Droit de la communication

DROIT DE LA COMMUNICATION

Le droit de la communication est l’ensemble des règles qui s’appliquent aux acteurs et aux supports de la communication. Il se subdivise en diverses branches dont les deux principales sont le droit de la presse et le droit de la communication audiovisuelle.

 Le cours de droit de la communication a pour objectif d’aborder le principe juridique de la liberté d’expression et de ses restrictions à travers les différents médias (presse écrite, radio et télévision).

 

INTRODUCTION

La communication

L’exercice de la liberté de communication suppose l’existence d’un support de communication ainsi qu’une information, un message.  Dans la mesure où il n’y a pas de contact « physique » entre l’émetteur et le récepteur – ce contact se matérialise par un support -, l’exercice de cette liberté repose sur un émetteur diffusant une information à destination d’un public potentiel.

 

Dès l’instant où la communication cesse de se limiter à l’échange entre deux personnes –communication intersubjective-, et où, par conséquent, elle s’inscrit aussi dans l’espace public ouvert à la discussion, elle prend des formes qui sont compréhensibles par l’ensemble des acteurs sociaux. A ce titre, l’article 1er de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication nous montre de quelle façon se crée l’espace public de discussion qu’appelle la société démocratique (au sens du droit français, mais également au sens du droit communautaire). L’espace public doit permettre la libre circulation des idées et des informations autorisant ainsi l’ingérence des pouvoirs publics. Cette « liberté ne peut être limitée que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la protection de l’enfance et de l’adolescence, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle ». L’ingérence des pouvoirs publics est nécessaire à l’exercice de cette liberté. Les médias permettent des formes collectives de communication et crée par conséquent une conscience collective. Ces formes de communication peuvent faire l’objet d’échanges et de diffusion dans l’ensemble de l’espace public, et c’est le sens de la communication médiatique d’inventer ainsi une logique et des formes de communication dont le sens ne relève pas d’un échange entre deux personnes qui s’inscrivent elles-mêmes dans les structures de la communication, mais relève d’une logique de médiation. Dans cette logique nos mots et nos informations n’engagent pas que nous-mêmes mais aussi les liens sociaux.

L’évolution des médias se fait au sein même de l’espace public.

 

Pour Michel Mathien, « c’est dans l’espace public, caractérisé par l’indistinction de tous ceux qui y circulent, que nous avons besoin de médias pour représenter notre appartenance, notre citoyenneté et les choix qui structurent nos pratiques sociales en leur donnant le sens d’un engagement. L’espace public, en ce sens, est le lieu où se déroule l’histoire des médias, puisque c’est dans l’espace public que nous faisons circuler des représentations: la nécessité de l’information est, d’abord, une nécessité sociale et politique, celle de donner une consistance aux institutions et aux relations qui construisent notre sociabilité et qui rendent significatives nos relations avec les autres dans l’espace public. C’est le sens du mot si simple de média : les médias sont les formes symboliques de la médiation, c’est-à-dire de la relation établie entre les acteurs singuliers de la sociabilité et les structures collectives de leur appartenance »[1].

 

Les médias vont eux-mêmes connaître, au cours de leur histoire, une évolution complexe, qui les fera aller d’un usage collectif (la presse, la radio et la télévision, qui se lisent et s’écoutent, dans le cercle familial ou dans des lieux publics comme les cafés) à un usage de plus en plus individualisé – en particulier à partir de l’apparition du téléphone jusqu’à Internet qui induira une dimension singulière, individualisée, de la communication. Alors qu’au départ, la radio et la télévision ont contribué, après la presse écrite, à unifier les territoires nationaux en structurant l’espace public.

 

L’information : Un bien, un service, une marchandise, un produit… immatériel ?

Outre le support, au terme de l’évolution des médias on en arrive nécessairement au contenu, à savoir l’information. L’information est un bien –si l’on considère sa rareté – un produit – si l’on considère sa reproduction massive- une marchandise – si l’on considère sa valeur et sa matérialité – ou un service – si l’on considère son utilité – immatériel[2].

Les essais de définition de l’information n’ont jamais été satisfaisants tout en clarifiant des significations qui, dans bien des cas, se complètent ou se superposent. Dire, par exemple, que l’information caractérise toute activité humaine, dans ses aspects relationnels ou techniques, n’est pas suffisant si on considère l’activité d’informer sur le plan de l’économie où l’on cherche à lui donner un statut de produit », de « marchandise» ou de « service marchand ».

Pour les ingénieurs des télécommunications dans leur mission de transport des signaux, le mot désigne pour eux un signe, un signal, in fine un binary digit ou bit. Il s’appliquait, déjà avant l’ère de l’informatique, au fonctionnement de systèmes physiques auto-régulés où le signal intervenait à partir de l’accumulation ou de l’absence de données.

Le bien « information» n’est donc pas saisissable en tant que tel en toutes circonstances, surtout si l’on considère l’action par laquelle l’individu acquiert une connaissance qui lui permet d’accroître ses propres connaissances, que ce soit sous un angle intellectuel ou sous un angle purement pratique et immédiat. L’information, comme nouvelle connaissance, s’inscrit dès lors dans un apprentissage personnel tout en pouvant acquérir une dimension collective ou de masse.

 

La matérialité  de l’information

L’informatique a joué, ici, le rôle déclencheur en faisant apparaître après la Seconde Guerre mondiale, la possibilité de réduire à des opérations numériques simples toutes les opérations intellectuelles reproduites par des machines et par des technologies industrielles. À partir de ce moment, toute la logique du développement de l’informatique et des modes industriels de traitement de l’information a été orientée vers la recherche de la simplification et de l’unification des procédures, en vue de construire des appareils pouvant traiter des informations de plus en plus nombreuses et diverses. Or, ce qui distingue entre eux les types d’information et les supports qu’ils empruntent, c’est précisément leur matérialité, c’est-à-dire le contenant et le contenu qu’ils offrent aux perceptions de leurs usagers ou de leurs destinataires. Quand elle est pleinement intégrée dans un processus de production, l’information apparaît comme un produit dépendant d’un support ou un vecteur de transmission qui le lie au domaine de la marchandise sur le plan formel tout en lui échappant sur le plan des idées. C’est dire que l’information a sa valeur liée à un coût de collecte et d’élaboration (le coût de production dans l’industrie) mais aussi et surtout à un mode de communication ou de transmission à ses destinataires disposant ou pouvant accéder au support adéquat. De par sa nature, l’information échappe aux fondements de l’économie. Elle n’a jamais pu être conceptualisée comme bien ou marchandise ; sa valeur n’a jamais été clairement définie. Quand l’information est devenue l’enjeu d’une activité économique en soi, son prix est supposé connu par les acteurs à chaque instant.

Il en va de même de sa qualification de service, faute de précision de l’objet évoqué. De façon schématique, l’information peut aussi être considérée comme un service rendu à chacun et à tous. Mais comment l’évaluer ?

 

Distinction contenant/contenu

Le droit s’est saisi de cette distinction contenant/contenu en appliquant une réglementation distincte selon les supports qui dans un premier temps a pu se justifier en raison des spécificités de chacun d’eux mais qui ne se justifie plus dans le cadre de la convergence des supports. Le président de l’ARCEP, Paul Champsaur, définit ce phénomène de convergence comme « la capacité de différentes plates-formes à transporter des services similaires »[3]

Autrement dit, la réalisation d’une unification du traitement et de la diffusion de l’information, quels qu’en soient les supports, passe par la neutralisation de l’obstacle de sa matérialité.

Le Conseil d’Etat dans son rapport de 1998 relevait qu’« avec Internet, accessible par tous les réseaux et offrant l’accès à des contenus transnationaux d’une grande variété, la réglementation des services ne peut plus dépendre des supports empruntés »[4].

Dès lors, le contenu informatif sera soumis à un régime juridique plus unifié alors qu’aujourd’hui il s’apprécie en fonction des supports de diffusion. La dématérialisation de l’information montre à quel point les questions qu’elle suscite et les caractères qui l’animent sont exclusifs de toute autre considération.

C’est dans cette perspective que nous étudierons les multiples facettes de la liberté de communication.

 

Titre 1 : La communication appréhendée sous l’angle des libertés

La liberté de communication, qui repose toute entière sur la liberté d’expression, est la pierre angulaire des principes de la démocratie et des droits de l’Homme proclamés dans les Convention et Déclaration de droits. C’est d’ailleurs ce que l’on retrouve en droit interne dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel français, qui parle « d’une liberté fondamentale, d’autant plus précieuse que son existence est l’une des garanties essentielles du respect des droits et libertés et de la souveraineté nationale »[5], montrent bien qu’on ne peut dissocier la liberté d’expression des valeurs les plus fondamentales de la démocratie libérale. Parmi les supports de cette liberté d’expression, la presse, selon les termes souvent employés par la CEDH, joue un rôle de « chien de garde », en alertant le public sur les menaces pesant sur les libertés, qu’elles émanent des gouvernants ou d’autres puissances. Cette liberté est donc le support de l’information à destination des citoyens.

 

Par conséquent, là où les journalistes sont empêchés d’exercer leur métier, par l’intimidation voire par la violence physique, on peut être sûr que le sort des libertés en général n’est guère plus enviable. L’importance de la liberté d’expression ne se résume pas à la question de la liberté de l’information. La CEDH nous indique bien que « ceux qui créent, interprètent, diffusent ou exposent une œuvre d’art contribuent à l’échange d’idées et d’opinions indispensables à une société démocratique »[6]. Elle intègre également la liberté de création. Paradoxalement, cela ne crée pas de hiérarchie entre les informations qui sont protégées de nature à faire sortir du champ de la liberté d’expression des types de discours jugés insuffisamment nobles. De même que le matériel qui garantit la réception de ces informations bénéficie lui-même d’une protection, au titre de la liberté de réception[7].

Cette interprétation large procède du désir de doter une liberté aussi essentielle des avant-postes nécessaires à sa protection effective ce qui est notamment le cas, outre le matériel de réception, des supports de communication.

 

Chapitre 1 : Les supports de communication

 Le droit et surtout le discours politique des démocraties libérales s’attachent aux caractères intrinsèques des supports, et la liberté du récepteur qui y est liée, devrait être, prioritairement, prise en considération ce qui n’a pas été toujours le cas. Il est loisible de constater que les supports de la liberté d’expression présentent certains caractères objectifs et subjectifs qui peuvent servir de fondements à des distinctions juridiques.

Si l’on s’attache, comme en 1789, à la notion de communication d’idées, certains supports s’y prêtent plus que d’autres. Ceci est assez facilement admissible de la parole proprement dite ainsi que de ses prolongements que sont les réunions et divers écrits (lettres, livres, journaux …), voire sous une forme un peu plus sophistiquée, le théâtre.

En revanche, et parce qu’utilisant soit plus de moyens techniques, soit un style, soit une forme collective osant une simplification, le cinéma, les spectacles de curiosité, la télévision, la radio ou les manifestations traduisent plus indirectement les idées. C’est d’ailleurs ce que notre droit a déjà consacré depuis quelques décennies.

 

D’autres caractères, subjectifs, peuvent également justifier des discriminations. L’expression d’autrui n’est pas perçue de la même façon selon le support qu’elle utilise. Lorsqu’on écoute une personne, lorsqu’on lit un livre ou un journal, on doit faire l’effort de suivre et de comprendre. On prend subjectivement en considération un contexte. Celui qui parle ou qui écrit doit, d’une certaine façon, convaincre par son raisonnement, même s’il est clair que son art oratoire, son style, peuvent constituer des atouts majeurs … Il n’empêche que, globalement, il existe une certaine distance entre le message et le récepteur. Cette distance qui, elle-même, a pu varier au cours de l’histoire, selon la considération accordée à tel support, en fonction de son coût.

Moins valorisé qu’au XVIIIe siècle, le livre reste encore un support noble et d’abord plus difficile. A l’opposé, le spectateur d’un film projeté sur grand écran, ou d’une émission de télévision ne rencontre pas cet obstacle. Le message fait plus souvent appel à son émotivité qu’à son intelligence. Lorsqu’un film ou la télévision raconte une histoire, ne paraît-elle pas plus vraie que nature? On pourrait ajouter à ces constatations qu’il existe une logique propre à chaque média qui le pousse à faire plus ou moins appel à la subjectivité. Le livre a, théoriquement, un caractère sérieux et durable qui contraint son auteur à être le plus convaincant possible. Les émissions de télévision étant éphémères par nature, et 1es films l’étant pour des raisons commerciales, sont beaucoup plus jugées dans l’instant qu’avec le regard critique que peut donner le recul. D’où une tendance à faire toujours plus, à susciter le plus d’émotivité possible. Peu importe que l’on choque à partir du moment où l’on attire l’attention. Devant la lassitude que provoque l’abondance, voire la saturation, il faut absolument capter le regard, quel qu’en soit le prix. Que la publicité ait heurté, peu importe à la limite, du moment qu’elle a été regardée. Et si elle suscite des réactions de rejet, le classique discours sur l’intolérance des censeurs saura attirer, à nouveau, et gratuitement, une attention supplémentaire.

 

D’autant que l’acte accompli quotidiennement par le téléspectateur en allumant son récepteur est un acte qui requiert très peu d’effort de la part du récepteur, suscitant également peu de réactions instantanées[8]. La sociologue Judith Lazar précise à cet effet que « l’audience de communication de masse diffère essentiellement d’un public de théâtre ou des spectateurs d’un match de football car elle ne peut pas communiquer son approbation ou sa désapprobation : applaudissement, toussotement, rire, etc »[9]. Les réactions sur le contenu d’un programme sont différées dans le temps[10]. Même si la consommation de programmes est en constante augmentation ; de 2 heures 10 dans les années soixante dix[11], elle atteint désormais auprès de la fameuse « ménagère de moins de 50 ans », 3 h 36 par jour[12], l’activité télévisuelle est souvent menée en parallèle à d’autres activités[13], montrant ainsi qu’elle s’inscrit progressivement dans la vie quotidienne. Paradoxalement, il faudra aller loin pour le distraire et l’émouvoir car il conviendra de capter son attention et passer outre les autres activités.

 

L’analyse subjective est encore différente s’agissant d’Internet. A ce titre, Internet se distingue des autres supports de communication par la pluralité de ses acteurs. Ainsi, l’émission est un acte complexe qui dépend à la fois du bon vouloir de l’opérateur (celui qui permet à l’utilisateur de se connecter), du fournisseur d’accès (celui qui permet à l’utilisateur d’accéder aux services en ligne), de l’hébergeur (celui qui héberge sur son serveur les différents sites, page web), et de l’éditeur (celui qui introduit le contenu). De surcroît, si chacune de ces fonctions peut être remplie par des personnes différentes, elles peuvent être également concentrées entre les mains d’une seule personne. Par exemple, une personne peut avoir la triple casquette de fournisseur d’accès, d’hébergeur et d’éditeur. De même, l’opérateur peut aussi prester des services à l’utilisateur, lui donnant la qualité de fournisseur d’accès. En cela, Internet se distingue de l’entreprise de communication classique, centralisée entre les mains d’une seule personne clairement identifiable. Tel est le cas de la chaîne de télévision, ou de l’entreprise de presse.

Il est également possible d’être à la fois émetteur et récepteur d’informations sur le réseau. De la même façon, que le support Internet est vecteur de programmes de télévision, de journaux, de correspondances privées ou de contenus propres à internet.

La présente analyse, qui pourrait être considérablement affinée, donne de multiples arguments justifiant que tel ou tel support bénéficie d’un régime plus ou moins libéral. Mais il est probablement préférable d’y ajouter la prise en compte de la liberté des récepteurs, très variable selon les supports.

 

Chapitre 2 : La prise en considération du récepteur

 

Cette liberté est déterminante dans un régime libéral. Elle a été mentionnée dans les décisions du Conseil constitutionnel. On l’oublie trop souvent dans la réalité quotidienne. La liberté de chacun s’arrête là où commence la liberté d’autrui, autrement dit la liberté de ne pas écouter, de ne pas recevoir….

 

Or ce double respect de la liberté, tant de l’émetteur que du receveur, est assuré de façon très variable et différente selon les supports. Il est relativement aisé de ne pas écouter autrui, de ne pas assister à une réunion et de ne pas lire un livre ou un journal, dont on connaît fréquemment le style ou les tendances. Il est déjà plus difficile de ne pas être importuné par une manifestation ou de ne pas recevoir une publicité ou un journal gratuit, lequel, distribué indistinctement, pourra aisément tomber dans les mains d’adolescents ou d’enfants. On est libre d’assister ou non à, une pièce de théâtre ou à une séance de cinéma. Encore faut-il être en mesure de prévoir ce que l’on verra et de savoir, le cas échéant, s’il convient d’y laisser aller des mineurs. Un avertissement donné aux adultes peut également, dans certains cas, éviter que ceux-ci ne soient induits en erreur par un titre de film, par exemple. Cet avertissement est d’autant plus nécessaire à la télévision, dont le public est indifférencié et effectue une démarche moins volontaire que celle des spectateurs en salle. Il y est d’ailleurs plus strict puisque les visas d’exploitation pour les films cinématographiques octroyés par le Ministre de la Culture et de la Communication après avis de la Commission de classification, ne sont pas toujours équivalents aux pictogrammes prescrits par le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) lors de leur diffusion à la télévision. En effet, à l’égard des films cinématographiques, la Commission de classification émet un avis sur les sorties en salle. Le ministre de la Culture et de la Communication délivre au vu de cet avis, un visa pouvant être accompagné d’une interdiction en salle aux mineurs ou d’un avertissement particulier au public[14]. Ce visa doit être communiqué aux spectateurs. Nonobstant, il est attribué en fonction de la seule diffusion en salle et non de la diffusion à la télévision. Or dans ce cas, le programme est largement accessible au jeune public et ne requiert pas l’engagement particulier que suppose le fait d’aller dans une salle de cinéma. Dès lors, la classification des programmes se veut plus stricte à la télévision compte tenu des risques encourus. Les films cinématographiques accompagnés d’un avertissement sont classés -12 ans selon les critères du CSA. Autrement dit, ils se trouvent coupés de l’accès au marché télévisuel sur des plages horaires qui leur garantiraient une audience maximale et par conséquent une seconde vie sur le petit écran. Le seul critère en vigueur reste donc la protection de l’enfance et de l’adolescence et il convient de l’apprécier dans des termes différents selon le support concerné au mépris de la libre circulation des œuvres cinématographiques. Cela suppose toutefois que l’information donnée soit suivie d’effets, le cas échéant, il conviendrait d’assurer le respect des sensibilités dès lors que les chaînes « grand public» assument une mission de service public. Une plus grande liberté d’expression pourrait être laissée aux chaînes à péage dès lors que la volonté de recevoir est mieux marquée et que les systèmes de sécurité permettent d’assurer une meilleure protection des enfants. Cependant, la protection de l’enfance et de l’adolescence aussi importante soit-elle, doit se concilier avec la liberté de communication et les droits et libertés consubstantiels qui y sont rattachés, telle que la liberté de réception des téléspectateurs « adultes » ou le respect des libertés individuelles.

 

C’est pourquoi, on ne peut interdire la diffusion de programmes à caractère pornographique ou à tout le moins recenser les personnes souhaitant accéder à de tels programmes. Telle est la position de la CNIL sur la création de fichiers d’abonnés à des services audiovisuels souhaitant recevoir des programmes pornographiques ce qui tendrait à sérier les abonnées amateur de films « X »[15]. Cette mesure serait incontestablement excessive pour les abonnés qui n’ont pas d’enfants. Elle serait peu pertinente pour ceux qui en ont et seraient assez négligents pour ne pas utiliser le décodeur, compte tenu des possibilités d’accès par les jeunes à la pornographie via Internet ou les supports vidéo. Pour la CNIL, le mécanisme du double verrouillage est suffisant au regard du but à atteindre. Force est cependant de constater que le double verrouillage est possible pour la seule diffusion en mode numérique. Même dans ce contexte, le mécanisme du double verrouillage soumis de surcroît à un examen technique poussé[16] répondant à des critères bien précis sous peine de sanction (le verrouillage doit être systématique dès la première utilisation, le il doit être synchronisé avec la durée du programme, les programmes ne doivent être accessible après saisie d’un code personnel à quatre chiffres[17], l’accès doit être verrouillé à chaque changement de contexte, le système ne doit pas être débrayable…)[18], s’accompagne de conditions d’accès particulières définies par l’instance de régulation dans le cadre d’une recommandation adoptée le 15 décembre 2004[19]. Les prémices de cette recommandation se trouvaient en germe dans le rapport Kriegel[20]. En effet, le CSA considère dans cette recommandation que seule la mise en place d’un arsenal de mesures est susceptible, eu égard aux configurations techniques en vigueur, d’assurer un niveau satisfaisant de protection des mineurs. Il définit à ce titre, le type de services autorisés à diffuser des programmes de catégorie V (de grande violence ou pornographique), le nombre de programmes autorisés ainsi que les horaires de diffusion[21]. De même qu’il encadre les offres promotionnelles de cette catégorie de programmes afin que des personnes non averties ne soient pas à même de les recevoir et qu’elles aient toujours le choix d’une offre commerciale sans la réception des programmes de catégorie V. Il ne peut y avoir d’offre globale ce qui, pour les services de paiement à la séance, signifie que l’achat des programmes de catégorie V doit s’effectuer à l’unité.

 

Compte tenu des restrictions proposées dans le cadre de cette diffusion en mode numérique pour laquelle il est techniquement possible de verrouiller correctement l’accès aux programmes, il ne pouvait en être autrement pour la diffusion en mode analogique. Du moins, il fallait éviter l’interdiction pure et simple de diffusion des programmes de catégorie V de façon à garantir la liberté de réception des programmes sans pour autant pointer du doigt les amateurs de films « X »[22]. C’est chose faîte et dans termes respectueux de la liberté de réception puisque la responsabilité parentale se substitue aux contraintes techniques de diffusion qui limitent l’accès à de tels programmes. Outre, les horaires de diffusion, qui ne sont pas toujours suffisants pour éviter la présence des mineurs devant l’écran, le CSA a-t-il tenu à ce que tous les abonnés[23] soient tenus de manifester leur choix – par écrit – de recevoir l’offre globale ou celle sans les programmes de catégorie V à partir du 1er janvier 2006[24]. Certes, l’efficacité du dispositif de verrouillage repose également sur la prise de conscience par les abonnés des risques que représente pour les mineurs l’accès à des programmes de catégorie V. Cette prise de conscience se traduit par la configuration et la confidentialité du code d’accès ainsi que par la bonne compréhension par les parents des manipulations techniques nécessaires. Cependant ce système doit être en état de fonctionnement même sans le filtre parental.

 

Enfin, lorsqu’on se trouve dans un lieu public où aucun choix n’est possible de la part de la foule, le respect le plus large possible de toutes les opinions devrait s’imposer. S’il n’est pas question d’interdire l’affichage publicitaire ou d’opinion, il est légitime de la contrôler. La liberté à prendre en considération n’est pas celle de l’annonceur, qui dispose d’autres moyens pour s’exprimer, mais celle du spectateur forcé. Même si une minorité seulement était choquée par une annonce, il y aurait lieu de l’interdire. Théoriquement, la notion d’outrage aux bonnes mœurs devrait permettre aux juges répressifs de protéger le sentiment moyen de la population. Mais les poursuites sont rares. Le ministère public, débordé par ail1eurs, est indifférent à ce type d’infraction, les pressions sont à sens unique et les décisions de justice, lorsqu’el1es interviennent, sont parfois contradictoires. On invoque souvent, et tout à fait à tort, l’idée d’un seuil de tolérance qui se serait accru au cours de notre siècle… Même s’il est certain que les mœurs évoluent dans une société, cette argumentation est un peu facile, car il est presque impossible de connaître le degré exact de leur évolution … Considérer qu’il y a tolérance dès lors qu’aucune action violente n’est commise serait une incitation à la délinquance des majorités silencieuses.

Transformer la liberté d’expression en un droit à l’agression serait la dénaturer et donc, à terme, la rendre plus fragile, puisque même dans les démocraties libérales, les minorités ont le droit de voir leur conscience protégée.

 

Chapitre 3 : Le droit de la communication

 Vous l’aurez remarqué, tous ces aspects de la communication sont saisis par le droit et plus exactement par le droit de la communication. Cette branche du droit va s’appliquer à toutes les activités qui, par le moyen de l’écrit, de l’image ou du son ou de tout autre signe, communiquent au public des informations, des connaissances, des loisirs. Eduquer, informer, distraire telles sont les fonctions essentielles des entreprises de communication auxquelles s’applique le droit de la communication.

Le droit de la communication distingue la réglementation applicable aux supports, marquée par ses aspects techniques, de celle applicable aux services ou plus exactement aux contenus. Cette distinction permet la modélisation des dispositions relatives au contenu en fonction de chacun des supports. Le contenu relève directement de la liberté fondamentale d’expression alors que le support est simplement protégé par la loi et prend les traits d’une liberté publique. Ce mouvement de fragmentation légale maintenu artificiellement par le législateur ne doit pas occulter le phénomène inverse de convergence qui tend à rassembler sur le même réseau numérique, l’audiovisuel traditionnel, la communication en ligne, la correspondance privée et plus largement ce que l’on englobe désormais sous l’appellation « Communication électronique », mais aussi la presse écrite traditionnelle, ou le cinéma.

Ce système de fragmentation est maintenu au prix de certaines complications (v. par exemple les régimes juridiques applicables au droit de réponse), voire incohérences (v. par exemple les régimes juridiques applicables à la protection du jeune public) puisque le réseau a vocation à uniformiser le régime applicable aux contenus.

 

Le droit de la communication permet également de souligner les limitations dont la liberté d’expression fait l’objet. En réalité, le droit français traite de conciliation. C’est une liberté dont la proclamation s’accompagne immanquablement de limitations ou à tout le moins doit être conciliée avec d’autres libertés bénéficiant de la même protection. La société libérale est alors celle qui s’emploie à fixer cette conciliation au strict minimum, afin d’éviter tout à la fois l’autoritarisme et la dilution du lien social. Cet équilibre est toujours exposé à des critiques contradictoires dans le cadre d’un Etat libéral, et il est par conséquent précaire du moins sujet à interprétation. Tel est le cas de la conciliation de la liberté d’expression et du respect de la vie privée.

 

Titre 2 :

L’affirmation de la liberté de communication

 

Chapitre 1 : Une liberté appréhendée sous l’angle de la liberté d’expression

 

Section 1 : La reconnaissance textuelle de la liberté de communication

 

Sans prétendre à l’exhaustivité, nous limiterons le champ de nos développements aux textes fondamentaux à savoir l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

 

I – L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 définit la libre de communication des pensées et des opinions comme « un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». La Déclaration des droits de l’homme, en qualité de texte fondateur des « droits inhérents à l’essence de l’homme »[25], fait partie des textes constitutionnels du droit français[26]. L’article 1er du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 proclame l’attachement du peuple français « aux Droits de l’homme […] tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 ». Dans sa célèbre décision n°71-44 DC du 16 juillet 1971 « liberté d’association », le Conseil constitutionnel, consacre la valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution, et offre ainsi une protection de premier rang au texte de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens. C’est d’ailleurs dans sa décision n°73-51 DC du 27 décembre 1973, dite « Taxation d’office », qu’il va pour la première fois utiliser la Déclaration comme texte de référence, au même titre que la Constitution. Le Conseil constitutionnel, en qualité de gardien des textes constitutionnels, est le garant du respect des droits proclamés dans la Déclaration. Ce texte, tout comme le préambule de la Constitution de 1946 et la récente Charte constitutionnelle de l’environnement de 2005, est adossé à la Constitution et forme le bloc de constitutionnalité.

 

Le libellé de l’article 11, rédigé en des termes très généraux, permet d’étendre la liberté de communication à tous moyens qui procèdent de l’extériorisation de la pensée. Au delà des modes de communication visés expressément par l’article, sont aujourd’hui concernés par la protection découlant de l’article 11 de la DDHC, toutes les formes de communication qui nécessitent l’intervention d’un support et de moyens de réception appropriés, pour être mises à disposition du public. Au coté de l’imprimé, distribué dans des points spécialisés ou à domicile à titre onéreux et gratuit, le son et l’image utilisent des supports différents. Diffusés par câble ou supports hertziens terrestres ou satellitaires, ils requièrent l’acquisition de matériels de réception et le paiement de redevance ou d’abonnement. Au titre des supports modernes de communication relevant implicitement de l’article 11, les signaux de toute nature –écrit, son et image- diffusés sur le réseau Internet sont reçus à l’aide d’un matériel informatique approprié, et la souscription d’un abonnement permettant l’accès au réseau. Bref, sont concernés la presse, la radio, la télévision, les télécommunications et la communication au public par voie électronique.

 

Fort de cette interprétation extensive de la liberté de communication, le Conseil constitutionnel relève toutes les formes d’expression susceptibles de relever du champ d’application de l’article 11. Et, de préciser à l’occasion des décisions rendues, les garanties afférentes à l’exercice de ce droit, qui doivent être mises en œuvre par le législateur. Dans sa globalité, la liberté de communication est une liberté fondamentale parce qu’elle est la condition des autres libertés.

Le nouvel article 34 de la Constitution, dont la rédaction est issue de la réforme en date du 23 juillet 2008, précise que la loi fixe les règles concernant « le pluralisme et l’indépendance des médias ». Les prescriptions du Conseil constitutionnel reçoivent ainsi une assise constitutionnelle traduisant ainsi une forme d’effet cliquet qui n’existe plus dans sa jurisprudence. Une interprétation téléologique des débats législatifs relatifs à la révision constitutionnelle permet d’apprécier cet ajout à l’aune de l’article 11 de la DDHC et ne va pas au-delà, en induisant un refus des concentrations excessives ou une indépendance à l’égard du pouvoir politique. Elle induit simplement le rejet de la censure.

 

II – Au coté de cette protection interne de la liberté de communication, il existe des textes à vocation internationale – l’article 19 du Pacte international  relatif aux droits civils et politiques-  ou régionale – l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales-, de portée plus ou moins contraignante, qui convergent vers le même objectif. Régulièrement introduits dans l’ordre juridique interne, ces textes ont une valeur supérieure à la loi, en application de l’article 55 de la Constitution.

L’article 19 al 1 du Pacte dispose que « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ».

 

Ce texte présente un caractère obligatoire pour tous les Etats signataires, après ratification. Cependant, ce caractère obligatoire est limité en l’absence de mécanismes sanctionateurs et d’obligations positives mises à la charge des Etats, propres à garantir l’effectivité des droits et libertés ainsi reconnus. Par ailleurs, le Pacte ne reconnaît pas les droits, mais s’engage à respecter les droits déclarés. Donc, il s’agit d’un simple engagement qui n’a pas d’effet direct car le traité s’adresse aux Etats et non aux individus.

 

Reprenant en grande partie le contenu de ce texte, l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, s’affirme comme le texte de référence en la matière. Ce texte, quant à lui, contient des dispositions qui ont un effet direct[27].

 

Elaborée sous l’égide du Conseil de l’Europe, cette Convention est dotée, en outre, d’un mécanisme de contrôle du respect des obligations qui sont prescrites. Dans un premier temps, ont coexisté un contrôle administratif devant la Commission, ainsi qu’un contrôle juridictionnel devant la Cour européenne des droits de l’homme. Cependant, depuis l’entrée en vigueur du Protocole n°11, seul le contrôle juridictionnel demeure devant la Cour.

L’article 10 al 1 de la Convention dispose que « toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir et de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorité publique et sans considération de frontière ».

La formulation de cet article est assez universelle ; « toute personne » indique que les bénéficiaires de la liberté sont à la fois les personnes physiques et les personnes morales. Cet article, en l’absence de précisions contraires, s’applique à tout support de communication et à toute activité de communication. La communication politique et idéologique y est garantie. Il en va de même du discours commercial.

L’article 10 met à la charge des Etats une obligation de protection de la liberté ainsi garantie qui doit les amener à prendre toute mesure susceptible d’empêcher ou de sanctionner les actes des personnes privées.

 

Au principe de liberté énoncé au paragraphe 1er  (il vise « la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence des autorités publiques et sans considération de frontière») s’opposent les exceptions envisagées au second paragraphe. La liberté d’expression fait donc partie des libertés conditionnelles qui peuvent faire l’objet d’une dérogation ou d’une restriction notamment dans le cadre d’une clause d’ordre public. Cela autorise l’Etat à limiter l’exercice du droit proclamé tout en le laissant subsister.

 

Ces restrictions doivent être prévues par la loi c’est-à-dire par une norme générale, écrite ou jurisprudentielle, antérieure aux faits litigieux et satisfaisant à des exigences d’accessibilité et de prévisibilité).  Sur ce point, la CEDH a eu l’occasion de préciser  que «  l’étendue et les modalités d’un tel pouvoir se trouvent définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir une protection adéquate contre l’arbitraire »[28]

Ces restrictions doivent viser l’un des buts reconnus comme légitimes par l’article 10, paragraphe 2 (la sécurité nationale, l’intégrité territoriale ou la sûreté publique, la défense de l’ordre ou la prévention du crime, la protection de la santé ou de la morale, la protection de la réputation ou des droits d’autrui, la sauvegarde d’informations confidentielles, la garantie de l’autorité et de l’impartialité du pouvoir judiciaire) et être « nécessaires, dans une société démocratique» à la réalisation de ces buts.

L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, s’emploie à réglementer les ingérences étatiques dans l’exercice de la liberté d’expression. En principe, la référence à l’intérêt général fait obstacle à toute ingérence des autorités publiques : C’est la liberté d’expression qui prévaut. Cependant, la CEDH a admis dans la jurisprudence Mamère qui concernait l’information de la population sur les risques auxquels avaient été exposés les français suite à la catastrophe de Tchernobyl, « que la valeur éminente de la liberté d’expression, surtout quand il s’agit d’un débet d’intérêt général, ne peut pas en toute circonstance l’emporter sur la nécessité de protéger l’honneur ou la réputation, qu’il s’agisse de simples citoyens ou de responsables publics »[29]. D’où l’idée que le contrôle de la Cour se veut nécessairement très concret.

La Cour européenne des droits de l’homme a précisé que la société démocratique se caractérisait par « le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture» et en conséquence, la liberté d’expression « vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou différentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population ». L’adjectif « nécessaire » implique, quant à lui, qu’il soit justifié d’un « besoin social impérieux »[30]. S’il appartient d’abord aux autorités nationales, et au premier chef aux tribunaux, d’apprécier cette nécessité, cette appréciation est soumise à un « contrôle européen », opéré par la Cour.

 

Cet article est étroitement lié aux valeurs démocratiques sur lesquelles repose le Conseil de l’Europe. Il y fait d’ailleurs expressément référence. Il doit aussi être lu en tenant compte d’autres articles de la convention. L’article 17 traite du problème classique de la liberté à laisser aux ennemies de la liberté. Par conséquent, l’article 10 ne peut permettre à quiconque  « de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite convention ». L’appréciation de cet article 17 autorise parfois que l’on combatte les ennemies de la liberté par des méthodes qui relèvent elles-aussi de l’insulte. Ainsi, la Cour européenne des droits de l’homme a pu le 1er juillet 1997, donner raison sur le fondement de l’article 17 combiné avec l’article 10 à Monsieur Gerhard Oberschlick qui avait traité Monsieur Jorg Haider d’imbécile : Le premier, rédacteur en chef de la revue Forum (revue internationale pour la liberté culturelle, l’égalité politique et la solidarité), avait écrit un article intitulé « PS : imbécile au lieu de nazi » et débuté par ses mots « Je dirai de Jorg Haider, primo qu’il n’est pas un nazi et secundo qu’il est un imbécile » ce qu’il s’employait à justifier dans le reste de l’article. Poursuivi pour diffamation et injure, il a été condamné par le Tribunal correctionnel de Vienne en 1991, et confirmé en appel en 1992. Il a saisi la CEDH, qui dans une conception plutôt libérale, soulève le redoutable problème ; quelles armes la démocratie a-t-elle le droit d’employer pour lutter contre les ennemies de la liberté ? La Cour fait valoir que eu égard aux thèses défendues par Monsieur Haider, la condamnation du requérant représente une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression de celui-ci. La limite des critiques admissibles est plus large à l’égard d’un homme politique agissant en sa qualité de personnage public, que d’un simple particulier. L’homme politique doit montrer une plus grande tolérance lorsqu’il se livre lui-même à des déclarations publiques pouvant prêter à critiques.

 

En matière de liberté d’expression, il arrive que l’article 10 soit invoqué en association avec l’article 14 prohibant les discriminations. En matière de sondages électoraux, le TGI de Paris[31] avait ainsi considéré que l’interdiction de publication lors de la semaine précédant le scrutin n’était pas seulement incompatible avec l’article 10 de la Convention, mais encore avec son article 14. Cette mesure de restriction représentait, selon les juges, une discrimination entre les internautes, qui pouvaient accéder à des sondages publiés sur des sites web étrangers, et les électeurs n’ayant pas l’accès à Internet. Cette analyse peut sembler très contestable. De fait, elle n’avait pas convaincu la Cour d’appel de Paris[32], pour laquelle aucun de ces deux articles n’avait été violé. C’est de façon curieuse que s’est produite une résurgence de l’article 14 de la Convention dans le contentieux de la publication des sondages. Appelée à se prononcer sur l’application de la loi de 1977 modifiée par la loi du 19 février 2002, la Cour de Paris[33] a considéré que la loi du 19 février 2002, étant une loi pénale plus sévère, ne pouvait être appliquée à des faits commis avant son entrée en vigueur. La Cour d’appel rappelait que la Cour de cassation avait, par arrêt du 4 septembre 2001, déclaré les articles 11 et 12 de la loi de 1977, dans sa rédaction antérieure à la loi du 19 février 2002, incompatibles avec les articles 10 et 14 de la Convention. Or cet arrêt de la Cour de cassation ne faisant aucunement état de l’article 14, il convient alors de préciser de quelle nature sont les discriminations.

 

L’article 7 prescrivant la légalité des peines, est souvent escorté de l’article 10. Ainsi la Cour de cassation[34] a-t-elle approuvé une Cour d’appel d’avoir considéré que l’article 38, alinéa 3, de la loi de 1881, était contraire, en raison de l’imprécision de ses termes, aux articles 6, 7 et 10. Mais c’est parfois sans succès que l’article 7 est invoqué devant les juges. Dans une affaire où plusieurs personnes avaient été renvoyées devant le tribunal correctionnel pour publicité indirecte en faveur du tabac, le troisième moyen de cassation invoquait une violation des articles 7 et 10. L’exception fut rejetée par les juges du fond. La Cour de cassation les en approuva, soulignant que les dispositions en la matière étaient une mesure nécessaire à la protection de la santé qui constitue un intérêt général légitime[35].

 

Sur ce terrain de l’intérêt général, la CEDH tout comme le juge national, est amené à concilier l’article 10 à d’autres articles de la Convention et notamment l’article 8 (prescrivant le respect de la vie privée) : « si la liberté d’expression s’étend également à la publication de photographies, il s’agit là néanmoins d’un domaine où la protection de la réputation ou des droits d’autrui revêt une importance particulière »[36]. L’élément déterminant lors de la mise en balance de la protection de la vie privée et de la liberté d’expression doit résider dans la contribution que l’information apporte au débat d’intérêt général.

 

Section 2 :  La protection juridictionnelle de la liberté de communication

I – Le Conseil constitutionnel, garant du respect du respect de la liberté d’expression.

 Dans le cadre de ses compétences d’attribution, le Conseil constitutionnel a pu interpréter l’article 11 de la DDH et préciser à l’occasion des décisions rendues, les garanties afférentes à l’exercice de ce droit qui doivent être mises en œuvre par le législateur. En effet, au titre de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de préciser l’exercice des droits fondamentaux[37].

 

Le Conseil constitutionnel a précisé le champ d’application de la liberté de communication

Le Conseil constitutionnel a assorti, les garanties légales qui encadrent la libre communication des pensées et des opinions, d’objectifs à valeur constitutionnelle qui renforcent l’effectivité de ce droit fondamental. Il appartient au législateur de fixer les règles définissant le pluralisme des médias. Il en va plus généralement du régime juridique applicable aux supports de cette liberté de communiquer les pensées et les opinions. Les libertés de communiquer au public par voie audiovisuelle ou électronique ne sont que des libertés publiques, autrement dit protégées par la loi. La liberté de la presse bénéficie, dans le cadre de l’article 11 (tout citoyen peut imprimer librement) -d’un statut constitutionnel même si son régime juridique découle de la loi. C’«est une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale»[38]. Son statut exclut la possibilité d’en faire une liberté réglementée et de la soumettre à un régime d’autorisation préalable; « qu’à supposer même que les dispositions de la loi aient pour objet de réprimer des abus au sens de l’article 11, cette répression ne saurait être confiée à une autorité administrative »[39].

 

La liberté de communiquer par voie audiovisuelle bénéficie d’un statut moins privilégié ; elle fait partie de ces libertés « qui ne sont ni générales, ni absolues »[40], ne pouvant s’exercer que dans le cadre d’une réglementation légale[41]. Il est loisible au législateur de soumettre les différentes catégories de service de communication audiovisuelle à un régime d’autorisation administrative. Ce régime d’autorisation n’est que la résultante de contraintes techniques inhérentes à la pénurie des fréquences hertziennes disponibles dans le cadre d’une diffusion en mode analogique. Il ne se justifie plus à l’égard d’autres supports tels que le câble, le satellite, l’ADSL ou plus largement dans le cadre d’une diffusion en mode numérique. Il se justifie moins encore à l’égard du phénomène de convergence des médias qui a pour conséquence de diffuser via le réseau tout type de message dans les conditions prévues par les dispositions de la loi n°2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur[42].

 

A l’égard des services de communication audiovisuelle, le législateur peut charger une autorité administrative indépendante de veiller au respect des principes constitutionnels[43].

La liberté de communication par voie électronique est, quant à elle, une liberté surveillée, limitée notamment par « le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle ». Cette limitation insérée dans le texte permet de baliser l’étendue du contrôle répressif, et par ailleurs, est conforme à l’esprit de protection des libertés supposant la conciliation de droits et libertés de même rang.

 

Le Conseil constitutionnel précise son régime juridique. En vertu de l’article 34 de la Constitution, le législateur est exclusivement compétent pour préciser l’exercice des droits fondamentaux[44]. Il est donc compétent pour fixer le régime du droit à la libre communication des pensées et des opinions.

« Le principe libre communication des pensées et des opinions ne s’oppose point à ce que le législateur édicte des règles concernant l’exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, écrire et imprimer ; cependant, s’agissant d’une liberté fondamentale, d’autant plus précieuse que son existence est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale, la loi ne peut en réglementer l’exercice qu’en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec celui d’autres droits ou principes de valeur constitutionnelle [… ] ; s’il est loisible au législateur, lorsqu’il organise l’exercice d’une liberté publique en disposant des pouvoirs que lui confère l’article 34 de la Constitution, d’adopter pour l’avenir, s’il estime nécessaire, des règles plus rigoureuses que celles qui étaient auparavant en vigueur, il ne peut, s’agissant de situations existantes intéressant une liberté publique, les remettre en cause que dans deux hypothèses: celle où ces situations auraient été illégalement acquises ; celle ou leur remise en cause serait réellement nécessaire pour assurer la réalisation de l’objectif constitutionnel poursuivi »[45].

Plus généralement, même si le Conseil constitutionnel a souhaité par le passé instaurer une règle générale de « non retour en arrière » en matière de communication audiovisuelle, il a fait valoir dans une jurisprudence plus récente qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions; lui est également loisible d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont lui appartient d’apprécier l’opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu’il estime excessives ou inutiles. Cependant, l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel[46].

 

Les garanties légales peuvent être renforcées par des objectifs, à valeur constitutionnelle ; tel est le cas en matière de presse et de communication audiovisuelle. Le Conseil constitutionnel a affirmé Ies objectifs de pluralisme et de transparence financière comme «étant une condition de la démocratie». S’agissant du régime de la presse, l’objectif de pluralisme préside le libre choix des lecteurs « le pluralisme des quotidiens d’information politique et générale auquel sont consacrées les dispositions du titre Il de la loi est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; en effet, la libre communication des pensées et des opinions, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent ces quotidiens n’était pas à même de disposer d’un nombre suffisant de publications de tendances et de caractères différents »[47]. Pour satisfaire à cette exigence de pluralisme, le législateur doit contrôler le mécanisme des concentrations[48] .

 

Cas de non-conformité à l’objectif de pluralisme: «en l’état de leur rédaction, les dispositions de l’article 11, d’aménager, comme pouvait le dire le législateur, Ies modalités de protection du pluralisme de la presse et, plus généralement, des moyens de communication dont la presse est une composante, ne permettent pas de lui assurer un caractère effectif; elles ont même pour effet, par leur combinaison avec l’abrogation de la législation antérieure de priver de protection légale un principe de valeur constitutionnelle »[49].

 

La réalisation de l’objectif de pluralisme dépend d’un autre objectif de valeur constitutionnelle qui est celui de transparence financière (« loin de s’opposer à la liberté de la presse ou de la limiter, la mise en œuvre de l’objectif de transparence financière tend à renforcer un exercice effectif de cette liberté; en effet, en exigeant que soient connus du public les dirigeants réels des entreprises de presse, les conditions de financement des journaux, les transactions financières dont ceux-ci peuvent être l’objet, les intérêts de tous ordres qui peuvent s’y trouver engagés, le législateur met les lecteurs à même d’exercer leurs choix de façon vraiment libre et l’opinion à même de porter un jugement éclairé sur les moyens d’information qui lui sont offerts par la presse écrite »[50]).

 

Pour assurer le respect des droits fondamentaux, le législateur est amené à les concilier avec des principes de même valeur, souvent contradictoires, y apposant des limites. Par cette conciliation, le législateur assure la mise en œuvre de la liberté de communication des pensées et des opinions.

 

L’exercice de la liberté de communication est confié, en matière de communication audiovisuelle à une autorité administrative indépendante : l’institution d’une Commission nationale de la communication et des libertés chargée en particulier de favoriser l’expression généraliste des courants d’opinion, est conforme à la Constitution; « il convient d’examiner si les modalités de mise en œuvre des principes énoncés […] le sont également; que cette mise en oeuvre repose, pour partie, par des règles posées par la loi et qui sont directement appliquées, pour partie, sur des règles qui seront autorisées par décret et dont l’application effective dépendra de l’intervention de la Commission nationale de la communication et des libertés, selon des modalités qui diffèrent suivant qu’il s’agit du secteur privé ou du secteur public»[51] ; «il est loisible au législateur de charger une autorité administrative indépendante de veiller au respect des principes constitutionnels en matière de communication audiovisuelle»[52].

La désignation d’une autorité administrative indépendante du gouvernement susceptible d’exécuter une mission aussi importante au regard de la liberté de communication audiovisuelle, que celle d’autoriser l’exploitation du service de la radiotélévision mis à la disposition du public sur un réseau câblé, constitue une garantie fondamentale pour l’exercice d’une liberté publique et relève de la compétence exclusive du législateur[53].

Le législateur ne peut déléguer cette compétence à l’autorité administrative indépendante, sans indiquer avec précision le contenu même de cette compétence («Considérant que la loi a confié au Comité supérieur de la télématique le soin d’élaborer et de proposer à l’adoption du Conseil supérieur de l’audiovisuel, auprès duquel il est placé, des recommandations propres à assurer le respect par certains services de communication de règles déontologiques, sans fixer à la détermination de ces recommandations, au regard desquelles des avis susceptibles d’avoir des incidences pénales pourront être émis, d’autres limites que celles, de caractère très général, résultant de l’article 1er de la loi susvisées du 30 septembre 1986; qu’ainsi, le législateur a méconnu la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution »[54]).

 

En matière de communication audiovisuelle, la loi peut, sans qu’il soit porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, doter l’autorité indépendante chargée de garantir l’exercice de cette liberté d’un pouvoir de sanction dans la limite nécessaire à l’accomplissement de sa mission[55]. L’exercice de ce pouvoir de sanction doit être précédé d’une mise en demeure, par exemple des titulaires d’autorisation pour l’exploitation d’un service de communication audiovisuelle, de respecter les obligations qui leurs sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis à l’article premier de la loi du 30 septembre 1986, et faute pour les intéressés de respecter lesdites obligations ou de se conformer aux mises en demeure qui leurs ont été adressées[56]. Le caractère quasi-systématique de cette mise en demeure ne résulte pas, en tant que tel, des dispositions de la loi, mais d’une réserve d’interprétation posée par le conseil constitutionnel[57]. L’interprétation donnée par le Conseil constitutionnel ne saurait faire obstacle au contrôle du juge de l’excès de pouvoir[58]. Dans l’exercice de ses compétences, le Conseil supérieur de l’audiovisuel sera, à l’instar de toute autorité administrative, soumise à un contrôle de légalité qui pourra être mis en œuvre tant par le gouvernement que par toute personne qui y aurait intérêt[59]. La décision de sanction « peut faire l’objet devant le Conseil d’État d’un recours de pleine juridiction ». Toute décision prise par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, « qui interviendrait en violation des dispositions législatives et réglementaires serait susceptibles d’entraîner la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique»[60].

 

Le Conseil constitutionnel sanctionne les incompétences négatives du législateur dès lors qu’il abandonne au pouvoir réglementaire la détermination de la règle, ou bien qu‘il pose une règle mettant en œuvre des garanties insuffisantes, en deçà de ses prérogatives[61].

 

II – La Cour européenne des droits de l’homme, garante des libertés dans une société démocratique

 Il est aisé de comprendre la place privilégiée occupée par la liberté d’expression dans une société démocratique telle qu’elle est soulignée par la Cour européenne[62], lorsque l’on se réfère à la conception de la CEDH développée dans son Préambule[63]. Celle-ci consiste à affirmer que l’exercice effectif des libertés fondamentales repose sur un régime véritablement démocratique[64]. Le juge européen s’est attaché à mettre en valeur le rôle joué par la liberté d’expression dans un tel système et à l’analyser comme une liberté «fonctionnelle », c’est-à-dire comme la «condition indispensable à la jouissance effective de nombreux autres droits de l’homme et à l’exercice des autres libertés fondamentales »[65]. C’est la démarche également suivie par le juge constitutionnel. L’article 11 de la Déclaration de 1789 ne proclame-t-il pas que la liberté de communication est: « Un des droits les plus précieux de l’homme ». Si bien que sur ce fondement, le Conseil constitutionnel a souligné l’importance de cette liberté, la qualifiant de liberté fondamentale «d’autant plus précieuse que son exercice est une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale»[66], ce qui pour certains auteurs, «est une façon très française de dire purement et simplement de la démocratie (… ) »[67]. En effet, la liberté d’expression paraît en étroite relation avec l’ensemble des libertés de la pensée que ce soit, la liberté de manifester ses croyances, la liberté d’association ou de réunion[68], mais sa fonction est surtout mise en valeur dans les démocraties, s’agissant de la liberté de suffrage[69]. La liberté d’expression parce qu’elle suppose le pluralisme des opinions, l’existence d’un débat public à même de refléter ces opinions plurielles et la reconnaissance d’un droit du public à être informé sur des questions d’intérêt général, permet aux citoyens d’exercer leur droit de participation, mais aussi de contestation, caractéristiques d’un régime démocratique. Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le rôle de la liberté d’expression dans le fonctionnement de la démocratie n’est pas tant souligné par la jurisprudence ou la doctrine dans sa dimension active que dans sa dimension passive, c’est-à-dire concernant le droit à l’information du public. Mais si l’on reconnaît le caractère essentiel de la liberté d’expression s’agissant de l’exercice effectif des libertés de la pensée et son rôle primordial dans le fonctionnement de la démocratie, encore faut-il que son respect et son effectivité soient eux-mêmes garantis. Ce qui paraît expliquer l’érection du pluralisme en condition de la démocratie. Pourtant, le conseil économique et social en donne une définition négative : « Le pluralisme s’oppose au monisme, où toute chose se ramène à un seul principe souverain et absolu, c’est-à-dire en principe totalitaire. Le pluralisme est l’ennemi irréductible du dogme, fût-il économique »[70]. Le pluralisme peut donc être défini comme une conception qui admet la pluralité des opinions.

 

Néanmoins, pour remplir les fonctions qu’on lui reconnaît la liberté d’expression se doit d’être plurielle et d’utiliser des supports de communication pluriels et, en raison du fait que le pluralisme s’identifie à un certain nombre de libertés, celles qui permettent à l’individu d’établir une pensée autonome et assurent sa participation aux activités sociales et politiques. Le principe de pluralisme est affirmé tant dans la jurisprudence européenne que dans celle du Conseil constitutionnel comme un des éléments caractéristiques de la démocratie alors même que la notion de démocratie que les juridictions ont contribué à cerner s’inspire de philosophies différentes. C’est d’ailleurs ce que nous verrons dans le paragraphe suivant.

 

Le droit de recevoir des informations emporte l’obligation pour les autorités publiques de s’abstenir d’entraver l’accès des personnes aux sources d’information, dans la mesure où la liberté d’expression est « l’une des conditions de base pour le progrès des sociétés démocratiques et pour le développement de chaque individu» [ …] «La liberté d’expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique»[71].

La notion de société démocratique puise à la source première, c’est-à-dire la CEDH elle-même, elle s’appréhende également, voire surtout, à la lumière de l’abondante jurisprudence de la Cour, dans la mesure où la Cour est la seule juridiction habilitée par la Convention à conclure sur la violation ou non de ses dispositions[72]. Se prêtant à une interprétation téléologique des dispositions de la convention, la Cour s’attache à l’objet et au but du texte. La Convention a pour but d’assurer la prééminence du droit dans une société démocratique. Tout membre du Conseil de l’Europe connaît le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa  juridiction doit jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il s’agit de sauvegarder les droits et développer les normes de la Convention, et de contribuer à assurer le respect par les Etats des engagements qu’ils ont souscrit. Le recours à une interprétation évolutive des droits (recherche d’effectivité conduisant à découvrir les éléments inhérents au droit considéré, ont conduit la Cour à privilégier cette notion clé et à lui donner une définition dynamique[73]. La notion de société démocratique est utilisée à la fois dans l’appréciation des restrictions apportées aux droits fondamentaux et comme critère d’interprétation de la Convention elle-même. Elle a un contenu bien concret.

 

La notion de société démocratique

La référence à la société démocratique constitue la pierre angulaire de l’ensemble du système européen. Il convient alors d’en préciser les éléments constitutifs dégagés par une abondante jurisprudence. La Cour a progressivement défini les contours de cette notion et a fait jouer au principe de pluralisme un rôle déterminant en le plaçant au cœur de cette définition. Le pluralisme est l’un des critères qualificatifs dégagés par le juge européen. Il apparaît comme un élément constitutif, une condition d’existence d’une société démocratique, puisque la Cour va jusqu’à affirmer qu’il n’est pas de société démocratique sans que «le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture» se traduisent effectivement dans son régime institutionnel voire, plus directement, qu’il «n’est pas de démocratie sans pluralisme »[74].

 

Dans le cadre de son pouvoir autonome d’interprétation, la Cour dégage, en dehors de la prééminence du droit, des critères flous, voire sociologiques, auxquels elle applique des coefficients de variabilité. La société démocratique est alors tout à fait relative.

Pluralisme et tolérance sont par conséquent constitutifs d’une société ouverte.

La tolérance est le choix délibéré de ne pas interdire, gêner ou interférer une conduite que l’on désapprouve alors même que l’on en a connaissance et que l’on dispose du pouvoir  de le faire. La tolérance comme idéal moral inspire la jurisprudence de la cour dans son appréhension de la société démocratique. C’est notamment visible au regard de l’article 8 de la CEDH et de la liberté de choix dans le cadre de la vie privée (différence entre les droits inconditionnels et les droits conditionnels).

 

Cependant, ces principes qui peuvent être regroupés sous la seule notion de pluralisme, en tant qu’ils marquent la spécificité de la société démocratique commandent une extrême vigilance de la Cour, ainsi chargée d’assurer leur respect et d’interpréter les droits garantis à leur lumière[75]. Si bien que la nécessité d’assurer le respect du pluralisme et son utilisation comme principe d’interprétation des droits ont conduit la Cour à valoriser certains droits individuels et, à ce titre, principalement la liberté d’expression.

 

La liberté d’expression bénéficie d’une protection particulière parmi les libertés proclamées par la Convention en raison de la place éminente qu’elle occupe dans une société démocratique. La Cour estime qu’elle «constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiale de son progrès et de l’épanouissement de chacun, et que la démocratie se nourrit de la liberté d’expression »[76]. Son interprétation à la lumière du principe de pluralisme a conduit la Cour à affirmer que « sous réserve du §2 de l’article 10, la liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population : Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique» .

Les médias assument aux yeux de la Cour une responsabilité substantielle dans le jeu démocratique et les garanties à leur accorder revêtent une importance particulière, Il incombe à la presse, mais aussi aux moyens audiovisuels auxquels s’appliquent ces principes, « de communiquer des informations et des idées sur les questions débattues dans l’arène politique, tout comme sur celles qui concernent d’autres secteurs d’intérêt public »[77]. La Cour affirme ainsi le droit pour le citoyen de recevoir librement des informations sur des questions d’intérêt général, lequel vient s’adjoindre à la fonction d’information des médias, tout en rappelant que cette fonction d’information « ne doit pas franchir les bornes fixées au vu, notamment de la protection de la réputation d’autrui ». Toutefois, la liberté d’information a souvent l’avantage dans cette conciliation. Encore faut-il, afin que les médias soient à même d’exercer leur fonction d’information que les journalistes aient accès à l’information, ce qui explique avec quelle insistance la Cour relève l’importance de la protection des sources journalistiques, qu’elle considère comme l’une « des pierres angulaires de la liberté de la presse »[78]. La Cour l’a réaffirmé à plusieurs reprises, les informations ou idées qui peuvent choquer une fraction de la population ne sont pas exclues du champ d’application de l’article 10. Mais est-ce à dire que les garanties de l’article 10 s’appliquent à l’expression de toutes les opinions? De même, l’esprit de tolérance qui guide la Cour va-t-il jusqu’à lui faire affirmer la possibilité de reconnaître la liberté d’expression à ceux qui ne respectent pas les règles du jeu démocratique? La création d’un espace public de libre discussion n’implique-t-elle pas « précisément, la possibilité, même pour les opinions irrationnelles et agressives, de s’y faire entendre »[79] ?

 

Il ressort cependant, de l’étude de la jurisprudence européenne que les propos révisionnistes ou l’expression d’idées racistes ne peuvent se réclamer de la protection des droits reconnus dans la CEDH. L’article 17 de la Convention a servi de fondement à quelques décisions en ce sens. Ce texte qui dispose que « aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention », est destiné à interdire un abus de droit et conduit à la déchéance des droits consacrés. Cette disposition peut rendre impossible pour les personnes qui tentent de détruire les droits et libertés garantis par la Convention, de tirer de celle-ci un droit leur permettant de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte tendant à une telle destruction. Cette déchéance concerne, notamment les articles 9, 10, 11 de la Convention et 3 du Protocole n° 1, lesquels ont pour objet des droits à même de permettre à un individu ou à un groupement de se livrer à des activités visant la destruction des droits et libertés reconnus dans la Convention. Rares sont les décisions pour lesquelles l’article 17 assure sa fonction de déchéance. Cette disposition est davantage utilisée comme un arrière fond interprétatif[80] des restrictions de droit commun aux droits garantis, notamment s’agissant du contentieux des restrictions à la liberté d’expression des auteurs des propos négationnistes.

Si bien que l’interprétation restrictive du champ d’application de l’article 17 et son cantonnement aux droits et libertés dont la Convention permet en temps normal la limitation, posent la question de son utilité, d’autant plus que «l’équivalence fonctionnelle semble totale»[81].

 

Le contrôle opéré par la Cour

La théorie de la marge d’appréciation élaborée par la Cour l’a amené a reconnaître aux Etats une marge d’appréciation dans la mise en œuvre des limitations susceptibles d’affecter les droits garantis, dont l’étendue est variable[82]. Or, cette variation «s’apprécie à l’aune du principe de pluralisme dans une société démocratique »[83] : il convient de prendre en considération, la variété des cultures juridiques des différents Etats. La Cour ne saurait négliger  les caractéristiques de fond et de procédure des droits internes respectifs. Cela peut conduire à renforcer le rôle des autorités nationales, voire locales dans le pouvoir d’appréciation.

La marge d’appréciation se fonde sur le bon sens. « Les autorités de l’Etat se trouvent mieux placées que le juge international pour se prononcer sur le contenu précis de ces exigences comme sur la nécessité d’une restriction ou sanction destinées à y répondre. »

 

En l’absence d’uniformité européenne, la marge d’appréciation laissée aux Etats dans le choix des moyens à même de rendre effectifs les droits fondamentaux est large. En revanche, en présence d’une communauté de vue des Etats, leur marge d’appréciation se voit réduite. L’étendue de la marge d’appréciation varie également selon l’objectif poursuivi par la restriction apportée à un droit conditionnel et selon la nature intrinsèque de ce droit. Si bien qu’eu égard au rôle de « chien de garde» attribué à la presse par la Cour européenne, le contrôle est particulièrement rigoureux lorsqu’il est question de la liberté de ce support de communication.

 

Ce contrôle ne revêt pas toujours la même intensité (la protection de la morale, notion dont la Cour estime impossible une définition uniforme au niveau européen, comporte généralement un contrôle restreint, à l’inverse de la protection de l’autorité et de l’impartialité du pouvoir judiciaire qui donne lieu à un contrôle plus rigoureux) sans qu’il soit possible de vraiment systématiser les facteurs de variation, d’où une très grande imprévisibilité des décisions de la Cour dans son ancienne composition. Celles-ci étaient souvent liées aux particularités de l’espèce, voire à la composition des formations de jugement. On aboutissait alors à des solutions peu fidèles aux principes qu’on a rappelés et à des contradictions. Par exemple, dans l’arrêt Lehideux et Isorni c/ France du 23 septembre 1998[84], la condamnation de la France, en raison d’une sanction pénale infligée à des défenseurs de la mémoire du maréchal Pétain pour apologie de crimes ou délits de collaboration avec l’ennemi, ne tenait-elle aucun compte de l’existence d’une marge nationale d’appréciation, pourtant rappelée par la Cour.

 

La nouvelle Cour, issue de la réforme opérée par le 11ème protocole, a fait, à ce jour, une application plus cohérente des principes libéraux énoncés par l’arrêt Handyside. Par exemple, l’arrêt Du Roy et Malaurie ci France du 3 octobre 2000 juge que l’interdiction absolue, résultant d’une loi de 1931, de publier toute information relative à des constitutions de partie civile méconnaît l’exigence de nécessité posée à l’article 10[85]. L’’arrêt Colombani et autres c/ France du 25 juin 2002 condamne, quant à lui, comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression le régime dérogatoire de protection accordé aux chefs d’État étranger; par l’article 36 de la loi sur la presse[86].

 

L’effet de la jurisprudence européenne en droit interne

Si la convention est d’application directe, les arrêts de la Cour n’ont pas d’influence directe sur la jurisprudence ou la législation française, en théorie du moins.

Quel a été l’écho rencontré en pratique, par ces condamnations en droit interne ?

D’une part, il a fallu attendre le début de ce siècle pour que les juridictions suprêmes, puis le législateur, souvent quelques années après le prononcé de la condamnation[87], commencent à s’incliner[88] devant la jurisprudence de la Cour européenne relative à l’article 10 de la Convention[89], voire à l’anticiper dans le domaine des sondages d’opinion[90].

Cependant, les juges français n’ont pas attendu l’an 2000 pour adopter les méthodes d’analyse des juges de Strasbourg ; leur influence a certes été lente mais progressive. Ensuite, la première condamnation de la France date seulement de 1995, et les suivantes se situent entre 1998 et 2004, la Cour européenne, bien qu’elle affirme régulièrement ne pas se substituer aux juridictions nationales, a parfois empiété sur la marge d’appréciation des juges français en imposant une interprétation des textes susceptible de provoquer des réactions, voire des critiques; ceci peut expliquer dans certains cas leur peu d’empressement[91]. Il est vrai que certaines dispositions de la loi de 1881 sur la presse ont été mises à mal, soit par la Cour européenne, soit d’ailleurs par la Cour de cassation. Ces critiques et solutions étaient justifiées, et n’ont pas privé d’effet la loi de 1881 : elle a été dépouillée des incriminations qui ne se justifiaient plus à l’aune d’une société démocratique par la Cour européenne. Même si elle a censuré certaines dispositions de la loi de 1881, la Cour a implicitement ou explicitement reconnu la compatibilité de la plupart d’entre elles, parfois même à l’occasion de ses arrêts de condamnation; ainsi reconnaît-elle implicitement la compatibilité du régime de la diffamation dans l’arrêt Colombani, et explicitement dans les arrêts Radio France et Chauvy et autres[92], ainsi que la compatibilité du délit de négationnisme avec l’article 10 de la Convention dans l’arrêt Lehideux et Isorni et dans l’arrêt Chauvy et autres, en admettant l’existence de «la catégorie des faits historiques clairement établis, tel l’Holocauste, dont la négation ou la révision se verrait soustraite par l’article 17 à la protection de l’article 10».

 

Pour reprendre l’exemple de la presse, la jurisprudence de la Cour a permis au juge français, pendant un temps, de s’émanciper des dispositions de la loi de 1881 en étendant son emprise sur d’autres textes, notamment l’article 1382 du Code civil (régime général de la responsabilité civile), fréquemment invoqué dans le cadre des infractions commises par voie de presse, et plus récemment (depuis la loi du 17 juillet 1970), l’article 9 du Code civil sur la protection de la vie privée. Depuis un arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 12 juillet 2000[93], les dispositions de l’article 1382 du Code civil sont exclues au profit de la loi de 1881. Cette exclusion touche l’article 9 du Code civil, dès lors que les faits allégués comportent une atteinte à l’honneur et à la considération; l’évolution est circonscrite[94].

Ln fine, si le juge européen oblige la loi à s’adapter et à corriger ces imperfections, la liberté d’expression en sortira confortée.

  

Chapitre 2 : Une liberté appréhendée sous l’angle du pluralisme et de la démocratie

 
 L’affirmation par la jurisprudence européenne de la place du pluralisme dans sa définition de la société démocratique a fait écho dans la jurisprudence constitutionnelle française, si bien qu’il est loisible  de s’interroger sur la question de savoir si la notion de société démocratique participe au développement d’une conception européenne de la démocratie[95].

 

Lorsque l’on compare les jurisprudences de la Cour et du Conseil constitutionnel relatives à la liberté d’expression, on dénote ainsi une correspondance évidente, une influence indéniable de la jurisprudence européenne sur le contenu matériel du droit constitutionnel. Mais avant de mettre en perspective les éléments qui révèlent une conception commune de cette liberté et de son rôle dans le fonctionnement de la démocratie, il convient d’examiner dans quelle mesure ces juridictions sont susceptibles de s’influencer.

 

Section 1 : La conception commune à la Cour européenne et au Conseil constitutionnel du lien entre le pluralisme et la démocratie

 

L’influence exercée par la jurisprudence européenne sur la jurisprudence constitutionnelle française

D’une façon générale, les études consacrées à l’influence exercée par la jurisprudence européenne sur celle du Conseil constitutionnel, la qualifie de «générale, indirecte, diffuse et en définitive très marginale» et limitée à des domaines «étroitement circonscrits bien qu’importants »[96]. Cette marginalité est davantage accentuée lorsqu’il s’agit de qualifier l’influence des cours constitutionnelles sur la jurisprudence européenne. De prime abord, les contrôles effectués par le Conseil constitutionnel et par les instances de Strasbourg n’ont que peu de points communs.

 

Un des facteurs d’influence peut être recherché dans la correspondance entre les droits garantis par la Convention et ceux contenus dans le bloc de constitutionnalité. Mais les auteurs s’accordent à remarquer que cette influence normative ne peut être que réduite dans le cadre du contrôle de constitutionnalité, le Conseil ayant refusé dans la décision du 15 janvier 1975, IVG, d’intégrer les normes conventionnelles dans le bloc de constitutionnalité. En revanche, cette remarque n’a pas lieu s’agissant des autres types de contentieux dans le cadre desquels une application directe de la Convention n’est pas exclue. L’application directe de la Convention étant écartée du contentieux de constitutionnalité, il n’en résulte pas moins que l’un des canaux de l’influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme peut « consister dans l’utilisation par le Conseil des normes européennes comme source d’inspiration de sa propre jurisprudence »[97]. En effet, «il est tout à fait concevable que le Conseil soit amené à lire un droit reconnu par la Constitution à la lumière des prescriptions régissant ce droit dans le cadre de la Convention »[98]. Et ceci d’autant plus que l’on assiste à une montée en charge des recours individuels devant la Cour de nature « pour le moins à inciter à un approfondissement, voire à un renforcement de notre contentieux constitutionnel afin de prévenir un contrôle des organes de Strasbourg du respect par le législateur des droits fondamentaux »[99]. L’organisation judiciaire européenne apparaît comme «une incitation puissante pour les juridictions suprêmes des Etats membres du Conseil de l’Europe à aligner leurs jurisprudences sur les solutions dégagées par la Cour européenne des droits de l’homme (. .. ) ».

 

Il existe une tendance du juge national à interpréter les principes constitutionnels à la lumière du droit de la Convention et de la jurisprudence des organes de Strasbourg, de manière à faire coïncider autant que possible le contenu de la norme interne avec celui du principe conventionnel et à éviter qu’une loi déclarée conforme à la Constitution ne soit lors de son application déclarée incompatible avec la CEDH par les tribunaux[100]. Ce mécanisme est également de nature à tenter le Conseil constitutionnel à « élargir le bloc de constitutionnalité en le complétant par des principes constitutionnels non écrits mais inscrits dans la CEDH»[101]. En effet, le pouvoir d’interprétation du juge constitutionnel conduit ce dernier à dégager un certain nombre de principes et de règles à valeur constitutionnelle destinés à renforcer les garanties des libertés fondamentales. Or, certains auteurs s’interrogent sur la question de savoir si ces «principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, objectifs et exigences constitutionnels auraient connu la même postérité, si la Convention avait été intégrée dans le bloc de constitutionnalité »[102].

 

Si l’on applique ce raisonnement à la jurisprudence constitutionnelle relative à la liberté de communication, il est loisible de considérer que l’érection de l’objectif à valeur constitutionnelle de pluralisme des courants d’expression a pour fonction d’intégrer dans le droit matériel constitutionnel français, la conception européenne du droit du public à recevoir l’information. Cette interaction entre juge européen et juge constitutionnel peut également s’expliquer par l’emploi de méthodes similaires et, notamment s’agissant des techniques d’interprétation et de raisonnement.

Le développement d’une idée commune du pluralisme

La liberté d’expression fait partie des quelques domaines pour lesquels on relève une correspondance importante entre les deux cours, au coté du droit répressif et des droits de la défense. Il s’agit à l’évidence d’un cas où la correspondance affichée traduit « une sorte de filiation directe entre principes dégagés à Strasbourg et principes ou règles à valeur constitutionnelle »[103], révélatrice d’une action déterminante exercée par la jurisprudence de la Cour européenne. La jurisprudence du Conseil qualifiant le pluralisme de condition de la démocratie fait écho à celle de la Cour[104]• C’est l’exemple le plus marquant, aussi est-il constamment invoqué pour démontrer l’incidence de la jurisprudence européenne sur les interprétations et déterminations de certaines cours constitutionnelles européennes et, pour soutenir « la conviction commune que les droits et libertés en Europe ont désormais une double dimension, constitutionnelle et conventionnelle, tant sur le plan de leur définition que, surtout, de leur protection ( … ) »[105]. Le rapprochement des interprétations jurisprudentielles de ces deux institutions permet d’y déceler le développement d’une «idée de droit, une représentation de la société de droit commune »[106]. Or l’idée de droit qui semble se dégager des décisions de la Cour « est celle d’une société pluraliste soumise à la prééminence du droit et garantissant à l’individu des droits concrets ». Cet attachement à des valeurs communes est particulièrement visible et sensible dans le domaine de la liberté d’expression et de l’importance du pluralisme comme condition de la démocratie[107].

 

A partir d’une définition de la démocratie en termes de droits fondamentaux, la Cour européenne s’est efforcée d’imposer l’unité et la primauté du droit européen dans certains domaines. Aussi, ressort-il de la jurisprudence constitutionnelle que « le pluralisme, la démocratie et la liberté de communication audiovisuelle forment un ensemble indissociable, ce qui explique le caractère tout à fait fondamental de cette liberté »[108]. Jurisprudence constitutionnelle et européenne contribuent ainsi à développer une idée de droit de l’organisation politique.

 

Apparue et circonscrite dans la jurisprudence constitutionnelle au domaine de la presse écrite et de l’audiovisuel, la notion de pluralisme étendue au domaine des partis politiques et qualifiée de fondement de la démocratie, a connu une promotion extraordinaire.

Le Conseil constitutionnel qualifie pour la première fois, «le pluralisme des courants d’expression socioculturels» de condition de la démocratie dans la décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, dans le domaine de la communication audiovisuelle. Le considérant de principe qui affirme que «le pluralisme des courants d’expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle…que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie» sera constamment repris par la suite dans les décisions du Conseil relatives à l’examen de la constitutionnalité d’une loi ayant trait à la liberté de communication même si désormais le Conseil préfère se référer au pluralisme des courants de pensée et d’opinions[109]. Abondamment utilisée par le Conseil dans la jurisprudence relative à la presse écrite et à la communication audiovisuelle, la notion de pluralisme n’apparaît dans le domaine de l’activité politique que dans la décision n°89-271 du 11 janvier 1990, mais y advient avec «un éclat tout particulier»[110], le Conseil la qualifiant de fondement de la démocratie. On ne peut que s’interroger sur le caractère tardif de cette apparition, alors que le pluralisme est une notion très présente en science politique, notamment s’agissant de qualifier la démocratie, ce qui explique l’emploi de l’expression de «démocratie pluraliste »[111].

 

Rattachée au principe de liberté en matière de communication, la notion de pluralisme bénéficie d’un autre fondement en matière politique, dans le principe d’égalité. Ainsi, dans la décision du 11 janvier 1990, avant d’énumérer les principes constitutionnels auxquels doit se conformer l’aide financière accordée par l’Etat aux partis et groupements politiques et d’affirmer que le pluralisme constitue le fondement de la démocratie, le juge constitutionnel rappelle le contenu des articles 2, 3 et 4 de la Constitution, lesquels ont une double source d’inspiration: la liberté et l’égalité.

 

Les partis et groupements politiques, en tant que support du pluralisme des courants d’idées et d’opinions, doivent conformément à l’article 4 de la Constitution être à même de se former librement, aussi l’aide qui leur est allouée par l’Etat ne doit pas, par les critères qu’elle retient, être de nature à entraver l’expression de nouveaux courants d’opinion. Le juge constitutionnel s’attache à ce que les petites formations ne soient pas écrasées, ni la création de nouveaux courants entravée. Le Conseil n’emploie pas l’expression de « pluralisme politique », une formulation différente : « le pluralisme des divers courants d’idées et d’opinions », plus large que la première formule : l’on considère celle-ci comme synonyme de multipartisme.

 

Les partis politiques apparaissent à l’instar des médias comme des vecteurs d’idées et d’opinions. Toutefois, si la conception privilégiée par le Conseil est une conception fonctionnelle des partis politiques (ils « concourent à l’expression du suffrage») et non organique, aucune obligation positive ne pèse sur le législateur qui doit simplement s’abstenir d’entraver le développement de nouveaux courants d’idées et d’opinions, qu’il s’agisse de partis politiques ou de candidats n’appartenant à aucun parti. Aussi dans le cadre de l’activité politique, le Conseil constitutionnel n’envisage-t-il pas le pluralisme comme un objectif à valeur constitutionnelle. Le Conseil développe une conception dynamique du pluralisme. Le pluralisme des courants d’idées et d’opinions se nourrit constamment de courants nouveaux.

Le Conseil constitutionnel considère que le principe de pluralisme n’exclut pas la nécessité d’un minimum de représentativité et semble induire qu’un seuil moindre aurait satisfait aux exigences constitutionnelles. Certes, la notion de représentativité constitue un critère objectif, mais dont l’inconvénient est de figer le paysage politique. C’est ce que l’on peut retenir de la recommandation du CSA relative à l’accès à l’antenne des candidats lors de la campagne présidentielle[112]

 

Le choix des critères d’habilitation des partis pour participer à la campagne officielle doit respecter deux principes: le principe d’égalité et le principe de pluralisme. L’égalité « commande que les règles soient les mêmes pour l’ensemble des partis et groupements politiques et qu’elles n’introduisent entre ceux-ci, du fait de leur nature, aucune discrimination. Ce principe conduit à prendre en compte des éléments tels que la représentativité, l’audience, les résultats électoraux ». En revanche, le pluralisme intéresse lui « le niveau de sélectivité opérée. Si ce niveau est trop élevé, le nombre des partis habilités sera trop restreint pour qu’on puisse considérer que les divers courants politiques en présence ont pu s’exprimer »[113]. L’impératif de pluralisme commande le cas échéant, un abaissement du niveau de sélectivité, par exemple en habilitant à participer à la campagne officielle non seulement les partis représentés, mais aussi les partis ayant obtenu un certain résultat aux dernières élections.

 

La décision du 11 janvier 1990 marque un renforcement du contrôle du Conseil sur la question des seuils. Il accepte de contrôler ce nombre minimum de suffrages, le contrôle se précise, s’affine, « le pluralisme semble être devenu une chose trop sérieuse pour être confiée au seul législateur»[114]. Le Conseil n’hésite pas à annuler le seuil de répartition fixé par le législateur, au nom du respect du pluralisme et de l’égalité des partis, «sans préciser pour autant quel seuil devrait être choisi pour respecter les exigences constitutionnelles »[115]. La jurisprudence du Conseil tend ainsi «à garantir et à aménager l’existence de la pluralité des tendances politiques qui est au cœur de notre système démocratique, dont la source se trouve dans la Déclaration de 1789 »[116] et précise les contours de la démocratie pluraliste française.

 

En vertu de l’article 3 du Protocole additionnel n°1 à la Convention EDH, les Etats parties sont tenus d’organiser des élections libres. Cette disposition, analysée par la Cour comme un principe caractéristique d’un régime politique réellement démocratique, comporte le droit de vote et de se porter candidat (liberté de candidature) et correspond à la liberté de choix par la défense du pluralisme politique. L’article 3 implique la liberté des partis politiques: liberté d’exister, liberté d’agir. Cette alternative apparaît induire une définition réduite du pluralisme politique. De même, bien que la représentation proportionnelle semble être le mode de scrutin le plus approprié pour respecter l’expression pluraliste des courants d’idée et d’opinion, aux yeux de la Cour, l’article 3 ne comporte pas la garantie d’une juste représentation, et d’une façon générale ne lie pas les Etats quant à leurs systèmes électoraux de l’exercice des droits politiques[117]. En revanche, la marge d’appréciation concédée aux Etats en matière de réglementation des dépenses de propagande de nature à être engagée par les citoyens, en dehors de l’action des partis politiques doit être soumise à un contrôle strict. La liberté d’expression et le droit de tenir des élections libres «étant interdépendants et se renforçant mutuellement, il est particulièrement important en période préélectorale de permettre aux opinions et aux informations de tous ordres de circuler librement »[118].

 

Il est curieux de relever qu’alors que la Cour européenne insiste davantage sur le rôle de la liberté de la presse dans le fonctionnement de la démocratie, c’est dans le domaine de la communication audiovisuelle que le Conseil constitutionnel a érigé le pluralisme en condition de la démocratie. Il convient également de souligner qu’en matière de communication, le pluralisme est qualifié d’une des conditions de la démocratie, alors que, s’agissant de l’activité politique, il est qualifié de fondement de ]a démocratie. Dans le domaine de la communication, le pluralisme constitue une condition parmi d’autres de la démocratie (quelles sont les autres ?) alors que, dans le domaine politique, une idée d’exclusivité se dégage de la formule employée par le Conseil. Dans les deux cas, le pluralisme des courants d’idée et d’opinion, constitue une situation, voire une assise indispensable de la démocratie. En fait, le pluralisme ne connaît pas une application uniforme en fonction des domaines, voire un contenu identique. Cette variation selon les matières confirme l’analyse du pluralisme comme une notion fonctionnelle.

 

Le Conseil s’attache à définir sa conception de la démocratie comme celle du libre choix : libre choix des médias, des opinions, des pensées, des mots pour les dire, du vote, mais aussi libre choix de l’enseignement, de la religion, du syndicat[119]. Si les qualifications varient, le pluralisme est désormais attaché à la démocratie de façon indissociable.

 

Section 2 : Une conception distincte du pluralisme et de la démocratie

Les fondements de la démocratie dont le Conseil constitutionnel s’érige en garant sont distincts de la conception européenne de la démocratie. Tout comme la CEDH, la conception du Conseil constitutionnel repose sur le pluralisme. Mais est-ce le même pluralisme ?

 

La combinaison des principes d’indivisibilité de la République, d’indivisibilité de la souveraineté nationale et de leur corollaire, le principe d’égalité a conduit le Conseil à une jurisprudence peu favorable à la reconnaissance du pluralisme, voire à sa négation. En affirmant que le pluralisme est une condition de la démocratie, le Conseil a pris soin de préciser à l’époque de quel pluralisme il était question : le pluralisme des courants d’expression socioculturels, et non le pluralisme institutionnel ou territorial ou celui qui permet de reconnaître l’existence de différentes composantes au sein du peuple français. Face à la diversité sociale, l’Etat fait émerger une conscience collective, en tant qu’il prend « la mesure tout à la fois d’une appartenance commune irréductible et un destin commun qui impliquent la poursuite de buts communs»[120].

 

L’article 3 de la Constitution qui précise que «la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par l’intermédiaire de ses représentants», ce qui souligne le rôle essentiel du droit de suffrage et des partis politiques chargés d’exprimer l’opinion publique. Mais, il précise également qu’« aucune section du peuple, aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice» et affirme l’unité du peuple français dont la volonté est une[121].

 

Il est admis que la démocratie, tout du moins une certaine forme de démocratie, plus précisément représentative, repose sur les concepts de représentation et de souveraineté nationale, si bien que l’appréhension de la notion de démocratie dépend de celle de ces deux concepts. Le concept de représentation, lié à celui de souveraineté, « contient en lui-même une tension difficile à surmonter … celle entre l’unité et la pluralité. L’unité est l’objectif à atteindre, celle du corps politique et de l’Etat car la volonté politique sera imputée à ce dernier. La pluralité est le reflet de la réalité sociale, celle de la multiplicité des individus, de leurs intérêts et de leurs opinions»[122]. La conception française se rattache à une interprétation unitaire de la représentation, plus précisément de la formation de la volonté politique, laquelle interprétation se distingue de l’interprétation pluraliste. D’une façon schématique, cette distinction correspond à l’opposition entre la conception française et la conception anglo-saxonne.

 

C’est  en liaison avec la liberté de communication que le pluralisme a été érigé en condition de la démocratie. Cette conception de la démocratie est centrée sur la délibération et la confrontation des idées et des opinions auxquelles les médias participent et souligne le rôle central joué par la liberté de communication dans le fonctionnement de la démocratie. La reconnaissance solennelle du pluralisme des courants d’expression, qualifié d’objectif à valeur constitutionnelle et de condition de la démocratie, «contient cependant en même temps les limites au rayonnement du pluralisme dans le droit constitutionnel français ». Reconnu en liaison avec les droits fondamentaux, il apparaît «enfermé dans la sphère sociale»[123]. Le pluralisme implique la participation au débat démocratique et par conséquent la discussion, la confrontation des opinions, nécessaires aux citoyens pour la désignation des gouvernants et le contrôle de leur action. Des liens entre la démocratie et l’expression pluraliste des courants d’idée et d’opinion ressort nécessairement une valorisation de l’expression politique en ce qu’elle contribue à forger l’opinion de ceux qui votent. Mais la démocratie ne saurait se limiter à une conception politique, elle englobe le débat culturel et social sans lequel le pluralisme est incomplet.

 

L’autre conception du pluralisme repose sur la définition que l’on entend lui donner. Le terme de pluralisme dérive du latin pluralis et non pluralitas, ce qui conduit à le distinguer du terme de pluralité. La notion de pluralisme n’est pas liée à un ordre de grandeur, et ne suppose pas dans l’absolu une appréciation quantitative que l’on retrouve dans la conception française. En principe, le pluralisme s’accommode d’une appréciation qualitative, relative à la composition d’un contenu en droite ligne avec la conception européenne.

 

En droit européen, la notion de démocratie, bien qu’elle représente un élément fondamental de l’ordre public européen, n’a pas reçu de définition précise compte tenu de la diversité des cultures nationales, mais se traduit par le nécessaire respect des droits de l’homme et la participation du plus grand nombre par le biais du pluralisme et présuppose la prééminence du droit et sa garantie par le juge. La Cour applique sa conception de la démocratie au contrôle qu’elle exerce, ce dernier « oscille entre une volonté d’harmonisation des droits de l’homme en Europe et un nécessaire respect des différentes traditions culturelles»[124]. Sa jurisprudence « traduit la recherche d’un délicat équilibre entre la définition d’une norme commune en matière de droits de l’homme et la préservation des particularismes étatiques (. ..) »[125]. A travers ses arrêts, la Cour EDH a précisé sa conception du régime démocratique, en faisant prévaloir « une conception éthique de la démocratie, inspirée par le pluralisme, sur sa conception technique, dominée par le règne de la majorité »[126].

 

La Cour européenne considère que « bien qu’il faille parfois subordonner les intérêts des individus à ceux d’un groupe, la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité; elle commande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement qui évite tout abus d’une position dominante »[127]. La Cour réitère l’affirmation d’une conception « conflictuelle et pluraliste» de l’esprit démocratique, dans des arrêts plus récents[128], notamment dans l’arrêt du 30 janvier 1998 Parti communiste c/Turquie, dans lequel elle considère que « l’une des principales caractéristiques de la démocratie réside dans la possibilité qu’elle offre de résoudre par le dialogue sans recours à la violence les problèmes que rencontre un pays et cela même quand  ils dérangent ».

S’agissant du débat d’idées et d’opinions, la conception française et la conception de la démocratie mise en valeur dans la jurisprudence européenne ne se dressent pas en totale contradiction, et s’accordent même sur ses vertus.

 

La conception de la démocratie centrée sur la délibération et la confrontation des opinions se rapproche éminemment de celle dégagée de la jurisprudence européenne qui place le libre jeu du débat politique, auquel les médias participent, au cœur de la notion de société démocratique et affirme que l’une de ses caractéristiques principales réside dans le dialogue. La Cour européenne développe une jurisprudence originale «plus insistante sur les droits des minorités que sur le pouvoir de la majorité »[129] et contribuant à l’émergence d’une «conception renouvelée de la démocratie qui tend à s’imposer dans les sociétés contemporaines» et dans la jurisprudence des cours constitutionnelles européennes[130].

 

Il ressort de cette conception de la démocratie, une valorisation de la délibération, du débat d’idées et d’opinions, notamment tel qu’il se présente dans les médias. Toutefois, suivant une démarche réaliste, il convient de remarquer que les médias imprégnés de la conception traditionnelle de la démocratie représentative sont loin de représenter toutes les opinions, et même si le pluralisme a progressé, les médias demeurent essentiellement le reflet des opinions dominantes ou majoritaires. S’il est permis de noter qu’un pluralisme minimal s’impose et de considérer que les médias « donnent occasionnellement la parole à n’importe qui» en fonction de l’actualité et de l’éclairage qu’ils entendent en donner, force est de constater qu’il serait erroné de prétendre que l’accès aux médias est ouvert[131].

 

Section 3 : Le pluralisme envisagé comme un fondement quantitatif du droit de la communication audiovisuelle

 Dans sa mise en œuvre au sein du droit de la communication, le pluralisme connaît une distinction doctrinale entre sa dimension interne et externe. Cette distinction est particulièrement pertinente s’agissant de l’audiovisuel: « le pluralisme dans /’audiovisuel ne se confond pas, comme dans la presse, avec la diversité des opérateurs, il prend ici /’ aspect d’un pluralisme des programmes qui suppose des garanties plus complexes»[132]. Ainsi, l’application de la notion de pluralisme à l’audiovisuel ne se suffit pas de la pluralité des organes ou supports d’information, mais suppose une appréciation qualitative ayant trait au contenu de l’information diffusée, à sa diversité. La recherche de cette diversité de l’offre et du contenu des programmes conduit, d’une part, à mettre en valeur la diversité des fonctions auxquelles les médias audiovisuels doivent répondre (le fameux triptyque« informer, éduquer, distraire ») à travers les différents genres de programmes à leur disposition et, d’autre part, à assurer un équilibre entre les opinions, par l’ouverture de chaque moyen de communication aux différents courants de pensée et d’opinions. Cette dimension du pluralisme, spécifique aux moyens de communication audiovisuelle, a généré une réglementation consistant à imposer aux émetteurs le des principes relatifs au contenu en vue d’assurer la diversité des tendances au sein des programmes diffusés. L’émergence du secteur privé de la communication audiovisuelle a eu pour effet d’adjoindre une dimension externe au pluralisme, dirigée vers la recherche de la pluralité des organes et des supports d’information. Cet impératif de pluralisme externe consiste à garantir la pluralité des opérateurs, à la fois par un dispositif anti-concentration à même d’assurer la pluralité et la variété des sources et des organes d’information, et par l’encadrement du choix des opérateurs à travers la procédure de délivrance des autorisations d’émettre.

 

La diversité de l’offre de programmes n’étant pas réductible à sa multiplicité, le pluralisme des supports de diffusion ne présente d’intérêt que dans la mesure où il permet d’assurer le pluralisme des programmes, aussi est-il finalisé vers la réalisation de l’acception interne du pluralisme. A l’heure de la convergence entre la communication audiovisuelle, l’informatique et les télécommunications prônant l’abandon de la réglementation relative au contenu, de l’engouement pour la technologie numérique conduisant à la remise en cause de la problématique de la rareté des supports de diffusion, il apparaît intéressant de s’interroger surie rôle d’un des principes fondateurs de la spécificité de la réglementation de l’audiovisuel et de souligner sa prégnance. La perspective puis la concrétisation progressive d’une relative abondance permet, à ce titre, la valorisation de la distinction entre pluralité et pluralisme. Le passage de la rareté des fréquences à leur relative abondance ne paraît pas de nature à remettre en cause cette notion, pas plus que sa portée au sein du droit de la communication audiovisuelle. L’aspect déterminant d’une telle réglementation demeure le choix relatif au contenu éditorial à la disposition des destinataires du message audiovisuel, si bien que le pluralisme, en tant que fondement qualitatif du droit de la communication audiovisuelle, conserve toute sa nécessité. Cela passe en outre, par une mesure de police : l’autorisation d’émettre. Cette procédure d’autorisation n’est pas remise en cause à l’ère du numérique alors qu’elle était justifiée véritablement par la rareté des fréquences disponibles.

 

Principe à même de rassembler un ensemble de règles disparates mais animées d’une même finalité, principal élément d’une conception unificatrice et d’une réglementation commune aux différents médias ordonnée autour de la prise en compte des intérêts des récepteurs, le pluralisme constitue un principe de cohérence du droit de la communication.

 

Le pluralisme externe et le pluralisme interne poursuivent la même finalité: la préservation de la diversité du contenu. Aussi est-il paradoxal de relever que des critères quantitatifs prédominent dans l’appréciation des dimensions internes et externes du pluralisme. Il s’agit du constat que l’on peut dresser au terme de l’étude de l’effectivité de la notion de pluralisme dans le domaine de l’information comme dans celui des programmes culturels. Le pluralisme suppose la reconnaissance des différences sociales et culturelles.

 

Dès lors, il est loisible de s’interroger sur la question de savoir s’il est possible d’envisager une définition qualitative du pluralisme. En effet, si la régulation s’étend aux contenus, une définition qualitative du pluralisme demeure difficile à appréhender et également à mettre en œuvre. La question du pluralisme des programmes doit se poser avant tout en termes de qualité des programmes et non par une abondance appréhendée exclusivement en termes quantitatifs.

 

L’ambition d’une télévision respectant le pluralisme des points de vue et des sensibilités existant sur les problèmes de société, les visions de l’histoire, les goûts artistiques et littéraires seraient de proposer des programmes représentatifs de cette gamme de sensibilités. Cette définition peut s’envisager à l’aune des caractéristiques fonctionnelles du message audiovisuel, c’est-à-dire en termes de fonction à remplir pour la satisfaction des destinataires du message. Une programmation de qualité correspond dès lors à la répartition entre des catégories d’émissions recouvrant les différents genres de la production audiovisuelle et correspondant à l’attente des différents publics, En l’absence de définition qualitative des programmes, la réglementation suspend la programmation culturelle à la réalisation de quotas de diffusion et de production et autres obligations quantitatives visant à faire figurer une certaine typologie des programmes dans l’offre des télévisions publiques et privées. Sachant que la seule présence de ces émissions dans la grille des programmes ne suffit pas pour garantir aux téléspectateurs la diffusion d’un savoir, d’une information, significative de /’expression d’une identité culturelle, qui se distingue de la seule volonté de communiquer un message, il est légitime de s’interroger sur la capacité du dispositif d’aide aux contenus à contribuer à une définition qualitative du pluralisme culturel.

 

L’élaboration d’une définition qualitative du pluralisme culturel se heurte à un obstacle de taille, celui de la définition qu’il convient de retenir de la culture. Une définition large conduit à englober tout ce qui peut caractériser une société alors qu’une conception élitiste suppose la prise de choix esthétiques et amène à n’envisager que certaines catégories de programmes tels ceux consacrés au théâtre, à la musique, aux arts en général.

En réalité, l’approche qualitative repose sur une politique volontariste menée par les opérateurs en concertation avec l’autorité de régulation, le CSA en l’espèce. La mesure de l’audience est peu opératoire s’agissant d’informer sur les aspects qualitatifs de la relation entre le public et les programmes et s’avère être un instrument particulièrement inadéquat pour apprécier si les chaînes remplissent correctement leurs missions. Aussi doit-elle être complétée par des indicateurs d’ordre qualitatif, seuls à même de porter le questionnement relatif à la faculté de l’offre de contenus à épouser une demande qui devient plus exigeante et plus pointue au fur et à mesure que les choix se multiplient grâce à l’abondance des réseaux de diffusion.

 

Chapitre 3 : Une liberté appréhendée sous l’angle du droit à l’information

 Quel que soit son support de diffusion, l’information ne bénéficie pas de texte la consacrant pleinement et exclusivement pour de multiples raisons. Elle a toujours été envisagée à travers la liberté d’expression ou de la communication.

 

Section 1 : La notion d’information

 La notion d’information fait l’objet de multiples définitions selon le domaine dans lequel elle est utilisée. Chaque domaine d’intervention « intègre l’information dans son propre champ d’étude et ne retient d’elle que des aspects partiels. Ainsi, les journalistes recherchent l’actualité, les sociologues la voient comme l’objet d’un bouleversement social, les cogniticiens et les informaticiens la perçoivent comme les données de la mémoire humaine ou artificielle »[133]. Bref, il existe toute sorte d’informations, appliquées à des domaines particuliers. L’information en la forme de données alphanumériques, constitue aujourd’hui une grande partie de l’offre de services sur l’Internet. S’il n’existe aucune définition consensuelle de l’information, le trait le plus fédérateur procède de l’idée que l’information est circulaire. La traduction de cette circularité appliquée au domaine de la communication, repose sur la relation qui s’instaure entre l’entreprise de communication, émettrice de l’information, et le téléspectateur, lecteur ou Internaute, récepteur de l’information.  Aussi, Messieurs Auby et Ducos-Ader proposent-ils comme définition de l’information, « l’action consistant à porter à la connaissance d’un public certains faits ou opinions à l’aide de procédés visuels ou auditifs comportant des messages intelligibles pour ce public ; l’information est également le résultat de cette action sur ces destinataires »[134] [135].

 

L’information peut s’entendre d’une activité qui est liée à l’intervention de l’homme, émetteur, et de l’homme, récepteur. L’acte d’information est générateur de droits et obligations pour les personnes qui l’émettent et le reçoivent ; il peut rassembler en son sein un devoir d’informer ainsi qu’un droit à être informé, sous réserve de l’absence de divulgation de certaines informations tenues secrètes. L’acte d’information renvoie directement à la liberté d’information, qui elle-même est rattachée à la liberté d’expression, clef de voûte du droit de la communication dont la protection relève de l’article 11 de la DDH. Son adjonction à la liberté d’expression lui donne une portée générale ; la liberté d’expression caractérise l’acte qui permet à un individu d’exprimer sa pensée, sans se soucier véritablement du contenu et du procédé utilisé. Dès lors qu’il est question du contenu du service en ligne, c’est précisément à la liberté d’information qu’il faut faire référence, au motif qu’elle « n’a pour objet que de déterminer l’aptitude de chaque média à remplir une mission générale à l’égard du public »[136].

 

C’est l’affirmation d’une liberté pleine et entière de la presse qui est à l’origine du droit à l’information. Cependant, le principe de liberté s’est, dans un premier temps, attaché à protéger les acteurs de la communication, et tout particulièrement les émetteurs en préservant la liberté d’entreprendre. Cette interprétation du principe de liberté est conforme au texte de la Déclaration de 1789 qui, s’insurgeant historiquement contre la censure, occulte la liberté du récepteur. L’information est donc considérée comme un objet de droit, c’est le droit de l’information, issu des lois sur la presse. Mais l’information n’est qu’un élément de la presse parmi d’autres, sans règles spécifiques distinctes de ses autres composants, envisagée essentiellement à travers ses supports de diffusion.

 

L’évolution de la société démocratique a permis de développer une conception différente mais néanmoins primordiale de l’information. Elle ne va plus être un simple objet de droit. Le destinataire de l’information va être au cœur de la liberté de la presse. Ainsi, dès les années 1960, quelques écrits attestent de la reconnaissance d’un certain droit à l’information. L’Encyclique Pacem in Terris, publiée le 11 avril 1963 révèle les prémices d’un droit à l’information à travers le droit de tout être humain à une information objective. En avril 1964, le pape Paul VI, lors du séminaire des Nations Unies sur la liberté de l’information, déclare :

« Le droit à l’information est un droit universel, inviolable et inaltérable de l’homme moderne. Il s’agit d’un droit à la fois actif et passif : d’une part, la recherche de l’information, et, d’autre part, la possibilité pour tous de la recevoir »[137].

 

Section 2 : Vers la reconnaissance d’un droit à l’information

 C’est dans les années 80 que l’on s’oriente, en France, vers la reconnaissance d’un droit à l’information à travers les lois sur la communication et les décisions du Conseil constitutionnel s’y rattachant. Le Conseil s’est fait l’interprète de l’article 11, en consacrant la liberté de recevoir des idées et des opinions. Partant, à la lumière de ce texte, il protège le récepteur, imposant « la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels »[138]. De sorte que les destinataires de la liberté de communication sont « à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés, ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu’on puisse en faire l’objet d’un marché »[139]. En protégeant la liberté du récepteur, le Conseil constitutionnel met l’accent sur sa liberté de choix. A l’aune de ses décisions, il envisage cette liberté de choix et la protège support par support, dans le cadre de la préservation du pluralisme externe –concurrence des supports- et du pluralisme interne –diversité des messages-. Cependant, le pluralisme recherché, autorise une approche globalisante de la liberté de choix du récepteur dès lors qu’elle est peu ou prou la même, quels que soient les supports. Il est loisible de se rendre compte que l’exercice de cette liberté est conditionné légitimement, et dans une certaine mesure par les contraintes techniques inhérentes aux supports de communication, mais également par les exigences commerciales. La constitution de grands groupes de communication à l’échelle mondiale induit la concentration des moyens d’information, et malmène par voie de conséquences la réglementation applicable. Ce principe de liberté, chèrement conquis, doit s’adapter en permanence aux évolutions sectorielles de la communication.

 

La liberté d’expression reste la notion englobante qui chapeaute l’ensemble des libertés afférentes au contenu et aux supports de l’activité d’information. Elle fait le lien entre les diverses libertés reconnues par le législateur qui en fonction de leur degré de protection oscillent de la liberté proprement dite vers le droit exigible. Le terme générique de liberté, qu’il soit associé à l’expression ou à l’information, est révélateur de la relativité de la notion et du caractère objectif des règles qui s’y rattachent. La notion de droit se distingue par sa référence à la subjectivité et au pouvoir d’exigence dont est titulaire le récepteur sur l’acte même d’information. Ce droit à l’information consiste à reconnaître au récepteur « non plus seulement la liberté de recevoir l’information existante mais également l’aptitude juridique à bénéficier d’une information effective et – conformément à la notion même d’information – objective »[140]. Il s’agit de lui reconnaître également la possibilité de faire sanctionner toute atteinte au respect de ce droit.

 

Le droit à l’information est, depuis 2005, énoncé au sein de la Charte constitutionnelle de l’environnement ; « Art. 7. – Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. »[141]. Cependant, ce texte n’a pas de portée générale puisqu’il concerne la protection de l’environnement.

Cet article distingue l’information de la participation, et il est libellé de manière large. La notion de «décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » pourrait inclure les actes réglementaires. Selon le Professeur Prieur, le législateur pourrait à l’aune de cet article contraindre l’administration à publier ses projets de décrets, et à prendre en considération les observations qui seront faites par « toute personne » sur ces projets. Contrairement à l’alinéa 8 du Préambule de 1946, la participation en matière d’environnement ne concerne que « l’élaboration » et non la « détermination » des décisions. Ainsi, l’article 7 n’est pas une disposition de compétence mais de procédure, bien moins aboutie que la Convention d’Aarhus[142], texte de référence en la matière, qui met l’accent sur le lien entre la dimension substantielle du droit à l’environnement et sa dimension procédurale. Elle affirme qu’ «afin d’être en mesure de faire valoir ce droit ( … ), les citoyens doivent avoir accès à l’information, être habilités à participer au processus décisionnel .. » (cons. n° 2). Bref, la Convention distingue le droit à l’information de l’accès à l’information ou du droit à la participation. Ce que ne fait pas avec autant de clarté la Charte constitutionnelle de l’environnement puisqu’elle ne distingue pas le droit à l’information de l’accès à l’information.

 

A partir de ce constat, deux réflexions peuvent être formulées :

– Aucun autre texte fondamental de portée plus générale n’existe en France. Le droit à l’information est référencé au sein de dispositions législatives portant sur des domaines spécifiques.

– en l’état actuel de la législation, tout au plus est-il loisible de reconnaître en droit interne, un droit d’accès à l’information. En effet, la loi garantit l’accès technique à l’information quel que soit le support et non le contenu même de l’information. En réalité, est visée la mise à disposition du matériel de réception.

 

En droit interne, la notion de droit à l’information est relativement peu présente. Elle est consacrée expressément dans quelques textes législatifs, dont l’application ponctuelle ne peut prétendre à la reconnaissance d’un droit à portée générale. Il en va ainsi des lois qui garantissent la transparence administrative ; la loi n°78-753 du 17 juillet 1978, portant diverses mesures entre l’administration et le public dispose, dans son article 1er que « le droit de toute personne à l’information est garanti […] en ce qui concerne la liberté d’accès aux documents administratifs ». De même, l’article 1er de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 « relative à la motivation des actes administratifs », prévoit que « les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives défavorables qui les concernent ». Le droit à l’information est également référencé dans la loi n°2000- 321 du 12 avril 2000, relative aux droits de citoyens dans leurs relations avec les administrations[143].

 

Plusieurs explications peuvent être avancées ; d’une part, il est incontestable que l’Etat garde la « mainmise » sur certains types d’informations, couvertes par le secret d’Etat ou la Défense nationale et qui de ce chef, ne circulent jamais librement. D’autre part, et dans la mesure où les informations diffusées par certains supports de communication échappent à tout contrôle des pouvoirs publics, le vieux réflexe protectionniste conduit à ne pas reconnaître un droit dont l’exercice emporte des conséquences qui ne peuvent être maîtrisées. La scène juridique internationale n’a pas tenu compte de ces réticences, finalement interne à l’Etat, en consacrant de nombreux travaux, dont sont issus textes et conventions, à la liberté d’information et plus spécialement au droit de recevoir des informations[144].

 

C’est en réalité, sous l’empire de ces textes à vocation internationale (article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) ou à vocation régionale (article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) que le droit à l’information est le plus souvent mis en œuvre.

La Déclaration universelle des droits de l’homme, par exemple, consacre la liberté d’expression, la liberté d’opinion et d’information, dans un même paragraphe. Il convient de ne pas confondre opinion et information[145], la conséquence pour le destinataire essentiel de ces libertés, à savoir le public ou le lecteur, est primordiale. Une information est intrinsèquement objective (même si une pure objectivité est impossible), l’opinion est subjective. C’est à partir d’une information que l’on pourra se faire ou exprimer une opinion. La frontière entre les deux notions est parfois subtile, les conséquences ne seront pas les mêmes en matière de déontologie et d’honnêteté de l’information.

 

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966[146] semble mieux protéger la liberté d’opinion car les limites qu’il préconise ne concernent que la liberté d’expression. Cette distinction sous-entend que l’on peut exprimer n’importe quelle opinion qui pourra influencer son destinataire, alors que toute information ne saurait être diffusée. Cette distinction se justifie si le receveur de l’information a les moyens d’analyser la différence entre une information et une opinion. Le problème est que les deux notions sont la plupart du temps mélangées, assimilées. L’article 19 reprend les termes de la Déclaration universelle. Les devoirs spéciaux et la responsabilité des médias sont soulignés. Contrairement à la DUDH, cet article pose des limites à la liberté d’expression, ces limites seront reprises dans les lois françaises.

 

Malgré d’importantes restrictions apportées à la liberté, la Cour européenne des droits de l’homme interprète l’article 10 CEDH de manière très protectrice de la liberté. Selon la Convention, la liberté d’expression comprend la liberté d’opinion et d’information. Contrairement à la DUDH et au Pacte de 1966, on ne décèle rien sur la liberté de rechercher des informations ou des idées. Cette omission aurait été délibérée. L’examen des travaux préparatoires de la Convention révèle que le comité d’experts avait proposé une variante A-A2 qui mentionne le droit de chercher des informations et des idées et une variante B-B2 qui omet cette expression. Il semblerait que cette omission volontaire fut délibérément acceptée pour éviter l’obligation du corollaire de la liberté de rechercher des informations : le devoir de l’Etat d’en fournir. Mais la jurisprudence admet que la liberté de rechercher des informations est implicitement contenue dans l’article 10 de la CEDH. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a relevé à plusieurs reprises cet oubli et le Comité des ministres pensait adopter un protocole additionnel. Un avis de la Cour européenne, ainsi que sa jurisprudence ont rendu l’adoption de ce protocole inutile. La Cour a estimé que le droit de toute personne de rechercher des informations était tacitement inclus dans l’article 10. Cette conclusion paraît assez logique car la réception et la communication libres des informations ne sauraient exister pleinement si la recherche libre de l’information n’est pas garantie. Cependant, selon la jurisprudence, la recherche de l’information est plus libre pour le journaliste que pour le citoyen qui veut avoir accès à des informations administratives[147]. L’article 10 souligne que l’exercice des libertés rattachées à la liberté d’expression comporte des devoirs et des responsabilités. Mais ces devoirs et responsabilités ne sont pas mentionnés, d’où un déficit certain en matière de déontologie de l’information. Les limites doivent être prévues par la loi, et les mesures doivent être nécessaires dans une société démocratique. Toutefois, la liberté, même si elle n’est pas absolue, doit s’exercer sans ingérence des autorités publiques. Cela suppose la suppression des systèmes d’autorisation et de la censure préalable. Dans le même sens, chacun a le droit d’avoir sa propre opinion. La CEDH a précisé qu’il était indifférent que l’opinion émise soit conforme à la pensée générale ou bien choquante, voire inquiétante[148].D’une façon générale, la liberté d’opinion est particulièrement protégée par le juge européen, malgré les limites liées à la sauvegarde des droits d’autrui.

 

La nouvelle Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’intéresse à la liberté d’expression et va même jusqu’à reconnaître timidement la liberté d’information dans son article 11, « Liberté d’expression et d’information ». Aucune déclaration précédente n’a inscrit textuellement la « liberté d’information »[149]. Selon les explications tirées des rapports d’étude, l’interprétation de cet article doit se faire à la lumière de l’article 10 de la CEDH : « En application de l’article 52, paragraphe 3, ce droit a le même sens et la même portée que celui garanti par la Convention et les limitations à ce droit ne peuvent excéder celles prévues dans le paragraphe 2 de l’article 10, sans préjudice des restrictions que le droit communautaire peut apporter à la faculté des Etats membres d’instaurer les régimes d’autorisation visés à l’article 10 § 1, troisième phrase de la CESDHLF. Le paragraphe 2 de cet article explicite les conséquences du paragraphe 1 en ce qui concerne la liberté de la presse »[150].

 

Section 3 : La nature juridique du droit à l’information

 Le Conseil constitutionnel, en disposant dès 1986[151] que « l’objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs, qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789, soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés, ni les pouvoirs publics puissent y substituer leur propre décisions ni qu’on puisse en faire les objets d’un marché », a constamment réitéré le même objectif : le public a le droit de choisir les idées et opinions auxquelles il souhaite avoir accès. Autrement dit, la position adoptée par le Conseil constitutionnel procède de la volonté d’accentuer la liberté de choix des destinataires du message audiovisuel, et de donner au téléspectateur la place qui était jusqu’alors acquise au seul émetteur, au titre de l’article 11 DDH.

 

Nonobstant, le Conseil constitutionnel n’en a pas expressément déduit le caractère fondamental du droit à l’information, et plus généralement de la liberté de réception. En effet, le juge constitutionnel consacre une approche du droit à l’information volontairement sibylline, de sorte qu’il n’est guère possible de lui consacrer en l’état, valeur constitutionnelle. Cependant, en l’espèce le silence gardé ne permet pas de facto de garantir le respect du droit à l’information. Seule une référence claire et précise au droit à l’information du public pourrait ouvrir la voie de la constitutionnalisation. Or, le Conseil procède, par défaut, à la reconnaissance d’un objectif à réaliser, « celui de rendre effective, à travers la sauvegarde du pluralisme, la liberté des choix des destinataires de l’information »[152]. La formulation d’objectifs de valeur constitutionnelle qui repose sur une interprétation téléologique et finalisée du droit, participe à « l’instrumentalisation du droit » en fixant des objectifs à atteindre[153]. Il appartient alors au législateur, sur le fondement de l’objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme, tout à la fois, de mettre en œuvre la liberté de communication et d’en limiter la portée pour préserver les valeurs d’une société démocratique ou répondre à des besoins collectifs fondamentaux[154]. De sorte que l’objectif de valeur constitutionnelle n’a en soi aucune autorité juridique ; il ne l’acquiert que par rapport au contenu de la législation qui le met en œuvre. S’il se concilie avec des droits et libertés fondamentaux, on ne peut affirmer systématiquement leur valeur constitutionnelle. D’ailleurs l’objectif à valeur constitutionnelle s’incline facilement devant l’invocation d’un droit fondamental ou d’un motif impérieux d’intérêt général[155]. La seule certitude réside dans leur supériorité à la loi[156]. Par conséquent, si le Conseil constitutionnel reconnaît l’existence d’un besoin du public à être informé de manière pluraliste, il en tire un enseignement qu’il fait parvenir au législateur sous la forme d’un objectif de valeur constitutionnelle. La signification en est que « l’exigence légitime du public à l’information emporte des conséquences dont il faut tenir compte lors de la mise en œuvre de la liberté de communication »[157].

Du reste, si la protection législative du droit à l’information – directe par la référence à la notion d’objectivité ou d’exactitude, et indirecte par la référence à l’objectif de pluralisme[158] – offre toutes les garanties nécessaires, il n’est certes pas opportun de reconnaître une valeur constitutionnelle au droit à l’information.

 

La reconnaissance constitutionnelle d’un tel droit aurait une réelle portée seulement si son effectivité n’était pas garantie par la protection constitutionnelle d’autres droits et libertés dans le cadre duquel il s’inscrit. Tel est le cas incontestablement de la liberté d’expression à laquelle il est également reconnu le caractère de droit fondamental. Le droit constitutionnel à l’information dans le domaine de l’environnement, tel qu’il est garanti par les dispositions de la Charte de l’environnement, ne sert pas notre démonstration sauf à reconnaître une conception très, très extensive du droit de l’environnement…

 

La liberté de recevoir des informations contenue à l’article 10 CEDH pourrait être qualifiée de droit fondamental. En effet, la condition nécessaire à la reconnaissance des droits fondamentaux, résulte de la constitutionnalité de ceux-ci ou de leur consécration par un traité international, « sans être forcément qualifié de tel »[159]. Autrement dit, le droit à l’information répond à cette première condition dès lors qu’il est implicitement consacré par l’article 10 CEDH. Cependant cette condition n’est pas suffisante et se combine avec l’existence d’un titulaire certain pour ce droit, ainsi qu’un régime juridique précis. Le droit fondamental « est un droit subjectif […], constitutionnellement protégé au profit d’une personne qui peut dès lors l’opposer à l’Etat et dont elle peut se prévaloir devant les tribunaux »[160]. Reste alors à savoir si le droit à l’information est d’une part, un droit subjectif et si d’autre part, il existe un titulaire certain pour ce droit.

 

Pour autant, l’intérêt qu’il suscite et la force des revendications dont il fait l’objet, incitent à s’interroger sur la possibilité d’octroyer un droit subjectif à l’information au récepteur. Monsieur Terré fait valoir à ce sujet que le glissement des libertés vers les droits de l’homme se prolonge vers la reconnaissance de droits subjectifs « d’esprit individualiste »[161]. Dans le même esprit, Monsieur Chevallier constate que « s’efforçant de garantir l’accès de tous à l’information, on se préoccupe de l’exercice concret de la liberté de communication et on la transforme en véritable droit subjectif au profit des individus »[162]. La reconnaissance d’un droit subjectif à l’information permettrait d’en garantir son application directe et concrète, notamment en ouvrant la possibilité d’un recours juridictionnel[163]. 

Cette conception classique « utilitaire »[164] des droits subjectifs repose sur l’existence d’intérêts protégés par la loi, qu’il est possible de recouper en deux éléments « l’un substantiel, dans lequel réside le but pratique du droit, et qui est l’utilité, l’avantage, le gain assuré par le droit l’autre formel, qui se rapporte à ce but uniquement comme moyen, à savoir : la protection du droit, l’action en justice »[165]. Selon cette conception, la consécration d’un droit subjectif vaudrait «pour toutes les altérations directes ou indirectes, conscientes ou inconscientes. Il pourrait être invoqué quel que soit l’organe de l’altération, ce qui lui donnerait une portée bien plus grande […] La protection assurée serait ensuite une protection automatique. Le droit subjectif est sanctionné par une action en justice ayant pour objet de mettre fin à l’atteinte qui lui est portée. La victime n’aurait pas à rapporter une faute de l’altérateur, pas plus qu’elle n’aurait à prouver un préjudice même moral »[166].

 

Partant, la reconnaissance d’un droit subjectif à être informé suppose que le sujet passif, c’est à dire le récepteur, puisse se prévaloir d’un intérêt collectif à l’information, qui est lui-même directement exigible lors d’une action en justice. Or, en matière d’information, la protection du sujet passif n’est pas en elle-même autonome mais « n’est que le reflet de l’aspect actif », de la relation entre l’émetteur et le récepteur ; il en résulte que « nul ne peut exercer la faculté de recevoir une information [exacte et honnête] si quelqu’un n’a pas pu exercer, préalablement ou simultanément, la faculté de communiquer »[167]. 

Le récepteur est dans une situation passive au regard de la règle de droit objective qui fixe la réglementation du contenu de l’information applicable à l’émetteur[168].

 

Selon une conception qui relève de la matière des libertés publiques, le droit à l’information se ramènerait à un droit-créance, auquel on reconnaît une protection législative. La catégorie des droits-créances est plus large que celle des droits subjectifs[169], et correspond à l’idée que certains droits constituent « des créances par lesquelles l’individu peut exiger de la société un ensemble de prestations positives »[170]. La nécessaire intervention de la société permet à ces droits d’exister, ce qui les distinguent des libertés traditionnelles pour lesquelles la société intervient afin d’en faciliter l’exercice[171]. Par conséquent,  la proclamation d’un droit-créance met à la charge de l’Etat une obligation de résultat. Jean Rivero illustre cette obligation, en précisant que ces droits « ne peuvent recevoir satisfaction qu’après la mise en place d’un appareil destiné à répondre aux exigences des particuliers. Le service public est donc, pour la satisfaction de tels pouvoirs, le procédé le plus normal »[172]. A titre d’illustration, le droit à la santé, tel qu’il est proclamé par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ne peut se réaliser que dans le cadre de la Sécurité sociale ou de la Couverture maladie universelle. L’Etat dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour mettre en œuvre le droit-créance dans la mesure où l’objet du droit proclamé n’est pas défini jusqu’à l’intervention du législateur. Or, dans le domaine de la communication l’intervention du législateur, même dans le cadre du service public de l’audiovisuel, ne définit pas clairement les modalités de mise en œuvre du droit à l’information. On ne saurait déduire des obligations mises à la charge des diffuseurs, l’existence d’un droit-créance à l’information du téléspectateur. D’ailleurs, une telle reconnaissance conduirait l’Etat à s’immiscer plus largement dans l’élaboration de la grille des programmes, au risque de mettre en péril le principe même de liberté, et plus précisément le pluralisme, son corollaire.

 

Enfin, la qualification de droit fondamental suppose que le droit à l’information trouve incontestablement un titulaire pour bénéficier de la protection qui lui est accordée. Sur ce point, tant la jurisprudence que la doctrine sont prolixes pour qualifier le titulaire du droit à l’information.

Il peut s’agir selon les cas du téléspectateur, du lecteur, de l’auditeur, de l’internaute, du public, du récepteur, du citoyen ou du consommateur, du client ou même du journaliste… pour n’employer ces vocables qu’au singulier, dès lors que le pluriel peut être un autre élément de différenciation.

 

Le Conseil constitutionnel a eu à qualifier les récepteurs de la presse et de l’audiovisuel en réitérant un considérant de principe qui laisse planer le doute sur la détermination du titulaire du droit à l’information. A l’égard de l’audiovisuel par exemple, le Conseil constitutionnel indique seulement que le téléspectateur est « au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789 ». Le besoin d’être informé appartient également à chaque citoyen ou bien au citoyen-téléspectateur et, il peut être envisagé comme une condition de la démocratie. De même, il appartient à chaque consommateur ou bien au consommateur-télépectateur et, il procède de la reconnaissance de la liberté de choisir les produits et services qu’il souhaite consommer. Enfin, le besoin d’être informé appartient également aux personnes morales qui, en vertu des dispositions de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982, sont susceptibles de faire jouer leur droit à l’information en exerçant un droit de réponse lorsqu’elles sont mises en cause par le contenu d’un message télévisé. Du même coup, le vocable « destinataire » ne peut être neutre[173]. Chaque destinataire de l’information peut lui donner un contenu différent et peut présenter des exigences distinctes. La pluralité des destinataires se heurte à la possibilité de reconnaître le téléspectateur comme étant le seul titulaire du droit à l’information. Par conséquent, le droit à l’information du téléspectateur peut-il, tout au plus, être qualifié de « faux droit subjectif »[174] ou de « droit naturel de l’homme »[175], qui sans intervention de la puissance publique ne peut rentrer dans la catégorie des droits constitutionnels. Au regard des derniers éléments le droit à l’information ne paraît pas trouver sa place dans la catégorie des droits fondamentaux[176]. Ce raisonnement est transposable à l’égard de tous les supports.

 

Section 4 :  La reconnaissance du droit à l’information par les juridictions

Même s’il n’est pas reconnu très explicitement par le Conseil constitutionnel, les juges se réfèrent au droit à l’information, pour le concilier avec les droits de la personnalité et l’ordre public. Le juge judiciaire se montre audacieux en la matière, puisqu’il n’hésite pas à reconnaître, autant que faire se peut, le «droit du public à l’information« , pour le faire prévaloir sur les droits de l’auteur sur son œuvre[177], sur les droits d’exclusivité de diffusion contractés par les entreprises de communication audiovisuelle[178], sur l’exploitation médiatique de la personnalité d’un tiers[179] ou pour admettre un recours en responsabilité[180]. Le juge judiciaire déduit ce droit de l’interprétation que le Conseil constitutionnel entend donner de l’article 11, dans la mesure où il estime qu’aucune disposition légale ne peut servir de fondement à un tel droit[181]. En réalité, le juge judiciaire fait reposer ce droit à l’information sur l’article 10 de la CEDH comme étant un fondement de la liberté d’expression[182]. Il en va de même du juge administratif[183].

 

Cette position des juges est justifiée par le fait que l’information est à destination du public dès lors, celui-ci devrait pouvoir se prévaloir de ce droit. Le droit à l’information deviendrait un droit subjectif. Le TGI de Paris a considéré en 1995 que : « Le Conseil constitutionnel place l’impératif d’honnêteté au même rang que le respect du pluralisme de l’information. Ainsi se trouve reconnu un droit à l’information, contrepartie nécessaire à la liberté d’expression. Si le Conseil supérieur de l’audiovisuel est seul garant du pluralisme de l’information, la protection du droit subjectif à l’information relève de l’autorité judiciaire. Étant titulaire d’un tel droit, un particulier est recevable à agir s’il s’estime atteint dans les prérogatives qui y sont attachées » .Cette décision est encore plus explicite puisque le juge place sur un même rang le pluralisme, l’honnêteté de l’information et le droit à l’information. Le pluralisme et l’honnêteté sont les conditions d’existence du droit à l’information, droit subjectif. Même si ce jugement semble très clair sur l’existence du droit à l’information comme droit subjectif, nous l’avons vu, n’est pas une évidence.

 

Mais ce qui caractérise le plus un droit subjectif, qui le distingue du droit objectif, c’est la possibilité pour son titulaire de le faire valoir en justice. Malgré la compétence des juridictions et des organes de régulation (CSA), la justiciabilité du droit à l’information est encore incomplète[184].

 

Section 5 : L’honnêteté de l’information, fondement du droit à l’information

 Dans sa décision de 1994[185], en se référant à l’impératif d’honnêteté de l’information, le Conseil constitutionnel place le citoyen au cœur du dispositif de communication : « la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la Déclaration de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent les moyens de communication audiovisuelle n’était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur privé que de celui du secteur public, de programmes qui garantissent l’expression de tendances de pensée différent dans le respect de l’impératif d’honnêteté de l’information ».

La notion d’impératif est intimement liée à celle de devoir, d’éthique. Peut-être est-ce pour cette raison que le Conseil constitutionnel a fait le choix de l’impératif plutôt que celui de l’objectif de valeur constitutionnelle ou du seul principe constitutionnel afin de se démarquer du pluralisme.

 

L’honnêteté de l’information réunit ces deux principes : la morale du journaliste par nature, comme loi universelle, dans le respect du principe constitutionnellement reconnu. Les lois morales s’imposent à l’Etat comme aux individus, par la réalisation des droits naturels dans le droit positif. Les journalistes, en refusant l’établissement d’une règle déontologique légale, peuvent se réclamer de l’impératif catégorique, inhérent à tout être humain, reflet de la loi universelle, de la morale.

 

Pour le Conseil constitutionnel, l’honnêteté de l’information est un impératif constitutionnel. A chaque fois qu’il a utilisé la notion, le principe en cause répondait à un souci d’éthique, de morale. On retrouve bien sûr le caractère moral dans la qualité d’honnêteté, mais la notion de nécessité absolue, non soumise à conditions, nous révèle l’importance de ce principe qui doit être élevé au même rang de protection que les autres règles constitutionnelles. 

La notion d’impératif est donc unique en son genre, d’un point de vue strictement technique. Le Conseil constitutionnel a à sa disposition des principes à valeur constitutionnelle, des objectifs de valeur constitutionnelle, des principes particulièrement nécessaires à notre temps, des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République… Les ressources sont nombreuses, faisant parfois l’objet de polémiques. L’examen des lois sur la communication a donc été l’occasion de dégager une nouvelle notion : l’impératif. Personne ne s’est vraiment interrogé sur la valeur de la notion d’impératif. En revanche, le Conseil constitutionnel a utilisé quelquefois cette appellation d’impératif. Au delà de l’impératif d’honnêteté de l’information, apparaît aussi l’impératif de protection de la santé publique, l’impératif de sincérité[186].

 

Dans cette catégorie de principes que constituent les impératifs, apparaissent donc les principes d’honnêteté, de protection de santé publique et de sincérité. Alors qu’un objectif de valeur constitutionnelle est plutôt considéré comme un but à atteindre, une directive à prendre en considération, l’impératif serait plutôt une obligation à respecter. Certes, ces impératifs ne se rattachent à aucun texte constitutionnel précis, mais ce n’est pas un critère déterminant pour reconnaître la valeur constitutionnelle ou non d’un principe. Les impératifs doivent être conciliés avec d’autres libertés, principes ou droits, la communication par exemple pour l’honnêteté, tout comme les objectifs de valeur constitutionnelle ou même les PFRLR. Les principes reconnus comme des impératifs relèvent, il est vrai, surtout d’une valeur morale, plutôt que juridique. Mais l’éthique et le droit sont souvent entremêlés, d’autant plus lorsque les libertés prennent en considération le citoyen, qu’il soit contribuable, malade ou consommateur d’information. F. Luchaire a eu l’occasion de préciser à propos d’un article sur la sécurité juridique que les impératifs constitutionnels « connaissent aussi des limites, on dira de la sécurité juridique, comme de la plupart des impératifs, qu’elle doit rendre des comptes à l’intérêt général »[187] . On peut donc aller jusqu’à dire que la notion d’impératif sert à protéger le citoyen dans une société à la recherche d’un certain degré d’éthique, avec comme objectif la satisfaction de l’intérêt général.

 

Le Conseil constitutionnel a fait découler l’impératif d’honnêteté de la liberté de communication. Il lie cet impératif, tout comme l’objectif constitutionnel de pluralisme, aux lecteurs ou téléspectateurs qui sont les destinataires essentiels de l’information. La formulation peu claire du Conseil constitutionnel ne permet pas de savoir s’il faut distinguer le droit à l’information d’une façon autonome, ou le droit à une information pluraliste et honnête. Le juge judiciaire apportera une réponse, en associant dans la plupart de ses décisions le droit à l’information et l’honnêteté de l’information. Ces deux principes constitutionnels, en rendant la liberté de communication effective, permettent aussi au citoyen de bénéficier de son droit à l’information. Mais l’affirmation constitutionnelle de l’objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme et de l’impératif d’honnêteté perd tout son sens si leur mise en œuvre ne respecte pas le droit à l’information du citoyen.

  

3ème Partie : La protection de la liberté de communication, condition nécessaire à la création d’un espace public de discussion

 La liberté d’expression autorise l’ingérence des pouvoirs publics dont le rôle est d’empêcher que l’exercice de cette liberté ne nuise à autrui (I et II). C’est à cette seule condition qu’il existera un espace public pour la discussion (III)

 

Chapitre 1 – Conciliation ou ingérence des pouvoirs publics dans l’exercice de la liberté de communication ?

Divergence de conception ou simple distinction sémantique, ce paragraphe se rapporte aux limites que la CEDH ou le Conseil constitutionnel, vont apporter à l’exercice de la liberté d’expression.

 

Section 1 : Les ingérences nécessaires dans une société démocratique

 La Cour européenne rappelle quasi-systématiquement que « la liberté d’expression est une des conditions de base pour le progrès des sociétés démocratiques et pour le développement de chaque individu »[188]. Elle s’entend comme le droit d’exprimer son opinion ou une information. Quant à la société démocratique, elle se caractérise par la tolérance et l’esprit d’ouverture. Comme a pu l’écrire J. Rivero, « que serait une démocratie dans laquelle ne s’affronteraient pas des opinions librement formées au terme d’une information largement diffusée et des options différentes sur ce que requiert le développement de la Cité »[189].

 

Cependant, la liberté d’expression ou d’information n’est pas absolue, l’Etat peut interférer avec ces libertés mais seulement dans les conditions définies par l’article 10 §2 de la Convention européenne : « l’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité du territoire ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre ou à la prévention du crime, à la protection de la santé et de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles et pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire»). La Cour européenne contrôle la proportionnalité et la nécessité des restrictions, mises en œuvre par la «loi». La Cour constate que dans «prévue par la loi» le mot «loi» englobe à la fois le droit écrit et le droit non écrit, par les États parties à la Convention[190]. À ce titre, la Cour admet les restrictions que si elles sont proportionnées au but recherché[191]. Même si la Cour ménage une marge d’appréciation aux États parties quant à la formulation des restrictions, il s’agit avant tout de garantir l’effectivité des droits attachés à l’article 10 CESDH.

 

En effet, les cas de restrictions légitimes doivent être prévus par la loi et ne peuvent être admis que lorsqu’ils sont considérés comme nécessaires dans une société démocratique. Les restrictions à l’exercice de ces libertés sont celles visant à protéger l’intérêt général[192], les droits individuels[193], et les restrictions nécessaires pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. Pour être admissible, toute limitation à l’exercice de la liberté doit être prévue par la loi, nécessaire dans une société démocratique.

 

Le travail du juge consiste à mettre en balance l’ingérence étatique dans la liberté d’expression, dénoncée par le requérant, et les intérêts que cette ingérence tend à protéger. Ce travail d’appréciation, sous l’angle de la Convention, des mesures concrètes prises par les autorités nationales s’effectue toujours en laissant aux autorités concernées une certaine «marge d’appréciation ». Or, en matière de liberté de communication, on constate que la Cour effectue un contrôle extrêmement poussé, laissant une marge d’appréciation très limitée aux Etats. Ceci renforce encore davantage la place de la liberté de communication dans la société démocratique promue par le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’homme. Comme le dit la Cour elle-même, le besoin étatique de restreindre la liberté d’expression «doit se trouver établi de manière convaincante ». Ce contrôle de la Cour porte tout à la fois sur les techniques de limitation de la liberté et sur la nécessité des intérêts à protéger face à celle-ci.

La Cour n’écarte a priori aucune modalité qui permette aux autorités étatiques de faire respecter les intérêts protégés par le second paragraphe de l’article 10. Dans l’affaire Observer et Guardian de 1991, elle rappelle que « l’article 10 de la Convention n’interdit pas lui-même toute restriction préalable à la publication », comme en témoignent les termes «conditions », «restrictions », «empêcher» et «prévention » qui y figurent. Mais, «de telles restrictions présentent [… ] de si grands dangers qu’elles appellent de la part de la Cour l’examen le plus scrupuleux. Il en va spécialement ainsi dans le cas de la presse: l’information est un bien périssable et en retarder la publication, même pour une brève période, risque fort de la priver de toute valeur et de tout intérêt »[194]. La Cour effectue donc un contrôle exigeant de l’utilisation des méthodes qui limitent la liberté de communication, en vérifiant leur proportionnalité avec l’objectif légitime poursuivi.

 

La Cour ne se contente plus seulement que les Etats s’abstiennent d’ingérences injustifiées ou disproportionnées dans l’exercice de la liberté de la communication mais exige également qu’ils adoptent des mesures positives afin de protéger celle-ci. Au-delà des différentes techniques de limitation de la liberté, la jurisprudence de la Cour a également abouti à expurger les éléments les plus contestables des législations nationales qui, sans justification suffisante, établissaient des limitations à la liberté d’expression.

 

Si la Cour a effectué un important travail de vérification des techniques de limitation de la liberté d’expression, ceci s’est également accompagné de la surveillance de la légitimité et de la proportionnalité de l’ingérence. En d’autres termes, la Cour doit, au cas par cas, se prononcer sur les intérêts qui ont servi de justification à la limitation de la liberté d’expression par les autorités étatiques. Il s’agit donc d’une «mise en balance » d’intérêts divergents, mais que la Cour opère toujours en faveur de la liberté d’expression. Comme elle l’indique dans son arrêt Roemen et Schmit c. Luxembourg du 25 février 2003, « les considérations dont les institutions de la Convention doivent tenir compte pour exercer le contrôle sur le terrain du paragraphe 2 de l’article 10 font pencher la balance des intérêts en faveur de la défense de la liberté de la presse dans une société démocratique ». Néanmoins, la Cour européenne a eu l’occasion, dans de nombreux arrêts, de démontrer qu’elle n’attache pas la même importance aux intérêts qui peuvent primer sur la liberté d’expression et la limiter dans son exercice, en prenant également la qualité de l’information transmise et son support ou le contenu de l’information. La position de la Cour est d’autant moins libérale que les Etats parties n’ont pas de référence commune sur le sujet abordé. Tel est le cas dans le domaine de la religion.

 

La protection de la réputation et des droits d’autrui fonde naturellement des condamnations pour injure ou diffamation, qui ne sont évidemment pas protégées par l’article 10 de la Convention. Ainsi en est-il pour un article évoquant en termes injurieux la relation entre une femme qui avait quitté la fonction publique et un homme qui s’était alors retiré de la politique. Pour la Cour, «les termes critiqués ne concernaient aucune question intéressant et préoccupant sérieusement le public » et «formuler des remarques injurieuses quant à la vie familiale d’un particulier ne servait aucun objectif social »[195].

Par contre, la limitation de la liberté d’expression afin de protéger ces mêmes intérêts apparaît plus difficilement justifiable pour la Cour européenne des droits de l’homme lorsque les propos ou écrits incriminés participaient à une information sérieuse. L’arrêt Cumpana et Mazare c. Roumanie rendu le 17 décembre 2004 en fournit un parfait exemple. La publication d’une caricature de mauvais goût d’une ancienne adjointe au maire qui aurait reçu des pots de vins, pouvait parfaitement conduire à une sanction à l’encontre des journalistes, afin de permettre de rétablir l’équilibre entre les divers intérêts concurrents en jeu, à savoir d’une part la protection des intérêts d’autrui et d’autre part la nécessité d’attirer l’intérêt du public sur des questions de nature politique et des irrégularités.

Mais la Grande Chambre de la Cour conclut à la violation de l’article 10 au motif que la sanction pénale infligée aux intéressés (à savoir 3 mois de prison du chef d’insulte et 7 mois de prison du chef de calomnie, ainsi qu’une interdiction d’exercer d’un an et des dommages et intérêts) était manifestement disproportionnée au regard du but légitime poursuivi par la condamnation des intéressés.

 

La Cour apparaît plus facilement convaincue par les arguments étatiques lorsque la limitation de la liberté d’expression est justifiée par un véritable « besoin social impérieux», tel que la protection de la sécurité nationale ou de l’intégrité territoriale.

Pour la Cour, en cas de conflit et de tension, « il faut éviter que les médias deviennent un support de diffusion de discours de haine et d’incitation à la violence»[196]. De même, la lutte:contre les groupes terroristes permet légitimement d’interdire aux membres de leurs organisations de recourir aux médias pour diffuser leur idéologie et recruter de nouveaux adhérents[197]. La protection de l’autorité et de l’impartialité du pouvoir judiciaire apparaît aussi comme une motivation pouvant légitimement limiter la liberté d’expression des journalistes dans de nombreuses hypothèses. Certes, il incombe bien à la presse «de communiquer des informations et des idées sur toutes les questions d’intérêt général, y compris celles qui concernent le fonctionnement de la justice »[198] et les ingérences dans le domaine de l’article 10 prévues par le 2° de cette disposition « ne permettent pas aux Etats de limiter toutes les formes de débat public sur des questions en cours d’examen par les tribunaux » [199].

La critique des institutions judiciaires présente donc d’importantes limites: ainsi dans l’arrêt Worm du 29 août 1997, la Cour juge que la condamnation d’un journaliste à une amende pour un article susceptible d’exercer «une influence abusive » sur l’issue d’une procédure pénale engagée contre un homme politique était nécessaire à la protection de l’autorité de la justice. Les journalistes, par leurs commentaires ne doivent en effet pas réduire les chances des personnes impliquées dans une procédure de bénéficier d’un tribunal impartial et donc d’un procès équitable, tel que garanti par l’article 6 de la Convention. En d’autres termes, la publication ne doit en aucun cas apparaître comme un «pré-verdict ». (or dans cette affaire, le journaliste avait clairement indiqué que selon lui la personne concernée était coupable des accusations portées contre elle).

 

Pour une même liberté, les juges français ou européens proposent des approches différentes. En matière de presse, le Conseil constitutionnel préfère utiliser la liberté de communication, telle qu’elle est issue de l’article 11 de la DDHC, la liberté d’expression étant surtout utilisée par rapport à l’enseignement, la laïcité, ou la langue française. La CEDH ne peut bénéficier d’une référence directe à la liberté de communication. Elle utilisera la liberté d’expression issue de l’article 10 de la Convention pour des matières diverses comme la santé, le cinéma, l’art, mais surtout pour la presse et plus particulièrement l’information. Quel que soit le juge, il doit concilier la liberté d’expression avec d’autres libertés, et par là même, reconnaître l’existence d’atteintes à la liberté d’expression, même si la CEDH considère très souvent que celles-ci ne sont pas légitimes et sont injustifiées dans une société démocratique. C’est la plupart du temps la liberté d’expression qui prime sur les autres droits ou libertés. Les juges européens n’ont pas pour autant consacré une liberté absolue, et nous remarquerons que le Conseil constitutionnel, à travers son interprétation de l’article 11 de la DDHC consacré à la liberté de communication, préconise le même type de limites. Les limites préconisées par l’article 11 de la DDHC et le Conseil constitutionnel contribuent à faire de la liberté de communication la source directe du droit de l’information. Sauf que dans cette hypothèse, il n’est pas question d’ingérence mais de conciliation nécessaire entre des droits et libertés de même valeur. Cette conciliation se révèle nécessaire pour permettre l’exercice de la liberté de communication. 

 

Section 2 : La nécessaire conciliation de la liberté de communication avec des droits et libertés de même valeur

 Pour le Conseil constitutionnel, le législateur est amené à les concilier avec des principes de même valeur, souvent contradictoires, y apposant des limites. Par cette conciliation, le législateur assure la mise en œuvre de la liberté de communication des pensées et des opinions.

 

Dans le domaine de la communication audiovisuelle, le législateur doit concilier « en l’état actuel des techniques et de leur maîtrise, l’exercice de la liberté de communication telle qu’elle résulte de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen avec, d’une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle et, d’autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels auxquels ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte»[200]. Il en résulte que « pour la réalisation ou la conciliation de ces objectifs, il est loisible au législateur de soumettre le secteur privé de la communication audiovisuelle à un régime d’autorisation administrative, sous réserve d’assurer la garantie des objectifs de valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés »[201]. Le Conseil constitutionnel vérifie, à ce titre,  que la conciliation opérée par le législateur entre la liberté de communication, d’une part, et les autres exigences et contraintes techniques, d’autre part, ne sont pas manifestement déséquilibrées[202].

 

L’emploi de la langue française rend nécessaire la conciliation entre l’article 2 de la Constitution et la liberté de communication et d’expression (« s’il incombe au législateur, compétent, aux termes de l’article 34 de la Constitution […] d’édicter des règles concernant l’exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, d’écrire et d’imprimer, il ne saurait le faire, s’agissant d’une liberté fondamentale, d’autant plus précieuse que son existence est une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés, qu’en vue d’en rendre l’exercice plus effectif ou de le concilier avec d’autres règles ou principes de valeur constitutionnelle »[203]). A ce titre, le législateur est compétent pour commander «aux personnes morales de droit public, comme aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public l’usage obligatoire d’une terminologie officielle ». En revanche, le législateur «ne pouvait imposer, sous peine de sanction, pareille obligation aux organismes et services de radiodiffusion sonore et télévisuelle, qu’ils soient publics ou privés ».: De même, le législateur « ne pouvait imposer à des personnes privées, hors l’exercice d’une mission de service public, l’obligation d’user, sous peine de sanctions, de certains mots ou expressions définis par voie réglementaire sous forme d’une terminologie officielle»[204].

 

L’article 11 de la DDH peut également être concilié avec le respect de la vie privée dès lors qu’il s’agit de protéger des données de santé en principe anonymes (« Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des termes de la loi que les données de santé, si elles ne sont ni directement, ni indirectement nominatives, peuvent être librement communiquées ; que manque donc en fait le moyen tiré de ce que la loi subordonne à autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la communication de données ne permettant pas l’identification des personnes; Considérant, en second lieu, qu’il appartenait au législateur d’instituer une procédure susceptible de sauvegarder le respect de la vie privée des personnes, lorsque est demandée la communication de données de santé permettant l’identification de ces personnes; qu’en subordonnant cette communication à autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le législateur, sans méconnaître l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, a fixé en l’espèce des modalités assurant le respect de la vie privée »[205]).

 

En matière de manifestation, il est loisible au législateur de prévoir de nouvelles infractions en déterminant les peines qui leur sont applicables, mais il lui incombe d’assurer, ce faisant, la conciliation des exigences de l’ordre public et la garantie des libertés constitutionnellement protégées, notamment les articles 10 et 11 de la Déclaration. Tel est le cas de l’article 433-5-1 ainsi rédigé: «Le fait, au cours d’une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, d’outrager publiquement l’hymne national ou le drapeau tricolore est puni de 7 500 euros d’amende. – Lorsqu’il est commis en réunion, cet outrage est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende ». Le champ de l’infraction est strictement délimité.

 

 

Chapitre 2 – Les modalités de l’ingérence des pouvoirs publics dans l’exercice de la liberté de communication

 

L’article 11 de la Déclaration de 1789 semble impliquer que la communication des pensées et des opinions soit l’objet d’un régime répressif puisqu’il indique que cette activité est libre, sous la seule réserve des abus auxquels elle donnerait lieu. C’est, en effet, la caractéristique du régime répressif que de permettre le libre exercice d’une activité, à la condition que le comportement en question ne tombe pas sous le coup d’une infraction précédemment définie avec une clarté suffisante par la loi pénale. Contrairement à ce que suggère le terme « répressif », il s’agit là du régime le plus libéral, puisqu’il interdit toute ingérence préalable des pouvoirs publics et confie ensuite aux tribunaux répressifs, c’est-à-dire aux organes dotés de la plus grande indépendance par rapport au pouvoir exécutif, le soin de vérifier, au terme d’une procédure assurant la garantie des droits de la défense, que les faits donnant lieu à poursuite correspondent bien la définition légale de l’infraction. Le combat mené contre la censure (entendue comme régime d’autorisation administrative préalable) doit aboutir la mise en place d’un régime répressif.

 

Ce régime répressif, n’est pas exclusif de régimes préventifs. Aux auteurs de la saisine qui faisaient valoir que l’article 11 de la Déclaration de 1789 interdisait, après l’abrogation du monopole public de la radiodiffusion, la mise en place d’un régime d’autorisation, la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1982 répond par la négative, au nom des contraintes techniques inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle et des conciliations ci-dessus rappelées. La rareté des fréquences disponibles est un argument prédominant. La décision des 10 et 11 octobre 19841 le confirme, qui déclare contraire à la Constitution l’attribution, par la loi sous examen, à une autorité administrative indépendante, la commission pour la transparence et le pluralisme de la presse, de pouvoirs de sanction en cas de dépassement, en matière de cumul de plusieurs titres, des seuils fixés par la loi.

 

Le Conseil a estimé que l’ensemble de ces dispositions «produit des effets équivalant à ceux d’un régime d’autorisation préalable; qu’elles sont, de ce chef, contraires à l’article 11 de la Déclaration de 1789 ; qu’à supposer même qu’elles aient pour objet de réprimer des « abus » au sens dudit article 11, cette répression ne saurait être confiée à une autorité administrative»

 

Sauf à justifier de contraintes techniques impérieuses, un régime d’autorisation préalable est donc a priori inconciliable avec l’article 11 de la Déclaration. On notera cependant que le Conseil constitutionnel n’interdit pas les régimes préventifs en général et qu’il stigmatise essentiellement la nature administrative de l’organe investi d’un pouvoir pouvant s’analyser en un régime d’autorisation, ce qui semble laisser intacte la possibilité de l’intervention préalable d’un juge. Le monopole du régime répressif en la matière est donc loin d’être assuré.

 

L’examen, sur ce point, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ne conduit pas à des conclusions différentes. Dans son arrêt Observer et Guardian ci Royaume-Uni du 26 novembre 1991, la Cour a précisé « que l’article 10 de la Convention n’interdit pas en elle-même toute restriction préalable à la publication », mais a tenu à ajouter aussitôt que « de telles restrictions présentent pourtant de si grands dangers qu’elles appellent de la part de la Cour l’examen le plus scrupuleux. Il en va spécialement ainsi dans le cas de la presse: l’information est un bien périssable et en retarder la publication, même pour une brève période, risque fort de la priver de toute valeur et de tout intérêt ». La technique de contrôle utilisée est donc la plus exigeante qui soit, puisqu’elle instaure une sorte de présomption d’illicéité de la restriction envisagée, qui sera particulièrement difficile à renverser pour l’État.

 

L’arrêt Association Ekin ci France du 17 juillet 2001 le confirme, précisant que les restrictions préalables « doivent s’inscrire dans un cadre légal particulièrement strict quant à la délimitation de l’interdiction et efficace quant au contrôle juridictionnel contre les éventuels abus» avant de conclure que le régime français applicable aux publications de provenance étrangère ne présentait pas de telles garanties et revêtait, de surcroît un caractère discriminatoire.

Les régimes préventifs persistent donc. Seul l’Internet est épargné en raison de la difficulté d’établir un tel contrôle. La liberté de communiquer par voie électronique est-elle pour autant super protégée ?

Section 1 : Le régime de la déclaration préalable en matière de presse écrite
Tout journal peut être publié sans autorisation préalable, il faut simplement en faire la déclaration, auprès du Procureur de la République, avec les indications relatives au titre du journal, aux coordonnées du directeur de la publication et de l’imprimerie. Les obligations restent très sommaires et la liberté est totale.

En théorie le régime de déclaration, laisse le citoyen libre d’agir selon ses propres volontés, il n’a pas à demander d’autorisation d’user de sa liberté mais il pourra être soumis à des sanctions s’il fait un mauvais usage de cette liberté.

Le principe de la déclaration instaurée par la loi de 1881 n’est pas un gage d’indépendance. Il suffit par exemple de s’intéresser à la trajectoire de Robert Hersant, pour comprendre l’intérêt d’une carrière de relations politiques pour devenir un grand patron de presse. D’ailleurs, peu de journaux d’information peuvent se prévaloir de ne pas servir, ou de ne pas avoir servi, tel ou tel courant politique.

 

Si le régime classique apparaît somme toute très libéral, les aménagements du principe semblent pourtant peu compatibles avec la normativité européenne, chantre de la liberté. Reste qu’une certaine forme de contrôle préalable a été instaurée pour les publications relatives à la jeunesse[206] et dans une certaine mesure les publications étrangères[207].
 

Section 2 : Le régime préventif du cinéma

 Les spectacles de curiosités, c’est-à-dire ceux qui apparaissaient aux pouvoirs publics dépourvus du niveau culturel nécessaire pour bénéficier du régime de la liberté, restaient théoriquement soumis à l’exigence d’une autorisation préalable du maire (article 13 de l’ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles). Les pouvoirs du maire étaient soumis par le juge administratif à un contrôle entier, mais ils connaissaient une certaine désuétude, comme en témoigne l’affaire du lancer de nains où c’est sur le fondement de ses pouvoirs de police générale que le maire avait interdit ce spectacle au nom du respect de la dignité de la personne humaine, démarche approuvée par le Conseil d’État[208]. La loi du 18 mars 1999 a abrogé ce régime d’autorisation.

 

C’est à ce pouvoir d’autorisation municipale qu’a été soumis le cinéma à l’origine. Dès 1916, se met cependant en place un régime d’autorisation préalable des films au niveau national, que l’article 19 du Code de l’industrie cinématographique maintient pour la représentation et l’exportation hors de la Communauté européenne.

Le visa ministériel peut autoriser l’œuvre pour tous publics ou comporter interdiction de la représentation aux mineurs de 16 ou de 12 ans. Les décisions restreignant la distribution étant soumises au contrôle entier du Conseil d’État[209], on peut en déduire l’existence, à ses yeux, d’une liberté d’expression cinématographique, en dépit de l’existence d’un régime d’autorisation préalable, solution qu’on ne peut qu’approuver au regard des règles constitutionnelles et internationales.

 

L’interdiction totale étant devenue tout à fait exceptionnelle, des particuliers ont tenté de la provoquer, par la voie du référé devant les tribunaux judiciaires ou celle du recours pour excès de pouvoir à l’encontre de l’octroi du visa par le ministre, devant la juridiction administrative. Le refus du Conseil d’État de suivre les requérants sur ce terrain est moins net que celui du juge civil des référés, saisi à propos du film de Jean-Luc Godard, Je vous salue, Marie. La seconde approche est plus cohérente par rapport au principe de la liberté d’expression, en analysant la représentation cinématographique comme une série de rencontres librement décidées entre deux personnes’ responsables de leurs choix. Les demandes d’interdiction judiciaire ont ensuite visé les affiches publicitaires assurant la promotion de certains films. Le problème est ici différent, dans la mesure où l’affiche s’impose à la vue d’un public qui n’a pas librement choisi d’y être confronté. Tenant compte de ce facteur, le juge des référés avait ordonné l’enlèvement d’affiches publicitaires pour un film relatif à des sectes religieuses, Ave Maria, représentant une jeune femme attachée à une croix, la poitrine nue. Relevant que cette image ne figurait pas dans le film et qu’ainsi, elle ne constituait qu’une forme de « raccrochage publicitaire », le tribunal avait estimé que « la représentation du symbole de la Croix, dans des conditions de publicité tapageuse et en des lieux de passage public forcé, constitue un acte d’intrusion agressive et gratuite dans le tréfonds intime des croyances» des passants[210]. On remarquera le caractère circonstancié de cette motivation, et en particulier l’insistance sur la gratuité de l’image, choisie pour sa force de provocation et non pour sa vertu expressive du propos du film. En revanche, le juge des référés a refusé d’ordonner la saisie de l’affiche destinée à assurer la promotion du film de Forman, Larry Flint, représentant un corps féminin vêtu d’un maillot de bain, des genoux au nombril, « contre lequel est adossé un homme ayant une position de crucifié les hanches drapées de la bannière américaine ». Le tribunal note en effet que « si l’acteur qui tient le rôle de Larry Flint figure dans la position d’un crucifié, il ne présente aucune ressemblance physique avec l’image douloureuse du corps affligé de Jésus-Christ dans l’iconographie traditionnelle de la Crucifixion» et que la Croix ne figure pas dans cette image[211]. L’absence d’outrage flagrant aux sentiments religieux des requérants résulte donc d’une forte différence iconographique avec l’espèce précédente – et aussi du fait que cette affiche n’était pas dépourvue de tout lien avec le propos du film[212]. Des requérants ont également obtenu du Conseil d’État qu’il annule l’autorisation d’exploitation assortie d’une interdiction aux mineurs de seize ans accordée par le ministre au film Baise-moi, au motif que celui-ci, « composé pour l’essentiel d’une succession de scènes de grande violence et de scènes de sexe non simulées, sans que les autres séquences traduisent l’intention, affichée par les réalisatrices, de dénoncer la violence faite aux femmes par la société ( …) constitue ainsi un message pornographique et d’incitation à la violence susceptible d’être vu ou perçu par des mineurs », c’est-à-dire un film relevant de la catégorie X[213] devant, à ce titre, être interdit aux mineurs de moins de dix-huit ans. Le souci de protéger les mineurs de seize à dix-huit ans conduit donc le Conseil d‘État à exercer en l’espèce un contrôle particulièrement poussé, dont il faut cependant indiquer qu’il ne concerne que la projection du film en salle[214]. Le refus du Conseil d’État d’adopter une solution identique à l’égard du film Fantasmes[215] montre que ce sont essentiellement des considérations d’ordre esthétique qui permettent de différencier films érotiques (relevant du droit commun) et films pornographiques. À la suite de cette affaire, un décret du 12 juillet 2001 a rétabli la possibilité d’interdiction des films aux mineurs de dix-huit ans les sortant ainsi du régime de l’œuvre pornographique. En effet, les articles 11 et 12 de la loi du 30 décembre 1975 portant loi de finances pour 1976 permettent au ministre de classer un film dans la catégorie X, lorsqu’il revêt un caractère pornographique ou incite à la violence. Cette décision, sur laquelle le Conseil d’État exerce un contrôle entier, handicape gravement le film quant à sa distribution, confinée dans des salles spécialisées aujourd’hui peu nombreuses, et son régime financier et fiscal.

 

Il faut encore signaler que le Conseil d’État a accepté que les maires puissent interdire un film sur le territoire de leur commune, lorsque « la projection est susceptible d’entraîner des troubles sérieux ou d’être, à raison du caractère immoral dudit film et de circonstances locales, préjudiciable à l’ordre public ». La théorie du concours de la police générale exercée par le maire et de la police spéciale confiée au ministre au niveau national entraîne en l’espèce un grave péril pour la liberté d’expression, que la rigueur du contrôle exercé par le juge administratif ne conjure pas suffisamment.

 

Section 3 – La justification d’un régime d’autorisation par la rareté des fréquences disponibles
 

La justification majeure du choix du régime de l’autorisation tient aux contraintes techniques liées au réseau hertzien et au poids des images de la télévision. Ce sont certes de très bonnes explications, mais le développement de la diffusion par satellite a considérablement allégé les problèmes techniques. Le régime d’autorisation en matière de communication audiovisuelle profite largement aux titulaires d’autorisation d’émettre qui bénéficient d’un principe de reconduction tacite.

L’autorité publique accorde le droit à un bénéficiaire d’exploiter une bande de fréquences hertziennes pour vendre un service au public. Ce droit d’usage est attribué par le Conseil supérieur de l’audiovisuel depuis 1989 mais il existe depuis 1986.

 

Le régime d’autorisation préalable permet d’exercer une liberté après avoir obtenu et demandé la permission de l’administration. En matière de communication audiovisuelle, l’autorisation préalable est soumise au respect de certaines conditions, le pouvoir de l’administration n’est qu’une simple compétence liée, les risques de contrôle et censure politique sont, en théorie, inexistants puisqu’il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire (encore une fois en théorie). Ce régime constitue parfois un mode de protection satisfaisant lorsque d’autres modes de régulation n’ont pas été trouvés. Le régime préventif n’est donc pas toujours moins favorable aux libertés que le régime répressif.

Le contenu des autorisations provient d’une intervention concurrente du Gouvernement et du CSA. Le public doit disposer de programmes qui correspondent à la variété des sensibilités politiques, sociales et culturelles, et, dans le même temps, le pluralisme suppose également la diversification des opérateurs. En matière de radios notamment, l’instance de régulation doit favoriser l’accès des ondes au plus grand nombre possible afin de proposer un programme intéressant pour le public. Elle doit également participer au développement des réseaux tout en accordant une place aux radios participant à l’expression du pluralisme local.

La procédure de délivrance de l’autorisation d’émettre s’ouvre par un appel à candidatures lancé par le CSA pour finalement fixer, après réception des dossiers, une liste de candidats considérés comme recevables. En pratique, le CSA n’a jamais refusé d’autorisation, mais il a pu demander une modification du dossier en raison notamment du non-respect du pluralisme de l’expression des courants d’opinion. En revanche, lorsqu’il doit choisir entre différents opérateurs, il est bien sûr obligé de rejeter une ou plusieurs candidatures et c’est là qu’intervient le pouvoir discrétionnaire. Le titulaire de l’autorisation doit respecter un cahier des charges similaire à celui du secteur public, appelé convention. Il est contraint au respect de la protection de la dignité de la personne humaine, de la protection de l’enfance et de l’adolescence, de l’indépendance éditoriale, de l’indépendance de l’information pour les émissions d’information politique et générale, au respect du pluralisme politique, à la distinction information-divertissement, au respect de l’honnêteté de l’information, de la présomption d’innocence, de la non discrimination, de la vie privée… Cette procédure de conventionnement se superpose au respect des obligations légales et réglementaires.

L’autorisation est délivrée pour une durée de 10 ans pour la télévision (renouvelable tous les 5 ans), et 5 ans pour la radio. Les autorisations peuvent être reconduites hors appel à candidatures, dans la limite de deux fois, et, chaque fois, pour cinq ans (vingt ans sans nouvel appel à candidature). Un an avant l’expiration de l’autorisation, le Conseil statue sur la possibilité ou non de reconduire l’autorisation délivrée. S’il statue positivement sur la possibilité de reconduire l’autorisation, il procède à la modification de la convention de l’opérateur. A défaut d’accord six mois au moins avant l’expiration de l’autorisation, une nouvelle procédure d’appel à candidature est lancée. Malgré les entorses au conventionnement, les reconductions d’autorisation sont quasi-automatiques[216]. Tel est le cas de l’autorisation délivrée à TF1, reconduite malgré les sanctions infligées à la chaîne pour manquement aux règles relatives à la protection de l’enfance et de l’adolescence, ainsi qu’à celles relatives à la publicité et au parrainage. Cette décision du CSA, attaquée par l’association « Changez la Une » devant le Conseil d’Etat, a été jugée légale par la Haute assemblée qui a considéré notamment qu’aucune des sanctions administratives infligées à TF1 n’aurait justifié le non renouvellement de son autorisation. La loi du 1er août 2000 ajoute des critères de non reconduction de l’autorisation. Il s’agit de la condamnation prononcée à l’encontre du titulaire de l’autorisation sur le fondement des articles 2 , 24 et 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou des articles 227-23 ou 227-24 du Code pénal et de la situation financière de l’intéressé. L’inscription de nouvelles incriminations dans la loi de 2000 n’a pas fait évolué le principe tacite de la reconduction automatique.

 

Que reste-t-il de l’argument tiré de la rareté des fréquences disponibles justifiant le régime d’autorisation ? Il est vrai que la libéralisation ne laisse finalement que peu de place pour une énième chaîne concurrente, le réseau n’étant pas extensible à l’infini et les autorisations étant implicitement à vie, sauf fait rédhibitoire. Il est vrai que le contrôle effectué par le CSA au titre de ce régime d’autorisation est un gage de pérennité du paysage audiovisuel français.

D’ailleurs, le Conseil constitutionnel lors de son contrôle sur la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur[217], a rappelé dans le cadre d’une réserve d’interprétation qu’il appartient aux autorités compétentes (CSA, ARCEP, Conseil de la concurrence) à l’occasion de l’autorisation de nouveaux services numériques, de veiller au respect du pluralisme des courants de pensée et d’opinions compte tenu des ressources radio-électriques alors disponibles. Le passage au « tout numérique » qui a pour conséquence de libérer des fréquences et d’en multiplier les potentialités (on passe de 1 chaîne par canal à 8 chaînes), ne remet pas en cause l’argument de la rareté des fréquences disponibles.

 

Chapitre 3 – La constitution d’un espace public de discussion

L’espace public de libre discussion est une notion centrale dans la jurisprudence des instances mises en place par la CEDH.  La définition des limites de cet espace public ouvert à la contradiction est loin d’aller de soi, comme l’atteste la très grande diversité des solutions adoptées par les différentes démocraties libérales (ainsi, la protection de l’intimité de la vie privée n’est pas assurée face à la presse dans la tradition anglo-saxonne). De surcroît, d’autres questions doivent être prises en compte, notamment celle de l’accès à l’information. Il s’agit là d’un aspect du problème sur lequel la Cour européenne des droits de l’homme a été appelée à se prononcer dans son arrêt Goodwin ci Royaume-Uni du 27 mars 1996, à propos d’une injonction judiciaire faite à un journaliste de révéler l’identité de son informateur. La Cour a précisé que « La protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse ( … ) L’absence d’une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la presse à informer le public sur des questions d’intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de « chien de garde » et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s’en trouver amoindrie ». S’en suit l’exercice par la Cour d’un contrôle strict sur les mesures restrictives prises par les États. La Cour européenne a également eu l’occasion de déclarer, à l’unanimité, contraire aux exigences de la Convention la jurisprudence de la Cour de cassation admettant la condamnation d’un directeur de publication pour recel de violation du secret professionnel, dans une espèce où Le Canard enchaîné avait publié la photocopie des avis d’imposition de M. Calvet. Quant aux limitations matérielles à la liberté d’expression, elles résultent pour l’essentiel de la loi de 1881 (sous les réserves ci-dessus évoquées). L’examen des limites ainsi apportées à la liberté procède de la sauvegarde des droits d’autrui ou du respect de l’ordre public.

 

L’application de la loi n’est pas toujours aisée. En dehors des dispositions de la loi de 1881, il n’existe aucune règle vraiment contraignante relative à la mise en œuvre et au respect du principe de l’honnêteté de l’information. En cet état des choses, la mise en œuvre de l’honnêteté de l’information se fait en France à travers les règles de déontologie reconnues que l’on doit respecter en l’absence d’autorité l’y contraignant. Puisque la régulation de l’information honnête est essentiellement fondée sur la conscience personnelle, la morale et l’éthique françaises sont peu performantes, il est loisible d’envisager d’autres moyens pour assurer la mise en œuvre de l’honnêteté de l’information. Sachant que le respect de ces règles, qui dépend de ce que l’on appelle l’autorégulation des comportements est amené à jouer un rôle déterminant sur l’Internet. Le renforcement de l’autorégulation par le respect de la déontologie permet de libéraliser le contrôle juridictionnel. Tel est le cas du contrôle effectué par la Cour européenne qui accorde un crédit certain au respect de la déontologie.


 

Section 1 : La déontologie

 Les journalistes doivent pouvoir bénéficier de règles de déontologie garantissant une indépendance et un respect des faits dans la gestion de l’information. Quelques chartes de déontologie déterminent des principes précis, pas toujours respectés. Il n’existe pas de texte à valeur légale ou réglementaire qui régit efficacement la déontologie du journaliste. Aucune mention n’est faite de cette déontologie dans le Code de la communication regroupant les lois relatives à la communication. Il existe simplement quelques textes qui n’ont pas de valeur juridique contraignante. Il paraît évident qu’un Code déontologique des journalistes est non seulement souhaitable, mais nécessaire. La plupart des journaux ont élaboré leur propre charte de déontologie, fondée en partie sur la responsabilité de chaque journaliste. Les instances européennes ou onusiennes ont aussi adopté des déclarations ou des résolutions. Le contenu est quasi-identique pour tous ces textes.
 

Les deux chartes les plus importantes en France sont « la charte des devoirs professionnels des journalistes français » adoptée en 1918 par le Syndicat national des journalistes et « la déclaration des devoirs et des droits des journalistes » (« Charte de Munich ») approuvée en novembre 1971, par les représentants de fédérations de journalistes de la Communauté européenne. Nous pourrions ajouter à cette liste la « charte déontologique de la presse quotidienne régionale » de juillet 1995. Enfin, la plupart des quotidiens ont adopté leur propre charte déontologique que les journalistes doivent s’engager à honorer.  Les journalistes doivent bien sûr respecter les règles légales comme la protection de la vie privée, le respect de la dignité de la personne humaine, de l’ordre public… mais aussi plus particulièrement des règles relatives à l’honnêteté de l’information.
 

Les chartes de déontologie répondent à divers objectifs généraux : assurer à l’ensemble de la population l’information exacte, honnête et complète qu’elle est en droit d’attendre, offrir une protection contre les abus et les dérives, protéger ceux qui font le métier d’informer contre toutes les formes de pression ou de contrainte qui les empêcheraient de délivrer à la population l’information ainsi définie ou les inciteraient à agir contre leur conscience et assurer le mieux possible la circulation de l’information dans la société. Le respect des principes énoncés par les chartes est difficile du fait de plusieurs critères : une contrainte technologique qu’est la vitesse, mais aussi l’indépendance du journaliste au sein de sa rédaction, ou sa protection personnelle…

 

Les règles déontologiques vont concerner, d’une part, la recherche d’information. La vérification de l’exactitude de l’information est un autre moyen d’assurer une information honnête. Il ne s’agit pas forcément de diffuser intentionnellement une information inexacte, mais plutôt de mettre en évidence l’absence de vérification des sources. Les journaux ou périodiques doivent veiller à ne publier aucune information inexacte, trompeuse ou déformée. En cas d’erreur, la rectification doit être significative, voire des excuses publiées.

Des grands principes éthiques doivent être respectés afin que l’honnêteté de l’information soit sauvegardée.

D’autre part, elles vont concerner le moment de la rédaction. Le journaliste est un humain qui pense et ne peut pas toujours faire abstraction de sa culture, de ses convictions, c’est ce que nous pouvons appeler l’influence inconsciente. La charte de 1971 préconise au journaliste de ne pas confondre son métier avec celui de publicitaire, ou propagandiste. Se pose le problème de la marge d’autonomie laissée au journaliste. L’objectivité est impossible car les journalistes ne peuvent appréhender les faits qu’à travers leur propre subjectivité. Ils ne peuvent évacuer tout ce qui les constitue comme individu. L’objectivité peut être difficile si les journalistes subissent certaines pressions.

Au moment du repérage du sujet, il va choisir ce qui l’intéresse lui, son rédacteur en chef, ou le public. Le choix est par définition subjectif. Puis il va sélectionner des éléments d’information qu’il retiendra comme les plus significatifs pour en parler. Enfin, il devra établir une hiérarchie des éléments d’information, le lecteur préférant une information imagée.

Sur les moyens et la méthode journalistiques, la Cour européenne précise que s’agissant des devoirs et responsabilités d’un journaliste, l’impact potentiel du moyen de communication utilisé revêt de l’importance, les médias audiovisuels ayant des effets souvent beaucoup plus immédiats et puissants que la presse écrite.

Fidèle à sa conception de la liberté d’information, la Cour européenne prône une autorégulation du journaliste concernant le respect de la déontologie journalistique. Les juges français ont aussi eu l’occasion de se prononcer, même en l’absence de textes contraignants : « l’objectivité du journaliste dépend de la qualité des sources, et suppose une information complète contenant toutes les précisions nécessaires » . Le meilleur moyen d’être objectif est de présenter distinctement les commentaires, la conjoncture et les faits, comme c’est le cas dans la presse anglo-saxonne.

 

La création d’un Comité de déontologie a souvent été envisagée, mais l’inconvénient est qu’il déresponsabiliserait les journalistes. Ceux-ci sont en général contre, au motif que cela relève de la ligne interne de l’entreprise de presse, la déontologie de l’information s’étant souvent perçue par les journalistes comme une atteinte à leur indépendance. Les journalistes tentent d’opposer leur conception de la morale professionnelle au système juridique en vigueur alors que les principes déontologiques n’ont d’existence légale qu’à travers les règles de droit. C’est pourquoi nous préférons d’ailleurs la solution d’une autorité administrative indépendante de l’information.

D’une certaine manière, en exposant le comportement idéal du journaliste, les chartes de déontologie définissent ce qu’est l’honnêteté de l’information. C’est une information véridique, objective, garantie par l’observation d’une certaine éthique du journaliste. C’est son comportement qui est l’une des garanties de l’information honnête, et par là même du droit à l’information. Le journaliste est au coeur de la recherche et de la diffusion de l’information. Et pourtant, l’organisation de son statut social ne prend pas en considération cette responsabilité. Seule la clause de conscience lui assure une certaine garantie morale, même si elle est souvent détournée de son objectif premier.

 

Le journaliste

Le meilleur garant de l’honnêteté de l’information est le journaliste. C’est lui qui, au moment de la recherche de l’information, mais aussi de sa diffusion, est au cœur du dispositif de presse. Il est le transmetteur de l’information, il s’adresse directement au lecteur ou téléspectateur pour diffuser une information véridique et honnête. Son rôle primordial nécessite que nous nous attardions sur son statut. L’exercice du journalisme comporte des droits mais aussi des devoirs. Parmi ces devoirs, le journaliste doit rendre compte d’une information objective, véridique. Cette notion est apparue il y a une trentaine d’années : l’Encyclique Pacem in Terris de 1963 exposait le droit de tout être humain à une information objective. A part des chartes déontologiques sans effet juridique, il n’existe aucun texte réellement contraignant pour les journalistes, il faut pourtant se demander qui est ce journaliste dont la responsabilité sur l’honnêteté de l’information est immense.

 

Selon l’Encyclopédie, le journaliste est l’auteur qui s’occupait à publier des extraits et des jugements des ouvrages de littérature, de science et d’art. Le gazetier, qui correspond aussi au journaliste d’aujourd’hui, est celui qui « écrit une gazette ; un bon gazetier doit être promptement instruit, véridique, impartial, simple correct dans son style, cela signifie que les bons gazetiers sont très rares ». La suite de la définition donnée pour le journaliste par les encyclopédistes pourrait aussi correspondre à ce que nous attendons aujourd’hui du journaliste :

« le journaliste est l’auteur qui s’occupe à publier des extraits et des jugements des ouvrages de littérature, de science, d’art et de politique. Il ne serait pourtant pas sans mérite s’il avait les talents nécessaires pour la tâche qu’il s’est imposé. Il aurait à cœur les progrès de l’esprit humain, il aimerait la vérité et rapporterait tout à ces deux objets. Qu’il ait un jugement solide et profond de la logique, du goût, de la sagacité, une grande habitude de la critique. Son art n’est point celui de faire rire, mais d’analyser et d’instruire. Qu’il ait de l’enjouement, si la matière le comporte mais qu’il laisse là le ton satirique qui décèle toujours la partialité. … Qu’il cite avec exactitude et qu’il ne déguise et n’altère rien. S’il se livre quelques fois à l’enthousiasme, qu’il choisisse bien son moment ».

Il est intéressant de donner la définition du journal vue par les encyclopédistes, (qui correspond au support de la critique d’aujourd’hui) car le jugement porté sur ces publications est toujours d’actualité :

« un journal est un ouvrage périodique, qui contient des extraits de livres nouvellement imprimés…c’est un moyen de satisfaire sa curiosité, et de devenir savant à peu de frais. C’est la mémoire de ce qui se fait, de ce qui se passe chaque jour. C’est un ouvrage périodique. C’est là que les gens du monde vont puiser leurs lumières sublimes. Quelques uns de ces journaux donnent aussi le ton à la province : on achète ou on laisse un livre d’après le mal ou le bien qu’ils en disent » .

 

Section 2 : La régulation

 

La régulation de l’information

 Il n’existe pas d’organes de régulation pour la presse écrite, et en dépit de son pouvoir de sanction, le CSA n’a pas une position très active pour faire respecter l’honnêteté de l’information, et de plus, ne peut sanctionner directement le journaliste puisqu’il ne prononce des sanctions qu’à l’égard des éditeurs de programmes, autrement dit des chaînes de télévision. Pour l’aider dans cette mission, il existe bien des Médiateurs ou un Comité consultatif des programmes mais aucun de ces organes ne peut prendre des mesures contraignantes. La création d’un Ordre professionnel des journalistes et la création d’une autorité de régulation consacrée à l’information compétente pour tous les supports de diffusion de l’information pourraient alors trouver à s’appliquer en France, permettant ainsi la régulation de la presse écrite. Il faut reconnaître qu’aucune de ces solutions n’apparaît satisfaisante pour les journalistes, qui prônent l’autorégulation.

 

Outre le CSA pour la communication audiovisuelle, divers moyens de régulation, ou plus exactement de contrôle de la déontologie ont été mis en place avec plus ou moins de succès. C’est le cas du Médiateur et du Comité consultatif des programmes. Leurs pouvoirs se limitent au conseil et à la consultation. Il s’agit d’une régulation dans sa forme la moins développée, les compétences et la capacité d’action étant plus que retreintes.

Les chaînes du service public ont dû mettre en place un Médiateur, sous l’impulsion du Ministre de la culture et de la communication, dont le rôle est de répondre aux téléspectateurs. Les principales questions concernent la déontologie de l’information. Etant souvent un journaliste ayant appartenu à la rédaction, le Médiateur n’est pas pour autant censé justifier les choix de la rédaction, il a un devoir de neutralité et d’objectivité. A cet égard, nommer une personnalité n’ayant pas appartenu à la chaîne, et n’étant pas journaliste elle-même apporterait plus de crédit à son rôle face aux téléspectateurs. Il faudrait systématiser le Médiateur dans chaque média, il serait choisi par les membres du support de presse mais avec une formation de juriste, philosophe… Cette pratique tend largement à se développer. Le journal « Le Monde », à l’instar d’autres quotidiens d’information, de sa propre initiative, a aussi nommé un Médiateur par exemple. Le Médiateur devrait rendre des comptes pour garantir son objectivité. Il pourrait le faire devant un ordre professionnel ; celui des journalistes et des professionnels de la presse dans leur ensemble. Il doit examiner la conduite éthique du journal, recevoir les plaintes du public et des acteurs de l’actualité, enquêter, indiquer la suite à donner et publier ses remarques.

La loi du 1er août 2000 sur la communication audiovisuelle a créé un Conseil consultatif des programmes auprès de la société France Télévision. Ce Conseil comprend 20 membres nommés pour trois ans, après tirage au sort parmi les personnes redevables de la redevance. Le rôle de ce Conseil consultatif est d’émettre des recommandations sur les programmes. Il se réunit au moins deux fois par an, dont une fois avec le Conseil d’administration de France Télévision.

Cette initiative de la loi sur l’audiovisuel est intéressante. Elle mériterait d’être étendue à tout le secteur de la communication audiovisuelle ainsi qu’à la presse écrite. L’organisation de ce Conseil pourrait être améliorée : en sus des téléspectateurs, la loi aurait pu prévoir la présence de spécialistes ou membres de la profession pour échanger sous forme de table ronde. Même si la présence des téléspectateurs est primordiale, ils ne sont pas toujours les plus qualifiés pour porter un jugement sur un travail dont les exigences techniques peuvent leur échapper.

 

Le journaliste, quant à lui préfère l’autorégulation. La conception classique de l’autorégulation s’entend par un ensemble de règles et d’instances chargées de leur application, mais établies volontairement par les professionnels des médias eux-mêmes. La plupart considèrent que seuls les journalistes peuvent décider ou non d’adopter des règles déontologiques. En revanche, il est couramment admis qu’il peut appartenir au pouvoir législatif de prévoir des instances de régulation ou d’intégrer dans les lois des obligations déontologiques. Les exigences à caractère légal seraient alors légitimement respectées. Devant les difficultés d’établissement d’une régulation ou auto-régulation, certaines associations organisent aussi des rencontres entre les journalistes, les juristes et les hommes politiques dans le but d’organiser une meilleure coordination et compréhension dans un sens favorable à l’information. Il faut être vigilant sur le respect de l’information pour établir un véritable droit à l’information.  Si l’autorégulation doit être prise en considération, elle doit aussi faire preuve de sa propre valeur et ne pourra probablement se substituer à une organisation de forme plus administrative. Devant ces prémices d’un réel contrôle déontologique, il convient d’envisager des moyens plus efficaces.

Deux moyens de régulation de l’information pourraient être envisagés de façon tout à fait légitime : à travers la création d’un Conseil de presse, et d’une nouvelle autorité administrative dédiée à l’information. Cette AAI serait compétente pour élaborer un Code de déontologie, elle aurait les moyens réglementaires de faire respecter les principes fondamentaux que sont le respect d’une information libre, honnête et pluraliste. Elle disposerait d’un pouvoir de sanction tant sur les organes de presse que sur les journalistes. L’attribution de la carte de presse lui serait confiée : elle serait donnée non plus seulement selon une définition sociale du journaliste, mais par le contrôle du respect des règles fondamentales et de déontologie.

 

Le pluralisme de l’information tel qu’il est envisagé par le Conseil constitutionnel dans ses décisions relatives à la presse s’accompagne du principe de l’honnêteté de l’information. Mais si le pluralisme est difficile à respecter alors même qu’un encadrement législatif existe, le respect du principe de l’honnêteté de l’information est encore plus difficile car il n’existe pas de réelle définition de l’honnêteté. La notion est quelque peu subjective, mais l’honnêteté de l’information est requise dans l’intérêt du public. Il existe quelques chartes déontologiques se référant à la notion mais aucun texte législatif, les journalistes ont toujours refusé l’élaboration d’un véritable Code de déontologie. Pourtant, le citoyen ne sera bien informé que si l’information est honnête. L’autorité de régulation, en raison de la convergence des médias, serait compétente pour tous les moyens de diffusion de l’information et elle s’attacherait à vérifier que les règles du pluralisme et d’honnêteté soient respectées par l’entreprise de presse. Mais son rôle serait aussi d’instituer un système plus contraignant pour le journaliste avec peut-être la gestion de l’octroi de la carte d’identité professionnelle du journaliste.

 

Le conseil du pluralisme

 Le comité constitutionnel de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vè République, dans son rapport de 2007[218], proposait la création d’un Conseil du pluralisme, organisme unique qui serait chargé de veiller au respect du pluralisme des courants de pensée et d’opinion. Il préconisait que « le champ de compétence de cette institution nouvelle recouvre celui résultant de la fusion des trois autorités » à savoir le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission des sondages et Commission nationale de contrôle de la campagne pour l’élection présidentielle. Ainsi, cette institution, dont la composition serait fixée par la Constitution, pourrait disposer d’une « vision globale ». A sa suite, une partie de la doctrine a évoqué la nécessité d’une fusion du CSA et de l’ARCEP. Pour ces auteurs, la fusion des autorités de régulation permettrait de garantir davantage le respect du pluralisme des courants d’expression sur Internet.

Ce système a été adopté en Suisse avec la création en 2003 de l’office fédéral de la communication (OFCOM) qui fusionne les compétences de cinq régulateurs intervenant dans les domaines de l’audiovisuel et des télécommunications. Au sein de cet organisme a été crée un conseil pour les contenus (The content board), compétent pour prendre des décisions concernant les contenus.

Mais, comme l’a souligné M. Dominique Baudis, ex-président du CSA, lors du colloque du Conseil d’Etat du 28 novembre 2006, « l’Internet n’est pas un média, c’est un moyen de communication sur lequel on peut avoir de la correspondance privée (e-mail), du commerce (achats en ligne), qui ne sont pas de la radio ou de la télévision »[219]. Or si la communication au public doit présenter un caractère pluraliste, il n’est pas envisageable de contrôler les contenus de toutes les informations transmises par Internet. En conséquence, si la fusion des autorités de régulations peut être regardée comme un moyen de garantir le pluralisme, il semble nécessaire de distinguer les informations qui ont un impact massif de celles qui n’en ont pas.

[1] Economie générale des médias, Ellipses, Infocom, 2003.

[2] v. en ce sens CJCE, 155-73 du 30 avril 1974, Giuseppe Sacchi, Rec., 1974, p.406.

[3] Legicom, revue thématique de droit de la communication, n°40-2007/4, « convergence numérique, convergence juridique ? », p.21.

[4] « Internet et les réseaux numériques », rapport du Conseil d’Etat, 1998, La documentation française.

Consultation en ligne : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/984001519/index.shtml

[5] Cons. const., n°84-181 DC, des 10 et 11 octobre 1984, Rec., p.78.

[6] CEDH, 24 mai 1988, Müller  et autres c/ Suisse, Série A n°133.

[7] CEDH, 23 mai 1990, Autronic AG c/ Suisse, RUDH, 1990, p.316, note Cohen-Jonathan.

[8] J. Mitchell, « télévision et téléspectateur : Dix ans de révolution permanente », in L’ouverture des médias en Europe 1983-1993, Édité par Anthony Pragnell, Média Monographie, n° 17, 1993, p. 109.

[9] J. Lazar , Sociologie de la communication de masse, Armand Colin, collection Sociologie, 1991, p.75.

[10] D. Boullier, « Savez-vous parler télé ? », Médiapouvoirs, 1991, n°21, p.73

[11] M. Souchon, « Petit écran, Grand public », La Documentation française, 1980, p.139.

[12] Rapport annuel 2005, Médiamétrie,  www.mediametrie.fr

[13] H. Glevarec, « Les médias dans les pratiques culturelles », préc., p.43.

[14] Les interdictions concernent les mineurs de moins 12 ans, de 16 ans, de 18 ans.

[15] http://www.cnil.fr/index.php?id=1556.

[16] Au cours de l’année 2004, suite à l’avis rendu par la CNIL le 14 avril 2004, le CSA a procédé à nouveau à des tests techniques sur les systèmes de double verrouillage mis en place sur CanalSatellite, TPS, Canal+ numérique, FTC, Noos et UPC. Il a également entendu les principaux distributeurs du câble et du satellite afin de prendre en compte leurs possibilités techniques et leurs difficultés particulières.

[17]Le code de 4 chiffres doit être différent de 0000. Il s’agit d’un code spécifiquement dédié à cet usage donc différent du code d’accès au paiement à la séance. Dans l’attente de la mise en place de tous les critères et en particulier du code spécifique qui pose des difficultés techniques sur certains services, le CSA propose aux opérateurs un système de remplacement jusqu’en 2008.

[18] V. CE, 17 mai 2006, Association Comités Télévision et libertés, req., n°263081.

[19] CSA, Protection de l’enfance et de l’adolescence à la télévision et à la radio, Les Brochures du CSA, juin 2006, p.61.

[20] V.  L. Franceschini, « Pornographie et télévision », Légipresse, 2002, n°197, II, p.163.

[21] Ils ne peuvent être diffusés seulement par les chaînes « cinéma » comportant des obligations spécifiques d’investissement, ou ayant souscrit à des engagements élevés de contribution à la production. Chaque convention précise le nombre de diffusions. La diffusion n’est possible qu’entre minuit et 5 heures du matin.

[22] V. CE, 9 février 2005, Société Canal Calédonie, Légipresse, 2005, n°223, I, 99.

[23] On l’aura compris, cela vise Canal Plus.

[24] Cette offre globale ne doit pas être proposée à des conditions commerciales favorables.

[25] J. Rivero, Les libertés publiques, PUF, collection Thémis-Droit public, Tome 1, Les droits de l’homme, 8ème édition, 1997, p.52.

[26] La précision de ce texte est remarquable par rapport au caractère plus circonstanciel des textes qui l’ont suivi, par exemple: La Constitution du 24 juin 1793, article 7 : « Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s’assembler paisiblement, le libre exercice des cultes ne peuvent être interdits. La nécessité d’énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme. »

La Constitution du 5 fructidor an III (1795), puis la Constitution du 22 frimaire an VIII (1799), dont le droit à la liberté d’expression est absent.

La Charte constitutionnelle du 4 juin 1814, article 8 :« Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus de cette liberté. »

La Charte constitutionnelle du 14 août 1830, article 7 : « Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions en se conformant aux lois. La censure ne pourra jamais être rétablie. »

La Constitution du 4 novembre 1848, article 8 : « Les citoyens ont le droit de s’associer, de s’assembler paisiblement et sans armes, de pétitionner, de manifester leurs pensées par la voie de la presse ou autrement. L’exercice de ces droits n’a pour limites que les droits ou la liberté d’autrui et la sécurité publique. La presse ne peut, en aucun cas, être soumise. à la censure. »

La Constitution du 14 janvier 1852 se contente de reconnaître, confirmer et garantir « les grands principes proclamés en 1789, et qui sont la base du droit public des Français ».

Les lois constitutionnelles des 24, 25 février et 16 juillet 1875, qui forment la Constitution de la Ille République, ne contiennent pas de déclaration de droits, même s’il est admis que les principes de 1789 ont souvent inspiré la législation, et, entre autres, la loi de 1881 sur la presse.

La Constitution du 27 octobre 1946, puis la Constitution du 4 octobre 1958 se sont contentées, sur ce point, de se référer, dans leurs Préambules, à la Déclaration de 1789.

 

[27] CE, 19 avril 1991, Belgacem.

[28] CEDH, 14 juin 2007, Hachette Filipacchi c/ France.

[29] CEDH, 7 novembre 2006, Légipresse, n°239-III, p.34.

[30] CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c/ Royaume-Uni .

[31] TGI Paris, 17e ch., 15 décembre 1998, Ministère public c/ Ph. A., Légipresse, janv./févr. 1999, III-15 ; AJDA 1999. 521, note E. Desfougères.

[32] CA Paris, 11e ch., sect. B, 29 juin 2000,  Légipresse, septembre 2000, III-147.

[33] CA Paris, 11e ch. B, 23 mai 2002 : Légipresse, octobre 2002, I-125.

[34] Cass. crim. 20 février 2001 : préc.

[35] Cass. crim. 18 mars 2003 .

[36] CEDH, 17 octobre 2006, Gourgunitze c/ Georgie, requêt n°71678/01.

[37] Cons. Const. , n°71-44 DC du 16 juillet 1971

[38] Cons. Const., n°84-181 DC, 10 et 11 octobre 1984, GDCC, n° 36, p. 599.

[39] Ibidem.

[40] Cons. Const., n°82-141 DC, 27 juillet 1982, RJC-I, p. 126.

[41] Cons. Const., n° 86-217 DC, 18 septembre 1986, GADA, n° 42, p. 245.

[42] V. infra.

[43] Cons. Const., n°88-248 DC, 17 janvier 1989, GADA, n° 51, p. 319.

[44] Cons. Const., n°71-44 DC, 16 juillet 1971, GDCC, n°19, p.252.

[45] Cons. Const., n°84-181 DC, 10 et 11 octobre 1984, GDCC, n° 36, p. 599.

[46] v. par exemple: Cons. Const., n° 2001-446 DC du 27 juin 200 l, cons. 4, Rec. Cons. Const., p.74.

[47] Cons. Const., n° 84-181 DC, 10 et 11 octobre 1984, GDCC.

[48] V cas où la loi est conforme à l’objectif de pluralisme; «dans l’acception ainsi strictement définie, les dispositions ne sont contraires ni à l’article 11 de la Déclaration de 1789, ni à aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle concernant la liberté définie par ce texte; elles n’empêchent ni la création de nouveaux quotidiens ni le développement des quotidiens existants lors même qu’il en résulterait un dépassement des plafonds fixés; elles ne font application de ces plafonds qu’au cas où leur dépassement résulterait de pures transactions financières de nature à desservir le pluralisme dont le maintien et le développement sont nécessaires à l’exercice effectif de la liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », Cons. Const., n° 84-181 DC, 10 et 11 octobre 1984, GDCC.

[49] Cons. const., décis. n° 86-210 DC, 29 juillet 1986, RJC-I, p. 270.

[50] Cons. const., décis. n°84-181 DC, 10 et 11 octobre 1984, GDCC.

[51] Cons. const., décis. n° 86-217 DC, 18 septembre 1986.

[52] Cons. const., décis. n°89-248 DC, 17 janvier 1989, GADA, n°51.

[53] Cons. const., décis. n° 84-173 DC, 26 juillet 1984, RJC-I, p. 187.

[54] Cons. const., décis. n°96-378 DC, 23 juillet 1996, RJC-l, p. 675.

[55] Cons. const., décis. n° 88-248 DC, 17 janvier 1989, GADA, n° 51, p. 319.

[56] Cons. const., décis., n° 88-248 DC, 17 janvier 1989, GADA, n° 51, p. 319.

[57] V pour application de cette réserve d’interprétation, CE, Ass., 1er mars 1994, S.A. La Cinq: en se prononçant sur la conformité à la Constitution du texte adopté par le Parlement, le Conseil constitutionnel, par sa décision n°248 DC du 17 janvier 1989 a estimé que les pouvoirs de sanction dévolus au Conseil supérieur de l’audiovisuel ne sont susceptibles de s’exercer qu’après mise en demeure; e’est sous réserve de cette interprétation que les articles mis en cause ont été déclarés conformes à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et à l’article 34 de la Constitution.

[58] Cons. const., décis. n°84-185 DC, 18 janvier 1985, RJC-I, p. 219.

[59] Cons. const., décis. n°93-333 DC, 31 janvier 1994, RJC-I, p. 569.

[60] Cons. const., décis. n°88-248 DC, 17 janvier 1989, GADA, n°51, p. 319.

[61] Cons. const., décis. n°84-173 DC, 26 juillet 1984, RJC-I, p. 187; Cons, const., décis. n°86-217 DC, 18 septembre 1986, DA, n°42, p. 245.

[62] La liberté d’expression est «l’une des conditions de base pour le progrès des sociétés démocratiques et pour le développement de chaque individu ». CEDH, 7 décembre 1976, Handyside.

[63] Le Préambule de la CEDH dispose dans son alinéa 5 que les Etats parties «réaffirment leur profond attachement à ces libertés fondamentales qui constituent les assises mêmes de la justice et de la paix dans le monde et dont le maintien repose essentiellement sur un régime politique véritablement démocratique, d’une part et d’autre part, sur une conception commune et le commun respect des droits de l’homme dont ils se réclament ».

[64] Voir. T. Van Boven,  Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, in La Convention européenne des droits de l’homme, Commentaire article par article.. L’auteur relève qu’une «démocratie politique effective est considérée comme le contexte idéal pour la garantie et le développement des droits de l’homme et des libertés Fondamentales ». Voir P. Wachsmann, Libertés publiques, Dalloz. 1998, 2e édition, p.59. Examinant la jurisprudence européenne, l’auteur souligne qu’il «n’est pas de démocratie authentique, c’est-à-dire de démocratie pluraliste, si certaines libertés essentielles ne sont pas garanties » et, à ce titre, la liberté d’expression.

[65] G. Strozzi, « Liberté de l’information et droit international », RGDIP,1990, p.956.

[66] Cons. const., décis. n°84-181 DC. 10 et 11 octobre 1984, cons.36.

[67] M. Fromont, « Les titulaires de la liberté d’expression », AIJC, 1995, p.430.

[68] En ce sens, G. Cohen-Jonathan, « La liberté d’expression dans la Convention européenne des droits de l’homme », 1ère partie, Légipresse, 1994, n°108, IV, p.4.

[69] P. Wachsmann, « Participation, communication, pluralisme », AJDA, 1998, numéro spécial, p.166.

[70] Recommandation du conseil économique et social du 22 juin 2005, « garantir le pluralisme et l’indépendance de la presse quotidienne pour assurer son avenir », http://www.ces.fr/rapport/rapsec/RS044430.pdf

[71] CEDH, 7 décembre 1976, Handyside / Royaume Uni, Série A, n°24 ; CEDH, 8 juillet 1986, Lingel c/ Autriche. Série A.

[72] v . P. Marcangelo-Léos, Pluralisme et audiovisuel, LGDJ, Bibliothèque droit public, n°240, 2004, p.226.

[73] F. Sudre, La Convention européenne des droits de l’homme, PUF, Que sais-je ?.

[74] CEDH, 30 janvier 1998, Parti communiste unifié de Turquie et autres, §43.

[75] F. Sudre, La Convention européenne des droits de l’homme, PUF, Que sais-je ?.

[76] CEDH, 30 janvier 1998, Parti communiste unifié de Turquie et autres c/ Turquie.

[77] CEDH, 26 avril 1979, Sunday Times.

[78] CEDH, 27 mars 1996, Goodwin c/ Royaume-Uni.

[79] P. Wachsmann, « Liberté d’expression et négationnisme », RTDH, 2001, numéro spécial.

[80] S. Van Drooghenbroeck, « L’article 17 de la CEDH : incertain et inutile », in Pas de liberté pour les ennemis de la liberté, Bruylant Bruxelles, 2000, p.166.

[81] Ibid.

[82] Le pouvoir d’appréciation des Etats n’est pas illimité, «la marge d’appréciation va de pair avec le contrôle européen », CEDH, 26 avril 1979, Sunday Times, §59. La Cour EDH a compétence pour statuer en dernier lieu sur le point de savoir si une restriction ou une sanction se concilie avec la liberté d’expression, CEDH, 8 juillet 1986, Lingens C/ Autriche. série A, n°103, §39.

[83] V. Fabre-Aubert, « La notion de société démocratique dans la jurisprudence de la CEDH », RTDH, 1998, p.479.

[84] CEDH, Légipresse, n°157, III, p.161, note P. Mathonnet.

[85] Légipresse, n°177, II, p.195, note N. Louvet.

[86] Légipresse, n°195, III, p.159, note H. Leclerc.

[87] Tel est le cas dans l’affaire Ekin relative au contrôle des publications étrangères. La solution dégagée par la Cour européenne en date du 17 juillet 2001, relative aux publications étrangères a été suivie par le Conseil d’Etat en 2003 (« Considérant qu’aux termes du paragraphe 1de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales: « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des communications ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière …» ; que si le paragraphe 2 du même article prévoit que l’exercice de ces libertés peut être soumis à des restrictions (…) prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique », dès lors qu’elles répondent à l’une ou l’autre des exigences exprimées audit paragraphe, les dispositions du décret du 6 mai 1939 donnent au ministre de l’Intérieur compétence pour interdire, de manière générale et absolue, sur l’ensemble du territoire et sans limitation dans le temps, la circulation, la distribution ou la mise en œuvre de toute publication rédigée en langue étrangère ou considérée comme de provenance étrangère, sans que lesdites dispositions indiquent les motifs pour lesquels une telle interdiction peut être prononcée; qu’un tel pouvoir d’interdiction, malgré l’étendue du rôle juridictionnel sur les décisions individuelles qui en font usage, est de nature à porter au droit des intéressés au respect des libertés précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels des restrictions peuvent être définies; qu’ainsi les dispositions du décret du 6 mai 1939 méconnaissent les stipulations de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; qu’il suit de là que le Groupe d’information et de soutien des immigrés est fondé à demander l’annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par le Premier ministre sur sa demande tendant à l’abrogation de décret du 6 mai 1939 modifiant l’article 14 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse », CE, 7 février 2003, GISTI, req., n°243634).

En dépit de l’injonction adressée, le gouvernement a finalement abrogé le décret-loi du 6 mai 1939 par un décret  n°2004-1044 du 4 octobre 2004

[88] La solution dégagée par la Cour relative au délit d’offense à chef d’État étranger a été suivie d’effet par le législateur qui a abrogé explicitement cette disposition.

[89] V. Légicom, numéro dédié à La communication à l’épreuve de l’Europe, 2004.

[90] L. 19 février 2002 modifiant la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion.

[91] D. de Bellescize, « La France et l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme », RTDH, 2005, p.225.

[92] D. de Bellescize, « La France et l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme », préc.

[93] Légipresse, n°175, III, p.153.

[94] Cass. 1ère civ., 12 décembre 2006, Consorts X. c/ Y, LégipresseI, n°240-III, p.65.

[95] P. Marcangelo-Léos, Pluralisme et audiovisuel, LGDJ, Bibliothèque droit public, n°240, 2004, p.226.

[96] P. Gaïa, « Les interactions entre les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil constitutionnel », RFDC, 1996, n°28, p.736.

[97] J-F Flauss, « Les incidences de la CEDH sur le contrôle de constitutionnalité des lois en France », LPA,  9 décembre 1988, p.5.

[98] Ibidem

[99] C. Leclerc, Les libertés publiques.

[100] En ce sens, R. Abraham, « Les incidences de la CEDH sur le droit constitutionnel et administratif des Etats parties », RUDH, 1992, volA. n° 10-11, pA12.

[101] J-F Flauss, « Les incidences de la CEDH sur le contrôle de constitutionnalité des lois en France », LPA,  9 décembre 1988, p.5.

[102] Ibidem.

[103] B. Genevois, « Le Conseil constitutionnel et le droit né de la Convention européenne des droits de l’homme » :

[104] CEDH, arrêts Handisyde, Sunday Times et Lingens, op.cit.

[105] D. Rousseau, F. Sudre, sous la direction de, Conseil constitutionnel et Cour européenne des droits de l’homme

[106] Ibidem.

[107] R. Badinter, B. Genevois, « La hiérarchie des normes constitutionnelles et sa fonction dans la protection des droits fondamentaux », RUDH¸1990, vol.2, p.265

[108] B. Mathieu, M. Verpeaux, « Architecture générale du droit constitutionnel français de la communication audiovisuelle », REDP, 1996, vol.8, p.787.

[109] n°2004-497 DC ; et 2007-550 DC.

[110] M-L Pavia, « L’existence du pluralisme, fondement de la démocratie », RA, 1990, n°256, p.320.

[111] Ibidem.

[112] Recommandation n° 2006-7, du 7 novembre 2006, du Conseil supérieur de l’audiovisuel relative à l’élection présidentielle de 2007, site du CSA.

[113] Concl. Levis (D.), sur CE ass., 28 octobre 1988, centre national des indépendants et paysans, RFDA, 1988, p.904.

[114] D. Rousseau, Chronique de jurisprudence constitutionnelle, RDP, 1992, p.88.

[115] L.Favoreu, sous la coordination de, Droit constitutionnel, Précis Dalloz.

[116] M-L Pavia, « Le Conseil constitutionnel et la protection des droits et libertés », RA, 1988, n°245, p.437.

[117] CEDH, 18 février 1999, Matthews c/ Royaume Uni, Rec., 1999-1. La Cour applique l’article 3 du Protocole n° 1 aux organes représentatifs supranationaux (Parlement européen). Elle considère que le choix du mode de scrutin au travers duquel la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif est assurée relève de la marge d’appréciation libre de chaque Etat:

 

[118] J-F  Flauss, « Droit constitutionnel et Convention européenne des droits de l’homme. Le droit constitutionnel national devant la CEDH », RFDC, 2000, n°44, p.848.

[119] D. Rousseau, « Sur le Conseil constitutionnel, La doctrine Badinter et la démocratie », Ibid., p.123.

[120] F. Monconduit, « Etat et démocratie », RDP, 1986, p.336.

[121] F. Luchaire, « Le Conseil constitutionnel et la souveraineté nationale », RDP, 1991, p.1499.

[122] C. Grewe, H. Ruiz-Fabri, « Droits constitutionnels européens », préc.

[123] C. Grewe, « L’unité de l’Etat ; entre indivisibilité et pluralisme », RDP, 1998, p.1354.

[124] M. Oetheimer, « L’harmonisation de la liberté d’expression en Europe. Contribution à l’étude de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et son application en Autriche et au Royaume-Uni », préc.

[125] F. Sudre, Droit international et européen des droits de l’homme, PUF, collection droit fondamental, 2001.

[126] C. Grewe, H. Ruiz-Fabri, « Droits constitutionnels européens », préc.

[127] F. Sudre, Droit international et européen des droits de l’homme, préc.

[128] C. Grewe, H. Ruiz-Fabri, « Droits constitutionnels européens », préc.

[129] E. Casenove, Ordre juridique et démocratie dans la jurisprudence de la CEDH, Thèse, Amien, 1994, p.161.

[130] Ibid.

[131] O. Duhamel, « Médias et crise de la démocratie »¸ in La démocratie continue.

[132] J . Chevallier, « Constitution et communication », D., 1991, chr., p.253.

[133] E. Daragon, « Etude sur le statut juridique de l’information », D., 1998, chr, p.64.

[134] Droit de l’information, 1982, 2ème édition, p.1.

[135] Le principe de libre circulation de l’information prend alors toute sa dimension dans les échanges transfrontaliers qui sont essentiellement régis dans le cadre régional, sous l’angle des libertés individuelles, par l’article 10 de Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et pour l’aspect économique par les articles 59 et 60 du Traité de Rome. C’est en effet dans les textes fondateurs du droit européen que le principe de la libre circulation de l’information puise toute sa substance, et qu’il bénéficie d’une protection renforcée dans le domaine de l’information télévisée, par le truchement d’instruments juridiques spécialement créés à cet effet. En réalité, les seules dispositions du droit européen relevant de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du Traité de Rome, ainsi que la jurisprudence qui s’y rapporte ne peuvent valablement garantir la libre circulation de l’information dès lors que les Etats peuvent la fausser en raison de la marge de manœuvre qui leur est concédée (B. Cousin et B. Delcros, « L’Europe de la communication audiovisuelle », AJDA, 1991, p.218 ; F. Pollet-Rouyer, Le droit français de la radiodiffusion par satellite, Thèse Aix en Provence, p.430) . La jurisprudence de la Cour de justice «Debauve» donne une illustration probante de ce constat en retenant notamment que l’information télévisée bénéficie du régime de la libre prestation de service en exécution des articles 59 et suivants du Traité dans la mesure où la nature de cette information se prête à une telle liberté (CJCE, aff. 52-79, 18 mars 1980, Procureur du Roi c/ Debauve, Rec., 1980, p.833). Par conséquent, le principe de libre circulation est garanti pour autant que les principales disparités législatives et réglementaires nationales sont levées. La suppression des disparités repose, dans le domaine de l’information télévisée, sur l’existence de moyens juridiques autonomes et spécialisés, au fait des réalités économiques de l’activité audiovisuelle, et protecteurs des libertés individuelles.

Cependant, l’effort normatif, consenti dans le cadre du Conseil de l’Europe, a certes abouti à l’élaboration de cette convention internationale, mais son entrée en vigueur, conditionnée par un processus de ratification parfois incertain, en a retardé d’autant l’application (J. Barrat, « L’internationalisation du régime des médias », Etudes offertes à Alain Plantey, L’internationalité dans les institutions et le droit, Editions Pédone, 1995, p.254). D’ailleurs, la France ne l’a ratifiée qu’en 1991.

Il convient de constater que la situation, quelque peu différente au sein de la Communauté européenne, en raison de sa finalité intégrationniste, ne s’est pas concrétisée avec plus d’aisance. Dès 1982, le Parlement européen avait adopté une résolution relative à la radiodiffusion et à la télévision au sein de la Communauté, qui a été suivie par un rapport sur les médias présenté, en 1983, par la Commission, ayant pour ambition de jeter les bases d’une action commune en vue de la création d’un programme européen. Cependant, ce n’est qu’en 1984, que la Commission parvint à élaborer un Livre vert, dont le champ d’application suffisamment large, allait servir de fondement à l’instauration d’une norme communautaire (Livre vert sur l’établissement du marché commun de la radio-diffusion, notamment par satellite et par câble, 14 juin 1984, CEE Com (84) 300 final). Inspiré de la logique libérale qui a présidé à l’établissement du marché commun, le Livre vert repose sur l’application des principes fondateurs du Traité de Rome, contenus dans les articles 59 à 66, qui requièrent la libre circulation sans entrave des services et des marchandises entre les Etats membres. Qualifié de prestation de service par la Cour de justice de la Communauté européenne (CJCE, aff. 155-73, du 30 avril 1974, Giuseppe Sacchi, Rec., 1974, p.406), le message audiovisuel doit à ce titre circuler sans entraves entre les Etats membres, ce qui implique légitimement qu’un Etat ne peut s’opposer à la réception du message par l’ensemble de ses ressortissants.

[136] D. Gay-Bellile, Liberté d’expression et nouvelles technologies de communication, Thèse dactylographiée, Paris II, 1989, p.10.

[137] Sur le site Internet des Nations Unies : http://www.un.org/.

[138] Cons. Const., n°82-142 DC, 27 juillet 1982, préc.

[139] Cons. Const., n°84-181 DC, 10 et 11 octobre 1984 ; Cons. Const., n°86-217 DC, 18 septembre 1986, préc.

[140] J.-M. Auby, R. Ducos-Ader, Droit de l’information, 1982, 2ème édition, p.12.

[141] Loi constitutionnelle n° 2005 – 205 du 1er mars 2005.

[142] Décret n°2002-1187 du 12 septembre 2002 portant publication de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (ensemble deux annexes), faites à Aarhus le 25 juin 1998.

[143] JO, 13 avril 2000, p.5646.

[144] R. Pinto, La liberté d’information et d’opinion en droit international, Economica, collection Etudes Juridiques Comparatives et Internationales, 1984.

[145] Voir en ce sens l’article de J. Fauvet dans Le Monde du 19 novembre 1971 : « La presse d’information et la presse d’opinion », p. 51..

[146] Le Pacte International de 1966, (article 19 consacrant la liberté d’expression) : La France l’a ratifié le 4 novembre 1980, JO 1er février 1981, p. 398. Réserves de la France : par rapport à l’article 19 relatif à la liberté d’expression applicable sous réserve du droit de l’Etat d’instituer un régime de monopole de la radiodiffusion et de la TV et dans les mêmes conditions que l’article 10 de la CESDHLF.

[147] CEDH, 26 mars 1987, Leander contre Suède, série A, n° 116.

[148] CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c/ Royaume- Uni, préc.

[149] Charte européenne des droits fondamentaux de l’Union Européenne, article 11 : Liberté d’expression et d’information : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés ».

[150] In RUDH, « Rapport explicatif de la Charte », 31 octobre 2000, p. 161.

[151] Cons. Const., n°86-217 DC, Liberté de communication audiovisuelle, préc..

[152] M. Bodin, Le droit à l’information, un droit constitutionnel en voie d’élaboration, Thèse microfiche, Caen, 1993, p.76.

[153] B. Faure, « Les objectifs de valeur constitutionnelle : Une nouvelle catégorie juridique ? », RFDC, 1995, n°21, p.48.

[154] Cons. Const., n°80-127 DC, 19 et 20 janvier 1981, sécurité et liberté, Rec., p.15

[155] Voir en ce sens les décisions du Conseil constitutionnel intéressant le droit au logement.

[156] B. Faure, « Les objectifs de valeur constitutionnelle : Une nouvelle catégorie juridique ? », préc., p.53.

 [157] M. Bodin, Le droit à l’information, un droit constitutionnel en voie d’élaboration, préc., p.76.

[158] Respectivement articles 28 et 1er de la loi du 30 septembre 1986 modifiée.

[159] J-F Lachaume, « Droits fondamentaux et droit administratif », AJDA, 1998, numéro spécial, 20 juillet/20 août, p.93.

 [160] Voir, M. Bodin, Le droit à l’information, un droit constitutionnel en voie d’élaboration, préc., p.24 ; L. Favoreu, « L’élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel aux juridictions administratives et judiciaires », RFDA, 1990, p.581 et suivantes ; J. F. Lachaume, « Droits fondamentaux et droit administratif », préc., p.92. ; E. Picard, « L’émergence des droits fondamentaux en France », AJDA, 1998, numéro spécial, 20 juillet/20 août, p.6.

[161] F. Terré, « L’information ? Des libertés aux droits subjectifs », Légipresse, 1995, n°119, II, p.22.

[162] J. Chevallier, « Constitution et communication », D., 1991, chr, p.253.

[163] R. Von Ihering, L’esprit du droit romain dans les diverses phases de son développement, traduction par O. De Meulenaere, éditions Marescq, tome 4, 1978, 3ème édition, p.326.

[164] Ibidem ; Nous renvoyons également à l’ouvrage de X. Agstinelli, Le droit à l’information face à la protection civile de la vie privée, Librairie de l’Université d’Aix en Provence, collection Ethique et déontologie, 1994, p.118 et suivantes.

[165] Ibidem.

[166] J. Mestre, « La protection, indépendante du droit de réponse, des personnes physiques et des personnes morales contre l’altération de leur personnalité aux yeux du public », JCP, 1974, doctrine, n°2623.

[167] Voir en ce sens, C. Soria, « Le droit à l’information dans la Constitution espagnole », préc., p.1223.

[168] Voir pour les fondements de cette application de la théorie des droits subjectifs, J. Dabin, Le droit subjectif, Dalloz, 1959.

[169] Bien que la conception naturaliste des droits-créances tend à en faire des droits naturels dont le respect est immédiatement exigible, à l’instar des droits subjectifs ; Cf. G. Lebreton, Libertés publiques et droits de l’homme, Armand Colin, p.95

[170] J. Rivero, Les libertés publiques,  Thémis-PUF, tome 1, p.97 et s.

[171] G. Lebreton, Libertés publiques et droits de l’homme, préc., p.15 et 16 ; Voir également P. Wachsmann, Libertés publiques, Dalloz, Droit public-science politique ; J. Mourgeon, Les droits de l’homme, PUF, collection Que sais-je ?, 1998, n°1728.

[172] J. Rivero, Les libertés publiques, préc., p.100.

[173] M. Bodin, Le droit à l’information, un droit constitutionnel en voie d’élaboration, préc., p.121.

[174] F. Rigaux, La protection de la vie privée et des autres biens de la personnalité, LGDJ, 1990, p.756.

 [175] P. Kayser, La protection de la vie privée par le droit, PUAM-Economica, 3ème édition, p.222.

 [176] M. Verpeaux, « La liberté », AJDA, 1998, numéro spécial, 20 juillet/20 août, p.144.

[177] TGI Paris, 3ème ch., 23 février 1999, Fabris c/ France 2, D., cahier droit des affaires, 1999, n°38, jurisprudence, p.580 ; Cass, 1ère ch. civ., 13 novembre 2003, Fabris c/ France 2, pourvoi n°01-14385.

[178] Cf., Cass. 1ère ch. civ., 6 février 1996, Société nationale des programmes FR3 c/ Association Formula one constructors, Légipresse, 1996, n°133, III, p.88.

[179] Voir en ce sens l’analyse de, P. Auvret, « Droit du public à l’information et l’exploitation médiatique de la personnalité d’autrui », Légipresse, 2000, n°170, II, p.33.

[180] Cf. TGI Paris, 1ère ch., 29 novembre 1995, Patrouilleau et autres c/ Volker et autres, JCP, 1996, II, n°22563.

[181] TGI Paris, 1ère ch., 29 novembre 1995, Patrouilleau et autres ci Volker et autres, JCP, 1996, Il. n » 22563.

[182] Cass. crim. 7 décembre 2004, pourvoi n°03-82832 ; Cass. civ. 1ère ch., 13 novembre 2003, pourvoi n°01-14385.

[183] CE, Sect., 2 juin 1999, Meyet, AJDA, 1999, p.629.

[184] v. Téléspectateur et message audiovisuelContribution à l’étude des droits du téléspectateur, LGDJ, Bibliothèque de droit public, tome 215.

[185] décis. n°94-333 DC, 21 janvier 1994, RJC-I, p. 569.

[186] F. Brocal von Plauen, Le droit à l’information en France, Université Lyon 2, Les thèses électroniques, 2004.

[187] F. Luchaire, « La sécurité juridique en droit constitutionnel français », Cahiers du Conseil constitutionnel 2001 n° 11.

[188] CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c/ Royaume- Uni, préc.

[189] J. Rivero, Perspectives canadiennes et européennes des droits de la personne, Blais, Québec, 1986, p. 251.

[190] CEDH, 26 avril 1979, Sunday Times c/ Royaume-Uni. Série A, n°30.

[191] CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c/Royaume Uni, Série A, n° 24; CEDH, 25 mars 1985, Barthold c/ Allemagne, Série A, n°90.

[192] C’est-à-dire la sécurité nationale, l’intégrité territoriale, la sûreté publique, la défense de l’ordre, la prévention du crime, la protection de la santé et de la morale.

[193] La protection de la réputation d’autrui et la sauvegarde d’informations confidentielles.

[194] V. CEDH, 18 mai 2004, Plon c/ France

[195] CEDH, 27 juin 2000, Constantinescu c/ Roumanie.

[196] CEDH, 8 juillet 1999, Sürek c/ Turquie.

[197] CEDH, 20 janvier 2000, Hogefeld c. Allemagne.

[198] CEDH, 24 février 1997, De Haes et Gijgels c/ Belgique.

[199] CEDH, 29 août 1997, Worm c/ Autriche.

[200] Cons. const., décis. n°82-141 DC, 27 juillet 1982, RJC-I, p. 126; Cons. const., décis. n°86-217 DC, 18 septembre 1986, GADA, n° 42, p. 245 ; Cons. const., décis. n°88-248 DC, 17 janvier 1989, GDCC.

[201] Cons. const., décis. n°86-217 DC, 18 septembre 1986.

[202] Cons. const., décis. n°2001457 DC, 27 décembre 2001, rec., p. 192.

[203] Cons. const., décis. n° 94-345 DC, 29 juillet 1994, RJC-I, p. 595.

[204] Cons. const., décis. n°94-345 DC, 29 juillet 1994, R.JC-I, p. 595.

[205] Cons. const ., décis. n°99-416 DC, 23 juillet 1999, Rec. Cons. const., p. 100.

[206] L’article 14 de la loi du 16 juillet 1949 sur les publications présentant un danger pour la jeunesse soumet leur contenu à des normes strictes. Ces publications peuvent faire l’objet, par arrêté du ministre de l’Intérieur de restrictions tenant à leur diffusion et leur commercialisation (interdiction de vente aux mineurs, d’exposition à la vue du public ou de publicité) lorsqu’elles « présentent un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère licencieux ou pornographique , ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l’incitation à l’usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ». Ces dispositions dotent l’administration de pouvoirs qu’il est tentant pour elle de détourner, alors que la répression pénale ordinaire offre une protection suffisante. La protection de la jeunesse fait preuve d’un autoritarisme incompatible avec la liberté d’expression. L’exercice, par le juge administratif, d’un contrôle entier sur les appréciations ministérielles relatives tant au contenu des publications qu’au choix des mesures édictées ne compense que très partiellement les vices inhérents à ce contrôle administratif des publications assez fréquemment exercé.

[207] V. les développements sur la jurisprudence Ekin.

[208] CE ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, GAJA, p. 768.

[209] CE ass. 24 janvier 1975, Société Rome-Paris Films, RDP 1975, 286, concl. Rougevin-Baville annulant l’interdiction du film de Jacques Rivette, Suzanne Simonin, La Religieuse de Diderot.

[210] TGI Paris, référés, 23 octobre 1984, D. 1985, 31, note Lindon.

[211] TGI Paris, référés, 20 février 1997, LPA n’ 24, 1997, 10, note Gras.

[212] Voir également, dans la même logique, le refus d’interdire la diffusion de l’affiche du film de Costa-Gavras, Amen, jugée constituer un reflet fidèle et non provocateur du propos du film : TGI Paris, référé, 21 février 2002, Légipresse, n’ 192, 2002, III, 105.

[213] CE sect. 30 juin 2000, Association Promouvoir, M. et Mme Mazaudier et autres, Ree., p. 265, concl. contr. Honorat; AJDA 2000, p. 674 et p. 609, chr. M. Guyomar et P. Collin.

[214] V. pour les vidéogrammes l’ord. du CE, réf., 31 janv. 2001, Association Promouvoir.

[215] V. pour les vidéogrammes l’ord. du CE, réf., 31 janv. 2001, Association Promouvoir.

[216] CE, 13 novembre 1996, Association changez la une, Lebon, p. 451.

[217] Cons. const., n°2007-550 DC, du 27 février 2007.

[218] http://www.comite-constitutionnel.fr/actualites/?id=48&page=1     p.94

[219] « Convergence numérique, convergence juridique ? », Legicom n°40 – 2007/4, p.35