 novembre 2004 : un moniteur de karaté blesse son élève. Les juges du fond déboutent l’élève de toutes ses demandes. La Cour de cassation affirme que le moniteur est tenu par une obligation de moyen. La responsabilité du moniteur n’est pas engagée car le sportif joue un rôle actif et qu’aucune maladresse ou violence caractérisée n’ont été démontrées.

Cour de cassation 22 septembre 2005 : un cycliste sur piste amateur est victime d’un accident lors d’une séance d’entraînement. Il assigne la fédération de cyclisme ainsi que l’UCI. La CA met hors de cause les institutions. La Cour de cassation estime que l’UCI a manqué à son obligation de sécurité car elle a homologué une piste qui était revêtue d’une peinture trop glissante. La fédération se voit aussi reproché le non respect de son obligation de sécurité car elle n’a pas dénoncé le revêtement de la piste et a accepté un nombre trop important sur la piste au même moment. Cependant, la Cour de cassation n’estime pas que le revêtement de la piste ait un rôle causal dans la survenance du dommage.

2/ LA RESPONSABILITE À L’ÉGARD DES SPECTATEURS

Il s’agit également d’une responsabilité contractuelle sauf si l’entrée est gratuite (sans ticket).

L’organisateur est une nouvelle fois confronté à une obligation de sécurité renforcée. En effet, il arrive qu’un organisateur qui a respecté les réglementations voit sa responsabilité engagée car le juge estime que l’organisateur aurait dû aller au-delà.

En matière de rugby, des clubs ont engagé leur responsabilité car les spectateurs étaient trop prés de terrain et ont été percutés par un joueur.

Une nouvelle fois on se trouve pas loin de l’obligation de résultat.

CA Lyon, 16 décembre 1988 : un spectateur est mortellement blessé par un fumigène lors d’un OL-OM. L’OL est condamné par les juges du fond pour 2 fautes :

  • Service d’ordre insuffisant à l’intérieur du stade
  • Séparation entre les supporters insuffisante

CA Lyon 7 février 1999 : lors d’un nouveau match opposant l’OL à L’ASSE un spectateur est blessé par un jet de pierre. L’OL est condamné pour avoir laissé parquer les supporters stéphanois pendant plus d’une heure à la merci des jets de projectiles.

Cour de cassation 12 juin 1990 et 26 juin 2001 : pourvoi concernant ces 2 affaires. Dans les 2 cas le club est sanctionné pour un défaut de prudence. On est encore pas très loin d’une obligation de résultat. En effet, les 2 rencontres, surtout le derby, étaient considérées comme des rencontres à risque. L’organisateur doit donc anticiper tous les risques possibles, y compris ceux qui ne se sont jamais réalisés.

CA Toulouse : un supporter se brûle avec son fumigène. La Cour va retenir un partage de responsabilité :

  • 1/3 pour la victime
  • 1/3 pour le club
  • 1/3 pour l’association de supporter qui a fourni le fumigène

B/ LA RESPONSABILITE DU FAIT D’AUTRUI

L’évolution de la responsabilité du fait d’autrui découle notamment d’affaires concernant des clubs de rugby. Ainsi, le fait illicite d’une personne met en jeu la responsabilité d’une autre personne de manière à augmenter les chances de la victime d’obtenir réparation. En matière sportive ceux sont les fédérations et les clubs qui sont visés.

TGI Toulouse 16 janvier 1990 : engagement de la responsabilité de la FFR en raison d’une faute commise par un arbitre. Il était reproché à l’arbitre de ne pas avoir identifié l’auteur de coups par manque de vigilance.

Cour de cassation 31 mars 1965 : responsabilité de la FFR en considérant que l’arbitre a commis une faute en tolérant des gestes dangereux au cours de la rencontre.

TGI Marseille 6 octobre 1983 : au cours d’un match de l’OM un joueur donne un coup de poing à un adversaire. Le club est désigné responsable notamment du fait du contrat de travail qui lie le joueur au club et qui implique donc un rapport commettant/préposé.

Cependant, pour les joueurs amateurs il n’y a pas de contrat de travail. Dans ce cas il faut se référer à l’arrêt Blieck qui instaure une responsabilité du fait d’autrui général sans qu’il ne soit besoin de démontrer un rapport de commettant/préposé.

Cour de cassation 22 mai 1995 et 3 février 2000 : extension aux associations sportives de la responsabilité générale du fait d’autrui (voir l’attendu principal). Ainsi, lors d’un procès, on attaque le joueur sur 1382 et le club sur 1384 al.1.

Cour de cassation 20 novembre 2003 : le club n’engage sa responsabilité sur le fondement de 1384 al.1 que si l’on démontre la faute du joueur. Dans l’espèce, l’auteur du dommage est un coéquipier de la victime. Pour la Cour de cassation il n’y a pas de faute caractérisée résultant de la violation des règles du jeu. La Cour ce s’arrête pas non plus sur le fait que le joueur qui attaque le fait contre son club. Ainsi, le club engage sa responsabilité en présence d’une faute. Peu importe que la victime soit membre du club attaqué ou que l’auteur de la faute ne soit pas identifié.

On peut considérer que la faute exigée est la faute qui recouvre un manquement grave aux règles du jeu, réalisé de manière intentionnelle et qui expose les sportifs à des risques excessifs.

Cour de cassation 16 novembre 2000 : la faute du joueur n’est pas retenu alors qu’un joueur de football avait donné un coup de coude provoquant la chute de dents. Il n’y a pas eu de manquement à la loyauté de la pratique sportive. En revanche, si l’acte est volontaire la faute sera retenue. Le sportif n’engage donc sa responsabilité que s’il commet une faute contre l’esprit du jeu.

Cette solution a été confirmée par un arrêt du 8 avril 2004 concernant l’al.5 (affaire Blondeau). Pour démontrer la responsabilité du club il faut toujours démontrer une faute caractérisée du joueur.

CA Angers 5 octobre 2005 (renvoi de l’affaire Blondeau) : la faute = geste brutal allant à l’encontre de l’esprit du jeu et de la technique du tacle.

Cour de cassation 22 septembre 2005 : la responsabilité du club (1384 al.1) sera engagée si l’on démontre une faute volontaire. En l’espèce il s’agissait d’une mêlée, la Cour ne retient pas la responsabilité du club car l’effondrement de la mêlée n’est pas volontaire.

Cour de cassation 13 mai 2004 : la partie attaquée est un regroupement de comités fédéraux. Ainsi, l’al.1 ne joue pas que pour les clubs. Le comité est donc sanctionné alors même qu’il n’y a pas de rapport juridique direct entre le joueur et le groupement de comités.

Cour de cassation 22 septembre 2005 : 1384 al.1 ne peut être soulevé que si l’auteur de la faute est membre du club attaqué.

La responsabilité générale du club peut-elle être engagée lorsqu’un joueur subi un dommage en dehors de la compétition?

Les arrêts visent les dommages subis en cours de compétition ou de rencontres amicales. On peut y inclure les préjudices subis à l’occasion du match (au moment de l’entrée sur le terrain ainsi que lors de la sorti).

Cour de cassation 21 octobre 2004 : dommage subi au cours d’un entraînement par un joueur de rugby. Pour les juges du fond, le club est responsable car le préjudice est subi pendant une période de préparation à la compétition alors même qu’il n’est prouvé aucune faute. La Cour de cassation censure la CA : si l’on prouve l’existence d’une faute, il est possible d’accepter la réparation sur le fondement de 1384 al.1. Il faudra mettre en jeu les mêmes conditions de la faute que celles retenues pour les compétitions.

Cependant, la théorie de l’acceptation des risques ne peut jouer qu’en matière de compétition et non pendant les entraînements. Ainsi, la responsabilité du club peut être engagée que si l’on démontre l’existence d’une faute légère. La jurisprudence n’est donc pas figée à ce sujet.

CHAPITRE 2 : LA RESPONSABILITE DES SPORTIFS

En principe la responsabilité du sportif est délictuelle. Cette responsabilité est un peu particulière en raison du contexte et des circonstances dans lesquelles se produisent les accidents.

Eu regard de l’acceptation des risques le sportif bénéficie de certaines faveurs que l’on retrouve essentiellement dans les rapports entre sportifs. En revanche, le principe de faveur est moins présent lorsque la victime est un tiers et notamment un spectateur.

A/ LA RESPONSABILITE À L’ÉGARD DES AUTRES SPORTIFS

Ici l’indulgence du juge s’exprime de 2 manières :

  • exclusion de la responsabilité de plein droit. Ce rejet s’explique par la théorie de l’acceptation des risques.

Cour de cassation 1967 : 1384 al.1 est refusé à un joueur de squash qui a reçu un coup de raquette par son adversaire.

CA Lyon 28 janvier 2004 : lors d’un entraînement de squash un joueur est blessé par son partenaire d’entraînement. Les juges estiment qu’il n’y a pas de faute (1382) car les risques sont inhérents à la pratique du squash et que le joueur (victime) était conscient des risques. Les juges vont même jusqu’à retenir la faute de la victime.

  • la faute doit présenter un certain degré de gravité. La négligence du sportif ne peut pas être retenue comme faute. Il faut démontrer un comportement violent, dangereux qui exposerait les autres à des risques inconsidérés. Il faut donc distinguer la faute de jeu de la faute contre le jeu.

Cour de cassation 16 novembre 2000 : lors d’un match amical un joueur reçoit un coup au visage. L’action est formée sur 1382 et 1383, les juges estiment que le coup litigieux constituait une simple maladresse et en aucun cas une faute caractérisée car il n’y avait aucune agressivité. On peut donc en conclure que même lors de match amicaux la théorie de l’acceptation des risques joue (si l’on se réfère à la définition de la faute reprise par les juges). On n’est donc pas sur du domaine exact de l’acceptation des risques. Au regard de cet arrêt il est probable de dire que l’acceptation des risques ne joue que pour les matchs alors que lors de l’entraînement elle ne joue pas.

Cour de cassation 23 septembre 2004 : un karatéka est poursuivi pour la violation des règles de jeu pendant une phase d’entraînement. L’assureur de celui qui porte le coup forme un pourvoi contre le jugement qui lui indique d’indemniser la victime. Le pourvoi est rejeté car la responsabilité est engagée dès lors que l’on retient une violation caractérisée des règles du jeu.

Cour de cassation 13 janvier 2005 : lors d’un match amical un joueur est blessé par un ballon et attaque sur le fondement de la responsabilité du fait des choses. La Cour rejette le pourvoi en considérant que le joueur qui a shooté dans le ballon n’a commis aucune faute (ainsi 1382 est écarté). De plus, les juges vont relever que le joueur n’avait pas la garde de la chose (ballon).

Concernant la responsabilité du fait des choses le golfeur est gardien de son club, le cycliste de son vélo, le skieur de ses skis, l’alpiniste de sa corde,…

Cour de cassation 24 avril 2003 : une personne est blessée par une chute de pierre sur un parcours d’escalade. Sur 1382 les juges ne vont pas retenir de faute de la personne qui a fait chuter la pierre. Les juges retiennent ici que la personne concernée n’était pas une professionnelle de métier. Sur le terrain de la responsabilité du fait des choses la demande est également rejetée car la garde n’est pas démontrée.

B/ LA RESPONSABILITE À L’ÉGARD DES SPECTATEURS

La jurisprudence est ici beaucoup moins clémente à l’encontre des sportifs (notamment dans l’automobile).

Cour de cassation 1980 : au cours d’une sortie de route des spectateurs sont blessés. Il est reproché au pilote de ne pas avoir eu la maîtrise de son véhicule. Le juge retient la faute car le pilote aurait dépassé la vitesse limite estimée par des experts (1382).

CA Poitiers 1994 : la responsabilité du pilote est ici écartée au motif que l’objectif est d’aller au bout des limites.

Cour de cassation 8 mars 2005 : au cours d’un rallye 5 spectateurs sont fauchés. Ici la responsabilité pénale du pilote est recherchée. Il est reproché au pilote d’avoir fait une mauvaise reconnaissance du parcours qui aurait entraîné la sortie de route.

Cour de cassation 10 juin 2004 : au cours d’un match de polo un joueur fait une chute après un contact. Lors du pourvoi, les défendeurs relèvent que l’arbitre n’a pas sanctionné le contact donc il ne peut pas y avoir de faute civile. La Cour rejette cet argument en indiquant qu’elle n’est aucunement liée par la décision de l’arbitre.

C/ RESPONSABILITE DU FAIT DES CHOSES

a/ conditions

1/ attribution de la garde

– Détermination du gardien

La conception matérielle de la garde conduit les tribunaux à rechercher dans chaque situation le détenteur des pouvoirs d’usage, contrôle et direction. Lorsque le sportif est propriétaire, il n’y a guère de difficulté puisqu’il est présumé gardien de la chose qu’il utilise ; la question est plus délicate dans le cas contraire.

Il a été ainsi jugé – très logiquement – que les pouvoirs de garde d’un planeur sont transférés, lors du vol, de l’association propriétaire au pilote.

Au contraire, le cavalier ne peut être considéré comme gardien qu’autant qu’il a acquis véritablement les pouvoirs de contrôle et de direction, ce qui n’est pas le cas lorsque le cheval reste sous l’autorité du maître de manège. Il a ainsi été jugé qu’un cascadeur blessé par le cheval qu’il montait ne pouvait être considéré comme gardien, dès lors que pendant tout le déroulement de la cascade il se trouvait sous l’autorité d’un tiers et obéissait à ses directives et qu’au surplus l’accident s’était produit après l’exécution de la cascade. La détermination du gardien se fait donc, très normalement, au cas pas cas.

– Aptitude à être gardien

Enfin, on rappellera qu’en matière sportive on ne peut être préposé et gardien. Dès lors, le commettant est responsable du dommage causé par le fait de la chose ou de l’animal utilisé par le préposé ; cela a notamment été jugé pour l’éleveur gardien du cheval monté par le jockey, ainsi que pour un driver préposé de son propriétaire-commettant.

2/ fait de la chose

– Présomptions

Dans l’hypothèse où la chose était en mouvement et est entrée en contact avec la victime, le rôle causal de la chose est présumé et il appartient au gardien désireux de s’exonérer, de prouver que la chose, malgré son mouvement, n’a pas joué de rôle causal dans la survenance du dommage ; une telle preuve a été admise à propos d’un cheval entré en collision avec une automobile et à propos des chaussures à crampons d’un footballeur qui avait blessé un adversaire, bien qu’en cette dernière hypothèse l’acceptation des risques eut pu justifier également la solution.

Dans l’hypothèse où la chose est inerte ou n’est pas entrée en collision avec la victime, la présomption est contraire : le gardien n’est pas présumé responsable. En matière sportive, l’hypothèse la plus classique est celle du skieur qui impute sa chute au passage à proximité d’un autre skieur qui ne l’a cependant pas heurté. Faute de démontrer le rôle causal de la « chose » constituée par l’ensemble ski-skieur-bâtons, la victime ne pourra obtenir réparation.

b/ causes d’exonération

1/ droit commun

– Force majeure, fait d’un tiers, faute de la vicitime

La force majeure exonère en totalité le gardien dès lors que celui-ci démontre son existence. Il en est de même du fait d’un tiers ou de la faute de la victime, dès lors qu’ils présentent les caractères d’irrésistibilité, d’imprévisibilité et d’extériorité significatifs de la force majeure.

2/ causes d’exonération spécifiques

– Spécificité sportive ?

Il est habituel de relever que les régimes de responsabilité du fait des choses inanimées ou du fait des animaux ne jouent, en matière sportive, malgré l’utilisation fréquente de « choses » ou d’animaux, qu’un rôle réduit par rapport à celui qu’ils jouent d’ordinaire.

Quoi qu’il en soit, les causes d’exonération du sportif gardien, classiquement reconnues, sont l’acceptation des risques et la garde en commun. Il ne s’agit, certes, pas de causes véritablement spécifiques au sport mais de causes dont le sport est, plus simplement, le domaine de prédilection.

– Risques acceptables

Il est tout à fait logique que le sportif soit censé accepter les risques inhérents à la pratique d’un sport. C’est pourquoi, sur le terrain de la responsabilité pour faute, on ne voit pas quel inconvénient il y aurait à dire que le sportif peut accepter le risque d’une certaine maladresse d’autres sportifs. On a vu, cependant, que la jurisprudence préfère retarder l’apparition de la faute, sans pour autant donner quelque justification à sa façon de faire.

Sur le terrain de la responsabilité du fait des choses, il est fréquemment jugé que le risque « normal », inhérent à la pratique du sport, exonère le gardien. Cela est vrai :

  • pour le tennisman dont la raquette a heurté son partenaire
  • pour le driver blessé dans une collision de sulkys
  • pour le coureur cycliste qui, en raison de la crevaison d’une de ses roues, comment un écart entraînant la chute d’un coureur voisin
  • pour l’automobiliste dont le véhicule a accroché celui d’un autre concurrent au cours d’un dépassement

En revanche, le risque « anormal » ne peut être considéré comme accepté par le sportif. C’est le cas du cavalier débutant auquel on confie un cheval excessivement nerveux. Il a également été jugé que le « risque de mort » constituait un risque anormal qui n’avait pi être accepté par les équipiers d’un voilier qui a coulé corps et biens à l’occasion d’une course. On peut se demander, toutefois, si cette dernière décision ne procède pas d’une confusion entre le risque (la maladresse d’un adversaire, le fait de la chose, le mauvais temps, etc.) et les conséquences du risque (blessure, décès) qui conduit, en définitive, à conditionner le fait générateur par le dommage.

– Pratiques sportives concernées

L’acceptation des risques trouve son terrain d’élection dans deux sortes de sport: ceux dans lesquels une chose est utilisée comme moyen de déplacement et ceux dans lesquels les sportifs s’envoient ou se disputent une balle.

Plus pertinente, a priori, semble la question de savoir si l’acceptation des risques doit être limitée à la pratique compétitive du sport. Malheureusement, la jurisprudence semble sur ce point extrêmement confuse et contradictoire. La Cour de cassation penche, le plus fréquemment, dans le sens d’une limitation du jeu de l’acceptation des risques à la pratique compétitive, en assimilant à la compétition la phase d’échauffement qui la précède. Néanmoins, elle parsème périodiquement sa jurisprudence par des décisions en sens contraire.

– Garde en commun

Lorsque plusieurs personnes possèdent simultanément les pouvoirs d’usage, contrôle et direction, on dit qu’elles ont la « garde en commun ». Il s’ensuit que tous les co-gardiens sont collectivement responsables des dommages causés aux tiers par le fait de la chose et surtout qu’aucun d’entre eux ne peut, lorsqu’il est victime lui-même d’un fait de la chose, en réclamer réparation aux autres gardiens. Seule la responsabilité pour faute prouvée peut alors être invoquée.

Cette analyse correspond à deux séries d’hypothèses principales.

– Co-gardiens d’un objet un ballon de football ou une balle de tennis

– Utilisation collective d’un engin de transport

D/ RESPONSABILITE DU FAIT D’AUTRUI

a/ sportif préposé

– Engagement de la responsabilité du commettant

La solution est ancienne. L’application de l’alinéa 5 de l’article 1384 du Code civil ne se heurte à aucun obstacle de principe : lorsqu’il peut être considéré comme préposé le sportif engage la responsabilité de son commettant. Ainsi, il a été jugé qu’un joueur professionnel de football, ayant, d’un coup de poing, causé des blessures à un adversaire, engageait la responsabilité de son club ; elle a été reprise à l’occasion de recours intentés par des caisses primaires d’assurance maladie contre les employeurs de footballeurs ayant gravement blessé leur adversaire par des tacles dangereux.

Les juridictions n’ont pas été convaincues de l’argument, avancé par les employeurs, tiré de ce qu’une rencontre sportive professionnelle constituerait un « travail en commun » permettant de considérer les adversaires comme des co-préposés et par là d’écarter l’action contre le commettant (mêmes décisions).

– Effacement de la responsabilité du préposé

En application de la jurisprudence Costedoat, la responsabilité du commettant efface celle du préposé, dès lors que celui-ci a agi sans dépasser les limites de sa mission, sauf dans l’hypothèse où il ferait l’objet d’une sanction pénale. En matière sportive, cette incidence est particulièrement importante, dans la mesure où la faute intentionnelle est souvent qualifiée de simple faute, ce qui ne va pas dans le sens de sa répression pénale. Il sera donc fréquent que les employeurs soient seuls responsables.

b/ dommage causé par un sportif engageant la responsabilité du groupement

– L’arrêt « Blieck »

La jurisprudence inaugurée par la Cour de cassation en 1991 par le célèbre arrêt Blieck, a priori destinée à assurer la réparation des dommages causés par des personnes dangereuses, a trouvé dans le sport un terrain d’application inattendu. La Haute Juridiction décide, en effet, que les associations sportives, ayant pour objet d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres tombent sous le coup de l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil dans son interprétation issue de l’arrêt Blieck. Cette solution a été retenue à propos de rugby dans une hypothèse où l’auteur du dommage n’avait pas été identifié formellement mais appartenait certainement au club dont la responsabilité a été retenue ; cette considération pouvait, en fait, expliquer la solution. Malgré les critiques dont elle a fait l’objet, elle a été reconduite, également en matière de rugby, à propos d’une blessure à l’oeil subie par un joueur et consécutive à un coup de poing donné par un adversaire, cette fois-ci bien identifié.

Cette jurisprudence a bien entendu pour finalité d’assurer la réparation, dans tous les cas, alors que l’assurance du sportif pourrait ne pas jouer en raison du caractère dolosif de la faute commise ; l’assurance du club qui, lui, n’a pas commis de faute intentionnelle prendra en charge en toute hypothèse la réparation.

c/ dommage causé par un mineur engageant la responsabilité de ses parents

– Solution de droit commun

La responsabilité des parents du fait des dommages causés par leur enfant mineur ne cesse de s’alourdir en droit positif. Le 9 mai 1984, la Cour de cassation décidait même qu’il suffisait que l’enfant ait commis « un acte qui soit la cause directe du dommage » pour que les parents soient responsables.

– Application au sport

Appliquée au sport, cette solution conduit la Cour de cassation à décider qu’un dommage causé par un enfant engage la responsabilité de ses parents même si l’action de l’enfant est parfaitement conforme à toutes les règles et ne constitue aucunement une maladresse. La Haute Juridiction a consacré cette solution en estimant que les parents d’un enfant qui, au cours d’une partie de rugby organisée entre élèves au cours de la récréation, avait blessé un autre enfant à l’occasion d’un placage régulier et sans aucune brutalité.

Une telle solution conduit à nier le fait sportif qui ne peut subsister que par la généralisation de l’assurance. Or, l’assurance n’est obligatoire que dans le domaine de la compétition. Elle conduit à des iniquités flagrantes : lorsque des mineurs et des majeurs participent à une même rencontre, une action loyale et correcte d’un joueur qui, néanmoins, cause un dommage à son adversaire, sera traitée différemment selon l’auteur de l’action : elle engagera la responsabilité des parents du mineur, mais pas celle du majeur ! Paradoxalement, c’est le mineur qui sera le moins bien traité, puisqu’il n’aura pas droit à réparation ! Pour effacer cette inégalité, certains proposent que la responsabilité de l’association soit engagée de la même façon que celle des parents, indépendamment de toute responsabilité personnelle du joueur.

LES PARADOXES DU RÉGIME ACTUEL

3 paradoxes :

  • les clubs sont plus protégés que les parents : la faute des parents peut être soulevée sans la responsabilité de l’enfant (responsabilité de plein droit). Le fondement de la responsabilité est ici le risque. En revanche les clubs n’engagent leur responsabilité que si l’on démontre une faute du joueur.
  • Les clubs sont plus responsables que les sportifs : l’arrêt costedoat (25 février 2000) indique que le préposé qui agit dans ses fonctions n’engage pas sa responsabilité pour les dommages causés aux tiers dans le cadre de son activité. Ainsi, les tiers ne peuvent agir que contre le commettant. En cas de faute par un sportif, la victime pourra engager la responsabilité du club sur 1385 et pas la responsabilité du sportif sur 1382. Pour faire sauter l’immunité, il faut démontrer l’existence d’une faute pénale intentionnelle.
  • Les sportifs amateurs ont plus responsabilité que les sportifs professionnels : la jurisprudence costedoat ne concerne que 1384 al.5, donc les non-salariés ne sont pas protégés. Ainsi, 1382 peut jouer contre le joueur, de même de 1384 al.1.

Voir également l’article « la faute en matière civile » de Voisneau au Lamy droit civil de 2005.