Autorité de la chose jugée : conditions, portée, sanction

L’autorité de la chose jugée en civil

L’autorité de la chose jugée signifie que le litige qui a été jugé possède une autorité envers les personnes à qui il s’adresse, mais aussi envers les tiers, ainsi qu’envers le juge qui a solutionné le litige.

  • – Entre les parties : Concrètement ce principe signifie que la personne qui a gagné le procès dispose d’un titre lui permettant d’obtenir satisfaction de sa demande. Toutefois, le fait qu’il y ait eu décision, cela veut dire que le litige ne pourra pas être de nouveau porté devant le juge.
  • – A l’égard des tiers, ce principe signifie que la décision qui a été rendue n’entraîne pas d’effets qu’entre les parties au procès. En revanche, elle est opposable aux tiers.
  • – Concernant le juge : l’autorité de la chose jugée permet au juge de se dessaisir de l’affaire qui ne pourra pas être jugée une deuxième fois.

Pour examiner l’autorité de la chose jugée en civil, il conviendra successivement de se pencher sur: les conditions de l’autorité de la chose jugée, les effets de l’autorité de la chose jugée, et enfin la sanction de cette autorité de chose jugée …

Introduction

L’autorité de la chose jugée est un effet de l’acte juridictionnel qui découle de la nature même de cet acte, au même titre par exemple que le dessaisissement du juge ou l’effet déclaratif.

Dans le cadre de cet exposé, nous allons ainsi nous attacher à la principale caractéristique de l’acte juridictionnel, qui est de posséder une autorité qui n’est pas accordée aux autres actes émanant d’un administrateur ordinaire.

Cette autorité, reconnue par l’article 1315 du Code civil au titre de la preuve est très importante dans la mesure où elle donne toute sa portée à l’acte.

Le jugement a en effet une valeur légale: une présomption de vérité est attachée à lui.

La chose jugée: autorité attachée à un acte de juridiction servant de fondement à l’exécution forcée du droit judiciairement établi, et faisant obstacle à ce que la même affaire soit à nouveau portée devant un juge.

Pour examiner l’autorité de la chose jugée en civil, il conviendra successivement de se pencher sur:

  • – les conditions de l’autorité de la chose jugée
  • – les effets de l’autorité de la chose jugée
  • – et enfin la sanction de cette autorité de chose jugée

l'autorité de la chose jugée

I – Les conditions de l’autorité de la chose jugée

– L’autorité de la chose jugée est attachée à tout acte juridictionnel, quelle que soit la juridiction dont il émane.

Ainsi, le caractère juridictionnel est une condition pour un acte de bénéficier de la présomption de vérité, condition que ne remplit pas par exemple un acte administratif.

– seules les décisions contentieuses (ctd celles par lesquelles un magistrat tranche un point contesté entre 2 ou plusieurs adversaires), rendues dans le respect des exigences de la contradiction ont l’autorité de la choses jugée (Civ.1ère, 17 octobre 1995, D.1995.Infrap 240). Ainsi, il faut que les parties aient débattu les contestations ou qu’elles aient été appelées à en débattre.

– on refuse ainsi par exemple l’autorité de la chose jugée à une décision rendue par le juge d’exécution en application de l’article L. 322-1 C.consom, en l’absence de contestation, et conférant seulement la force exécutoire aux mesures recommandées par la Commission de surendettement (Civ 1ère 17 juin 1999, D.1999 Inf.rap. 195)

– Il convient de préciser que seuls les jugements définitifs possèdent cette autorité, ce qui recouvre:

  • les jugements sur le fonds (ceux qui tranchent le principal),
  • et les jugements qui statuent sur une exception, une fin de non-recevoir ou un incident. Ils ont sur ce point précis autorité de la chose jugée (article480 Code de Procédure Civile).

En revanche, ne possèdent pas au principal cette autorité, les jugements:

  • · avant dire droit (ils ne tranchent pas sur contestation art.482)
  • · les ordonnances rendues sur requête (article493): elles peuvent toujours être modifiées ou rétractées par le juge qui les a rendues sous réserve du respect des droits acquis
  • · ou les ordonnances en référé (article488)- mais elle passent en force de chose jugée à l’expiration des délais de recours. Ces ordonnances n’ont qu’un caractère provisoire: elles peuvent être rapportées, modifiées en cas de circonstances nouvelles.

Cela ne signifie pas d’ailleurs que ces jugements avant-dire droit et autres n’ont aucune autorité de la chose jugée; ils n’en ont pas sur le principal, c’est tout.

  • Les ordonnances du juge de la mise en état (veille au déroulement loyal de la procédure, ponctualité de la remise des conclusions et communication des pièces) n’ont pas, au principal, autorité de la chose jugée, ni l’arrêt statuant en appel sur ces ordonnances (com 1995). elles ne peuvent être frappées d’appel ou de pourvoi en cassation qu’avec le jugement sur le fond.
  • · Les jugements gracieux n’ont en principe pas l’autorité de la chose jugée
  • · La sentence arbitrale a l’autorité de la chose jugée, mais elle n’a pas la valeur d’un véritable jugement: n’acquiert force exécutoire que par une ordonnance d’exequatur du TGI.

Enfin, il faut que se réalise la triple identité de parties, de cause et d’objet (article1351 C.Civ)

  • 1) identité d’objet: même droit réclamé sur la même chose
  • 2) identité de cause: même fait juridique ayant donné naissance au droit prétendu
  • 3) identité des parties: (effet relatif du jugement, limité aux parties: demandeur, défendeur, figurant dans l’instance ou représentés, sauf exception, ex: filiation)

A/ Autorité de la chose expressément jugée.

1) Le dispositif:

L’autorité de la chose jugée n’est attachée, en principe, qu’au dispositif (partie d’un jugement contenant la solution du litige) non aux motifs, ctd à ce qui a été réellement jugée et non à ce qui en forme la justification en fait et en droit. Ainsi, cette analyse conduit à n’investir de la vérité légale que la constatation faite par le juge, ctd que le dispositif.

Pour les décisions contentieuses, le dispositif n’acquiert d’ailleurs cette autorité que pour les questions litigieuses effectivement tranchées par le juge, sans réserve ni condition, après un débat entre les parties.

Pour les décisions gracieuses, ces exigences n’ont pas lieu d’être, le jugement étant rendu « en l’absence de litige » (article25).

2) Les motifs:

En principe, les motifs qui étayent le dispositif, n’ont pas autorité de la chose jugée.

Toutefois, cette affirmation doit être nuancée.

– en effet, en premier lieu il convient de souligner qu’il n’est pas interdit selon la jurisprudence d’éclairer la portée du dispositif par les motifs de la décision, sans pour autant leur conférer autorité de la chose jugée

– en second lieu, il convient de souligner que la jurisprudence a toujours reconnu l’autorité de la chose jugée aux motifs décisifs, ctd à ceux qui constituent le soutien nécessaire du dispositif, qui font corps avec la sentence. Toutefois, même si la rédaction de l’article 480 Code de Procédure Civile ne semblait pas aller à l’encontre de cette jurisprudence, les décisions les plus récentes semblent consacrer un abandon de cette position. Toutefois, on peut remarquer que le Conseil constitutionnel reconnaît autorité de la chose jugée aux motifs de ses propres décisions, lorsqu’ils sont le soutien nécessaire du dispositif.

– Enfin, il convient d’aborder la question des motifs décisoires et de leur autorité, ctd des motifs qui tranchent une partie du principal (sans être pour autant en relation avec le dispositif, sans en constituer le soutien nécessaire). En effet, en pratique on peut observer que les juges laissent parfois dans les motifs une partie de ce qui devrait figurer dans le dispositif. On peut dès lors se demander si de tels motifs ne doivent pas acquérir autorité de la chose jugée.

En réalité, la réponse est différente en jurisprudence selon que l’on se trouve en présence de jugements sur le fond (article480) ou de jugements avant dire droit (article482).

Ainsi, en ce qui concerne les jugements définitifs, la jurisprudence et la doctrine ont toujours admis que les motifs décisoires avaient autorité de la chose jugée, tout comme le dispositif (il ne faut pas s’en tenir à une présentation formelle du jugement).

Dans ce contexte, on peut se demander si cette solution doit être maintenue sous l’empire du Code de Procédure Civile, alors que l’article 455al2 dispose que « le jugement énonce sa disposition sous forme de dispositif » et que l’article 480 ne confère l’autorité de la chose jugée « qu’aux jugements qui tranchent, dans leur dispositif, tout ou partie du principal »?

Ces textes ne remettent-ils pas en cause l’autorité des motifs décisoires de ces jugements? On peut relever ici qu’il existe des arguments qui vont contre cette reconnaissance. Le premier s’appuie sur les arrêts les plus récents de la Cour de Cassation qui refusent autorité à des motifs décisifs; a fortiori, ne faut il pas refuser cette autorité aux motifs décisoires non décisifs? Le second met en avant la netteté de la rédaction des articles 480 et 482 (pour les jugements avant dire droit). Ne convient-il pas d’harmoniser les solutions et de refuser une autorité aux motifs décisoires? Les différentes chambres de la Cour de Cassation inclinent vers cette solution, malgré quelques hésitations.

Pour les jugements avant dire droit, on dispose du même texte (article455al2) et d’un texte identique dans sa rédaction à l’article 480, qui est l’article 482. Celui-ci énonce que « le jugement qui se borne dans son dispositif à ordonner une mesure d’instruction ou une mesure provisoire, n’a pas au principal autorité de la chose jugée ».

Il convient là encore de se demander, si malgré la rédaction de cet article, on peut admettre dans certains cas que les motifs acquièrent autorité de la chose jugée lorsqu’ils sont décisoires? Ici, la question se pose dans les mêmes termes que pour les jugements sur le fond, mais lui donner une réponse affirmative revient à aller au-delà du simple problème de l’autorité de la chose jugée; c’est poser le problème du critère du jugement mixte (jugement qui tout à la fois dans son dispositif tranche tout ou partie du principal et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire) et du régime des voies de recours. En effet, reconnaître les motifs décisoires dans un jugement qui, au vu de son seul dispositif serait avant dire droit, ce serait le transformer en jugement mixte, alors que le nouveau code semble s’en tenir à un critère objectif et formel du contenu du dispositif.

B/ Autorité de la chose implicitement jugée.

La jurisprudence reconnaît l’autorité de la chose jugée à ce qui est implicitement compris dans le dispositif, ctd aux questions incidentes aux questions expréssement tranchées, celles que le juge n’a pas abordées directement et expréssement, mais qu’il a dû nécessairement résoudre pour aboutir à sa décision formelle avec toutefois quelques limites, notamment lorsque la chose qui aurait été implicitement jugée figure dans le jugement avant dire droit qui, par hypothèse (article482) n’a pas lui-même autorité de la chose jugée pour la mesure expréssement prise.

C/ Autorité de la chose virtuellement jugée.

La jurisprudence franchit un pas de plus en reconnaissant autorité de chose jugée à tout ce qui constitue la suite nécessaire de la décision. Ainsi, le jugement qui repousse une demande portant sur le remboursement d’un capital interdit au plaideur qui a succombé de réclamer ensuite les intérêts de cette somme, car l’accessoire de la chose qui a fait l’objet de la demande est réputé avoir été compris dans celle-ci.

De même, lorsqu’il s’agit d’un contrat successif, la chose jugée sur la validité et l’interprétation du contrat vaut pour toutes les actions qui naîtront ultérieurement du même contrat.

II – La portée de l’autorité de la chose jugée

Cette portée doit être examinée, successivement en ce qui concerne différentes parties.

A/ La chose jugée et les parties

Ici, la chose jugée possède une autorité dans deux directions. Son influence se manifeste non seulement sur le plan du droit substantiel soumis au juge, mais encore sur un plan procédural et formel.

1) Autorité quant au fond du droit:

L’autorité de la chose jugée présente deux aspects:

– un aspect positif: elle implique que le plaideur dont le droit a été reconnu peut se prévaloir du jugement et des avantages qui en découlent pour lui et ceci à plusieurs points de vue:

la forme exécutoire: l’autorité de la chose jugée s’identifie alors avec la force obligatoire de la sentence dont on peut exiger l’exécution par la force, sous réserve de ce qui sera dit sous l’angle procédural. C’est la force exécutoire du jugement.

– Une présomption de vérité est attachée à la décision du juge. On dit aussi que la décision qui a l’autorité de la chose jugée a « force de vérité légale ».

Le jugement a la force probante d’un acte authentique (article457)

– sous un aspect négatif, cette autorité interdit que soit soumis à nouveau à un tribunal ce qui a déjà été jugé, sous la condition de la triple identité des parties, d’objet et de la cause de l’article 1351 du code civil. Dès l’instant qu’une prétention est nouvelle par sa cause, son objet ou la qualité des parties, elle peut être soumise au juge sans se heurter à l’obstacle de la chose jugée.

Notion d’identité d’objet: en procédure civile, l’objet de la demande c’est le résultat économique ou social qui est recherché. Quand il s’agit de savoir si par rapport à une nouvelle demande, la chose a déjà été jugée, il faut examiner et la matérialité de la chose demandée et la nature du droit réclamé sur cette chose; si l’une ou l’autre change, il n’y a pas autorité de la chose jugée. Pour que celle-ci joue il faut que le demandeur réclame le même droit ou une chose matériellement identique.

Notion de cause: c’est souvent à l’occasion de la cause de la demande que surgissent les difficultés et des doutes, d’autant plus que la cause retenue au titre de l’article 1351 Cciv est plus large que celle retenue en procédure civile. La seconde, depuis le nouveau code, correspond aux faits allégués par les parties à l’appui de leurs prétentions, alors que pour savoir s’il y a cause identique au titre de l’autorité de la chose jugée interdisant une nouvelle demande, il faut comparer celle-ci avec ce qui a été jugé, tant en droit qu’en fait. Si un seul des éléments de fait ou de droit est modifié, il n’y a pas autorité de la chose jugée

Notion d’identité des parties: il faut avoir figuré ou avoir été représenté à l’instance que le jugement a éteint. De plus, pour qu’il y ait identité des parties, il faut figurer dans l’instance en cours avec la même qualité que dans l’instance précédente.

2) Autorité quant à la procédure:

L’autorité de la chose jugée doit aussi être considérée sous l’angle procédural. A cet égard, le jugement bénéficie d’une seconde présomption, celle de validité et de régularité.

  • a) Quelle est la force de cette présomption?

Il y a une gradation:

– au lendemain de la sentence, cette présomption n’a qu’une force provisoire, force qui ira en se fortifiant au fur et à mesure que les voies de recours auront été utilisées ou auront fait l’objet d’une renonciation. L’article 500 du Code de Procédure Civile distingue selon que la voie de recours offerte au plaideur et éventuellement utilisée par lui, est ou non suspensive d’exécution dès son prononcé:

lorsque le jugement est rendu, il a autorité de la chose jugée (article480)

lorsque le jugement n’est pas ou n’est plus susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution, il a force de chose jugée. Les recours auxquels fait allusion l’article 500 du nouveau Codeprciv sont l’opposition, l’appel et le pourvoi en cassation dans les cas assez rares où il a un effet suspensif. Et dès que le jugement acquiert force de chose jugée, il est exécutoire sans attendre qu’il soit devenu irrévocable (article501 Code de Procédure Civile); mais à l’inverse, il peut être exécutoire sans attendre la force de chose jugée, lorsque l’exécution provisoire est possible. En outre, l’ordonnance de référé qui n’a pas autorité de chose jugée au sens de l’article 480, peut avoir force de chose jugée dès son prononcé, dès lors que tout recours suspensif est écarté.

On déclare la décision irrévocable lorsque les délais des voies de recours extraordinaires sont expirés ou qu’il a été fait usage de ces voies de droit.

  • b) A la différence de ce qui se passe pour les actes juridiques (les contrats en particulier), un acte juridictionnel ne peut pas être l’objet d’une action en nullité principale.

Ainsi, les voies de recours sont la seule solution pour la remise en cause éventuelle d’une telle décision.

On ne peut attaquer une telle décision par le biais d’une action en annulation, et cela en raison de la règle traditionnelle « Voies de nullité n’ont lieu contre les jugements ». On trouve l’expression de cette règle à l’article 460 du nouveau code aux termes duquel « la nullité d’un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi ».

c) l’autorité qui accompagne le jugement est si forte qu’elle s’attache à tout jugement devenu inattaquable, même si le tribunal était incompétent d’une manière radicale, d’ordre public, ou s’il a commis une violation flagrante des formes: l’irrégularité sera couverte; on ne pourra plus s’en prévaloir, il faudra se soumettre au jugement et l’exécuter. En ce sens on dit que le tribunal crée sa propre compétence.

B/ La chose jugée et le juge

L’autorité de l’acte juridictionnel s’impose au juge (il ne faut pas en déduire que l’autorité de la chose jugée a un caractère d’ordre public. Bien au contraire et comme nous allons le voir dans notre IIIème partie, la Cour de Cassation affirme le principe du caractère d’ordre privé de la règle.)

Cette autorité s’impose au juge en ce sens que celui-ci, une fois sa décision rendue, est dessaisi; ce dessaisissement est une conséquence directe de l’autorité attachée à la chose jugée, autorité qui interdit au tribunal de connaître à nouveau d’une prétention qui a fait l’objet d’un acte juridictionnel. Dès lors que se retrouve réalisée la triple identité des parties, de cause et d’objet, le tribunal ne peut plus statuer à nouveau.

Ce principe du dessaisissement du juge est actuellement exprimé par l’article 481, alinéa premier du nouveau C.pr.civ aux termes duquel « le jugement dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche ». Ainsi, dès qu’il a rendu sa décision, le juge ne peut plus revenir sur elle, la modifier et ceci même avec le consentement éventuel des parties.

Il existe toutefois quelques dérogations au principe du dessaisissement du juge, dérogations dont l’importance s’est dernièrement accrue.

– il faut tout d’abord tenir compte des voies de recours dites de rétractation, par l’exercice desquelles on demande au juge même qui a rendu la décision de revenir sur celle-ci. Aussi bien le deuxième alinéa de l’article 481 dispose-t-il que « le juge a le pouvoir de rétracter sa décision en cas d’opposition, de tierce opposition ou de recours en révision ». L’alinéa 3 du même article précise ensuite que le juge peut interpréter ou rectifier sa décision suivant des distinctions établies par d’autres textes du nouveau code (article 461 à 464).

Ainsi, le juge peut (à la demande de l’une des parties au moins) interpréter sa décision si celle-ci est ambiguë. Une procédure sur requête est prévue à cet effet (article 461)

– Le juge peut aussi en second lieu rectifier sa décision et à cet égard les textes vont assez loin. En effet, non seulement ceux-ci permettent au juge auteur de la décision comme à la juridiction à laquelle celle-ci est déférée de réparer, à la suite d’une demande sur requête ou éventuellement d’office, les erreurs ou omissions matérielles affectant le jugement, même passé en force de chose jugée (article462), mais ils offrent aussi des possibilités de faire compléter le jugement en cas d’omission de statuer sur l’un des chefs de la demande (article463) ou même de rectifier la décision au cas où le juge a statué ultra petita (au-delà de ce qui lui était demandé)-art.464.

– Les conditions de la rectification dans les deux dernières hypothèse figurent à l’article 463 et seules des erreurs matérielles peuvent ainsi être corrigées: les modifications de fond – droits et obligations des parties, sont interdites par cette voie. L’absence de mention du nom des juges ayant rendu la décision ne peut être rectifiée.

– Modifier des jugements provisoires

Si malgré les précautions légales, un même point de droit donnait lieu à des décisions contradictoires, la question pourrait être réglée grâce au pourvoi en cassation. Pour ouvrir la voie à un tel recours, il faut supposer que la contrariété existe entre les dispositifs des deux décisions et non seulement entre leurs motifs.

C/ La chose jugée et les tiers.

L’acte juridictionnel, en dépit de la force de vérité légale qui le caractérise, n’a cependant qu’une autorité limitée, qu’une autorité relative, en ce sens qu’elle n’a lieu que dans les rapports des parties au procès, et ne joue donc pas à l’égard des tiers.

Cette relativité est précieuse pour les tiers. En effet, la chose jugée qui lie les plaideurs n’a aucun effet à l’égard des tiers, en ce sens que le jugement ne peut créer de droits ou d’obligations en faveur ou à l’encontre de ceux qui n’ont été ni parties, ni représentés. Cela signifie qu’un tiers à l’instance précédente peut former une demande ayant le même objet et la même cause que celle-ci, et donc susceptible de contredire la chose précédemment jugée, sans pour autant que l’on puisse valablement lui opposer une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée.

Toutefois, ces tiers ne peuvent pas, pour autant ignorer l’existence de cette situation juridique ainsi née du fait du jugement. En effet, le jugement, par son existence même, modifie l’ordonnancement juridique et cette modification, objectivement doit être reconnue et respectée par tous. Ainsi, le jugement est opposable à tous, même s’il ne crée des effets qu’à l’égard de certains, parties au procès.

Ainsi, par exception, il convient de souligner le fait que certains jugements ont une autorité que l’on qualifie d’absolue (terminologie discutée) et produisent donc leurs effets à l’égard des personnes qui n’ont pas été parties à l’instance (ex: décisions en matière d’annulation de mariage, de filiation, de nationalité)

D/ La chose jugée et les autorités législatives et réglementaires.

– en principe, une loi nouvelle promulguée après le jugement passé en force de chose jugée ne peut porter atteinte à cette décision, sauf si la loi nouvelle crée un véritable droit nouveau au profit de l’une des parties ou s’applique rétroactivement à toutes les situations antérieures, même irrévocablement jugées.

– L’autorité de la chose jugée doit encore être protégée contre les lois de validation. Le conseil constitutionnel censure de telles lois. Toutefois, il admet deux exceptions: lorsque de telles lois reposeraient sur un motif d’ordre général et celles qui ne seraient pas disproportionnées quant à l’objectif à atteindre.

– L’autorité de chose jugée doit aussi être respectée par le préfet dans l’exercice de son pouvoir de police, lors de l’exécution forcée des décisions de justice.

– Ce respect dû à la chose jugée se complète par l’incrimination du fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement, sur un acte ou une décision juridictionnelle dans des conditions de nature à porter atteinte à la justice ou à son indépendance.

III. La sanction de l’autorité de la chose jugée

L’exception de chose jugée (article112Code de Procédure Civile) est une fin de non-recevoir (moyen de défense de nature mixte par lequel le plaideur, sans engager le débat au fond, soutient que son adversaire n’a pas d’action et que sa demande est irrecevable). La partie contre laquelle on voudrait reprendre une prétention déjà jugée opposera l’exception de chose jugée. Le tiers qui veut résister à une demande fondée sur une décision à laquelle il n’aurait pas eu part, se retranchera derrière l’exception de relativité de chose jugée.

L’objectif de sécurité juridique et de paix sociale qui justifie l’autorité de la chose jugée devrait normalement conférer à la fin de non-recevoir qui la sanctionne un caractère d’ordre public. Une jurisprudence très ferme admet pourtant que le moyen est seulement d’intérêt privé;

– le juge, ni le ministère public ne peut donc le soulever d’office;

– il ne peut être présenté pour la 1ère fois devant la Cour de Cassation;

– les parties et les tiers peuvent ainsi renoncer à s’en prévaloir.

Mais, il en ira autrement si le moyen présente, par exception, un caractère d’ordre public. Ainsi, ce principe du caractère d’ordre public est toutefois écarté lorsque sont en cause des droits dont les parties n’ont pas la libre disposition (Civ. 1ère 19 mai 1976, D.1976. Inf rap.224) ou encore lorsque « au cours d’une même instance il est statué sur les suites d’une précédente décision passée en force de chose jugée » Soc.4 juillet 1967).

Enfin, il convient de souligner que cette fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause (article123 Code de Procédure Civile).

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