Cours de droit de l’informatique

DROIT INFORMATIQUE

Le droit informatique, et le droit des contrats informatiques est en grande partie composé par le droit des obligations, mais il connaît certaines spécificités.

C’est une Discipline issue des besoins de la pratique. En effets, au fur et à mesure, des questions juridiques ont été soulevées par le traitement de l’information par les machines de calcul, les ordinateurs, apparus suite à la seconde guerre mondiale.

Discipline née dans les années 70, elle regroupe la protection des personnes contre les dangers des traitements de données nominatives, le statut des programmes d’ordinateur en tant que création, la formation des contrats, le paiement électronique, la criminalité informatique. La matière s’étend du droit privé au droit public.

Les autres fiches de cours :

La discipline acquière une dimension nouvelle au début du 21ème du fait que les ordinateurs sont de plus en plus souvent utilisés en réseau et que notamment grâce à la norme IP et au langage HTML (hypertext market language). Des sites web accessibles du monde entier apparaissent. Les réseaux sont ouverts au grand public. Le droit de l’info trouve un prolongement naturel dans le droit du multimédia, de telle sorte qu’aux questions classiques s’ajoutent de nouvelles tenant aux possibilités de communication publique et au développement du commerce électronique à l’échelle internationale.

LOI DU 21 JUIN 2004 (LCEN)

Cette matière s’est trouvée encadrée par des dispositions législatives et réglementaires, ainsi que communautaires. Peu de disciplines ont connues un tel foisonnement de textes.

Loi de 1978 : loi informatique et libertés, récemment réformée et considérablement enrichie par une loi du 6 août 2004 venue transposée une directive communautaire de 1995

Loi de 1985 : loi portant réforme du droit d’auteur, protection des logiciels par le DA.

Lois de 1982 et 1986 : lois relatives à la télécommunication audiovisuelle, touchant la télématique, encadrant le développement naissant de la télématique. La loi de 1986 est le socle de la réglementation actuelle sur la télématique, mais modifiée par la LCEN qui a sortie la communication électronique (sites, courrier …) pour en faire l’objet d’une réglementation distincte.

Loi de 1998 : loi sur la fraude informatique, sanctionne l’accès non autorisé à un système d’information.

Années 90 : accélération au niveau communautaire.

Directive de 1991 sur la protection des programmes d’ordinateurs.

Directive de 1995 sur la protection des données personnelles. Textes complémentaires en 1997, remplacé en 2002 par une directive traitant des données personnelles dans le secteur des communications électronique.

1996 : directive sur la protection des bases de données.

1999 : directive sur les signatures électroniques.

2000 : directive sur certains aspects juridiques du commerce électronique.

Certains textes ont suscité l’adoption d’une loi en 2000 sur la protection de la signature électronique modifiant les articles du Code civil (notamment 1108-1 et -2, 1369-1 et suivants).

2001 : directive sur le DA dans la société de l’information. La transposition est discutée devant le parlement.

Au niveau international aussi quelques textes, à caractère contraignants ou non, ont été adoptés :

Traités de l’OMPI adoptés en 1996 : confirmation de l’idée que le DA peut protéger les logiciels, amorce de la reconnaissance juridique des mesures techniques de protection des oeuvres circulant sur les réseaux …

Loi type de la CNUDCI (agence de l’ONU, UNCITRAL) de 1996 : loi qui touche essentiellement les contrats électroniques tendant à écarter les difficultés de preuve et de formalisme que soulève la pratique de contractualisation à distance par voie électronique. Textes rassemblés dans le code de la communication (ne manque que les dispositions du printemps, décrets relatifs à la profession notariale et d’huissier, ordonnance de 2005 prise en application de la LCEN – art.26 – pour les aménagements nécessaires du droit pour que toutes les questions de formalisme puissent être faites par voie électronique) Chap. 7 du Code civil.

Cette matière suscite l’utilisation d’un langage spécifique. Dans les années 80 des termes d’invention française se propagent (ex : ordinateur, logiciel, télématique – issu d’un rapport de 75 –, l’internet), aux côtés de termes anglophones (e-mail – courriel, lien hypertexte, interactivité, multimédia –, le web, www, clic). L’expression société de l’information, très en vogue au niveau européen (et sous Jospin), ne veut en soi rien dire. L’idée est qu’avec le développement des technologies, la problématique est renouvelée.

Les questions juridiques nombreuses se présentent de la manière suivante :

  1. Protection des personnes contre les dangers de l’informatique

Dans les années 70 (France, Suède et Allemagne précurseurs), certains schémas administratifs de communication (notamment la volonté d’utiliser le numéro NIR – numéro d’identification nationale des personnes physique / au répertoire) – permettant d’interconnecter des informations administratives. Le projet SAFARI (chasse à l’homme) a soulevé un vif émoi. C’est la presse qui s’est emparée du sujet. La commission, à l’époque VGE, dirigée par Bernard Tricot, rend un rapport qui débouche sur la loi informatique et liberté de 1978.

A l’occasion de contrats gérés par les ordinateurs, on s’identifie et on laisse circuler des informations. Cette loi met en place un système de protection, met en place la CNIL, autorité administrative indépendante, elle soumet le traitement de données personnelles (nominatives) à des formalités préalables (déclaration pour les personnes privées, actes réglementaires avec avis préalable à la CNIL pour les fichiers publics). Ces traitements obéissent à certains impératifs : une finalité affichée, un responsable du traitement, l’identification du destinataire de l’information, la durée de traitement … Une catégorie de données sensibles sont interdites d’enregistrement : origines raciales, opinions politiques, philosophique, religieuses, appartenances syndicales, données ayant trait aux mœurs ou à la santé.

Les personnes concernées ont certains droit : accès et rectification, info préalable, opposition … La directive de 1995 renforcera la protection en posant qu’en principe est requis le consentement de la personne concernée, sauf dans certains cas énumérés (ex : données recueillies à l’occasion de la conclusion d’un contrat, exécution d’une mission d’intérêt public, obligation légale …).

Plusieurs instances internationales se saisissent de la question (OCDE, Conseil de l’Europe …).

En 1980, l’OCDE (siège à Paris) adopte des lignes directrices assez souples de portées internationales.

En 1981, le Conseil de l’Europe (siège à Strasbourg) adopte une convention dont les termes sont assez contraignants. Malgré sa vocation territoriale, cette convention est ouverte à tous les pays du monde, mais n’a été signée et ratifiée que par l’ensemble des pays européens. Le débat en 1995 révèle la dimension internationale du problème. La loi de 1978 ne mentionne que le fait que dans la déclaration doit mentionner si les données circulent au-delà des frontières. La directive de 1995 se saisit directement du problème. Elle prévoit que les données personnelles ne peuvent circuler en dehors de l’espace européen, où elles bénéficient du même type de protection, elles ne doivent aller que vers un pays disposant d’un niveau de protection adéquate. L’idée est bonne, mais il n’y a pas beaucoup de tels pays, y compris les USA, qui ont peut être commis l’erreur de laisser passer cette occasion. Une solution adoptée en 2000 par la Commission valide une proposition d’établir une sphère de sécurité (safe harbor principles). Les normes sont plus faibles que celles européennes, elles ne sont pas obligatoires, mais les entreprises souhaitant obtenir des données provenant d’Europe, elles souscrivent à ces règles. Il y a des sanctions pénales à l’appui, notamment pour les filiales.

En 2001, des clauses types sont mises en place par la Commission peuvent être insérés dans des contrats entre entreprises européennes et extra-européennes.

La CJCE, il y a deux ans environ, a répondu par la négative à la question de savoir si la présence nominative de données personnelles sur internet équivalait à la circulation internationale de ces données, ce qui est évidemment faux. Ces données circulent sans protection. Son analyse est pragmatique.

Depuis 5 ou 6 ans une réflexion s’est développée pour le développement d’une charte internet au sein des entreprises relativement à la consultation du courrier électronique par le salarié et l’employer (CCass NIKON 2002 : si des dossiers figurent dans l’ordi avec un intitulé personnel, l’employeur n’a pas le droit d’y accéder sans l’autorisation du salarié), ainsi qu’à l’accès à l’internet pendant les heures de travail.

Concernant la « fraude informatique », qui a pour centre névralgique l’utilisation à distance des ordinateurs en réseaux pour permettre à des hackers d’accéder à des systèmes d’informations ou diffuser des virus), dès 1988, consciente de la difficulté, le Parlement a adopté une loi Godfrain. Cette loi incrimine en 5 dispositions relativement brèves l’accès non autorisé à un système d’information (art. L. 323-1 et suivants du nouveau Code pénal). En 2001, dans le cadre du Conseil de l’Europe, une convention sur la cybercriminalité facilite sur le terrain procédural la poursuite des criminels et la coopération entre les Etats.

  1. Protection des créations intellectuelles liées au traitement de l’information

Les nouvelles technologies de l’information suscitent l’apparition de nouvelles créations que le droit existant des années 70 ne permettait pas d’appréhender clairement.

Il s’agissait d’abord de programmes d’ordinateur. Il s’agit de suite d’instructions exprimées dans un langage technique exécutable par un outil de traitement de l’information. A l’époque, dans les années 70, les logiciels n’étaient pas protégeables par le droit des brevets, du moins dans une large mesure. En France, une loi l’excluait formellement, mais la Convention de Munich de 1973 la réforme. Il a fallu se tourner vers la PLA pour donner une protection qui s’accordait assez bien, dans la mesure où les logiciels sont écrits. Cette protection, réaffirmée au niveau européen en 1991, convenait assez bien aux besoins existants. Elle n’exige pas de formalités préalables grâce à la Convention de Berne, ainsi qu’à celle de l’Unesco. Elle protège celui qui créé un logiciel contre des reproduction à l’identique ou très proches. Le législateur apporte en 1985 quelques règles spécifiques qui dérogent au DA : la dévolution des DA à l’employeur lorsque le logiciel est créé par un salarié dans l’entreprise, une dérogation à la rémunération proportionnel. Après l’adoption du CPI, en 1992, ces dispositions issues de la loi de 1957 sont amalgamées dans le livre I. L’art. L.111-3 CPI prévoit une liste énumérative des œuvres protégeables par le DA.

Une protection par le droit des brevets est débattue. Mais le Parlement européen a écarté cette possibilité grâce à l’action de Michel Rocard. La question est complexe, mais doubler la protection ne semble pas une bonne solution. De plus, la protection des logiciels est aujourd’hui assurée dans leur expression, alors que la protection par les brevets feraient remonter jusqu’au principe. Cela appauvrirait les possibilités de créations et constituerait une arme contre le logiciel libre.

Les bases et banques de données, data bases, sont une compilation d’informations spécialisées par secteur économique, culturel …stockées sur un serveur et accessible par ordinateur éventuellement à distance par le grand public. Les sites web sont une collection de telles bases. Les tiers peu scrupuleux ont mis ces bases de données en danger. Le DA exigeant l’originalité, la protection n’était pas assurée pour des collections vouées à être les plus complètes et objectives possibles. D’ailleurs, la JP avait été extrêmement hésitante, certaines décisions estimant qu’il fallait protéger (CCass 1983, MICROFORM ; CE 1996 relativement à l’INSEE) d’autres la refusant (CCass 1999, COPROSA ; Cour Suprême des USA 1991, FEIST v/ Rural Telephone). Aussi bien, une directive de1996 met en place au niveau du producteur d’une base de données et reconnaît un droit sui generis (spécifique) au profit du producteur ayant effectué un investissement significatif et se plaignant d’un détournement substantiel. Le producteur dispose de ce droit pendant 15 ans. Cette solution est intégrée par une transposition en 1998 au CPI. Dès que la base de données est renouvelée, la durée de protection repart. En France, le législateur a cru bon d’appliquer des sanctions pénales, ce qui est critiquable quand on mesure le caractère flou des critères évoqués. L’unanimité au niveau international est loin d’être acquise. Dans le cadre de l’OMPI, les européens poussent la protection des bases de données, les USA sont contre. Les auteurs américains se partagent, certains considérant que cela porte atteinte à la libre circulation des biens.

L’œuvre multimédia (sur CD-Rom ou accessible par réseau) se caractérise par son interactivité, ce qui amène à la distinguer de l’œuvre AV (Civ.1, 28.1.2003 – Communication et commerce électronique 2003, commentaire n°35 CARON) qui consiste en une suite d’images et/ ou de sons, c’est-à-dire par un caractère séquentiel (ne relève pas des dispositions du CPI sur l’œuvre AV, œuvre de collaboration – cf. cours GALLOUX/ GAUTIER). Dans l’œuvre multimédia, on n’a pas à suivre le programme. Elle n’est pas dénuée de protection. Elle peut en réalité en revendiquer plusieurs : la protection des logiciels, la protection des bases de données … Celui qui reprend des éléments d’un site web pour les remettre sur un CD ou un autre site s’expose donc aux sanctions.

Qui a le droit d’exploiter la base, la création étant protégée ? Il n’y a pas de remontée spécifique des droits à celui qui prend l’initiative, contrairement aux logiciels. Reste à savoir s’ils peuvent se prévaloir de la qualification d’œuvre collective, œuvre qui appartient à celui qui en a pris l’initiative et qui en a dirigé le travail. La JP est divisée. Récemment la CA de Paris a écarté l’utilisation de cette notion. Il faut donc prévoir par contrat que ceux qui contribuent à l’enrichissement d’un site cèdent leurs droits à celui ou ceux en ayant pris l’initiative.

  1. Régime éditorial de la communication électronique

A mi-chemin du droit public et du droit privé, ce sont des questions d’organisation sociale qui sont en cause. Le 1er titre de la LCEN évoque la mise à disposition du public d’informations par le biais de moyens numériques, notamment grâce à des sites internet. Le législateur français a adopté des solutions depuis assez longtemps, il fait même figure de précurseur (télématique). Au début des années 80, ces services d’informations sont développés sur le réseau Télétel, au rang desquels figurait l’annuaire électronique, accessible par le Minitel. On accède à des informations météorologiques, boursières, financières, à des services marchands. Le droit du multimédia se construit à ce moment-là. Les choses s’accélèrent avec la diffusion de l’internet et l’enrichissement du contenu (textes, images, sons).

En 1982, une première réforme de l’AV, à l’époque sous la présidence de Mitterand, ouvre l’accès au secteur privé. Le régime des télématiques devient plus contraignant que celui de la presse écrite, mais la loi soumet ce moyen de communication naissant à un régime d’autorisation. La définition soulignant qu’il s’agit de mise à disposition du public d’informations consultables sur la demande de l’intéressé sera par la suite abandonnée. Ce régime d’autorisation était très proche d’un régime de déclaration, donc de la presse écrite. Le législateur avait prévu que l’autorisation serait acquise passée un délai de 2 mois pendant lequel l’administration avait gardé le silence. Le système allait être libéralisé en deux temps pour aboutir à un système libéral consacré par la directive sur le commerce électronique (2000) qui n’exige pas d’autorisation. De fait, en France, en 1986, les services télématiques n’étaient plus l’objet que d’une simple déclaration. Un groupe de personnes mettant en place un service d’information doit répondre du contenu qu’il met en place. La vague libertaire a bousculé les contraintes. En 2000, dans l’une des 49 lois (législatite aigue !) ayant modifiés la loi de 1986, fut inscrit dans la loi un chapitre dédié aux services de communication en ligne autres que de correspondance privée où figure une obligation pour celui qui édite un tel service de s’identifier et non de déclarer, solution consacrée par la directive communautaire de 2000.

17.10.05

La loi de 1986 sur l’AV (art.43 1°) a mis en place un régime de déclaration en remplacement du régime d’autorisation qui était prévu initialement. Le système était donc très semblable à celui de la presse écrite (loi de 1981) du fait qu’il était imposé à tout service télématique l’existence d’un directeur de la publication responsable du contenu de l’information mise à disposition du public.

Il était imposé à tout service d’avoir un directeur de la publication responsable du contenu de l’information mise à disposition du public et un régime de responsabilité pénale en cascade était institué, qui valait pour l’ensemble du réseau de la télécommunication AV (art. 93 à 93-2 de la loi de 1982, inséré par une loi de 1985). Elle prévoyait que le producteur d’un service était responsable à titre principal, l’auteur pouvant être poursuivi comme complice. En outre, était appliqué à la télématique le droit de réponse prévu en matière AV, c’est-à-dire celui de l’art. 6 de la loi de 1982. Un décret de 1987 en précise le fonctionnement, c’est-à-dire une obligation de conservation des informations pendant 15 jours à la charge de l’éditeur du service.

Ce régime allait être assoupli en 2000, puis profondément modifié en 2004. En 2000, l’une des lois ayant modifié la loi de 1986, sous la dénomination générale de « service de communication en ligne autre que de correspondance privée », créé un chapitre spécial abrogeant ainsi l’art. 43 I de la loi de 1986 qui rendait obligatoire la déclaration de toute information mise en ligne. Dans ce chapitre, sans obligation de déclaration, le législateur avait prévu une obligation pour tout éditeur de service, de s’identifier (noms, prénoms et adresses, ou dénomination sociale, raison sociale et siège social). C’est en quelque sorte le minimum que l’on peut exiger de celui qui joue un rôle de communication publique. Cette solution était d’ailleurs celle retenue par la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique.

Une exception a été prévue pour celui qui édite un service à titre non professionnel (page perso, blog …) et qui est une personne physique. Il pourra conserver l’anonymat. Cette possibilité a été aménagée de façon astucieuse, puisque celui qui reste anonyme donne à l’hébergeur du service toutes les informations permettant de l’identifier pour pouvoir l’atteindre si nécessaire.

Ces solutions sont quant à leur contenu substantiel maintenu par la loi du 24 juin 2004 (LCEN), même si c’est dans un cadre différent. On les retrouve dans l’article 6 de la loi, qui reprend les solutions pour la responsabilité des prestataires techniques, et qui prévoit au III, que les personnes dont l’activité est celle d’éditer un service en ligne mettent à disposition du public les informations permettant de les identifier. Mais la loi de 2004 procède à une rupture (2nde lecture devant l’Assemblée Nationale). Elle sort la communication en ligne du cadre de l’AV. Ainsi est prononcer le divorce entre communication AV et communication en ligne. Pour autant, substantiellement , on retrouve les mêmes solutions qu’antérieurement et pour conserver les solutions qui s’imposaient antérieurement à la communication en ligne lorsqu’elle était comprise dans la communication AV, le législateur a procédé à une « remontée des normes », c’est-à-dire que ce qui était applicable à l’AV reste applicable à la communication en ligne parce que l’on a remonté le champ d’application au niveau d’une notion commune, qui s’intitule « la communication au public par voie électronique ». Cette notion recouvre la communication AV et la communication en ligne.

Dans les dispositions de la loi de 1981 (régime pénale de la presse), au lieu qu’il y ait les mots « et à la communication AV », il est inscrit « et à la communication au public par voie électronique ».

Le législateur en 2004 a alourdi le dispositif de la loi de 1986. Quant à la communication en ligne, elle fait maintenant exclusivement l’objet de la loi de 2004, la « grande loi de l’internet ».

Les sites, mêmes marchands, qui proposent des produits ou services, dans une assez large mesure, lorsqu’ils informent autour des produits ou mettent à disposition des forums, deviennent des sites de communication électronique et relèvent du régime évoqué.

Les sites de communication en ligne ne sont pas toujours des journaux électroniques, c’est-à-dire qu’il n’y a pas toujours une périodicité de renouvellement de l’information. Ces journaux relèvent en plus de la loi du 1er juillet 1986, qui prévoit un secrétaire de la rédaction en plus de l’éditeur. Il faut tenir compte de la difficulté du droit d’auteur des journalistes sur leur contribution diffusée par voie électronique. Dans l’ensemble, la JP considère que même si le journal est une œuvre collective sur laquelle l’éditeur doit avoir directement les droits permettant de l’exploiter, les tribunaux considèrent que les journalistes continuent de conserver un DA qui leur permet de maîtriser la publication de leur œuvre par voie électronique. L’éditeur doit obtenir l’accord des journalistes pour divulguer l’article et les journalistes ont droit à une rémunération complémentaire.

  1. Problématique juridique du commerce électronique

Assez tôt, les techniques informatique ont été appréhendées sous l’angle du droit des contrats, assez tôt, une réflexion spécifique, une JP s’est développée à propos de ces prestations qui convergent pour la mise en place et l’exploitation de système de traitement de l’information (fourniture de matériel et de logiciels, développement de programmes spécifiques, formation de l’utilisateur, maintenance de l’équipement). Cette matière a affiché une particularité tenant à la forte technicité de leur objet. Il en est résulté l’affirmation d’un devoir de conseil assez rigoureux pesant sur le fournisseur. On le mesure à l’interférence sensible de la PI qui s’applique aux logiciels. Rien ne permet de penser qu’il y ait pour autant une catégorie particulière de contrats. Le droit commun ne s’en est pas trouvé affecté, contrairement à ce qui s’est passé avec le développement du multimédia qui affecte en profondeur le droit des obligations.

Les modalités de conclusions des contrats, parfois même leur exécution, se trouvent modifiées en raison du caractère immatériel des échanges qui s’opèrent. Il s’imposait d’assouplir ou écarter les exigences de formes qui rendent impossible la preuve, voire la conclusion des contrats. Pour adapter le droit positif, il a fallu modifier le Code civil.

Des solutions ont été adoptées dans une large mesure dans le cadre de la directive du 8 juin 2000, en deux temps, par la loi du 13 mars 2000 relative à la preuve et à la signature électronique et la loi du 21 juin 2004 LCEN. Ces textes sont tributaires d’une directive de 1999 sur les signatures électroniques et de la loi modèle de la CNUDCI de 1996 sur le commerce électronique.

Les articles 1316 à 1316-4 Code civil ont été introduits au Code civil. Ils confirment la valeur de la preuve sous forme électronique (même valeur de preuve littérale que la preuve sous forme de papier) et la signature électronique, sous réserve que techniquement, l’on soit sûrs que le document émane de la personne à qui on l’oppose et qu’il est établie et conservé dans des conditions qui en garantissent l’intégrité. La loi exige qu’il y ait bien un lien technique entre le document électronique et ce qui identifie son auteur.

Un décret d’application de 2001 vient poser les conditions de mise en œuvre de la signature électronique. Il reprend les exigences posées par le législateur communautaire en 1999, relativement lourdes et élevées à l’égard de la signature électronique sécurisée. Il n’y a plus réellement de prestataire proposant en France des procédés de signature électronique du niveau de décret de 2001. Cela ne signifie pas que celle utilisée pour payer par carte sur internet ne soit pas une signature électronique. Simplement, elle ne bénéficie pas de la présomption de fiabilité de l’art. 1316-4 Code civil. C’est à celui qui l’utilise, par exemple le groupement de carte bancaire, à prouver que le fonctionnement est normal. Les juges ont toujours reconnu une valeur à démontrer par celui qui s’en prévaut. Ces textes consolident l’état du droit, mais ne le modifie pas.

En 2000, l’art. 1317 al. 2 du Code civil prévoit la possibilité de dresser sous forme électronique un acte authentique. Pour ne pas surcharger le code, les auteurs de ces dispositions ont renvoyé au décret d’application. La mesure était souhaitée par les notaires à l’époque, mais très rapidement ils ont déchantés pour la mise en œuvre de ce système. Il aura fallu 5 ans pour que soient adoptés les décrets d’application. Les huissiers, l’état civil, les juges, … font également usage de cette signature. L’été 2005 voit la publication de décrets particuliers : le 10 août pour les notaires et les huissiers, avec des dispositions particulières (ex : possibilité de dresser un acte sans la présence des personnes concernées, dès lors qu’elles se trouvent à côté d’un autre notaire) et communes.

Le législateur exigeant une forme particulière, on peut s’interroger sur la validité même de ce type de contrats. La directive du 8 juin 2000 posait en principe que l’on ne devait pas pouvoir remettre en question l’efficacité d’un contrat au motif qu’il était passé par voir électronique. Cela mélange les deux questions de preuve et de validité, qui ne sont pas habituellement distinguée dans les ordres de droit anglo-américain. Les articles du Code civil se trouvent à des places différentes. C’est à côté de l’art. 1108 que l’on a placé deux textes traitant du formalisme des contrats et déclarant qu’un contrat peut être valablement passé par voie électronique alors même qu’a été exigé qu’il soit passé par écrit. Cette solution n’est pas du tout dans la prolongation de la JP antérieure, c’est une solution nouvelle qui ne bénéficie par de l’expérience acquise grâce aux litiges portés devant les tribunaux. Elle relève d’un ordre de logique différent de ce qui a trait à la preuve, où il s’agit d’avoir suffisamment de certitudes pour la sécurité. Lorsqu’il s’agit de validité il s’agit de s’interroger sur la protection d’une partie à un contrat.

Le législateur communautaire a autorisé les législateurs nationaux a faire figurer certaines exceptions : article 1108-2 Code civil (échappent à l’écrit les actes sous seing privé relatif au droit de la famille ou succession, les actes soumis à homologation judiciaire, les actes sous seing privé relatifs à des sûretés personnelles à moins qu’ils ne soient passés pour les besoins d’une protection). En matière d’actes sous seing privé, le législateur n’a pas prévu d’exception pour les biens immobiliers qui font l’objet d’actes authentiques.

Le titre III, du livre III du Code civil prévoit dans un chapitre spécial (n°7 : des contrats sous forme électronique) prévoit des dispositions sur la communication des conditions contractuelles, le processus de conclusion du contrat, notamment avec un double clic confirmant la volonté de celui qui accepte la proposition. La loi de 2004 renvoie aussi à une ordonnance le soin d’adapter le droit à certaines exigences de formes particulières (art. 26), ordonnance adoptée en 2005 qui décrit comment on peut effectuer sous forme électronique la remise, adresser une LRAR …

Les consommateurs sont protégés par des dispositions d’ordre général qui ont vocation à s’appliquer au commerce électronique, et notamment les dispositions d’une directive de 1997 concernant les contrat conclus à distance et transposée au Code de la consommation. Le consommateur bénéficie d’un droit de rétraction pendant 7 jours ou 14 jours pour les services financiers.

On peut se demander si ce qui circule sur les réseaux, mais qui en tant que tel est fourni en ligne (ex : accès à une base de données, téléchargement légal de musique …), constitue un service ou un produit, vente ou contrat d’entreprise. Il existe une forte tendance communautaire admettant qu’il s’agit d’un service. Cette prestation relèverait ainsi d’une catégorie où la libre circulation peut être freinée par les droits de PI. Le considérant 29 de la directive de 2001 décide que ce qui circule sur les réseaux est nécessairement un service. C’est peut être injustifié.

Le paiement électronique est effectué soit à la livraison ou à la consommation de la prestation, soit en ligne par l’utilisation du numéro de carte de crédit. Le paiement en soi se fait hors de la communication en ligne. Le régime particulier de la monnaie électronique fait également l’objet d’un débat, les conditions seraient plus souples que pour un établissement de crédit traditionnel.

En exploitant en ligne une activité marchande, le professionnel qui y procède dispose-t-il ou non d’un fond de commerce électronique ? Dès lors qu’il s’agit d’une activité exclusivement menée par voir électronique, il semble bien qu’il faille l’admettre. Pour tout ce qui est cession du site, il faudra respecter les règles de la cession de fons (avertissement des créanciers pour qu’ils se fassent payer sur le prix de la vente).

  1. L’appréhension internationale de ces phénomènes

La dimension internationale de la communication électronique s’affirme avec la norme IP, puisque grâce à elle la communication de tout un chacun prend une dimension mondiale. Le réseau fermé SWIFT relie tous les établissements bancaires, le réseau SITA relie toutes les compagnies aériennes et agences de voyage … Les statuts fondateurs de ces réseaux de longue date ont prévu comment régler les questions de compétence ou de droit applicable.

Quel que soit le langage un peu abstrait de ceux qui présentent ces questions et qui font valoir la difficulté dans le cyber-espace du « où ça se passe », les règles classiques du DIP (cf. cours de HMW) trouvent à s’appliquer, car elles s’attachent à des faits terrestres facilement localisables, notamment l’établissement de telle ou telle partie.

Le tribunal compétent est le tribunal du domicile du défendeur, à moins que le demandeur ne puisse se prévaloir d’une règle protectrice qui permet d’assigner un étranger dans son propre pays (privilège de juridiction, art. 14 et 15), sauf dans le cadre de la communauté européenne où il existe un accord entre pays membres (Convention de Bruxelles de 1968, devenu récemment un règlement de 2000).

Quant aux règles de compétence spéciale en matière de contrats, peut être choisi à la place de la règle de principe, la compétence du tribunal du lieu d’exécution de la prestation (art. 5). Le règlement modifie les relations avec les consommateurs qui peuvent saisir le tribunal de son domicile dans le cadre d’une activité dirigée vers le pays où il réside (art. 7). En matière de délits ou quasi-délits, la solution est que la victime peut saisir le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

Quant à la loi applicable, elle dépend de la Convention de La Haye de 1955 en matière de vente de marchandises ou de la Convention de Rome (Rome II) de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles qui unifie le droit des EM dans ce domaine. La loi applicable est celle du pays où est établi le fournisseur du service ou du produit en cause, prestation caractéristique. Le poids contractuel se trouve principalement là où se trouve la prestation en nature.

Ces solutions n’empêchent pas aux parties d’aménager d’autres règles. La première solution est effectivement la loi choisie par les parties.

En règle alternative, dans la CLH en faveur de l’acheteur, dans la CR en faveur du consommateur, si l’on sollicite le client chez lui en concluant le contrat chez lui, c’est la loi de son pays qui doit trouver application. Comment localiser dans le réseau un fait contractuel ?

S’agissant de délits, pour la désignation de la loi applicable, ayant attrait devant son propre tribunal, la victime demandera généralement l’application de sa propre loi. Un juge national pourrait cependant appliquer dans l’absolu une loi étrangère. On applique la lex loci delicti qui peut être celle du fait dommageable ou du lieu du dommage subi.

Dans ce monde immatériel de commerce électronique les rattachements sont en réalité pour l’essentiel des points de rattachement concrets. Ces solutions, s’agissant de délits, sont extrêmement mal adaptées, parce que tout acte, opération, information réalisé sur les réseaux à partir d’un site internet est justiciable des tribunaux du monde entier et de la loi nationale de tous les pays où quelqu’un est susceptible de se plaindre. Celui qui communique par ce biais doit donc bien être conscient des risques qu’il court.

Cf. Affaire YAHOO !, condamné par un jugement du TGI de Paris en 2000.

Une condamnation d’une entreprise à l’étranger n’est pas sans effet sur ses dirigeants, ses filiales …

24.10.05

Nous étudierons les contrats informatiques et les contrats électroniques qui baignent dans un même contexte technique de traitement de l’information. Ils ne constituent pas une catégorie spécifique de contrats, ils ne sont pas des contrats spéciaux. Ils constituent au contraire des contrats de vente, des contrats de louage. Ces liens qui existent entre eux n’empêchent pas qu’ils soient assez radicalement différents.

Titre I Les contrats informatiques

Il ne faut pas exagérer les difficultés que soulèvent les contrats informatiques. Ils ont pris une importance grandissante et s’imprègnent d’une relative technicité, mais relèvent pour l’essentiel du droit des contrats (art. 1101 s. Code civil) et des règles propres à chaque catégorie particulière de contrats (art. 1582 s. Code civil).

L’étude des contrats informatiques est essentiellement l’étude des contrats passés pour l’informatisation d’une entreprise, d’une administration et donc l’étude des règles applicables aux fournisseurs d’un côté et à l’utilisateur de l’autre.

Préambule : caractère et nature des contrats informatiques

Dans le processus d’informatisation où s’inscrive ces contrats, les prestations proposées ont pour traits généraux d’être diverses, souvent complexes, parfois difficile à qualifier et peuvent présenter un caractère intuitu personae.

1) La diversité des contrats informatiques

Cette diversité tient au fait que le processus d’informatisation nécessite le concours de plusieurs éléments, ce qui fait qu’il n’est pas rare que plusieurs professionnels interviennent en même temps, un peu comme dans le domaine de la construction. On peut songer au matériel proprement dit, auquel est associé un logiciel système/ de base (système d’exploitation) dont la fonction est d’assurer le fonctionnement même de cette machine sans qu’il soit apte à effectuer des taches particulières, dont se chargent les logiciels d’application qui font généralement l’objet d’un contrat séparé ou d’une proposition distincte à l’intérieur d’un même contrat.

Cette distinction doit être combinée avec une autre distinction. En matière de logiciel on oppose les logiciels standard (progiciels) aux logiciels spécifiques (logiciels sur mesure). Les premiers ont des spécifications définies à l’avance par le fournisseur qui les destine à une clientèle plus ou moins large, ce sont des produits. On songe à rattacher leur fourniture au contrat de vente. Les seconds sont conçus à l’issue d’une demande particulière pour satisfaire aux besoins d’un utilisateur déterminé à l’intention duquel il est réalisé. On songe à les rattacher aux contrats de louage ou d’entreprise.

Le logiciel de base est presque toujours un progiciel et un logiciel standard, alors que le logiciel d’application peut être soit un logiciel standard soit un logiciel spécifique. C’est autour de cette distinction que s’inscrira celle de contrats différents avec un régime différent.

Toutefois cette distinction n’est pas tout à fait étanche. Un logiciel d’application peut être au départ un logiciel standard, mais le fournisseur qui va le proposer se voit souvent demandé de l’adapter aux besoins particuliers du client. C’est particulièrement le cas dans les contrats d’intégration de systèmes. Symétriquement, il est tout à fait possible qu’un logiciel créé au départ pour un seul client soit fourni à plusieurs professionnels du même secteur et devenir un standard de ce secteur.

A cela s’ajoutent un certain nombre de services qui viennent enrichir la palette. Préalablement à l’informatisation, il n’est pas rare qu’un client s’entoure de l’avis d’un conseil, d’un expert en informatique. Dans la proposition faite par le professionnel, il y a souvent aussi une offre de formation de l’utilisateur, du personnel de l’entreprise concernée. Enfin, en aval de la mise en place du système, il est indispensable de bénéficier d’un contrat de maintenance, qui permette à l’utilisateur d’assurer la pérennité du matériel mis en place. On peut également mentionner les formules de financement, et notamment celle du crédit bail. Celui-ci a soulevé les principales difficultés juridiques à propos de la fourniture de systèmes informatiques.

2) Complexité des contrats informatiques

La multiplicité d’éléments fait que la fourniture de l’un d’entre eux, et ses défectuosités éventuelle, rejailli sur les autres, ce qui fait qu’ils s’intègrent dans un ensemble complexe dans lequel il peu y avoir une multiplicité de contrat, ou un contrat unique regroupant une multiplicité d’obligations. Pluralité de prestations, pluralité de prestataires, expliquent la complexité des contrats informatiques. Cette complexité continue à se développer dans la mesure où il est rare aujourd’hui qu’une opération d’informatisation soit faite ab nihilo. C’est généralement une nouvelle installation qui est opérée, ce qui soulève des difficultés complémentaires de mutation d’un système vers un autre. On retrouve la terminologie du domaine de la construction : maître d’œuvre (professionnel qui prend la responsabilité de l’ensemble de la fourniture en fédérant l’apport des uns et des autres, à distinguer du maître d’ouvrage qui est le client).

Cette complexité doit être gérée par le client, qui sera amené à faire des choix qui impliquent des coûts, et par le prestataire qui peut proposer un contrat unique, plusieurs sortes de contrats, qui s’interroge sur ses rapports avec les autres prestataires …

L’un des modes de gestion a été de recourir à la pratique du livret contractuel (Bull, IBM …) qui regroupe l’ensemble des prestations, les conditions générales des fournitures de ces prestations, la commande particulière du client se trouvant définie dans une disposition particulière qui s’adosse sur ces conditions générales. L’avantage pour le prestataire était la réunion dans un document unique.

3) Difficultés de qualification

A première vue, les contrats informatiques se coulent assez facilement dans les catégories connues de contrats du droit civil ou commercial que sont la vente, le bail, louage d’ouvrage ou prestation de service … Mais derrière cette apparente simplicité, la complexité relevée dans la fourniture d’un système fait qu’on hésite sur la qualification lorsqu’on est en présence d’un contrat global : vente si l’on fait dominer la fourniture de matériel, louage d’ouvrage ou d’entreprise si l’on considère que la conception et les services rendus constituent la part la plus importante. Cette hésitation s’illustrera de façon particulièrement aigue à propos de la fourniture de logiciels standard, qui pourrait donner lieu à une catégorie de contrats innomés. On pourra se demander si on est ou non en présence d’un contrat clé en main, c’est-à-dire un contrat dans lequel le fournisseur assume une obligation renforcée de résultat.

4) Caractère intuitu personae

Il n’est pas rare de voir ce caractère affirmé par les parties dans un contrat, ce qui exerce une certaine influence sur son fonctionnement et particulièrement sur les possibilités d’étendre certains effets à des tiers ou de permettre la cession du contrat à un tiers. La vente, et c’est l’un des traits de ce contrat, n’est généralement pas conclue en considération de la personne. Et cela figurerait-il dans le contrat, une clause d’inaliénabilité serait illicite.

En revanche on peut de poser des question s’agissant d’autres prestations : fourniture de logiciel, service de maintenance … Les professionnels prétendent volontiers que leurs fournitures présentent dans ces cas un caractère intuitu personae. Il est tentant de dire qu’une licence présente un caractère intuitu personae, car il accrédite ainsi l’idée que la licence ne peut pas être cédée avec l’ordinateur, ce qui empêcherait que le logiciel puisse être cédé à un tiers. On verra qu’une telle analyse est difficile.

S’agissant du contrat de maintenance, les contrats mentionnent souvent un caractère intuitu personae, dont l’objet est pour le professionnel de montrer qu’il ne souhaite pas que le contrat de maintenance puisse être cédé avec l’équipement sur lequel il porte. La question avait été posée dans CA Versailles, 21 mai 1986 (Dalloz 1987, p. 266, note Huet).

Chapître 1 La soumission des contrats informatiques au droit commun des contrats

Comme les autres contrats, ceux portant sur la fourniture de prestations informatiques sont soumis à la théorie générale des obligations. Ce droit commun gouverne la formation et l’exécution du contrat, il s’est enrichi d’une jurisprudence abondante depuis 1804 et de nouveaux textes de portée générale sont venus le compléter.

L’intérêt de s’intéresser à cette question, est que les juges ont un peu tendance à s’en tenir au droit commun parce qu’ils ont du mal à opérer les qualifications étudiées ci-dessus, et notamment à la règle de l’art. 1184 Code civil (résolution pour défaut d’exécution) qui a tendance à l’emporter.

  1. Formation des contrats informatique

Elle est soumise aux règles classiques gouvernant la validité des contrats et obéit également à un certain nombre de règles posées par les juges et renouvelées par le législateur.

  1. Les règles classiques

Ce sont les règles relatives au consentement, à l’objet, à la cause. L’application de ces règles sera illustrée par la détermination du prix et le consentement dans la shrink wrap licence.

  1. la détermination du prix

Cette détermination s’applique aux contrats informatiques, avec cette limite qui est celle du contrat d’ouvrage ou contrat d’entreprise parce que la prestation commandée pouvant ne pas être suffisamment définie au départ peut difficilement faire l’objet d’un prix défini.

La vente d’un équipement pour être valablement consentie doit l’être à un prix déterminé, le développement de logiciel spécifique peut être l’objet d’un contrat dans lequel les parties n’ont pas au départ fixé le prix.

4 arrêts d’Ass. Pl. du 1er décembre 1995: la détermination du prix ne s’applique pas à tous les contrats, notamment dans les contrats cadres qui reçoivent des applications au cas par cas. Trois de ces décisions portent sur des équipements téléphoniques, proches du domaine dans lequel nous sommes. La détermination du prix ne s’appliquerait pas à des contrats de longue durée (Huet : mauvaise solution) dans des contrats de louage, contrats cadres.

Un contrat peut être annulé lorsque le prix est déclaré par le fournisseur comme devant être fixé lors de la livraison au tarif applicable lors de la livraison (Cour de Paris, 29.10.1960, JCP 1961, II, 12110).

  1. le consentement dans la shrink wrap licence

Ce qui est en jeu est le consentement dans le contrat. La shrink wrap licence est rencontrée à propos de progiciels vendus sous un emballage plastique sous lequel on trouve les conditions générales de la « licence » que le fabricant entend concéder. En déchirant l’enveloppe, l’utilisateur est censé avoir accepté les conditions contractuelles en cause (// avec le clic sur internet où l’on parle de « clic wrap licence »). Ces conditions contiennent des clauses limitatives de responsabilité pour le fournisseur, des conditions restrictives d’utilisation pour le client.

Le client a-t-il consenti à de telles conditions ?

Contrairement à une opinion admise par les praticiens, on peut douter de ce procédé. Et de fait, les tribunaux sont assez réticents à admettre qu’un contractant puisse être lié par des clauses dont il n’est pas sûr qu’il les ait accepté. La JP dans ce sens est assez connue : par ex. Civ. 1, 3 mai 1979 (Dalloz 1980, Inf Rap p. 262, obs. GHESTIN). Un bon de commande précisait que les marchandises commandées voyageaient aux risques et périls du consommateur. Elle a été jugée comme non acceptée.

On peut distinguer deux situations :

La licence se trouve à l’intérieur de l’emballage sans pouvoir être vue par l’acquéreur. Le professionnel estime que l’acheteur aura consulté les conditions générales chez le revendeur, alors que rien ne prouve qu’on les lui aura présenté, voire qu’il aurait pu les consulter. Un juge considèrera les conditions générales comme inopposables.

Les conditions sont visibles sous le film plastique. Son consentement aura été contemporain de l’acquisition. Pourtant, le client pourra contester que les conditions générales figurent dans un emballage plastique visible. La preuve doit être rapportée par le fournisseur, qui peut éprouver certaines difficultés. Le risque d’inefficacité du procédé du fournisseur est assez élevé.

A cela, s’ajoutent aujourd’hui des règles nouvelles. La technicité a conduit les tribunaux à trouver des outils du droit commun pour protéger les consommateurs qui sont l’obligation de renseignement, le devoir de conseil. On peut se demander si la législation concernant les consommateurs est applicable.

  1. Les règles nouvelles

  1. Le devoir de conseil incombant aux fournisseurs

Ce devoir oblige les parties à faire preuve de la plus grande loyauté dans les relations contractuelles. L’obligation de renseignement impose à chacun des contractants de communiquer toutes les informations qu’il détient, serait-il ou non un professionnel, qui peuvent influer sur le consentement de son interlocuteur. Mais le devoir de conseil va plus loin. Il ne s’impose en principe qu’à des professionnels. Il consiste à rechercher la solution qui soit le mieux adaptée aux besoins de son cocontractant de manière à l’orienter dans son choix, éventuellement en le mettant en garde contre des difficultés dans le processus d’informatisation, dans l’utilisation de l’équipement.

Ce devoir de conseil, obligation de moyen, est fréquemment mis en œuvre dans les contrats informatiques. La responsabilité du fournisseur ne peut être engagée que si sa faute est démontrée, mais il n’est pas rare que cela soit admis. Les tribunaux considèrent que le fournisseur doit mettre en garde le client contre les difficultés d’une opération d’informatisation et l’orienter dans le choix de l’équipement qui lui convient. Cette solution remonte notamment à un jugement du Tribunal de Commerce de Paris, IBM / Flammarion, 19 avril 1971 (Dalloz 1971, p. 483, note Fourgoux). Le 15 mai 1975, la CA de Paris dans une affaire Logabax (JCP 1976, II, 18265), dit qu’il s’impose au professionnel de proposer un équipement qui ne soit ni insuffisant, ni trop puissant et inutilement coûteux. Malgré la banalisation de l’informatique dans la société contemporaine, les juges maintiennent fermement le devoir de conseil à la charge du fournisseur (Cour de cassation, Chambre Commerciale, 15 mai 2001, Communication commerce électronique, 2003, 123, note Huet).

La mise en réseau et l’enrichissement des prestations ont compliqué la donne. Lorsque les juges constatent un manquement, plusieurs sortes de sanctions peuvent en découler. S’agissant de malformation initiale du contrat, c’est l’annulation qui devrait être prononcée, mais les juges procèdent souvent sous forme de résolution du contrat qui ne procure pas la satisfaction attendue. Il se peut aussi que le contrat soit maintenu, mais que le manquement soit réparé par l’allocation de dommages et intérêts. On est proche des sanctions prononcées à raison d’un défaut de fonctionnement du système. Il y a ici un chevauchement des contentieux, d’autant plus que ce sont souvent les deux griefs reprochés par le client.

Dans le débat relatif à l’obligation de conseil, la question de la définition de ses besoins par le client est récurrente. L’échec ou les grandes difficultés du processus d’informatisation se cristallisent souvent sur cette question : y avait-il un cahier des charges ? à qui en incombe la faute ? peut-on engager la responsabilité du prestataire ?

Nombre de décisions l’admettent : par ex. Cass. Com. 25 octobre 1994. Il s’agissait de l’informatisation de dessins industriels, pour laquelle les logiciels étaient inadaptés. Les juges ont estimés que les besoins du client n’avaient pas été cernés de façon précise.

Il est fréquent que les juges retiennent la même idée que c’est au fournisseur de s’assurer de la détermination des besoins du client (Cour de Versailles, 9 novembre 2000, RJDA 2001, IV, n° 412). Le client n’avait pas la qualité de professionnel, il incombait au fournisseur d’aider le client à déterminer ses besoins. Le client est le mieux à même de déterminer ses besoins, mais lorsqu’il ne l’a pas fait, il est fréquent que la responsabilité du prestataire soit retenue.

Le devoir de conseil n’est pas illimité. Les juges tiendront compte de la compétence du client. Aux yeux des juges, le client assume une obligation de collaboration dans la détermination de ses besoins et dans la mise en œuvre du processus d’informatisation. Ex. Cass. Com., 8 juin 1979 (Bull. IV, n°186) : « la mise en place d’un ordinateur exige un dialogue entre le fournisseur et l’utilisateur ». La responsabilité du fournisseur ne peut pas être engagée s’il a suffisamment renseigné le client sur les insuffisances de son choix et que le client persiste dans son choix (Cass. Com., 5 janvier 1999, RJDA, 1999, III, n°399). De même, on a pu juger que le fournisseur ne serait pas responsable s’il avait informé le fournisseur de la nécessité d’adapter les programmes que le client choisissait (Cass. Com., 17 décembre 1991, Revue de droit de l’informatique et des télécoms 1992, III, p.27).

Peut-on écarter le devoir de conseil par des clauses contractuelles ? Les professionnels essaient de le faire, mais ces clauses sont sans grande valeur et n’interdisent en aucun cas de rechercher la responsabilité du fournisseur.

07.11.05

  1. Autres moyens de protection

    • Le droit de la consommation (normes …)

Le dispositif de protection contre les clauses abusives repose sur une prohibition générale, ces clauses étant définies comme celles qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Pour préciser les choses le législateur a fait figurer après l’art. L. 132-1 une liste des clauses susceptibles d’être annulées, qui n’est en fait qu’une reprise de la liste figurant dans la directive. Par ailleurs, un décret du 24 mars 1978 adopté sur le fondement de l’art. 35 de la loi de 78 continue à s’appliquer. L’art. 35 délègue à l’administration le soin de dicter des clauses devant être considérées comme abusives. Parmi celles-ci figurent les clauses dégageant de sa responsabilité le vendeur professionnel. Il s’agit d’une prohibition extrêmement importante, car elle trouve à s’appliquer fréquemment en pratique.

La loi de 1978 avait mis en place une institution ayant vocation à faire des recommandations, c’est la commission des clauses abusives. Elle a, outre un travail considérable effectué depuis 1978, en 1995 rendue publique une recommandation concernant les contrats proposés par les éditeurs ou distributeurs de logiciels ou progiciels destinés à la micro-informatique (recommandation du 7 avril 1995). Cette recommandation comporte quelques idées intéressantes et suggère notamment d’éliminer dans ces contrats les clauses excluant toute garantie du professionnel afférant à son support, sa garantie ou tendant à l’exonérer de toute responsabilité du fait des conséquences dommageables de ces logiciels. Elle suggère également de supprimer les clauses permettant au professionnel de résilier unilatéralement le contrat. Malgré tout, le texte est décevant, parce qu’il n’aborde pas la question cruciale de l’application des règles de la vente (Commentaire Espagnon, Revue de droit de l’informatique et des télécoms, 1995, IV, p. 61 s.).

Reste à savoir si le dispositif a lieu de s’appliquer. A première vue, on serait tenter de penser que la protection des consommateurs contre les clauses abusives n’a pas tellement lieu de jouer, puisque les rapports que nous évoquons sont ceux avec un client professionnel. Mais alors, un client professionnel non spécialiste des questions informatiques peut-il s’en prévaloir ? Pendant un certain temps la JP a retenu une conception étroite du consommateur, mais à partir de 1987, la CCass a adopté une conception large, du fait que dans le texte on vise le consommateur et le non professionnel. Cette conception a permis de faire bénéficier les professionnels non spécialisés du domaine contractuel des dispositions du droit de la consommation (en 1987, système d’alarme vendue à assureur). Néanmoins, au milieu des années 1990, la CCass semble avoir à nouveau modifié son analyse et être retourné à une conception étroite, notamment par une décision Civ. 1, 30 janvier 1996 (Revue de droit de l’informatique et des télécoms, 1996, I, p. 38). Il s’agissait d’une société qui avait acquis des logiciels de gestion de fichiers de clientèle. Elle voulait faire écarter certaines clauses du contrat, mais la CCass a considéré qu’elle ne le pouvait pas, n’étant pas un consommateur. Ce retour signifie pour nous que la réglementation contre les clauses abusives n’a guère lieu de jouer dans les contrats informatiques, du moins dans les hypothèses privilégiées d’informatisation d’un organisme. Mais, insensiblement, cette réglementation trouvera à s’appliquer lorsque l’acquisition se fait dans un cadre privé, familial, que l’équipement est utilisé pour des besoins privés … Dans ces conditions, la protection aura quand même une certaine vocation à jouer.

    • Les règles du contrat de vente

Elles peuvent à l’occasion être utilisées pour protéger le client le plus faible. Le contrat de vente fait l’objet d’une centaine de dispositions dans le Code civil et la JP l’interprète de manière assez contraignante au vendeur. L’utilisateur dans le contrat informatique trouvera un terrain de protection.

Cass. Com. 1997 : application à la fourniture d’une disquette contenant un virus, écartant la clause de non responsabilité.

Cass. Civ.1 1993 : en vertu de l’art. 1602 le contrat s’interprète en cas de doute contre le vendeur, donc si le contrat de fourniture informatique est insuffisamment clair, c’est l’interprétation que peut en donner l’acheteur qui doit prévaloir.

On y reviendra.

  1. Exécution des contrats informatique (art. 1134, 1142 s., 1184 Code civil)

Nous restons sur le terrain du droit commun, ce qui suppose que les contrats informatiques ne sont pas soumis à des règles particulières. Il ressort des textes visés que celui qui a contracté est en droit d’exiger l’exécution du contrat telle qu’elle a été prévue, son exécution en nature qui reste le principe.

Cass. Com. 01.12.1992 (Contrats Concurrence Consommation, mai 1993, n°86) : le client a le droit de se voir livrer l’équipement précis qu’il a commandé.

Si une situation comme celle-ci monte jusqu’à la Cour de cassation, cela signifie que le client a un intérêt particulier, qui peut être que l’équipement fourni interagit avec un équipement précédent. On peut comprendre qu’il ait voulu obtenir l’exécution en nature. A défaut de l’obtenir ou d’en être satisfait, le client peut prétendre à la résolution et à des dommages et intérêts dans les conditions des articles 1147 et suivants du Code civil.

Dans les contrats synallagmatiques une partie peut obtenir la résolution du contrat si l’autre n’exécute pas ses engagements (art. 1184). C’est un mécanisme fondamental des contrats qui serait susceptible d’être modifié par la réforme du droit des contrats, notamment par la suppression de l’obligation de recourir au juge.

Il n’est possible d’obtenir la résolution que si la défaillance du débiteur présente un caractère suffisamment grave. Si c’est le cas, le créancier mécontent pourra néanmoins prétendre à des dommages et intérêts.

La résolution ne saurait être prononcé de façon unilatérale par le contractant insatisfait. Si bien que si les parties ne s’entendent pas pour mettre fin au contrat, la partie mécontente devra saisir le juge, pour lui demander de prononcer la résolution. Il y a là une prudence du législateur français, un souci de protéger les contrats, le recours au juge permettant de temporiser, d’avoir toute certitude que le contrat ne pourra pas survivre.

Des clauses peuvent être insérées dans les contrats, l’art. 1184 ne présentant pas un caractère d’ordre public, pour prévoir une résolution, notamment de plein droit, c’est-à-dire sans avoir à recourir au juge dans des cas définis. Mais ces clauses sont considérées avec une certaine méfiance par les tribunaux qui exigent qu’elles soient très explicites pour écarter le contrôle du tribunal.

  1. L’étendue des obligations souscrites par les parties

Dans les contrats informatiques, la définition des obligations est complexe. Il est donc particulièrement important que les cocontractants en précisent l’étendue exacte. Malheureusement, les contrats définissent souvent les obligations de manière trop succincte, notamment dans les contrats de maintenance. La rubrique « objet » du contrat est très souvent précisée en termes vagues. Il y a un renvoi à l’annexe du contrat et aucune qualification donnée au contrat.

Les juges sont donc souvent sollicités pour interpréter le contrat. Parmi leurs outils, on peut songer au recours à l’art. 1615 Code civil, étendu par analogie et selon lequel « l’obligation de délivrer la chose comporte tous ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel ». Certaines décisions de JP ont pu dire que l’ordinateur devait être livré avec les câbles d’alimentation électrique et autres éléments de raccordement. La fourniture implique également une certaine assistance technique à la mise en route, qui s’impose pour le fournisseur et peut passer par une formation minimale de l’utilisateur ou de ses employés (Cass. Com. 25.10.1994, Contrats Concurrence Consommation, Janvier 1995, n° 3). Il s’agissait de l’informatisation de dessins industriels. Il y avait eu une « absence d’assistance de l’utilisateur à la mise en route ».

Mais la JP n’est pas toujours favorable à l’utilisateur et lui impose de vérifier que dans le contrat les choses soient suffisamment précises. Par exemple, il n’appartient pas au fournisseur d’apporter des logiciels d’application, dès lors que cela n’avait pas été prévu par le contrat et que le client avait connaissance de leur nécessité (Cass. Com. 17.12.1991).

Il peut se produire une évolution en cours d’exécution dans l’appréhension des besoins du client, le fournisseur découvrant petit à petit quelles sont ses aspirations, ce dernier découvrant l’étendue de ses besoins. Le fournisseur doit suivre le mouvement, s’adapter aux demandes du client. On tire cette solution des décisions de JP rendue en matière de louage d’ouvrage ou de contrat d’entreprise. Elle trouvera son fondement dans l’exécution de bonne foi (art. 1134, al. 3 Code civil). A partir du moment où l’on reste dans la configuration envisagée au départ, les demandes d’évolution du client doivent être satisfaites.

  1. Le retard dans l’exécution

En principe, le contrat doit être exécuté dans les délais prévus. Les parties prévoient un calendrier. Si le retard dans la fourniture de la prestation est grand, le contrat va perdre une partie significative de son intérêt pour le client. Ce dernier, dans ces conditions, est en droit de demander des dommages et intérêts, et même de demander la résolution de la convention. Cela se fera, si le retard s’analyse en une inexécution suffisamment grave du contrat. De nos ours, le processus d’informatisation s’effectue rarement à partir de zéro, c’est souvent une nouvelle configuration qui en remplace une ancienne. Cour de Paris, 16.01.1990: La livraison d’un système en remplacement d’une configuration existante, qui certes s’est faite en retard, ne s’est pas faite dans une condition préjudiciable, puisqu’il existait déjà un système.

En pratique, dans les contrats, on voit souvent insérée cette précision, que le délai convenu n’a qu’un caractère indicatif. Cette clause constitue en réalité une exonération de responsabilité en cas de retard dans la fourniture. Elle est valable, parce qu’en droit commun les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité sont considérés comme valables par les tribunaux. Elle a pour effet que le client peut difficilement obtenir la résolution pour retard dans l’exécution. On peut même pense qu’il aura le plus souvent du mal à obtenir des dommages et intérêts, si l’équipement n’est pas livré à temps et que cela lui cause une gêne dans le fonctionnement de son entreprise (Cour de Paris 22.06.1983, D. Info Rap 1985, p. 43, note Huet). Il s’agissait en l’espèce d’un délai présenté comme ayant un caractère indicatif dans le contrat. Le client avait annulé sa commande en raison du retard. Il a été condamné à honorer ses engagements.

Même si l’on était en présence d’un calendrier précis, et sans délais donnés à titre indicatif, les juges sont volontiers hésitants à prononcer la résolution en cas de retard, car il arrive fréquemment que des modifications aient été demandées par le client en cours d’exécution et que cela ait perturbé le bon déroulement du phénomène d’informatisation. C’est un phénomène en pratique extrêmement fréquent (Cour de Paris 23.02.1990, Droit de l’informatique et des télécoms 1991, II, p. 47). La résolution a été prononcée par le juge qui a souligné qu’il n’y avait pas eu de modification demandée par le client qui aurait pu être à l’origine de l’allongement des délais dans l’exécution.

  1. La défaillance ou inexécution du contrat par le fournisseur

  1. Sanction de la mauvaise exécution par le droit commun

Elle expose le fournisseur à voir le contrat résolu et à devoir verser des dommages et intérêts. L’art. 1184 s’applique, à moins que l’on puisse se situer sur un terrain particulier du droit des contrats, comme par exemple les vices cachés. Le juge à tendance cependant à rester sur le terrain du droit commun et à utiliser la distinction entre les obligations de moyens et de résultats, et du fait que l’informatisation est une opération complexe, que l’apport intellectuel dans la fourniture effectuée est souvent aussi important que les éléments matériels, les juges sont réticents à mettre à la charge du professionnel une obligation de résultat. Les juges ont pu admettre la responsabilité d’un fournisseur d’un système inutilisable, mais « sans mettre à sa charge une obligation de résultat » (Cass. Com. 03.12.85).

Dans cet état d’esprit, les juges sont amenés à apprécier la gravité de l’inexécution, en se demandant si le système est adapté aux besoins du client, s’il y a un mauvais fonctionnement de certains de ses éléments, s’il y a eu interventions nombreuses, diligences de la part du fournisseur, collaboration du client, tout cela pour apprécier les responsabilités respectives des parties dans les difficultés rencontrées, avant d’aller jusqu’à la résolution du contrat.

La plupart des décisions sont des décisions de première instance ou d’appel, rarement de cassation et le cas échéant, la plupart du temps, des décisions de rejet, car les appréciations à faire sont souvent factuelles (Cour de Paris 31.01.1985). Il s’agissait d’une affaire avec des pannes nombreuses ayant nécessité des interventions répétées du fournisseur, mais qui ne suffisaient pas à caractériser un vice caché et donc la résolution.

Il est possible toutefois que le contrat soit plus précis, et notamment contienne cette qualification que la fourniture doit se faire clé en main. On pourra la rapprocher de la désignation d’un fournisseur comme maître d’œuvre. Dans l’esprit des juges, cela accrois les responsabilités du fournisseur, cela fait peser sur lieu une obligation (de conseil) renforcée, dont on peut estimer qu’elle est une obligation de résultat (Cour de Paris, 27.03.1984). Il s’agissait d’un système de gestion avec livraison clé en main. Ces logiciels présentaient des insuffisances et lenteurs telles que la résolution avait dû être résolu.

Le client ne saurait donc de son propre chef prendre l’initiative de la résolution contractuelle. Généralement, s’il agit avec impatiente, le litige allant finalement être porté devant les tribunaux, la résolution sera prononcée certes, mais aux torts du client. Il est donc impératif pour le client, de faire tout son possible que son obligation de collaboration soit correctement exécutée, et s’il estime que le processus ne pourra être correctement mené à son terme, il devra saisir le juge.

Le client pourra envisager une clause résolutoire, qui a pour principal intérêt d’éviter le recours au juge et prévoir une résolution de plein droit. Elle doit être explicite, car elle recevra une interprétation restrictive. Mais surtout, on peut douter de l’efficacité de ce genre de stipulations, car il n’est pas facile de définir clairement en quoi consiste la défaillance du fournisseur, et qui devra faire jouer la clause (nombre de pannes, temps de traitement … ?).

En présence d’une inexécution caractérisée, le créancier adresse en pratique une mise en demeure de s’exécuter correctement, en y indiquant les raisons de son mécontentement et en donnant un délai de 15 jours – 1 mois au terme duquel la résolution sera automatique ou sera prononcée par le créancier.

  1. Clauses limitant ou exonérant le fournisseur de sa responsabilité

En droit commun, ces clauses sont valables et efficaces, sauf si le débiteur a commis une faute lourde ou un dol. C’est une solution extrêmement libérale que les juges ont admise, alors qu’elle n’était pas admise au Code civil. Et le droit comparé montre que plusieurs systèmes juridiques y sont réticents, et notamment les droits anglo-américains malgré leur libéralisme apparent. Cette solution vaut aussi bien s’il s’agit d’un particulier que d’un professionnel. Il convient de préciser que le débiteur sera entièrement exonéré, ne répondra pas de certains préjudices, ou verra sa responsabilité plafonnée.

Cela n’interdit pas au client d’obtenir la résolution du contrat et les restitutions réciproques. Ce que lui interdit la clause, est de demander des dommages et intérêts. Une clause qui empêcherait de demander la résolution serait contraire à l’ordre public.

Ces trois types de clauses sont systématiquement inscrits dans les contrats informatiques.

Ce principe n’est pas sans limites ou exceptions. La faute lourde ou le dol restent des hypothèses assez rares. La JP offre la possibilité de priver d’efficacité une clause dégageant le débiteur de sa responsabilité, lorsqu’elle a pour effet de porter atteinte à un élément essentiel du contrat. Dans les années 90, la Cour de cassation a développé cette idée que l’on ne devrait pas appliquer dans un contrat une clause qui contrarie l’objectif principal que les parties se sont fixées (Cass. Civ. 23.02.1994, Dalloz 1995, n°214, note Dillon). Il s’agissait du dommage subit par un véhicule laissé dans un parking de stationnement inondé. L’exploitant se prévalait d’une clause, les juges ont considéré que cette clause le déchargeait d’une obligation essentielle du contrat. La JP Chronopost (Cass. Com. 22.10.1996, Dalloz 1997, 180) en est une illustration par un arrêt de cassation. Il s’agissait du retard dans l’acheminement d’un pli qui a empêché l’entreprise de soumissionner à un marché public. Les juges ont exclu la clause.

Cette JP amène à ne pas inscrire des clauses complètement exonératoires, mais de préférer des clauses partielles ou limitatives prévoyant un certain montant de dommages et intérêts. Il faut préférer l’aménagement raisonnable de la responsabilité.

Ces clauses sont jugées assez largement inefficaces lorsque le contrat peut être qualifié de contrat de vente et qu’elles peuvent se heurter à la protection des consommateurs, le cas échéant.

  1. La substitution de contractant/ La transmission du contrat

La question se pose en pratique de manière régulière. On envisagera la transmission faite par le fournisseur à un autre professionnel qui reprendrait ses obligations. Il est fréquent que les contrats d’informatique voient leurs obligations s’échelonner dans le temps et que le fournisseur d’origine désire arrêter de fournir la prestation et confier à un autre professionnel l’exécution du contrat. Le phénomène se rencontre par exemple en cas de cession d’activité. Le droit commun prévoit que le client ne peut pas se voir imposer un tel changement de contractant. Le principe obligatoire de la force des conventions l’interdit.

Dans la mesure où le contrat ne présenterait pas de caractère intuitu personae, il est loisible de faire exécuter une obligation par autrui sous sa responsabilité et cela s’agissant d’une obligation de faire. Si cela est licite, une telle possibilité n’a rien à voir avec la transmission envisagée ici. Pourtant, il n’est pas exclu en pratique de transférer la charge du contrat et les juges admettent qu’on le fasse dans certaines circonstances, lorsque le client a tacitement accepté cette cession (Cass. Com. 07.01.1992, Revue de droit de l’informatique et des télécoms 1992, II, p. 36, note Huet). Il s’agissait d’une entreprise de maintenance qui avait cédé cette activité à la suite d’une liquidation de biens. Le client avait été avisé par le syndic et avait réglé les factures à l’entreprise ayant repris cette activité. Les juges en ont déduit une acceptation tacite de la cession. L’arrêt souligne « le fait qu’un contrat ait été conclu en considération de la personne du cocontractant ne fait pas obstacle à ce que les droits et obligations de ce dernier soient transférés à un tiers, dès lors que l’autre partie y a consenti». (Cass. Com. 24.02.1987 avait retenu la même solution).

En pratique, ce qu’il convient de faire pour organiser une telle transmission de contrat est de suivre le processus suivant :

L’entreprise qui souhaite céder une partie de son activité va par contrat confier à une autre le soin de poursuivre les engagements qu’elle a pris à l’égard de sa clientèle. Il sera prévu dans le contrat que son successeur prendra contact avec la clientèle pour l’en informer, qu’il exécutera la prestation lui-même et la facturera en son nom au client. Forts de la JP existante, les parties penseront, au risque du repreneur, que si les clients n’ont pas manifestés d’opposition, ils seront considérés comme ayant tacitement acceptés la cession. Sur le volume en question, on peut estimer que seuls quelques uns auront refusés, ce qui signifie qu’ils auraient dû se manifester assez rapidement.

  1. Liens entre les contrats informatiques

14.11.05

Une multiplicité d’intervenants est susceptible d’intervenir à l’opération d’informatisation. Plusieurs fournisseurs sont généralement sollicités pour mener à bien le processus. L’utilisateur n’a pas face à lui un seul professionnel, encore qu’il pourrait en choisir un qu’il charge de la réalisation de l’ensemble dans un contrat clé en main. Cette possibilité permet de résoudre d’emblée les difficultés soulevées par une pluralité de prestations. En pratique, il n’est pas toujours possible de faire ainsi, et celui qui sollicite les professionnels va se trouver en présence d’une pluralité de prestataires.

Une solution à recommandée, qui à cependant un coût, est de désigner une entreprise pour piloter l’ensemble, assurer la coordination et prendre une responsabilité globale. C’est un degré moindre dans la protection de l’utilisateur, mais la solution avantageuse consiste à désigner l’entreprise comme étant maître d’œuvre du projet. Il y a beaucoup de jurisprudence à ce propos, dont on peut tirer qu’il incombe au client de prouver qu’il a bien désigné une entreprise comme maître d’œuvre. Il n’est pas rare que les tribunaux recherchent une rémunération spéciale. En tout cas, il faudra que cela soit mentionné en toutes lettres dans le contrat.

En pratique, rien n’a été réellement prévu. On se trouve en présence de deux sortes de situations : soit les divers prestataires se sont engagés envers le client dans un contrat unique, soit le client aura conclu autant de contrats qu’il y a de prestataires. Dans les deux cas, les prestations auront été distinguées : fourniture de matériels, de logiciels standard, formation, maintenance … La question du lien entre ces prestations surgit généralement au stade de l’inexécution et de la réponse à donner au client qui sollicite devant un juge que l’ensemble des contrats soit résolu, dès lors que l’un d’entre eux ne lui donne pas satisfaction.

  1. Les hésitations jurisprudentielles

  1. Liens entre matériel et logiciel

Les juges se demandent s’il y a une indivisibilité ou non entre ces contrats, aussi bien lorsque plusieurs contrats ont été conclu avec un seul prestataire que lorsque plusieurs prestataires interviennent et agissent de concert.

Tantôt les juges admettent l’indivisibilité, tantôt l’indépendance.

Ø Cass. Com. 22.01.1991 (Revue du droit de l’informatique et des télécoms, 1993, II, p. 41 suivantes, note Dupuis Toubol) : la Cour suprême approuve les juges du fond qui avaient refusé d’admettre l’indivisibilité des contrats de vente de matériel et de logiciel, alors pourtant que ces contrats avaient été conclu, distinctement certes, mais avec le même prestataire. Il s’agissait de l’informatisation d’un cabinet de comptabilité. Il y avait eu des développements spécifiques de logiciels, qui se sont avérés défectueux. Les juges n’en ont pas moins admis que la fourniture de logiciel n’entraînait pas celle de la vente de matériel.

Dans le même sens : Cour de Paris 06.11.1994

Ø Cass. Com. 08.01.1991(Bulletin IV, n° 20 ; Revue du droit de l’informatique et des télécoms, 1991, II, p. 37, note Huet): l’indivisibilité est admise, alors même, contrairement à l’espèce précédente, que ces contrats avaient été conclu entre prestataires différents. Il s’agissait de l’informatisation d’un cabinet d’huissiers. La cour approuve le raisonnement des juges d’appel. Mais cassation partielle de l’arrêt d’appel qui avait admis que les prestataires étaient tenus in solidum de la réparation.

Dans le même sens : Cour de Paris 23.10.1998 (résolution des contrats dans leur ensemble)

Ce qui permet de dépasser le paradoxe est la formulation de l’arrêt du 8 janvier qui prévoit qu’il faut apprécier selon les circonstances de l’espèce.

  1. Liens entre équipement et maintenance

Cf. Intro : la transmission de l’équipement à un tiers ne peut en principe pas entraîner la transmission de la maintenance à un tiers, en raison de l’intuitu personae

Le lien entre équipement et maintenance est-il tel, que la résolution de l’un rejaillirait sur l’autre ? On a vu des décisions accueillir cette solution : par exemple, Cour de Paris, 19.11.1985, qui admet l’annulation du contrat de maintenance pour défaut de cause. On pourrait songer à une autre justification, à partir du moment où le contrat d’équipement est résolu rétroactivement, ce qui enlève l’objet.

Le contrat de maintenance est généralement un contrat à durée limitée renouvelable. L’état d’incertitude dans l’observation du droit positif amène à faire des recommandations pratiques.

  1. Les précautions utiles

La situation d’une pluralité de prestataires amène à prendre des précautions. L’une des plus simple est de recommander au client de passer un contrat unique avec plusieurs prestataires, contrat dont il est volontiers tiré comme conséquence par les tribunaux que l’unicité du contrat engendre une solidarité dans les liens entre les prestataires. Mieux vaudrait d’ailleurs au demeurant prévoir expressément la solidarité dans le contrat.

Une autre solution est de recourir à la désignation d’un maître d’œuvre de l’opération, ce que l’on fera généralement lorsque plusieurs contrats auront été conclu. Le contrat devra le préciser clairement et éventuellement prévoir une rémunération particulière. A défaut de l’obtenir, et si l’on est en présence de plusieurs contrats distincts, l’on peut insérer des clauses dans les différents contrats, qui renvoient à un autre contrat et soulignent l’indivisibilité des prestations assumées par les différents prestataires.

Conclusion du chapitre 1 : l’application va de soi, il n’y a pas de spécificité particulière des ces contrats, même si des difficultés se posent ici plus souvent qu’ailleurs.

Chapître 2 L’application au contrat informatique du droit spécial des contrats et l’application des règles de la propriété intellectuelle

Il y a des règles spéciales qui contribuent à façonner le régime du contrat informatique, celles des contrats spéciaux, celles de la propriété intellectuelle, auxquelles s’ajoutent les contrats de distribution.

  1. Application du droit spécial des contrats

On le trouve dans le Code civil aux articles 1482 à 2000 et quelques. Ce droit d’ajoute au droit commun pour façonner les rapports entre fournisseurs et clients. On verra que les distinctions classiques entre les différents contrats s’articulent facilement avec les contrats informatiques. On peut les classer en trois catégories : ceux qui transfèrent la propriété d’une chose (ex : vente), ceux qui ont pour objet la simple jouissance d’une chose (ex : bail) et ceux portant sur un ouvrage ou un service (ex : contrat d’entreprise, mandat).

Ces distinctions s’appliquent aisément aux contrats informatiques. On opposera la fourniture d’équipement aux prestations de service.

  1. La fourniture d’équipement informatique

Deux des principaux contrats spéciaux évoqués sont appelés à s’appliquer à la fourniture d’équipement informatique : le contrat de vente (articles 1582 s. Code civil) et le contrat de bail ou location (articles 1718 s. Code civil). Les textes du Code civil ont été prévus essentiellement en considération du bail immobilier, mais la jurisprudence considère que ces règles peuvent, en tant que de raison, jouer pour le bail mobilier. On peut également envisager le louage d’ouvrage (articles 1787 s. Code civil).

  1. La vente d’équipement informatique

Elle se trouve jouée pour la fourniture d’un ordinateur, d’une imprimante, d’une unité de traitement, d’une mémoire secondaire, voire de logiciels standard. Les règles de la vente sont assez protectrices.

La vente implique tout d’abord une information du client. On retrouve les obligations d’information et de conseil qui incombent au fournisseur en vertu du droit commun, mais surtout il existe en matière de vente une exigence de loyauté particulière. L’article 1602 du Code civil déclare en effet que si le contrat est obscur, le doute s’interprète en faveur de l’acheteur. Le vendeur est donc tenu de mettre les choses au clair, autant que possible. Cet article a connu un regain d’intérêt, puisque pendant quasiment deux siècles il n’a pas suscité de jurisprudence, jusqu’à l’illustration par des contrats informatiques. La première décision à s’être clairement appuyée sur ce texte est Civ. 1, 13.10.1993 (Revue de l’informatique et des télécoms, 1994, II, p. 23). Il s’agissait de l’acquisition d’un ordinateur et le client était mécontent car cet équipement présentait une capacité de traitement inférieure à 54 % à ce qu’il attendait. Il s’était fondé sur la présentation du vendeur quant à la capacité potentielle. Les juges ont décidé que le vendeur s’était exprimé de façon confuse et que la résolution devait être prononcée aux torts de ce dernier. C’est une illustration de ce que le régime de la vente est assez contraignant.

Toujours dans le cadre de la vente, on appliquera les règles de la délivrance et de la livraison (articles 1604 s. Code civil). Le vendeur est tenu de livrer la chose convenue avec ses accessoires, l’acquéreur peut exiger que lui soit livré le matériel précis commandé (Com. 01.12.1992). Le vendeur y manquera s’il fournit un équipement ne présentant pas les caractéristiques convenues. Lorsqu’il s’agit d’un équipement d’une certaine importance, il est fréquent que les parties prévoient une phase de réception, voire une mise en place de l’équipement, auquel cas un PV de réception sera dressé. Cette réception permet au client de vérifier que la chose ne présente pas de défaut, mais uniquement par rapport à ce qui est apparent. Elle n’interdit pas de se prévaloir ensuite de la garantie contre les vices cachés.

La garantie contre les vices cachés (articles 1641 à 1649 Code civil) impose au vendeur de fournir un équipement de qualité fonctionnant convenablement. Elle s’ajoute au devoir de conseil dont est tenu le fournisseur. Cette garantie est conçue par les tribunaux en termes rigoureux pour le vendeur professionnel. La jurisprudence lui impose une obligation de résultat, qu’en cas de défaut d’une certaine gravité, le contrat peut être résolu, que le professionnel doit indemniser le client de tous les dommages causés par la chose et qu’il lui est interdit de s’exonérer de cette garantie. Cette action se distingue de l’action en résolution. Le vice invoqué doit être d’une certaine gravité, l’acheteur peut demander simplement une diminution de prix, et surtout il devait agir dans un bref délai. Depuis une réforme effectuée en 2005 par voie d’ordonnance, l’article 1648 Code civil a été modifié et le délai n’est plus un bref délai, mais un délai de deux ans. On doit considérer que le vendeur assume une obligation de résultat, mais il est vrai qu’en cette matière particulièrement technique, on observe une certaine réticence à imposer une telle obligation au vendeur, même sur le terrain de la vente et une tendance à rester au niveau du droit commun. Pourtant, rien n’empêche de le faire, et l’on voit des décisions qui à l’occasion disent que les règles de la garantie contre les vices cachés doivent jouer (Cass. Com. 25.11.1997, Bulletin, IV, n°308 : disquette vendue avec un virus).

Selon Prof Huet, tout ce qui aurait un caractère standard (équipement, progiciel) a vocation à se voir appliquer les règles contraignantes du droit de la vente. Celles-ci le sont notamment en ce qui concerne les conventions sur la responsabilité. La jurisprudence depuis plus d’une trentaine d’années, affirme que les clauses limitant ou excluant la garantie du vendeur sont sans efficacité. Le vendeur professionnel ne saurait écarter la garantie légale des articles 1641 s., et il ne saurait même préciser dans le contrat qu’il n’est pas tenu d’indemniser un certain nombre de dommages. Ces conventions sont extrêmement fréquentes dans les contrats informatiques et encourent donc la censure des tribunaux, même s’ils y sont réticents (Cass. Com. 15.05.2001, Revue CCE 2003, n° 123, note Huet : vente de matériel et de programme, ensemble défectueux, pro se retranche derrière clause d’exclusion de garantie, clause écartée dès lors que pro n’étaient pas de même spécialité).

  1. La location d’équipement

Elle est utilisée par un client de manière à éviter d’avoir à immobiliser tout d’un coup les disponibilité qu’implique une acquisition et donc pouvoir échelonner les dépenses que représente l’équipement en question. Les conditions d’éviction et de garantie sont assez proches de celles déjà étudiées en matière de vente (article 1721 s. Code civil), mais en matière de location, les tribunaux admettent les clauses limitatives ou exonératoires. La différence essentielle entre les deux contrats, tient à ce que la location s’inscrit dans le temps. C’est cette caractéristique qui soulève parfois en pratique des difficultés.

S’agissant des délais d’exécution, rien de particulier n’existe dans le régime de la vente pour interdire la pratique des délais simplement indicatifs. On doit dont admettre que cette clause a location est conclue pour un laps de temps précis. On rencontre fréquemment une durée calquée sur l’obsolescence du bien, c’est-à-dire 4 ou 5 ans. Les tribunaux veillent avec rigueur au respect de la durée du contrat. Ils sanctionnent le locataire, lorsque celui-ci entend se libérer de ses obligations avant le terme prévu. A titre d’exemple, CA Paris, 07.03.1986 (Info Rap. D. 1990, p. 325, obs. Huet), il s’agissait d’une durée de location pour 60 mois.

Les contrats informatiques sont souvent conclus pour 10 à 15 ans ce qui a pu conduire les tribunaux à conclure que le contrat pêchait par indétermination du prix, de sorte que pendant ces périodes assez longues, les modifications étaient faites par le fournisseur. Mais depuis 1995, l’indétermination du prix est admise en matière de contrats informatiques.

  1. Le crédit-bail

La formule est très fréquemment employée en matière d’informatique. Le crédit se combine avec la location. Le procédé présente un double avantage, car le fournisseur peut être immédiatement payé, par l’établissement de crédit qui acquière l’équipement en pratique choisi par l’utilisateur. Ce qui caractérise le crédit-bail est l’option d’achat en fin de contrat.

C’est d’ailleurs en cette matière que quelques décisions importantes de jurisprudence ont été rendues. Les conditions contractuelles sont a priori celle d’une location : mise à disposition temporaire du bien, sans transfert de propriété et avec paiement des loyers selon une certaine périodicité. Toutefois, ce schéma ne satisfait pas totalement la banque, qui en tant que bailleur souhaite généralement se cantonner à un simple rôle financier. En effet, la banque n’est pas un professionnel commercialisant du matériel informatique. Dès lors, des clauses sont incluses dans le contrat de crédit-bail qui ont pour objet de renvoyer le locataire vers le bailleur pour tout ce qui concerne le bon fonctionnement de l’équipement. Les contrats précisent pour commencer que le matériel est choisi par l’utilisateur, souvent sous forme de mandat. En cas de défaut de fonctionnement, tout recours contre l’établissement bancaire est exclu (?). Certains contrats prévoient une solidarité entre le crédit preneur et le fournisseur pour le remboursement du prix en cas de résolution de la vente. Il peut y avoir insatisfaction de l’utilisateur, auquel cas il souhaitera remettre en cause la fourniture. L’établissement de crédit lui a donné mandat pour agir contre le fournisseur. Mais la difficulté est de déterminer le lien entre le contrat de vente et le contrat de crédit.

Cette question a précisément été posée à propos d’équipement informatique. Concrètement, elle se présente de la façon suivante : si la vente est résolue à l’initiative de l’utilisateur mandaté, quel effet cela aura-t-il sur le crédit-bail proprement dit ? A cet égard, les intérêts des parties au crédit-bail sont totalement opposés. Celui du locataire est que l’anéantissement de la vente justifié par la défectuosité de l’équipement le libère de ses engagements envers l’établissement de crédit. A l’inverse, l’établissement de crédit ne sera pas satisfait de perdre le débiteur des loyers et de devoir se contenter de demander au fournisseur le remboursement du prix de vente, puisque cela le met en position de demandeur et que le fournisseur peut être en difficultés financières, auquel cas le remboursement devient aléatoire. Encore faut-il savoir ce que les juges décident.

Les juges ont admis au début des années 80 une solution favorable à l’utilisateur : la résolution rétroactive de la vente entraîne la nullité du crédit-bail pour défaut de cause. C’est un sujet sur lequel les établissements de crédit ont lutté pied à pied contre la Cour de cassation, jusqu’à obtenir une modification significative. Civ. 1, 11.04.1995: la Cour de cassation estime que la résolution de la vente entraîne seulement une résiliation du crédit-bail à compter du jour où la vente est anéantie. Les parties sont libres d’organiser dans le contrat les conséquences de la résiliation. Tous les loyers antérieurs payés par le crédit preneur restent acquis à la banque, qui peut par ailleurs aménager le contra par des clauses de solidarité. Reste à savoir ce qu’on admet qu’il y ait dans les clauses. Cour de Bastia, 19.11.2002: les clauses doivent avoir pour effet d’aménager la résiliation.

  1. Conception et réalisation de systèmes

21.11.05

Lorsque l’informatisation présente une certaine ampleur, la fourniture de l’équipement peut nécessiter un travail d’étude préalable et de conception. Si ce travail présente une part prépondérante, il débouche sur une solution spécifique et l’on sort du cadre du contrat de vente proprement dit. On est en présence d’un louage d’ouvrage, visé aux articles 1787 s. Code civil. Il y a là une question de qualification. Dans ce contrat complexe, on voit se mélanger vente de choses et prestation de service. On pourrait donc être tenté d’appliquer une qualification mixte, mais les tribunaux n’y sont pas très favorables et il vaut mieux retenir une qualification unique de louage d’ouvrage, sauf à revenir au cas pas cas aux règles de la vente si nécessaire.

Les parties peuvent influer sur le régime applicable au contrat, notamment en prévoyant que le fournisseur assume une obligation clé en main et donc s’engage à livrer une solution globale. Cette qualification engendre une obligation renforcée, ou quasiment une obligation de résultat aux yeux des juges.

Le contenu du contrat :

L’objet de l’accord est la conception et la réalisation d’un système. Ce système qui doit permettre de satisfaire les besoins particuliers du client comporte deux aspects :

L’étude détaillée des besoins, ce qui implique de les recenser tout d’abord et ensuite de les détailler dans un cahier des charges. En principe c’est au client de le rédiger, mais en pratique, c’est souvent le professionnel qui prend la responsabilité de le faire dans la foulée de l’étude préalable. Ce n’est pas la meilleure des solutions. Le client devrait soit prendre en charge lui-même ce cahier ou avoir recours à un conseil en informatique, professionnel qui garantira l’indépendance. En tout cas les tribunaux retiennent assez facilement la responsabilité du fournisseur lorsqu’il n’y a pas de cahier des charges. Le fournisseur rédige une « analyse fonctionnelle » qui permet d’exprimer sous une forme technique le processus d’informatisation et de répondre aux besoins par un choix de matériel et de logiciels adaptés.

Selon les situations, et selon la complexité de la situation, les parties auront prévu ces phases dans un contrat unique ou bien auront envisagé deux contrats successifs. Mais il y a toujours plus ou moins un passage à la seconde étape.

Des propositions d’achat de matériel et de logiciels de développement spécifiques sont faites au client qui doit donner son acceptation à ce stade. Si le client se déclare satisfait, un contrat est signé qui à pour base le cahier des charges. Dans ce second aspect du contrat on aura eu soin de détailler la tâche à réaliser, d’établir un calendrier d’exécution avec les étapes par lesquelles passera le processus d’informatisation auxquelles vont correspondre des versements. Le prix sera décompté en versements successifs fonctions de l’avancement des travaux. En matière de louage d’ouvrage, il n’est pas nécessaire que le prix soit déterminé dès le départ comme en matière de vente. L’étendue exacte du travail à effectuer ne peut pas toujours être fixé de manière exacte dès l’origine et cela justifie que le coût ne soit pas nécessairement convenu au départ et établi de façon intangible. Il peut être ainsi établi. Les parties ont le choix entre le forfait ou la régie.

o Dans le forfait un montant défini est fixé dans le contrat pour l’ensemble du contrat à faire, des prestations à livrer et, en ce cas, ce montant n’est en principe pas susceptible d’être modifié. Le prestataire ne pourra compter que sur ce prix, sauf à prétendre à des suppléments s’il démontre clairement qu’il y a eu un surcroît de travail correspondant à une demande ou aux intérêts du client. L’art. 1793 Code civil contient le principe de l’intangibilité du forfait, dont les tribunaux estiment qu’il ne s’applique qu’en matière de construction. Huet trouve cette limitation injustifiée. La signification qu’a ce texte, est que l’entrepreneur en matière de construction ne peut demander un supplément de prix qu’en produisant un accord écrit du client. L’objectif du législateur a été de contrecarrer la mauvaise foi éventuelle de l’entrepreneur. L’intangibilité absolue en matière de construction diffère de l’intangibilité existant en termes généraux lorsqu’un forfait est prévu : le prix est définitivement acquis, un supplément peut être demandé en vertu de tout accord, de tout dépassement de travaux accepté, plus ou moins tacitement par le client.

o Dans le prix en régie, le prix est fonction du temps passé par le prestataire pour la réalisation de la tâche. Il sera déterminé à l’arrivée et pourra être soumis au contrôle du juge.

L’article 1794 du Code civil prévoit que le client peut résilier le contrat en cours de route sans donner de motif, contre rémunération du prestataire à raison du dommage ainsi causé. Cette solution s’explique par le fait que le louage d’ouvrage porte sur la réalisation d’un ouvrage, que le client peut en cours de route estimer inutile et qui serait déraisonnable de l’achever contre sa volonté. L’entrepreneur sera indemnisé de la totalité du bénéfice escompté.

L’ouvrage sera souvent finalisé. Le professionnel est tenu d’en garantir la bonne qualité et le bon fonctionnement. Le système doit être mis en place et réceptionné. Cette phase est importante et souvent détaillée dans les contrats. Cette formalité donne généralement lieu à la rédaction conjointe d’un PV dit « de réception ». Elles testent le bon fonctionnement avec des jeux d’essais (test théorique avec des données en nombre limitées qui permettent de voir si le système fonctionne, s’il correspond en terme de capacité et de vitesse de traitement à ce qui était prévu) et poursuivent à une phase d’essais réels. L’objet est de déterminer la conformité au cahier des charges et aux analyses consécutives.

Le PV pourra contenir des réserves. Des ajustements devront être faits pendant un certain délai. La réception se caractérise ainsi dans toute son ampleur parce que c’est une opération qui peut exister en matière de vente. La différence est qu’en matière de louage d’ouvrage, la réception n’a pas seulement pour objet de constater que le fournisseur a bien livré ce qui était commander mais aussi de vérifier que la réalisation a bien débouché sur une prestation correspondant aux besoins particuliers du client.

La réception a des effets juridiques, elle est en principe la date à compter de laquelle s’effectue le transfert de propriété des équipements fournis. Les parties peuvent prévoir autre chose.

La réception a aussi pour autre effet de purger les vices apparents, les malfaçons visibles dont le client pourrait se convaincre et dont il aurait dû l’inscrire comme réserve dans le PV. Contrairement à ce que pensent volontiers certains professionnels, la réception ne purge pas les vices cachés et le client demeure toujours fondé à se plaindre de tout défaut de fonctionnement qui apparaîtrait ultérieurement et qu’il n’aurait pas pu déceler lors de la réception.

La réception marque enfin le point de départ de la période pendant laquelle les défauts cachés pourraient être invoqués par le client. Soit en vertu de la loi, e t les règles de prescription qu’elle pose, soit surtout dans l’accord des parties, il est généralement prévu une durée pendant laquelle pourront être invoqués des disfonctionnements non décelés pendant la phase de réception, période généralement de 1 ou 2 ans. La phase de garantie qui succède à la réception implique une responsabilité du professionnel à cet égard. Les tribunaux sont hésitants à admettre une obligation de résultat et ont tendance à mettre à sa charge une obligation de moyens, c’est-à-dire à ne retenir sa responsabilité que pour un manquement aux règles de l’art.

Les conventions sur la responsabilité sont valables dans ce type de situations. En matière de louage d’ouvrage, la jurisprudence admet les conventions limitatives voire exonératoire, quand bien même le fournisseur est professionnel. Le droit commun apporte quelques limites : elles peuvent être écartées en cas de faute lourde ou de dol, voire être censurées par les juges si ils considèrent qu’elles portent atteinte à l’essence du contrat. D’où une préférence en faveur des clauses limitatives prévoyant un certain montant de dommages et intérêts. Les juges peuvent qualifier en contrat de vente. Com. 15.05.01: écarte une clause de garantie dans un contrat de conception et de réalisation de système et qualifie le contrat comme étant un contrat de vente (CCE 2003, n° 123, note Huet).

Il arrive fréquemment que le prestataire de service, que le fournisseur, mette du personnel à disposition de l’utilisateur. Il faut prendre garde, dans ce type de situations, à ce que cette mise à disposition ne constitue pas un prêt de main d’œuvre. Ce prêt est déclaré illicite par le Code du travail (L. 125-3). Ce type de contrats est réservé aux entreprises de travail temporaire. Le personnel délégué ne doit donc pas être sous l’autorité du client, réaliser les tâches que lui commande le client directement, mais travailler pour son employeur, prestataire de service (Crim. 18.04.1989, Droit Social 1990, p. 418 : le délit de prêt de main d’œuvre n’est pas constitué à partir du moment où le prestataire de service avait conservé son personnel sous sa responsabilité et était tenu d’une obligation de résultat, ce qui caractérisait le contrat d’entreprise. Le prestataire s’était engagé sur des solutions particulières et n’avait pas laissé le client décider à sa place.). Les juges sont assez tolérants pour les sociétés d’informatique.

  1. Les prestations de service (art. 1787 s. Code civil et jurisprudence sur le louage d’ouvrage)

  1. Le contrat de conseil en informatique

Avant ou pendant l’informatisation, le client peut vouloir s’entourer de l’aide d’un expert. Il a alors recours à un conseil en informatique. Par exemple, pour le cahier des charges. Ces services sont fournis par les sociétés d’informatique ou conseil en entreprise. Le conseil fournira ses services à divers stades : rédaction du cahier des charges, pilotage de l’opération, assumer la responsabilité d’un maître d’œuvre distinct des différents prestataires. Sa prestation présente un caractère intellectuel, son obligation sera de moyen et sa responsabilité ne sera retenue que sur le fondement d’une faute prouvée.

  1. Le contrat de développement des logiciels

Le développement de logiciels spécifiques est un travail exécuté sur commande pour satisfaire les besoins d’un client. Elle constitue à l’évidence un louage d’ouvrage ou contrat d’entreprise. Le contrat passé avec le développeur est très proche dans sa rédaction du contrat de conception et de réalisation de systèmes et la mise en œuvre concrète de la prestation revêt un peu la même complexité : il faudra définir les besoins à satisfaire, un calendrier de réalisation, l’obligation du fournisseur relève de l’obligation de moyen, même s’il est tenu à garantie quant au bon fonctionnement des programmes réalisés et à l’issue du travail de développement une réception du travail doit être assurée. Quant au prix à payer on retrouve la dualité de formule forfait ou régie.

Se posent des questions de PI sur le logiciel réalisé. La propriété du logiciel reste à l’entreprise qui le développe, mais le contrat peut prévoir le transfert de cette propriété au client.

  1. Contrat de formation

Le processus d’informatisation sera souvent incomplet s’il n’y a pas formation des utilisateurs à l’intérieur de l’entreprise. C’est pourquoi généralement, en même temps que le contrat de fourniture, est conclu un contrat de formation, dont l’objectif est de familiariser à son maniement ceux qui vont se servir de l’équipement acquis. Elle s’ajoute à l’assistance technique lors de la mise en route, due en tout état de cause par le fournisseur. Il faut y définir l’étendue de la prestation. Le contrat s’apparente à un contrat d’enseignement et l’on peut dire que l’obligation du fournisseur est une obligation de moyen.

  1. Contrat de maintenance

La maintenance a pour objet d’assurer la pérennité de l’équipement acquis. Cet équipement doit fonctionner convenablement, ce que garantie le fournisseur, mais avec le temps cette garantie contre les vices cachés s’avère insuffisante. Une maintenance, un entretien de l’équipement devient nécessaire, les matériels doivent être révisés, les consommables remplacés, les logiciels mis à jour, les erreurs corrigées … Certains parlent de « suivi ». Il y a débat aussi, sur le point de savoir à partir de quand doit démarrer la maintenance et il est vrai, que lorsque la maintenance est fournie par celui qui aura fabriqué le système, on fait démarrer la maintenance à l’issue de la période pendant laquelle est due la garantie.

Le contrat de maintenance prévoit deux sortes d’interventions en général :

une intervention préventive, le prestataire venant à intervalles réguliers pour vérifier le bon fonctionnement

une intervention curative, en cas d’incident.

Il est souhaitable de détailler dans le contrat avec précision ce qui entre ou non dans la maintenance, ce qui fait l’objet d’une facturation complémentaire, la procédure de signalisation des pannes, le temps maximal d’immobilisation de l’équipement … car en face de ces prestations, il y a un coût, qui est l’abonnement à la maintenance, qui est un forfait. Il faut donc savoir ce qui y est inclus, ce que le client peut attendre en terme d’interventions de son fournisseur. On prévoira éventuellement des pénalités en cas de retard ou d’immobilisation excessive de l’équipement.

Ce contrat, en terme de coût global, la maintenance représente environ 50 % du coût global ! Par ailleurs, on constate en pratique que les contrats de maintenance sont très peu détaillés et insuffisamment clairs. On n’y trouve souvent pas de pénalités de retard.

Quant au périmètre de la maintenance, s’agissant des logiciels, il est généralement admis que l’adaptation du logiciel au contexte social, économique et juridique n’est pas comprise dans la maintenance, et seront mis en facturation individuellement. La question s’est posée notamment à propos du passage à l’an 2000, et les tribunaux ont largement admis que les adaptations à faire n’entraient pas dans le cadre de la maintenance, ni dans celui de la garantie contre les vices cachés, si l’équipement avait été fourni plus de 5 ou 6 ans avant l’an 2000 (Cour de Paris, 01.07.1999, Novatel, N° Spécial JCP E, sept. 99, n° 35). Dans l’affaire Bel-Air Informatique (Cour de Dijon, 04.02.1999, Droit de l’info et des télécoms, 1999, II, p. 77s.), un système acquis en 1986 était associé à une maintenance sans limitation de durée par le fournisseur. Le client avait demandé la mise à niveau des logiciels, le professionnel avait établi un devis avec un coût à payer, le client avait estimé qu’il ne devait rien payer pour cette mise à niveau et la Cour lui donne raison.

Il y a pas mal d’hésitations quand à savoir s’il s’agit d’une obligation de moyen ou de résultat. La tendance de plus en plus forte est d’admettre que le prestataire s’engage à certains résultats. Certes, le prestataire ne saurait garantir le bon fonctionnement continu de l’équipement, mais il s’engage notamment sur certains résultats pour des opérations simples ne présentant pas d’aléa. Les juges l’admettent par exemple pour la maintenance d’équipement proche (Com. 16.03.1999, RJDA 1999, n° 666). Le fournisseur de maintenance garanti par ailleurs une obligation de résultat quant aux délais. Civ. 1, 25.01.2000 (légifrance – affaire PICA Informatique) : après 5 ans d’utilisation, l’ordinateur est tombé en panne, le prestataire s’évertue à le mettre en route mais sans succès, l’utilisateur recherche sa responsabilité, les juges ne l’ont pas retenu estimant que le prestataire avait respecté ses engagements contractuels d’assurer le bon fonctionnement général de l’équipement. On observe un durcissement des tribunaux à l’égard des fournisseurs sans pour autant que soit mise à leur charge une obligation de résultat.

Le client peut-il faire assurer la maintenance par un autre que le fournisseur ? Le recours à la tierce maintenance soulève des questions de PI. Ce recours peut être exclu par le fournisseur (critiquable selon Huet).

  1. L’interaction du droit de la propriété intellectuelle

L’originalité des contrats informatique se manifeste ici le plus clairement. Ces contrats subissent l’influence des règles de la PI du fait que les logiciels ont un statut particulier, sont protégés par la PLA. Une autre protection a été recherchée par les professionnels, une protection par le droit des brevets, mais pour l’heure le Parlement Européen l’a refusé, ce qui semble être une solution sage. Mais ce rejet par la CE ne se maintiendra pas nécessairement.

Cette protection a été adoptée par une loi du 3 juillet 1985 consacrant une JP qui s’était formée dans ce sens. La nécessité d’harmoniser le régime juridique au niveau européen a conduit la Communauté à adopter la directive de 14 mai 1991 et qui a conduit à modifier le dispositif du législateur français. Une loi du 10 mai 1994 est venue effectuer ces modifications.

L’art. L. 112-2, 13° CPI inclus les logiciels dans la liste énonciative des œuvres de l’esprit protégées par le DA. Le législateur a admis un certain nombre de particularités, par exemple lorsqu’un logiciel est développé dans le cadre d’une entreprise.

28.11.05

Les logiciels sont protégés, le principe est acquis. Mais ils le sont moyennant certaines particularités, notamment à l’art .L. 113-9 CPI qui précise que les droits sur les logiciels créés dans le cadre d’une entreprise sont dévolus à l’employeur, solution dérogatoire à l’art. L. 111-1, al. 3 CPI.

Les prérogatives sont de trois ordres (L. 122-6 CPI) : la reproduction permanente ou provisoire, l’adaptation, la traduction ou l’arrangement et la distribution. Toutes ces prérogatives découlent du droit de reproduction. Rien n’est dit sur un droit de représentation d’un logiciel.

L’art. L. 131-4, 5° CPI prévoit que la rémunération de l’auteur d’un logiciel peut être évaluée forfaitairement.

L’art. L. 121-7 CPI prévoit que l’auteur d’un logiciel ne peut pas s’opposer à raison de son droit moral à la modification du logiciel par l’utilisateur, il ne peut pas exercer un droit de repentir ou un droit de retrait.

Ces deux derniers aspects sont des particularités du droit français, qui n’ont pas été dictés par la directive et n’ont pas été jugés contraires à l’harmonisation du droit.

1) Les prérogatives des utilisateurs

Ces droits pourraient être déduits des règles générales du DA. Ils sont pourtant spécifiquement détaillés à l’art. L. 122-6-1 CPI. Ces droits sont des exceptions aux prérogatives de l’auteur, bénéficiant à celui que l’on désigne comme « la personne ayant acquis le droit d’utiliser le logiciel ».

NB : La directive utilise le terme de programme d’ordinateur, la loi française le mot logiciel. Il y a dans le langage industriel, notamment celui des conseils, une différence entre programme et logiciel, qui comprendrait plus largement l’ensemble des procédés techniques susceptibles d’être protégés par un brevet.

L’utilisateur est fondé, sans avoir à solliciter d’autorisation, du seul fait qu’il a acquis le logiciel, à faire tous les actes visés au 1° et 2° de l’article L. 122-6 CPI. Cela couvre le droit de faire des reproductions (par exemple dans la mémoire de l’ordinateur), le droit de faire des adaptations ou arrangements, et toute sorte de modifications qui permettent que le logiciel soit adapté à ses besoins propres. L’utilisateur a également le droit de corriger les erreurs du logiciel.

L’art. L. 122-6-1, II CPI prévoit que l’utilisateur a le droit d’effectuer une copie de sauvegarde du logiciel afin de préserver l’usage. Le sous-entendu qu’il y a derrière cette disposition est qu’en matière de logiciel, il n’y a pas de faculté de copie privée. L’art. L. 122-6-1, III CPI prévoit que l’utilisateur a le droit d’étudier ou tester le fonctionnement du logiciel pour déterminer les principes qui en sont à la base. Cette disposition est assez mystérieuse. Elle a été intégrée au dernier moment. Elle est une sorte de diminutif, minimum prévu par l’autorité communautaire pour faire ce qui était en débat à l’époque, c’est-à-dire de la décompilation (que l’on retrouve au IV). Ce qui est en jeu est la possibilité pour un concurrent d’un auteur de logiciel, concurrent d’une grande entreprise qui commercialise les logiciels, de pouvoir acheter les logiciels, les analyser et réaliser d’autres logiciels susceptibles de remplir les mêmes fonctions. En 1985, cette question n’était absolument pas posée. Elle surgit au début des années 90, lors de la discussion sur la protection des logiciels au niveau communautaire. Les grands éditeurs, fournisseurs de logiciels, avaient pris le parti de dire qu’il était interdit de décompiler les logiciels fournit, parce que pour cela il fallait le reproduire, reproduction qui nécessitait l’autorisation. Le point de vue inverse, favorable à la concurrence, considère la décompilation comme un droit pour l’utilisateur d’un logiciel. La solution a été de retenir que l’utilisateur a le droit de décompiler le logiciel dès lors qu’il est nécessaire de le faire à des fins d’interopérabilité, c’est-à-dire dès lors qu’il est nécessaire de faire fonctionner le logiciel avec un matériel ou avec d’autres logiciels.

Cette solution positive devait permettre de maintenir la possibilité pour tout créateur de logiciel d’élaborer, commercialiser des logiciels compatibles, notamment avec tous les systèmes reposant sur le système d’exploitation IBM des ordinateurs personnels.

La décompilation consiste, à partir d’un logiciel acquis dans le commerce et qui se trouve sous une forme binaire (code objet = 00001111001111…), à reconstituer comment se déroule la forme binaire sous une autre forme, celle du code source (écriture du logiciel dans un langage évolué que l’homme comprend (ex : html). C’est donc la reconstitution de ce qu’aurait été (pas nécessairement la même que celle faite au départ par l’auteur) l’écriture du logiciel en langage évolué. Cette solution est assez favorable à la concurrence et a trouvé quelques applications en droit français (par exemple : CA Paris, Sci-Quest c/ ZIP, fin des années 90 : le producteur d’un boîtier de disque dur externe est fondé à analyser les logiciels réalisés par un concurrent qui lui aussi fournit des disques durs externes, de manière à pouvoir produire des cassettes compatibles avec les disques durs externes du concurrent). L’auteur du logiciel peut s’opposer à la décompilation en donnant toutes les informations nécessaires pour connaître les modèles d’interopérabilité.

La directive communautaire le dit, le droit français encore plus lourdement, les prérogatives ne dispose des prérogatives que s’il n’est pas prévu le contraire dans le contrat (art. L. 122-6-1, I, al. 2 CPI). Le producteur peut se réserver par clause contractuelle la faculté d’autoriser, non pas la reproduction, mais la correction des erreurs, toute modification du logiciel, c’est-à-dire la faculté de faire tous actes de mise à jour, d’évolution et de maintenance du logiciel. Il y a là une solution extrêmement favorable au producteur et à l’auteur. Solution qui est à considérer plus comme une solution de droit contractuel que comme une solution de droit d’auteur, où le créateur peut se réserver tous les retours financiers de la commercialisation de son œuvre, mais pas des divers actes de modifications qui pourraient leur être apportés (// avec les annotations dans un code qui donneraient lieu à rémunération supplémentaire !!). Toute utilisation du logiciel non conforme au contrat serait sans doute considérée comme un acte de contrefaçon susceptible de sanctions pénales.

En matière d’externalisation, ou facilities management, c’est-à-dire lorsque le fournisseur confie à un prestataire extérieur le soin de gérer le dispositif informatique, il y a fort à craindre que les dispositions contractuelles soient empêchées par les clauses du contrat.

L’art. L. 122-6, 3° CPI a trait au droit de distribution de l’auteur. Il précise que « la première vente d’un exemplaire d’un logiciel dans le territoire d’un EM de la communauté, par l’auteur ou avec son consentement, épuise le droit de mise sur le marché dans tous les EM, à l’exception d’autoriser le droit de location ». Cette limite s’exprime dans l’idée d’épuisement des droits. Ce texte exprime une préoccupation du droit de la concurrence. L’idée traduite un peu malheureusement par cette expression, est que lorsqu’est commercialisé dans l’un des EM de la communauté un produit couvert par un droit de PI, il peut librement circuler. L’auteur ne peut plus organiser, limiter sa libre circulation. Le principe de libre circulation des marchandises prime sur le DA et sur les DI de manière générale. Il est notamment interdit à l’auteur d’empêcher le produit de circuler d’un pays à l’autre de la communauté, d’empêcher les reventes, de prévoir des conditions de commercialisation à certains prix et différentes dans d’autres pays. La réserve concernant la location a été introduite pour la première fois dans la directive sur les logiciels, reprise ensuite dans une directive sur la location. On a estimé que l’auteur pouvait se réserver la faculté d’être rémunéré spécifiquement sur le marché de la location, lorsque son œuvre est commercialisée pour être louée et non vendue.

2) Les contrats de fourniture de logiciels

  1. la fourniture de logiciels standard

Le contrat de fourniture de logiciel peut porter sur un logiciel standard conçu par le fournisseur pour répondre aux besoins d’une catégorie d’utilisateurs la plus large possible. Ce type de contrat porte souvent le nom de licence de droit d’usage.

Transfert de droits intellectuels : le logiciel standard ne transfère aucune prérogative de DA. Toutes les personnes doivent en effet pouvoir se servir du logiciel, une fois fourni. Aucune exclusivité ne saurait être concédée à l’une de ces personnes. La licence y est toujours déclarée non exclusive.

L’accès aux sources du logiciel : le client ne se voit conférer aucune possibilité d’accès au travail réalisé pour créer le logiciel, à l’écriture des logiciels en langage évolué, c’est-à-dire au code source. La JP a précisé que le client n’est pas fondé à réclamer les sources du logiciel au fournisseur. Si le client entend préserver la pérennité de son système contre l’aléa d’une disparition du fournisseur, il doit dans la négociation, il doit réclamer un séquestre des sources.

La qualification du contrat de fourniture de logiciels standard : soit on estime que le client fait un achat (on se rattache à un contrat nommé), soit on estime que l’opération est compliquée par des considérations de PI, par la spécificité due à la technique informatique et on choisit de se réfugier dans l’innomé où l’on choisit par exemple la dénomination de licence. (Prof. Huet favorable à qualification de vente, contrairement à la majorité des auteurs, De la vente de logiciels, Editions Litec, Mélanges Catala, p. 799 s.). La JP semble plus favorable à la notion de vente. Les enjeux de la qualification sont au nombre de deux :

o La libre cessibilité du logiciel. Si l’on choisit la qualification de vente, le logiciel vendu pourra être revendu. Si l’on choisit la qualification de licence, la porte est plus ou moins ouverte à toutes sortes de restrictions que le fournisseur pourrait imposer à l’utilisateur (idée enrobée dans la notion d’intuitu personae).

o La garantie due par le fournisseur. La qualification de vente entraîne l’application du régime de la garantie contre les vices cachés, garantie à caractère contraignant et impératif. Si l’on retient la qualification de licence, toutes les limitations de responsabilité du fournisseur sont possibles.

Prof. Huet favorise la qualification de vente, quelle que soit la qualification choisie par les parties (art. 12 Code de procédure civile). Lorsqu’une qualification existante nommée est disponible pour une situation donnée, il faut la retenir (objet, cession, prix, sans limitation dans le temps … tout ce qu’il faut pour faire une vente). Le régime juridique du logiciel, tel qu’il découle de la directive de 1991, confirme une telle analyse de l’épuisement des droits. Com. 15.05.2001 (cf. supra) : solution informatique qui reposait sur des progiciels, les juges appliquent les règles de la vente et la garantie contre les vices cachés (CCE 2003).

  1. la fourniture de logiciels spécifiques

Elle obéit à une logique tout à fait différente. Elle est un contrat de commande en vertu duquel un utilisateur demande à un fournisseur de réaliser pour lui un programme répondant à des besoins spécifiques.

Les droits cédés : Il est envisageable de voir transférés des droits intellectuels au client, puisque le logiciel lui est exclusivement destiné. Ce n’est pourtant pas ce que le législateur prévoit. Dans l’art. L. 111-1 CPI, le législateur prévoit que l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage ne modifie pas l’attribution des DA. Il n’y a donc pas transfert automatique des droits intellectuels au client. C’est une solution qui surprend généralement le client. On a voulu renverser cette solution, tant au niveau national que communautaire, mais à chaque fois les sociétés de service ont fait prévaloir la règle initiale au motif que s’il y avait transfert automatique, le créateur appauvrirait régulièrement son capital créatif, son capital imaginatif et risquerait d’être exposé à des procès pour avoir réalisé une œuvre comparable pour d’autres clients. Le même phénomène a été illustré en matière d’architecture. La règle a cependant un caractère supplétif. Il convient de prévoir par écrit les prérogatives cédées et la rémunération envisagée. Com. 19.11.1993 (Bull. Civ. IV, n° 393) : « à défaut d’avoir cédé la plein propriété (= transfert des DA) du logiciel ».

L’accès aux sources : les tribunaux estiment que par principe, s’agissant d’un logiciel destiné à l’utilisateur, le client a droit d’exiger la communication des sources du logiciel. La solution est confortée par une clause contractuelle. Cela réduit l’intérêt du recours au séquestre.

La qualification : le régime applicable à ce contrat est celui du louage d’ouvrage, l’opération portant sur l’exécution d’une commande passée par un client pour ses besoins particuliers.

3) Le contrat de séquestre

05.12.05

Le contrat de séquestre peut accompagner les deux formules évoquées auparavant. Il permet d’avoir un accès aux sources. Séquestre signifie en procédure civile dépôt, la formule permet de déposer les sources. Il est un élément capital pour assurer la pérennité du système informatique du client. Elle implique que le fournisseur intervienne en cas de nécessité, ou qu’un tiers puisse le faire à sa place. D’où l’idée de déposer les sources et documents techniques auprès d’un tiers de confiance, en accord avec le fournisseur du logiciel. La formule comporte donc trois partenaires : le client, le tiers de confiance et le fournisseur.

Le contrat de séquestre comporte un dépôt classique entre le fournisseur du logiciel et le séquestre (tiers de confiance), qui se combine avec une relation établie entre le dépositaire et le client. Selon le choix des parties, il peut y avoir un contrat unique ou deux contrats séparés. On peut imaginer un seul contrat avec une stipulation pour autrui, mais le client devra faire en sorte d’obtenir une copie du contrat pour être assuré d’une garantie minimale. Il peut y a voir un dépôt fait pas le fournisseur au profit d’une série de clients, si tous les clients souhaitent avoir cette même sécurité.

Les stipulations qu’il faut y inscrire doivent régler un certain nombre de problèmes en ce qui concerne le dépôt lui-même et l’accès aux sources.

Concernant le dépôt :

le contrat en envisage les modalités (forme, langage, étendue, conservation)

le contrat envisage le dépôt des mises à jour (intérêt du dépôt unique pour un ensemble de clients)

Concernant l’accès aux sources :

le contrat prévoit les personnes autorisées, la subordination de l’accès à une information donnée au fournisseur, les cas d’accès

  1. Les contrats de distribution en informatique

Le droit commun des obligations a lieu de jouer.

Les réseaux de distribution doivent fonctionner dans le respect des règles applicables en matière de droit de la concurrence. C’est essentiellement la distribution sélective qui a été utilisée par les fournisseurs, distribution justifiée pour des produits d’une certaine technicité.

Cour de Paris, 5.03.1987 (Apple)

La combinaison entre la durée du contrat de distribution et la durée prétendue des contrats de fourniture des logiciels standard pose également des problèmes (TC Paris 5.06.84, D 85, IR p. 45) : les juges écartent l’argument selon lequel la licence d’utilisation prétendait avoir une durée tributaire de celle du contrat de distribution, c’est-à-dire de la licence de commercialisation.

Chapître 3 Les formules contractuelles nouvelles :

  1. L’intégration de système

La formule s’est développée durant les 10 dernières années et est proche du contrat de réalisation de systèmes. Il contient cependant des spécificités certaines.

L’originalité de la démarche d’informatisation repose sur le recours à un progiciel généraliste multifonction. Certains processeurs de fournisseurs ont mis au point un logiciel généraliste multifonction (enterprise resource planing – ERP) dont l’intérêt est qu’il est conçu pour pouvoir satisfaire tous les besoins d’une entreprise. Il s’agit d’un logiciel de gestion intégré. A partir de ce logiciel, le processus d’intégration est effectué. Il est donné en licence par le fournisseur et l’intégration est effectuée par une société de service. Il y a donc pluralité de contrats et de fournisseurs.

Dans la démarche informatique, l’originalité est que c’est seulement après une validation préalable que le contrat se conclu avec le fournisseur et que se fournit l’étude précise des besoins par la société de service qui assurera l’intégration du progiciel dans l’entreprise après en avoir défini les modalités, paramétrages, transferts de données …

La qualification du contrat ne soulève pas beaucoup de difficultés. La fourniture du progiciel relève de la problématique vente – licence. Quant à l’intégration proprement dite, qui fait l’objet d’un contrat séparé, le contrat passé avec l’intégrateur est nécessairement un louage d’ouvrage.

Si les choses se passent mal, il arrive que le contrat d’intégration vienne à être résolu, il peut y avoir une résolution consécutive du contrat de fourniture de logiciels ERP.

Il n’est pas rare que le fournisseur recommande de s’adresser à tel ou tel intégrateur, qui présente aux yeux du fournisseur suffisamment de compétences et de connaissances relatives au logiciel qu’il s’agira d’implanter.

L’intégrateur pourrait être chargé d’une responsabilité globale du type clé en main, qui implique la reconnaissance d’une obligation de résultat à la charge du débiteur. Mais tout dépend de ce que les parties auront prévu au contrat, ce qui explique que la JP soit assez monolithique.

Civ. 1, 2.10.2001: Responsabilité de l’intégrateur retenue quand bien même le contrat prévoyait qu’il n’était débiteur que d’une obligation de moyen, mais le prestataire n’avait pas évalué l’ampleur de la tâche et s’était mis dans l’impossibilité de réaliser les engagements qu’il avait pris.

Com., 26.06.2001: la responsabilité de l’intégrateur est retenue au titre d’une obligation de résultat dès lors que le matériel de logiciel ne pouvait être utilisé en raison de l’inadaptation et de l’inachèvement des programmes destinés à opérer l’intégration.

  1. L’externalisation (outsourcing)

Depuis les années 80, ce phénomène s’est développé, et concerne de multiples aspects de l’activité d’une entreprise. Elle consiste pour une entreprise, comme le nom l’indique, à confier à un tiers, prestataire extérieur, le soin d’accomplir un certain nombre de tâches que l’entreprise estime ne plus devoir assurer elle-même, qu’elle trouvera avantage à faire réaliser à l’extérieur, qu’elle s’estime peu compétente à réaliser elle-même ou parce qu’elle préfère recentrer ses sources vers le « cœur de métier ». Derrière cette formule se dissimule un soucis d’économie qui peut se révéler préjudiciable.

Question de droit du travail

Elle est classique et s’applique dans le droit fil de l’art. L. 122-12 Code du travail. Cet article a bien entendu un aspect positif, puisqu’il prévoit qu’en cas de cession d’une entreprise les contrats de travail se poursuivent avec les responsables de l’entité qui reprend l’activité en question. Toutefois, l’aspect négatif est que le salarié peut se voir, à la suite de la transmission de l’activité, intégré dans une nouvelle structure qui ne présente pas les avantages de celle dans laquelle il était précédemment. D’où une JP déclarant que l’article ne s’applique pas lorsqu’il n’y a pas une activité réelle économique autonome poursuivant un objectif propre (décisions Soc. 18.7.2000 et 24.10.2000). L’entreprise qui souhaite externaliser sans pouvoir se prévaloir de l’art. L. 122-12 Code du travail doit licencier les salariés et leur proposer d’intégrer la nouvelle structure s’ils souhaitent continuer à travailler.

Question de PI

Le tiers prestataire va devoir reprendre l’application et pour cela utiliser les logiciels fournis initialement au client. Or, les contrats de fourniture de logiciels, même si certaines de ces clauses sont à la limite de la légalité selon Pr. Huet, prévoient que seuls l’utilisateur a le droit de s’en servir, sur un site déterminé, que le fournisseur peut se réserver toute mise à jour, réparation, maintenance (v. supra) … Elle peut empêcher qu’une externalisation se fasse sans l’assentiment du fournisseur de logiciels. La première chose à faire est donc de regarder le contrat pour savoir s’il permet l’externalisation.

Il est judicieux de prévoir la réversibilité du système, c’est-à-dire de prévoir que le prestataire extérieur fera le nécessaire pour rapatrier au sein de l’entreprise le système informatique, si l’entreprise change d’avis.

  1. Application service providing (ASP)

Il s’agit en réalité d’une adaptation contemporaine de ce qui a longuement été appelé le service bureau. Un tiers prestataire assure le service informatique d’un client, effectue les traitements nécessaires au fonctionnement d’une entreprise, et ce pour son compte. L’ASP combine le recours à un tiers extérieur et à la distribution, le prestataire utilise un progiciel pour satisfaire les besoins du client. Le client fait partie d’une catégorie souhaitant utiliser le logiciel mais ne pouvant pas en assumer le coût.

L’ASP est donc une combinaison de service bureau et de distribution de logiciels. Cela implique deux sortes de relations contractuelles :

entre celui qui est l’auteur/ l’éditeur du logiciel et qui le met à disposition de prestataire qui comporte une part de licence de commercialisation (le prestataire se voit autorisé à mettre le progiciel à disposition d’une clientèle, tributaire de la durée de la licence)

entre le prestataire et le client, contrat de fourniture de service classique, parfois dénommé contrat d’accès au service que permet d’obtenir le progiciel que l’éditeur a concédé en licence au prestataire