Sociologie politique

Cours de SOCIOLOGIE POLITIQUE

Science politique: démarche de réflexion visant à nous dire ce qu’est un bon gouvernement, ce qu’il devrait être, ce qu’est un bon régime, ce que devrait être un régime idéal, …

INTRODUCTION

En ce sens, elle est confondue avec la philosophie politique car toutes les réflexions des grands penseurs du politique traitent de la meilleure organisation de la chose publique (res publica). On retrouve ce type de réflexion chez Platon, Aristote ou encore Locke, Rousseau, Montesquieu, … Mais ces philosophes traditionnels ne réfléchissaient pour la plupart pas encore en chercheur du politique, mais en moralistes. Platon ou encore Rousseau avaient pour objectif de déterminer le meilleur mode de vie collective possible. Ce type de posture intellectuel est empreint de morale parce qu’il s’agit de dessiner théoriquement le meilleur type de régime possible, d’Etat possible, de mode de vie en société, … C’est une position éthique, morale et non pas de recherche telle qu’on peut l’entendre aujourd’hui.

On demande aujourd’hui aux savants de science politique de produire des connaissances scientifiques permettant de mieux connaitre mais aussi de mieux comprendre, tel ou tel aspect de la vie politique. On ne leur demande pas de juger la vie en collectivité des Hommes, de dire si c’est bien ou mal, légal ou non, mais de savoir comment et pourquoi les Hommes vivent ensemble grâce à un travail scientifique. Cela oblige le politiste (chercheur en science politique) à prendre en considération le droit parmi d’autres phénomènes. Sa démarche s’articule autour de 3 obligations :

  • Il doit séparer dans son approche le regard du chercheur (objectif) de tout ce qui relève du jugement de valeur. Cela est compliqué car le politiste est impliqué dans le monde qu’il observe. Max Weber dit que le chercheur doit essayer de faire preuve de neutralité axiologique (Le savant et le politique 1959). Cela signifie que le sociologue du politique ne doit pas prendre parti dans le cadre de sa démarche de chercheur contrairement à l’Homme politique, il doit être dans une logique de distanciation c’est-à-dire rendre compte le plus objectivement possible des phénomènes tandis que l’Homme politique doit faire preuve d’engagement.
  • Comme dans toutes les sciences il faut utiliser des méthodes et des techniques d’investigations reconnues comme scientifiques de part par exemple l’observation de terrain, le recueillement de données par entretien, les statistiques, les archives, … afin d’obtenir des faits précis sur les phénomènes étudiés.
  • Il faut être capable de proposer un cadre conceptuel, théorique, permettant de mieux comprendre les ressorts, logiques, enjeux, de ces phénomènes. Il s’agit de construire des concepts et des théories permettant de mieux appréhender le politique dans un sens global et donc tout ce qui se rapporte au gouvernement d’une société dans son ensemble. Cela permet de répondre à des questions telles que qu’est-ce qu’un état ? Qu’est-ce que le pouvoir ? …

Comme l’a souligné Pierre Favre, la science politique a connu en France un processus d’institutionnalisation à partir de la fin du XIXème siècle et cela explique pourquoi elle a progressivement été considéré comme reconnue et légitime (Naissance de la science politique en France, 1870-1914). Qu’est-ce qu’une discipline scientifique ? → La scientificité d’une démarche par rapport à des normes reconnues par la communauté scientifique mais qui existent aussi parce que la communauté scientifique est insérée dans des cadres institutionnels stables (universités, CNRS, livres, prof, …). Pierre Favre revient en 1871, l’année de création de l’école libre des sciences politiques, ancêtre de science po Paris, crée à Paris par Emile Boutmi en vue de former une nouvelle élite républicaine susceptible de gouverner efficacement la France. Mais la science politique, malgré cette création, a du mal à prendre son essor en raison de l’hégémonie du droit public. Léon Duguit (1869-1928, disciple de Durkheim et doyen de l’université de Bordeaux) ou Maurice Hauriou (1856-1929 doyen de la fac de Toulouse) sont des figures importantes du droit. Il faut attendre 1945 pour que la science politique se développe véritablement institutionnellement, l’école libre est alors transformée en IEP (institut des études politiques). La même année est créée la fondation nationale des sciences politiques qui se voit confiée comme mission importante de développer cette discipline en France. De plus, des IEP sont créés en province (Strasbourg, 1948 Bordeaux, Grenoble, Toulouse, 1958 Aix-en-Provence, 2012 Saint-Germain en Laye, …). En Juillet 1949, l’association française de science politique est créée, elle a pour mission de soutenir des recherches à caractère international et de faire développer des échanges avec les institutions de science politique d’autres pays. En 1951, la RFSP (revue française de science politique) est créée, initialement publiée tous les 3 mois puis tous les 2 mois. En 1954, les enseignements de science politique commencent à s’imposer en licence de droit. En 1956, des diplômes de troisième cycle de science politique commencent à être créé. En 1971, une agrégation supérieure de science politique est créée. Dans les années 50 et pendant la mise en place de la discipline, les premiers auteurs viennent à l’origine d’autres disciples : Raymond Aron vient de la sociologie, Georges Balandier de l’anthropologie, … Parmi cette première génération de chercheurs en science politique, certains contribuent à fonder la discipline intellectuellement. Maurice Duverger (1917-2014) vient à l’origine du droit constitutionnel mais va jouer un rôle important en science politique car il va créer le département de science politique à la Sorbonne. Il travaille surtout sur les partis politiques, le lien entre la structure des partis politiques et le mode de scrutin utilisé (Les partis politiques 1951). Il a aussi fait des travaux scientifiques sur la nature des régimes politiques et notamment les tentatives de classifications en régimes parlementaires, présidentiels, présidentialistes (régime parlementaire avec pouvoirs importants aux président), d’assemblées, … François Goguel (1909-1999), professeur à l’IEP de Paris puis membre du Conseil Constitutionnel, s’intéresse par exemple à la procédure référendaire, au vote et devient le grand spécialiste de la sociologie électorale. Georges Lavau (1918-1990), enseignant à l’IEP de Paris et directeur de la revue française de science politique, travaille sur le rôle joué par les partis politiques dans les régimes démocratiques. Il développe la notion de fonction tribunitienne du parti communiste français qui a souvent refusé d’exercer le pouvoir pour se cantonner à un rôle de contestation dans le système politique et, selon Lavau, ce parti n’a rien d’un parti révolutionnaire mais assure plutôt une certaine stabilité politique parce qu’il permet de canaliser les mécontentements et favorise leur prise en compte dans le système politique.

A travers ces trois auteurs, on constate que les domaines de recherche sont assez peu large au sein de la discipline. On étudie surtout la vie politique française, les partis politiques, on prend en compte l’importance des élections et accessoirement les idées politiques. Comme le souligne Pierre Favre, on a surtout une problématique institutionnaliste qui prédomine initialement. Cela signifie qu’on étudie surtout 3 éléments : le régime politique (des règles constitutionnelles, système qui régit la vie électorale et rapports particuliers entre législatif et exécutif), le système des partis politiques et les rapports de forces qui se tissent entre eux, et enfin, l’opinion publique. Les études de science politique et le droit constitutionnel sont très proches. A partir des années 60, on voit apparaitre les premières études de science politique en relations internationales notamment avec Raymond Aron qui publie en 1962 Paix et guerre entre les nations, premier ouvrage ou on tente de théoriser ce que sont les relations internationales et d’expliquer les raisons et objectifs incitant les états à recourir à la guerre qui, selon Aron, est l’élément moteur des relations internationales parce que c’est par elle qu’ils assurent leur survie et leur expansion. A partir des années 70, la science politique connait une phase de diversification parce que les objets étudiés sont de plus en plus divers et nombreux mais aussi parce qu’ils sont étudiés selon des démarches théoriques elles aussi de plus en plus nombreuses.

Les sciences politiques renferment 4 sous disciplines :

  • La théorie politique: Philipe Raynaud a beaucoup travaillé sur les principes fondateurs de la République, il est un des spécialistes de l’analyse du libéralisme en tant que doctrine politique, il a beaucoup travaillé sur les idées de l’extrême gauche (L’extrême gauche plurielle).
  • Les institutions politiques: sous discipline la plus proche du droit et en particulier du droit constitutionnel. Elle s’intéresse surtout à l’administration publique et aux rouages bureaucratiques de l’administration mais aussi au rôle que jouent les institutions dans un régime. Olivier Duhamel ou encore Jean-Luc Parodi, sont des politistes institutionnalistes (≠ des juristes car un juriste étudie de manière méthodique les textes juridiques tandis que les politistes institutionnalistes font cela mais s’intéressent surtout à la pratique de ces textes par les acteurs politiques, de plus, ils s’intéressent beaucoup aux protocoles, rites institutionnels pour savoir comment ils sont utilisés pour s’imposer dans le jeu politique etc).
  • Les relations internationales: en France, contrairement à d’autres pays, elle n’est pas très développée. Elle a subi de nombreuses transformations car on considérait que l’état était le seul acteur fort de la scène internationale. Or, depuis peu, cette discipline s’intéresse à d’autres acteurs forts, contraignant les marges de manœuvres des états : on a à la fois des acteurs infraétatiques (qui ne relèvent pas forcément d’un état mais qui jouent un rôle considérable) ou interétatiques (UE par exemple, impact majeur sur les comportements des états).
  • La sociologie politique: dominante dans les sciences politiques, elle emprunte beaucoup à la sociologie et notamment à Max Weber et Emile Durkheim. On mobilise leurs idées pour analyser les phénomènes politiques. Elle s’intéresse aux institutions politiques mais dans un sens plus large que les politistes institutionnalistes car on s’intéresse plutôt à leurs pratiques. Elle peut appréhender les pratiques politiques de part un angle sémiotique c’est-à-dire qu’on analyse le langage politique, par exemple pour les partis politiques on analyse leurs discours ; sous un angle symbolique, c’est par exemple le cas de Philipe Braud qui explique que la vie politique est avant tout un champ particulier mobilisant des affects, émotions, pour inciter les individus à se mobiliser pour telle ou telle cause. Pour lui la politique est aussi la capacité des acteurs politiques, par des symboles, à mobiliser des émotions afin d’inciter les individus à agir ; sous un angle plus stratégique, c’est-à-dire les stratégies développées par les acteurs politiques pour accroitre leur pouvoir. En sociologie politique, la notion d’institution est aussi prise dans un sens plus large, on considère qu’elle est tout ensemble d’actions ou de pratiques organisé de façon stable. La sociologie politique porte aussi sur l’action politique qui renvoie aux politiques publiques (actions des pro de la politique mais aussi action des citoyens), elle s’intéresse aussi aux métiers de la politique. Les thématiques analysées en sciences politiques sont donc très variées.

Plan du cours :

  • Première partie: Le cadre du politique.
  • Chapitre 1: L’Etat.
  • Chapitre 2 : Les idéologies et doctrines politiques.
  • Chapitre 3 : Les régimes politiques.
  • Deuxième partie: Les acteurs politique.
  • Chapitre 1: Les citoyens.
  • Chapitre 2 : Les partis politiques.
  • Chapitre 3 : Les médias et l’opinion publique.
  • Troisième partie: La participation politique.
  • Chapitre 1: Le vote.
  • Chapitre 2: Les comportements politiques extra électoraux.

Première partie : le cadre du politique.

Chapitre 1 : L’Etat.

Introduction

La question de l’Etat est au cœur de tous les débats et plus particulièrement ceux des politistes, que ce soit d’un point de vue scientifique ou politique, qu’il soit critiqué ou exalté.

Les grands penseurs du libéralisme dénoncent la perversion par l’Etat du libre jeu du marché sur lequel on ne doit pas agir au risque de faire dysfonctionner sa logique naturelle considérée par les libéraux comme bénéfique et aboutissant à une société harmonieuse favorisant le bonheur de chacun (principe du «laisser-faire» selon lequel il faut faire confiance au mécanisme spontané du marché).

L’Etat est aussi pris pour cible par l’anarchisme. L’Etat y est considéré comme « le plus froid de tous les monstres froids » (Nietzche). Stirner prône l’anarcho-individualisme c’est-à-dire la liberté totale des individus face à la société et l’Etat. Les anarchistes considèrent que par le pouvoir même qu’il exerce, l’Etat limite la liberté individuelle.

Les marxistes considèrent que l’Etat doit être dénoncé parce qu’il est une institution au service de la classe bourgeoise et donc qui favorise ses intérêts économique et financiers, lui permet de consolider son pouvoir et de pérenniser ses privilèges. D’où l’idée de suppression de l’Etat, des classes sociales, que défend Karl Marx.

Parallèlement on voit dans l’histoire que d’autres doctrines valorisent l’Etat.

Le fascisme considère que l’Etat totalitaire est important car, selon Mussolini, l’identité individuelle n’a pas de sens en dehors de cet Etat fort. Généralement, dans les régimes autoritaires, on considère qu’un peuple est fort s’il dispose d’un Etat fort et cela légitime politiquement la domination absolue que l’Etat doit exercer sur toute la société mais aussi qu’il doit s’immiscer dans tous les secteurs sociaux.

La théorie classique de l’Etat est mise en avant par certains juristes au début du XXème siècle. Selon Georges Jellinek (1851-1911) ou encore Raymond de Carré de Malberg (1861-1935), on est en présence d’un Etat quand une population qui réside sur un territoire délimité subie un pouvoir qui est juridiquement organisé.

  • Un territoire.

Il est un espace dont la grandeur peut être très variable. Il se divise en trois dimensions : le sol, le sous-sol et l’espace aérien, sur lesquelles s’appliquent certaines règles juridiques. Il est aussi délimité par des frontières qui peuvent être naturelles ou artificielles et sont le plus souvent le fruit de traité et de convention. La frontière ne sépare pas deux paysages, ni deux cultures, … mais deux régimes de droit, deux domaines différents d’application des règles juridiques. Elle a connu son apogée avec la constitution des Etats-Nation (début XXème). Exemple de l’Afrique et de la conférence de Berlin en 1885. La frontière est source de conflits militaires (Israël et Palestine, Inde et Pakistan, …) et commerciaux (exploitation du sous-sol de l’Arctique entre Russie, Canada, Etats-Unis, …). Le processus d’intégration à l’Europe nous a donné l’impression que cette notion perdait en importance mais, on remarque que l’ouverture des frontières internes en son sein a pris du temps (accords de Schengen avec lesquels les contrôles aux frontières ont été réduit). Pour certain, la frontière est indispensable pour gérer les flux de personnes mais a aussi une fonction symbolique même si on sait qu’il est très compliqué pour les Etats de contrôler totalement les leurs (attentats, migrants, …).

  • Une population.

Elle se compose généralement de deux catégories : les nationaux et les étrangers. Le recensement de sa population par l’Etat devient de plus en plus difficile avec l’accroissement de la mobilité des individus à l’échelle internationale. Des instruments sont mis en œuvre par les Etats afin d’affirmer leur emprise sur la population. Patrick Weil, politiste, cherche à montrer l’évolution des modes d’acquisition de la nationalité française, il montre l’alternance en France du droit du sol et du sang. Ainsi, il montre l’importance que joue le droit dans l’élaboration de certains principes servant à définir ce qu’est un national. L’Etat joue donc un rôle déterminant car il fixe des règles lui permettant de savoir s’il y a un lien direct entre individu et l’Etat. Gérard Noiriel, sociologue et historien, essaie de comprendre comment s’est construit concrètement l’Etat-Nation en France à la fin du XIXème siècle. Dès 1789, l’idée d’Etat-Nation est évoquée mais l’Etat n’est pas en capacité de matérialiser la Nation, cette capacité se dessine à la fin du XIXème siècle. Elle devient importante car on commence à définir beaucoup plus rigoureusement qui est français et qui ne l’est pas. De plus en plus avec l’Etat social, on réserve certaines subventions de l’Etat aux seuls nationaux. Enfin, on accorder de l’importance à qui vote. De fait, un processus d’enregistrement, de recensement et d’identification se met en place pour distinguer les nationaux des étrangers, délinquants, … Ces instruments sont dans un premier temps appliqués aux délinquants et criminels, puis aux étrangers et enfin aux nationaux. Alphonse Bertillon est le premier à avoir créé une méthode fiable d’identification des personnes. A l’époque, l’état civil est très mal entretenu, de plus, on n’a pas encore de papier d’identité fiable, on prenait en compte l’apparence pour identifier les personnes. Bertillon invente donc un système permettant de définir et de figer l’identité des individus et donc de la contrôler. Ce système repose sur 4 piliers : l’anthropométrie judiciaire basée sur nos différentes caractéristiques physiques (taille, taille crane, pointure, …), Bertillon commence donc dans les années 1880 à mensurer les délinquants ; le signalement descriptif ou le portrait parlé une méthode décrivant mathématiquement les formes de chaque organe du visage (nez, oreille, …) ; le relevé des stigmates (marques particulières) et enfin la photographie face/profil permettant de révéler la forme du nez et de l’oreille, etc → bertillonnage. Avec ces 4 opérations, Bertillon constitue la « fiche parisienne » encore utilisée aujourd’hui. La méthode de Bertillon permettra d’appliquer correctement la loi du 27 mai 1885 (dite loi sur la relégation des récidivistes) sur laquelle était fondée la IIIème République. Par la suite, ces dispositifs vont être appliqués aux étrangers avec la loi du 16 juillet 1912 concernant les Tziganes (port du carnet anthropométrique d’identité). Finalement, ce principe va s’appliquer à tous les étrangers avec le port obligatoire de la carte d’identité. L’idée d’attribuer une carte d’identité obligatoire pour les nationaux fut introduite en septembre 1921 par le préfet Denais. Un enjeu politique important apparait alors : l’atteinte à la vie privée et aux libertés fondamentales des personnes, en effet, le fichage ultérieur des étrangers et des criminels importait peu à la population tandis que son application aux citoyens honnêtes est considérée comme une atteinte aux libertés, ainsi, l’Etat peut-il appliquer ses instruments réservés autrefois aux délinquants et aux populations potentiellement dangereuses, à des nationaux honnêtes ? Que fait la police de toutes ces données ? Et, si je n’ai rien à me reprocher, de quel droit la police s’immisce dans ma vie privée ? Devant ce mouvement de contestation, le préfet Denais décide de rendre la carte d’identité facultative. Mais Vichy la rendra de nouveau obligatoire en 1940 pour redevenir facultative après la fin de la guerre. La biométrie (utilisation de statistiques puis, identification des personnes en fonction de leurs empreintes digitales, les traits du visage ou de caractéristiques comportementales) s’applique aux délinquants et criminels. Elle pose les mêmes questions que le bertillonnage. Malgré tout, la CNIL protège nos données mais reste une autorité nationale. Elle essaie d’appliquer le principe de finalité (finalité précise pour collecter des données) et de proportionnalité (il faut que l’instrument mis en place soit proportionné à la finalité). Mais la population d’un Etat n’est pas seulement un ensemble de personnes assujetti à un ordre juridique, les citoyens participent aussi à la chose publique. Par le vote, il fait l’Etat et se pense comme membre d’une population citoyenne.

  • Un pouvoir juridique.

C’est la capacité de l’Etat à imposer des règles, procédures, de manière unilatérale et donc des normes juridiquement valides au-delà de l’assentiment des personnes qui y sont assujetti. De plus, l’Etat a le pouvoir de nous obliger à les respecter de part son pouvoir coercitif. Selon Weber, l’Etat dispose du monopole de l’exercice de la violence légitime. En outre, un Etat est considéré comme un Etat de droit si, en plus d’être producteur de droit, il se soumet lui-même au droit qu’il édicte.

En termes de théorie politique, certains auteurs classiques ont une approche différente de la notion d’Etat. Ainsi, Thomas Hobbes, John Locke et Jean-Jacques Rousseau nous livrent trois visions différentes.

Dans la première partie du Léviathan, Hobbes (1588-1679) discute de la violence, il considère qu’elle est une condition fondamentale de la vie humaine, en particulier dans l’état de nature qui est, selon lui, un état de conflit perpétuel, de tous contre tous. En effet, pour lui, dans l’état de nature l’Homme n’est pas heureux du fait de la peur de chacun de la violence des autres. De fait, on cherche à assurer sa survie par tous les moyens et notamment en recourant à la violence dans un cycle sans fin. Néanmoins, lorsque la peur des Hommes devient trop forte, ils essaient de trouver une solution et, ainsi, cherchent à s’unir et à mettre en place des règles (idée de contrat). Chez Hobbes, ce contrat renvoie à l’idée que chacun va se défaire d’une partie de sa souveraineté, de sa liberté individuelle, pour la remettre à une autorité indépendante ayant ainsi le pouvoir de punir : l’Etat. Par conséquent, si les personnes obéissent au Léviathan (l’Etat) c’est parce qu’il les protège de la violence des autres mais aussi parce qu’il leur fait peur. Hobbes théorise ici l’Etat fort, tout puissant, car les individus lui ont délégué le droit de gouverner, une partie de leurs libertés individuelles et parce qu’il fait peur.

Locke (1632-1704) a une perspective différente, c’est un précurseur des Lumières qui pense l’Etat libéral, moins interventionniste. Il fonde l’Etat sur le droit et l’intérêt. L’Etat de nature qu’il décrit est heureux, prospère, parce que les individus y sont égaux et totalement libres. Néanmoins, il constate que deux choses troublent cet état de quiétude : la monnaie et l’absence d’autorité tierce pour régler les litiges. L’introduction de la monnaie engendre des phénomènes d’épargne et de thésaurisation (= accumulation d’argent) amenant les Hommes à acquérir des biens non nécessaires à leur conservation. De ce fait, une inégalité va se créer entre eux et des jalousies apparaissent, engendrant des conflits et, comme il n’existe aucun juge pour les régler, ils risquent de dégénérer en actes violents plus graves et de causer un cycle sans fin de la violence (→ moment hobbesien). Il est donc nécessaire que les Hommes s’unissent pour élaborer une forme d’organisation politique propice à l’instauration d’une paix civile profitable à tous et permettant de garantir l’égalité, la liberté individuelle et la propriété de chacun. L’Etat qui doit naitre de ce contrat social ne doit cependant pas être un Etat Léviathan (autoritaire) mais minimaliste et donc aux prérogatives limitées. En effet, pour Locke l’Etat doit avoir pour fonction essentielle de garantir la protection des citoyens dans leur intégrité physique (droits naturels) et leurs libertés individuelles. L’Etat a donc pour mission la sauvegarde de l’état de nature. Locke fait même mention d’un droit à l’insurrection que les Hommes peuvent évoquer si l’Etat outrepasse le pouvoir qu’on lui a conféré, s’il devient tyrannique.

Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) conteste à la fois l’approche de Hobbes et de Locke. Il conteste tout d’abord le modèle du Léviathan même s’il reconnait l’intérêt de la démarche, en effet, il approuve la discussion utile que fait Hobbes de l’état de nature mais conteste sa vision de cet état, il l’accuse de le présenter comme un état de conflit permanent pour justifier la nécessité d’instaurer une paix civile qui légitime l’existence du Léviathan. Il lui reproche de vouloir supprimer en partie la liberté pour garantir la paix civile au profit d’un état fort. Or, pour Rousseau rien ne justifie que l’on porte atteinte à la liberté. Dans son Contrat social il écrit que « ce qui fait vraiment prospérer l’espèce est moins la paix que la liberté ». Rousseau souligne le risque que le Léviathan utilise cette force pour se retourner contre la liberté de chacun, avec le Léviathan les individus se sont « jetés entre les bras d’un maître absolu sans condition et sans retour ». En outre, il conteste aussi la théorie de Locke, lui reproche de vouloir instituer un état uniquement pour protéger la liberté de chacun, Rousseau appelle cela le « modèle bourgeois de Locke » parce qu’il place les intérêts individuels au-dessus de l’intérêt collectif. Il s’accorde en partie avec Locke dans la description de l’état de nature mais ce dernier évoque aussi une relative aliénation de l’individu. Rousseau se demande « comment trouver une forme d’association par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant ? ». Il essaie de fonder le Contrat social sur autre chose que l’intérêt, comme le fait Locke, il propose l’amour de la citoyenneté pour fonder ce contrat, cela signifie que, pour lui, les individus ne se réunissent pas sous la forme d’un contrat pour former l’état parce qu’ils ont intérêts à protéger leur liberté, biens, propriétés, mais parce qu’ils veulent établir un bien collectif : la souveraineté. Dans cette conception, l’état est un être dominant parce qu’il est constitué de la volonté de tous et cela signifie qu’en tant que citoyen, j’adhère à l’état par amour, par conviction, et non pas par intérêt. Ainsi, si on désobéit à l’état, on se désobéit à nous-même et si l’état oppresse les citoyens, ce sont les citoyens qui s’oppressent eux-mêmes. Les individus se conforment à l’état parce qu’il n’est pas extérieur à eux.

En sociohistoire on considère que l’état n’est pas une donnée naturelle, il n’a pas toujours existé et peut disparaître. Il est un construit social, politique, historique, … Mais comment s’est-il construit ?

Section 1 : Sociohistoire de l’Etat en France.

  1. Apparition et consolidation de l’Etat.

Quand est-ce qu’il apparait ? Quelles sont ses origines ?

La période de la féodalité est considérée comme la période dans laquelle notre Etat plonge ses racines. Selon de nombreux auteurs (Elias, Strayer), cette période se traduit par une faible institutionnalisation du pouvoir politique, une importante fragmentation du pouvoir ainsi qu’une faible stabilité du pouvoir parce que toutes les seigneuries sont en concurrences. Elias et Strayer montrent qu’à partir de cette configuration, c’est-à-dire un « mode de domination politique éclaté »selon Weber, le pouvoir est éparpillé et ainsi on voit émerger l’Etat qui est la résultante d’un lent processus de concentration du pouvoir, de centralisation, de monopolisation par un centre politique de ressources essentielles pour exercer le pouvoir sur l’ensemble du territoire. Ce processus résulte de rivalités que se livrent au cours du temps les seigneuries mais, plus on avance dans le temps, moins le nombre de seigneuries est grand car à force de s’affronter, les vainqueurs « absorbent » les perdants. En effet, au XIème siècle existent plusieurs centaines de seigneuries féodales et les capétiens commencent à resserrer leur pouvoir sur le territoire dont ils disposent, à s’en prendre aux seigneuries concurrentes qui les menacent. A partir du XIIème siècles il n’y a plus que 16 seigneuries et au XIVème 5 : la maison de France, la maison de Bourgogne, la maison de Bretagne, la maison de Flandres et la maison d’Angleterre. A partir de Louis XI en 1483, la maison de France fait tomber un à un ses derniers concurrents et s’impose. Ainsi, le roi est le seul et a tous les monopoles. Ce processus est quasiment achevé sous François 1er. Selon Weber l’Etat est « un groupement de domination à caractère institutionnel qui a cherché (avec succès) à monopoliser, dans les limites d’un territoire, la violence physique légitime comme moyen de domination », Strayer et Elias vont un peu plus loin en développant la théorie du monopole fiscal de Weber, qui permet l’entrée d’argent. Elias appelle cela la « monétarisation du lien entre seigneurs et souverain ». Le monopole de la violence légitime est aussi important car à partir du moment où le souverain monopolise la force, il peut l’utiliser pour conquérir de nouveaux territoires mais surtout pour mettre de l’ordre, pacifier la société. Selon Elias, les deux monopoles se renforcent car plus on centralise l’impôt, plus on collecte de taxes et plus on peut affecter de l’argent aux forces de l’ordre. Plus on professionnalise ces forces et plus on est capable de pacifier le territoire, et, plus un territoire est pacifié plus l’argent rentre facilement dans les caisses de l’Etat. En 1726, une armée permanente est créée en France, elle est vêtue, nourrie et payée par l’Etat, elle permet au pouvoir de se consolider, de collecter plus d’impôts.

Cette forme nouvelle de domination politique a aussi d’autres conséquences : le fait de détenir et d’exercer un monopole à la fois fiscal et militaire sur un territoire implique l’instauration d’une bureaucratie, sans cela il devient impossible au monarque d’assurer son autorité sur tout le territoire. Les luttes sociales ont désormais lieu pour accéder à l’appareil administratif car il permet des postes, du pouvoir et donc du profit. De plus, les taches de l’administration se diversifient et se spécialisent de plus en plus et ainsi, on constate de plus en plus que l’administration se détache de la société et une nouvelle forme de pouvoir apparait, moderne et dépersonnalisé. A partir du XVII-XVIIIème siècle, l’Etat ne se contente plus de lever l’impôt et de monopoliser la force, il intervient dans bien d’autres domaines. Colbert (1619-1683), le contrôleur général des finances de Louis XIV, permet de se diriger vers l’étatisme c’est-à-dire l’intervention de l’Etat dans la sphère économique (création des entreprises d’Etat), qui commence à réglementer le commerce, à accorder des subventions à certains secteurs de l’économie, de plus, il s’immisce dans le domaine de la presse, en 1631 est créée la Gazette de France (journal financé par l’Etat informant la pop sur les politiques étatiques). A partir du XVIIIème, l’Etat monopolise progressivement les Lumières et donc l’enseignement (personnels recruté par l’Etat qui définit l’état d’avancement des carrières et contrôle le personnel selon des procédures qu’il définit, …). Ce personnel contribue aussi à enjoliver la figure de l’Etat : neutre, juste, bienveillant, … Notamment sous la IIIème République avec les instituteurs, …

  1. L’Etat social : une dimension utopique.

A partir du début du XIXème siècle, l’Etat commence à essayer « d’uniformiser d’avantage les choses et les mots ». A cette époque la France n’est pas encore unifiée et de nombreuses langues sont utilisées. Abolir ces langues est une façon d’homogénéiser le territoire. De plus, l’enjeu de la transformation de la nature du lien social est aussi présent car l’Etat met en œuvre certains instruments ayant pour objectifs de modifier les rapports que les individus entretiennent entre eux. Plus globalement, l’Etat s’attaque aux conditions de la communication sociale (enseignement standardisé, politiques publiques du développement des chemins de fer, …) grâce à laquelle l’Etat crée une sociabilité nouvelle et donc un idéal national. Ainsi, il modifie le lien social, uniformise la langue et le territoire, diffuse la même information sur tout le territoire, construit une mémoire commune (les commémorations nationales, …) et crée la nation matériellement, lui donne une forme qui n’est plus théorique et instaure ainsi dans l’esprit des citoyens le sens d’une appartenance commune (création de monuments aux morts, fêtes nationales, instruments d’identification communs à caractère national, …). De ce fait, l’Etat dicte ce que doit être la bonne culture à adopter : la haute culture, la culture nationale.

L’Etat éducateur, instituteur du social, devient aussi à partir du milieu du XIXème siècle, un Etat social utopique car il a l’ambition de changer l’Homme pour l’améliorer. Deux institutions sont donc importantes : l’asile et la prison qui visent à agir sur deux maux de la société : la folie et le crime. Cette idée de soin vient de l’idéal démocratique des Lumières qui met surtout en avant le principe d’égalité. Ainsi, si les Hommes sont égaux, le fou, le criminel, ne doit pas être considéré comme quelqu’un à exclure mais comme un être humain qu’il faut essayer de guérir et de rééduquer, de réintégrer socialement. C’est en ça que l’Etat acquiert une image utopique. Dans son œuvre, Foucault appréhende ce processus à travers le concept de « gouvernementalité » qui serait selon lui un nouveau mode d’exercice de pouvoir par lequel l’Etat se fixe pour objectif d’encadrer la société pour pouvoir mieux agir sur les conduites individuelles. Il observe ce nouveau mode de pouvoir au travers des pratiques de l’Etat, des dispositifs qu’il met en place, des procédures qu’il impose : les techniques de gouvernement qui permettent la mise en place d’un pouvoir disciplinaire qui « se donne à la fois les individus pour objet et pour instrument de son exercice ». Ces techniques sont celles que commence à développer l’Etat : enquête, surveillance, recensement, … mais aussi des dispositifs panoptiques de surveillance : le panopticon. Ce modèle de surveillance développé par J. Bentham a pour but que « chacun se sente observé, jugé, par un regard le plus discret possible, voir même invisible et anonyme ». Foucault résume très bien ce principe : « A la périphérie, un bâtiment en anneau ; au centre une tour ; celle-ci percée de larges fenêtres, qui ouvrent sur la face intérieure de l’anneau. Le bâtiment périphérique est divisé en cellules, dont chacune traverse toute l’épaisseur du bâtiment. Ces cellules ont deux fenêtres : L’une ouverte vers l’intérieur, (…) l’autre donnant sur l’extérieur permet à la lumière de traverser la cellule de part en part. Il suffit de placer un surveillant dans la tour centrale, et dans chaque cellule d’enfermer un fou, un malade ou un condamné ». Ainsi, de part tous ces dispositifs, l’Etat fouille l’intimité des personnes, le corps est pris pour cible afin de mieux l’assujettir. Selon Foucault, c’est un nouvel art de gouverner qui permet à l’Etat de renforcer son pouvoir. A la fin du XIXème siècle et jusqu’au début du XXème, l’Etat instituteur du social devient aussi un « Etat hygiéniste ». Pour des raisons liées à la Révolution industrielle, à la nécessité d’avoir une main d’œuvre efficace, l’Etat hygiéniste réuni les idéaux libéraux et socialistes afin d’améliorer l’état sanitaire du peuple pour augmenter son espérance de vie et sa productivité. Dans le même temps, commence à s’exacerber les nationalismes entre la France et l’Allemagne, il faut donc donner une image saine de la nation à l’ennemi : si la population est saine, elle est forte. Cette transformation se manifeste, à partir de la fin du XIXème siècle, par l’émergence des habitations à bon marché. A travers une loi qui promeut la construction de ces habitations, l’objectif général est de loger des ouvriers de plus en plus nombreux mais aussi de bien le faire pour qu’ils soient le plus productifs possible. Un véritable service national de médecine gratuite pour les indigents se dessine. La loi fait de l’assistance, pour les communes, les départements et l’Etat, une obligation pour soigner tous français malade privé de ressources. D’une certaine façon, cet Etat hygiéniste anticipe l’action de l’Etat providence même s’ils se différencient beaucoup.

  1. L’Etat providence.

L’Etat providence repose sur la définition de règles de justice et sur certaines normes de redistribution, qui fixent certains devoirs qu’a la société envers chaque individu. Au contraire l’Etat hygiéniste ne vise pas l’individu en particulier mais la société dans son ensemble.

L’Etat providence répond à la logique de l’individualisme démocratique. Pierre Rosanvallon s’intéresse à la figure de l’Etat providence et la problématique du passage d’un Etat protecteur à un Etat providence. Lui et François Ewald sont d’accord pour dire que l’Etat providence, que l’on désigne dans le monde anglo-saxon par l’expression « Welfare state » (Etat de bien-être), est un Etat protecteur ayant aussi des fonctions régaliennes (police, sécurité publique, justice, …), son ambition dépasse celle de l’Etat social du XIXème siècle, la grande nouveauté de la figure de l’Etat providence est de vouloir assurer le bien-être à chaque individu. Le nom d’Etat providence traduit l’idée selon laquelle il essaye de substituer à l’incertitude religieuse la certitude de la providence étatique. Ainsi, il est celui qui intervient activement dans la sphère du social et de l’économie pour assurer le bien-être de chacun et protéger chacun d’un certain nombre de risques générés par la vie en société. A partir de la fin du XIXème, on peut voir en partie la logique de l’Etat providence se dessiner dans certaines lois à caractère social car la puissance publique commence à prendre de plus en plus conscience des conséquences de la Révolution industrielle qui a engendrée du progrès mais aussi une exclusion croissante de certaines catégories d’individus. Cette idée-là se retrouve dans les idées du Solidarisme, notamment développé par Léon Bourgeois (homme politique radical, 1851-1925) : c’est un « lien fraternel qui oblige tous les êtres humains les uns envers les autres, nous faisant un devoir d’assister ceux de nos semblables qui sont dans l’infortune », Bourgeois propose la mise en place d’un salaire minimum, d’un système d’assurances protecteur (en cas d’accident, de maladie ou de chômage : protection sociale), de l’impôt sur le revenu (pour participer à l’entretien des services communs), d’un enseignement entièrement gratuit. Cette idée va commencer à s’incarner dans plusieurs dispositifs législatifs (loi relative à l’indemnisation des victimes d’accident du travail, loi du 14 juillet 1905 relative à l’assistance aux vieillards, infirmes, incurables, permettant d’être accueilli gratuitement dans les hôpitaux et hospices). Dans la pratique, l’idée du bonheur de chacun va surtout être rendue possible par le développement de la statistique qui va permettre à l’Etat de gérer à grande échelle l’assurance maladie, le décès, de prendre en compte chacun dans son existence. D’un point de vue juridique, cette idée d’Etat providence est formalisée dans la Constitution de 1946 et en particulier son préambule qui dispose que « la nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement, elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Les ressources manquent et on met ainsi en place le rationnement afin de les distribuer également et de les économiser. Cela joue un rôle important idéologiquement et amène l’idée d’un égalitarisme économique et social, d’une volonté de l’Etat de garantir à chacun des droits de nature économique et sociale (loi posant le principe de la généralisation de la sécurité sociale). Dans le même temps, on voit se mettre en place dans la plupart des pays industrialisé en occident, toute une série de mesures visant à instituer une couverture sociale pour protéger les individus. De plus, pour certaines personnes rencontrant des problèmes spécifiques les empêchant de faire face à leurs besoins, on met en place des aides complémentaires. Ainsi les Etats reconnaissent des droits à caractère universel à chacun pour affirmer que l’Homme n’est pas une marchandise.

Est-ce que l’Etat providence n’est pas lui aussi une utopie ? surtout à partir des années 70, on voit des critiques émerger avec les crises (choc pétrolier). Est-ce que l’Etat providence ne stimule pas l’assistanat ? Ne dépense-t-on pas toujours plus d’argent inutilement ? Est-ce que l’Etat n’intervient pas trop dans le social alors que ce n’est pas son rôle ? Malgré son action, une paupérisation croissante de la population se développe, une précarité, du chômage et des quartiers socialement défavorisés. L’incapacité de l’Etat providence à produire de la solidarité au sein de la société est aussi critiqué car les individus les plus désocialisés, frappés par la pauvreté, qui sont ceux qui se désintéresse le plus de la politique et de l’action de l’Etat (taux d’abstention). Ces arguments sont mis en avant par les libéraux. Selon eux, il existe deux formes d’Etats : un bon et un mauvais. Le bon est peu interventionniste, correspond à l’idée que Locke s’en fait tandis que le mauvais est celui qui veut se mêler de tout. Fredrich Hayeck défend cette idée et, selon lui, si l’Etat intervient trop il est dangereux pour l’Etat individuel, il assiste les personnes, les infantilises et conduit la démocratie vers le totalitarisme car si les individus sont trop assistés ils deviennent passifs et favorisent l’accès au pouvoir de démagogue. Robert Nozick fait le lien entre le libéralisme et l’anarchisme (anarcho-libéralisme), il recommande que l’Etat jouer un rôle le plus minimaliste possible ou alors qu’il soit supprimé, que tous les secteurs dont il s’occupe soient gérés par le privé. On réduit les dépenses de l’Etat et marchandise tous les secteurs.

Section 2 : L’Etat et la nation.

Quel rapport particulier entretiennent-il ? Lorsque l’on parle d’Etat Nation, on considère que par son action volontariste, par les politiques publiques qu’il a conduit, l’Etat a donné une réalité concrète à la nation. Si on considère cela, on peut se demander s’il peut exister des nations sans Etats. Ces questions sont posées assez tôt dans la théorie politique à travers différents aspects.

  1. Comment définir la nation.

Il est classique d’opposer deux conceptions différentes de la nation.

  1. La théorie contractualise de la nation.

La nation révolutionnaire française est définie par Sieyès comme « un corps d’associés vivant sous une loi commune et représenté par la même législature » autrement dit, les français sont avant tout des citoyens soucieux de vivre ensemble en partageant certains principes, ces principes sont mis en œuvre par une même assemblée chargée d’adopter des lois générales s’appliquant à tous sans considérations. La nation procède donc des volontés individuelles, librement associées par un contrat social. C’est l’idée qu’on passe un contrat avec d’autres, ce n’est pas un corps inné auquel on appartient. Plus tard, cette conception est encore plus formalisée par l’historien français Ernest Renan qui insiste sur l’idée que la nation doit surtout être appréhendée à travers le concept de volonté commune, selon lui, « l’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de la vie ». La nation implique un choix personnel, une adhésion volontaire et consciente de la personne, elle est donc une création abstraite. C’est la raison pour laquelle Robespierre récuse l’idée selon laquelle le roi puisse être le représentant de la nation, pour lui il est son délégué car il n’a pas été librement choisi par elle.

Cette définition contractuelle a des impacts sur la nationalité qui n’est pas considérée comme un déterminisme naturel, on ne nait pas français, on le devient. Dans la logique des révolutionnaires de 1789, pour être français il faut proclamer son attachement aux grands principes de la Révolution, à la DDHC et à la Constitution de 1791. Pour signifier cela, le décret du 26 aout 1792 érige certaines personnalités étrangères au rang de citoyen d’honneur français. Dans cette optique révolutionnaire, on admet que la nationalité puisse se perdre dès lors que le citoyen renie les principes de la Révolution. Cette perspective refuse toutes discriminations fondées sur l’origine, la religion, les croyances, la race, … car basée sur l’idée de volontarisme. On construit un avenir commun.

  1. La théorie organique de la nation.

Herder (1744-1803) et Fichte (1762-1814), philosophes allemands, théorisent l’approche organique de la nation pour contester la conception française issue des Lumières. Pour eux, la nation n’est pas librement consentie, au contraire, elle est une donnée naturelle qui s’impose aux individus, on subit la nation parce qu’on y est né, on possède une certaine filiation, parle une certaine langue. La nation reflète l’authenticité d’un peuple, de ses coutumes. Fichte voit, dans la langue allemande, l’incarnation même de la nation. Herder développe la même idée, la nation est une réalité naturelle dont les fondements linguistiques sont primordiaux. La nation est une tradition enfermée dans un passé particulier, elle est partagée par une communauté spécifique et non pas par tout le monde, elle est donc unique, elle a des organes fondant son unicité, hérités de générations en générations : la langue, la religion, le sang, certaines traditions et coutumes, la race. Cette approche suppose que la nation ait des frontières bien définit qui s’arrêtent ou la langue, la race, … changent. La nation se fonde ici sur le droit du sang. L’Etat n’a rien à voir à cette conception.

Des approches du nationalisme questionnent le rapport de la nationalité avec des coutumes, une race, une langue commune, est-ce une construction à caractère historique dans laquelle l’Etat joue un rôle fondamental ?

  1. Les tenants du Nation-Building.

L’idée majeure ici est que l’Etat construit la nation. En effet, pour les modernistes, le nationalisme est le processus d’émergence d’une communauté nationale qui prend forme lorsque l’unité politique est congruente avec l’unité culturelle c’est-à-dire lorsque l’Etat couvre et façonne sur son territoire une même population avec une unité culturelle. La nation est ici un processus de construction identitaire à caractère historique auquel contribue activement l’Etat. L’Etat a structuré une communauté sur des bases nationales et a donc crée le fait national. Il existe deux tendances.

  1. La nation comme produit de la modernité.

Le terme nation provient de natio, naitre, en référence à ceux qui ont une naissance commune mais la réalité nationale ne prend forme qu’avec l’entrée dans la modernité étatique (XIXème). C’est l’idée que soulignent Gellner et Deutsch. Gellner explique « l’encrage moderne de la nation »,à l’époque de l’AR, on a, selon lui, une société de castes, d’ordres, très différenciés. La « basse culture hétérogène » est le petit peuple. Dans cette considération, les élites et le peuple sont fortement différenciés, mais entre chaque segment de la société il y a aussi peu d’échanges et le système d’enseignement est très localisé et passe surtout par l’apprentissage de la coutume. Gellner dit que la nation ne pouvait pas exister dans cette configuration car rien n’oblige les individus à entrer en contact les uns avec les autres, la société est très stratifiée, les échanges sont limités, la mixité sociale est faible, la population relève surtout d’une économie de subsistance et on a très peu besoin des autres matériellement pour exister. La Révolution industrielle favorise la mobilité des personnes et l’essor de l’idée de progrès, naissent des besoins d’échanges marchands de plus en plus grands, la nécessité de maitriser le savoir technique et cela incite les individus à acquérir une éducation plus poussée, encouragés par l’Etat qui devient « le maitre d’œuvre du progrès » et l’école qui en devient le garant. Pour Gallner, c’est sur les bans de l’école que nait la nation en imposant à tous un savoir commun, une langue unique, indispensables au progrès, ainsi qu’une mémoire commune. Le nationalisme résulte donc d’un processus de modernisation économique lié à l’industrialisation, rendant nécessaire une hausse du niveau global de l’éducation pris en charge par l’Etat afin de diffuser sur le territoire une culture et une identité nationale commune. Deutsch insistait avant Gallner sur l’importance du développement économique dans l’émergence de la nation. Il souligne que le nationalisme ne peut émerger que dans les sociétés modernes, ou il existe un brassage de population résultant de l’industrialisation qui favorise l’urbanisation, en somme, le nationalisme est en grande partie le fruit du matérialisme capitalisme, de l’extension des société industrielles, des échanges marchands, … favorisant les rencontres entre individus, l’unicité linguistique. L’Etat joue dans ce contexte un rôle singulier car il accompagne le progrès de l’économie, favorise l’œuvre unificatrice de ce progrès sur une base nationale par l’école et en particulier l’alphabétisation. Mais aussi, selon lui, du fait du rôle de l’Etat dans l’essor des moyens de communication et, en particulier, le développement des réseaux de transport, unifiant le territoire sur une base nationale, de la participation de l’Etat dans la guerre de deux façons : il fait de plus en plus la guerre au nom d’une nation supposée menacée mais aussi parce que l’économie de guerre constitue un tremplin à l’unification nationale (construction de routes, de ponts, …). Cette idée pose certaine question : suffit-il d’être dans des sociétés modernes avec un rôle particulier joué par l’Etat pour qu’une conscience nationale se développe ? Le développement de la modernisation affect les populations localement, cela suscite-t-il un sentiment d’appartenance à la nation ? Cela peut au contraire générer le fait qu’ils adhèrent à autre chose. C’est par exemple le cas des basques qui s’opposent à la modernité Castillane qui est selon eux la perte de leurs valeurs, de même pour les corses qui rejettent la logique de l’Etat nation centralisateur.

L’approche de Benedict Anderson est quelque peu différente, il conçoit la nation comme un affect. La nation est un construit matériel auquel participe l’Etat mais elle est aussi propice à des affects fortement investi par lui. Anderson développe l’idée de communalisation: un sentiment subjectif par lequel on se sent appartenir à une même communauté. Pour lui, la nation est « une communauté politique imaginée » qui met en rapport les individus entre eux en dépit quelque fois de la grande distance physique qui les sépare. En effet, la nation réunit les individus mentalement, dans l’imaginaire, alors qu’ils ne se connaissent pas forcément les uns les autres. D’où vient cette unité mentale ? Anderson évoque la révolution de l’imprimerie, une technologie de communication faisant naitre le capitalisme. Ce capitalisme éditorial permet de diffuser sur une large échelle une culture de l’écrit qui devient accessible au plus grand nombre et, progressivement, une transformation radicale s’opère car, au même moment et dans des lieux très différents, des individus partagent une même langue et une même actualité par ce biais, cette actualité va progressivement s’enraciner dans les mémoires collectives et fonder une conscience nationale. L’Etat est ici important car il soutient le développement de cette presse. Il favorise aussi la cartographie d’Etat, les pratiques de recensement de population, les musés d’Etat, et ainsi, contribue activement à matérialiser une identité nationale.

  1. L’approche primordialiste.

Cette école se développe surtout aux Etats-Unis à partir des années 60, la nation est une donnée et non pas un construit, elle s’enracine dans les théories de la nation organique. Elle n’est pas le produit de l’Etat et liée au développement économique mais préexiste à tout cela. En effet, elle reposerait sur des liens primordiaux, une identité ethnique. Deux auteurs développent cette approche : Milton Gordon et Walker Connor. Selon Gordon, le nationalisme est une source de passion, la nation puise sa source dans des items culturels et sociaux auxquels les individus sont fortement attachés, l’Etat n’invente pas les nations mais installe son développement sur les fondements de l’ethnie et donc sur ces items culturels et sociaux. Il essaie d’abord de lutter contre ces fondements et s’y adapte ensuite pour fonder les nations. La nation n’est donc qu’une forme modernisée de l’ethnie ancienne, Gordon indique que « la nation est une ethnicité incorporée aux soi de l’individu », elle repose donc sur un ensemble de legs dont nous héritons, que nous partageons depuis notre enfance avec d’autres et qui finissent par faire partie de notre individualité. Mais quelle est la différence entre l’ethnie et la nation ? Connor essaie de clarifier cela. Il critique tout d’abord Gordon, car selon lui, on ne peut considérer la nation que comme le développement d’une forme particulière d’ethnicité qui serait déjà là, car pourquoi les conflits ethniques perdureraient si la nation faisait disparaitre les ethnies ? Pour Connor, un groupe ethnique est distinguable de l’extérieur car il partage des traits communs mais, pour qu’une ethnie devienne une nation, il faut que ce groupe devienne lui-même conscient de lui-même. Ce processus de prise de conscience a lieu par la violence infligée par un autre, qui nous agresse, elle alimente une vision de l’autre en tant qu’ennemi. Malgré tout, une nuance est à apporter car ce processus de conscience nationale ne résulte pas uniquement d’une agression physique mais aussi d’une agression plus symbolique de l’Etat.

Section 3: L’Etat nation est-il dépassé ?

  1. La souveraineté de l’Etat ?

Les profondes transformations affectant depuis quelques décennies la scène internationale remettent au moins partiellement en cause l’autorité des Etats nations qui doivent de plus en plus concéder des part de souveraineté du fait de la puissance considérable de certaines entreprises privées à caractère multinational employant parfois des dizaines de milliers de personnes, touchant des millions de consommateurs et ayant des chiffres d’affaires dépassant parfois celui de certains PIB. Dans le même temps, un processus de régulation normative de la circulation des biens et des capitaux s’opère de plus en plus, non plus dans le cadre des Etats mais dans le cadre d’organisation mondiale. Les Etats voient ainsi leurs marges de manœuvres diminuer. De nombreux flux financiers échappent de plus en plus à leur contrôle. La capacité réglementaire des Etats se réduit car il devient compliqué pour eux de définir seul des politiques publiques qui soient entièrement autonomes et souveraines, sans prendre en considération une multitude d’acteurs public et privé à l’échelle nationale et internationale, l’Etat agit donc de plus en plus en interaction dans le cadre d’un processus de construction collective de l’action publique. La construction de l’UE le montre car les Etats lui ont cédé une partie de leur souveraineté. Cette concurrence de la souveraineté des Etats s’opère par le haut (UE) mais aussi par le bas, en effet, pendant très longtemps les questions de sécurité en France ont été des affaires d’Etat. Depuis les années 70, on a vu se développer les polices municipales, concurrencées par le secteur privé de la sécurité qui compte plus en nombre que la police nationale. Dans le domaine de la justice, les Etats sont de plus en plus concurrencé par les procédures d’arbitrage auxquelles recours, tant au niveau international que national, des entreprises et des acteurs privés. Est-ce forcément un désengagement de l’Etat ? Quelques fois oui car l’Etat ne veut plus assumer seul le cout et la complexité de certains enjeux mais, c’est aussi une nouvelle forme de gouvernance car certes l’Etat délègue une partie de ses pouvoirs mais il continu à contrôler le secteur délégué. Le monopole des Etats dans la conduite des relations internationales est de plus en plus fragilisé de part la montée en puissance d’un nombre croissant de protagonistes non étatiques jouant un rôle déterminant sur la scène internationale (montée en puissance des réseaux terroristes, …). L’accentuation de la mobilité générale de la population à l’échelle de la planète ou encore l’essor des nouvelles technologies de communication mettent à mal la capacité des Etats nation à contrôler les flux de personnes et d’information.

  1. Une crise de légitimité de l’Etat ?

Le modèle de l’Etat providence apparait de plus en plus en difficulté du fait des prestations qu’il octroi ne freinant pas les phénomènes d’exclusion. De plus, les valeurs individualistes triomphent et remettent en cause les valeurs sur lesquelles se fondait l’Etat providence, celles qui le légitimaient : les valeurs individuelles remettent en cause les valeurs solidaires, égalitaire, de justice, défendu par l’Etat providence. Cette crise de légitimité s’explique par l’absence de confiance dont ferait de plus en plus l’objet l’Etat et plus particulièrement ses représentants. Mattei Dogan souligne une perte de confiance de plus en plus importante chez les citoyens vis-à-vis des représentants de l’Etat, qui considèrent de plus en plus que leurs représentants sont corrompu. Dogan explique ce phénomène par l’idée que cette perception est de plus en plus alimentée par une vie politique devenant chronique judicaire car les médias ne font que relayer une multitude d’affaires politico-financière impliquant généralement les plus hauts représentants de l’Etat. L’accentuation du discrédit des représentants de l’Etat se fondent aussi sur l’idée que l’on conteste de plus en plus leur compétence et leur efficacité. Selon Dogan cette croyance s’enracine dans le décalage existant entre la rhétorique des Hommes politiques (« je vais changer les choses ») et les conditions difficiles vécues par un grand nombre de gouvernés qui voient que l’action de l’Etat ne change rien à leur quotidien, d’où aussi la récurrence des sondages montrant cette perte de confiance. La crise de légitimité de l’Etat renvoie peut-être aussi à la banalisation de l’Etat en tant qu’instance de régulation du politique, peut-être qu’on n’attend plus rien de l’Etat et cela se voit de part la hausse du taux d’abstention, le taux faible de syndicalisation. Existe-il un désenchantement démocratique ? Pas forcément, peut être que les modes de participation politique deviennent plus individuels, associatifs, … La crise de légitimité de l’Etat se manifeste aussi à travers l’activation ou la réactivation de revendications communautaires contre lesquels l’Etat s’était anciennement imposé (nationalismes périphériques qui utilisent la violence pour contester la logique de l’Etat (Basques, …)) et des revendications culturelles liées à une réactivation des communautarismes religieux.

Chapitre 2 : Les idéologies et doctrines politiques.

INTRODUCTION

Les idéologies et doctrines politiques constituent le cadre du politique parce qu’à travers elles, les Hommes tentent de répondre à des questions essentielles, comment accepte-t-on de vivre ensemble ? Comment accepte-t-on l’existence d’un pouvoir ? Des questions essentielles qui engagent le rapport gouvernants/gouvernés. Les idéologies et doctrines politiques sont des représentations collectives et gouvernée politiquement les sociétés.

Section 1 : Le libéralisme.

Le libéralisme englobe de nombreuses choses.

  1. Les fondements du libéralisme politique.

Le libéralisme comme doctrine de philosophie-politique se développe au XVI-XVIIème siècle en relation avec des idées politiques hostiles à l’absolutisme qui contestent le développement du pouvoir monarchique qui a tendance à engendrer la tyrannie et le despotisme du fait d’une concentration trop forte du pouvoir et de l’abus de ce pouvoir. Ce courant de pensée prend donc pour cible les Etats qui veulent exercer une domination sur l’ensemble des sociétés, qui se structurent sur un mode autoritaire et qui portent ainsi atteinte à l’autonomie individuelle et ne respectent pas les droits naturels.

Sur le plan religieux, cela se traduit par la mise en avant de la liberté de conscience ; l’idée selon laquelle l’Etat ne doit pas être sous la tutelle de l’Eglise et surtout que l’on doit garantir à chaque individu le droit de trouver son salut comme il le souhaite. C’est notamment le sens de la déclaration américaine du 4 juillet 1776, très influencée par la philosophie des Lumières, qui évoque le droit de chacun à la recherche du bonheur.

Sur le plan politique, le libéralisme pousse jusqu’au bout l’idée contractualiste de la formation de l’Etat par un Contrat social. En effet, si les Hommes ont eux-mêmes institués l’Etat pour les protéger et garantir leurs droits alors cela implique que l’Etat ne doit pas menacer les Hommes ni mettre en danger leur bien le plus précieux qu’est la liberté. Ainsi, l’idée de limitation de la souveraineté de l’Etat se pose, cela a des conséquences importantes sur l’agencement des institutions : elles doivent être représentatives, le culte du droit et de la loi doit régner (« rule of law »). D’où la valorisation des assemblées législatives, au travers de laquelle on refuse de se voir imposer un pouvoir absolutiste, qui élabore et applique seul les lois. De plus, les institutions de l’Etat libéral doivent aussi être agencées d’une certaine manière afin d’éviter que l’une d’elle s’impose sur les autres, d’où la nécessité de séparation et d’équilibre des pouvoirs (« checks and balances »). Locke développe une pensée libérale en termes d’organisation des pouvoirs politiques qui s’oppose donc au pouvoir absolutiste, sa pensée est anticléricale au nom du principe de tolérance et favorable au laisser-faire économique, elle se fonde sur la philosophie des droits de l’Homme qui trouve une application concrète en France de part la DDHC qui met en forme les idées libérales. Au XVIIème, l’idée selon laquelle les individus ont des droits naturels se développe, nulle autorité ne peut leur contester, ces droits sont attachés à la nature humaine et ainsi ils ne peuvent être ni limité ni contrarié par l’Eglise ou le pouvoir, et considérés comme antérieurs à la loi positive. Au XVIIIème siècle l’idée se développe d’inscrire ces droits naturels dans une déclaration écrite dans le but de transformer les droits de l’état de nature en droit positif auquel pourront se référer certaines juridictions pour protéger les droits naturels. La DDHC française n’est pas la première mais reste l’une des plus importantes, elle devient une référence absolue pour toutes les élites du monde cherchant, au nom du libéralisme, à s’attaquer au pouvoir monarchique autoritaire. Les 3 droits incontournables dans lesquels la DDHC s’ancre sont :

  • La liberté individuelle, trait essentiel de l’Homme, est défini par la DDHC comme « tout ce qui ne nuit pas à autrui », sa seule borne est donc la liberté des autres. La loi ne peut donc pas la restreindre mais doit la garantir. La DDHC protège l’autonomie individuelle.
  • La propriété, considérée comme une condition de la liberté parce qu’elle est, selon Locke, « le fruit du travail de l’individu » et donc son bien propre, elle fait alors partie de l’autonomie individuelle. Sa seule limite est la nécessité publique.
  • Le droit de résistance à l’oppression/à l’insurrection contre tout pouvoir qui outrepasserait sa fonction juste. Constant (1767-1830) théorise le principe de « désobéissance civile », la désobéissance devient une obligation morale lorsque les législations bafouent les droits naturels.

Le principe d’égalité est un fondement du libéralisme (car opposé au pouvoir monarchique absolu) mais deux idées limitent l’égalité :

  • Le principe d’égalité n’est pas véritablement reconnu comme un droit fondamental imprescriptible parce que les révolutionnaires libéraux reconnaissent qu’elle n’existe pas dans l’état de nature. Elle est un idéal philosophique qu’il faut essayer d’atteindre afin de garantir au mieux tous les autres droits.
  • De plus, les révolutionnaires libéraux ne souhaitent pas promouvoir une égalité de condition et même si l’Etat doit essayer d’interdire les inégalités les plus injustes, il n’a pas vocation à supprimer les inégalités inscrites dans l’état de nature. Cela justifie un libéralisme économique en accord avec le libéralisme politique. La notion d’égalité est cantonnée au domaine de la citoyenneté et du politique et ne doit pas affecter les domaines économiques ou le marché. La DDHC essaye de faire un lien fort entre liberté et égalité. Si on considère que la liberté est totale plus rien n’unira les individus, l’égalité en droit tente de redonner une unité forte dans l’ordre du politique mais cette unité n’existe que dans l’égalité de droit et pas dans les autres égalités (politiques, financières, …).

Pour que les droits prônés par la DDHC s’appliquent il faut une organisation spécifique du pouvoir qui repose sur : l’idéal de la nation, le principe de la séparation des pouvoirs et le principe de constitutionnalisme.

  • L’idéal de la nation: la DDHC affirme que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation, nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». Ainsi, la protection des droits et la recherche du bien commun supposent la reconnaissance de la nation comme lieu de souveraineté. L’assemblée nationale incarne cette nation.
  • La séparation des pouvoirs: la DDHC affirme que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution »cela permet d’éviter le pouvoir d’un seul.
  • Le constitutionnalisme: il est la technique consistant à établir et maintenir des freins effectifs à l’action politique et étatique. Il se substitue au gouvernement des Hommes, la loi est un moyen d’émancipation de l’individu, elle est fondée sur la raison et assure une sécurité juridique à chacun. Il permet aussi de limiter l’action du gouvernement ses pouvoirs s’arrêtent là où commence la sphère privée des individus.

Pour autant, le respect de la DDHC et des principes de l’Etat de droit ne sont pas l’unique composante du libéralisme. En effet, la sphère d’intervention de l’Etat doit y être la plus minimaliste possible. La société civile, incarnée par l’idée de marché, doit être la seule à réguler le comportement des Hommes, ainsi, l’Etat ne doit pas intervenir dans l’ordre naturel et spontané des choses. Il se distingue en cela du libéralisme économique.

  1. L’unité de pensée libérale : du libéralisme politique au libéralisme économique.

La philosophie libérale est aussi liée à l’idée de marché, le libéralisme acquiert cette dimension économique à partir du XVIIème siècle. Avec le développement des échanges marchands certains penseurs libéraux s’appuient sur la philosophie libérale pour développer une théorie de la régulation autonome de la société par elle-même. L’économie est ici une nouvelle façon de comprendre et d’expliquer le lien social. En effet, le marché est considéré comme le régulateur de la société. Derrière cette idée on retrouve les fondements de libéralisme politique, en effet, les idées de marché et de libre échange sont en adéquation avec les idées de tolérance, de liberté morale, car cela participe d’un même refus de voir s’imposer l’autorité sur les individus, de garantir l’autonomie individuelle. Cette dernière est fondée sur la délégation de toutes les souverainetés absolues dans le domaine politique et le domaine économique (protectionnisme, interventionnisme). Cette unité libérale se retrouve chez les penseurs du libéralisme dans la mise en avant des vertus du commerce, les démocraties ne peuvent prospérer que là où l’on trouve des économies ouvertes propices aux échanges commerciaux. Montesquieu développait déjà cette idée d’ouverture des économies, « partout où il y a du commerce il y a des mœurs douces » le commerce favoriserait la paix. On ne peut donc plus distinguer le libéralisme économique du politique :

  • Il est impossible que l’intérêt particulier ne concoure pas à l’intérêt général : Turgot formule déjà cette idée tout comme Adam Smith (1723-1790) qui avance la théorie de la « main invisible » selon laquelle il est impossible qu’en poursuivant son propre intérêt, « chacun ne soit pas amené à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions ». C’est donc le marché, les échanges, qui fonctionnent comme des mécanismes de régulation. Ces derniers permettent de coordonner automatiquement les intérêts individuels permettant ainsi de contenter les besoins de chacun tout en aboutissant à la réalisation d’un intérêt général. La confrontation de toutes les offres et demandes dans le cas de l’autonomie individuelle fait dépendre chacun des autres et non pas de l’Etat.
  • La concurrence est bénéfique selon Sieyès par exemple, « ne sait-on pas que tout ouvrage dont on éloigne la libre concurrence sera fait plus chèrement et plus mal », c’est ce qu’affirme aussi Smith, la concurrence permet au mécanisme des prix de jouer son rôle régulateur. Frédéric Bastiat développe aussi la même idée « La concurrence par son action inaperçue mais incessante ramène un équilibre sanctionné par la justice et plus exact que celui que tenterait vainement d’établir la sagacité faillible d’une magistrature humaine ».En effet, lorsqu’il y a de la concurrence les mécanismes du marché, spontanés et fluides, valent bien mieux que la loi des hommes. Si on laisse faire les choses, ces mécanismes sont automatiques et impersonnels tandis que la loi des Hommes dépend de leur appréciation, ils peuvent se tromper ou même vouloir tromper. Sur la base de ces deux principes, le rôle de l’Etat se trouve diminué. Si les intérêts privés amènent à l’intérêt général, alors l’État n’incarne pas l’intérêt général mais l’empêche voire l’usurpe. Si, parallèlement, la concurrence est un bienfait alors il faut la laisser faire car toute intervention de l’État risque de vicier la concurrence libre et naturelle. Chez les libéraux, on peut au mieux considérer que l’État garantit le bon fonctionnement des mécanismes marchands et fluidifie les échanges.

Mais cette doctrine libérale souffre de quelques limites :

  • Le monopole: paradoxalement, dans la thèse libérale, on affirme la centralité. Le fonctionnement du marché est éloigné de cette concurrence libre car un grand nombre d’activités industrielles sont à rendement croissant. Ainsi, dans certains secteurs, les coûts de production d’un produit diminuent à mesure que la production augmente. Il y a toujours le risque de voir se constituer un monopole économique dans un secteur, « un renard libre dans un poulailler libre ». On introduit l’État dans le jeu économique et on brise la doctrine du laisser faire. Le monopole est une conséquence négative du laisser-faire économique et le seul remède est l’intervention de l’État afin que le marché demeure potentiellement ouvert à tout acteur. On considère donc que l’intervention de l’État est légitime car on ne peut s’en passer.
  • Les externalités négatives: cette notion a été mise en avant par l’économiste britannique Alfred Marshall (1842-1924). Selon lui, chaque acteur économique cherche légitimement à satisfaire son propre intérêt mais la manière dont ils le font peut avoir des conséquences néfastes sur les autres. Contrairement à ce que mettent en avant les libéraux, cela implique que les intérêts privés ne sont pas forcément en adéquation avec l’intérêt général. Ces phénomènes invitent l’État à intervenir en imposant des taxes, des malus (4X4, …) afin de contraindre certains acteurs lorsque leur comportement est nuisible aux autres.

Libéralisme politique et libéralisme économique vont de pair, ils témoignent du rejet de la figure tutélaire de l’État dans sa prétention à vouloir diriger. C’est une pensée apolitique partagée par Adam Smith. On refuse l’intervention volontariste de l’État dans la définition du social. Pour Marx l’État sera amené à dépérir lorsqu’il n’y aura plus de confrontation des classes. Ce qui divise les penseurs du libéralisme c’est la place accordée à l’État. Ce dernier doit se contenter de protéger la liberté des individus mais peut-il intervenir et, à quel niveau, dans la sphère sociale ? Il peut intervenir pour aider les plus pauvres, c’est par exemple l’idée de discrimination positive que défend Rawls.

  1. La radicalisation de l’idée libérale : les libertariens.

Chaque individu a, sur lui-même, un droit de propriété absolue et l’Etat, parce qu’il impose le plus souvent des choses illégitimement aux individus, doit être rejeté. En effet, l’Etat a la prétention d’imposer à chacun le bien commun, or, pour les libertariens, c’est le bien individuel qui compte. Ainsi, ils associent le libéralisme en tant que pensée politique avec le capitalisme (pratique économique). Les libertariens refusent le jeu démocratique car ils considèrent que celui-ci est l’exploitation des minorités par la majorité et donc un rapport de force immoral, or, nous sommes en droit de nous attaquer à tous ceux qui violent les libertés des individus, dans la limite des innocents auxquels il ne faut pas porter atteinte. Mais, tant qu’il s’agit de l’Etat, ce droit de légitime défense peut s’appliquer et tout ce qui ne repose pas sur le consentement des individus peut faire l’objet de ce droit. Malgré tout, ce dernier reste virtuel, l’essentiel de la vue des libertariens concerne le débat d’idée, pour eux, l’enjeux est de réaliser une révolution culturelle à l’issu de laquelle le marché sera considéré comme le remède à tous les problèmes que l’Etat génère par ses interventions. Le but poursuivi est de faire pression sur les Hommes politiques pour qu’ils mettent en œuvre des politiques publiques orientées vers un désengagement de l’Etat. Sébastien Caré considère que si l’individu dispose d’un droit naturel de propriété sur lui-même alors rien ni personne ne peut justifier la violation de ce droit. Ainsi, le principe de la concurrence respecte d’avantage ce droit de propriété que le contrôle de l’Etat et ainsi la concurrence doit être sans entrave. De plus, les libertariens contestent la nécessité même de l’Etat car ils considèrent que la liberté contractuelle et la responsabilité individuelle de chacun permettent de mieux répondre à tous les problèmes. Enfin, tout ce qui se fait sans l’accord de l’individu est injuste et donc, au contraire, tout ce qui repose sur le souhait de l’individu est légitime. L. Spooner dit que « tout gouvernement n’est qu’une association secrète de voleurs, tyrans et assassins dont le but est de voler et asservir ». Les plus extrémistes des libertariens prônent, comme l’économiste M. Friedman, le désengagement total de l’Etat, la privation de tous les secteurs de l’économie et l’abolition de toutes les contraintes qui pèsent sur le marché du travail. D’autres, tel que R. Nozick, prônent l’anarchocapitalisme, un monde dans lequel toutes les fonctions aujourd’hui assurées par l’Etat seraient privatisées. Au contraire, le marché est la seule chose dans laquelle l’individu peut s’épanouir, les minorités y échappent à la tyrannie de la majorité, les promesses d’autonomie individuelle peuvent le mieux s’y réaliser. Cette thèse contient donc une forte dimension utopique mais donne tout de même lieu à des manifestations concrètes (sort de l’arbitrage privé pour régler les litiges sans passer par les voies étatiques, …).

Section 2 : Le refus traditionnaliste du libéralisme.

  1. Le conservatisme.

Il est une attitude politique qui souhaite la conservation de l’ordre social et politique existant mais il est aussi une doctrine intellectuelle devenue consciente d’elle-même au moment de la Révolution française. En effet, certains intellectuels ne supportaient pas la Révolution et les bouleversements qu’elle impliquait, la remise en cause des institutions qui existaient, les principes mis en avant et condamnaient des événements révolutionnaires ayant fait éclater la société traditionnelle et la monarchie. Parmi eux, E. Burke a dénoncé des événements de la Révolution ainsi que les principes sur lesquels s’appuyait celle-ci (philosophie des Lumières, idée de confiance dans le progrès et donc la modernité au nom de l’autorité de la société monarchique). Ce refus des fondements de la Révolution française, de ses procédés et de ses résultats fait du conservatisme une pensée contrerévolutionnaire, traditionnaliste et réactionnaire. De même que Burke, J. Demaistre et L.S De Bonald préconisent la nécessité de restaurer la monarchie absolue en France et mettent en avant le rôle de la providence (Dieu) contre le rôle de la raison mis en avant par les révolutionnaires, …

En résumé, le conservatisme met en place une triple critique de la Révolution et du libéralisme : une critique épistémologique, d’ordre politique et de nature sociologique.

  • Epistémologique: pour les conservateurs, la raison est extérieure à l’individu et est donc liée à la providence, seul Dieu a raison et donc le pouvoir de décider de la conduite et du devenir des Hommes.
  • Politique: les révolutionnaires ouvrent le pouvoir à tous, ainsi, selon les conservateurs, c’est pour cela qu’ils récoltent l’anarchie et le malheur (événements de la Terreur). Ce qui assure la stabilité politique n’est pas de faire participer tout le monde à l’exercice du pouvoir mais le respect de la coutume et de la tradition.
  • Sociologique: pour les conservateurs, l’individualisme moderne est néfaste au fonctionnement de la société. Elle n’est pas un agrégat d’individus autonomes mais un corps uni qui n’obéit pas au désir de chacun mais à des règles stables et immuables.

Ces 3 critiques ont un trait commun : l’individu doit se soumettre à un ordre qui le dépasse, un ordre religieux, transcendant et monarchique et ne doit pas chercher à s’en affranchir car il permet de bien réguler la société. On peut distinguer un conservatisme libéral d’un traditionalisme conservateur. Le conservatisme libéral se trouve par exemple en GB (parti Tory qui soutient la monarchie et ses valeurs monarchiques). Ce conservatisme est très pragmatique et sait s’associer au libéralisme. En revanche, en France, le conservatisme connait surtout une radicalisation sous la forme d’un traditionalisme s’éloignant du pouvoir. Cette confusion entre conservatisme et traditionalisme se confond rapidement avec l’extrême droite et l’action française qui développe pendant toute la IIIème République une pensée insistant sur la société d’ordre, le refus des juifs, le nationalisme et un catholicisme exacerbé.

  1. L’utopisme socialiste et anarchiste.

Il n’est pas à proprement parlé une critique du libéralisme. En effet, la forme d’idéologie socialiste que promeuvent P-J Proudhon ou encore M. Bakounine se mari bien avec le libéralisme si on considère ce dernier comme la sauvegarde de l’autonomie individuelle contre toute forme de système de pouvoir, qu’il renvoie à la défense des libertés fondamentales et qu’il est le repli de l’Etat dans une sphère minimale. Mais ici, la critique porte essentiellement sur le mode de production et de développement choisit par le libéralisme : le capitalisme. Il est présenté comme un danger menaçant les libertés individuelles.

L’utopisme de Proudhon, ou utopisme libertairedéfend la liberté totale de l’individu contre toute forme d’autorité, en même temps, il entend réaliser une démocratie socialiste ayant pour objectif de mettre fin aux inégalités sociales les plus importantes par l’exercice d’une forme de solidarité entre les individus. Proudhon veut donc concilier liberté et socialisme impliquant à ses yeux une Révolution sociale pour abattre les deux carcans de la liberté : l’Etat et le système capitaliste. Il considère que l’Etat suit à travers l’histoire un mouvement quasi ininterrompu d’expansion et de centralisation du pouvoir et, de ce fait, il est amené à s’imposer sur la société civile. Par conséquent, au lieu de se cantonner dans un rôle d’arbitre entre les intérêts privés, à des fonctions strictement régaliennes, il devient peu à peu une force indépendante concentrant entre ses mains toute la puissance politique. Peu à peu il devient donc un instrument d’oppression de part sa force et sa forte centralisation, empiétant sur la liberté individuelle. Mais, au nom de l’autonomie et de la liberté individuelle, Proudhon critique aussi le système économique libéral. Il énonce que « l’individualisme est le fait primordial de l’humanité » or, si c’est le cas, « le capitalisme n’assure aucunement la liberté et l’autonomie de chacun » parce que le système capitaliste formerait un système oppressif, dans lequel l’immense majorité des travailleurs est exploitée par une minorité qui dispose du capital : « la propriété c’est le vol ». Mais Proudhon ne s’en prend pas au principe même de propriété mais à son usage égoïste qui place les travailleurs sous la domination des employeurs. Malgré tout, il se démarque de la plupart des socialistes de son époque, en effet, pour lui, un système collectiviste ne constitue pas une alternative viable, idéale, au capitalisme libéral. Ce système interdirait à la fois la propriété individuelle et le profit, c’est pour cela que Proudhon s’en prend au communisme. Selon lui, le communisme remplacerait seulement le système d’oppression capitaliste par un autre système d’oppression, étatique, dans lequel tout dépendrait d’un Etat fort et centralisé. Ce refus conduit Proudhon à promouvoir un projet selon lui réaliste : l’organisation mutualiste de l’économie. Le mutualisme proudhonien est un nouvel ordre reposant sur une organisation autogérée de l’économie. Comme Marx, Proudhon estime que l’exploitation des travailleurs a un fondement économique et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il considère que les réformes politiques que l’on peut entreprendre n’auront qu’un effet très limité sur l’économie capitaliste. C’est pour cela que Proudhon s’oppose à la démocratie représentative qui n’est pas véritablement le gouvernement du peuple mais un système permettant aux classes dominantes de masquer leur exploitation des plus faibles. C’est pour cela que Proudhon appelle les travailleurs à se séparer de l’ordre bourgeois notamment en refusant le système de l’élection parlementaire permettant le soutien au système capitaliste et à la représentation. Il prône une véritable démocratie ouvrière. Pour cela il prend comme modèle les associations ouvrières, le modèle des coopératives ouvrières de production lui apparaissant idéale pour favoriser l’émancipation des ouvriers. Ces dernières sont organisées selon le principe du mutualisme qui devrait être étendue à toute la société. Ce mutualisme repose sur un échange égalitaire et librement consentie de chacun dans le travail. Ainsi, on considère que le travail favorise la liberté, l’autonomie individuelle et l’accomplissement de chacun. On récuse donc l’idée de patronat au profit de l’autogestion. Proudhon précise qu’il y a mutualisme « quand dans une industrie, tous les travailleurs, au lieu de travailler pour un entrepreneur qui les paye et garde leurs produits sont censés travailler les uns pour les autres, et concourent ainsi à un produit commun dont ils partagent les bénéfices ». La nouvelle société que prône Proudhon repose donc sur deux piliers philosophiques :

  • Le principe d’égalité entre les individus qui est à la base de la solidarité entre les individus. On rejette donc les comportements strictement matérialistes, la quête effrénée du profit. Au contraire, le travail renvoie à un engagement volontaire dans le respect d’un échange mutuel visant à produire une œuvre commune dont chacun tirera des bénéfices ;
  • Le principe de pluralisme permettant de s’opposer à toute hiérarchie dans le domaine économique. Contrairement aux socialistes, il est favorable à l’indépendance des petites unités de production (les ateliers) et au maintien d’un système concurrentiel dans l’établissement des prix des produits.

Le XVIIIème siècle est philosophiquement le siècle de l’individu, le XIXème est plus le siècle des doctrines sociales. De ce double héritage émerge, à la fin du XIXème siècle, un nouveau discours révolutionnaire : l’anarchisme révolutionnaire. Les anarchistes sont nombreux et différents mais se rejoignent autour d’une conviction commune : la source de toute oppression réside dans les structures d’autorité qui exercent elles-mêmes une emprise arbitraire et insupportable sur les individus. En France, l’anarchiste Sébastien Faure définit l’anarchie comme « la négation du principe d’autorité dans l’organisation sociale et la haine de toutes les contraintes qui procèdent des institutions basées sur ce principe. L’autorité revêt 3 formes principales engendrant 3 groupes de contraintes 1. La forme politique : l’Etat, 2. La forme économique : le capital 3. La forme morale : la religion ». Contre ces 3 formes d’autorités, les anarchistes exaltent la spontanéité de l’Homme, sa liberté totale d’où la révolte violente mise en avant comme une nécessité. P. Kropotkine insiste sur cette spontanéité mais aussi sur la nécessité de faire appel à la violence : la mouvance insurrectionnelle, la justification de la violence partout où elle est nécessaire. La violence permet d’affaiblir les structures d’autorité. A la fin du XIXème siècle, cette mouvance est favorable à la propagande par le fait et prône donc l’assassinat et le terrorisme lorsque cela est nécessaire. « La révolte permanente par la parole, par l’écrit, par le poignard, le fusil, la dynamite, tout est bon pour nous qui n’est pas la légalité »(Kropotkine).

L’anarchisme revêt aussi une dimension antilibérale pour 3 raisons :

  • Le refus du contractualisme sur lequel se fonde la doctrine libérale. En effet, les anarchistes ont une conception de l’Homme et de la société qui est aux antipodes des philosophies du contrat social. Les principaux contractualistes considèrent dans leurs écrits que l’Homme est un être dégradé qui ne pourra pas seul régler les litiges susceptibles de l’opposer aux autres individus et c’est pour cela que ces auteurs justifient la création du contrat social au profit d’une puissance publique (l’Etat) qui sera seule capable d’assurer la sécurité de chacun et le bonheur de tous. Les anarchistes contestent cette conception, pour eux, l’Homme n’est pas dégradé, il sait satisfaire naturellement ses différents besoins sans porter atteinte à l’autre, il sait rechercher seul le bonheur et est donc apte à s’autogouverner. Dans cette perspective, la réalisation d’un contrat unique associant tous les individus est contraire à la justice car cela contribue à une dépossession du pouvoir que chacun a sur lui-même.
  • La dénonciation totale de l’Etat, l’Etat est pris pour cible parce qu’il s’oppose au spontanéisme de l’individu. Stirner explique que « l’Etat ne poursuit jamais qu’un seul but : limiter, enchainer, assujettir ». L’Eglise est d’ailleurs prise pour cible pour les mêmes raisons, elle affaiblirait le sens critique de l’individu.
  • Le rejet du capitalisme qui serait la source d’injustices entre les individus, il permet à quelques-uns seulement d’accumuler un grand pouvoir s’opposant au principe d’égalité entre individus. Ce rejet s’exprime souvent à travers les « black blocs » qui sont des groupuscules activistes, anarchistes et libertaires manifestant (rassemblements FMI, G8, …) pour combattre les forces de l’ordre (rejet de l’Etat) mais aussi les symboles du capitalisme en détruisant les vitrines des enseignes des multinationales, … Pour eux, ces acteurs sont aussi l’incarnation des dérives humaines et sociales.

Chapitre 3 : Les régimes politiques.

La notion de régime politique renvoie aux modalités d’organisation du pouvoir mises en place par l’Etat. Cela permet de distinguer à la fois des règles constitutionnelles et des modes de fonctionnement du gouvernement en lien avec l’architecture institutionnelle d’un Etat. Plus précisément, le politiste J-L Quermonne définit le régime politique comme l’ensemble des éléments d’ordre idéologiques, institutionnelles et sociologiques qui concourent à former le gouvernement d’un pays pendant une période déterminée. Pendant longtemps, la notion de régime politique a été au cœur de la réflexion des penseurs du politique, de la Grèce Antique jusqu’au XVIIIème, ces derniers sont obsédés par le fait de définir le meilleur type de régime politique possible. Au XXème siècle, on connait un tournant du fait du triomphe des régimes démocratiques dans lesquels on reconnait l’importance jouée par les partis politiques d’opposition, on convient de l’importance de la libre compétition électorale, de la liberté d’opinion, d’expression. Paradoxalement, on a dans le même temps l’apparition d’un nouveau type de régime : le totalitarisme.

Section 1 : Les classifications traditionnelles des régimes politiques.

Aristote, auteur de la célèbre formule « l’Homme est un animal politique », est soucieux de comprendre comment ce dernier agence les institutions pour gérer au mieux la cité. Il essaye donc de dresser une typologie en s’inspirant de Platon. Il analyse les différentes constitutions qu’il connait de l’Europe et les classe moralement. Il s’appuie sur 158 constitutions Grecques et Barbares, et essaye de distinguer les vertueuses, qui recherchent l’intérêt général, de celle qui ne sont pas vertueuses, qui recherchent l’intérêt des gouvernants. Il porte ainsi un jugement moral car les constitutions qui recherchent l’intérêt commun sont considérés comme justes et les autres comme injustes. Par la suite, Aristote établit un classement de 6 régimes différents en fonction de deux critères : le nombre de gouvernant et les objectifs poursuivis par le régime.

Nb de gouvernants

1

Plusieurs

Multitudes

Bon régime

Royauté

Aristocratie

République

Régime corrompu

Tyrannie

Oligarchie

Démocratie

« La tyrannie est une monarchie qui cherche l’avantage du monarque, l’oligarchie celui des gens aisés, la démocratie vise l’avantage des gens modestes ». Ainsi, la démocratie est comprise par Aristote comme le gouvernement des pauvres qui s’exerce à l’encontre des riches et il condamne cela. Par ailleurs, il appelle République le gouvernement de compromis qui n’exclue personne et vise l’utilité commune. L’idéal pour Aristote est l’aristocratie (étymologiquement le gouvernement des meilleurs). Elle est le gouvernement d’une élite éclairée, les plus capables intellectuellement mais aussi les plus fortunés généralement, qui œuvrent modérément pour le bien-être de la communauté dans son ensemble mais qui peut aussi rapidement devenir un régime corrompu quand vient à prédominer l’enrichissement personnel. Aristote ajoute à sa typologie une organisation des fonctions des régimes politiques. Il distingue 3 fonctions :

  • La fonction qui consiste à délibérer des affaires communes(fonction délibérante) ;
  • La fonction qu’il appelle régler la magistrature en Grèce (fonction exécutive) ;
  • La fonction qui amène à rendre la justice (fonction judicaire).

Il s’agit seulement d’une distinction fonctionnelle et non pas organique donc un même individu ou groupe d’individus peut assumer ces 3 fonctions. La classification proposée par Aristote s’applique à des régimes faiblement institutionnalisés. Aujourd’hui, la monarchie même absolue n’est jamais totalement le pouvoir d’un seul et la démocratie jamais totalement le pouvoir de tous. Généralement, le pouvoir est celui d’un petit nombre d’individus qui procède soit du peuple soit d’une minorité.

  1. Montesquieu (1689-1755).

Il s’inspire du modèle britannique dont il admire la place conférée à la chambre des Lords, le bicamérisme, solution pour échapper à la tyrannie d’une assemblée unique. Il s’inspire aussi du philosophe John Locke qui parle aussi des fonctions du pouvoir (législatif, exécutif et judiciaire) mais qui ne pense pas encore à diviser les pouvoirs entre des mains différentes à la différence de Montesquieu. Dans De l’esprit des lois, c’est sa grande préoccupation, il ne faut pas que le pouvoir débouche sur une trop forte concentration du pouvoir, d’absolutisme, qui est susceptible de menacer gravement les libertés individuelles. Tout comme Aristote, Montesquieu constate que les 3 formes habituelles de pouvoirs peuvent dégénérer, en effet, la monarchie peut toujours devenir despotique quand la crainte, la peur, la violence, se substituent à l’honneur comme principe de gouvernement. De plus, l’aristocratie peut aussi se transformer en oligarchie quand la jouissance prend le pas sur la modération. Enfin, la démocratie peut aussi se corrompre en despotisme quand la vertu est remplacée par la démagogie. C’est pour cela qu’il faut, selon Montesquieu, mettre en place des contres pouvoirs, « que le pouvoir arrête le pouvoir » c’est pourquoi la séparation des pouvoirs est nécessaire d’un point de vue fonctionnel et organique, équilibre et neutralisation sont nécessaires. Pour cela, le monarque doit pouvoir empêcher la promulgation des lois, les chambres doivent quant à elle contrôler étroitement l’exécution des lois et le judiciaire ne doit pas intervenir dans la vie politique, il doit rester indépendant car il est juge du destin des Hommes.

De surcroit, Montesquieu établit un rapport entre les formes constitutionnelles d’un régime et le principe qui est au cœur du fonctionnement de ce régime. Pour lui, un régime n’est pas seulement un agencement de règles de droit, c’est aussi une dynamique sociale c’est-à-dire un type de sentiment moral animant les individus qui vivent dans une société particulière. Ce sentiment moral est la vertu en République mais être vertueux au sens civique du terme, ce qui doit animer chacun pour que le régime fonctionne est le respect des lois édictées et la dévotion à la collectivité (patriotisme). Montesquieu souligne la dimension psychoculturelle de la vie politique c’est-à-dire qu’un gouvernement contient certes des règles de droit agencées de manière particulière mais aussi un sentiment qui anime les Hommes.

Montesquieu distingue 2 formes de gouvernements républicains :

  • La République démocratique: tout le peuple exerce en corps sa souveraine puissance, il est donc à la fois monarque et sujet. Il considère que ce type de régime est dangereux car il peut tourner à la démagogie, de plus, dans la société du XIXème siècle, ce type de régime est compliqué à mettre en œuvre d’un point de vue pratique. C’est pourquoi il est plutôt favorable à la République aristocratique ;
  • La République aristocratique: une partie du peuple seulement gouverne, la partie la plus éclairée, la seule à pouvoir gouverner modérément.

  1. Jean-Jacques Rousseau.

Rousseau distingue 3 formes de gouvernements :

  • La démocratie ou tout le peuple exerce la souveraineté ;
  • L’aristocratie ou seul une minorité exerce la souveraineté ;
  • La monarchie ou un seul concentre le pouvoir.

Pour lui, la classification des régimes doit aussi s’opérer en fonction de la taille des Etats. En général, la démocratie convient aux petits Etats, qu’il qualifie de médiocre en grandeur et en richesse, et la monarchie aux grands Etats opulent. La démocratie est pour lui difficile à mettre en place parce qu’elle suppose des conditions particulières : les Etats doivent être petits pour que chacun puisse participer aux débats publics, et pauvre pour qu’aucun gouvernement riche ne puisse dominer la société. Il évoque notamment le cas de la Corse de Paoli de 1755 à 1769 pour laquelle Rousseau a rédigé un projet de Constitution qui ne sera jamais appliqué en raison du rattachement de la Corse à la France en 1769. Rousseau est critique vis-à-vis de la monarchie qui peut vite dégénérer car chacun veut plaire au monarque, de plus, il est un régime qui ne soucis pas du bien-être de tous. Concernant l’aristocratie il en existe deux formes. Rousseau est favorable à l’aristocratie naturelle, celle des petits peuples simples qui s’organisent autour de chefs jugés compétents. Il critique par ailleurs l’aristocratie héréditaire, la noblesse au sein de laquelle la compétence importe peu et ou seul le rang social compte.

Rousseau a un idéal du régime parfait et reprend les notions de formes naturelles et corrompues des régimes, développées par Aristote. Il agit en moraliste et s’interroge sur les meilleures conditions nécessaires pour mettre en place le régime idéal. Il développe donc l’importance de l’Etat, la force du contrat social, dont dépendent la liberté individuelle, « il n’y a que la force de l’Etat qui fasse la liberté de ses membres ».

Section 2 : Les régimes pluralistes.

En règle générale les régimes pluralistes sont démocratiques, c’est une des caractéristiques essentielles des régimes démocratiques. Le pluralisme est un système de régimes politiques multiples et concurrents les uns des autres. Chaque parti politique est censé refléter une opinion importante partagé par une partie de la population et, par conséquent, l’affrontement idéologique des différents partis politiques revient à faire s’affronter les grands courants d’opinion censés traverser la société. C’est de cette concurrence entre les opinions que peut émerger un intérêt général qui est défendu par le parti vainqueur des élections. Ainsi, dans cette logique, l’élection libre est aussi la possibilité d’exprimer son opinion à travers un parti politique qui se constitue librement.

  1. La notion de démocratie.

Etymologiquement, il vient du grec et signifie le gouvernement du peuple ce qui permet d’opposer cette forme de gouvernement à la monarchie (gouvernement d’un seul) et l’aristocratie (gouvernement de quelques-uns). On peut aussi se référer à la définition d’Abraham Lincoln qui définissait la démocratie comme « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple »:

  • La démocratie serait le gouvernement du peuple: un gouvernement exercé sur le peuple afin de le régir. Mais cette formule est applicable à d’autres régimes (autoritaire, …) ;
  • La démocratie serait un gouvernement pour le peuple: cette définition ne suffit pas non plus car tout gouvernement prétend agir pour le bien du peuple qu’il est censé représenter ;
  • Toute la signification du terme démocratie est contenu dans le gouvernement par le peuple : la démocratie est l’exercice direct des responsabilités gouvernementales par le peuple et tout gouvernement par le peuple est aussi pour le peuple. L’exercice du gouvernement par le peuple lui-même (la démocratie directe) n’est pas facile à mettre en place concrètement.

Cela pose 2 types de problèmes :

  • D’ordre technique : pour Rousseau, la démocratie directe est impossible dans les grands Etats car comment faire participer tout le monde à toutes les décisions ? ;
  • D’ordre psychologique.

Dans une démocratie représentative, le mandat doit établir un lien entre les représentants et les citoyens. De plus, tout représentant doit être élu. Il faut distinguer 2 types de mandats :

  • Le mandat représentatif : on vote pour des représentants qui, une fois élu, sont libres d’agir comme ils l’entendent. Ils agissent alors en conscience, au nom de l’intérêt général. Au moment des prochaines élections, il sera jugé par le biais des urnes. Il est alors soit sanctionné s’il n’est pas réélu, soit accepté s’il est réélu.
  • Le mandat impératif : les élus doivent s’y conformer aux idées-rata de leurs électeurs, respecter scrupuleusement le programme qu’il se sont engagés à mettre en œuvre devant leurs électeurs. Dans le cas contraire, les électeurs disposent du pouvoir de révoquer l’élu en cours de mandat. C’est ce que l’on appelle la procédure du « recall » (procédure de révocation), qui existe actuellement aux EU dans une trentaine d’États fédérés (exemple : Californie).

Pour Rousseau, parce qu’ils sont libres d’agir, ils se représentent eux-mêmes, ce n’est pas le peuple qui se gouverne lui-même mais une élite qui se transforme en oligarchie et utilise le pouvoir pour défendre ses propres intérêts.

Dans le mandat impératif, si on considère que pour prendre une décision, les élus ont besoin de leur base, il y a un risque de blocage institutionnel car la décision ne peut pas se prendre rapidement. Une minorité peut donc aussi constituer un frein à toute action politique. Le recall est un mixte entre mandat impératif et représentatif : l’élu est libre d’agir mais doit périodiquement rendre des comptes et lorsque les électeurs sont mécontents ils peuvent s’en débarrasser.

  1. Les typologies des régimes démocratiques pluralistes.

Tous les régimes démocratiques se ressemblent si on les compare aux régimes autoritaire ou totalitaire. Les 3 principaux critères qu’ils partagent généralement sont :

  • Le libre choix des représentants ;
  • La responsabilité politique des représentants qui peuvent être sanctionnés par les urnes ;
  • Le respect des libertés publiques.

Mais ils ne sont pas tous identiques. 2 approches existent en science politique afin de les différencier :

  • Les approches culturelles : on distingue ici généralement trois variables pour classer les régimes démocratiques :
  • L’histoire: une démocratie s’enracine toujours dans une histoire longue et dans un contexte historique particulier qui façonne le régime, sa nature, qui oriente son fonctionnement. Par exemple, la vie politique française démocratique a été marquée par la Révolution de 1789 mais aussi par l’affaire Dreyfus, le régime de Vichy, … Aux Etats-Unis, la guerre de sécession a aussi été très importante, tout comme l’esclavagisme ;
  • L’idéologie: on distingue des pays aux clivages forts (France, Italie, …) de pays où ils le sont moins et ou les régimes sont plus pragmatiques. En France ou même en Italie, les citoyens étaient souvent prisonniers de la formation idéologique, ce refus de l’esprit de compromis se manifeste en France. Par exemple, aux élections présidentielles de 2012, il y avait 5 candidats à gauche et donc pas de compromis, pas d’unification.
  • La religion: elle affecte la façon de concevoir le politique dans les démocraties. Le catholicisme a encouragé la recherche du bien commun garanti par une autorité supérieure, on considère généralement que cette logique a encouragé le développement d’Etats forts, centralisés, interventionnistes comme c’est le cas en France. A l’inverse, le protestantisme développe la foi dans la libre confrontation des groupes d’individus et chacun recherche son propre bonheur. C’est notamment la thèse de Max Weber, ce type d’approche encourage le développement d’Etats capitalistes, moins centralisés, moins forts, comme dans les pays anglo-saxons. Enfin, l’islam décourage souvent la formation d’un Etat totalement autonome des structures religieuses, pour de nombreux auteurs cela explique pourquoi les Etats arabes démocratiques ont du mal à se développer.
  • L’approche institutionnelle distingue :
  • Les régimes parlementaires: l’exécutif y procède du législatif, dans l’AN que se dégage une majorité au sein de laquelle est choisi un PM. Le chef de l’Etat joue généralement un rôle marginal, symbolique, il incarne soit la continuité de l’histoire soit la Nation, l’intérêt général ou encore la stabilité de la démocratie. La séparation des pouvoirs est souple donc l’AN peut renverser le chef du gouvernement et ce dernier peut dissoudre l’AN ;
  • Les régimes présidentiels: exécutif et législatif sont élu par le peuple, ainsi, la question de la coïncidence des couleurs politiques se posent, ils peuvent ne pas être du même parti. En théorie, la séparation des pouvoirs est stricte, il n’existe pas de moyen permettant la dissolution et le renversement ;
  • Les régimes semi-présidentiels: un régime ou existe en théorie un mécanisme de responsabilité politique du PM devant l’AN et un fait majoritaire, on a ainsi un PDR très puissant, en France élu au SUD ;
  • Les régimes d’assemblées: tous les pouvoirs sont concentrés aux mains d’une assemblée qui s’impose au pouvoir exécutif.

Section 3 : Le totalitarisme et les régimes autoritaires.

  1. Comment appréhender le totalitarisme ?

La notion de totalitarisme apparait dans la gauche de Mussolini dans un de ses discours prononcé en juin 1925, il y parle alors de sa féroce volonté totalitaire qui justifie sa prise de pouvoir et les mesures qu’il veut mettre en place. A la suite de ce discours le philosophe Giovanni Gentile développe la notion stato totalitario (Etat totalitaire). Dans l’univers scientifique, on trouve pour la première fois ce terme dans les années 30, on définit alors le totalitarisme comme le fait d’un Etat unitaire, fasciste, qui s’en prend aux régimes parlementaires. Ce n’est qu’au sortir de la 2nde Guerre mondiale, suite aux horreurs commises par le régime Nazi qu’un effort de conceptualisation sera produit en particulier à travers l’œuvre d’Ana Arendt, juive et allemande exilée en France en 1933, interné au camp de Gurs dans les basses Pyrénées, elle fuit ensuite aux Etats-Unis ou elle commence la rédaction de son œuvre sur le totalitarisme. Elle essaie de compléter la typologie des régimes établies par Aristote et Montesquieu, elle se demande comment l’on peut classer les régimes totalitaires. Elle essaie d’expliquer quels sont les événements qui ont précipité l’apparition et l’essor du totalitarisme, pour elle, se sont l’antisémitisme (avant la guerre, les théories du juif bouc-émissaire se renforcent) et l’impérialisme (colonisation permettant l’idée de « supériorité raciale »). Par ailleurs, elle interprète aussi la logique et le fonctionnement du régime totalitaire qui en fait un régime sans précédent dans l’histoire.

A partir de ses travaux mais aussi d’autres auteurs, tel que Raymond Aron ou encore Karl Friedrich s’accordent sur les caractéristiques propres au régime totalitaire.

  • L’atomisation des masses : la dilution des classes sociales traditionnelles, les individus se mobilisent alors de moins en moins lors des élections, ils deviennent de plus en plus indifférents face à la vie politique démocratique. Cette société atomisée née après la 1ère GM de la perturbation économique, de l’inflation, du chômage, de la montée en puissance de l’individualisme, de l’humiliation de la défaite. Cela favorise alors le pouvoir d’injonction d’hommes politiques en quête d’une domination absolue. Ils mettent alors en place des discours violent mais aussi rassurant pour restaurer une société forte. Que ce soit dans l’Allemagne Nazie, dans l’Italie fasciste de Mussolini ou dans le totalitarisme stalinien, les discours renvoient à une même façon de penser la politique : une volonté semblable d’effacer le modèle libéral. L’opposition simpliste entre ami/ennemi est alors mise en avant. En cela, on s’oppose à la culture du compromis du libéralisme politique. La revendication d’une communauté unie fondée soit sur la race (Allemagne) soit sur l’idée de classe unifiée (URSS) opposé aux ennemis c’est-à-dire tous ceux de l’extérieur qui ne font pas parti de cela, empêche toute culture du compromis. Ainsi, tous ceux qui sont contre le parti doivent mourir.
  • L’efficacité de la domination sur les masses : elle est rendue possible grâce à un type d’organisation nouveau dans lequel un parti tout puissant pénètre l’Etat, la société, en s’organisant autour d’un leader charismatique. En effet, les institutions étatiques vont toutes être dédoublées par les instances d’un parti unique, parti de masse, parti très hiérarchisé, dirigé par un seul homme favorisant l’exercice arbitraire du pouvoir. La population est endoctrinée à une idéologie officielle à laquelle chacun doit adhérer. Le culte du chef est orchestré, une rhétorique particulière vise à produire un homme nouveau (arien dans le cas Nazi). Le parti sélectionne les nouvelles élites et leur assure des positions de pouvoir, de même, il organise tout un ensemble d’organes collatéraux permettant de mobiliser la population. Le parti Etat a donc tendance à totalement absorber la société civile même si certains historiens pensent que le parti politique tente de tout monopoliser de part un leader charismatique. Ce leader incarne l’Etat totalitaire, personnalise l’exercice du pouvoir politique et concentre la quasi-totalité des pouvoirs.
  • Le mode de domination : s’effectue par une terreur généralisée, selon Arendt, cette terreur constitue l’essence même du totalitarisme. Elle s’exprime par la dénonciation des ennemis du régime sous peine d’être considéré comme tel. Le totalitarisme s’épanouie dans une institution clef : le camp de concentration. Il s’attache à détruire non seulement les opposants réels au régime mais aussi ennemis objectifs du régime. Dans ces camps réside l’originalité du totalitarisme qui ne vise pas seulement à exterminer des populations mais renvoie à « un outil d’élimination de la spontanéité elle-même en tant qu’expression du comportement humain » (Arendt).
  • La domination totalitaire : elle renvoie à l’importance que joue dans ce type de régime l’idéologie, une fonction qui consiste à combler le besoin de cohérence de l’individu de plus en plus atomisé. Cette idéologie repose sur la supériorité raciale, sur l’idée que la lutte des classes vise à faire plier le réel au nom des lois considérées comme naturelles. Ces lois sont considérées comme des vérités suprêmes et uniques, elles sont censées fournir une explication suffisante à tous les phénomènes, à la réalité sociale. Ce caractère de vérité absolue légitime la suppression de toutes les institutions, cultures, philosophies, religions, porteuses d’un autre message. Le totalitarisme vise à l’instauration d’un monopole absolue. Cette idéologie est aussi largement diffusée par un régime qui monopolise les moyens de communication à des fins de propagande à destination des masses.
  1. Les spécificités des régimes autoritaires.

A la marge du totalitarisme, on trouve des régimes qualifiés d’autoritaires (et non pas de totalitaires) comme le régime Franquiste par exemple. On fait généralement entrer dans cette catégorie le régime de Vichy. La Pologne de 1981 à 1990 aussi tout comme le Portugal de 19933-1977. Ces régimes ne produisent généralement pas le même degré de violence que les régimes totalitaires et on n’y trouve pas non plus la même volonté totalisante d’osmose entre un peuple et son chef. Malgré tout, ils sont des régimes violents, antidémocratiques, généralement il n’y a pas de marché électoral ouvert à la compétition politique libre ou, lorsqu’elles ont lieu, elles le sont sous le contrôle des autorités, ou encore sont faussées.

A la différence du totalitarisme, les régimes autoritaires combinent donc généralement 3 caractéristiques :

  • L’absence de projet eschatologique (idéologique visant à transformer radicalement la société) : généralement on ne trouve pas dans ces régimes d’idéologie très structurée destinée à mobiliser toute la population dans un même sens. Les régimes autoritaires se contentent souvent de l’apathie de la population, de son obéissance passive, de son indifférence. Ils ne cherchent pas à politiser l’ensemble de la population pour produire un Homme nouveau comme dans les régimes totalitaires. Les fondements idéologiques sont très peu développés dans les discours. Il existe 3 types de discours :
  • L’autoritarisme libéral: ce sont généralement des régimes autoritaires qui n’ont pas véritablement de projet collectif et qui renvoie surtout à un projet individuel des dirigeants (s’enrichir). C’est donc la mise en place d’une économie prédatrice qui confond l’intérêt personnel des dirigeants avec les richesses nationales et les ressources étatiques font l’objet d’un usage discrétionnaire de la part des dirigeants.
  • L’autoritarisme réactionnaire: il s’agit de favoriser l’immobilisme de la société, d’éviter toute transformation, de promouvoir un modèle traditionnel : au Portugal c’était « Dieu, patrie, famille ».
  • L’autoritarisme réformiste: il succède souvent à l’autoritarisme réactionnaire car ce dernier débouche souvent sur un appauvrissement de la population et fait naitre un mécontentement social obligeant les dirigeants à moderniser l’Etat (Franco en Espagne, Pinoche au Chili …).
  • L’acceptation d’un pluralisme limité : l’exclusion est sélective, seuls sont visés par le régime les opposants les plus radicaux (mouvements ouvriers, activistes syndicalistes, …) ou encore certaines ethnies turbulentes remettant en cause le régime. Ce pluralisme peut être qualifié de pluralisme sous contrôle, il est totalement rejeté dans les régimes totalitaires. Ici, il renvoie à des groupements comme l’armée, l’Eglise, des milieux d’affaires, … dont on accepte qu’ils participent d’une manière ou d’une autre à la prise de décision politique, ils ont donc une marge d’autonomie dans la mesure où ils s’engagent à ne pas remettre publiquement en cause la légitimité du régime. Parfois, on peut avoir un pluralisme au sein même du parti politique qui prédomine dans le régime (≠ totalitaire).
  • La mise en œuvre discriminée d’une répression d’intensité moyenne : la répression est ponctuelle et discriminante mais cela ne veut pas dire que la terreur n’est pas absente. Dans le cas du Chili de Pinochet, on estime qu’environ 80 000 personnes ont été arrêtés et considérés comme opposantes au régime et environs 200 500 personnes ont été exécutées. Mais cette terreur est réservée aux étudiants, aux activistes, alors que les catégories apolitiques sont épargnées.

Partie 2 : Les acteurs politiques.

Chapitre 1 : Les citoyens.

Le terme de citoyenneté est employé de manière très diversifiée.

Un citoyen est avant tout membre d’une communauté à caractère politique, et en tant que membre de cette communauté, il fait partie de l’État et peut jouir de certains droits uniquement conférés à ceux qui appartiennent à cette communauté. Mais il doit aussi répondre à certaines obligations. En raison de son statut et de son appartenance, il bénéficie de certaines prérogatives particulières, mais cette appartenance implique aussi de sa part qu’il assume certaines responsabilités : la participation à la chose publique. Malgré tout, cette participation ne va pas de soi car une partie seulement des citoyens s’intéresse à la politique et les compétences politiques des citoyens sont extrêmement disparates.

Section 1 : La notion de citoyenneté.

  1. Les droits et devoirs du citoyen.

Le concept de citoyenneté est indissociable historiquement de celui de démocratie, le citoyen est celui qui participe à la chose publique, la « res publica ». Cette idée est déjà présente dans l’Antiquité, le mot citoyen vient du latin civis et son invention concrète vient des cités grecques dans lesquelles il est définie comme celui qui va prendre part également avec ses concitoyens à la prise de décision politique. A Athènes, très peu d’individus sont citoyens. Pour l’être il faut être majeur, libre, et de père athénien. Par la suite, la notion de citoyenneté va disparaitre pendant toute l’ère monarchique qui exclue toute participation des sujets du roi à la prise de décision politique. Il faut donc attendre le XVIème et le XVIIème siècle pour que cette notion refasse son apparition dans l’œuvre de certains auteurs (Bodin, Hobbes, …). Un lien de plus en plus fort est alors établi entre nationalité et citoyenneté. Selon les pays, la citoyenneté renvoie à des droits que l’on octroi à des individus et cet octroi suit un rythme particulier mais il existe tout de même une tendance : le XVIIIème siècle correspond à l’attribution de droits civils aux citoyens à l’occasion des Révolutions démocratiques. Le XIXème correspond davantage à l’octroi de droits politiques avec la montée en puissance des démocraties représentatives. Le XXème siècle correspond quant à lui à l’attribution de droits sociaux résultant de la mise en place de l’Etat providence. La fin du XXème siècle et le début du XXIème montre aussi l’avènement d’une citoyenneté supranationale. Ainsi, les citoyens ont des droits importants mais aussi certains devoirs.

On attend aussi du citoyen qu’il s’engage activement dans la vie politique notamment par le vote. Toute la logique du régime repose en effet sur cette participation : par l’élection et le référendum, le citoyen fonde et légitime la démocratie représentative. C’est ce que veut signifier l’article 3 de la Constitution de 1958 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voix du référendum ». Certains Etats insistent d’ailleurs particulièrement sur cette idée à travers la théorie de l’électorat-fonction c’est-à-dire l’instauration du vote obligatoire, il est considéré comme un devoir absolu, remplit une fonction essentielle que l’on ne donne qu’à certains : les citoyens. Le citoyen doit aussi s’acquitter de l’impôt. Cette obligation est déterminée dans l’article 13 de la DDHC : « Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». L’impôt est indispensable au fonctionnement du service public, il permet à l’Etat d’œuvrer à la gestion et au bien-être de la communauté politique des citoyens. L’égalité et la solidarité ne sont pas les qualités premières de la loi du marché. Le citoyen doit aussi déclarer ses revenus à travers le principe de consentement à l’impôt. Lorsque le Parlement vote les lois de finances, il traduit l’accord des citoyens. Enfin, le citoyen doit se soumettre à la conscription: le service militaire obligatoire. Ce dernier apparait durant la Révolution française de 1789 à travers la levée en masse de l’an II (février 1793), la Convention mobilise alors 300 000 hommes pour protéger et défendre la nation qui est alors en danger parce qu’attaquée par une coalition militaire de pays s’opposant à la Révolution. Constituer une armée de citoyen renvoie à l’idée d’intégrer par ce biais les citoyens dans l’Etat nation. La dimension intégratrice de la conscription, un passage pendant longtemps obligatoire, sert à l’Etat à inculquer des valeurs importantes (Chirac l’a supprimé).

  1. Le modèle de citoyenneté « à la française ».

La France est un pays qui a inventé ce qu’on décrit souvent comme un modèle républicain de citoyenneté qui repose sur 2 piliers : l’individualisme et l’universalisme.

C’est tout d’abord un modèle individualiste dans la mesure où on confère des droits aux individus, c’est-à-dire à chaque personne à part entière. Ce qui signifie que les communautés ou les groupes qu’ils soient de nature religieuse, ethnique, culturelle ne se voient pas normalement accordés ces droits particuliers par l’Etat. On considère que le citoyen constitue un individu qui est en capacité de se défaire de ses allégeances, affiliations particularistes. Le citoyen est en capacité de faire abstraction de ces affiliations particularistes pour s’exprimer dans la société.

C’est un modèle de société universaliste, dans la mesure où c’est un modèle qui reconnait des droits de manière générale et non pas particularistes. Les citoyens appartiennent à une communauté politique de citoyens considérés comme politiquement égaux et qui incarnent la nation, c’est-à-dire l’intérêt général. Dans cette perspective, les intérêts particuliers sont un obstacle à l’avènement de l’intérêt général.

D’où l’article 1 de la Constitution de 1958 qui interdit toutes distinctions entre citoyens en fonction de leurs origines, religion, appartenance ethnique, … Tout cela découle du principe de laïcité qui est au fondement de la citoyenneté française. La laïcité reconnait les nombreux particularismes, ethnique, … Au nom du respect, de la défense et de l’affirmation de la liberté individuelle. Mais on considère que ces particularismes relèvent de la sphère privée des personnes et doivent s’y cantonner, ne doivent pas troubler l’ordre public, l’espace dans lequel on reconnait des droits égaux communs à l’ensemble des citoyens. L’État doit savoir faire face à la concurrence des autres institutions, s’il sait le faire il est un État fort. Ce type de modèle de citoyenneté, différents des modèles libéraux (GB, EU) qui reconnaissent d’emblée les différences existant entre les identités particularistes ce qui débouche sur l’élaboration et la mise en œuvre de politique publique afin de favoriser la reconnaissance des minorités.

Les quotas peuvent avoir des effets stigmatisant, permettre à quelqu’un d’aller à telle ou telle école, d’avoir tel ou tel emploi, non pas parce qu’elle est compétente mais parce qu’elle est issue de telle ou telle minorité, alors qu’une personne compétente n’y aurait pas accès car elle ne fera pas partie de la minorité peut susciter de la haine. Ce type de modèle des quotas peut aussi inciter les minorités à une certaine relâche car elles savent qu’elles bénéficient des quotas sans rien faire. Par ailleurs, ce modèle entretient le communautarisme car on reconnait les personnes en fonction de leur appartenance à un certain groupe.

Section 2 : Le rapport des citoyens au politique.

  1. La socialisation politique : la politisation et la compétence politique.

La socialisation politique est considérée comme un processus d’acquisition de la culture politique, autrement dit un processus d’apprentissage et de connaissance de l’univers politique. Cette socialisation s’opère par le biais du rôle que joue certains agents mais aussi au travers des interactions que chacun d’entre nous tisse avec son environnement. A. Percheron se penche sur l’importance de ce processus concernant les enfants, elle montre qu’une socialisation politique primaire est à l’œuvre chez les enfants avant l’âge de 10 ans, ils commencent ainsi à assimiler un vocabulaire politique et à le mobiliser. A partir de 12-13 ans il y a généralement, selon elle, la construction lente et progressive d’un raisonnement à caractère critique qui permet à la personne de saisir le caractère conflictuel du monde social. La famille et l’école jouent un rôle très important dans ce processus, les discours et commentaires familiaux, l’enseignement de l’histoire, sont autant d’élément important dans le processus d’inculcation de norme et de valeur.

D’autres auteurs se sont intéressé au rôle joué par les médias dans la socialisation politique, tel que P. Lazarsfeld, selon lui, il y a une influence très faible des médias sur les choix électoraux. Tout d’abord, les usages des informations à caractère politique sont pluriels et varient beaucoup en fonction de la position sociale de la personne. Chacun s’associe les messages différemment et en fonction de sa position sociale. Les comportements électoraux seraient davantage déterminés par certaines caractéristiques sociales de l’individu mais aussi par l’entourage proche de l’individu. De plus, l’exposition à la propagande politique est aussi sélective, les personnes s’orienteraient en priorité vers les messages susceptibles de conforter leurs préférences. Les interprétations des messages diffusés par les médias varient en fonction de l’identité singulière du récepteur. L’exposition aux messages politiques corrèle à l’intérêt que l’individu a pour la politique mais aussi à la solidité de ses convictions. Néanmoins, il y a un impact assez limité dans la prétention des médias à imposer aux individus ce qu’il faut penser. Les médias sélectionnent et hiérarchisent les informations et pèsent ainsi sur l’agenda politique. De surcroit, les médias sont en capacité de traiter les informations comme ils le souhaitent : c’est les effets de cadrages. Les médias imposent par ce moyen un certain cadre interprétatif. Les facteurs à prendre en considération sont nombreux et complexes rendant ainsi leur analyse difficile. Il faut distinguer les milieux de socialisation qui sont multiples (famille, école, association, médias, …) et qui ne sont pas étanches, famille = classe sociale, école = située spécialement. Le maitre d’école est soumis à un programme mais la socialisation des enfants se fait aussi par l’école. LAURYNE.

  1. Les inégalités de politisation et de compétence politique entre citoyens.

L’attention que chacun accorde au fonctionnement et au jeu relatif à la compétition politique et au travail des acteurs politiques. La plupart des sondages réalisés ces 30-40 dernières années en France un intérêt de moins en moins important pour la politique, on ne veut plus se situer sur un axe gauche/droite, une méfiance de plus en plus significative à l’égard de la classe politique. De plus, la plupart des études de sciences politique montrent aussi qu’il existe un lien important entre l’intérêt que l’on porte à la politique et la compétence politique dont on dispose. D. Gaxie la compétence politique peut être définie comme le fait de disposer d’un savoir savant et technique sur l’univers politique et ses enjeux à partir de catégories proprement politiques. La compétence politique des individus se mesure grâce à des instruments d’enquête permettant de mesurer pour chacun ses connaissances du système politique, des acteurs institutionnels, … Aussi, Le degré de connaissance des principaux débats politiques et des acteurs politiques qui sont à l’origine de tel ou tel message ou proposition politique. Mesures à partir de connaissances et catégories qui permettent d’interpréter l’univers politique.

Les inégalités de politisation et de compétence politique. Les personnes qui s’intéressent le + à la politique par différents vecteurs, sont celles qui disposent de la plus grande compétence politique. Ce lien entre politisation et compétence politique est circulaire : + on s’intéresse à la politique et + on acquiert de compétence politique et + on s’intéresse en détail aux phénomènes et enjeux politiques.

Le positionnement social de l’individu et le niveau d’instruction, étudié par Pierre BOURDIEU « la distinction » 1979 pour lui la compétence politique n’est qu’une forme de traduction de la compétence sociale cad que si un individu est socialement dominé il va le plus souvent se percevoir comme incompétent politiquement. Etudié aussi par CEVIPOF et Brechon « les valeurs des français » 2003 on constate que l’on peut mesurer que statistiquement l’intérêt que l’on porte à la politique et les compétences politiques dont dispose la personne décroissent à mesure que le niveau socioprofessionnel, de revenu et d’instruction baisse.

Michelat et Simon « classe religion et comportement politique » 1977 montrent que contrairement à ce que dit Bourdieu, la corrélation entre le sentiment de compétence politique et l’appartenance social est complexe car dans cette corrélation (entre l’appartenance social de l’individu et la compétence politique) il y a différents facteurs à prendre en compte : le niveau social, le sexe… Ils peuvent soit corriger la compétence politique soit l’aggraver. Ils montrent que la compétence politique n’est pas seulement un processus d’acquisition de connaissances, l’engagement politique permet à l’individu de se forger un sentiment de compétence politique.

D’autres auteurs insistent sur une autre variable à prendre en considération pour expliquer la compétence politique : l’âge. Mayer « la démocratie à l’épreuve » 2002 explique que la politisation et la compétence politique ont tendance à augmenter avec l’âge et diminuées après 65 ans.

La plupart des études montrent que le positionnement social et le niveau d’instruction sont statistiquement les + directement corrélés à la politisation et à la compétence politique, mais d’autres auteurs insistent sur l’idée qu’il ne fait pas négliger d’autres facteurs : l’âge…

Chapitre 2 : Les partis politiques.

  1. Questions et problèmes définitionnels.

Selon La Palompara les partis politiques, pour en être, suivent plusieurs critères :

  • Une permanence de l’organisation: le parti politique doit avoir une espérance de vie supérieure à celle de celui qui l’a fondé. Cela permet de ne pas les confondre avec des rassemblements temporaires de fidèles par exemple. Exemple : le parti gaulliste a survécu, sous diverses appellations, à son fondateur le général De Gaulle. Le RPF (rassemblement du peuple des français) créé en 1947 qui se transforme en 1958 en l’Union pour la nouvelle république se transformant en Union des démocrates en 1967, puis en rassemblement pour la république en 1976 et l’Union pour un mouvement populaire (UMP) en 2002 et enfin les républicains en 2015.
  • Une lisibilité et une visibilité du parti politique à tous les niveaux c’est-à-dire du local au national. En effet, un parti politique est une organisation large, complète, perfectionnée, qui comprend des ramifications à l’échelon local (fédérations, sections, …) permettant aux partis politiques de couvrir le territoire. Ces échelons locaux entretiennent des relations régulières avec l’échelon national du parti. Ainsi, une bonne circulation de l’information à tous les échelons est nécessaire, tout comme un processus régulé des prises de décisions. Ce critère permet de distinguer un parti politique d’un groupe parlementaire par exemple.
  • Une volonté des dirigeants du parti d’accéder au pouvoir et de le conserver seul ou en coalition avec d’autres. Malgré tout, parfois, des groupes d’intérêts peuvent se transformer en groupe politique (les verts, …).
  • La recherche d’un soutien populaire maximal en particulier lors des échéances électorales afin de distinguer le parti politique de simples clubs de réflexion. Ce critère permet aussi de distinguer un parti politique d’autres acteurs (milice, groupe terroriste, …).

  1. Les typologies des partis politiques.

On appelle parti politique des partis qui sont parfois très bureaucratiques et centralisés ou même qui ne le sont pas du tout. D’où l’élaboration d’une classification des partis par certains auteurs pour mettre en avant des critères et ainsi distinguer les grands types de partis. C’est le cas par exemple de Maurice Duverger, il établit une distinction entre les partis de cadre et les partis de masse. Les partis de cadre seraient avant tout lier à l’extension des prérogatives des pouvoirs que l’on confère au parlement et l’extension progressive du droit de suffrage. Au fur et à mesure que, dans les régimes, le parlement prend de l’importance, on voit s’institutionnaliser les groupes parlementaires (groupes rassemblant des parlementaires en fonction d’une idéologie politique qu’ils partagent). Dans le même temps, le droit de vote s’étend et cela suppose localement la création de comités électoraux qui se mettent en place pour encadrer les nouveaux électeurs. Selon Duverger, un lien s’établit entre ces comités et les groupes parlementaires qui se développent dans les assemblées et c’est ainsi que l’on voit naitre les partis de cadres. Parallèlement, Duverger estime que d’autres partis politiques émergent en dehors du processus parlementaire : les partis de masse. Ils apparaissent généralement après les partis de cadre et sont issu de groupement divers. Ils peuvent émerger d’un syndicat, des associations d’anciens combattants, … Ce qui les distinguent des partis de cadre est leur mode d’organisation. Les partis de cadre sont des partis politiques cherchant surtout à recruter des élites sociales, et donc des individus qui de part leur positionnement social, leur richesse, leur prestige, disposent de ressources et de réseaux relationnels importants. Ainsi, ils disposent d’une capacité à financer les campagnes électorales permettant de remporter les élections. Dans le cas des partis de masse, la configuration est différente. Ils cherchent généralement à prolonger sur un plan politique certaines luttes à caractère social. Il s’agit d’encadrer le plus largement possible toutes les catégories sociales. On cherche aussi à faire naitre chez ce plus grand nombre un militantisme actif, susciter le maximum d’adhésion car ces dernières financent l’activité du parti. C’est pour cela que ce type de parti est très hiérarchisé et centralisé. Cela suppose donc la mise en place de permanents du parti et d’un important appareil bureaucratique dont le but consiste à encadrer et mobiliser la masse militante du parti. Les critères différenciant ces deux types de partis sont :

  • Dans les partis de cadre, le mode de financement est capitalistique tandis que dans les partis de masse il est démocratique (le plus grand nombre d’adhérents possible) ;
  • Le parti de masse recrute massivement puisqu’il tire sa force du nombre de ses adhérents alors que les partis de cadre ont très peu d’adhérents ;
  • L’armature partisane : on n’a pas de structure très centralisée et hiérarchisée.

Historiquement, la consolidation du suffrage universel explique, selon Duverger, le développement des partis de masse, puisqu’il a vu se développer les partis ouvriers (sauf aux EU). Ces grands partis politiques de masse sont le fruit de l’idéologie marxiste et se développent donc pour encadrer et politiser la classe ouvrière. Pour ce type de parti, le fait de disposer d’un grand nombre d’adhérents permet de se légitimer quantitativement des autres et cela permet aussi de disposer d’une haute cotisation financière. Cette distinction est de plus en plus remise en cause. Tout d’abord, l’idée du mode de financement est discutée, en effet, les partis de masse ne se financent pas uniquement à travers les cotisations de leurs militants, ils sont aussi financés par les pouvoirs publics, quelque fois par certaines entreprises même si cela n’est plus possible en France, et même parfois sur des prélèvements sur les salaires de ses élus. De plus, l’opposition entre parti de cadre et de masse est une opposition de légitimité. Les dirigeants des partis de cadre mettent en avant leurs compétences politiques. Dans les partis de masse, la légitimité de la quantité. Enfin, l’analyse de Duverger de ces types de partis semble ne plus répondre totalement à la réalité en raison de la crise du militantisme constatée en particulier dans le milieu ouvrier. Le militantisme est de plus en plus considéré comme couteux en temps, engendrant des contraintes et procurant peut de rétributions d’où la baisse des militants.

Stein Rokkan classe les partis politiques selon un autre critère : la théorie des clivages. Toute son analyse repose sur une interprétation de l’histoire européenne, son idée majeure est que si l’on veut comprendre ce que sont les partis politiques en Europe il faut avant tout comprendre l’histoire des sociétés dans lesquels ces partis sont apparus. En particulier au sein de l’histoire de ces sociétés il faut être attentifs aux conflits majeurs ayant structuré ces sociétés. Selon Rokkan, 4 grandes lignes de clivages à caractère historique et idéologique permettent de classer les partis politiques :

  • Le clivage centre-périphérie renvoie au développement des structures de l’État nation et à un processus de centralisation du pouvoir politique s’effectuant au détriment des autonomies régionales et locales. Ce clivage s’incarne dans des partis politiques à caractère jacobin qui prônent l’unité politique, administrative, culturelle, du pays, auquel s’opposent d’autres partis (girondins, autonomistes, …) qui mettent en avant la nécessité de décentraliser le pouvoir et de défendre certains particularismes régionaux ou locaux.
  • Le clivage État-Église débouche sur la distinction entre les partis laïcs et confessionnels, des partis qui sont soucieux de préserver une certaine influence de l’Eglise au sein de la société, de la politique, et parallèlement, les partis qui prônent une séparation stricte entre l’État et l’Eglise. Des partis politiques sont nés sur des fondements religieux (CDU en Allemagne en 1945, …).
  • Le clivage rural-urbain résultant surtout des conséquences de la révolution industrielle faisant naitre une opposition de plus en plus nette entre les intérêts du monde industriels et ceux du monde agricole (parti agraire et paysan français, …).
  • Le clivage employeur-salarié (capital-travail) qui est au fondement de l’avènement des partis ouvriers en Europe avec l’essor de la révolution industrielle. Ce clivage est au cœur de la doctrine marxiste et alimente un antagonisme entre les détenteurs du pouvoir industriel et les ouvriers qui s’opposent à l’État bourgeois. Ce clivage fort a donné naissance en Europe de l’Ouest à 2 grandes familles de partis politiques : les partis se constituant pour défendre les intérêts des possédants et les partis politiques qui se constituent pour défendre les intérêts de la classe laborieuse. Ce clivage se subdivise en plusieurs partis à l’intérieur de chaque famille, à droite les partis libéraux et conservateurs, à gauche, les partis socialistes, travaillistes, sociaux-démocrates.

Les politistes constatent qu’il existe un dégel de ces clivages. Par exemple, le clivage État-Eglise est aujourd’hui moins fort qu’à d’autres époques car la pratique de la religion catholique est en recul. De même, en 1958, les ouvriers constituaient 37% de la population active contre 20% aujourd’hui. Cela explique en grande partie le déclin des partis communistes mais aussi la transformation des partis socialistes qui font de plus en plus de concession vis-à-vis du libéralisme pour capter l’électorat des classes moyennes (« partis attrape tout »). La dilution de ces clivages favorise l’apparition de nouveaux autour desquels se restructure le système partisan, notamment le clivage de l’identité et de l’autorité. Le clivage Europe-France ne fait quant à lui que grandir.

  1. Le rôle joué par les partis politiques.

Les partis politiques ont des formes d’organisation différentes, mais partagent certains points communs : ils animent la vie électorale, ils sont des agents de socialisation et exercent des fonctions relatives au contrôle du pouvoir (opposition) ou d’exercice du pouvoir (quand ils sont au pouvoir).

  • Les fonctions d’animation de la vie électorale :

On voit actuellement que cette activité des partis est rythmée par les élections. Les partis sélectionnent des candidats pour les élections, de plus, ils mobilisent divers soutiens pour affronter la bataille électorale, en outre, ils ont une fonction programmatique. La sélection des candidats se fait à chaque élection et c’est ce qui permet de distinguer les partis politiques des groupes d’intérêts. Les procédures de sélection des candidats sont diverses. Toutefois, généralement la direction du parti se réserve un droit de primeur en proposant parfois elle-même les candidats. C’est souvent dans les partis de masse, les partis les plus structurés, que l’on constate des modes de désignation des candidats obéissant le plus au principe démocratique, à l’inverse dans les partis de cadre on a souvent des procédures moins démocratiques. Lors des scrutins de listes, le fait d’être bien placé sur la liste du parti équivaut à être élu. Ainsi, les partis ont un rôle important dans le processus d’élection et de hiérarchisation des candidats.

La mobilisation de soutien : soutiens très divers : les ressources financières, les cotisations des membres du parti mais aussi les financements publics qui constituent aujourd’hui une ressource indispensable pour la vie des partis. Avant 1988, il n’existait pas de règle de financement des partis politiques en France d’où l’essor de pratiques diverses et variées que plusieurs lois ont essayé de réguler en imposant un plafonnement des dépenses électorales mais aussi un financement public des partis essentiellement accordé en fonction du nombre d’élus au parlement et des résultats des élections. Par ailleurs, il faut aussi mobiliser des ressources militantes. Les partis qui disposent d’un faible financement sont souvent ceux qui se rattrapent par leur capacité à mobiliser fortement. Au contraire, les partis politiques disposant d’un financement public plus large peuvent faire beaucoup plus appel à des sociétés spécialisées en marketing, en publicité, …

Il faut aussi bénéficier d’une solide structure interne et cela à un double niveau : si le parti politique est très structuré, s’il existe des échanges réguliers entres les instances centrales et locales du parti, cela facilite la diffusion du programme du parti sur une large échelle territoriale. Bénéficier d’une forte structure interne au sein du parti est aussi la possibilité de discipliner à l’intérieur du parti afin d’augmenter nos chances de gagner les élections.

La 3ème fonction du parti politique en tant qu’animateur de la vie électorale est sa fonction programmatique. Cela consiste à organiser les débats relatifs à la vie publique, les structurer et donner à voir ses débats à la population. L’article 4 de la Constitution y fait référence en précisant que les partis concourent à l’expression du suffrage. Les débats permettant de prendre en charge politiquement certaines attentes qui sont réputées émaner de la société. La prise en charge par le débat des attentes de la population peut se faire par les partis politiques à un niveau concret : les partis politiques collectent des informations auprès de la population de part les élus locaux, par certains dispositifs qu’instituent les partis, et de plus en plus de part les sondages. La fonction programmatique des partis politiques s’opère aussi à un niveau plus général à travers la formulation d’un travail idéologique permettant aux partis d’agir en tant que catalyseur. Toutefois, ce travail idéologique dépend aussi fortement du parti, 3 critères sont à prendre en considération :

  • Est-ce que le parti politique est plus ou moins enclin au travail idéologique ? (doctrine)
  • Le poids des intellectuels dans les partis politiques, ceux qui sont aptes à proposer de l’idéologie.
  • L’éloignement du pouvoir.

Les partis politiques élaborent des programmes renvoyant à des vertus symboliques : des vertus certificatrices, des vertus pédagogiques et des vertus stratégiques.

1. Le programme élaboré par un parti politique cherche à convaincre du sérieux du parti (appel à des spécialistes afin de convaincre l’Opinion Publique).

2. Il s’agit de fidéliser les militants à un programme qu’ils doivent intérioriser et ensuite de faire connaitre au grand public le projet de société en jetant un pont entre une idée principale et les préoccupations quotidiennes de la population.

3. Il s’agit d’élaborer un programme n’oubliant personne, convaincre chaque pan de la population. On peut en conclure que le débat est une pièce essentielle du bon fonctionnement de la démocratie.

  • La fonction d’agent de socialisation :

Les partis politiques diffusent des valeurs dans l’ensemble de la société et contribuent ainsi à un processus d’intégration des citoyens au système politique. Cette fonction a aussi pour effet de créer l’illusion de valeurs communes entre les citoyens qui dans la réalité ont des aspirations différentes. Les déclarations des partis politiques sont donc généralement assez globales pour séduire un électorat très disparate. Les partis politiques sont aussi des instances de socialisation parce que même s’ils ont des propositions différentes dans leurs programmes, délivrent les mêmes messages : un message d’acceptation des règles du jeu démocratique, la nécessité de désigner des représentants, la nécessité du pluralisme partisan, l’importance de l’action politique et la valorisation du devoir des citoyens en l’appelant à voter. Un second message renvoie à la prohibition de tous recours à la violence comme mode de gouvernement et sur la nécessité de disqualifier les mauvais joueurs c’est-à-dire tous ceux pouvant apporter de la perturbation dans le jeu démocratique.

  • La fonction d’exercice et de contrôle du pouvoir :

Lorsque les partis politiques remportent les élections, ils jouent un rôle important dans l’exercice du pouvoir, constituent des groupes parlementaires qui soutiennent le gouvernement et votent ses projets de loi, collaborent dans le travail parlementaire (ils améliorent les projets de loi), ont un rôle disciplinaire vis-à-vis des élus parlementaires.

Chapitre 3 : Les médias et l’opinion publiques.

Le rapport des médias au politique est très complexe, cela s’explique avant tout par l’ambiguïté du terme média. En effet, les médias sont à la fois des outils et des acteurs. Ils sont des dispositifs de communication et en tant que tel, ils permettent aux forces politiques d’organiser leurs actions et d’interagir avec les individus. D’autre part, en tant qu’intermédiaire entre la scène politique et le public, les entreprises médiatiques sont des rouages à part entières du jeu politique.

Les médias constituent un instrument entre les mains des classes dominantes pour canaliser leur pouvoir. On retrouve ce type de posture tout au long de l’histoire mais cette problématique se pose actuellement aussi particulièrement puisqu’on voit une croissance considérable de l’offre médiatique mais aussi de sa consommation. Depuis la fin du XIXème, les potentialités positives ou négatives des médias se sont renforcées sous l’effet de l’industrialisation de la production médiatique, de la massification de l’audience et de la croissance exponentielle des supports électroniques. Cela explique que les médias constituent d’importants instruments des luttes politiques mais aussi un enjeu récurrent au cœur de ces luttes. La question des conséquences des effets politiques des médias se pose, peut-on évaluer ces effets ? Il n’est pas facile de montrer scientifiquement de quelle manière les médias pèsent sur le déroulement politique.

Section 1 : l’impact des médias sur les champs politique.

  1. L’influence des médias sur les préférences électorales et idéologiques.

Les médias sont une interface entre la scène politique et les citoyens. En tant que tel, ils sont régulièrement analysés comme des vecteurs participant à la construction des OP. Toutefois de nombreuses études montrent combien il faut relativiser la toute-puissance supposée des médias sur les choix politiques des citoyens. Il y a surtout deux grands courants de pensée mettant en avant l’idée selon laquelle les médias joueraient un rôle majeur dans la formation des choix électoraux mais aussi dans la constitution des choix politiques des personnes.

La première théorie est celle de la démocratie représentative qui postule qu’en tant que citoyen, nous sommes des individus autonomes, rationnels, choisissant l’offre politique qui nous est la plus profitable et ce grâce aux médias et à une connaissance des choix politiques.

La deuxième théorie est celle qui met en avant la capacité des médias à manipuler les masses. Nos sociétés sont de plus en plus atomisées et les individus y sont de plus en plus démunis face au véritable opium que constitue la médiatisation politique. Ce type d’approche a été développé par le sociologue allemand Serge Tchakhotine qui souligne que les médias ont joué un rôle fondamental dans la montée en puissance des totalitarismes, la propagande est facilitée par les médias de masse. Cette idée repose sur l’idée que les médias permettent de manipuler les personnes, idée entretenue par les professionnels de la communication afin de légitimer leur métier et pour inciter le personnel politique à leur confier la gestion des campagnes électorales.

De nombreuses recherches relativisent l’influence des médias. Les travaux de Paul Lazarsfeld montrent que la radio influence peu les choix électoraux des américains. Cela s’explique essentiellement par 3 raisons : les choix électoraux sont surtout déterminés par des caractéristiques sociales propres aux individus et à leur entourage, de plus, les individus s’orientent prioritairement vers des messages politiques confortant leurs prédispositions politiques, en outre, les informations à caractère politique font l’objet d’interprétation et d’appropriation très diversifiées selon les individus. La plupart des recherches récentes confirment les idées de Lazarfeld parce que l’exposition à l’information politique reste étroitement corrélée à l’intérêt que l’on porte à la politique et à la solidité des convictions de l’individu, de plus, tout message politique revêt un caractère polysémique. S’il y a un pouvoir d’influence des médias, qui dispose de ce pouvoir ? Si ce pouvoir existe, sur qui s’exerce-t-il exactement ? Dans quel contexte s’exerce-t-il, selon quels mécanismes ? Face à la pluralité croissante des supports médiatiques, au rapport très diversifié entretenu par chacun aux médias et à la politique, il est difficile de répondre à ces questions.

D’autres études montrent que les discours médiatiques participent à la construction de visions particulières du monde. En hiérarchisant les informations, les rédactions influenceraient les préoccupations de l’OP et pèseraient ainsi sur la définition de l’agenda politique. Mais cette hypothèse n’a jamais été validée scientifiquement à grande échelle. En 2002 ont lieu les élections présidentielles, les médias se focalisent alors sur la question de la délinquance et de l’insécurité, les médias influencent-ils alors les citoyens sur ce sujet car les citoyens en parlaient ou sont-ils amenés à traiter d’avantage ce sujet parce que c’est une question omniprésente dans les discours politiques ?

Un autre courant met davantage l’accent sur les effets de cadrage des informations médiatiques. En effet, à travers l’exemple que retiennent les médias pour couvrir l’actualité, ces derniers imposeraient certains cadres interprétatifs aux événements et, en faisant cela, ils influenceraient la définition des problèmes publics. Par exemple, si l’on veut traiter un conflit social médiatiquement, on peut mettre l’accent sur la gêne subit par les individus ou alors sur les revendications des grévistes et sur pourquoi ils se mobilisent, ou encore sur l’évolution du paysage syndical, tout en prétendant informer objectivement le public, les médias participent à des luttes idéologiques. Certains discours redondants peuvent contribuer à renforcer certains stéréotypes ou à les bousculer. On met en avant un modèle de police high-tech mais il existe d’autre modèle de police.

Malgré tout, William Gamson dit que les discours médiatiques ne constituent que l’une des ressources mobilisées par les individus pour se forger des opinions et l’exprimer publiquement. Gamson rappelle que l’actualité telle qu’elle est médiatiquement construite est le résultat d’une coproduction entre journalistes et les sources diverses qu’ils mobilisent. Ces dernières ont un rôle déterminant dans la fabrication du réel et pèsent donc aussi sur les médias. On peut donc aussi influencer les informations véhiculer les médias.

  1. S’oriente-t-on vers une démocratie du public ?

A partir des années 1960 et de l’essor de la TV comme média de masse, on a vu se dessiner en France une évolution en profondeur des règles du jeu démocratique.

La TV a amplifié la personnalisation et la spectacularisation de la compétition politique. A partir des années 1965 en France, les acteurs politiques ont commencé à de plus en plus faire appel à des professionnels de la publicité pour leur apprendre à préparer leurs prestations télévisées, à élaborer des stratégies de campagne, à gérer leur communication télévisuelle quotidienne. Ces professionnels ont de plus en plus systématiquement emprunté les savoirs faire du marketing et ont largement encouragé les hommes et femmes politiques à simplifier leurs discours, valoriser leur personnalité et à créer des événements télégéniques pour devenir des familiers du grand public.

La TV a aussi permis aux acteurs politiques de nouer un contact quasi-quotidien avec un public d’une ampleur inédite contribuant à modifier les fondements de la légitimité politique. Jusqu’à la fin des années 1950, cette légitimité politique reposait surtout sur le verdict des urnes et l’entre-soi des jeux parlementaires. Or, à mesure que les médias sont devenus une arrête centrale des débats politiques, la popularité auprès de l’OP est devenue une ressource essentielle pour construire un leadership politique. Les sondages qui voient le jour dans les années 1930 se sont surtout imposés dans les années 1960 parce qu’ils sont alors considérés comme des instruments permettant de faire à tous moments parler l’OP. De plus, l’omniprésence du couple médias/sondages dans l’activité politique est pour Bernard Manin propice à l’avènement d’une démocratie du public. Selon lui, cette démocratie du public se caractérise par une focalisation de l’action politique sur le cours terme sous l’effet de l’accélération du temps médiatique, les médias forcent les élus à répondre immédiatement aux attentes supposées de l’OP. Les élus se doivent donc de mettre en scène de manière quasi-quotidienne leurs activités. De plus, la scientificité apparente des enquêtes d’opinions encourage de plus en plus les acteurs politiques à établir leur programme à partir d’un ciblage préalable des publics et de leurs attentes. Pour autant il ne faut pas exagérer l’impact des médias sur les pratiques politiques. Tout d’abord, contre l’idée que la politique serait aujourd’hui pervertie par la TV, il faut rappeler que la communication et le spectacle sont consubstantiel à la politique. On peut aussi dire que les transformations médiatiques ont accompagnées certaines évolutions politiques mais ne les ont pas mécaniquement déterminées. La personnalisation de la vie politique, s’observant en France depuis les années 1960, est liée aux médias mais aussi à la présidentialisation du régime de la Vème République. De même, le fait que l’on voit les grands antagonismes idéologiques décliner depuis le milieu des années 1980, est-il le fait du développement des médias de masse ou d’évolution structurelles telles que le déclin de l’idéologie marxiste, l’européanisation des politiques publiques, … ? Ainsi, si on prend le cas de la TV, ce n’est pas elle en soi qui a façonné les nouvelles pratiques de communication, en effet, un même instrument peut susciter des appropriations différentes selon les acteurs politiques, les stratégies médiatiques ne dépendent pas que de la TV, l’environnement socioculturel, l’expérience et la personnalité des acteurs politiques jouent aussi un rôle.

  1. Ne bascule-t-on pas vers une démocratie électronique ?

Le développement d’internet a suscité de nombreux discours. Selon certains, internet permet de revivifier la démocratie car permet l’accès à des informations nombreuses rapidement. Internet facilite la prise de parole et donc la participation des individus aux débats publics. Internet amplifierait la transparence des institutions, il permettrait de rapprocher gouvernants et gouvernés, il pourrait rendre possible une démocratie directe.

D’autres mettent en avant l’idée qu’internet appauvrie les débats et ce surtout lorsqu’il n’y a pas de médiateur et que l’on met en équivalence des opinions très disparates d’individus anonymes. De plus, les frontières entre informations et rumeurs s’affaiblissent, de même que celles entre journalisme et communication. De surcroit, internet permet la collecte massive d’informations sur les individus, portant potentiellement atteinte à leur vie privée.

Ses idées semblent surévaluer l’influence des médias sur le fonctionnement des systèmes politiques. Certes, par son caractère multimédias, internet offre de nouvelles opportunités aux acteurs de la vie politique. En France, lors des élections présidentielles de 2007, aucun des candidats n’a consacré plus de 10% de son budget de campagne au web, en 2012, l’investissement des candidats sur internet n’a pas non plus été très massif. L’organisation des meetings, les commandes de sondages et la diffusion des tracts et des affiches sont les 3 premiers pôles de dépenses des Hommes politiques durant les campagnes.

Internet est loin d’avoir totalement remis en cause les caractéristiques les plus importantes des systèmes politiques occidentaux. L’informatisation (ordi) des ménages ne fait qu’augmenter. Mais cet accès à l’action politique sur internet demeure socialement sélectif, les utilisateurs di web à des fins politiques et citoyennes se recrutent principalement dans les catégories de population préalablement intéressées par la politique. Par ailleurs, les expériences de vote en ligne montrent des taux d’abstention voisins de ceux des scrutins traditionnels.

Section 2 : La notion d’opinion publique.

On peut considérer qu’il s’agit d’une opinion émise par un individu présentée dans le débat public. On peut considérer qu’elle est l’opinion d’un public dans le sens d’un auditoire, d’un électorat. On peut aussi considérer que l’OP est une opinion partagée, commune. Ces deux conceptions appellent une question, qui construit l’OP ? On sait que l’OP est le fruit des sondages d’opinion dont la majorité, lorsqu’ils portent sur la politique, sont commandités par les médias et la sphère politique. Les premiers sondages d’opinion concernant directement le champ politique ont émergés dans les années 1930 aux EU, ceux concernant les élections présidentielles aux EU datent de 1936. A cette période, l’adoption définitive des sondages comme instrument politique d’importance a lieu. En France, les sondages commencent à être utilisés dans les années 1930 mais vont surtout se développer à partir des années 1960. Ces sondages ne sont pas sans poser un certain nombre de problème dans la mesure de l’OP.

  1. Les problèmes suscités par les sondages.

→ Peut-on vraiment connaitre l’opinion de tous à partir de la mesure de l’opinion de quelques-uns seulement ?

Tout dépend du choix de l’échantillonnage qui doit être statistiquement représentatif de la population que l’on souhaite sonder. La taille de l’échantillon et sa représentativité de la population que l’on souhaite sonder suppose de nombreuses contraintes. En effet, le sondeur doit disposer d’informations précises pour cibler les personnes à sonder, des impératifs financiers (l’argent mis dans l’organisation du sondage) et les délais dont il dispose.

→ La situation de recueil de l’opinion sous la forme d’un interrogatoire, l’inégalité sociologique entre le sondé et le sondeur doit être prise en compte.

Le sondé comprend-il la question ou encore les critères vis-à-vis desquels le sondeur lui demande de se situer ? De plus, les acteurs sociaux ne disent pas toujours ce qu’ils font et ne font pas toujours ce qu’ils disent.

→ Les sondages ne sont représentatifs que des personnes acceptant d’y répondre.

Rien ne permet de dire que le public volontaire a les mêmes caractéristiques que celui qui refuse de répondre. Certaines études montrent que c’est d’ailleurs le contraire. Les personnes refusant de répondre sont soit les moins politisés, soit les plus extrémistes, soit les catégories les plus précarisées socialement. Aujourd’hui, on procède de plus en plus par des sondages via internet mais 2/3 seulement des ménages sont équipés d’un ordinateur connecté à internet, le tiers restant renvoie majoritairement à des populations socialement précarisées.

→ Certains chiffres sont volontairement redressés par les instituts de sondages.

En effet, les données brutes recueillis ne sont pas les mêmes que celles publiées. Cela permet de prendre en compte les catégories de personnes refusant de répondre aux sondages et pour essayer de prendre plus justement en considération les individus qui n’avouent pas ce qu’ils font réellement. Juste avant les élections présidentielles de 2002, l’institut BVA mesure le vote Le Pen en chiffre brut seulement à 6,9% alors qu’il obtiendra 16,9%. Les techniques de redressement ne sont pas divulguées par les instituts de sondages qui les considèrent comme un savoir-faire. Malgré tout, généralement, ils redressent les chiffres bruts obtenus en constituant un coefficient calculé à partir des votes précédents déclarés par le sondé, les résultats obtenus aux élections antérieures et une accumulation de critères changeant selon les instituts et les types d’élections. Le problème qui devient de plus en plus contraignants concernant les critères que l’on mobilise sont de plus en plus répandue. On a un processus de remise en cause des traditions politiques dans le vote et de plus en plus des électeurs qui ne se souvienne plus pour qui ils ont votés cela s’ajoute que certains déterminants qui autre fois conditionnaient une certaine régularité dans le vote ont de moins en moins d’influence. Les prises de décisions électorales peuvent s’avérer contradictoire. En France c’est la commission des sondages qui contrôle les méthodes de redressements mais peut être que la publication dans les médias à la fois les chiffres bruts et les chiffres redresser serait un avantage.

→ Une intention déclarée n’a rien à voir avec un vote.

Comment être certain que la personne qui se prononce ira voter et ce pour le candidat qu’elle déclare soutenir ? La mesure du degré de motivation de l’électeur est important ainsi que son degré de fidélité au candidat en faveur du quel il se prononce. Il y a de nombreux cas dans lesquels on met sur un même niveau des intentions qui n’ont pas la même solidité. Il faudrait ne publier que des intentions de vote presque définitives. Cela suppose d’augmenter les échantillonnages des sondages mais aussi que les individus doivent avoir, quelques jours ou semaines avant le vote, une idée précise de celui ou celle pour qui ils vont voter. Ainsi, mesurer les intentions de vote pour le 2nd tour avant même que le premier n’ait lieu n’a pas de sens. Par exemple, avant le 1er tour de l’élection de 2007, les sondages donnaient SR devant FB ; NS devant SR et FB devant NK. C’est uniquement lorsque le premier tour de l’élection a eu lieu, que l’offre politique est clarifier, que le sondage a un sens.

Souvent, les jeunes et les catégories sociales à plus faible revenus ne disposent pas de ligne de téléphones fixe, or, les sondages ont été pendant très longtemps fait par téléphones fixes. Désormais, le même problème subsiste en ne procédant que par internet puisqu’1/3 des ménages n’y a pas accès.

  1. La tyrannie des sondages.

Selon Pierre Bourdieu, l’Opinion Publique n’existe pas. Le sondage d’opinion reposerait sur trois postulats et, en s’interrogeant sur ces derniers, il en vient à l’idée que les instituts de sondage construisent l’opinion et ne la révèle pas.

Ses 3 postulats sont :

  • Tout le monde peut avoir une opinion ;
  • Toutes les opinions se valent ;
  • Le fait de poser la même question à tout le monde crée un consensus sur la question posée, autrement dit, il y a un accord sur la question qui mérite d’être posée.

Ainsi, d’après lui :

Tout le monde peut avoir une opinion, la capacité de répondre à une question est une compétence technique, on est capable de répondre, mais aussi une compétence sociale car je me sens habilité à répondre à la question qui m’est posée. Plus la question est technique politique plus la réponse risque d’être complexe, mais plus la question est générale plus elle engage un jugement moral, si elle repose sur un choix restreint, la réponse est plus facile. Ainsi, il n’est pas certain que les travailleurs se sentent habilité à répondre à certaines questions. De plus, au-delà de l’acquis d’une opinion, se pose le problème de son expression. Sur des questions ouvertes, la production d’une opinion construite n’est pas à la portée de tout le monde, même pour les individus accédant aux études supérieures. L’absence de compétence sociale pour répondre à une question et le sentiment de beaucoup de ne pas avoir un statut social adéquat pour être fondé à exprimer une opinion.

Toutes les opinions se valent. Selon Bourdieu, on mélange tout et n’importe quoi mais vouloir additionner l’opinion du spécialiste et d’un citoyen ordinaire n’a aucun sens car ce n’est pas le même niveau de production d’opinion. Ainsi, selon Bourdieu, on produit un artefact c’est-à-dire une construction sociale déconnecté de la réalité.

Le fait de poser la même question à tout le monde implique qu’il y a un consensus sur la question du problème soulevé. Cela ne va pas de soi selon Bourdieu car selon lui les sondages contribuent à créer un effet d’imposition de problématique. Les instituts de sondage donnent le plus souvent l’impression qu’il existe ce que Bourdieu appelle un accord collectif sur l’importance des questions que l’on pose. De nombreuses questions que l’on pose dans les sondages d’opinion auraient moins comme intérêt celui des réponses possibles, que le fait même de poser la question. Cela vise à affirmer que l’OP telle qu’on prétend la saisir via les sondages, n’existe pas. Les instituts de sondages ne mesure les réponses qu’à la question qu’ils posent et non pas aux questions que se posent véritablement l’OP. Toute enquête d’opinion suppose que chacun peut avoir une opinion.

A qui sert l’Opinion Publique ?

  • Aux journalistes face aux politiques :

Les journalistes ont un déficit de légitimité par rapport aux politiques qui eux peuvent se prévaloir de la légitimité démocratique. Je suis élu donc je suis censé savoir ce que veut savoir ce peuple. Quand on contredit un élu, on contredit le peuple qui l’a élu et donc, indirectement, la démocratie.

Les sondages d’opinion permettent aux journalistes de se montrer comme porteur de l’Opinion Publique, il existe un conflit de légitimité car ils sont aussi représentants du peuple. La notion d’Opinion Publique devient un moyen pour les journalistes de faire de la politique contre la politique.

  • Aux politiques :

Faire des sondages c’est imposer des problématiques, c‘est porter à la connaissance de tous les options d’un gouvernement. C’est un instrument d’aide à la décision politique et publique. Savoir ce que pensent les gens permet aux politiques de s’adapter. L’opinion publique est une ressource importante dans la compétition politique et au sein des partis politique. De bons sondages sont nécessaires pour s’imposer comme leader d’un parti, cela suscite un processus de ralliement pour les individus au parti.

Certain considère que les sondages sont nocifs pour les politiques car ils font naitre une opinion sur des questions que se pose seulement la classe dominante, donc cela exclu les questions importantes dans les débats et rend les élections moins importantes. L’obsession d’être populaire incite les politiques à avoir une action à court terme. Ce qui devient important c’est de garder la confiance de certaines opinions. Lacroix n’hésite pas à considérer que les sondages sont des fossoyeurs de la démocratie. Mais les sondages sont aussi un moyen de communication entre gouvernés et gouvernants.

Partie 3 : La participation politique.

Chapitre 1 : Le vote.

Section 1 : Sociohistoire du vote.

S’intéresser au vote c’est s’intéresser à l ‘étude des candidats aux élections, en effet, sans candidats on ne peut pas voter.

Pour qu’un corps électoral naisse il a fallu que des voix s’expriment autour de clivage partisan : l’analyse de la mobilisation partisane. Mais il faut aussi que le vote se politise et s’individualise : l’individuation de l’opinion.

  1. La mobilisation partisane.

Le XIXème siècle est l’arrivée massive des individus dans l’arène électorale. De plus en plus de votant apparaissent mais ce n’est pas le début de la massification de l’ère du vote.

Manin explique que jusqu’au XVII-XVIIIème siècle, chez les penseurs du politique on ne se prononçait pas pour le vote en démocratie.

Mais alors qu’est-ce qui est préférable au vote en démocratie ? Le tirage au sort serait préférable au vote en démocratie pour 2 raisons :

  • Le vote permet la sélection des élites préexistantes et favorise l’aristocratie alors que le tirage au sort est aléatoire et donc plus démocratique ;
  • Le tirage au sort est parfaitement égalitaire s’il est fait de manière équitable. Il offre la même chance de pouvoir exercé une fonction publique.

Manin explique que le vote s’est imposé parce qu’il est au fondement du contrat social. « Le vote permet que l’autorité dérive du consentement de ceux sur qui elle va s’exercer » c’est-à-dire que le vote provoque une forme d’obligation de consentir au pouvoir. Ce n’est qu’avec la révolution industrielle que le suffrage va s’imposer en étant initialement limité aux hommes et aux riches (impôts payés).

L’arrivée du citoyen sur la scène élective ne se fait pas brusquement car pour qu’on reconnaisse le citoyen votant il faut d’abord qu’on reconnaisse l’individu autonome en capacité de faire des choix qui ne sont pas directement influencés par nos multiples appartenances. Il faut un individu neutre.

Cela n’apparaît qu’à travers des transformations sociopolitiques :

  • Le développement de la représentation libre. On voit de nouvelles associations apparaître : presse, pétition, manifestations, syndicaux. Cela marque l’apparition, selon Habermas, de l’espace public et celui-ci favorise une culture politique de la participation électorale. Cette culture va rencontrer l’apparition de groupe politique dans un premier temps, ils vont commencer à présenter des candidats aux élections avec des programmes. Initialement c’est surtout une nouvelle bourgeoisie capitaliste qui est présente dans les parlements et qui commence à présenter des candidats, des programmes en France. C’est l’apparition du premier marché politique sur lesquels la compétition électorale va avoir lieu. Dans le but d’obtenir les faveurs électives de la population.
  • Ces marches électives sont de deux ordres : ils sont dans un premier temps censitaire et des marché politique élargie. Les marchés politiques censitaires sont les premiers à apparaître, caractéristique : restreint et fortement fragmenté, il repose sur l’interconnaissance entre candidats et électeurs et qui repose sur une logique d’individualisation du rapport aux politiques. Il y a un rapport individuel qui se tisse entre le candidat et les électeurs. Il y a une interconnaissance entre candidats et électeurs. Ce type de marché favorise le phénomène de clientélisme, ils ne se privent pas de payer les électeurs. Gaxie « explication du vote », il explique comment les candidats payent les votants, comment ils font de la corruption.

Marché politique élargie : ils correspondent à l’entrée des masses dans le jeu électoral qui s’opère au cour du XIXe. Passage de milers a millions d’électeurs. La concurrence s’intensifie, l’individualisation du rapport politique avec les votants se dégrade. Petit à petit les entrepreneurs individuels de la politique laissent place des entreprises collectives, les partis. C’est le début de l’enracinement des partis politique de masse comme pilier de la démocratie. Période ou les partis se professionnalisent, ou ils sont spécialisés dans la conquêtes des votes, où ils éduquent les citoyens à la politique.

C’est le début d’une compétition de masse, de plus en plus professionnalisée et autonome.

Cela est le premier aspect.

Le deuxième aspect dans le processus d’entrée sur le marché électoral.

Quels sont les critères qui autorisent les individus à voter ? Quels sont les critères qui font que les individus ont un certain poids à travers leur vote ?

L’influence de la voie est décidée par les l‘états. Il y a un lien entre étatisation et politisation.

Vote plural : Les états qui décident d’accorder une importance plus grande aux voix de certain individus.

En France, la loi du double vote adoptée le 19 juin 1820, qui va permettre aux personnes les plus imposées de voter 2 fois pour les députés.

Vote intellectuel : en Angleterre, les diplômes des universités anglaises vote 2 fois, une fois comme tout le monde et 10 députes seulement par les diplômés pour le second vote.

Le principe un homme-une voix est assez tardif. La France adoptée assez tardivement ce principe, pendant longtemps le suffrage a été censitaire. En France le suffrage est initialement censitaire car pendant longtemps les élites sociales et politiques considèrent que tous les individus ne disposent pas des qualités requises afin de pouvoir émettre un vote.

Durant la phase révolutionnaire, pas mal de révolutionnaires considèrent qu’il ne faut pas donner le droit de vote aux paysans car sinon ils vont voter pour leur maitre c’est à dire des candidats conservateurs plutôt que des candidats progressistes. L’accès au droit de vote est limité par certains critères, surtout liés à l’autonomie et la compétence de l’individu.

Les grandes étapes :

  • Révolution française, avec la DDCH mais n’inclus pas le droit de suffrage universel, il est restreint. Ce qui est formalisé par Sieyès est la distinction en citoyens passifs et actifs.
  • Sous la monarchie constitutionnelle, 1791, les passifs sont des citoyens dépendants c’est à dire l’individu qui est n’est pas autonome comme ceux qui ne payent pas le cens. Les actifs, +25 ans, domicilié depuis au moins d’un an dans un canton et qui payent le cens, ils se caractérisent par un critère d’indépendance (sociologique, intellectuelle). Durant l’ère révolutionnaire, le système discriminant est un double système discriminant car les citoyens actifs élisent des électeurs du second degré qui ont des revenus plus élevés qu’eux (Impôt équivalent à 100 jours de travail), qui eux peuvent élire les députés de l’assemblée nationale. Il y a 4millions d’actif et 3 de passif.

Il y a deux doctrines qui vont s’opposer :

  • La doctrine du droit de fonction
  • Le vote droit : à partir du 18e siècle, l’idée selon laquelle le vote est un droit il faut l’ouvrir à tous.

On va passer progressivement de l’un vers l’autre

  • Sous le consulat et l’empire, le suffrage est toujours censitaire.
  • Sous la restauration et la monarchie de juillet, il y a aussi un suffrage censitaire (âge, homme, payer impôt, …). Ce système favorise l’aristocratie.
  • 1848, la 2nde République, avec l’instauration du suffrage universel masculin, abaissement de l’âge des votants de 25 à 21ans. Augmentation du corps électoral. Cette augmentation connaît encore des limites importantes car de très nombreuses catégories de population sont encore exclues du vote comme les femmes, les militaires, les populations colonisées. Progressivement ils vont être intégrés aux suffrages.

1944, instauration du vote des femmes par le gouvernement provisoire avec le premier vote en Avril-Mai 1945. Les militaires ne peuvent pas voter car ils sont là pour assurer les intérêts de l’état et pas là pour voter, autorisation en 1945.

Les populations colonisées sont autorisées à voter à partir des années 1950.

  • 5 Juillet 1974, abaissement de la majorité à 18 ans donc élargissement du corps électoral.
  • 1983, suppression du stage de 5 ans imposé au naturalisés pour qu’ils puissent voter.
  • 1992, traité de Maastricht, les ressortissants de l’UE peuvent participer aux élections municipales et sont éligibles.

  1. La question de l’individuation de l’opinion.

Le vote d’opinion est l’idée selon laquelle lorsqu’on vote on exprime une opinion personnelle. Cela suppose que c’est l’individu construit son opinion et le vote de fait sans pression d’une personne ou d’une communauté. Cela suppose qu’il y a aussi une irresponsabilité car il n’y a pas de pression avant ou pendant le vote mais il peut y avoir une pression ares le vote, il faut mettre ne place des mécanismes pour ne pas se faire sanctionner de notre choix. Deux choses : la pratique du secret et le refus de la violence.

Le vote secret (Australien Ballot) apparaît en Australie en 1856 avec la première utilisation de bulletin uniforme imprimé par une administration publique, les bulletins ne sont utilisés que dans les bureaux de vote au moment du vote et troisième chose, utilisation de l’isoloir.

En 1872 en Grande Bretagne, en 1888 aux EU et en France en 1913 par une loi du 29 juillet 1913 qui instaure l’isoloir. Loi ayant pour objet d’assurer le secret et la liberté du vote ainsi que la sincérité des opérations électorales. Important car on établit un lien entre démocratie, secret et liberté. DDHC 1848 « le vote doit être secret ou organisé par une procédure équivalente assurant la liberté du vote ». La loi instaure l’isoloir, l’enveloppe et le votant qui dépose l’enveloppe dans l’urne.

Carrigou « le vote et la vertu » 1992, il montre qu’à l’origine l’isoloir n’est pas une priorité, pour lui la priorité est d’individualisé le vote, c’est à dire de briser les liens qui peuvent conditionner le vote d’un citoyen. Avant l’instauration de l’isoloir, en France le vote ne relève pas d’un mécanisme individuel, il relève au contraire d’un mécanisme au travers lesquels se manifeste un fort contrôle social. Il est de coutume d’aller voter collectivement par village sous la direction du chef de village avec l’impression des bulletins de vote par les notables. La pression est tellement forte que les individus qui ne veulent pas voter sont forcés, s’ils ne votent pas ce sont des traites a la communauté. Pendant très longtemps le vote ne mesure l’opinion publique mais la force des liens sociaux.

Comment passer d’un vote qui subit toute forme de contrainte à un vote qui serait l’expression de la souveraineté de la nation ? Les états ont entrepris d’individualiser le vote, par des mesures concrètes. Trouver des solutions pour court-circuiter les allégeances périphériques. Les états font ça par l’isoloir, le vote dans l’enveloppe, le dépôt du vote dans l’urne du votant, organiser l’élection au chef-lieu de canton et non dans le village pour diminuer l’influence locales des notables, instauration de bulletin uniforme, inscription des votants sur une liste par ordre alphabétique. Le but est de faire naitre le citoyens concrètement. Création d’un espace privé dans un espace publique, avec deux conséquences : permet aux électeurs de garder son opinion secrète et d’éviter des sanctions de ceux à qui on ne souhaite pas faire connaitre son opinion. Cela a aussi une autre conséquence, l’électeur est dans l’impossibilité de prouver son choix.

Sartre « élection piège à con » 1973, il critique l’isoloir car pour lui l’impossibilité de prouver son choix est aussi la possibilité de trahir son groupe, « l’isoloir dit à chacun : personne ne te voit, tu ne dépends que de toi même, tu vas décider dans l’isolement et par la suite tu pourras cacher sa décision ou mentir ».

La question du vote et de la violence.

Le vote oppose sa rhétorique a la violence. On s’impose en arrivant à convaincre le plus grand nombre et non par la violence.

On voit se mettre en place un processus d’éducation des individus a la citoyenneté. Le vote permet d’exprimer pacifiquement son opinion.

Le peintre Daumier publie en 1969 un lithographie représentant un ouvrier républicain qui a au bout de ses doigts un bulletin et de vote et proclame « Voilà ma cartouche ». C’est le lien direct entre le vote et la pacification de la société. L’ouvrier républicain n’a plus besoin de la cartouche pour se faire écouter, il exprime maintenant ses idées par le vote.

C’est d’abord la pacification du bureau de vote, le vote en démocratie serait l’unique mode légitime de dévolution du pouvoir, c’est lui seul qui confère la légitimité. Tout est fait concrètement et symboliquement pour respecter cette idée, le bureau de vote répond à 3 exigences :

  • C’est un espace dont on met en avant la neutralité (président du bureau de vote qui dispose d’un large pouvoir d’appréciation), on donne des prérogatives a une personne qui n’incarne pas l’état c’est un lieu temporairement neutre, c’est un espace au sein duquel un électeur peut faire son devoir de citoyen sereinement. Les lois et les jurisprudences fixent l’organisation des bureaux de vote. C’est une incarnation du droit.
  • C’est un espace pacifié car à l’abri des violences et des pressions extérieures, des agitations politiques. Ce lieu codifié participe à la pacification des mœurs.
  • Ihl et Deloye insistent sur une autre dimension, ils soulignent que l’acte de vote va désarmer la violence, c’est à dire encadrer la violence. En se diffusant de plus en plus le vote va peu à peu s’imposer comme le seul mode acceptable de gestion des conflits. L’institutionnalisation progressive des élections a échéances régulières, cela va inciter les prétendants au pouvoir de s’accaparer du pouvoir par la violence. Le vote apprend la patience civique, car à travers lui se diffuse l’idée selon laquelle l’alternance politique ne peut se faire que par des échéances électorales. Par le vote on trouve finalement un mode de régulation pacifié des conflits.

Tilly, « la France conteste » 1986, Dans cet ouvrage il analyse l’évolution des différentes formes de manifestation populaire, il y a une évolution car jusqu’au début du 19e s quand il y a une manifestation c’est plutôt une émeute sanglante alors qu’à partir de la fin du 19e siècle, on a des manifestation de plus en plus routinières, organisées sur une base professionnelle, et strictement encadrées et ritualisées. Pour lui cette évolution est un des effets de la culturation civique du vote. Il met en avant l’idée que politiquement une manifestation trop violente est contreproductive. Pour lui l’institutionnalisation du vote a certainement influé sur les formes de violence.

Section 2 : Différentes analyses stratégiques et écologiques du vote.

Il y a deux grands courants d’analyse en matière du vote :

  • Stratégique : accent sur le choix opéré par l’individus et l’offre politique
  • Ecologique : analyse portant sur les différents facteurs sur l’environnement sociologique de l’individus qui peuvent conditionner ses préférences électorales.
  • Saisir le vote par la prise en considération des choix individuels.

Dans les analyses stratégiques, on considère que les individus vont voter sur un marché politique, pour obtenir certains avantages. L’individu va être rationnel. Dans cette perspective, on considère que l’électeur est un consommateur calculateur utilitariste. Il calcul puis il vote pour maximiser certain de ses avantages (idéologiques et matériels). Le plaisir de s’identifier à un programme, a une grande cause. L’offre de vote proposé par les partis politiques ou les candidats. On s’intéresse aux termes qui font les choix politiques comme la mondialisation, la nationalisation et autres. Dans le champ politique chaque parti politique lutte pour imposer telle ou telle thématique. Dans les approches stratégiques on considère que l’électeur est stratège. Il va essayer d’optimiser ses avantages en votant pour tel ou tel candidats qui défend tel ou tel enjeux ou cause que l’électeur considère important pour lui.  Issue Voting.

On peut considérer même que les électeur votent pour un autre candidats que celui qu’il soutien pour faire changer une politique.

La détermination du vote a été mise en avant par une étude du CIVIPOP pour expliquer la défaite de Lionel Jospin. Interrogation d’un échantillon de la population française. On demande de se situer par rapport à des enjeux importants de cette élection. En 2002 arrive le chômage, la délinquance, les inégalités sociales, puis l’immigration et d’autre. On hiérarchise une série de thématiques. L’enquête demande aux personnes interrogées, quels sont les candidats susceptibles d’apporter les réponses politiques les plus efficaces aux problèmes. Or sur les 4 problèmes les plus importants, Jospin n’est jamais considéré comme le meilleur candidats susceptible d’apporter des réponses efficaces.

Les réserves :

  • En démocratie, les discours des candidats sont des discours de séduction pour tous. Est-ce que l’électeur est à même de hiérarchiser toute les promesses formulées par les candidats ? Si on suppose que l’électeur va opère un choix rationnel, il ne va jamais opérer un choix en ayant toute les informations.

Le calcul cout avantage, peut jouer un rôle dans le vote mais parmi d’autre facteur. La rationalité dans le vote joue un rôle plus ou moins important selon la catégorie de citoyens. La rationalité dans le vote dépend aussi de la conjoncture nationale.

Si l’électeur était si rationnel que ça, irait il voter ? Si je suis vraiment rationnel j’ai pas intérêt à voter car je sais que ma voix ne va pas changer le cour de l’élection. 2 exception : égalité parfaite et que tout le monde n’aille pas voter.

  • On considère que le champ politique fonctionne comme le champ économique. Il existe une fraction d’électeur qui vote pour améliorer le fonctionnement de la société et leur vie c’est à dire changer le système. Ils attendent des avantages. Ils sont attentifs à l’offre politique mais il n’est pas exagéré de dire que parallèlement il y a une partie importante d’électeur qui est aussi peu intéressé par la politique. Dans l’enquête précédente c’est sans réponse et la réponse aucun représente 50%. Une partie importante des électeurs ne votent que pour accomplir leur devoir de citoyens.
  • La notion même d’enjeux, dans ce type d’approche théorique, on établit un rapport entre un rapport et un candidat dont on considère que l’électeur vote pour lui car il répond au mieux à l’enjeux considéré comme important. Comment être certain que la corrélation est valide ? Je considère qu’un candidat apporte des solutions plus appropriées pour l’enjeu que je trouve important. Le CEVIPOF a listé une série d’enjeux et demande aux personnes sondées de déterminer quels sont les enjeux les plus importants. Mais le problème c’est que les enjeux sont imposés par le protocole. Demander quels sont les enjeux qui pèsent sur la décision de vote suppose que les personnes qui répondent sont en capacité de produire elle-même une analyse sur les raisons qui détermine leur vote. Mais tout le monde n’est pas en capacité d’avoir ce détachement qui lui permet d’avoir une analyse réflexive sur ces propres pratiques. Si l’individus affirme avoir voté pour tel ou tel candidats en fonction de tel ou tel enjeu qu’il privilégie, comment être certain que son vote n’est pas aussi le fruit de sa trajectoire personnelle, de l’influence des groupes sociaux, de certain déterminant ?

  1. Comprendre le vote à partir de l’environnement sociologique du votant.

Comment agit le votant électoralement avec les caractéristiques sociologiques de son environnement ?

Siegfried « tableau politique de la France de l’ouest » 1913, c’est l’un des premiers à se demander comment on vote en France. Il essaye d’expliquer cela à partir de facteur morphologique qu’il croise pour établir des cartes.

Les principales variables de cet auteur sont :

  • La nature du sol, calcaire ou granitique ;
  • La structure de l’habitat, dispersé ou regroupé ;
  • La nature de la propriété, grande, moyenne ou petite.

Il joue avec et considère que les trois éléments sont liés et détermine des tempéraments électoraux qui sont soit propice au vote à gauche soit à droite.

Pour lui dans les zones granitiques, le Granique retient l’eau donc il y a de très nombreux puits dont l’eau est facilement accessible donc l’habitat est dispersé. Il y a aussi une de grande propriété et une multitubes de petits fermiers qui sont dépendants (droite).

A l’inverse dans les zone calcaire, l’eau est plus rare ce qui oblige les individus a se regroupé, donc un habitat regroupé. On trouve surtout de petit et moyen propriétaire qui ont un tempérament plus égalitaire car il faut partager l’eau. Ils sont éloignés de la religion catholique (gauche).

Certaine caractéristique géologique, certain type de répartition de la propriété et aussi un certain type de valeur qui se propagent et prédominent au sein d’une communauté.

Lacoste essaye de comprendre comment les grandes évolutions géographiques influent sur le vote, « géopolitique des régions françaises », il met en relation la façon de voter, avec le processus d’urbanisation, l’érosion de certaines identités régionale et

3 types de variables sont mobilisés :

  • Sociodémographique : le sexe, l’âge, le lieu de résidence. Le sexe, les femmes votent autant que les hommes à droite et à gauche. La caractéristique de certaine élection est que les femmes affichent une plus grande réticence à voter pour les extrêmes.

Mosssu-Lavau, 1993 « le vote des femmes en France (1945-1993) » Elle explique qu’il y a un écart de 10 points en faveur de la droite. Avec aujourd’hui un écart de moins en moins grands, l’influence de moins en moins grandes de la pratique religieuse pour les femmes, l’augmentation de niveau d’instruction des femmes, l’insertion dans la vie professionnelle des femmes et la sensibilisation plus grande des femmes aux valeurs féministes.

L’âge, plus l’âge s’élève plus on voit une tendance à voter à droite. Muxel « la politique au fil de l’âge » 2011. Comment expliquer ce conservatisme ? La hausse du patrimoine. Le vote des jeunes, « avoir 20 ans en politique » 2010, la thèse est de dire que le vote des jeunes alimente un vote tendance c’est à dire un vote anti système. C’est aussi la tranche d’âge la plus abstentionniste.

Le lieu de résidence, on essaye de voir s’il y a des disparités de vote selon l’importance des villes. Est-ce qu’il y a des différences entre la ville, le milieu péri urbain et le monde rural ? Oui, en fonction des élections.

Levy, affirme qu’il y a une poussé du FN dans les espaces périurbains, c’est à dire les banlieues dans les anneaux des grandes villes. Stagne dans les grandes villes voire régresse.

Charmes, critique les travaux de Lévy car il y a plein de contre-exemple. Plein de zone périphérique urbaine qui ne votent pas le FN, ce qu’il faut voir c’est au cas par cas c’est à dire localement. Son critère est le type de population sociale qu’on trouve dans les domaines périurbains.

D’autres auteurs comme Lebras et Todd, ils mettent en avant le niveau d’instruction c’est à dire un autre critère.

  • Socioéconomique : appartenance socioprofessionnelle et le niveau de revenus.

Chapitre 2 : Les comportements politique extra électoraux.

On le fait pas.