Le droit des contrats

Droit des contrats après la réforme

Le droit des contrats est la mise en forme juridique des rapports entre les hommes. C’est d’abord la base sur laquelle repose toute la vie économique et sociale d’un pays.Le droit des contrats a fait l’objet d’une importante réforme en 2016, vous trouverez donc 2 cours sur cette page :

  • Le 1er cours est à jour de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
  • Le 2ème cours a été rédigé avant la réforme de 2016.

Pour qu’un contrat soit valide, il doit répondre aux conditions édictées par la loi : d’abord, un consentement lucide et librement donné, en effet, il n’y a point de consentement valable si le consentement a été donné par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou par dol. Lorsque l’une des parties aura contracté sous une de ces conditions, ensuite, le contrat doit avoir un objet certain qui forme la matière de l’engagement, et une cause licite ; et enfin un contrat doit être conforme avec l’ordre public et les bonnes mœurs.

Droit des contrats après la réforme

Le droit des contrats examine, essentiellement, les pourparlers, les avant-contrats, la rédaction des clauses et suivi des obligations contractuelles, les sanctions de l’inexécution, les événements économiques et juridiques affectant le contrat, et le contentieux de la rupture.

INTRODUCTION

Le droit des obligations est une branche du droit commun très importante car ce droit regroupe les règles de bases auxquelles sont soumis tous les contrats.

  1. LE DROIT COMMUN DES CONTRATS.

Sur le droit commun des contrats se greffe le droit spécial des contrats ; ex : bail, dépôt etc. Ce qui va nous permettre de comprendre le droit spécial des contrats comme le droit commercial ou le droit de la consommation.

Il existe deux sources de l’obligation :

  • Le contrat, c’est-à-dire un accord de volonté qui a pour conséquence de créer une ou des obligations juridiques.
  • Le fait, c’est-à-dire l’obligation, lorsque la responsabilité délictuelle de l’auteur est engagée.

Le droit des contrats a été codifié dans le Code civil et n’avait pas fait l’objet d’une réforme depuis 1804 jusqu’à l’ordonnance du 10 février 2016 qui a réécrit les textes relatifs aux obligations du Code civil et à changé l’ordonnancement du Code civil. Les dispositions nouvelles déduites de cette réforme sont en application depuis le 1 octobre 2016. Cette ordonnance ne concerne pas les contrats en cours formés avant l’entrée en vigueur de la réforme, car pour ces contrats-ci, ce sont les anciennes dispositions qui vont s’appliquer. Dorénavant, deux dispositions vont coexister.

Pourquoi avoir voté cette réforme ? Quels sont ses objectifs ?

Les deux principaux objectifs de la réforme sont :

  • Rendre plus lisible le droit des contrats et le rendre plus compréhensible pour les juristes car certaines formules réservées aux initiés étaient complexes à appliquer pour les autres.
  • Renforcer l’attractivité du droit français au niveau politique, économique et culturel à travers la modernisation du droit des contrats pour que celui-ci soit un modèle dans le milieu des affaires internationales.

Le droit de la responsabilité civile n’a pas été réformé.

Est-ce une obligation au sens juridique ?

On parle d’obligation lorsqu’on envisage une obligation qui peut être sanctionnée juridiquement. L’obligation civile suppose un moyen de contrainte étatique qui va permettre au créancier d’obtenir devant les tribunaux le recouvrement de sa créance. Il va pouvoir demander le paiement et plus généralement l’exécution de sa demande. Cette contrainte va permettre de faire la différence entre l’obligation civile et l’obligation morale. Les obligations civiles peuvent, en cas d’inexécution de la part du débiteur faire l’objet d’une exécution forcée, ce sont des obligations contraignantes alors l’inverse des obligations naturelles qui ne peuvent faire l’objet que d’une exécution volontaire.

Certaines personnes peuvent réaliser certaines prestations en vertu d’un devoir de conscience; ex : un couple en concubinage se sépare et l’un donne une somme à l’autre tous les mois -> ce n’est pas une obligation contraignante car rien ne l’y oblige, aucune devoir ne le contraint à faire cela et il peut donc arrêter quand il le souhaite.

–> Obligation naturelle/morale = devoir de conscience et non pas de cause, c’est-à-dire une obligation civile qui n’est pas sanctionnable. Ainsi le créancier de l’obligation naturelle ne peut en aucun cas former une action devant la justice pour non exécution de l’obligation, il ne pourra pas essayer de récupérer de dommages ou intérêts.

Le code civil admet deux articles sur les obligations naturelles :

  • L’article 1100 alinéa 2 qui prévoit que « peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution un devoir de conscience envers autrui ».
  • L’article 1302 qui prévoit que « tout paiement suppose une dette », que « ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition » et que « la répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées ».

–> Principe de l’action de répétition de l’indu = procédure consistant à essayer d’obtenir le remboursement d’une somme dont une autre personne s’est injustement enrichie à ses dépends. Cela relève du régime juridique du quasi contrat et dépend du délai de droit commun applicable selon l’article 1302.

Une obligation naturelle va avoir des effets juridiques puisse que l’action va être fermée au débiteur. Elle peut se transformer en obligation civile. Cette transformation avait été posée par la jurisprudence et figure dans la loi article 1100 alinéa 2.

Exemple : arrêt du 3 octobre 2006 : fait : une personne a engagé une action en recherche de paternité contre une autre. Cet homme s’est engagé à lui verser une certaine somme d’argent tous les mois jusqu’à la fin de ses études. La recherche n’a pas aboutit, l’homme arrête donc de verser cette somme quelques temps après. Le fils demande alors à engager une procédure contre son prétendu père. Mais cela a été censuré par la Cour de cassation qui lui reproche son raisonnement car le fils ne s’est pas inquiété du fait que son prétendu père puisse arrêter de verser l’argent prévue et donc de s’acquitter de l’obligation naturelle devenue civile.

–> L’obligation = lien juridique qui va s’établir entre deux personnes. C’est le lien qui va attacher, contraindre et obliger celui qui s’est engagé à tenir sa promesse. C’est plus précisément le lien de droit entre deux personnes en vertu duquel l’une d’entre elles, c’est-à-dire le créancier peut exiger de l’autre, c’est-à-dire le débiteur une prestation ou une abstention.

Le Code civil prévoit trois grands types d’obligations :

  • L’obligation de faire, c’est-à-dire exécuter une obligation positive.
  • L’obligation de ne pas faire, c’est-à-dire de s’abstenir ou clause de non concurrence.
  • L’obligation de donner/transférer, c’est-à-dire qui vise le transfert de propriété.

Cette distinction a été critiqué par la doctrine, dont majoritairement l’obligation de donner. Cette distinction n’a pas été reprise par la réforme de 2016 qui préfère faire une distinction entres les obligations pécuniaires et les obligations en nature.

L’obligation est qualifiée de droit personnel alors que le droit réel est un droit dont une personne est directement titulaire de la chose.

–> Droit personnel/de créance = droit absolu pouvant être invoqué par son titulaire à l’égard de tous. Ce droit permet au créancier de pouvoir exiger une prestation d’une autre personne, c’est-à-dire le débiteur.

–> Droit réel = celui qui donne à une personne un pouvoir direct sur une chose (droit de propriété).

L’obligation a deux aspects :

  • Un côté actif qui correspond au droit de créance.
  • Un coté passif qui correspond au droit de dette.

Sachant que l’obligation elle-même provient de deux sources :

  • L’obligation créée volontairement lors de la conclusion d’un acte juridique.
  • L’obligation créée par un fait ou une origine involontaire comme la responsabilité civile.

Pour les contrats civils et commerciaux les commerçants ont moins de protection que les simples consommateurs qui contractent. On protège donc le consommateur de manière plus accrue lorsqu’il contracte pour des besoins privés et familiaux, et lorsqu’il passe un contrat avec un professionnel.

  1. LES GRANDS PRINCIPES DIRECTEURS DES CONTRATS.

Ces grands principes sont la liberté contractuelle, la force obligatoire du contrat et la bonne foi. Ce sont les principes à partir desquelles on a élaboré le droit des contrats. Ces principes figures maintenant dans les articles 1102,1103 et 1104 du Code civil.

  • La force obligatoire.

Le principe de la liberté contractuelle justifie le second principe qui est la force obligatoire du contrat. Le contrat a une force obligatoire car les parties l’ont librement voulu. Si l’obligation peut être sanctionnée et est donc contraignante c’est car le contrat a été volontairement signé par les parties. Cela trouve sa source dans l’autonomie des parties. Le contrat est la loi des parties. Le consentement des parties doit être libre et éclairé, à l’inverse le contrat sera annulé.

  • La liberté contractuelle.

Le principe de liberté contractuelle se décline en plusieurs sous parties dans l’article 1102 du Code civil. Cette liberté implique la possibilité de contracter ou de ne pas contracter, ceci tant que le contrat n’est pas conclu car tant que ce dernier n’est pas signé on est libre. C’est aussi la liberté de choisir son cocontractant et la liberté de choisir le contenu/la forme du contrat. Qui dit « contractuel » dit « juste ».

Les tiers, l’Etat et les juges ne peuvent pas intervenir dans les contrats, seules les parties peuvent défaire ce qu’elles ont voulu. L’Etat et le juge n’interviennent que pour corriger les déséquilibres entre les parties et corriger le contrat. Ce déséquilibre peut être dû au poids économique, au poids des connaissances ou au déséquilibre dans la mesure où certains contrats sont nécessaires. La loi renforce la protection de la partie la plus faible dans le contrat ; ex : le droit du contrat de travail. Le principe demeure, cependant il y a énormément de mécanismes correcteurs.

De ce principe a découlé le principe du consensualisme qui fait que le contrat est exprimé par la seule expression de la volonté, il n’y a pas besoin de recourir à des formes particulières comme l’écrit. Pour des raisons de preuves il est parfois nécessaire d’avoir un écrit. D’autant que pour certains contrats le législateur a imposé des formalités particulières ; ex : contrat réel, contrat solennel.

Cette liberté contractuelle s’exerce dans les limites fixées par la loi. Ces limites vont concerner les différentes aspects de l’autonomie de la volonté; ex : fait de contracter ou de ne pas contracter. Des contrats sont interdits car considérés comme contraire à l’ordre public; ex : vendre un rein. Mais à l’inverse, des contrats vont être imposés; ex : en matière de bail. Il existe d’autres cas où une autorisation administrative préalable est nécessaire. S’agissant du contrat, le législateur a imposé un formalisme; ex : être signé devant un notaire, être écrit à la main. De plus il existe des contrats pour lesquels le contenu est imposé. Les modalités de rupture des contrats peuvent elles aussi être encadrées. De manière générale, la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public.

La doctrine a pu parler de déclin du principe de la liberté contractuelle, mais ce principe reste essentiel, à tel point qu’il est dorénavant inscrit dans le Code civil. Mais à côté de ce principe d’autres ont émergés.

  • La bonne foi.

La jurisprudence notamment a exigé de la loyauté entre les parties, c’est la notion de bonne foi. Ce principe existait déjà mais la jurisprudence avait déduit de cela un véritable devoir de coopération entre les parties. La jurisprudence avait estimé que cette exigence de bonne foi devait être respectée lors de la formation du contrat comme lors de son exécution. Cela avait fait naitre un principe d’information entre les parties, la doctrine a pu parler de solidarisme contractuel. On retrouve cette exigence de loyauté dans l’article 1104 du Code civil qui précise que les contrats doivent être « négociés, formés et exécutés de bonne foi ».

Le contrat est un instrument d’échange et donc un outil économique. Quand le législateur intervient pour moraliser les contrats il intervient donc également pour réguler un secteur d’activité économique (ce qui dépend de la politique menée par le gouvernement).

LA FORMATION DU CONTRAT

LE PROCESSUS DE FORMATION DU CONTRAT

C’est le principe du consensualisme, mais en pratique cet échange des consentements peut être précédé d’un temps de négociation.

  1. LA NEGOCIATION DU CONTRAT.

  1. Les pourparlers.

  • Le déroulement des pourparlers.

Il faut faire la distinction entre des pourparlers et l’offre.

L’entrée en pourparler constitue une invitation à négocier le contrat c’est-à-dire que les éléments principaux sont connus par aucune des deux parties. Celui qui invite au pourparler ne propose que la négociation du contrat. Cette distinction a été reprise par l’article 1114 du Code civil qui nous dit que l’offre est ferme et précise. Ferme car elle exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation et précise car elle comporte les éléments essentiels du contrat envisagé. A défaut il y a seulement invitation à entrer en négociation. Il suffit que l’offre soit acceptée par son destinataire pour que le contrat soit instantanément formé.

Exemple: une annonce de pourparler serait « fiat 500 prix à débattre » alors qu’une annonce d’offre serait plutôt « fiat 500 pour 10 000€ ».

  • La rupture des pourparlers.

Lorsqu’on entre en pourparler la volonté de définir le contrat n’est pas ferme, tout dépend si un accord peut être trouvé ou pas. L’invitation au pourparler témoigne que de la volonté de son auteur de rentrer en contact avec un contractant dont le but doit être précisé. Il n’y a aucun effet obligatoire lié au pourparler. La jurisprudence a dégagé que les pourparlers sont libres mais qu’ils doivent être dégagés de bonne foi, loyalement ; ex : les parties ne doivent pas poursuivre de pourparler inutilement si elles ont abandonné le projet. Ce principe repris dans l’article 1112 du Code civil qui prévoit dans son alinéa premier que le pourparler doit impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

  1. Les avants contrats.

Ces contrats préparent le contrat en lui-même, ce sont des contrats préparatoires aux contrats définitifs. Ces contrats sont conclus lorsque les négociations ont déjà bien abouties pour encadrer la relation future. Ils obéissent aux régimes juridiques des contrats et ont un effet obligatoire mais les effets du contrat ne sont pas celles du contrat définitif.

Il y a deux principaux avants contrats :

  • Le pacte de préférence.
  • Les promesses.

  • Le pacte de préférence.

Le pacte de préférence est mentionné dans l’article 1123 du Code civil depuis la réforme de 2016. Le pacte de préférence est le contrat par lequel le parti s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter. Autrement dit, ce pacte est un contrat par lequel une personne s’engage envers un bénéficiaire à lui accorder la priorité dans l’éventualité où il déciderait de conclure un contrat déterminant. C’est bien un contrat puisse qu’il y a un accord de volonté entre les deux parties, c’est d’ailleurs un contrat unilatéral car seul le promettant s’engage. A ce stade la vente n’est qu’envisagée, le promettant n’a que donné un droit de propriété, il n’a pas encore décidé de vendre son bien ou non. Il s’engage juste à donner une priorité à son cocontractant.

Ce qui pourrait être reproché ici serait de proposer un bien à un tiers avant d’avoir fait une offre au bénéficiaire du pacte de préférence. En cas de violation de ce pacte le bénéficiaire peut demander des dommages et intérêts en réparation des préjudices subits. Mais l’article 11123 prévoit aussi que si le tiers acquéreur avait connaissance de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce bénéficiaire peut agir en nullité de la vente ou demander de le substituer dans le contrat conclu.

  • Les promesses.

Il faut distinguer deux types de promesses même si les deux sont des contrats :

  • Les promesses unilatérales ne contraignent qu’une seule des parties. Ces promesses sont définies dans l’article 1124 du Code civil, c’est le contrat par lequel une partie accorde à l’autre (le bénéficiaire) le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. L’un s’engage définitivement à vendre/acheter et l’autre dispose d’une option. Le contrat ne sera alors conclu qu’en cas de levée de l’option dont dispose le bénéficiaire. Le promettant ne devrait donc pas pouvoir revenir sur son engagement mais la Cour de cassation a estimé que le promettant peut encore lever sa promesse tant que l’option n’a pas été levée. La Cour estimait que le bénéficiaire de la promesse ne pouvait pas forcer le promettant à conclure le contrat définitif. L’ordonnance de 2016 est venue invalider cette décision de la Cour de cassation. Désormais l’article 11124 prévoit que le promettant ne peut pas révoquer son engagement. Dès que le bénéficiaire lève l’option, le contrat est alors conclu. Sachant que l’option doit être levée dans le délai.
  • Les promesses synallagmatiquessont les contrats dans lesquels les parties s’engagent l’une envers l’autre à conclure le contrat envisagé. L’article 1589 prévoit que promesse de vente vaut vente. On signe ces promesses dans les contrats qui nécessitent la réalisation de formalités particulières ou des prises de renseignements. On les trouve principalement en matière de vente immobilière.

  1. LA RENCONTRE DES VOLONTES : L’ECHANGE DES CONSENTEMENTS.

Ce principe d’échange des consentements est écrit dans l’article 1113 qui dit que le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation pas lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. Le consentement peut être définit comme un accord de deux ou plusieurs volontés en vu de créer des effets de droit.

  1. L’offre.

La notion d’offre est dans le code civil. On parle dans la doctrine de pollicitation.

  • La notion d’offre.

L’offre est un acte unilatéral puisse qu’elle résulte de la volonté d’une seule personne pour faire produire des effets de droit. La doctrine peut être définit comme – la manifestation unilatérale de volonté par laquelle une personne appelée « l’offrant » ou le « pollicitant » émet une proposition de conclure suffisamment ferme et précise pour que son acceptation à elle seule entraine la signature du contrat

– la proposition ferme de conclure selon des conditions déterminées de telle sorte que son acceptation suffit à l’acceptation de celui-ci.

La révision de 2016 a introduit la notion d’offre dans l’article 1114 du Code civil qui détermine l’offre comme une personne déterminée ou indéterminée qui comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et comprend la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. A défaut il y a seulement invitation à rentrer en négociation. C’est plus qu’une invitation à entrer en pourparler mais moins qu’une promesse unilatérale.

Pour qu’il y a ait offre il faut que la proposition soit ferme, c’est-à-dire que l’auteur a manifesté sa volonté d’être lié en cas d’acceptation. Si la proposition qui est faite contient des réserves alors cette proposition ne pourra pas être qualifiée d’offre mais seulement d’invitation à entrer en pourparler. De plus elle doit être précise car elle doit contenir tous les éléments essentiels du contrat.

L’offre doit être extériorisée, autrement dit le pollicitant doit avoir manifesté sa volonté. Mais cette manifestation peut prendre des formes diverses, ce peut être un écrit, des paroles ou une simple attitude ; ex : présenter des produits sur un présentoir en affichant un prix. Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur. En droit commun on peut choisir la façon dont on veut extérioriser l’offre mais en droit spécifique on peut être obligés de formaliser cela d’une certaine manière ; ex : en droit de la consommation pour éclairer le consentement du bénéficiaire de l’offre. S’agissant de l’offre qui est faite via voie électronique, cela est régit dans l’article 1127-1 du Code civil qui prévoit des conditions particulières.

L’offre peut être adressée à une personne en particulier ou au public. L’offre peut être assortie ou pas d’un délai. L’offre n’est jamais indéfinie, soit elle précise le délai de sa validité soit on considère qu’elle sera valable selon un délai raisonnable qui s’apprécie selon les circonstances.

  • Le régime de l’offre.

Une fois que l’offre est acceptée, les parties sont tenues par la force obligatoire du contrat.

Est-ce que celui qui émet l’offre peut la retirer ou non ?

Le principe en vigueur avant 2016 est que l’offre peut être révoquée tant que l’offre n’a pas été acceptée. La jurisprudence estimait que lorsque l’offre était soumise à un délai alors elle ne pouvait pas être révoquée tant que le délai n’était pas expiré.

La réforme de 2016 est venue clarifier les choses dans les articles 1115 et 1116 du Code civil. L’article 1115 nous dit que l’offre peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. L’article 1116 précise que l’offre ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou à l’issue dans un délai raisonnable. Une fois que l’offre est émise et reçue par son destinataire elle ne peut pas être rétractée avant l’expiration du délai fixé par l’offrant. L’alinéa 2 de l’article 1116 précise que la rétractation de l’offre en violation de cette interdiction empêche la conclusion du contrat. Si le pollicitant retire son offre avant l’expiration du délai raisonnable le bénéficiaire ne pourra pas l’obliger à conclure. Il ne pourra prétendre qu’à des dommages et intérêts, ce qui est prévu dans l’alinéa 2 de l’article 1116 qui engage la responsabilité contractuelle des auteurs sans obliger à compenser la perte des avantages attendus du contrat.

–> La légende indemnisable= le Conseil constitutionnel prévoit que les dommages et intérêts accordés ne pourront pas compenser les avantages attendus du contrat pour les mêmes raisons que la rupture des pourparlers.

L’article 1127-1 décrit que l’auteur reste engagé par l’offre. Une fois le délai expiré, l’offre devient caduque, c’est-à-dire qu’elle ne peut plus produire aucun effet (article 1117). L’offre devient également caduque du fait de la mort ou de l’incapacité du pollicitant.

  1. L’acceptation.

L’acceptation est l’acte unilatéral par lequel le destinataire manifeste sa volonté de conclure le contrat aux conditions indiquée dans l’offre. Pour entrainer la formation du contrat, l’acceptation doit être certaine, pure et simple. Certaine car elle doit traduire la volonté non ambigüe de son auteur d’accepter la conclusion du contrat aux conditions acceptées dans l’offre. Cette acceptation peut prendre différentes formes: écrite, verbale ou encore résulter du comportement de son auteur. En droit le silence ne vaut pas acceptation du contrat. Ce principe a été repris dans l’article 1120 du Code civil dans lequel à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières le silence ne vaut pas acceptation. Dans les usages ou les relations d’affaires il peut être d’usage dans certaines professions que le silence soit synonyme d’acceptation, comme lorsque que des partis renouvèlent des contrats avec les mêmes conditions à défaut de l’opposition de l’autre partie. Le silence vaut acceptation quand l’offre est faite de l’intérêt exclusif du destinataire; ex : offre de remise de dette. Pour les contrats électroniques l’article 1127-2 du Code civil reprend le principe du double clic. Le bénéficiaire de l’offre doit accepter l’offre et confirmer la commande après avoir pu la vérifier et avoir pu vérifier les éventuelles erreurs.

L’acceptation doit être pure et simple, ce qui signifie que le bénéficiaire de l’offre va accepter cette offre sans en modifier le contenu. Il faut donc distinguer une acceptation d’une contre proposition. C’est d’ailleurs ce que précise l’article 1118 alinéa 3 du Code civil. L’acceptant peut librement retirer son acceptation tant qu’elle n’est pas parvenue au pollicitant.

  1. Les contrats entres absents.

On entend par contrat entre absent un contrat entre deux personnes qui ne sont pas physiquement dans la même pièce; ex : le contrat par voie électronique.

Il y a deux théories possibles :

  • La théorie de l’émission: on peut considérer que le contrat est formé au moment où l’acceptant a expédié son offre.
  • La théorie de la réception: on peut considérer que le contrat est formé au moment où l’acceptation est parvenue au pollicitant. On considère dans ce cas que le pollicitant doit avoir connaissance de l’acceptation.

La Cour de cassation a rendu un arrêt en 1981 dans lequel elle penche pour la théorie de l’émission puis un arrêt en 2014 où elle penche pour la théorie de la réception. La solution ici aurait été dictée par une solution d’espèce et non de principe. L’ordonnance de 2016 y a remédié en consacrant la théorie de la récession dans l’article 1121 du Code civil qui précise que le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant, il est réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue. Pour que le contrat soit formé entre absents il faut que le contrat soit parvenu à l’offrant.

LA VALIDITE DU CONTRAT

Plusieurs conditions doivent être remplies pour que le contrat soit valablement formé.

L’article 1128 du Code civil en énumère trois :

  • Le consentement des parties.
  • La capacité de contracter.
  • Un contenu licite et certain.

L’ancien article 1108 qui précisait les conditions de formation du contrat prévoyait quatre conditions :

  • Le consentement des parties.
  • La capacité de contracter.
  • Un objet qui forme la matière de l’engagement.
  • Une cause licite de l’obligation.

Les deux dernières conditions de cet ancien article ont été résumées en un contenu licite et certain. La réforme de 2016 a supprimé la notion de cause qui avait été source de nombreuses décisions jurisprudentielles.

  1. LES CONDITIONS DE VALIDITE.

  1. Les conditions de validité de fonds.

Les conditions de fonds sont de deux ordres :

  • Le consentement des parties et la capacité de contracter.
  • Le contenu du contrat.

Partie 1 : les conditions relatives au contractant.

  • Les parties doivent avoir la capacité de contracter.

Ce sont les articles 1145 et suivants du Code civil qui posent les principes s’agissant de la capacité. L’article 1145 prévoit que toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi. Son deuxième alinéa précise que la capacité des personnes morales est limitée à la réalisation utile telle que définie par leur statut, cela dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles. Le Code civil distingue dorénavant les principes qui président aux personnes physiques des principes qui président aux personnes morales.

La capacité de contracter est l’un des attributs de la personnalité juridique. Tous les sujets de droit peuvent en principe contracter, qu’il s’agisse de personne morale ou physique. Il existe cependant des tempéraments, il faut distinguer les incapacités d’exercice des incapacités de jouissance.

–> Incapacité d’exercice = lorsque la personne n’est pas privée de son droit de conclure des contrats mais qu’elle ne peut pas exercer elle-même ce droit ; ex : les mineures ne peuvent faire des contrats qu’avec leurs représentants légal ; les majeures protégés, c’est-à-dire qui font l’objet d’une mesure de protection en raison d’une altération de leurs facultés mentales ou corporelles de nature à empêcher l’expression de leur volonté non plus. Cela ne concerne pas nécessairement tous les contrats selon que le contrat soit relatif aux besoins de la vie courante ou non. L’article 1148 du Code civil prévoit que toute personne incapable de contracter peut néanmoins accomplir seule les actes courants autorités par la loi ou l’usage, pourvu qu’il soit conclu à des conditions normales*.

* le contrat doit être équilibré et ne doit pas donner d’avantage excessif au contractant du mineur. Les actes conclus avec un mineur peuvent être annulés pour simple lésion, c’est-à-dire un déséquilibre dans le prix.

–> Incapacité de jurisprudence = il s’agit d’une interdiction qui est faite a une personne de conclure un contrat particulier ; ex : un médecin ne peut pas signer de contrat avec l’un de ses patients mourant. La capacité des personnes morales est déterminée par leur objet, lui-même défini par les statuts. Les personnes vont conclure des contrats par l’intermédiaire de leurs représentants.

L’incapacité de contracter est une cause de nullité relative du contrat. L’article 1151 du Code civil décrit que tout le monde ne peut pas obtenir la nullité d’un contrat, notamment lorsque l’acte est utile pour la personne protégée, exempt de lésions ou qu’il a profité à celle-ci. Le cocontractant capable peut donc se défendre en établissant que le contrat a été utile ou exempt de lésion à la personne protégée. Le contrat ne pourra pas non plus être annulé lorsque la personne incapable est devenue capable.

  • Le consentement des parties doit être intègre.

Le consentement des parties est exempt de vice, c’est ce qui est décrit dans les articles 1130 et suivants du Code civil. C’est une condition supplémentaire au consentement qui doit exister et en plus être intègre.

L’article 1130 prévoit trois vices : (1) l’erreur, (2) le dol et (3) la violence.

  • L’erreur.

L’erreur est définie aux articles 1132 à 1136 du Code civil, c’est le vice le plus complexe à comprendre et à mettre en œuvre. L’erreur est la représentation inexacte de la réalité, autrement dit c’est la croyance fausse que se fait un contractant. Il faut confronter la conviction de l’une des parties à la réalité. Il y a un décalage entre sa croyance initial et la réalité objective. Toutes les erreurs ne sont pas de nature à entrainer la nullité du contrat. Seules certaines catégories d’erreurs entrainent la nullité du contrat à condition qu’elles présentent certains caractères.

  • Les catégories d’erreurs: l’erreur est une close de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou attendue. L’ancien article 110 visait lui l’erreur sur la substance de la chose, cela pouvait s’entendre d’une façon objective et subjective. L’erreur objective porte sur la matière dont est fait l’objet et l’erreur subjective sur les qualités qui ont poussés les parties à contracter ; ex : l’authenticité d’une œuvre d’art. L’erreur porte aussi sur les aptitudes de la chose; ex : un terrain n’est pas constructible alors que je voulais y construire une maison. Cette qualité essentielle de la chose s’apprécie in concreto, c’est-à-dire que l’on va rechercher quelle était la partie attendue par la partie qui évoque l’erreur. L’erreur ne sera retenue que si ce caractère essentiel est entré dans le champ contractuel c’est-à-dire que les parties savaient que cette qualité était déterminante pour la conclusion du contrat. L’article 1133 précise que les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. Ces qualités essentielles de la prestation due ou sur celle de son cocontractant. L’erreur peut être invoquée qu’elle porte sur l’erreur de la prestation de l’autre cocontractant ou même sur sa propre personne.

La première erreur est l’erreur sur la valeur: L’erreur sur la valeur n’est jamais une cause de nullité du contrat. Pour que l’erreur soit admise il faut qu’elle soit excusable. Une erreur grossière ne permet pas d’obtenir la nullité du contrat. On estime qu’on est moins fondé à se tromper sur sa propre prestation, pourtant c’est ce qui arrive le plus souvent. Pourtant la jurisprudence avait avant la réforme de 2016 décrit que l’erreur sur la substance pouvait être alléguée aussi bien par l’une ou l’autre des deux parties car il ne faisait aucune distinction entre les cocontractants. Cette décision a été rendue dans l’affaire Poussin de 1998. Cette solution a été validée par l’article 1132 de la réforme de 2016. Encore faut-il que l’erreur ne porte pas sur la valeur et qu’elle ne soit pas inexcusable.

La deuxième erreur est l’erreur de personne: la personne n’est une cause de nullité du contrat que lorsqu’il a été conçu en considération de cette personne. Or dans la plupart des cas la personne du cocontractant est indifférente. Intuitu personae, c’est-à-dire en considération des qualités essentielles de la personne; ex : on pense qu’une personne a un diplôme particulier.

La troisième erreur est l’erreur de droit: on peut demander l’annulation d’un contrat auquel on a consenti en se méprenant d’une règle de droit. La doctrine estime qu’une dernière catégorie peut entrainer la nullité d’un contrat, c’est l’erreur obstacle. Cependant cela n’existe pas dans les textes c’est une création de la doctrine et de la jurisprudence. C’est lorsqu’on se trompe sur l’objet même ou la nature du contant, qu’il y a méprise ; ex : l’un pense acheter mais l’autre pense louer.

L’erreur n’est pas une cause de nullité de contrat : l’article 1133 alinéa 3 dit que l’erreur doit être écartée dans les contrats aléatoires. L’acceptation d’un aléa sur la qualité de cette prestation exclu l’erreur relative à cette qualité. Autrement dit, lorsque les parties concluent les contrats elles ne savent pas si le bien à les qualités attendues ou non et les parties acceptent cet aléa. L’autre erreur jamais acceptée est l’erreur sur la valeur, article 1136 (le prix). Cependant l’erreur qui a une incidence sur la valeur rend possible la nullité du contrat. Le dernier élément est l’erreur sur les motifs/mobiles est décrit dans l’article 1135. Le motif est l’élément qui pousse une des deux parties à signer le contrat. Le mobil pourra être cause de nullité du contrat si les parties en font un élément déterminant du contrat. Le dernier alinéa de l’article 1135 prévoit que l’erreur sur le motif d’une libéralité en l’absence duquel son auteur n’aurait pas disposé est une cause de nullité (libéralité = intention libérale ; ex : une donation).

  • Les caractères de l’erreur: l’erreur doit avoir un caractère déterminant, autrement dit celui qui invoque l’erreur doit établir que s’il avait connu la réalité il n’aurait pas conclu le contrat ou aurait contracté selon des conditions différentes. Le caractère de l’erreur était avant la réforme implicite car elle était seulement déduite des textes. Depuis la réécriture des articles (notamment l’article 1130) consacrés à l’erreur le caractère déterminant est clairement écrit. L’article 1130 précise que le caractère déterminant s’apprécie aux égards, aux personnes et aux circonstances selon lesquelles le consentement a été donné. De plus l’erreur doit être excusable, c’est ce qui est décrit dans l’article 1132 du Code civil. Ce qui signifie qu’une erreur grossière ne peut pas entrainer la nullité du contrat ; ex : un tailleur achète du velours d’ameublement et non pour faire des vêtements. Pour entrainer la nullité du contrat l’erreur doit avoir un caractère déterminant et doit être excusable, mais l’erreur peut être commune aux deux cocontractants ou un seul des cocontractants peut avoir fait une erreur peu importe.
  • Le dol.

En droit pénal le dol est l’intention mais en matière de droit des obligations le dol est une tromperie, c’est-à-dire une erreur provoquée par l’un des cocontractants pour pousser l’autre à contracter. Le dol est prévu par les articles 1137à 1939 du Code civil qui nous disent que le dol est le fait d’obtenir la signature d’un contrat par le mensonge.

Pour qu’il y a ait dol il faut deux éléments :

  • un élément matériel: il peut s’agir de manœuvres c’est-à-dire des actes positifs caractérisés par une mise en scène ; ex : produire de faux documents, cacher les défauts d’une chose (l’ancien article utilisait un terme général pour le dol et parlait de dolosive, qui pouvait être un simple mensonge). Il faut distinguer le mensonge de l’exagération appelé par la doctrine le «dolus bonus» qui consiste pour le vendeur à exagérer les qualités de son produit pour réussir à vendre mais pas dans le but de tromper l’autre partie. Ce qui permet de faire la différence entre les deux est le fait de savoir si la personne a eu l’intention de mentir ou simplement de venter son produit. La jurisprudence a également retenu la réticence dolosive c’est-à-dire le silence gardé sur une information déterminante, c’est-à-dire qu’on laisse son cocontractant se tromper. C’est ce qui est décrit dans l’article 1137 alinéa 2 du Code civil. La réticence dolosive constitue la continuité de l’obligation d’information décrit dans l’article 112-1 du Code civil vu plus haut. Chaque partie a l’obligation de détromper l’autre, sauf en ce qui concerne la valeur du bien échangé.
  • Un élément intentionnel: les manœuvres doivent être faites dans le but d’amener l’autre à contracter. Le dol a un champ d’application plus large que l’erreur car le dol est toujours excusable car l’acheteur a été trompé par le vendeur. L’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable 1139 du Code civil. Le dol peut porter sur n’importe quel élément du contrat, y compris sur la valeur de la prestation mais le dol doit être déterminant du consentement. Le dol peut être sanctionné par la nullité du contrat ou des dommages et intérêts. Pour être sanctionné le dol doit émaner du cocontractant, de son représentant ou d’un complice.
  • La violence.

La violence est prévue par les articles 1140 à 1143 du Code civil. L’article 1140 décrit qu’il y a violence lorsqu’une personne s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celle de ses proches à un mal considérable. Ce peut être une violence physique ou morale. Elle va être retenue lorsqu’une personne raisonnable pouvait craindre pour elle-même, pour ses proches ou pour ses biens ; ex : un harcèlement morale pour contraindre son employé à accepter une rupture conventionnelle. La jurisprudence a admis que la violence pouvait résulter de la situation économique des parties (un plus puissant que l’autre). C’est ce qui ressort d’un arrêt de la première chambre civile de 2002 pour lequel la Cour de cassation a estimé qu’une exploitation abusive d’une situation de dépendance économique fait pour tirer profit de la personne peut caractériser la violence. L’article 1143 nous dit qu’il y a violence lorsqu’une des deux parties abuse de l’état de dépendance de l’autre cocontractant et réussi à obtenir la signature du contrat alors que la personne dépendante n’aurait par signer si la situation avait été différente. Il y a donc violence quand une personne obtient le consentement de l’autre en abusant de l’état de dépendance de son cocontractant ; ex : l’âge. Il faut que cet abus de dépendance ait été déterminant, il faut que le contrat conclu soit déséquilibré. Pour être sanctionnée, la violence peut émaner du cocontractant ou d’un tiers. La violence doit être déterminante et illégitime. Le fait de menacer quelqu’un n’est pas forcément de la violence, sauf si cette menace permet d’obtenir des avantages excessifs, c’est ce qui a été repris dans l’article 1141 du Code civil.

Partie 2 : le contenu du contrat.

Avant la réforme de 2016 on s’intéressait à la notion de cause et d’objet. La notion de cause répond à la question « qu’est-ce qui est dû ? » et l’objet à la question « pourquoi est ce que c’est dû ? ». Avant 2016 le Code civil décrivait que la cause devait exister et être licite. Mais la notion de cause restait tout de même difficile à déterminer, ce qui avait donné lieu à de la jurisprudence qui avait élargi les fonctions de la cause.

La réforme de 2016 a fait disparaitre la notion de cause du Code civil qui ne s’intéresse désormais plus qu’à l’objet. Mais si la notion de cause à disparue, ses fonctions sont toujours présentes.

  • La cause.

Il existe deux fonctions de la cause:

  • La cause objectiveest l’intérêt en considération duquel une obligation est assumée par l’une des parties. Autrement dit c’est la contrepartie attendue. C’est une cause abstraite identique pour chaque type de contrat ; ex : en matière de contrat de vente l’obligation de l’acheteur qui est de payer le prix trouve sa cause dans l’obligation du vendeur de délivrer le bien.
  • La cause subjectiveest le mobile qui a conduit les parties à conclure le contrat. Ce mobile étant nécessairement propre à chaque partie. Cette cause ne servait qu’à apprécier la caractéristique licite du contrat c’est-à-dire sa moralité.

La jurisprudence a également utilisé la notion de cause pour vérifier la cohérence des contrats et a pu ainsi annuler des clauses de contrat qui avait pour effet de priver l’une des parties de la prestation qu’elle attendait.

  • L’objet.

  • L’objet du contrat.

L’ancien article 1108 précisait que le contrat devait avoir un objet certain qui forme la matière de l’engagement. Cette expression était assez générale et visait l’objet matériel lui-même et l’obligation visée/due par les parties. Les nouvelles dispositions du Code civil reprennent cela. .Désormais l’article 1128 exige un contenu licite et certain tandis que l’article 1163 alinéa 1 précise que l’obligation a pour objet une prestation présente ou future, et que celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable.

  • L’existence de l’objet: En principe l’objet doit exister au jour du contrat. Toutefois le contrat peut porter sur une chose future c’est-à-dire une chose qui n’existe pas encore au jour de la formation du contrat mais qui adviendra lors de son exécution ou du fait de son exécution ; ex : la vente d’un immeuble à construire. Il faut que la chose existe au moment du contrat pour apprécier la validité du contrat. L’existence de l’objet s’apprécie au moment de la formation du contrat, si l’objet est détruit au moment de la formation de ce contrat ce sont d’autres règles que l’on va devoir appliquer ; ex : la théorie des risques dit que si une voiture est commandée mais qu’elle est brûlée avant d’arriver jusqu’à son propriétaire, ce dernier devra tout de même payer la somme dû au constructeur automobile. L’article 1163 alinéa 2 du Code civil nous dit qu’il faut aussi que l’objet soit possible sinon le contrat sera nul. Cependant pour qu’il y ait nullité il doit s’agir d’une impossibilité absolue; ex : vendre une chose qui a disparue. Cette impossibilité absolue apparait lors de la formation du contrat. Si l’impossibilité apparait après la signature du contrat, le contrat sera toujours valable, il faudra seulement appliquer d’autres règles.
  • La détermination de l’objet: L’article 1163 nous dit que la prestation doit être déterminée ou déterminable :
  • Le principe général: l’objet doit être déterminée ou déterminable, c’est-à-dire que les débiteurs doivent savoir au jour de la signature du contrat ce qu’ils vont pouvoir obtenir. Les créanciers de leur côté doivent savoir ce qu’il leur est dû et ce qu’ils doivent. Il faut que la prestation soit suffisamment précise. La prestation pourra être déterminée au cours de l’exécution du contrat et pourra être déterminable grâce aux éléments contractuels. L’article 1163 alinéa 3 précise que la prestation peut être déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux relations antérieures des parties sans qu’un nouvel accord des parties soit nécessaire. Il faut dès le départ que le contrat contienne des éléments suffisant pour que puissent être déterminé ce qui sera dû au cours du contrat sans qu’il soit nécessaire de reformer un contrat précisant les éléments manquants. S’agissant de la qualité de la chose attendue, si elle n’est pas déterminée le débiteur devra offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties. La détermination de l’objet va dépendre de la nature du bien ou de ce qu’on appelle « d’un corps certain ou d’une chose de genre ». On parle de corps certain lorsque la chose est précisément individualisée, auquel cas la chose doit être désigné dans le contrat ; ex : on achète un ordinateur avec tel numéro de série. Lorsqu’on achète une chose de genre on achète un bien qui est disponible en plusieurs exemplaires interchangeables, auquel cas, il suffit que la chose soit désignée dans son espèce et dans sa quotité ; ex : acheter un ordinateur.
  • Les contrats cadres: contrairement aux prestations de service le contrat cadre est définit à l’article 111 du Code civil. C’est un accord par lequel les parties conviennent des caractéristiques générales des modalités futures. Les parties fixent dans la convention cadre les principes généraux des contrats futurs. Ce sont des conventions relativement complexes, il peut y avoir des clauses d’exclusivités ou non (qui se justifient par le fait que parfois le fournisseur prête du matériel à son client). Ce contrat a souvent vocation à s’appliquer sur le long terme, ils ne fixent donc souvent pas les prix et renvoient à un prix catalogue fixé par le fournisseur. Avant la réforme de 2016 le Code civil ne prévoyait rien pour ces contrats et la Cour de cassation dans un arrêt de l’Assemblée plénière de 1995 avait estimé que l’ancien article 1129 du Code civil n’était pas applicable à la détermination du prix. Dès lors le prix pouvait être fixé unilatéralement pas une des parties, notamment par le fournisseur. La Cour de cassation avait précisé que l’abus dans la fixation du prix pouvait entrainer la résiliation du contrat ou des dommages et intérêts. Ce principe a été conservé dans l’ordonnance de 2016 avec toutefois quelques modifications dans l’article 1164 du Code civil qui dit que dans les contrats le prix peut être fixé unilatéralement par une des parties à charge pour elle d’en motiver le montant en cas de contestation. On estimera alors que le contrat est valable et que le prix est bien déterminable. Les commentateurs prévoient qu’il faut que le contrat prévoie expressément cette clause. Si le contrat ne prévoit rien sur les modalités de détermination du prix, le contrat sera nul car le prix ne sera pas déterminable. Le fournisseur qui va pouvoir fixer unilatéralement le prix devra le justifier en cas de contestation de l’autre partie. Si le prix est abusif, le juge pourra prononcer la résolution du contrat ou accorder des dommages et intérêts. Qui dit prix élevé ne dit pas prix abusif.

/ !\ La résolution vient sanctionner une mauvaise exécution du contrat, une annulation vient sanctionner une mauvaise formation du contrat.

  • La licéité du contrat.

Le contrat doit être conforme à l’ordre public, aux bonnes mœurs et aux droits fondamentaux des parties. La notion de licéité a disparu du Code civil, mais c’est surtout le terme de cause qui a disparu. Le contrôle de la licéité du contrat passe par le contrôle de la licéité de l’objet et ensuite par le contrôle de la licéité du but poursuivi par les parties. L’article 1162 du Code civil prévoit que le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations ni par son but que ce dernier ait été connu ou non par les parties.

  • La licéité de l’objet. Les principes de l’autonomie de la volonté ou de la liberté contractuelle veulent que les parties puissent déterminer librement le contenu des contrats. Cette liberté n’est pas totale, les parties ne peuvent pas déroger à l’ordre public ni aux règles impératives. L’article 1162 n’a pas repris l’ordre public et les bonnes mœurs. L’article 6 dit qu’ « on ne peut pas déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ». Les bonnes mœurs sont une notion à vocation normative mais dont le contenu précis est indéterminé de manière à ce que le juge puisse les interpréter en fonction des circonstances de temps notamment.

–> Notion de bonne mœurs = norme malléable que les juges vont pouvoir interpréter soit « une norme impérative dont les individus ne peuvent s’écarter ni dans leur comportement ni dans leurs conventions ».

  • Gérard Comu.

Comu définit l’ordre public que cela « correspond à l’ensemble des exercices fondamentaux considérés comme essentiels au fonctionnement des services publics, au maintien de la sécurité ou de la moralité, à la marche de l’économie ou même à la sauvegarde de certains intérêts primordiaux où l’on parle d’ordre public et de protection individuelle ». Il ne faut pas limiter l’ordre public à l’ordre moral, il y a également le côté économique. La notion de bonnes mœurs est pour lui plus restreinte, il parle de « règle de conduite tirant un ensemble de règles imposés par une morale sociale reçue en un temps et un lieu donné qui en parallèle avec l’ordre public constitue une norme par référence par laquelle les comportements sont appréciés et dont le contenu coutumier est évolutif ».

Ce ne sont pas des notions figées mais des notions qui évoluent dans le temps. En droit des contrats l’ordre public se développe pour protéger une partie en position de faiblesse. L’ordre public permet aussi d’imposer une politique contractuelle et notamment de contrôler ou de moraliser un secteur économique; ex : droit de la concurrence. On entend également protéger les valeurs fondamentales d’une société; ex : l’indisponibilité du corps humain.

Comment déterminer ce qui est de l’ordre public ou non ?

C’est parfois écrit dans la loi que certaines dispositions ne peuvent pas déroger à l’ordre public ou au contraire sont supplétives de volonté. Le plus souvent les textes ne le précise pas, il va appartenir au juge d’apprécier si telle clause du contrat est conforme ou non à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

Il faut distinguer deux ordres publics qui ont des conséquences différentes en matière de sanction:

L’ordre public de protection

L’ordre public de direction

A pour finalité de protéger l’une des parties ; cela permet de protéger les intérêts individuels d’une des parties si elle est en situation de faiblesse.

Lorsqu’une convention contrevient à l’ordre public, la convention est nulle, on parle de nullité relative.

Seule la partie protégée peut lever la nullité.

Il est possible sous certains conditions de renoncer à une disposition d’ordre public de protection

A pour finalité de protéger l’intérêt général.

Lorsqu’une convention contrevient à l’ordre public, la convention est nulle, on parle de nullité absolue.

Toute personne qui y trouve un intérêt peut lever la nullité.

Il n’est pas possible de renoncer à un ordre public de direction.

Quelles sont les conditions pour renoncer à un ordre public ?

Il faut que le droit soit né, acquis et que la renonciation soit faite en toutes connaissance de cause. Les parties ne peuvent pas non plus porter atteintes aux droits fondamentaux, c’est-à-dire les droits protégés par les textes internationaux et la Constitution.

  • Le but de la licéité du contrat: on s’intéresse ici au but poursuivi par les parties. Il ne faut pas nécessairement qu’il y ait collision entre les parties, un des parties peut être de bonne foi mais le contrat peut quand même être nul : ex : dans une fraude fiscale le contrat sera annulé quand bien même une partie ignorait le but de l’autre. La licéité du contrat peut être sanctionné par la fraude puisse les juges appliquent un adage qui veut que la fraude corrompt tout.

–> La fraude = acte accompli alors que celui qui l’accompli savait que cet acte était contraire à la loi.

  • L’équilibre du contrat.

Quand il y a contrat on applique l’adage « qui dit contractuel dit juste », autrement dit le contrat est nécessairement équilibré dès lors qu’il a été librement négocié par les parties. On part de l’idée que les parties sont les meilleures garantes de leurs propres intérêts. Il suffit que le contrat ait un objet pour être valable, le juge n’a pas à s’intéresser à l’équilibre du contrat ; ex : une chose peut être vendue à un prix inférieur/supérieur sans que cela n’entache la validité du contrat. Ce postulat d’égalité parfaite a été remis en cause et le législateur a mis en place un mécanisme pour sanctionner les déséquilibres.

Les trois éléments du mécanisme de sanction des déséquilibres :

  • Les lésions.
  • Les clauses abusives.
  • La sanction des clauses qui contredisent un morceau du contrat.
  • La lésion peut être définit comme un défaut d’équivalence entre les prestations réciproques d’un contrat, c’est le cas d’un prix de vente qui va être excessif ou dérisoire. Comme le principe est que les parties sont garantes de leurs intérêts, la lésion n’est retenue que de manière exceptionnelle dans l’article 1118 du Code civil avant la réforme de 2016. Ce principe est maintenant affirmé par l’article 1168 du Code civil qui prévoit que dans les contrats synallagmatiques le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité des contrats à moins que la loi n’en dispose autrement. La lésion est retenue – en cas d’incapacité d’une des deux parties (mineur ou majeur protégé),

– en matière de vente d’immeuble on peut invoquer la lésion, mais cette dernière ne peut être invoquée que par le vendeur si l’immeuble a été vendu à un prix inférieur au 5/12ème de sa valeur,

– en cas de vente d’engrais,

– en matière de propriété littéraire.

La lésion ne peut jamais être soulevée dans le cas d’un contrat aléatoire. En matière de lésion on ne parle pas de nullité du contrat mais de rescision (sanction). L’article 1168 du Code civil rappelle toutefois que si le contrat n’a pas à être équilibré, il faut que la partie existe réellement.

  • La prohibition des clauses abusives: les clauses abusives sont des clauses qui accordent des prérogatives excessives à l’une des parties, déséquilibrant ainsi le contrat. Au départ il s’agissait de protéger le consommateur qui se voyait imposer des clauses par un professionnel en position de force. Le législateur a introduit dans le Code civil une sanction des clauses abusives.
  • La sanction des clauses abusives par le droit de la consommation

–> Clause abusive = clause qui a pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du non professionnel entre les droits et obligations des parties au contrat. Aujourd’hui c’est l’article L212-1 du Code de la consommationqui régit cela.

Il y a deux éléments qu’il faut prendre en compte pour déterminer si une clause est abusive :

  • La qualité des contractants: il faut que le contrat soit conclu entre un consommateur (personne morale et un professionnel (personne physique). Le professionnel est celui qui contracte dans sa profession et non pour satisfaire des besoins personnels. Le consommateur est la personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, libérale, c’est donc la personne qui agit pour satisfaire des besoins personnels ou familiaux.
  • Le déséquilibre du contrat: pour que la clause soit considérée comme étant abusive il faut qu’elle ait pour effet de créer un déséquilibre à l’encontre du non professionnel. Autrement dit, il faut que le professionnel soit excessivement avantagé par rapport au non professionnel/consommateur. L’équilibre ne doit pas être rétabli par une autre clause du contrat sinon la clause ne sera pas considérée comme étant abusive. L’objet de cette clause peut être varié : ex : clause qui vient limiter ou exonérer de responsabilité du professionnel en cas d’inexécution. En pratique ces clauses se trouvent le plus souvent dans des contrats d’adhésion, mais les clauses peuvent aussi être sanctionnées lorsqu’elles se situent dans des contrats de grès à grès.

Quelles sont les sanctions de ces clauses abusives ?

Le Code de la consommation prévoit l’adoption d’un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission des clauses abusives.

Ce décret détermine deux listes de clauses :

  • Les clauses présumées abusives de manière irréfragable, c’est ce qu’on appelle la liste noire des clauses abusive.
  • Les clauses simplement présumées abusives, c’est ce qu’on appelle la liste grise.

La distinction se fait sur la force de la présomption. Dès que dans un contrat figure une clause qui relève de la liste noire, le juge ne peut pas que constater son caractère abusif. Ce n’est pas le cas lorsque la clause figure seulement dans la liste grise car le professionnel peut ici apporter la preuve que le contrat n’est pas réellement déséquilibré car d’autres clauses protègent le consommateur.

Trois moyens de lutter contre les clauses abusives :

  • Dans les deux cas la sanction est que la clause est réputée non écrite, c’est-à-dire que le contrat n’est pas annulé en son entier mais que la clause disparait et ne peut recevoir aucune application.
  • Ensuite le juge judiciaire s’est accordé le droit de sanctionner les clauses qu’il considère comme étant abusives lorsqu’il est saisi. En dehors de toutes intervention de la Commission des clauses abusives, le juge peut donc lui-même estimer qu’une clause est abusive au regard du Code de la consommation.
  • Une commission des clauses abusives a été instituée afin de donner son avis sur les projets de décret d’interdiction des clauses abusives et émettre des recommandations visant à la suppression ou à la modification des clauses abusives qu’elle a identifiée dans des contrats d’adhésion ; ex : elle recense tous les contrats de téléphonie mobile et regarde si oui ou non il y a des clauses abusives. Cette Commission rend un rapport annuel qui liste les clauses qu’elle répute abusives et qui peuvent contenir des propositions de réformes législatives ou règlementaires. Cependant il ne s’agit que de recommandations, cela n’a pas d’effet normatif.

  • La sanction des clauses abusives par le Code civil.

Avant 2016 le Code civil ne prévoyait pas de sanction particulière des clauses abusives. Dorénavant c’est l’article 1171 du Code civil qui décrit les sanctions des clauses abusives dans le Code civil. La définition de la clause abusive est la même dans le Code civil que dans le Code de la consommation. Le domaine de ce texte est cependant différent, il ne fait pas doublon. Notamment car comme il est inscrit dans le Code civil l’article a vocation à protéger tous les contractants peu importe leur qualité, que se soient des professionnels ou non. Cet article s’applique donc même dans les contrats entre deux consommateurs ou deux professionnels. Cependant l’article ne concerne que les contrats d’adhésion (article 1110), c’est-à-dire les contrats qui ne sont pas négociés. La sanction de la clause abusive dans le Code civil est la même que dans le Code de la consommation car elle sera réputée non écrite.

Est-ce qu’on applique les dispositions du Code civil ou de la consommation ?

Le Code de la consommation est plus favorable à la protection du consommateur donc c’est celui là qu’on appelle.

  • La prohibition des clauses contredisant la portée de l’obligation essentielle.

L’article 1170 du Code civildécrit que toute clause qui prive l’un des contractants de sa substance est réputée non écrite. C’est une disposition qui peut paraitre nouvelle et qui a été introduite par l’ordonnance de 2016 mais qui reprend une jurisprudence de la Cour de cassation, notamment la jurisprudence des arrêts Chronopost de 1996. Quand une personne s’engage à faire quelque chose et que cette obligation est la clause essentielle du contrat, elle ne peut pas créer une clause contredisant la portée de son engagement. Toutes les clauses ne seront pas considérées non écrites, tout dépend de l’étendue de la clause.

  1. Les conditions de validité liées à la forme.

En droit français le contrat est par principe consensuel, c’est-à-dire formé par la seule rencontre des volontés et non pas par un écrit qui le matérialise (le contrat peut être une forme sans écrit même si l’écrit peut être important pour apporter des preuves). Ce principe du consensualisme est clairement exposé à l’article 1172 alinéa 1 du Code civil.

Dans le langage commun le contrat peut avoir deux sens :

  • Le negocium, c’est-à-dire l’accord des volontés.
  • L’instrumentum, c’est-à-dire le contrat formalisé.

Il suffit donc qu’il y ait le negocium, sauf exception aux alinéas 2 et 3 de l’article 1172. Le code civil précise la différence entre – les contrats solennels qui nécessite l’accomplissement des formalités et dont le formalisme est requis pour que le contrat soit valablement formé,

– les contrats réels qui nécessitent la remise d’une chose.

Il y a d’autres hypothèses dans lesquels le formalisme est requis non pas pour assurer la validité du contrat mais à titre de preuve ou pour assurer l’opposabilité du contrat au tiers. Le formalisme imposé par la loi permet dans certaines circonstances d’assurer l’information des parties qui s’engagent. Parfois ces fonctions se cumulent.

  • Le formalisme ad validitatem : le formalisme imposé pour la validité du contrat.

Pour que le contrat soit valable il faudra non seulement un accord de volonté, mais en plus il faudra que cet accord soit matérialisé par une formalité particulière, c’est ce qu’on appelle les contrats solennels.

Quelles sont les formes qui peuvent être ?

Ce sont par exemples :

  • Les actes authentiques, c’est-à-dire établis par un officier d’Etat public (notaire) ; ex : les donations ou les conventions matrimoniales.
  • Les actes sous seing privé c’est-à-dire établis par les parties elle-même ou par un tiers qui n’a pas la qualité d’officier d’Etat public ; ex : construction d’une maison individuelle.

  • Le formalisme ad probationem.

Ici, pour que le contrat soit valable il faut que le formalisme apporte la preuve du contrat. L’écrit va permettre au cocontractant de se ménager une preuve de l’existence et du contenu du contrat. Lorsque l’acte a une valeur inférieure à 1500€ il peut se prouver par tout moyen, c’est-à-dire toutes les preuves admissibles en droit (écrit, témoignage etc). En revanche quand l’acte a une valeur supérieure à 1500€ il ne peut être prouvé que par écrit, ce qui signifie que s’il n’y a pas d’écrit le contrat reste valablement formé mais ne pourra pas être prouvé par témoignage ou présomption. A défaut d’écrit, le seul mode de preuve admissible est un commencement de preuve pas écrit, c’est ce qui est décrit dans l’article 1359 du Code civil.

–> Commencement de preuve par écrit = écrit qui émane de la personne contre laquelle la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait allégué. Ce commencement pourra ensuite être conforté par d’autres modes de preuves ; ex : un échange de courrier écrit qui démontre qu’un contrat a été conclu pourra être complété.

  • Le formalisme informatif.

C’est ici un formalisme qui a pour objet d’informer les contrats pour s’assurer que les parties ont pleinement conscience de leur engagement. Il peut prendre différentes formes, le plus souvent le législateur impose des mentions obligatoires ou prévoit des clauses type. Parfois le législateur impose au cocontractant de reproduire des clauses de manière manuscrite; ex : en matière de cautionnement.

Quelles sont les sanctions en cas de défaut de ces clauses ?

Ces sanctions sont diverses en fonction de la législation en cause mais souvent le formalisme informatif est un formalisme ad validitatem c’est-à-dire qu’à défaut de ces mentions, le contrat est souvent nul.

  1. LA SANCTION DES CONDITIONS DE FORMATION DU CONTRAT.

Lorsque la formation du contrat est viciée, la sanction est la nullité du contrat.

/ !\ Nullité ≠ caducité ≠ opposabilité ≠ résolution.

–> Nullité = sanction frappant un acte juridique qui ne rempli pas les conditions requises pour sa validité.

Il faut distinguer la nullité d’autres sanctions, il ne faut pas confondre la nullité avec la caducité. La différence d’effet entre la nullité et la caducité est que la caducité ne vaut que pour l’avenir, elle n’a pas d’effet rétroactif, c’est ce qui est décrit dans l’article 1086 du Code civil.

–> Caducité = frappe les actes valablement formés qui cessent d’exister à la suite de la disparition d’un élément essentiel.

De la même façon il faut distinguer la nullité de l’opposabilité car lorsqu’on parle d’opposabilité on envisage les tiers. Le contrat pour les tiers est un fait qui leur est opposable (la situation créée par le contrat va être opposable).

–> L’inopposabilité = lorsque les effets du contrat ne peuvent pas être opposés aux tiers (qu’ils peuvent faire comme si le contrat n’avait jamais existé). L’inopposabilité n’a pas d’effet sur la validité du contrat à proprement parlé car cela ne concerne que les tiers. Pour que le contrat soit opposable il faut parfois effectuer certaines formalités.

Il aussi ne pas confondre la nullité et la résolution du contrat. La nullité sanctionne un défaut de validité du contrat tandis que la résolution sanctionne l’inexécution d’un contrat valablement formé.

  1. L’action en nullité.

La distinction entre nullité relative et absolue relève de l’article 1179 du Code civil. Tout dépend de l’objet de la règle violée. Si on fait la distinction, c’est que les deux obéissent à des régimes différents. Cela permet de déterminer qui est à l’initiative de l’action en nullité.

Nullité relative

Nullité absolue

relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé.

Ne peut être invoquée que par la partie protégée par la règle qui a été méconnue ; ex : le consommateur.

Les actes sanctionnés par une nullité relative peuvent être sanctionnés.

Absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde d’un intérêt général.

Peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt ainsi que par le ministère public.

Les actes sanctionnés par une nullité absolue ne peuvent pas être sanctionnés.

La nullité peut être invoquée par – voie d’action, c’est-à-dire si une personne s’aperçoit que l’acte est nul elle va demander la nullité de l’acte

voie d’exception, c’est-à-dire comme moyen de défense.

Dans les deux cas la personne se défend en sommant la nullité du contrat. Quand on agit par exception la prescription peut être invoquée. En principe la nullité doit être prononcée par le juge, autrement dit une des parties ne peut pas d’elle-même unilatéralement déclarer le contrat nul, elle doit saisir le juge pour que le juge constate cette nullité, c’est ce qui est décrit dans l’article 1178 du Code civil.

Les obligations créées par le contrat, Evolution du contrat et sanction de l’inexécution

  1. LES OBLIGATIONS CREES PAR LE CONTRAT.

Le principe de la force obligatoire est qu’une fois que le contrat est formé les parties sont tenues d’exécuter ce à quoi elles se sont engagées. Les parties ne peuvent donc pas revenir de manière unilatérale sur leur engagement et qu’elles ne peuvent pas unilatéralement modifier les conditions d’exécutions du contrat.

  1. Le contenu du contrat.

Le contenu du contrat est librement déterminé par les parties en vertu de la liberté contractuelle, c’est la volonté des parties qui créer des obligations. Il convient de circonscrire ce que l’on appelle le contenu obligationnel du contrat. Mais le contrat peut être obscure, il faudra donc l’interpréter. Les juges auront à chercher la volonté réelle des parties.

  • Le contenu obligationnel du contrat.

Les stipulations du contrat doivent être expressément voulues mais les parties vont être retenues par des obligations qui n’ont pas été expressément stipulées mais qui découlent du contrat. C’est la jurisprudence qui a dégagé un certain nombre d’obligation.

  • L’intengilité du contrat: la liberté contractuelle peut faire naitre une variété presque infinie d’obligation, il n’est pas possible de toutes les recenser. Il est en revanche possible de les classer en grandes catégories afin de mieux cerner leurs régimes juridiques.

Avant 2016 il y avait trois obligations :

  • L’obligation de faire.
  • L’obligation de ne pas faire.
  • L’obligation de donner.

Cette présentation a pour l’essentiel disparu du Code civil, on peut tout de même déduire certains classements :

  • Elément essentiel ≠ élément accessoire: en effet dans certains contrats certaines prestations vont être plus importantes que d’autres, ce sont elles qui vont donner la qualification du contrat. Les parties ne vont pas pouvoir s’exonérer totalement de ces obligations essentielles alors qu’elles pourront prévoir des clauses limitatives de responsabilité pour les éléments accessoires.
  • Obligation de moyen ≠ obligation de résultat: les obligations de résultat engagent le débiteur a un résultat précis; ex : livrer à telle date. Les obligations de moyens obligent le débiteur à mettre tout en œuvre pour parvenir à un résultat; ex : un médecin doit tout mettre en œuvre pour guérir son patient mais n’est pas obligée de le guérir. La distinction est importante dans la mise en œuvre de la responsabilité et donc dans la preuve en cas de manquement de l’une des deux parties. La distinction n’est pas toujours simple à faire, parfois les parties le mentionnent explicitement dans l’acte mais parfois la qualification devra être déduite. Il faudra pour cela interpréter la volonté des parties. La qualification va également dépendre du rôle pris du créancier dans l’exécution. La jurisprudence définie cela notamment dans les contrats de transport en matière de sécurité ; ex : la SNCF a une obligation de sécurité.

Avant la réforme le transfert de propriété était qualifié par l’obligation de donner, mais le Code civil continue tout de même de traiter du transfert de propriété au titre du contrat. Ce transfert de propriété s’opère de pleins droits sans que les parties n’aient à effectuer une quelconque formalité ; ex : dès la conclusion du contrat, le bien est immédiatement et automatiquement transféré (s’il s’agit d’une vente d’un immeuble etc). Ce principe est posé à l’article 1196 du Code civil, c’est ce qu’on appelle la délivrance matérielle de la chose. Comme le transfert de propriété est quelque chose d’automatique, il y aura transfert de propriété alors même que le bien n’aura pas été matériellement remis à l’acquéreur. A la propriété est associée la charge des risques du bien, le transfert de propriété comporte donc le transfert des risques. La perte de la chose devra être supportée par l’acheter. Si les parties se mettent d’accord sur la chose et sur le prix, dès que le contrat est formé c’est l’acquéreur propriétaire du bien qui va devoir supporter les risques de la chose, l’acquéreur ne pourra alors pas s’exonérer de l’obligation de payer. La disparition de l’objet après la formation du contrat n’a pas d’incidence sur la validité du contrat.

–> Le transfert des risques = devoir supporter la perte de la chose si la chose venait à disparaitre.

La délivrance matérielle et le transfert de propriété ne sont pas des dispositions d’ordre public, les parties peuvent y déroger et peuvent différer le transfert de propriété ; ex : prévoir que la propriété sera transférée au moment du paiement, on peut donc dissocier le transfert des risques et le transfert de la propriété. Le Code civil tranche la question du conflit qui pourrait survenir entre deux acquéreurs successifs d’un même bien, ce qui nous renvoie à l’article 1198 du Code civil. On est ici dans l’hypothèse ou par exemple une personne vend deux fois un même bien. En principe dès lors que le contrat de vente est conclu et que le transfert de propriété a été effectué de plein droit le vendeur n’est plus propriétaire de la chose donc le second contrat est nul. Le Code civil ne tire pas toutes les conséquences de cela, il pose la règle suivante : – si le bien vendu est un bien meuble, c’est le possesseur de bonne foi qui est préféré (même si c’est la personne du second contrat qui a récupéré le bien e premier), mais il faut qu’il soit de bonne foi, c’est-à-dire qu’il n’ait pas eu connaissance du premier contrat.

– si le bien vendu est un bien immobilier, préférence est donnée à celui qui publie l’acte le premier car une fois que l’acte est publié il est opposable aux tiers.

  • Les obligations complémentaires : un contrat ne peut jamais tout prévoir. Dans l’article 1194 les contrats obligent non seulement à ce qui est exprimé mais encore à toutes les suites que leur donne l’équité, l’usage ou la loi. Lorsqu’un contrat va être mué sur un point, vont s’appliquer les règles supplétives de volontépropre à chaque contrat nommé ; ex : dans un contrat de vente, le plus souvent les parties ne règlent pas les modalités de la délivrance matérielle on applique donc toutes les règles supplétives de volonté du Code civil. Lorsque le législateur n’a rien prévu on se réfère à l’équité/l’usage. On voit que vont s’appliquer des obligations qui découlent de l’obligation principale voulu parles parties ; ex : l’obligation de sécurité, l’obligation d’information*, l’obligation de mise en garde.

* La jurisprudence sera plus exigeante si le débiteur de l’information est un professionnel.

La jurisprudence prend en compte la complexité du bien, la volonté des parties, la qualité des parties et la qualité du contrat.

Le contrat de bonne foi.

Le contrat de bonne foi est prévu à l’article 1104 qui dit que les contrats doivent être exécutés de bonne foi (avant 2016 c’était l’article 1134). La notion de bonne foi est importante et depuis un vingtaine d’années les juges ont particulièrement recours à la bonne foi pour instaurer une certaine éthique, une certaine morale. Chaque débiteur doit s’acquitter de ses obligations consciencieusement. Cette exécution de bonne foi signifie une exécution honnête et complète. Autrement dit les parties doivent être loyaux et doivent coopérer; ex : s’informer, faciliter l’exécution des prestations de l’autre.

  • La recherche de la volonté des parties.

Le juge n’a pas à s’immiscer dans le contrat,

L’interprétation du contrat est l’opération qui consiste à dégager le sens et la portée d’une disposition contractuelle ambigüe, imprécise ou en contradiction avec une autre clause ou un autre document contractuel. C’est seulement dans ce cadre que le juge peut intervenir. Si la clause est précise, le juge est tenu de l’appliquer. Le juge ne peut pas dénaturer une clause claire et précise du contrat. Si une clause ne nécessite pas d’interprétation le juge ne peut donc le faire car cela modifierait le contrat et toucherait la liberté des parties. Ce n’est pas parce qu’une clause est inégale qu’il peut l’interpréter et la modifier.

/ !\ Interprétation ≠ qualification (déterminer quelle est la nature juridique du contrat).

Les règles d’interprétation du contrat sont prévues aux articles 1189 et suivants du Code civil. La réforme a changé quelques points mais les grands principes demeures. Les clauses du contrat doivent s’interpréter les unes par rapport aux autres en donnant à chacune d’entre elles le sens voulu parles deux parties. On recherche la cohérence et le fait de faire produire des effets au contrat, on chercher l’interprétation la plus utile pour le contrat.

Ce qui guide le juge est l’esprit du contrat qui doit primer sur la lettre du contrat. Si le juge à un doute sur l’interprétation à donner il doit le faire dans le sens favorable à la partie qui s’oblige, c’est-à-dire dans le sens favorable au débiteur. Dans les contrats d’adhésion le contrat doit être interprété en faveur de celui à qui le contrat a été proposé.

  1. La simulation.

La simulation est valable pour les parties ayant conclu deux contrats : un contrat ostensible un et un contrat occulte; ex : un contrat ostensible sur une donation et un contrat occulte sur le paiement des impôts. Cela permet de cacher un accord réel par un accord officiel. Cette situation est prévue à l’article 1201 du Code civil. L’acte réel est appelé «contrat ostensible» et l’acte occulte et appelé «contre lettre». Ces contrats sont souvent destinés à frauder contre le fisc.

Lorsque l’acte est frauduleux le contrat est nul et ne produit aucun effet entre les parties ou à l’égard des tiers. Mais il se peut que la contre lettre soit simplement créée dans le but de rester discret, auquel cas le contrat ne sera pas frauduleux et donc valable. Entre les parties c’est la contre lettre qui va s’appliquer en revanche cette contre lettre ne sera pas opposable aux tiers. Mais les tiers, s’ils en ont connaissance pourront s’en prévaloir.

  1. L’EVOLUTION DU CONTRAT.

Il peut se passer un certain temps entre le moment ou les parties ont décidé de faire un contrat et le moment où le contrat est exécuté, les conditions peuvent avoir changées ; ex : contexte économique.

  1. Dans quelles conditions peut-on faire évoluer le contrat ?

  • La modification du contrat par les parties.

Les parties d’un commun accord peuvent soit modifier le contrat soit y mettre fin. L’acte qui modifie le contrat est appelé «avenant». L’avenant obéit aux mêmes conditions de fond et de forme que l’acte qui a été modifié. Les parties peuvent également avoir anticipé certaines évolutions et donc avoir anticipées les conditions dans lesquelles sera modifié le contrat.

La clause la plus fréquente est la clause d’indexation. C’est celle qui va faire varier le prix en fonction d’un indice choisi par les parties. Les parties peuvent prévoir une renégociation du contrat ou une annulation du contrat au bout d’un certain temps ou d’une certaine situation.

  • La modification du contrat par le juge.

Un juge peut-il modifier un contrat si un changement de circonstances imprévu en modifie l’initial ?

Cela ne se pose que dans le cas où un phénomène imprévu intervient. Certains estiment que le contrat est la loi des parties et que le juge n’a pas le droit d’interférer dans la volonté des parties. D’autres auteurs estiment au contraire qu’il faut tenir compte de ces circonstances imprévues, l’argument développé est que la loi des parties ne peut porter que sur ce qu’elles ont pu prévoir. Les éléments totalement imprévisibles échappent totalement à la loi des parties.

La position du juge en droit privé n’a pas été celle en droit administratif. Pendant longtemps le juge ne s’accordait pas le droit de modifier les contrats, même en situation de nouvelles circonstances exceptionnelles. Le principe a été dégagé dans un arrêt canal de Craponne de 1976 dans lequel un contrat avait été conclu au XVIème siècle par lequel le propriétaire d’un canal devait, moyennant une redevance de trois sous entretenir ce canal et fourni de l’eau à la plaine voisine. Mais trois siècles plus rien ces trois sous ne valant plus rien le contrat était contesté. Le propriétaire avait donc saisi les tribunaux afin de pouvoir revaloriser la redevance prévue dans la convention. Cette argumentation a été rejetée par les tribunaux et la Cour car cette dernière estimait que le juge n’avait pas le pouvoir de refaire le contrat. C’est ce qu’on appelle en droit la théorie de l’imprévision (ce qui n’est pas le cas du juge administratif).

Si la théorie de l’imprévision a été rejetée en droit français, les plaideurs ont toutefois trouvé d’autres fondements pour sortir du contrat ou contraindre l’autre partie à renégocier.

Deux fondements ont pu être soulevés :

  • Le fondement tiré de l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi: la Cour de cassation a pu sur ce fondement sanctionner une partie qui refusait toute négociation alors que le contrat était devenu profondément déséquilibré ; ex : arrêt de 1991 dans lequel il s’agissait de distribution pour des produits pétroliers et pour lequel une société avait signé un contrat de distribution avec une autre société qui ne pouvait pas rester concurrentiel en raison des prix appliqués à cause de la société qui livrait le pétrole, une renégociation du contrat avait alors été imposé.
  • Le fondement tiré de la cause suite à un arrêt rendu par la Chambre commerciale de 2010 dans lequel un contrat de révision d’un moteur d’une centrale de production d’énergie avait été conclu entre la centrale et un prestataire. Le prix des matières premières ayant été modifié pendant le contrat le montant de la redevance était devenu dérisoire, le cocontractant a alors argué que la cause avait disparu en raison de la disparition de la redevance. Cette cause ayant disparu il soulevait le fait que le contrat soit devenu caduc.

L’ordonnance de 2016 introduit la théorie de l’imprévision en droit privé à l’article 1195 du Code civil sous des conditions strictes car tout est fait pour que les parties parviennent à un accord, c’est seulement à défaut d’accord que le juge intervient.

Quelles sont les conditions ?

Il y a trois conditions :

  • L’imprévision est subordonnée à un bouleversement du contrat, c’est-à-dire qu’il faut que l’exécution soit devenue excessivement onéreuse.
  • Il faut que ce bouleversement soit imprévisible au moment de la signature du contrat, autrement dit il faut un bouleversement que les parties n’ont pas pu anticiper.
  • Il ne faut pas que le contrat soit aléatoire c’est-à-dire qu’il ne faut pas que les parties aient entendu assumer le risque d’un déséquilibre contractuel.

Quels sont les effets ? Comment mettre en œuvre l’article 1195 ?

Si une partie estime qu’il y a un bouleversement imprévisible du contrat elle peut demander à son cocontractant de renégocier le contrat. Mais elle ne peut pas suspendre unilatéralement l’exécution du contrat. Il s’agit ici d’éviter les manœuvres dilatoires autrement dit il s’agit d’éviter que l’article 1195 ne soit qu’un prétexte pour gagner du temps et pour ne pas exécuter ses obligations. La priorité est donnée à une renégociation entre les parties qui, si elles renégocient peuvent soit – en modifier les conditions d’exécution et donc conclure un avenant,

prononcer sa résolution.

Ce n’est qu’en cas d’échec que le juge interviendra pour – procéder à sa révision,

anéantir le contrat.

Les parties ont intérêts à transiger car il vaut mieux que les parties se mettent d’accord quitte à faire des concessions plutôt que se soit le juge qui décide de conditions pourront ne convenir à aucune des deux parties.

  • La modification du contrat par la loi.

La loi prévoit parfois des dispositifs pour remédier à une rupture d’équilibre survenue dans l’économie de contrat de longue durée.

  • Dans les beaux commerciaux il existe des dispositifs de renégociation du loyer en fonction d’un certains nombres de circonstances ; ex : l’environnement commercial.
  • Dans les beaux d’habitation lorsque le loyer en manifestement sous évalué il y existe des procédures de révisions.

  • LES SANCTIONS DE L’INEXECUTION DU CONTRAT.

Ce qui fait la différence entre un devoir moral et une obligation est que l’obligation est sanctionnée lorsque le débiteur est défaillant.

Quelles sont les sanctions qui peuvent s’appliquer ?

Pour qu’il y ait sanction, encore faut-il que le contrat soit formé et qu’il soit légalement formé. Dès lors que le contrat est formé les obligations sont exigibles immédiatement.

/ !\ Existence ≠ exigibilité.

Dès que l’exécution est formée elle est éligible mais il y a des exceptions. Les parties peuvent dans le contrat retarder l’exigibilité de l’obligation à la survenance d’un évènement, c’est ce qu’on appelle «un terme» dès lors que l’évènement est futur et certain ; ex : le prix est payable à la réception du coli.

Il existe diverses sanctions qui viennent frapper un débiteur défaillant, cela se trouve à l’article 1217 du Code civil qui énumère cinq sanctions. Ces sanctions existent pour l’essentiel avant l’ordonnance de 2016 soit dans le Code soit dans la jurisprudence cependant il y a quand même de grandes modifications. Tout d’abord l’ordonnance introduit la réduction du prix alors que cela n’existait pas de manière générale auparavant. S’agissant des effets ou des conditions de mise en œuvre il y a aussi quelques différences. Le choix de la sanction appartient au créancier insatisfait et s’impose en principe au juge sauf exceptions. Par ailleurs ces sanctions peuvent se cumuler à condition qu’elles ne soient pas incompatibles entre elles. La mise en œuvre de la sanction doit toujours être précédée d’une mise en demeure du débiteur d’avoir à exécuter sa prestation.

  1. L’exception d’inexécution.

Cette sanction est développée aux articles 1219 et 1220 du Code civil.

–> Exception d’inexécution = droit pour chacune des parties de ne pas exécuter son obligation tant que l’autre partie n’a pas exécuter la sienne.

/ !\ Exception d’inexécution ≠ droit de rétention qui obéit à des conditions particulières car c’est un moyen de pression qui consiste pour un créancier de refuser de restituer une chose qu’il détient et qu’il doit rendre aussi longtemps qu’il n’a pas été payé ; ex : un garagiste peut garder une voiture tant que le propriétaire de cette dernière n’a pas payé les travaux.

L’inexécution est moyen de justice privé car il ne nécessite pas la présence du juge, c’est un moyen de pression.

  • Les conditions de l’exception d’inexécution.

Le contrat doit être synallagmatique et les obligations en cause doivent être interdépendantes. Avant la réforme les obligations devaient nécessairement s’exécuter simultanément c’est-à-dire dans le même temps. Ce n’est plus le cas désormais puisse que deux hypothèses sont prévues. Dans l’article 1220 il s’agit de l’hypothèse de droit commun car on est dans l’hypothèse où un des débiteurs n’a pas exécuté son obligation alors que cette dernière était exigible. Le créancier suspend alors sa propre prestation. Dans cette hypothèse l’exception d’inexécution ne peut être mise en œuvre que si la défaillance du débiteur est suffisamment grave. Autrement dit il faut que la sanction soit proportionnée à l’inexécution. Ce n’est que si l’inexécution porte sur l’obligation principale que le créancier pourra suspendre son obligation principale. En revanche un créancier non satisfait ne peut pas suspendre sa propre obligation principale si l’inexécution ne porte que sur une obligation accessoire.

Exemple: en contrat de bail il n’y a que deux obligations principales, le locataire doit payer les loyers et le propriétaire doit entretenir et fournir le logement. Le locataire peut refuser de payer les loyers tant que le bailleur n’a pas mis à sa disposition le local ou s’il le local est inhabitable. Mais le locataire ne peut pas suspendre les loyers tant que le bailleur n’a pas réparé une fuite d’eau. Il faut que le trouble empêche la jouissance des locaux.

Il n’y a pas de recours au juge nécessaire et il n’y a pas non plus à adresser une mise en demeure au débiteur défaillant.

L’article 1220 prévoit également une action préventive dès lors que le débiteur n’est pas encore défaillant puisse que son obligation n’est pas encore exigible lorsqu’il bénéficie d’un terme. Le créancier peut suspendre sa propre exécution pour se prémunir de l’exécution future de l’autre. La condition posée par l’article est qu’il doit être manifeste que le cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance. Ensuite il faut que les conséquences de l’inexécution soient graves. Lorsque le créancier qui risque d’être insatisfait met en œuvre cette sanction et suspend sa propre prestation il doit notifier sa décision dans les meilleurs délais.

  • Les effets de l’exception d’inexécution.

L’exception d’inexécution suspend temporairement l’exécution de celui qui la met en œuvre. Cela ne suspend pas entièrement le contrat, seulement une partie. Cette sanction n’a pas d’effet sur la validité du contrat et en principe le contrat doit retrouver ses effets et doit être exécuté une fois que le débiteur défaillant aura exécuté sa prestation. Cela n’exonère pas définitivement celui qui la met en œuvre d’exécuter la prestation due.

C’est une sanction qui est mise en œuvre aux risques et périls du créancier insatisfait. Si ce cocontractant estime que la suspension est injustifiée il peut engager la responsabilité de l’autre partie et il peut demander à ce que la résolution du contrat soit prononcée. C’est une sanction rapide et efficace ainsi qu’un bon moyen de pression. Le gros inconvénient est qu’elle est mise aux risques et périls de celui qui la met en place.

  1. L’exécution forcée du contrat.

Cela renvoie aux articles 1221 et 1222 du Code civil. Par principe le domaine est assez large mais il y a quand même des exceptions.

  • Le principe.

Le domaine de l’exécution forcée est très large, il concerne les obligations de payer mais peut également concerner des obligations de faire ou de ne pas faire. Avant la réforme il avait une exclusion générale pour les obligations de faire ou de ne pas faire (elle ne concernait pas ces obligations en principe). L’ancien article prévoyait que toute obligation de faire ou de ne pas faire ne pouvait donner lieu qu’à des dommages et intérêts mais pas à une exécution forcée. Cependant la Cour n’appliquait par cet article à la lettre. La Cour de cassation considérait que seules les obligations à caractère très personnelles ne pouvaient pas donner lieu à exécution forcée ; ex : on ne peut pas forcer un peintre à exécuter un tableau. C’est davantage par rapport aux exclusions que la réforme à modifié les choses.

  • Les exclusions.

L’article 1221 prévoit deux exclusions :

  • Lorsqu’il y a une disproportion manifeste entre le cout pour le débiteur et l’intérêt pour le créancier : c’est ici un changement majeur introduit par la réforme. Avant cette réforme le juge devait prononcer l’exécution forcée toutes les fois où elle était demandée et en l’absence même de préjudices pour le créancier ; ex : en fin de bail le locataire doit restituer le local dans l’état dans lequel il l’a reçu donc si le locataire a transformé la chose le bailleur a la possibilité de demander la remise en état au locataire et cela même si la construction apporte une plus value ou même si elle n’a aucun intérêt pour le bailleur. La chose convenue doit être exactement la chose prévue, l’acquéreur peut demander réparation du moins changement même minime. Parfois la Cour estimait que la sanction était demandée dans une mauvaise foi dans le but de nuire au cocontractant et a pu dans ce cas là écarter des demandes d’exécutions forcées. La réforme a introduit un contrôle de proportionnalité entre le coût pour le débiteur et l’intérêt pour le créancier. Cette réforme est critiquée par une partie de la doctrine qui y voit une atteinte à la force obligatoire du contratcar cela permet à une partie de ne pas exécuter tout à fait ce qui a été convenu moyennant le paiement d’une indemnité. Certains estiment que le créancier perd ici un moyen de pression, notamment dans la transaction. Il appartiendra au juge de mesure l’intérêt du créancier, ce qui est très subjectif.
  • Lorsque l’exécution est impossible: si l’obligation est impossible dès le départ le contrat est nul, on est donc dans l’hypothèse ou l’objet était possible lors de la formation du contrat mais que compte tenu des circonstances cela a changé. Lorsque l’obligation ne peut pas être exécutée le créancier va uniquement pouvoir demander la résolution du contrat et/ou des dommages et intérêts. Par obligation impossible on peut entre une impossibilité matérielle (on ne peut plus fabriquer la chose convenue) ou une impossibilité juridique (la législation a changé). Par ailleurs il faut aussi envisager les hypothèses où il n’est pas possible de réparer l’inexécution du contrat ; ex : l’obligation de ne pas faire. Il faut réserver l’hypothèse dans laquelle l’exécution est devenue impossible par un fait de force majeur, c’est-à-dire un fait imprévisible et irrésistible qui empêche son exécution, c’est un fait qui est extérieur aux parties ; ex : tempête qui détruit l’usine. Dans cette hypothèse il n’y aura donc pas de sanction possible. Par ailleurs le risque de perte de la chose pèse en principe sur le propriétaire de cette chose. Quand l’obligation est devenue impossible il faut en vérifier la cause.

  • La mise en œuvre.

Pour pouvoir prétendre à exécution forcée le créancier doit avoir au préalable mis en demeure son débiteur. Cette mise en demeure ne répond pas en principe à des conditions particulières de forme, il suffit d’une sommation ou de tout acte portant une interpellation suffisante. Cela peut être une simple lettre par laquelle le créancier explicite que telle obligation n’a pas été ou a été mal exécutée et qu’il met en demeure le débiteur dans un délai à défaut duquel il se réserve le droit d’une action en justice. Ici ce qui va pouvoir poser problème est la preuve de cette mise en demeure, c’est pourquoi en pratique la lettre avec accusé de réception est la méthode la plus utilisée.

Si cette mise en demeure reste infructueuse alors le créancier insatisfait pourra saisir les tribunaux compétents et pourra alors demander la condamnation du débiteur à exécuter sa prestation.

En pratique pour que le débiteur exécute rapidement la condamnation il y a plusieurs moyens :

  • Si l’obligation qui n’a pas été réalisée est une obligation de payer le créancier va pouvoir opérer des saisis. Le créancier pourra demander au juge que la condamnation soit prononcée avec une astreinte. Cette astreinte est le fait d’être condamné à devoir payer une certaines somme par jour/mois de retard dans l’exécution. Cependant le paiement de cette somme n’est pas automatique, le créancier qui veut obtenir le paiement de cette somme devra saisir un juge spécifique appelé le juge de l’exécution à qui il appartiendra de liquider l’astreinte. Le plus souvent l’astreinte prononcée est une astreinte provisoire, ce qui signifie que le juge de l’exécution pourra en réviser le montant. En revanche si c’est une astreinte définitive le juge perd cette faculté et le juge devra prononcer un montant calculé en fonction du montant de l’astreinte et des jours de retard.
  • Si l’obligation qui n’a pas été réalisée est une obligation de faits il se peut aussi que le créancier préfère que la prestation soit réalisée par un tiers au frais du débiteur. Cette possibilité est prévue à l’article 1222 du Code civil depuis la réforme de 2016 qui a assouplie les conditions de mise en place de cette possibilité. Dans cette hypothèse le créancier va devoir adresser une mise en demeure au débiteur. Et si cette mise en demeure est restée infructueuse il peut alors faire appel à un tiers et demander le remboursement des frais au débiteur défaillant. Il n’a pas à obtenir l’accord préalable du juge à condition que la prestation soit réalisée dans un délai et un coût raisonnable. Le Code civil réserve toute de même une hypothèse dans laquelle le recours au juge est nécessaire, c’est l’obligation de ne pas faire quand il s’agit d’obtenir la destruction de ce qui a été fait en violation d’une obligation. Ici la mise en demeure ne suffit pas. Cet article 1222 permet d’obtenir la réalisation de la prestation due rapidement car il n’y a pas besoin d’obtenir une autorisation judiciaire cependant pour obtenir le remboursement des sommes qui avaient été convenues il semble nécessaire d’obtenir une condamnation judiciaire. L’article 1222 permet également au créancier de demander en justice une avance sur les sommes nécessaires à l’exécution ou à la destruction.

  1. La réduction du prix.

Avant la réforme de 2016 il ne s’agissait pas d’une sanction en général mais elle pouvait être prévue pour certains contrats/inexécution. C’était notamment le cas en matière de vice caché. Mais en dehors des hypothèses ou la loi le prévoyait explicitement le créancier ne pouvait pas prétendre à une diminution du prix en cas de mauvaise exécution. En revanche le juge pouvait accorder des dommages et intérêts.

Cette sanction de réduction du prix est désormais prévue à l’article 1223 du Code civil qui dit que le créancier peut après mise en demeure accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une diminution proportionnelle du prix.

Quelles sont les conditions dans lesquelles on peut demander cette sanction ?

Nous sommes ici dans le cas où l’inexécution est partielle mais pas dans l’hypothèse d’une modification de la convention due à un changement de circonstances. Il faut ensuite que le créancier accepter que l’obligation soit imparfaitement exécutée, autrement dit seul le créancier peut choisir cette sanction. Enfin le créancier doit mettre en demeure le débiteur de s’exécuter.

L’article 1223 distingue deux hypothèses pour la mise en œuvre de la sanction :

  • Le créancier a payé par avance et ce n’est qu’après le paiement qu’il constate que la prestation de son cocontractant est mal ou partiellement exécuté, il va alors demander la restitution d’une partie du prix. Cependant le terme de solliciter est flou.
  • Le créancier n’a pas encore payé le prix par avance alors l’article prévoit que le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais. On peut penser que la diminution du prix va résulter d’une décision unilatérale du créancier, autrement dit que le créancier va adresser un courrier au débiteur pour lui indiquer que la prestation n’a pas été totalement exécutée et qu’il fixe le prix à tant. Mais il appartiendra cette fois ci au débiteur qui conteste cette réduction du prix de saisir le juge pour obtenir le paiement du prix prévu à la base voir des obtenir des dommages et intérêts sachant que le débiteur devra lui aussi effectuer une mise en demeure.

  1. LA RESOLUTION DU CONTRAT.

Avant la réforme de 2016 :

Résolution

Résiliation

On parlait de résolution pour les contrats à exécution instantanée (en une seule prestation) ou à exécution successive dont l’exécution est défaillante dès le début.

Cela entrainait l’anéantissement rétroactif du contrat.

On parlait de résiliation pour les contrats à exécution successive ; ex : un bail.

Cela entrainait un effet que pour l’avenir.

La réforme de 2016 abandonne cette distinction pour ne parler que de résolution et abandonne l’effet rétroactif de la résolution. Cela est prévu aux articles 1224 et suivants du Code civil.

Le Code civil distingue trois formes de résolution :

  • La résolution prononcée en application d’une clause du contrat: la clause résolutoire.
  • La résolution prononcée par l’une des parties.
  • La résolution judiciaire.

  1. La résolution judiciaire.

  • Les conditions.

Cette résolution judiciaire peut être prononcée par le juge même en l’absence de clause prévoyant cette sanction dès lors que le créancier insatisfait en fait la demande. Avant 2016 la jurisprudence estimait que la résolution n’était pas de droit et que le juge avait un pouvoir d’appréciation pour estimer si cette sanction était adaptée ou pas à la situation. Le juge appréciait notamment si la violation du contrat était suffisamment grave pour provoquer cette sanction. Lorsque l’inexécution n’était que partielle il ne pouvait prévoir que de dommages et intérêts. Cependant l’inverse n’est pas vrai, le juge ne peut pas prononcer la résolution du contrat si les parties ne le demandent pas.

Ce critère n’a pas été repris par les nouveaux textes issus de la réforme. L’article 1227 dit que la résolution peut être demandée pour toute hypothèse en justice et l’article 1228 précise que le juge peut selon les circonstances constater ou prononcer la résolution ou ordonner la résolution du contrat en accordant éventuellement un délai au débiteur ou allouer seulement des dommages et intérêts. On peut penser que la jurisprudence antérieure pourra encore s’appliquer.

  • Les effets.

Avant 2016 il fallait distinguer selon que le contrat soit à exécution successive ou à exécution instantanée. Depuis la réforme cela est précisé dans l’article 1229 du Code civil qui prévoit que la résolution met fin au contrat mais que cet effet n’est plus rétroactif. Le contrat prend fin soit à la date fixée par le juge soit à défaut de date au jour de l’assignation en justice. Par ailleurs cet article règle la question des restitutions éventuelles.

Il faut distinguer deux hypothèses principales :

  • Les prestations échangées n’ont d’utilité que par l’exécution complète du contrat auquel cas les parties doivent entièrement restituer ce qui a été reçu. On est ici dans l’hypothèse ou on ne veut pas se satisfaire d’une exécution partielle.
  • Les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat auquel cas les restitutions seront dues à partir du moment ou une prestation qui a été exécutée n’aura pas reçu de contrepartie.

Par ailleurs la résolution du contrat n’anéantit pas le contrat entièrement, certaines clauses peuvent survivre, c’est ce qui est décrit dans l’article 1230 du Code civil.

  1. La clause résolutoire.

La clause résolutoire est envisagée à l’article 1225 du Code civil. La clause résolutoire est celle par laquelle les contractants prévoient que la résolution du contrat qui interviendra de plein droit si l’une des parties manque à ses obligations. C’est une clause négociée au moment de la formation du contrat. Pour que la clause soit qualifiée de résolutoire il faut qu’elle soit suffisamment précise.

Il faut qu’elle précise expressément :

  • les obligations dont l’inexécution entrainera la résolution du contrat.
  • les modalités de mise en œuvre et l’automaticité de la sanction.
  • que la résolution aura lieu de plein droit.

La mise en œuvre de la clause suppose une mise en demeure préalable qui mentionne la clause résolutoire. La législation encadre parfois la mise en œuvre de cette clause résolutoire et peut prévoir des délais particuliers ou des formalités particulières; ex : baux d’habitation. Jusqu’à présent la jurisprudence estimait que dès lors que le contrat contenait une clause résolutoire alors le juge était tenu d’appliquer cette sanction et n’avait plus de pouvoir d’appréciation.

Exemple: si un locataire a uniquement un mois de retard pour le paiement de son appartement le juge peut ne pas prononcer la résolution du contrat s’il estime que le locataire avait auparavant toujours été sérieux. Cependant si une clause résolutoire indique que tout retard, même d’un mois provoque la résolution du contrat alors le juge sera tenu d’appliquer cette sanction.

Depuis la réforme on peut penser que dès lors que la clause prévoit une inexécution de plein droit alors le juge sera tenu par le contrat, il ne pourra pas moduler la fonction. Cependant l’article 1228 dit qu’il pourrait y avoir des clauses qui ne prévoit pas la sanction de plein droit, ce qui vient à l’encontre de la définition des clauses résolutoires.

  1. La résolution unilatérale par notification.

L’article 1226 décrit que le créancier peut à ses risques et périls résoudre le contrat par voie de notifications sauf urgence. On est bien dans l’hypothèse d’une résolution prononcée par l’une des parties et non dans l’hypothèse d’une résolution négociée à deux. Elle est fait aux risques et périls dès lors que le cocontractant pourra contester cette résolution devant le juge.

Cours de droit des contrats avant la réforme

Introduction

Quelques remarques et définitions liminaires

Le mot obligation en droit civil a un sens particulier, qui est différent du sens commun. Une obligation est un lien de droit par lequel un ou plusieurs sujets passifs (les débiteurs) sont tenus d’une prestation, c’est-à-dire d’une obligation de donner, de faire ou de ne pas faire (prestation positive ou négative) envers un ou plusieurs sujets actifs (les créanciers). Ces créanciers sont en droit d’exiger aux débiteurs de faire la prestation.

La notion d’obligation est traitée dans le Titre III du Livre III du Code Civil, intitulé «Des contrats ou des obligations conventionnelles en général. » Le législateur rattache donc les obligations à la notion de propriété alors qu’elles ne sont pas toutes translatives, puisque le Livre III du Code Civil s’intitule : « Des différentes manières dont on acquiert la propriété. »

Au second semestre, c’est le Titre IV, intitulé « Des engagements qui se forment sans conventions » qui sera étudié. Il renferme les règles concernant les obligations qui naissent autrement que par une convention. Elles peuvent naître notamment par la loi. C’est le cas des quasi-contrats. Ceux-ci sont régis par l’article 1371 du Code Civil qui précise que : « Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties. » Le quasi-contrat est donc un fait licite et volontaire, qui fait naître, du seul fait de la loi, certaines obligations juridiques particulières. À la différence de l’obligation contractuelle, l’obligation issue d’un quasi-contrat ne doit rien à la volonté de son débiteur et à la différence de la responsabilité délictuelle, l’obligation du débiteur issue d’un quasi-contrat n’est pas fondée sur un fait illicite. Le Code Civil prévoit 2 types de quasi-contrats, la gestion d’affaire et le paiement de l’indu (ou répétition de l’indu) et la jurisprudence 2 également, l’enrichissement sans cause et l’enrichissement manqué.

En matière de responsabilité (articles 1382 et suivants du Code Civil), on distingue la responsabilité et la quasi-responsabilité. En matière délictuelle, on opère la même distinction.

Les classifications des Obligations

On distingue les obligations en premier lieu par leur nature. Ainsi, il existe :

Le schéma classique :

Les obligations civiles

Elles sont juridiquement contraignantes et susceptibles d’exécution forcée. Depuis le début du XXème siècle, la contrainte par corps (la peine pénale qui vient sanctionner le défaut d’exécution) est interdite, sauf en cas d’une obligation envers le Trésor Public, et dans ce cas elle prend la forme d’une peine d’emprisonnement. Les obligations civiles trouvent leur origine dans le droit Romain, qui les abordait sous l’angle de la dette et du débiteur (du latin debitum). Les obligations civiles sont reconnues par le droit, ce qui n’est pas toujours le cas des obligations naturelles. A l’origine, la notion d’obligation était axée sur le lien personnel et elle ne pouvait être transmise. On admet maintenant que l’obligation soit transmissible et monnayable, de façon à ce qu’elle puisse circuler juridiquement. On lui accorde désormais une valeur patrimoniale. Le lien personnel s’est donc doublé d’éléments réalistes. Or, pour ce qui est du droit positif, cela a eu des conséquences énormes (Affaire Perruche).

L’obligation comprend deux éléments. Le 1er élément, c’est la dette et le second élément, c’est le pouvoir de contrainte.

La dette: c’est ce qui est du par le sujet passif au sujet actif donc par le débiteur au créancier. C’est le lien qui est au cœur de la notion de l’obligation. On assimile bien souvent dette et obligation. On remarque donc un assujettissement personnel très fort.

Le pouvoir de contrainte: il parfait l’existence de la dette, c’est la possibilité pour le créancier d’exiger que sa dette soit payée. Le droit met à la disposition des personnes qui ont contracté donc qui sont titulaire d’un droit un moyen de contrainte afin que le débiteur honore sa dette. En matière civile il n’y a plus de moyen de contrainte sur les personnes mais sur les biens seulement.

Aujourd’hui, dans le cadre d’une obligation, le créancier prend des garanties, appelées sûretés. Le Code Civil, à l’article 2284, prévoit également un mécanisme qui est néanmoins souvent privé d’efficacité, car insuffisant : le droit de gage général sur le patrimoine général du débiteur. Dans la plupart des cas, la prise de garanties est préférable pour le créancier.

Article 2284: Quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. C’est un droit de gage.

Les obligations naturelles

C’est une obligation civile imparfaite. Par exemple, chez un teinturier j’apporte mon vêtement, la prestation est exécutée mais je ne paye pas. Mon teinturier peut utiliser des moyens de contraintes, le droit donne un délai pour agir. Mais si je n’agis pas dans les délais, je ne peux pas avoir droit aux moyens de contraintes donc c’est une obligation civile imparfaite ou obligation naturelle.

Elles s’opposent aux obligations civiles et consistent en un engagement volontaire exercé sans écrit mais qui n’en est pas moins civilement valable. Elles ne peuvent être sanctionnées juridiquement. Elles sont également originaires du droit Romain. L’esclave ne pouvait pas contracter puisqu’il n’avait pas la personnalité juridique mais il devait être capable d’exécuter des obligations. C’est ainsi que sont nées les obligations naturelles. Dans un premier temps, il a été dit que « l’obligation naturelle était soit une obligation civile avortée (il lui manquait quelque chose) soit une obligation civile dégénérée (elle avait perdu quelque chose). » Puis, le doyen Ripert a écrit en 1926 un ouvrage important, La règle morale dans les obligations civiles. Pour lui, l’obligation naturelle est le devoir moral. Jusqu’en 1995, la jurisprudence indiquait que l’obligation civile défaillante se transformait en une obligation naturelle valable par le mécanisme de la novation (la transformation de l’obligation). Aujourd’hui, elle indique que c’est un devoir moral qui « monte » à la vie juridique. C’est-à-dire que sous l’effet d’un engagement unilatéral de volonté, l’obligation est montée à la vie juridique et produit des effets.

Les obligations naturelles sont évoquées à l’alinéa 2 de l’article 1235 du Code Civil : « La répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.« Leur seule mention dans le Code Civil s’effectue donc au détour d’un article et sous l’angle du paiement, c’est ce qui fera dire à Jean Carbonnier que : «Le législateur évoque l’obligation naturelle comme à regret.» En effet, en droit, le mot « répétition » est employé dans son sens latin (repetitionem) et consiste en une action en justice pour réclamer le remboursement d’une dette.

L’obligation naturelle n’a pas le pouvoir de contrainte. Cette obligation naturelle s’oppose à l’obligation typique puisqu’elle n’a qu’un seul élément sur les deux. C’est une obligation juridique sans sanction.

L’article 1235figurant dans le Chapitre V du Titre III du Livre III du Code Civil, intitulé « De l’extinction des obligations » dispose : « Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition. La répétition n’est pas du à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquitté. »

La répétition signifie ici le remboursement.

Le paiement, en droit, se définit de la manière suivante : il signifie l’exécution d’une obligation, pas forcément le versement d’une somme d’argent et a pour effet de l’éteindre.

Une autre classification des obligations repose sur la source, l’acte et le fait juridique.

La doctrine distingue l’acte et le fait juridique, c’est donc une classification doctrinale. La distinction entre l’acte et le fait vient de l’approche de la volonté.

Acte juridique: c’est une manifestation de volonté en vue de créer des effets de droit. L’acte juridique peut être unilatéral (engagement personnel, obligation naturelle) ou multilatéral (contrat, les protagonistes se sont mis d’accord sur un contenu et sont liés). Dans les actes juridiques collectifs on trouve notamment le règlement de copropriété. Par exemple, les conventions.

Fait juridique: la volonté n’est pas absente mais elle ne peut pas s’opposer à l’action juridique. L’action juridique est subie. Par exemple, un accident de voiture. (Cf. Cours d’Introduction au Droit page 16 pour + de précisions)

Le contrat est une forme d’acte juridique, la réciproque n’est pas vrai parce que la différence essentielle c’est que pour qu’il y est contrat, il faut qu’il y est deux personnes et rencontre des deux volontés pour dire que le contrat soit formé, alors que l’acte juridique c’est la volonté unilatérale. Le contrat produit des obligations.

La convention:créer des obligations, modifie les obligations et éteint l’obligation.

D’autres classifications encore reposent sur l’objet ou le contenu des obligations.

Classification tripartite : donner/faire/ne pas faire

Les articles 1101 et 1126 définissent le contrat.

L’article 1101 « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. »

L’article 1126 « Tout contrat a pour objet une chose qu’une partie s’oblige à donner, ou qu’une partie s’oblige à faire ou à ne pas faire.»

Le contrat est une convention, mais toutes les conventions ne sont pas des contrats.

Donner est l’obligation qui consiste à se dépouiller de quelque chose, à transférer la propriété à une personne. Par exemple, la vente. Mais tous les contrats ne sont pas translatifs. Obligation de donner est synonyme de transfert de propriété.

L’intérêt de l’obligation réside dans la possibilité pour le créancier à forcer le débiteur à l’exécuter. Néanmoins, il est par nature impossible de forcer l’exécution de certaines obligations et dans ce cas la solution réside dans la compensation financière. Ainsi, pour ce qui est de l’obligation de faire ou de ne pas faire, on demande des dommages-intérêts.

Une autre classification cette fois ci doctrinale, proposée par Jean Carbonnier reprend en quelque sorte ce principe : elle sépare les obligations en nature des obligations pécuniaires. Elle sépare les obligations qui consistent dans le paiement d’une somme d’argent et les obligations qui reposent sur l’effet d’une action.

Enfin toujours en classification doctrinale, il est possible de classer les obligations en fonction de l’intensité de leurs obligations. D’après Demogue, on distingue donc :

Les obligations de moyen, dans lesquelles le débiteur s’engage à mettre tous ses moyens à la disposition de son créancier, il doit donc à agir avec diligence car il ne promet de résultat. Par exemple, j’ai un problème de santé, le médecin me fait un diagnostic et me prescrit un traitement (traitement de soin).

Les obligations de résultat,dans lesquelles le débiteur est tenu d’une obligation de résultat vis-à-vis de son créancier. Par exemple, pour effectuer mes études, j’ai passé un contrat de bail, je vais payer un loyer moyennant l’obligation pour le bailleur de me laisser la jouissance de cet appartement.

L’intérêt réside dans le fait que quand on est tenu d’une obligation de résultat, on peut constituer le débiteur en faute, tandis que dans une obligation de moyen, c’est au créancier d’apporter la preuve, la faute qu’il n’a pas mis en œuvre tout les moyens.

Cette classification est pertinente, car le régime juridique est différent pour les deux types d’obligations en ce qui concerne les suites à donner à une inexécution. S’il s’agit d’une obligation de moyen, le créancier devra prouver qu’une faute a été commise pour obtenir un dédommagement en nature ou en espèces. S’il s’agit d’une obligation de résultat, en revanche, le simple fait que le résultat n’ait pas été atteint implique le non respect du contrat. Il n’y a qu’une chose devant laquelle cède l’obligation de résultat, c’est le cas de force majeure. Celui-ci est doté de 3 caractères.

Attention, cette distinction n’est pas si simple car entre ces deux catégories, se trouve une catégorie intermédiaire, une variante des obligations de moyens : les obligations de moyens renforcées, qui, elles, laissent présumer une faute du débiteur. Ce dernier pourra donc s’exonérer de sa responsabilité en établissant son absence de faute. Au delà de l’obligation de résultat, il existe aussi l’obligation de résultat renforcé, qui en cas d’inexécution engage la responsabilité du débiteur à moins qu’il n’établisse la réalisation d’un événement précis. Le stade suprême de l’obligation de résultat est l’obligation de garantie, qui en cas d’inexécution engage irrémédiablement le débiteur, qui ne dispose ici d’aucun moyen d’exonération.

Chapitre préliminaire : La notion du contrat

Section 1 : Les fondements du contrat

Les fondements du contrat sont au nombre de deux : le fondement conceptuel et le fondement anthropologique. On étudiera d’abord le fondement conceptuel.

I Le fondement conceptuel

La définition du Code Civil

Le législateur se garde bien de définir les notions de droit dans le Code Civil, mais le contrat fait exception à ce principe. On notera néanmoins que les obligations de livrer ne sont pas abordées et que le législateur opère une assimilation entre contrat et convention.

Le principe de l’autonomie de la volonté – Contrat et acte juridique

Le contrat est un accord de volonté et une obligation d’origine volontaire ne peut exister en dehors du contrat. Cette idée est exprimée dans le mot convention, qui désigne la « commune intention » de la volonté des parties. Mais le fait de vouloir accorder sa volonté envers une autre personne suffit-il pour créer un contrat ? La réponse à cette question passe nécessairement par la distinction contrat-convention.

L’engagement de volonté est-il toujours juridique ? Non, car il peut y avoir des engagements moraux, des engagements sur l’honneur, or ceux-ci ne sont pas des actes juridiques.

D’une manière théorique, pour qu’il y ait contrat et donc engagement juridique, il faut qu’il y ait la volonté de placer son engagement sous le signe des règles du droit positif, c’est-à-dire la volonté de produire des effets de droit. Par référence au droit romain, on appelle les contrats de bonne foi « engagements platoniques. » (Désintéressés et théoriques). Ce type d’engagement reste fondé sur l’ordre et la morale et est aussi appelé «gentleman agreement« . En théorie, les conventions ne présentent pas d’ambigüités sur leur caractère juridique mais ce principe tolère des exceptions. Il appartient au juge, en vertu de l’article 12 alinéa 3 du Code de Procédure Civile de qualifier ou de requalifier ces conventions. Le doyen Jean Carbonnier disait à propos de ce mécanisme que le juge «rhabillait les conventions de droit. »

On peut se demander pourquoi le législateur a utilisé le terme convention lorsqu’il a voulu désigner le contrat. Selon l’acception la plus courante, la convention est le genre et le contrat l’espèce. Mais si tout contrat est une espèce de convention, toute convention n’est pas une espèce de contrat.

Il existe cependant des conventions qui ne sont pas créatrices d’obligations. Elles peuvent en revanche en modifier ou en éteindre d’autres. On appelle le processus de modification la novation et le processus d’extinction la remise de dette. Le contrat est une espèce d’acte juridique mais tout acte juridique n’est pas un contrat.

Le contrat renferme néanmoins la caractéristique principale de l’acte juridique, on peut même dire qu’il est son archétype. Lorsque l’on se trouve en présence d’un contrat, on se trouve en présence de deux volontés qui fusionnent pour créer des effets de droit. Cependant, un acte juridique peut émaner d’une volonté solitaire et on retiendra que le contrat ne peut naître en l’absence d’une manifestation de volonté.

II Le fondement anthropologique

La genèse du droit des contrats

Il s’agit d’étudier les tenants et aboutissants de l’apparition dans une société donnée du droit des contrats. La société est passée du néant juridique à un embryon de culture juridique avec l’apparition et la systématisation de la vengeance. Elle consiste à porter une offense à celui qui a offensé. C’est un phénomène d’échange. Celui qui a offensé doit subir une offense. C’est une réponse primitive qui fait de surcroît place à l’excès.

C’est pourquoi, on a prescrit assez rapidement de ne riposter que dans la mesure de l’offense, selon la bien connue loi du Talion. Lorsque la société fut lassée de la violence, elle a alors prévu les compensations extérieures, d’abord sous forme de troc puis sous forme pécuniaire. C’est ainsi qu’avec le développement de contreparties n’étant pas exactement les mêmes que les pertes, le droit des contrats est apparu. A cette époque, le contrat n’est pas étranger à la notion de responsabilité civile. Cette origine presque ancestrale du contrat a pu faire dire à certains auteurs que le contrat était la genèse du droit.

L’idée du contrat va être ensuite associée à l’échange, même en ce qui concerne les contrats unilatéraux. Selon Marcel Mauss : «Le don appelle nécessairement le contre-don.» Cette approche suppose que lorsqu’on reçoit quelque chose on se sent obligé de le rendre.

La philosophie est éclairante pour approcher le contrat. Ce dernier n’est pas une technique juridique comme les autres. Faire naître une obligation, produire des effets de droit n’est pas anodin. L’obligation est une forme de rapport juridique très important et le contrat est la forme principale de création des obligations. La plupart des rapports juridiques, directement ou indirectement, ont une origine contractuelle.

La philosophie individualiste

La théorie contractualiste

L’époque moderne commence à la Renaissance. Sous l’effet de facteurs tels quel l’Humanisme et les Grandes Découvertes, une entité nouvelle apparaît : l’individu. Très rapidement, il est amené à jouer un rôle matriciel et devient l’épicentre de la notion de contrat. L’homme et la femme ne sont plus perçus que par leur dimension autonome. Les philosophes des Lumières expliquent par le contrat toute l’organisation de la société, qui ne serait qu’un pacte dont nous serions tous les signataires. On retiendra à cet égard Rousseau et son fameux Contrat Social.

C’est parce que les humains décident de s’associer qu’un Etat va naître, qu’une paix civile peut exister et qu’ainsi la loi, l’ordre vont en découler. La loi est le fruit d’un accord de volonté de la part des membres du Parlement. Et même lorsqu’elle n’a pas été votée proprement, l’Etat a reçu par contrat, un mandat pour légiférer. C’est ainsi que la théorie contractualiste, dont un des éminents représentants est Emmanuel Kant, va dominer au XVIIIème siècle. Pour elle, c’est la raison humaine qui permet de créer l’obligation, elle-même produit de la liberté. La loi et l’obligation sont justifiées par la volonté créatrice de droit.

L’école volontariste

La théorie contractualiste va donner naissance à l’école volontariste. Elle s’épanouit en Allemagne au XVIIIème siècle et reprend les préceptes de la théorie contractualiste à savoir que tout peut être expliqué par le contrat. Cette philosophie est excessive car elle fait du contrat la technique qui explique toutes les autres, ce qui est bien trop simplificateur. Elle est notamment critiquée par le juriste français Emmanuel Gounot. C’est ainsi qu’en réaction aux excès de cette école, une nouvelle conception du droit va voir le jour à la fin du XVIIIème siècle, la conception normativiste, dont le meilleur représentant est Hans Kelsen. Pour les normativistes, l’acte de volonté n’est rien sans la loi. Là encore, le raisonnement ne doit pas être poussé à l’extrême, car il ne faut pas imposer un volontarisme effréné.

Le libéralisme économique

Les thèses du libéralisme économique sont les suivantes. En premier lieu, le libre jeu des volontés individuelles ne peut que réaliser la justice. Chaque contractant est le meilleur juge et donc le meilleur législateur de ses intérêts donc ceux-ci sont parfaitement respectés par les engagements qu’il a volontairement souscrits. Si une obligation imposée peut être injuste, une obligation acceptée ne peut pas l’être.

En second lieu, le libre jeu des libertés individuelles assure l’équilibre économique et la prospérité générale. « La fameuse main invisible » ou la recherche de chacun de son intérêt ne peut que conduire à la satisfaction d’un intérêt général perçu comme la somme des intérêts particuliers.

La crise du contrat

Des nouveaux contrats se sont formés avec l’idée de flexibilité, le contrat va redevenir la chose des parties mais dans une autre orientation que celle de 1789, il y a un renouveau de contrat qui va de paire avec un renouveau des fondements anthropologistes et contractualistes en égal avec le monde dans lequel nous vivons, basé sur l’économie libérale.

==> La théorie de l’autonomie de la volonté conduit à la proclamation de trois principes étroitement liés:

la liberté contractuelle, les parties sont libres de contracter ou de ne pas contracter

la force obligatoire du contrat, si les parties décident de se lier, elles sont tenues de respecter leurs engagements.

l’effet relatif du contrat, sont seules tenues les personnes qui ont entendu se lier.

Section 2 : Les classifications des contrats

On distingue les classifications opérées par le Code Civil lui-même et les autres, extérieures, qui sont essentiellement doctrinales.

Paragraphe 1 : Les classifications du Code Civil

I Contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux

La première classification sépare les contrats unilatéraux et les contrats synallagmatiques (bilatéraux) aux articles 1102 et 1103 du Code Civil.

On évoquera d’abord les contrats synallagmatiques. Ce sont les plus ordinaires, les plus classiques. Ainsi dispose l’article 1102 : « Le contrat est synallagmatique ou bilatéral lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres.» Dans les contrats synallagmatiques, les contractants s’obligent mutuellement, ils sont interdépendants. Par exemple, le contrat de travail est un contrat synallagmatique (prestation de travail contre salaire).

On évoquera ensuite les contrats unilatéraux. Ainsi dispose l’article 1103 du Code Civil : « Il [le contrat] est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces dernières il y ait d’engagement. » Qu’est ce qui fait l’irréductibilité du contrat ? C’est la rencontre des volontés.

Le contrat unilatéral reste une rencontre de 2 volontés, mais une seule « s’engage » pour créer un acte juridique. Par exemple, la donation est un contrat dans lequel le donataire doit accepter le don du donateur, qui lui ne s’engage à rien. Le législateur a conscience du fait que le contrat unilatéral est proche de l’acte unilatéral. Mais la différence entre les deux est l’accord de volonté intervenant dans le cadre du contrat. Dans le contrat unilatéral, il n’y a pas d’interdépendance.

Des règles spécifiques sont attachées au contrat synallagmatique, notamment concernant la preuve. La preuve d’un engagement synallagmatique n’est pas la même que la preuve d’un engagement unilatéral (articles 1325 et 1326 du Code Civil).

II Le contrat synallagmatique imparfait

C’est un contrat unilatéral mais qui en cours d’exécution devient synallagmatique. C’est-à-dire qu’après la conclusion du contrat, des obligations vont naître pour celui qui ne s’était pas engagé. Par exemple, le contrat de dépôt peut potentiellement être un contrat synallagmatique imparfait. En effet, je confie un objet à une personne et celle-ci peut faire naître des obligations à mon égard si elle assume des dépenses pour conserver cet objet (achat ou location d’un coffre-fort…).

III Les contrats à titre onéreux et les contrats à titre gratuit

Le Code Civil les définit aux articles 1106 (contrats à titre onéreux) et 1105 (contrats à titre gratuit). Le contrat à titre onéreux est celui qui assujettit chacune des parties à donner ou à faire quelque chose. Chacune des parties reçoit de l’autre une prestation équivalente. Ce type de contrat n’est pas forcément assorti d’une contrepartie pécuniaire. L’onérosité n’est pas forcément synonyme d’argent.

Le contrat à titre gratuit ou contrat de bienfaisance est celui dans lequel l’une des parties procure à l’autre un avantage purement gratuit sans attendre de contrepartie. La gratuité désigne donc l’absence de contrepartie.

Exemple : le contrat de tonte gratuit. Le législateur se méfie des actes à titre gratuit, ils sont donc régis par des conditions plus exigeantes : ils doivent être passés sous la forme authentique (en présence du notaire).

(IV Le contrat de mandat)

Le contrat de mandat suppose que le mandant charge le mandataire d’accomplir des actions en son nom. Selon le Code Civil, le mandat est essentiellement gratuit. Il est considéré comme faisant partie des « contrats de confiance ». Mais désormais, le mandataire est un professionnel et il est donc rémunéré. Dans ce cas, une convention particulière est signée.

V Les contrats aléatoires et les contrats commutatifs

Les contrats aléatoires et les contrats commutatifs sont des sous-sections des contrats à titre onéreux. Ils sont régis par l’article 1104 du Code Civil : « Il [le contrat] est commutatif lorsque chacune des parties s’engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l’équivalent de ce qu’on lui donne, ou de ce qu’on fait pour elle.» […] Par exemple, dans une vente, le contrat est de type commutatif-équilibré, le prix payé pour le bien représente sa valeur. Dans ce type de contrats, l’importance de chaque prestation est connue au moment de leur formation.

En revanche, dans les contrats aléatoires, l’importance de chaque prestation n’est pas connue au jour de leur formation, comme l’indique le second alinéa de l’article 1104 : « Lorsque l’équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte pour chacune des parties, d’après un événement incertain, le contrat est aléatoire. » Par exemple, le contrat de rente viagère (régi par l’article 415 du Code Civil) peut comporter un aléa qui peut intervenir de part et d’autre. L’aléa peut aussi intervenir d’un seul côté : dans les contrats d’assurance, les assureurs s’assurent qu’ils n’y aura pas d’aléa de leur côté.

Pour ce qui est de l’action en rescision pour lésion, l’aléa chasse la lésion, celui-ci fait partie des contraintes de l’économie. La lésion est un déséquilibre objectif qui existe entre les prestations respectives au moment de la conclusion d’un contrat. Quand il y a lésion, dans certains cas, le Code Civil donne la possibilité d’agir en rescision (d’agir en nullité). S’il y a ce défaut d’équivalence, un contractant pourra agir en rescision car le contrat sera considéré comme lésionnaire lorsqu’il a été contracté commutativement. L’assurance-vie échappe au rapport des libéralités et des donations en matière de rescision. On s’est demandé si elle ne devenait pas un simple placement financier.

VI Les contrats nommés et innomés

L’article 1107 du Code Civil prévoit la distinction entre contrats nommés et innomés de manière générale : « Les contrats, soit qu’ils aient une dénomination propre, soit qu’ils n’en aient pas, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent titre. Les règles particulières à certains contrats sont établies sous les titres relatifs à chacun d’eux ; et les règles particulières aux transactions commerciales sont établies par les lois relatives au commerce. » Pour qu’un contrat soit « nommé », il doit avoir une dénomination propre mais aussi être aussi doté par le législateur d’une règlementation spécifique qui traite de son régime. Ainsi, les contrats « innommés » sont ceux n’étant pas nommés et n’ayant pas leurs régimes définis par une réglementation spécifique. Par exemple, la location de coffre fort, ayant des éléments d’un contrat de dépôt et d’un contrat de bail n’est pas un contrat spécifique, mais un contrat sui generis. Il existe des contrats partiellement nommés ou innomés.

C’est le cas du contrat de déménagement qui est un contrat de transport, de service et de location. Pour règlementer ce contrat, le juge règlementera la partie « transport » du contrat avec les dispositions relatives aux contrats de transport généraux et la partie « location » du contrat avec les dispositions relatives aux contrats de baux généraux.

Donc, ce n’est pas parce qu’un contrat a un nom qu’il est nommé. En cas de difficulté, c’est au juge que revient le pouvoir de qualification ou de requalification. Il aura comme limites extrêmes la vérification du respect par les parties de l’ordre public et des bonnes mœurs (article 6 du Code Civil).

Paragraphe 2 : Les classifications extérieures au Code Civil

I Les contrats consensuels, réel, solennels

Le contrat consensuel est le contrat qui se forme librement par le seul échange des consentements (solo consensus) et sans aucune autre forme spécifique. Ainsi l’article 1583 du Code Civil : « Elle [la vente] est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé.» On dit qu’un contrat de vente est un contrat solo consensus. Le contrat consensuel n’est soumis à aucune obligation de forme particulière (il peut être oral, écrit, par téléphone, par correspondance…). Mais si l’on veut que la vente soit opposable aux tiers, il faut qu’un officier ministériel élabore un acte authentique qui va servir pour publier l’acte de propriété et les informer de la vente. Si l’on passe l’acte par écrit, tous les compromis ne valent pas vente. Mais le faire par écrit permet de constituer des preuves. Par exemple, les baux pour des professions libérales sont des contrats consensuels.

A l’opposé des contrats consensuels on trouve les contrats solennels. Ce sont ceux qui exigent pour leur validité qu’outre le consentement réciproque des parties, intervienne le respect de certaines formes ad validitatem. Le contrat doit obéir à des formes particulières pour sa validité. Si on ne respecte pas cette condition de forme, le contrat est nul. C’est le cas du contrat de mariage qui doit être fait devant un officier d’Etat Civil. Le contrat de donation est un autre exemple, il est régi par l’article 931 du Code Civil : « Tous actes portant donation entre vifs (=vivants) seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute (=l’original), sous peine de nullité. » Les contrats solennels peuvent être par exemple écrits sous seing privé devant notaire. Le contrat de travail est un contrat consensuel et non solennel.

Le contrat réel est celui dont la formation nécessite, en plus de l’échange des consentements, la remise d’une chose sur laquelle porte l’obligation principale. Il semble que ce soit une catégorie en voie de disparition car le législateur et la jurisprudence ne cessent de restreindre le champ d’application du contrat réel, le tout dans un contexte de formalisation du droit des contrats. Mais le don manuel est un contrat réel sans discussion. Le prêt d’argent par une personne non professionnelle du crédit est un contrat réel alors que le prêt d’argent par une personne professionnelle du crédit est un contrat consensuel.

La différence entre un contrat réel et consensuel, c’est que dans un contrat consensuel la remise de la chose sera un effet du contrat alors que pour la validité du contrat réel, la remise de la chose est nécessaire.

Jusqu’à la réforme du droit des sûretés, le gage était un contrat réel, désormais c’est un contrat solennel. Le prêt à intérêt qu’on appelle prêt à la consommation était un contrat réel. Mais par une évolution entamée en 1998 et consacrée en 2000, la Cour de Cassation a modifié la nature du prêt. Dès lors qu’on s’adresse à un consommateur, le contrat est un contrat consensuel. Le domaine du contrat réel devient donc de plus en plus étroit. L’intérêt essentiel de maintenir la distinction réside essentiellement au niveau de la naissance du contrat. S’il est consensuel, on aura juste à vérifier que le consentement existe, s’il est solennel, il faudra vérifier en plus que les formes ont été respectées et s’il est réel, il faudra vérifier que la remise de la chose a été une condition de la formation du contrat.

II Les Contrats instantanés et les contrats successifs

Comme son nom l’indique, le contrat est à exécution instantanée lorsque ses obligations, qui naissent au moment de sa formation, s’exécutent en un trait de temps. La vente est un bon exemple. Elle a lieu immédiatement et en principe définitivement.

A l’inverse, le contrat est successif lorsque ses obligations s’exécutent dans la durée. Il peut y avoir une subdivision (fractionnée : abonnement mensuel) ou non (construction d’une maison). Cela sert si l’on souhaite revenir sur ce qui a été fait.

Mais la distinction n’est pas toujours aussi nette. La vente peut s’effectuer à crédit (dans ce cas, c’est un contrat successif) et une garantie peut être incluse (voiture, ordinateur). Gardons également en mémoire qu’un vendeur ne peut vendre une chose qui ne lui appartient pas. En cas d’annulation ou de résolution, la jurisprudence n’est pas la même, si j’ai un contrat de bail qui est annulé, les conséquences de la rétroactivité ne vont pas être apprécié de la même manière que dans un contrat de vente, comment effacer un temps de jouissance ?

III Les contrats intuitu personae et les contrats sans intuitu personae

Les contrats intuitu personae sont ceux qui ont été passés en considération de la personne du contractant. Ils peuvent être unilatéral et n’être conclus qu’au regard de la personne de l’employé (contrats de travail, la donation…). On distingue entre intuitu personae absolu et relatif, c’est ce qui va guider le prononcement du contrat, et l’économie du contrat guidera le juge. Exemples de contrats intuitu personae bilatéraux : contrats entre l’acteur et le réalisateur, contrats entre le footballeur et son club. Les contrats dépourvus d’intuitu personae ne considèrent pas la personne du contractant. A priori, on pense qu’il s’agit uniquement des personnes physiques mais la jurisprudence a dégagé un contrat intuitu firmae (relatif aux personnes morales). Exemples : les contrats de franchise. Lorsqu’un contrat est conclu intuitu personae, il ne peut se transmettre et meurt avec l’extinction de la personne physique ou morale.

IV Les contrats de gré à gré et les contrats d’adhésion

Le contrat de gré à gré est le contrat dans lequel chaque partie peut discuter du contenu des dispositions la concernant, afin d’arriver à un accord.

Dans les contrats d’adhésion, une partie adhère à un bloc d’origine légale mais elle ne peut pas discuter et négocier chaque clause. Le contenu n’est pas discutable. Exemple : le contrat de travail peut être de gré à gré (discussion entre le patron et l’employeur) ou d’adhésion (à un bloc, à un contrat).

  • contrat d’adhésion: le contrat entre le consommateur et un supermarché
  • contrat de gré à gré: le contrat de vente

On note également une standardisation des contrats de plus en plus importante. Les contrats standards sont des contrats types élaborés en fonction de blocs légaux qui reproduisent simplement les textes de loi (acceptation d’offres d’emplois ou de services par exemple).

Titre I. La formation du contrat

Aujourd’hui, le contrat reste animé par le principe du consensualisme. Le contrat consensuel est le contrat de base, néanmoins, on observe une montée en puissance réelle du formalisme en droit des contrats. Actuellement, les deux coexistent. Tout dépend de la situation des parties. Suis-je un professionnel ou un consommateur ? Lorsque les parties sont considérées d’un niveau égal, c’est le consensualisme qui l’emporte, mais lorsque l’une semble avoir un avantage sur l’autre, le formalisme est dominant. On distingue le formalisme publicitaire, le formalisme réel, c’est-à-dire lié à la chose, et le formalisme probatoire, c’est-à-dire celui qui permet de constituer des preuves. On notera par ailleurs que le formalisme s’oppose au consensualisme.

Le formalisme est issu du droit romain en vertu duquel le contrat doit être formé selon une forme particulière. Par exemple, le contrat solennel, ou la forme du contrat est exigé à titre de condition de validité de celui ci. La forme du contrat peut être exigée non pas pour la validité (ad validitatum) mais pour son efficacité en matière de preuve, ad probationem). On parlera alors de formalisme probatoire.

Depuis 2004, l’écrit exigé pour la formation d’un contrat peut se faire sous forme électronique.

On distingue le negotium et l’instrumentum: le negotium est le substrat du contrat, tandis que l’instrumentum vise l’existence du contrat. Il permet d’instaurer la preuve. Le negotium correspond au fond et l’instrumentum à la forme.

Soustitre I. Les conditions de formation du contrat

Chapitre 1 : Les conditions de fond

Les conditions de fond sont plus importantes que les conditions de forme.

Les contrats doivent se conformer à des conditions pour être valables, listées par l’article 1108 du Code Civil : « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention :

  • Le consentement de la partie qui s’oblige ;
  • Sa capacité de contracter ;
  • Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ;
  • Une cause licite dans l’obligation. »

Il est possible de grouper les deux premières, qui ont trait à la procédure et les deux dernières, qui ont trait à la substance du contrat. L’article 1123 du Code Civil vient préciser la seconde condition : « Toute personne peut contracter si elle n’en est pas déclarée incapable par la loi. »

Section 1 : Le consentement

Il y a deux sens du consentement. Ici il s’agit du consentement de la partie qui s’oblige comme le dit l’article 1108. Il peut y avoir un consentement des deux parties. Le Code Civil ne traite en fait qu’un des sens du mot consentement, en acceptant un consentement unilatéral de part et d’autre. Le Code n’aborde pas la rencontre des volontés créée par une manifestation commune des contractants.

Sous-section 1 : L’existence du consentement

Cet accord de réunion suppose plusieurs conditions, d’abord la manifestation des volontés, ensuite qu’elles se soient rencontrés.

Paragraphe 1 : La manifestation des volontés

Tout contrat, quelque soit son degré de complexité se forme par la rencontre d’une offre et d’une acceptation.

I L’offre

L’offre n’est pas définie dans le code mais expliqué dans une jurisprudence. Dans le projet de réforme l’article 15 définit l’offre, les auteurs de ce projet ont pris conscience des lacunes du code.

L’offre est la manifestation de volonté par laquelle une personne offrant ou sollicitant propose à un tiers qu’on appelle le bénéficiaire de conclure un contrat. Ceci dit, ce n’est pas parce qu’il y a une proposition que l’on peut juridiquement dire qu’il s’agit d’une offre. Il faut que celle-ci soit assortie de certains caractères.

  1. Les caractères de l’offre

L’offre doit être précise : elle doit contenir les éléments essentiels du futur contrat envisagé pour que le « oui » d’acceptation forme le contrat. Ce critère nous permet de la distinguer de la simple invitation à pourparlers. Par exemple, les offres de vente doivent obligatoirement comporter la chose et le prix pour être considérées comme telles. L’oubli d’un élément essentiel est rédhibitoire mais pas celui d’un élément accessoire. Lorsque l’offre est constituée, le bénéficiaire n’a qu’à l’accepter purement et simplement pour que le contrat soit signé. Ce régime pose un problème pour les contrats innommés puisqu’il n’y a pas de régime prédéfini, il faut se référer à l’acceptation des parties ou à des textes régissant le régime de contrats semblables. C’est un raisonnement par analogie. Par exemple, des règles spécifiques ont été élaborées par le législateur pour les contrats électroniques (article 1369-4 du Code Civil). Le professionnel doit faire figurer dans l’offre des obligations contractuelles (les fameuses mentions obligatoires).

L’offre doit être ferme : le pollicitant (offrant) s’engage d’une manière définitive. Une offre s’accompagne donc d’un engagement. Depuis la loi du 13 décembre 2000, le Code Civil comporte un article 1589-1 qui permet d’éviter de fragiliser le consentement des parties en exigeant qu’aucune somme d’argent ne soit versée à l’offrant, qui pourrait alors anticiper l’exécution du contrat. La justice admet tout de même qu’une offre soit assortie de tempéraments, appelés « réserves ». Mais les bornes qui peuvent être posées doivent obligatoirement être explicites, sauf dans le cas d’un contrat d’embauche où elles sont nécessairement présentes et potentiellement non définitives (ceci est lié à la nature du contrat). Néanmoins, dans le droit positif, face à une offre avec des réserves mêmes explicites, on pourrait penser que cela contredit le caractère ferme de l’offre. La jurisprudence fait donc une distinction entre les réserves dites objectives et celles dites subjectives. Les offres assorties de réserves subjectives ne sont que des propositions qui n’engagent pas l’offrant (exemple : une offre faite sous réserve de confirmation).A l’inverse, les offres assorties de critères objectifs sont des offres valables. Exemple : une offre faite sous réserve des stocks disponibles.

L’offre doit être extériorisée : L’offre est une manifestation de volonté qui doit être extériorisé et qui va exprimer le consentement de la partie qui s’oblige au contrat. Cette volonté doit être portée à la connaissance de mon destinataire, elle peut prendre plusieurs formes, par écrit, par oral, via un courrier, une affiche, un mail…

On distingue :

Le caractère explicite ou implicite de l’offre : à partir du moment où l’offre est suffisamment ferme et précise, elle peut être extériorisée de n’importe quelle manière. L’offre peut être expresse ou implicite. Ainsi, des objets présentés dans une vitrine avec un prix constituent une offre implicite. L’offre du pollicitant peut aussi revêtir un caractère tacite (le silence), à ne pas confondre avec implicite. Il existe par ailleurs des hypothèses légales dans lesquelles le législateur a lui-même prévu le caractère tacite de l’offre (article 1738 du Code Civil).

  • le pollicitant/l’offreur: celui qui offre
  • la pollicitation = l’offre

Les offres faites à une personne déterminée ou au public : quand l’offre est faite à une personne déterminée, celle-ci en est la seule destinataire et elle est la seule à pouvoir l’accepter.

Lorsque l’offre est faite au public, le contrat se formera lorsqu’une personne lambda l’acceptera. Il n’y a qu’un seul acceptant potentiel pour les offres individuelles. Il se peut qu’une offre faite au public soit assortie de réserves. Arrêt du 28 novembre 1968.

(Les offres se doivent également de ne pas être discriminatoires et ce critère entendu, on s’aperçoit que beaucoup d’entre elles contreviennent la loi. A cet égard, on retiendra un arrêt de la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation daté du 1er juillet 1998.)

  1. La valeur juridique de l’offre

Aujourd’hui, on peut dire que l’on ne peut dégager un droit positif exempt d’hésitations. Compte tenu des arrêts les plus récents, la doctrine considère que l’offre est un engagement unilatéral. Mais la réponse semble devoir être plus nuancée et on retrouve la distinction faite entre acte et fait juridique. Deux questions vont nous amener à réfléchir à la valeur juridique d’une offre : la rétractation et la caducité.

1) La rétractation ou révocation de l’offre

La question se pose ainsi : le pollicitant peut-il retirer son offre avant que le destinataire ne l’ait acceptée ? Dans des temps plus anciens, la jurisprudence répondait oui. Aujourd’hui, en raison de la prise en compte de l’engagement unilatéral de volonté comme source d’obligation, on pourrait dire que le principe de libre révocabilité de l’offre connaît des atteintes de plus en plus importantes. Par une première hypothèse, l’offre faite au bénéficiaire peut être assortie d’un délai : « Je maintient mon offre pendant… » Par une seconde hypothèse, l’offre n’est pas assortie d’un délai. Dans le 1er cas, la jurisprudence de la 3éme chambre civile du 3 février 1919, elle peut en général être rétracté tant qu’elle n’a pas été accepté valablement. Depuis on opère une distinction. 1er terme de la distinction, on considère que l’offrant s’est engagé à maintenir son offre pendant un délai minimum et qu’il ne peut donc la retirer. S’il retire son offre, il va être sanctionné. Dans le second cas, il n’y a pas de délais expressément dit mais l’offrant doit quand même maintenir son offre pendant un délai raisonnable (2éme chambre civile du 10 juillet 2001). A cet égard, le 20 mai 2009, la 3e Chambre Civile de la Cour de Cassation dit qu’un délai raisonnable est nécessairement contenu dans toute offre de vente non assortis de délai précis. Qu’est ce qu’un délai raisonnable ? Ce sont les juges qui vont trancher en pesant certains critères. La notion de « délais raisonnables » peut varier en fonctions des paramètres soumis au juge. Les juges essayent de concilier la liberté du pollicitant mais en même temps que celui qui accepte ait une sécurité relative.

Exemple: dans l’affaire de la 3éme cour civile du 25 mars 2005, la cour de cassation a décidé qu’une société qui avait répondu à une offre de contracter au bout de 5 semaines, elle avait accepté dans un délai raisonnable.

Cet arrêt concernait une offre d’achat. Une personne, par l’intermédiaire d’un agent immobilier, a fait une offre d’achat d’un immeuble appartenant à un propriétaire. Elle lui a versé un dépôt de garantie, comme il est d’usage dans les offres d’achat. Les propriétaires avaient jusqu’au 27 septembre 2000 pour accepter ou décliner l’offre. Le 26 juin, l’offrant décide néanmoins de se rétracter, et le lendemain, les propriétaires considèrent l’offre comme toujours valable et l’acceptent. La Cour d’Appel se fonde sur la date de création du contrat : la rétractation s’est faite le 26, donc il n’y a pas eu de formation de contrat et donc l’offrant pouvait se rétracter. Mais la Cour de Cassation casse cette décision au visa de l’article 1134 du Code Civil, qui dispose : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.» L’offrant demandait la restitution du dépôt de garantie et des dommages-intérêts. La Cour précise : « [La Cour d’Appel], en statuant ainsi, alors que si une offre d’achat ou de vente peut en principe être rétractée tant qu’elle n’a pas été acceptée, il en est autrement au cas où celui de qui elle émane s’est engagé à ne pas la retirer avant une certaine époque, et alors qu’elle avait constaté que les consorts Y…-Z… disposaient d’un délai jusqu’au 27 septembre 2000 pour donner leur accord, et qu’il en résultait que Mme X… s’était engagée à maintenir son offre jusqu’à cette date, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

Cette décision considère donc que lorsqu’on fait une offre, on ne peut se rétracter pendant le temps pendant lequel on s’est engagé. Mais si la Cour de Cassation avait voulu opérer un revirement jurisprudentiel, elle l’aurait dit clairement. En fait, elle a ratifié la conception de l’offre « acte juridique » et banni le fait juridique. Cependant, classiquement, la responsabilité en cas de méconnaissance d’un acte unilatéral est une responsabilité extracontractuelle, c’est-à-dire délictuelle. Finalement, on a restitué à l’offrant le dépôt de garantie et les vendeurs se sont vus attribuer des dommages-intérêts.

Prenons une seconde hypothèse : l’offrant se rétracte mais son offre n’est pas assortie d’un délai. Ici, c’est le principe de la libre révocabilité de l’offre qui s’applique, et ceci correspond au fait juridique. Mais cette prise de position, qui correspond au droit positif classique, doit être tempérée. Ainsi, dans un arrêt du 20 mai 2009 (après un premier arrêt dans ce sens du 25 mai 2005), la Cour de Cassation déclare que : «lorsque l’offre est faite à une personne déterminée sans stipulation de délai, elle doit être considérée comme contenant implicitement la nécessité de respecter un délai raisonnable. » et : « [La Cour d’Appel] en statuant ainsi, sans rechercher si l’acceptation était intervenue dans le délai raisonnable nécessairement contenu dans toute offre de vente non assortie d’un délai précis, la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision. » Au final, le principe même de la libre révocabilité de l’offre est considérablement battu en brèche.

Demolon voyait en l’offre un avant-contrat. Désormais, son fondement le plus fréquent est l’acte juridique et le fondement résiduel la responsabilité civile, c’est-à-dire délictuelle.

Voir l’arrêt du 7 mai 2008

2) La caducité de l’offre

C’est une notion juridique pas expressément défini dans le Code Civil, c’est l’hypothèse ou un acte juridique possédait tout les éléments pour être valable lors de sa formation mais postérieurement un élément vient à faire défaut, on va parler de caducité plutôt que de nullité car c’est postérieurement à la formation du contrat. La caducité de l’offre se présente lorsqu’un évènement vient affecter l’efficacité de l’offre après qu’elle ait été émise et avant son acceptation.

La caducité par écoulement du temps

L’offre assortie d’un délai, si pendant ce délai mon offre n’a pas été accepté à l’issue du délai prévu ou raisonnable, elle devient caduque, elle perd son effet.

Arrêt de la 3éme chambre civile du 9 mai 2001.

En l’absence de délai

L’offre faite sans délais ne dure pas toujours, elle devient caduque à la fin du délai raisonnable et ce sont les juges qui décident si le délai raisonnable a été expiré ou non. Voir article 16 du Projet Terré

Le décès

C’est une jurisprudence hésitante. Schématiquement et en principe, lorsque l’offre est assortie d’un délai mais que le pollicitant décède avant l’expiration du délai, la jurisprudence dans ce cas, semble admettre son maintien (arrêt 3éme chambre civile, 10 décembre 1997). Le décès ne semble pas remettre en cause le maintien de l’offre car celle ci va se transmettre aux héritiers et l’offre va suivre le même sort. Ceci étant dit, c’est une solution qui n’est pas partagé, la jurisprudence du 10 mai 1989, elle nous dit que l’offre était devenue caduque par l’effet du décès du pollicitant. Deux solutions contraires donc. Face à cette incertitude, que disent les projets ? Pour le projet Terré, c’est l’article 16 qui dit que l’offre est caduque en cas de décès de l’offrant.

L’incapacité

Les décisions sont rares, chambre civile 10 juillet 1946 qui se prononce sur la caducité de l’offre, je suis une personne saine d’esprit, le 14 juin je fais une offre que je maintiens pendant 1mois, le 20 juin en raison d’altération mentale, la survenance d’incapacité fait que l’offre devient caduque. Si on dit l’inverse le consentement viendrait d’une personne incapable donc pas bon.

Si elle s’accompagne d’un engagement créateur d’obligations, pourquoi ne pas admettre qu’au décès, l’offre soit dans le patrimoine du défunt et que ses héritiers puissent recueillir une acceptation le cas échéant ?

Si à l’inverse, l’offre ne crée par d’obligations autonomes, alors elle cesse lorsque la personne meurt puisqu’elle est indétachable. La jurisprudence fluctue en la matière, mais depuis le début des années 2000, elle semble s’orienter vers le premier cas de figure. Dans les années 1990, la jurisprudence admet la disparition de l’offre. Mais plus récemment, dans une décision de la 3e Chambre Civile datée 10 décembre 1997, elle a admis que l’offre survivait au décès de l’offrant et pouvait être acceptée « post mortem ». Néanmoins, les juristes ne considèrent pas que cette jurisprudence fasse référence en la matière, car le cas d’espèce était particulier. L’offre était assortie d’un délai et elle émanait de deux personnes dont l’une restait vivante.

Aujourd’hui, en cas de décès de l’offrant, la solution serait de dire qu’il y a caducité lorsque l’offre n’est pas assortie d’un délai et qu’il n’y a pas caducité lorsqu’elle est assortie d’un délai.

Le Projet Terré, projet de réforme du droit des contrats, opte pour une continuité en la matière en déclarant que le décès fait cesser l’offre. Pour ce qui est de la rétractation, le groupe de travail propose que l’offre puisse « être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à la connaissance de son destinataire. » et que « Dans les cas prévus par la loi ou les parties, le consentement ne devient définitif et irrévocable qu’après l’expiration d’un délai de réflexion ou de rétractation. Le délai de réflexion est celui jusqu’à l’expiration duquel le destinataire de l’offre ne peut consentir efficacement au contrat. Le délai de rétractation est celui jusqu’à l’expiration duquel il est permis au destinataire de l’offre de rétracter son consentement au contrat sans avoir de motif à fournir. » (Articles 17 et 22).

  1. L’acceptation

C’est une manifestation de volonté du destinataire de l’offre qui ainsi, l’accepte. Le principal effet de l’acceptation est de former le contrat. Deux hypothèses : le destinataire de l’offre répond ou il ne répond pas.

  1. A) L’acceptant répond

L’acceptant donne une réponse. De deux choses l’une : il répond expressément ou non ; il répond purement et simplement ou non.

S’il répond expressément, c’est une extériorisation formelle, s’il ne répond pas expressément, c’est une réponse tacite, c’est-à-dire une extériorisation non formelle mais une extériorisation tout de même. L’acceptation n’a pas besoin d’être expresse pour que le contrat soit considéré comme valable. Ainsi, l’article 1985 du Code Civil dispose que l’acceptation du contrat de mandat ne peut être que tacite (c’est-à-dire qu’elle peut résulter de l’exécution qui a été réalisée par le mandataire).

S’il répond purement et simplement, c’est-à-dire sans réserve, alors le contrat est formé s’il a répondu oui. Ainsi l’arrêt du 1er juillet 1998 (n°9620-605) est intéressant car il est l’illustration patente de ce que l’acceptation forme le contrat lorsqu’elle est acceptée. Mais il est fréquent que l’acceptation ne se résume pas à un oui ou à un non. La réponse peut être « oui mais » ou « non mais ». Donc, lorsqu’on se trouve en présence d’une acceptation qui n’est pas pure est simple, est-ce qu’on est en présence d’un refus de l’offre ou est-ce que le « mais » est une manière de formuler une offre nouvelle ? En cas de contentieux, la jurisprudence recherche si la contre-offre se rapporte aux éléments essentiels du contrat ou seulement à des éléments secondaires. La liberté contractuelle suppose que les parties puissent faire d’un élément secondaire un élément essentiel.

Depuis 2004, l’acceptation via internet.

  1. B) L’acceptant ne répond pas

En matière contractuelle en tout cas à priori, le silence n’est pas créateur de droit. Le silence ne doit pas être confondu avec l’acceptation tacite. En droit, qui ne dit mot ne consent pas, contrairement à l’adage. Néanmoins, il y a des cas où le silence vaut acceptation :

-Le silence à la réception d’une lettre de confirmation ;

-En droit commercial, le silence est interprété comme l’acceptation d’une offre s’il existait entre les parties des relations d’affaires antérieures et qu’il était d’usage que le silence vaille acceptation ;

-Lorsque l’offre est faite dans l’intérêt exclusif du destinataire (par exemple : une convention d’assistance bénévole, une augmentation de salaire).

Néanmoins, pour ce dernier cas, la jurisprudence considère qu’en matière de droit du travail, on ne peut présumer du silence d’un salarié.

L’état du droit positif en la matière mérite d’être présenté car il a évolué. Dans un arrêt de 1870, il était dit : « le silence de celui qu’on prétend obliger ne peut suffire en l’absence de toute autre circonstance (c’est-à-dire, à lui seul) pour faire preuve contre lui de l’obligation alléguée. » Le silence à lui seul ne pouvait donc valoir acceptation.

Outre les exceptions légales, l’évolution jurisprudentielle a été d’étayer le silence, voire de faire un mélange des genres entre acceptation tacite et silence. Nombre d’arrêts dans les années 1990 donnent la solution suivante : «si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la force d’une acceptation. » Donc s’il y a des éléments qui permettent de faire parler le silence, celui-ci est doté de la valeur juridique. C’est la solution de droit que l’on retrouve dans un arrêt du 4 juin 2009. Le ministère de la Défense avait conclu avec une société une convention pour dix ans en vertu de laquelle la société gestionnaire d’une maison d’accueil pour adultes handicapés attribuait au ministère 8 places. Cette société proposa au Ministère une baisse des tarifs en échange d’une subvention, ce qu’il accepta. Mais la société fut dissoute quelques mois plus tard et remplacée par une autre. La nouvelle société a repris les activités de l’ancienne mais au bout d’un an, elle demande une ré-augmentation des tarifs, n’ayant pas reçu de subvention (elle ne l’avait pas réclamée). La Cour de Cassation s’est basée sur le silence de la nouvelle société, qui n’a ni demandé de subvention ni contesté les prix. En effet, le nouveau contrat reprenait tacitement les prix antérieurs faute de contestation. L’article 1738 énonce cette règle en matière de bail : « Si, à l’expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par l’article relatif aux locations faites sans écrit. » Ainsi, ce n’est plus tant le silence qui permet de déceler l’acceptation. La distinction entre le silence et l’acceptation tacite a perdu son sens, car ce sont les circonstances qui valent acceptation tacite. Une distinction est abolie entre deux éléments qui ne sont pourtant pas les mêmes.

L’article 20 du Projet Terré traite de la question : « Sauf disposition légale, convention ou usage contraires, le silence ne vaut pas acceptation. Des circonstances particulières dûment constatées peuvent, toutefois, donner au silence la signification d’une acceptation. » c’est la reprise pure et simple de la jurisprudence.

Paragraphe 2 : La rencontre des volontés

I Les contrats entre absents

L’hypothèse vise le cas ou des personnes physiques ne sont pas présentes sur le même lieu au moment de formation du contrat. En quel lieu et à quel moment le contrat a été formé ?

  1. Intérêts du débat

Le fait que des personnes ne soient pas présentes physiquement sur un même lieu au moment de la formation du contrat ne pose plus de problèmes. A part quelques cas résiduels, la compétence juridictionnelle n’est plus déterminée par le lieu de formation du contrat. Le Règlement Rome 1 a permis l’abandon de la règle selon laquelle la forme de l’acte est régie par son lieu de formation. En revanche, savoir quand (la date) s’est formé le contrat revêt toujours une grande importance.

On distingue deux grands systèmes régissant les contrats à ces égards :

Le système de la réception : le contrat est formé à partir du moment où l’offrant a reçu l’acceptation du contrat de la part de l’acceptant.

Le système de l’émission : le contrat est formé à partir du moment où l’acceptation a été émise, c’est-à-dire au moment où l’offre a été acceptée.

La jurisprudence a plutôt tendance à se rallier à la théorie de l’émission depuis un arrêt rendu par la Chambre commerciale le 7 janvier 1981. La Cour de Cassation considère maintenant que c’est une question de droit. Faute de stipulations contraires, l’acte est destiné à devenir parfait non par la réception de l’acceptation mais par l’émission de celle-ci. Un arrêt rendu par la 3e Chambre Civile le 16 juin 2011 semble opérer un revirement de jurisprudence par rapport à l’arrêt de 1981. Elle juge que la formation du contrat était subordonnée à la connaissance de l’acceptation de l’offre par le pollicitant. Néanmoins, la censure se fait au visa d’un article du Code rural (L 412-8). L’article 21 du Projet Terré se positionne sur la question : « Le contrat devient parfait dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Il est réputé conclu au lieu où l’acceptation est reçue. Le tout sauf disposition légale ou convention contraires. » La thèse de l’émission est supplétive, c’est-à-dire qu’elle entre en application en l’absence de stipulations prévues par les parties.

La formation échelonnée du contrat

  1. Formation non instantanée du contrat (les solutions du débat)

De plus en plus de contrats présentent un degré de complexité élevé, pas seulement en raison de l’enjeu matériel mais aussi parce qu’il y a de plus en plus de formalités préalables à l’accord qui scelle la rencontre définitive des volontés. Ainsi, la période précontractuelle se situe en amont de la formation du contrat. La notion de « punctation » (punktation) a été développée par la doctrine juridique allemande et signifie que le contrat se formerait en plusieurs « couches ». Aujourd’hui, la formation en un trait de temps doit être revisitée. Les anglais désignent le temps de la rétractation comme le «cooling-off period« . Néanmoins, pendant ce laps de temps, les parties ne restent pas inactives et vont mettre en place les éléments du contrat.

1) Les pourparlers non contractuels

La notion n’est pas envisagée dans le Code Civil, c’est du droit positif car l’origine est jurisprudentielle.

2) Les pourparlers contractuels

Les pourparlers : ce sont les négociations qui se passent entre les parties animés par la volonté de passer un contrat sans pour autant que pendant ces échanges un contrat définitif n’intervienne.

Au stade des pourparlers, rien n’est encore scellé. Lorsqu’on est en pourparlers contractuels, le principe qui domine est celui de la liberté contractuelle et son corollaire la liberté de ne pas contracter. Concrètement, chacun des protagonistes est libre de rompre les pourparlers à tout moment. Mais rupture ne veut pas dire rupture discrétionnaire. En effet, bien que la rupture soit libre, la jurisprudence vérifie que les circonstances l’ayant entourée ne témoignaient pas de l’absence de bonne foi de la part d’un des protagonistes, ce qui signifie que la jurisprudence postule le déroulement loyal des pourparlers. A défaut, elle engage la responsabilité extracontractuelle (délictuelle) car on n’est pas encore dans le contrat. La rupture elle-même des pourparlers ne peut entraîner la mise en œuvre de cette responsabilité même si elle intervient à un stade avancé. Ainsi en a décidé la jurisprudence dans un arrêt de la Cour de Cassation (Chambre commerciale, 20 novembre 2007). La responsabilité éventuelle réside dans les circonstances ayant entouré la rupture (par exemple : j’ai agi de façon déraisonnable, je n’ai pas été transparent, j’ai manqué de cohérence …). Le préjudice doit être certain et réel. La perte doit être subie, on ne répare pas l’intérêt positif, c’est à dire les gains manqués mais celle de perte de chance est envisagée. La jurisprudence est constante sur ce point. Elle l’a affirmé dans l’arrêt dit Manoukian (Chambre commerciale, 26 novembre 2003) et réaffirmé dans l’arrêt dit Société Civile Immobilière Norimmo (3e Chambre Civile, 7 janvier 2009).

Dans l’arrêt Manoukian, la jurisprudence décide que désormais la perte de chance de part la rupture des pourparlers n’est qu’une chance de poursuivre les négociations mais jamais une chance de conclure le contrat et donc l’indemnisation au titre de perte de chance ne sera jamais équivalente ou égale au gain qui aurait été attendu si le contrat avait été conclu.

La jurisprudence réitère sa solution en 2006, le 28 juin, 3éme chambre civile, elle le redit fermement, le 7 janvier 2009, elle va plus loin car elle se prononce sur le lien de causalité entre la faute et le préjudice et elle considère que la faute commise dans l’exercice unilatérale des pourparlers contractuels ou non contractuels ne peut être la cause d’un préjudice qui permettrait de rémunérer l’intérêt positif.

Le cas échéant, on ne va réparer que les fautes ayant entraîné un dommage de manière certaine, mais la réparation ne consistera jamais à ordonner la conclusion du contrat, elle consistera seulement en des dommages-intérêts résultant de la perte d’une éventualité favorable. Les dommages-intérêts permettent de réparer les préjudices subis par rupture fautive des pourparlers mais pas d’obtenir l’avantage escompté de la conclusion du contrat avorté. Dans le projet Terré, l’article 22, dans une formule révélatrice de l’idéologie soutenant ce projet, énonce des formules générales relatives à la réflexion et au droit de la rétractation. Actuellement, le Code Civil ne comporte pas de disposition générale relative à cela. En effet, on dénombre une quarantaine de cas de rétractation différents envisagés par le droit positif. Dans l’article 24 de ce projet, on retrouve néanmoins l’état du droit positif actuel : « L’initiative, le déroulement et la rupture des pourparlers sont libres, mais ils doivent satisfaire aux exigences de la bonne foi. »

  1. Les formes de pourparlers contractuelles

Il existe « des contrats pour en préparer d’autres ». Nous allons distinguer deux types de contrats préparatoires : les contrats préparatoires incomplets et complets.

  1. a) Les contrats préparatoires incomplets

Il en existe de trois types : les accords de négociation (accords de principe), les contrats cadre et les pactes de préférence. Quelque soit leur densité, ce sont des contrats et ils impliquent donc une responsabilité contractuelle, toutefois régie par des règles particulières.

a1) Les accords de principe

Ce sont des accords qui créent, à la charge des parties, l’obligation d’entreprendre et de poursuivre la négociation d’un futur contrat en vue de sa conclusion selon des modalités qui sont habituellement présentées dans l’acte. Donc quel est l’objet de ces accords de principe ? C’est de négocier mais pas de conclure. Au final, on n’est pas tenu d’arriver à une conclusion. On est tenu d’une obligation de moyens, pas de résultats. On trouve beaucoup d’accords de principe en droit des affaires. Ils jalonnent les négociations. Dans le contentieux, il est rare d’en trouver en tant que tels, car ils sont requalifiés. A cet égard, on retiendra l’arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 23 décembre 1989, concernant un programme de négociations entre syndicats et patronat : la Cour a estimé que les accords de principe établissaient une obligation de négocier mais pas de conclure.

a2) Les contrats cadre

Comme son nom l’indique, le contrat cadre a pour objet de définir les conditions dans lesquelles les futures contrats (contrats d’application) seront conclus. Le contrat cadre est reconnu en jurisprudence. C’est un mécanisme né de la pratique. Entre acteurs économiques, il est fréquent d’en conclure. Il est évident que l’objet du contrat cadre est autonome par rapport au contrat d’application. Par exemple, le franchiseur, c’est-à-dire un commerçant ayant une autorité certaine, conclut des accords avec des franchisés. Ces accords vont tous être sur le même modèle. Ainsi, il y aura des contrats cadres qui préciseront les conditions futures. Les contrats d’application vont seulement consister en un contrat de vente. Par un arrêt daté du 1er décembre 1995, l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation a estimé que le contrat cadre n’a pas à fixer de prix, car le contrat de franchise n’est pas une vente. On retiendra que contrat cadre et contrat d’application sont un tout. Le contrat cadre est nécessaire mais pas suffisant.

a3) Le pacte de préférence

C’est la convention par laquelle le propriétaire d’un bien s’engage, pour le cas où il vendrait ce bien, à donner sa préférence au bénéficiaire du pacte. Là encore, il s’agit d’un contrat préparatoire, car le propriétaire du bien (le promettant) s’engage uniquement à préférer tel ou tel contractant au cas où il se déciderait un jour à vendre. L’objet du contrat n’est pas le même que celui du contrat définitif. Le promettant reste libre de vendre ou de ne pas vendre, mais le jour où il se décide à vendre, il doit faire connaitre à la personne bénéficiaire du pacte le prix. La chose objet du contrat futur doit être déterminée. Le bénéficiaire n’a qu’une priorité éventuelle, il n’a pas de droit subjectif. Le plus souvent, on trouve le pacte de préférence sous la forme d’une clause dans le cadre d’un contrat plus vaste (exemple : le contrat de bail).

La différence entre le pacte de préférence est le droit de préemption est la base légale. En effet, le droit de préemption a une origine légale puisqu’il nuit à la liberté de contracter, alors que le pacte de préférence a une origine contractuelle. On opère une distinction entre le pacte de préférence est le droit de préemption d’une part et entre le pacte de préférence et le droit de retrait d’autre part.

La jurisprudence a considéré donc qu’en cas de violation par le promettant du pacte, la sanction ne se résout qu’en dommages-intérêts. Son principal argument était de dire que le promettant n’était tenu que d’une obligation de faire. Mais cette solution ne reposait que sur une interprétation littérale de l’article 1142 du Code Civil, qui disposait : « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur. » et sur une jurisprudence de la Cour de Cassation du 30 avril 1997. La Cour de Cassation estimait en outre que le contrat passé avec le tiers était valable sauf si était démontrée la fraude (dans le sens d’une collusion frauduleuse entre l’acheteur et le promettant). Ceci s’inscrivait dans un contexte plus général d’avant contrat.

Mais, dans un arrêt de Chambre Mixte du 26 mai 2006, elle a opéré une petite révolution juridique dans la mesure où elle a opéré un revirement jurisprudentiel et autorisé le bénéficiaire d’un pacte violé à se substituer au tiers acheteur mais à condition d’apporter une double preuve. En effet, il devait prouver que :

Le tiers finalement bénéficiaire avait connaissance de l’existence du pacte lorsqu’il a contracté ;

Le tiers a contracté en sachant que le bénéficiaire du pacte voulait faire valoir sa priorité (il avait l’intention de s’en prévaloir).

Mais cette double preuve est presque impossible à rapporter, ce qui a conduit certains auteurs à considérer que la jurisprudence « faisait semblant » d’accorder un droit d’exécution forcée. Mais la suite a montré que dans certains cas, la jurisprudence considérait que cette double exigence était remplie. Ainsi en témoigne une décision de la 3ème Chambre Civile du 14 janvier 2007.

A cet égard, on peut se demander si la disparition du contrat dans lequel est incluse la clause de préférence entraîne la disparition de celle-ci. La réponse est non.

Qu’en est-il de la question de la prescription ?

Si mon pacte est à durée déterminée, il n’y a pas de problème. La préférence tombe lorsque l’échéance arrive. Mais s’il est à durée indéterminée ? La réponse générale à ce problème existait dans l’article général de la prescription qui disait que les droits se prescrivent par 30 ans au plus. Mais ce texte a disparu avec la réforme de la prescription. Désormais, le délai de prescription de doit commun est de 5 ans. Auparavant, on écartait la prescription de droit commun de 30 ans, en considérant que le pacte de préférence était imprescriptible. Il en va de même aujourd’hui. Ainsi, dans une affaire récente, la Cour de Cassation a considéré qu’il y avait eu violation d’un pacte de préférence daté de 1889 transmis de génération en génération.

Le projet Terré reprend ces éléments aux articles 26, 27, 30 et 31, ce dernier écartant toutefois le principe de la double preuve, sans éliminer par ailleurs, l’éventualité d’un versement de dommages-intérêts : « Lorsque, en violation d’un pacte de préférence, un contrat a été conclu avec un tiers qui en connaissait l’existence, le bénéficiaire du pacte peut demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu. Le tout sans préjudice de dommages et intérêts. »

  1. b) Les contrats préparatoires complets

Ce sont notamment les promesses. Le Code Civil en traite t-il ? On pourrait dire oui et non, car il ne les envisage que pour un cas particulier : les promesses de vente, aux articles 1589, 1589-1 et 1589-2. Il n’y a pas d’articles généraux traitant des promesses synallagmatiques. Dans les projets de réforme, les initiateurs ont eu à cœur de remédier à cette carence du Code Civil. Nous distinguons deux types de promesses : les promesses unilatérales et les promesses synallagmatiques. La promesse unilatérale de vente est un contrat partiellement nommé car il y a un embryon d’information à l’article 1589.

b1) Les promesses unilatérales

«La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie s’engage envers une autre, le bénéficiaire à conclure dans un délai convenu et raisonnable un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés et pour la formation duquel seul le consentement du bénéficiaire fait défaut. » définition proposé par le projet Terré.

Ce sont des contrats dans lesquels une des parties a donné son consentement au contrat définitif, l’autre conservant la liberté d’y consentir. La personne qui s’engage à vendre s’appelle le promettant. Celui-ci est d’ores et déjà engagé. L’autre personne s’appelle le bénéficiaire et puisqu’il garde la possibilité de choisir entre acheter ou ne pas acheter, il est doté d’un droit d’option (droit potestatif : droit qui confère un pouvoir). Ainsi, la promesse unilatérale est un contrat qui apparaît comme une vente définitive en formation (Pascal Puig), puisque le promettant s’engage définitivement, mais pas l’acheteur. La promesse unilatérale de contrat est distincte de l’offre. Ce contrat n’est pas une vente, il n’est pas translatif. Le bénéficiaire consent à donner une réponse positive ou négative. Il est d’accord pour qu’on lui laisse le choix. Le consentement du bénéficiaire est dissymétrique. L’un consent à la vente, l’autre à la promesse.

Article 1589-1 du Code Civil : « Est frappé de nullité tout engagement unilatéral souscrit en vue de l’acquisition d’un bien ou d’un droit immobilier pour lequel il est exigé ou reçu de celui qui s’engage un versement, quelle qu’en soit la cause et la forme. »

Seul le prometteur a une obligation. Ceci étant, fréquemment, lorsque la promesse unilatérale porte sur un bien de grande valeur et que le délai pendant lequel le bénéficiaire réfléchit est long, il est stipulé dans le contrat qu’une indemnité d’immobilisation pourra être délivrée. Il arrive que la promesse unilatérale contienne l’obligation de verser une indemnité d’immobilisation d’où une forme de réciprocité. Dans ces cas là, c’est un contrat synallagmatique mais avec une promesse unilatérale que l’on ne confondra pas avec la promesse synallagmatique de contrat.

Il arrive que le montant de l’indemnité d’immobilisation soit très élevé (jusqu’à 10 % du prix de vente). Jusqu’au 1er décembre 2010, les tribunaux adoptaient un point de vue économique sur la question : si le montant est si élevé, c’est qu’indirectement, le bénéficiaire avait déjà consenti à la vente. On opérait donc une requalification de la promesse unilatérale en promesse synallagmatique (Chambre Commerciale, 21 octobre 1997). C’était une jurisprudence constante. Mais le 1er décembre 2010, la Cour de Cassation a opéré un revirement de jurisprudence en ne requalifiant pas la promesse de la sorte (en l’espèce la pénalité était proche du prix de vente), car le bénéficiaire avait insisté sur la volonté qui était la sienne d’avoir un temps de réflexion important en dépit de la somme qu’il avait engagée.

Auparavant, (avant 1997), les promesses unilatérales étaient dotées d’une clause pénale : les contractants décidaient à l’avance quel serait le montant que paierait celui qui ne respecterait pas son engagement. Le juge a le pouvoir de réviser la clause pénale, si elle est trop conciliante, il peut la modifier (article 1152 alinéa 2 du Code Civil). Mais depuis 1996, on estime que le montant de l’indemnité ne peut être révisé par le juge, car il est admis désormais que ce n’est pas une clause pénale. Ce n’est pas un dédit non plus. Le 5 janvier 1996, la 1ère Chambre Civile déclare que le prix de l’indemnité d’immobilisation est le prix de l’exclusivité.

La promesse de contrat unilatéral est elle consensuelle ?

Non, le législateur est intervenu en la matière, à l’article 1589-2: « Est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un immeuble, à un droit immobilier, à un fonds de commerce, à un droit à un bail portant sur tout ou partie d’un immeuble ou aux titres des sociétés visées aux articles 728 et 1655 ter du code général des impôts, si elle n’est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire […] » cet article déroge au principe de droit de contrat car des conditions de formes sont exigées pour sa validité, ainsi, l’obligation de faire enregistrer cette promesse dans les dix jours qui suivent sa conclusion, par acte authentique ou par acte sous seing privé est une condition sine qua non à sa validité.

La promesse unilatérale peut être consentie pour une durée déterminée ou indéterminée. Dans le cas de la durée indéterminée, le promettant est en droit de demander au bénéficiaire de prendre partie dans un délai raisonnable. Le promettant, dans son offre de promesse, consent à la vente, il doit déterminer la chose et le prix. Le promettant, parce qu’il consent à la vente, doit inclure dans son offre les éléments du contrat définitif. La capacité d’acheter du bénéficiaire s’apprécie au jour où il décide de lever ou non l’option de vente qui lui est faite.

Si le bénéficiaire décide de refuser l’offre ou s’il lève l’option après le délai prévu, la promesse tombe et devient caduque. Si le bénéficiaire décide d’acheter on dit qu’il lève l’option, ce qui entraîne la conclusion du contrat. Le contrat est translatif.

La vente n’est pas rétroactive. Se rétracter, c’est revenir sur son engagement.

Imaginons une rétractation de la part du promettant intervenant avant le délai d’option. Dans la logique juridique, ce n’est pas possible. Mais depuis une jurisprudence de la 3e Chambre Civile du 15 décembre 1993, ce n’est pas cette logique qui est appliquée.

La Cour de régulation va déclarer que tant qu’il n’a pas levé l’option, le bénéficiaire n’a qu’un droit personnel et potestatif et que le promettant n’est tenu envers lui que d’une obligation de faire. Il ne peut être sanctionné pour rétractation que par des dommages-intérêts et non pas par une exécution forcée de la promesse fondée sur l’article 1142 du Code Civil. Pour la Cour, l’acceptation du bénéficiaire n’a rencontré que du vide, il n’y a pas donc eu de rencontre de volonté et pas de conclusion de contrat. Cette solution, qui repose sur l’article 1142 (cf. page 21) est prise au mépris de l’article 1134 alinéa 1er : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. » et méconnaît deux choses : la norme contractuelle et le contenu obligationnel.

En fait, l’article 1142 est mal rédigé, cette rédaction formelle est une erreur rédigée par les codificateurs qui ont mal compris Pothier. Depuis le Code Civil, ce n’est pas parce que le débiteur est tenu d’une obligation de faire que les tribunaux n’ordonnent pas l’exécution forcée.

Lorsque l’obligation de faire met en cause la liberté d’une personne, on ne peut pas au nom du contrat, forcer la liberté d’une personne. La jurisprudence convient que l’obligation de faire se résout en dommages-intérêts. Dès lors qu’on est en présence d’une obligation personnelle de faire, l’exécution forcée n’est pas possible. La Cour de Cassation, depuis le 15 décembre 1993 se retranche derrière le caractère littéral de cette conception et de l’article 1142 et donc le promettant n’est tenu que de dommages-intérêts.

Du 15 décembre 1993 au 27 mars 2008, la jurisprudence va persévérer dans son erreur. La possibilité de se rétracter favorisait grandement l’insécurité juridique. Le 27 mars 2008, la 3e Chambre Civile, déclare dans son arrêt Société Costa que, conventionnellement, (dans le contrat qu’elles concluent), les parties ont la possibilité d’insérer une clause au terme de laquelle elles prévoient qu’en cas « d’inexécution de la promesse, l’exécution forcée sera possible. » Est apportée une importante restriction : les textes envisagés ne sont pas d’ordre public. L’article 1142 devient un texte supplétif puisqu’il suffit qu’une convention prévoie son contournement.

A la suite de cet arrêt, on a dit que la jurisprudence commençait à revenir sur sa jurisprudence.

Mais c’est la douche froide le 25 mars 2009, non seulement la Cour régulatrice réitère sa jurisprudence de 1993, mais elle va plus loin. Dans cette affaire, la Cour d’Appel avait appliqué la jurisprudence en vigueur jusque là (quand la promesse unilatérale est conclue pour une durée indéterminée, le promettant souhaitant que le bénéficiaire prenne partie doit le mettre en demeure de le faire). Et ici, la Cour revient sur la jurisprudence en vigueur en déclarant qu’un promettant qui souhaite retirer son offre n’a pas besoin de mettre le bénéficiaire en demeure, il doit simplement respecter un délai de préavis.

Après cet arrêt, à l’occasion d’un arrêt du 8 septembre 2010, on a pu dire qu’elle avait renversé à nouveau la jurisprudence de 1993. En effet, la Cour a estimé que bénéficiaire avait rencontré le consentement du promettant qui était définitif puisqu’il était mort et que les héritiers de ce dernier étaient tenus d’exécuter l’obligation, pour elle le bénéficiaire a valablement levé l’option et la vente a été formée. En 2011, la Cour de Cassation (Ch. com.) réitère à nouveau sa jurisprudence de 1993.

Conclusion : la jurisprudence maintient sa jurisprudence de 1993, malgré tous les atermoiements. La résistance de la Cour de Cassation ne vise que la promesse unilatérale de vente. L’article 28 du Projet Terré nous donne pour la première fois une définition de la promesse unilatérale : « La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie s’engage envers une autre, bénéficiaire, à conclure, dans un délai convenu et raisonnable, un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel seul le consentement du bénéficiaire fait défaut. » L’article 29 régit la rétractation : « Sous réserve des dispositions ci-dessous, la révocation par le promettant pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis. Le contrat conclu avec un tiers en violation d’une promesse unilatérale encourt la nullité si le tiers en connaissait l’existence. Le tout sans préjudice de dommages et intérêts. » Cet article 29 concerne les relations entre les parties. Dans le droit positif, à condition de prouver la fraude entre le promettant et le tiers acheteur, le bénéficiaire peut demander, en sanction de la violation du contrat par le promettant, des dommages-intérêts et la nullité de la vente conclue avec le tiers.

b2) Les promesses synallagmatiques

Elles sont empreintes de bilatéralité et de symétrie dans le sens où le consentement de l’un va réclamer le consentement de l’autre. C’est une promesse dans laquelle, à l’engagement du promettant, répond l’engagement définitif du bénéficiaire.

La promesse synallagmatique est le contrat par lequel une personne « le promettant » s’engage à conclure un contrat définitif à des conditions déterminées au profit de son cocontractant « le bénéficiaire ». Le Code Civil, à l’article 1589, nous donne une illustration très claire de l’application de ce qu’est la promesse synallagmatique de vente.

La promesse synallagmatique est équivalente en principe au contrat définitif. Mais parfois, les parties ont souhaité faire de la promesse synallagmatique un contrat préparatoire.

1ère hypothèse : la promesse vaut contrat. On dénomme cette promesse synallagmatique qui vaut vente un compromis.

2ème hypothèse : la promesse de vente est assortie d’un certain nombre d’exigences supplémentaires (évènements futurs, condition aléatoire, terme déterminé). Ce sont des conditions suspensives, qui se définissent comme une modalité de l’obligation. La promesse de vente n’est pas un terme essentiel du contrat, et elle reste en suspens jusqu’à sa réalisation.

3ème hypothèse : la promesse synallagmatique de contrat est un contrat autonome, c’est-à-dire un contrat distinct du contrat définitif.

4ème hypothèse : les parties ont souhaité essentialiser un des éléments du contrat, c’est-à-dire qu’elles ont subordonné sa réalisation à un consentement dépassant la rencontre d’une offre et d’une acceptation, un consentement formalisé en quelque sorte.

Ces hypothèses, à l’exception de la troisième sont peu courantes.

Le contrat définitif va être conclu le jour où le consentement va être solennisé (passage chez le notaire). Les parties ont décidé de faire de la vente un contrat solennel. Elles ont retardé le consentement à cet effet. Il ne faut pas confondre cette hypothèse, dans laquelle le consentement au contrat définitif n’existe pas encore, avec la situation évoquée, où la promesse synallagmatique vaut contrat définitif mais où sa perfection dépend de la réalisation d’une condition ou de l’arrivée d’un terme. A cet égard, un arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation, a reconnu que la promesse synallagmatique pouvait constituer un contrat préparatoire distinct du contrat définitif.

D’après l’article 1583, il suffit que les consentements se rencontrent pour que la propriété soit acquise de droit. Mais pour être opposable aux tiers, la vente doit faire l’objet d’une formalité de publicité foncière, c’est-à-dire être inscrite dans un registre ou un journal approprié.

Au nom de la liberté contractuelle, les parties peuvent prévoir des clauses autres que celles prévues par le législateur, sauf si les textes sont impératifs mais c’est rarement le cas dans le Code Civil. Il est donc fréquent que les parties retardent le consentement au jour où l’acte sera « réitéré » devant notaire. Cette démarche permet au propriétaire de ne pas transférer la propriété immédiatement et de ne pas prendre de risques.

Le régime des promesses synallagmatiques est à l’image de leur nature. Si un contrat préparatoire contient de vrais engagements, on peut en envisager l’exécution forcée. Mais si cette rencontre des parties est dénuée de toute densité, cette démarche ne pourra avoir lieu.

Les promesses synallagmatique peuvent être affectées d’une faculté de dédit, bilatérale ou unilatérale (un revirement sur des déclarations antérieures : on revient sur ce qu’on a dit). L’article 1590 dispose : « Si la promesse de vendre a été faite avec des arrhes, chacun des contractants est maître de s’en départir, Celui qui les a données, en les perdant, et celui qui les a reçues, en restituant le double. » Cet article indique qu’il est possible de payer, par des arrhes, la faculté de dédit. Ainsi, si je fais un dédit, je perds les arrhes que j’ai versées. Le dédit, dans la vente, doit être distingué d’un acompte. L’indemnité d’immobilisation ne peut pas être un dédit. Parfois, les clauses contractuelles ne sont pas suffisamment claires pour distinguer le dédit de l’acompte. En tout cas, les arrhes, telles qu’elles sont conçues dans le Code Civil, visent le dédit.

Sous-section 2 : L’intégrité du consentement

Le consentement qui produit le contrat n’engage que s’il est libre et éclairé. Il doit avoir été donné en parfaite connaissance de cause, c’est-à-dire qu’il doit être exempt de vices et il doit aussi être entaché d’une certaine moralité (la règle morale des obligations). Le principe du consensualisme reste dominant et suffit à former le contrat en règle générale.

La dualité du fondement de l’intégrité du consentement explique le fait que les vices du consentement ne soient pas admis en toute hypothèse, quel que soit la partie concernée.

Admettre que la liberté fait tout avec la rencontre des volontés peut être un facteur très insécurisant en terme de sécurité juridique. Il faut que les parties puissent se dire qu’elles seront protégées. Là encore, la pluralité de fondements explique :

Que tout ce qui peut vicier le contrat ne soit pas admis ;

Qu’il y ait des conditions dans les vices pour qu’ils soient retenus.

L’article 1118 dispose : » La lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l’égard de certaines personnes […]. » Un déséquilibre objectif entre les prestations est assimilé à une lésion. En principe, il n’est pas retenu comme un vice susceptible d’altérer les consentements. Mais la lésion peut altérer l’objet d’une prestation. Ce n’est pas parce qu’il y a un vice que le droit le prend en compte. Il reste trois autres vices : l’erreur, le dol et la violence. Ils sont tous considérés comme des vices du consentement, mais pour autant il faudra qu’ils satisfassent un certain nombre de conditions pour qu’ils soient pris en compte par le droit et qu’ils entraînent l’annulation du contrat.

Paragraphe 1 : L’erreur

C’est une représentation erronée de la réalité. La définition de l’erreur spontanée est empruntée à la jurisprudence : « L’erreur réside dans la différence entre la conviction de celui qui l’invoque et la réalité, même si celle-ci est entachée d’incertitude. » (22 février 1978 1e Civil.)

I L’objet de l’erreur

L’article 1110 du Code Civil régit l’erreur : « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. » Le Code Civil ne parle pas de l’erreur obstacle, puisque dans ce cas, le consentement n’a même pas pu se former : «Je crois acheter et mon cocontractant croit me louer. » Cette position est confirmée par la Cour de Cassation dans son arrêt du 21 mai 2008. L’objet de l’erreur, les faits de l’erreur et la légitimité de l’erreur doivent être présent pour que la partie concernée puisse obtenir l’annulation du contrat.

  1. Erreur sur la substance

On distingue deux conceptions possibles de la substance :

La conception objective : la substance désigne alors la matière dont la chose est faite, elle implique directement sa nature. (Pothier : je crois acheter des chandeliers en argent alors qu’ils sont en bronze argenté). Cette conception est étroite et si on s’y restreint, l’annulation du contrat pour erreur n’interviendrait que dans des hypothèses très limitées et on ne tiendrait pas compte de l’importance attachée au consentement.

La conception subjective : la qualité substantielle est la qualité jugée par celui qui s’est trompé, c’est celle qui l’a déterminé à contracter, celle dont l’absence l’aurait amené à ne pas contracter. Par exemple : on a contracté parce que l’on croyait qu’il s’agissait d’un orignal, alors qu’il ne s’agit que d’une copie.

La jurisprudence prend en considération plutôt la conception subjective. L’erreur doit porter sur les qualités substantielles de la chose. Il y a deux catégories d’erreur que le juge ne prendra pas en considération : l’erreur sur la valeur et l’erreur sur les motifs du contrat.

L’erreur sur la valeur n’est pas une cause de nullité du contrat pour deux raisons essentielles. Si l’on admettait sans limite l’erreur sur la valeur, cela reviendrait à considérer que la lésion (décalage objectif de prestations entre les parties) vicie toujours le contrat. Or, le Code Civil n’a pas voulu faire de la lésion un vice général du consentement. L’article 1118 du Code Civil pose un principe en forme de restriction : la lésion n’est pas admise de manière générale comme l’erreur spontanée, le dol ou la violence. Autre raison : en soi, la valeur n’est pas une qualité de la chose mais une appréciation économique faite par une personne ou par le marché. Vendre trop bon marché ou acheter trop cher est une mauvaise évaluation monétaire des qualités de la chose. Aménagement du principe : si à priori l’erreur sur la valeur n’est pas un vice du consentement, il en va autrement si elle est la conséquence d’une première erreur portant sur les qualités substantielles de la chose. Exemple : un original vaut plus que sa copie. Si j’achète au prix d’un original une copie je comment une erreur sur la substance. L’annulation du contrat n’est que la conséquence d’une erreur sur l’authenticité, il n’est pas annulé en raison d’une erreur de valeur.

Exemple : erreur sur la rentabilité économique d’une opération juridique. C’est une erreur sur la valeur, elle n’entraîne donc pas l’annulation du contrat, sauf si elle est la conséquence d’une première erreur. Le droit positif donne un exemple d’évolution. Ainsi, dans un arrêt du 4 octobre 2011, la jurisprudence a indiqué, dans un contentieux touchant un contrat de franchise : «En se déterminant ainsi, après avoir constaté que les résultats de l’activité du franchisé s’étaient révélés très inférieurs aux prévisions et avaient entraîné rapidement sa mise en liquidation judiciaire, sans rechercher si ces circonstances ne révélaient pas, même en l’absence de manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d’information, que le consentement du franchisé avait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l’activité entreprise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. » Ceci constitue un revirement par rapport à sa jurisprudence du 31 mars 2005. La Cour de Cassation s’est dirigée vers une appréciation subjective, plus favorable à celui qui commet l’erreur.

L’erreur sur les motifs du contrat : les motifs de chacun sont spécifiques. Si je veux acheter une maison dans le midi parce que je pense que je vais être muté, et que je ne le suis pas, je ne pourrai annuler le contrat. Car l’erreur sur les motifs ne peut être cause d’annulation puisqu’elle est extérieure au contrat.

Là encore, on retrouve une dualité de possibilités : l’appréciation in abstracto, on recherche qu’elles sont les qualités substantielles d’une chose en général et l’appréciation in concreto, on recherche quelles sont les qualités considérées comme substantielles par le contractant.

Cette approche soulève des difficultés, car pour que la partie qui s’est trompée sur une qualité qu’elle juge subjectivement essentielle obtienne l’annulation du contrat, il faut qu’elle ait fait rentrer dans le champ contractuel cette qualification et que l’autre contractant ait été informé que pour elle, il s’agissait d’une qualité essentielle, c’est-à-dire qu’il faut que l’errance l’ait porté à sa connaissance. On trouve souvent dans les arrêts la formule : erreur commune, cela veut dire que les deux parties savaient que la chose qui a fait l’objet d’une erreur était considérée comme importante. Employer le terme d’erreur convenue serait plus juste.

La preuve de l’erreur substantielle sera plus ou moins difficile à rapporter selon qu’on adopte une approche in concreto ou in abstracto.

  1. L’erreur sur la personne

Elle n’est pas une cause de nullité sauf si le contrat est intuitu personae. Il faut que la personne ait été déterminante pour la conclusion du contrat. L’erreur sur la personne porte rarement sur l’identité civile mais plus fréquemment sur les qualités substantielles de la personne considérée

L’article 180 du Code Civil en est un exemple au travers du mariage : « S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage. » En 1975, lorsqu’on a introduit le divorce par consentement mutuel on l’a étendu aux qualités substantielles des personnes.

II L’effet de l’erreur

Pour entraîner la nullité du contrat, l’erreur doit avoir été déterminante du consentement, ce qui signifie que sans elle, l’accord n’aurait pas été donné. L’exigence posée ne résulte pas de l’article 1110 mais article 1109 du Code Civil : « Il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol. » Selon ce principe, une erreur sans laquelle la victime aurait néanmoins accepté de contracter ne justifierait pas la remise en cause du contrat. On distingue en l’effet l’erreur, envisagé par l’article 1109 et l’objet de l’erreur envisagé par l’article 1110 du Code Civil, portant sur la substance ou sur la personne de l’erreur.

La qualité substantielle de la chose se définit généralement comme la qualité qui a déterminé le consentement de l’errance de celui qui s’est trompé. L’erreur doit toucher la régularité du contrat, la distinction entre l’effet et l’objet de l’erreur est rarement faite car on assimile ces deux éléments. Pourtant, l’intérêt de leur distinction apparaît dans l’appréciation des qualités de la chose puisque l’on peut apprécier une qualité substantielle in abstracto. En revanche, pour démontrer le caractère déterminant de l’erreur sur le consentement, on ne peut effectuer qu’une appréciation in concreto, il faut démontrer que l’erreur a été déterminante de l’errance.

III La légitimité de l’erreur

  1. Erreur inexcusable et erreur excusable

Pour être une cause de nullité, l’erreur doit revêtir un caractère de légitimité. A cet égard, on vise en premier lieu le caractère excusable de l’erreur. On ne va pas admettre que l’erreur inexcusable puisse être une cause de nullité. En effet, le droit raisonne en se demandant pourquoi protéger celui ou celle qui a commis une erreur par sa propre négligence. Tout un chacun a à sa disposition des moyens pour se renseigner, et en conséquence, dès que l’erreur revêt un caractère inexcusable, elle ne pourra être cause d’annulation, elle ne sera pas protégée. La jurisprudence est constante en la matière. Ainsi, un arrêt de la Chambre Sociale du 3 juillet 1990 a déclaré que l’erreur n’était une cause de nullité que si elle était excusable. Pour autant, cela ne veut pas dire que le consentement ait été vicié. «Des insouciants, le prêteur n’a cure« . Au fond, ne méritent pas d’être protégés ceux qui commettent des erreurs inexcusables. L’appréciation du caractère excusable ou non de l’erreur se fait in concreto, et vont entrer en ligne de compte les qualités professionnelles, l’expérience de la personne…

Ainsi, l’erreur commise par un acheteur professionnel a été excusée. Ce n’est pas parce que l’on est un professionnel que l’on est privé du droit d’invoquer la nullité d’un contrat. Pareillement, a été accueillie favorablement par la Cour de Cassation la volonté d’un agriculteur ayant acheté une moissonneuse batteuse et une barre de coupe non-compatible de faire annuler le contrat. La cour régulatrice a en effet considéré que, malgré l’absence d’une mention de volonté de compatibilité sur le bon de commande, elle pouvait se déduire, de sorte que l’erreur était excusable.

Cette décision est intéressante par rapport à l’obligation précontractuelle d’information. Le vendeur a en effet, de par la loi, ou de par la jurisprudence, l’information d’informer le cocontractant sur la chose qu’il achète. La Cour de Cassation énonce que la compétence de l’acheteur ne lui donne pas les moyens d’apprécier les caractéristiques exactes des biens vendus. Dans cette affaire, l’agriculteur a obtenu l’annulation du contrat et des dommages et intérêts pour manquement du vendeur à son obligation d’information.

  1. Erreur de fait et erreur de droit

On ne doit pas protéger qu’une catégorie d’erreur. Mais en bonne logique, et selon l’adage, on devrait ne considérer que l’erreur de fait. Comment en effet se recommander de l’erreur de droit ? La jurisprudence admet pourtant la prise en compte l’erreur portant sur un droit, car l’adage est admis uniquement s’il est utilisé pour échapper à l’application du droit et non dans les rapports avec d’autres personnes.

  1. Prestation et contre-prestation

La plupart du temps, lorsqu’une erreur est commise c’est sur l’objet que va procurer le cocontractant. Peut-on commettre une erreur sur sa propre prestation ?

Prenons un exemple pour répondre à cette question : un vendeur ignore que le tableau qu’il vend est un tableau de maître. Plusieurs arguments ont été développés dans le sens de la non-admission de l’erreur sur sa propre prestation. L’article 1110 du Code Civil dispose : « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. » Ce texte semble écarter l’erreur sur sa propre prestation comme cause de nullité du contrat. Néanmoins, le texte ne fait pas de différence explicite entre la prestation et la contre prestation et certains auteurs considèrent que «dès lors que la loi ne distingue, il n’y a pas lieu de le faire.« .

Cependant, l’argument moral tendrait à considérer que l’erreur sur sa propre prestation est par essence inexcusable. De l’autre côté, l’argument économique indique que dès que l’acquéreur découvre une qualité ignorée du vendeur, le contrat risque d’être annulé. Cette sanction revient à sanctionner ceux qui peuvent découvrir des qualités là ou les autres n’ont rien vu. Annuler le contrat priverait l’acquéreur du « fruit de ses recherches ».

La jurisprudence a fini par admettre l’erreur sur sa propre prestation au même titre que l’erreur sur la contre prestation comme cause de nullité du contrat. Le contentieux récurrent est lié à l’aléa et au doute. Adage : «l’aléa chasse l’erreur« . Lorsque l’on a accepté l’aléa, que l’on a conclu un contrat aléatoire, on ne peut après en demander l’annulation au motif qu’une erreur fut commise sur l’attribution de tel tableau de maître à tel peintre. La jurisprudence fait une application subtile de cet adage en matière de doute.

Deux cas de figure peuvent se présenter :

Soit le doute est complètement exclu, et l’on acquiert un tableau (par exemple) dont on est certain qu’il est l’œuvre d’un grand maître. Si ultérieurement, des études montrent que ce n’est pas le cas, on ne pourra demander l’annulation que si une erreur sur les qualités substantielle de la chose a été commise.

Soit le doute est intégré dans la conclusion du contrat, dès lors, on a conclu un contrat aléatoire, le doute a été accepté et si par la suite on s’aperçoit que le tableau est attribué à un autre peintre, il y aura impossibilité d’annuler le contrat a posteriori.

Le 28 mars 2008, la Cour de Cassation a indiqué que l’aléa était « susceptible de degrés » Le doute peut profiter autant à la baisse qu’à la hausse. Dans cet affaire, il s’est révélé qu’un tableau de maître avait été mal attribué et qu’il avait beaucoup plus de valeur qu’estimé au départ. La Cour de Cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel car elle a estimé qu’elle n’avait pas suffisamment précisé que le doute, présent dans le contrat de départ, valait aussi bien à la hausse qu’à la baisse.

Un problème peut également se présenter lorsque de trop nombreuses restaurations ou transformations ont été réalisées sur un objet. Jusqu’à quel point peut-on considérer que l’objet est authentique ?

En la matière, la jurisprudence de la Cour de Cassation a été évolutive. Ainsi, dans l’affaire dite de la table boule, les acheteurs d’une table ancienne ont estimé qu’ils avaient été trompés sur la marchandise car le meuble avait été considérablement restauré, ils ont donc porté le litige devant les tribunaux. La première chambre civile de la Cour de Cassation leur a donné raison dans un arrêt du 30 octobre 2008, estimant que le défaut d’authenticité était établi, en se référant aux mentions du catalogue. Elle a donc retenu l’erreur excusable, même si le meuble n’avait subi aucun accident depuis l’époque de référence. Mais la Cour d’Appel de Paris a ensuite refusé de s’incliner en distinguant authenticité et intégrité matérielle. Pour elle, une œuvre d’art transformée n’en reste pas moins une œuvre authentique et les acquéreurs auraient du apporter la preuve que l’intégrité physique du meuble avait été déterminante de leur volonté de former le contrat. L’arrêt de la Cour d’Appel fait à nouveau l’objet d’un pourvoi en Cassation (devant la 1ère Chambre Civile car les moyens ne sont pas les mêmes) et la cour régulatrice, par une jurisprudence du 20 octobre 2011 se rallie à l’appréciation du juge du fond en considérant qu’il dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation. La cour opte pour une approche plus subjective de l’erreur en faisant primer l’élément moral de l’erreur sur la qualité substantielle. Elle invite le juge à procéder à une appréciation au cas par cas. Est réfutée une conception objective qui se fonderait les mentions du catalogue.

Ceci étant, cette décision a pu être critiquée dans la mesure où en matière d’œuvre d’art, la référence à un critère objectif était une barrière de sécurité. Lorsque toutes les conditions sont réunies, il est possible d’agir en justice aux fins de nullité (nullité relative).

Dans les articles 37 à 42 du projet Terré, sont reprises et résolues toutes les questions traitées dans un sens déterminé par la jurisprudence. La nullité est dite relative lorsqu’elle protège un intérêt particulier, elle est dite absolue lorsqu’elle protège l’intérêt général.

Paragraphe 2 : Le dol

L’article 1116 du Code Civil dispose : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. »

De cette définition nous voyons émerger la double nature du dol. Il a un aspect délictuel et la faute qu’il concrétise entraîne une erreur chez l’autre partie. Cette erreur provoquée est la cause du vice du consentement. L’erreur est donc provoquée, et ce par opposition à l’erreur visée par l’article 1110. Ces deux composantes se retrouvent dans la jurisprudence.

I La faute intentionnelle

La faute intentionnelle doit évoquer 2 éléments : l’élément matériel et l’élément intentionnel.

  1. L’élément matériel

L’élément matériel est une faute dont il faut identifier la nature.

1) La nature de la faute dolosive

Si l’on prend l’article 1116 à la lettre, il ne parle que des manœuvres, mais la jurisprudence y a assimilé le mensonge et le silence ou « réticence dolosive ». C’est cette dernière qui est le théâtre de contentieux fluctuants. Les manœuvres sont des artifices, des manipulations qui servent à tromper l’adversaire. Elles sont fréquentes dans l’achat de véhicules.

Les mensonges, eux, ont été assimilés aux manœuvres depuis un arrêt de la Cour de Cassation du 6 novembre 1970. Tous les mensonges ne forment pas un dol, il faut faire la distinction entre le dolus malus et le dolus bonus. Ce dernier est le fait de vanter à l’excès une marchandise, et son traitement diffère selon que l’on se trouve dans une foire ou dans un magasin circonstancié. Aujourd’hui, et sous l’influence du droit de la consommation, la jurisprudence a tendance à considérer que l’erreur est excusable lorsqu’elle est liée à la mauvaise foi de l’autre partie (arrêt de la Cour de Cassation, 3e Ch. Civil., 21 février 2001 : de manière générale, le dol rend toujours l’erreur provoquée excusable). Le courant solidariste est favorable à cette jurisprudence.

Le silence ou réticence dolosive peut-il être constitutif d’un dol ? Une personne ne dit rien pour dissuader le contractant, elle tait les défauts de la chose en quelque sorte. Pendant longtemps, on a considéré que le silence n’était pas suffisant pour constituer un dol et que c’était une « habileté permise ». Mais ce raisonnement a atteint ses limites en raison du développement de l’obligation précontractuelle. La réticence dolosive comme cause de nullité va être admise par exemple en matière immobilière. Pour que la réticence soit sanctionnée par le dol, il faut un élément matériel (l’absence d’information) et un élément intentionnel (la volonté de taire cet élément). Mais le risque est, qu’en admettant la réticence trop souvent, on fasse du dol la sanction générale de la mauvaise foi. L’alinéa 3 de l’article 1116 du Code Civil indique que le dol ne se présume pas et doit être prouvé. Dès 1971, la Cour de Cassation, en admettant la réticence dolosive, a sanctionné sur ce fondement la mauvaise foi du vendeur au stade précontractuel, c’est-à-dire au stade de la formation du contrat. Or, cette conception large de la réticence a beaucoup avoir avec le développement de l’obligation d’information.

Dans leur fondement, les deux notions sont distinctes : l’obligation d’information répond au désir de transparence qui a imprégné le droit des contrats et qui est également lié à sa complexité croissante. Les contractants ont un nécessaire besoin d’information. Parfois, l’obligation d’information s’apparente à un conseil, à une information, à une directive, à un enseignement ou à une mise en garde. Ces obligations d’information se sont considérablement développées. L’obligation d’information en elle-même n’a pas de connotation morale, alors que dans la réticence dolosive, il y a une véritable volonté de se taire afin d’induire en erreur le contractant. De plus, l’obligation d’information a une origine légale, même si elle a été développée par la jurisprudence. Ainsi, par exemple, les médecins ont pour obligation d’informer leurs patients quant aux risques courus par la prise d’un traitement. Depuis une loi de 1997, c’est même au praticien d’apporter la preuve qu’il a fourni l’information de manière à éclairer le patient.

Au départ, il existait une césure nette entre la réticence (l’intention d’induire en erreur) et l’obligation d’information (l’éclairage du cocontractant). La sanction n’était pas la même. La réticence dolosive entraînait l’annulation du contrat voire des dommages-intérêts, tandis que l’obligation d’information ne faisait qu’engager la responsabilité extra-délictuelle, au stade précontractuel. Mais la Cour de Cassation a opéré une assimilation entre les deux, elle s’est contentée de l’élément matériel (l’absence d’information) pour faire intervenir la réticence dolosive (notamment en matière de caution). Or, c’est une conception erronée de la réticence dolosive, il faut aussi une intention de tromper, un manquement à l’obligation de bonne foi. La jurisprudence n’adopte cependant pas les mêmes solutions en fonction de la personne à l’origine du manquement. Elle se montre plus sévère à l’égard du vendeur qu’à l’égard de l’acheteur. Ainsi, dans l’arrêt « Baldus » du 3 mai 2000, le vendeur ignorait que les photos qu’il vendait avaient une telle valeur, l’acheteur lui le savait et n’a rien dit intentionnellement. La Cour de Cassation a indiqué que l’acheteur n’avait pas à informer le vendeur sur la valeur de la chose. Cette jurisprudence a été suivie par un autre arrêt, rendu en 2003 encore plus contestable sur le plan de l’éthique contractuelle. Plus récemment, un arrêt, non publié, de la 3e Ch. Civil de la Cour de Cassation du 16 mars 2011 a semblé constituer un revirement jurisprudentiel : des acquéreurs ont découvert après une vente qu’il y avait de l’amiante dans le préfabriqué qu’ils avaient acquis, ils ont donc demandé l’annulation du contrat et des dommages et intérêts sur le fondement de la réticence dolosive. La Cour de Cassation a approuvé les juges du fond : «Mais attendu […] qu’ayant exactement retenu que si aucune obligation légale spécifique ne pesait sur les consorts X… concernant la présence d’amiante dans l’immeuble vendu, le vendeur, tenu à un devoir général de loyauté, ne pouvait néanmoins dissimuler à son cocontractant un fait dont il avait connaissance et qui aurait empêché l’acquéreur, s’il l’avait connu, de contracter aux conditions prévues […] »

Mais il ne faudrait pas déduire trop rapidement que c’est le critère subjectif qui l’emporte sur le critère objectif car, en l’espèce, les juges ont voulu anticiper la publication d’un décret, modifiant le Code de la Construction, obligeant les vendeurs à informer leurs acquéreurs de la présence d’amiante dans les constructions considérées. En lien avec toutes ces précautions, cette conception par rapport au devoir de loyauté peut se comprendre, et peut-être que cette prédominance de la conception subjective n’aurait pas été la même dans d’autres domaines. La question se pose maintenant si pareil devoir de loyauté s’impose à l’égard de l’acheteur.

Il est clair en tout cas que la sévérité à l’égard du vendeur ne se dément pas.

2) L’auteur de la faute dolosive

L’article 1116 du Code Civil indique que le dol n’est une cause de nullité que s’il émane d’un cocontractant. Le dol ne doit s’appliquer qu’à celui qui en est l’auteur. Ceci étant, le dol du représentant est considéré comme émanant du contractant. Idem pour le dol commis par un complice du contractant. Enfin, en matière d’acte unilatéral, il n’y a pas de cocontractant et pour pouvoir admettre que l’acte puisse être annulé pour dol, on admet qu’il puisse émaner d’un tiers. On notera que la victime du dol d’un tiers, hors acte unilatéral, n’est pas privée d’un recours, mais par sur le fondement de l’article 1116, elle pourra agir sur le fondement de la responsabilité extra-délictuelle. Il lui reste aussi la possibilité d’évoquer l’erreur sur les qualités substantielles de la chose si les conditions sont réunies (l’arrêt de la 1e Ch. Civil du 3 juillet 1996 a statué en ce sens).

  1. L’élément intentionnel du dol

Le dol n’est pas une simple faute, il suppose la volonté de tromper le cocontractant afin qu’il conclue le contrat. À cette faute s’ajoute donc un délit civil.

La preuve doit être apportée par n’importe quel moyen. Selon la nature de la faute, elle sera plus ou moins facile à apporter. En cas de manœuvre ou de mensonge, on pourra assez facilement montrer que le comportement avait pour but de tromper le contractant. Mais en cas de réticence dolosive, la preuve est plus difficile à rapporter. Le silence peut provenir d’un oubli, d’une négligence, et ne pas être toujours assorti d’une intention.

La justice accepte souvent l’intention de tromper si la double constatation suivante est établie :

L’auteur de la réticence connaissait l’information scellée ;

Il savait également qu’elle subordonnait l’acceptation du contrat par le cocontractant.

En d’autres termes, celui qui garde sciemment le silence commet un dol.

II Une erreur provoquée

  1. L’objet de l’erreur

L’erreur provoquée [par le dol] n’a pas nécessairement besoin de porter sur une qualité essentielle de la chose. Toutes les erreurs provoquées sont prises en considération. C’est ainsi le cas de l’erreur sur la valeur et le cas de l’erreur sur les motifs. La Cour de Cassation indique que l’erreur causée par le dol est prise en considération même si elle ne porte pas sur une qualité essentielle de la chose.

Il n’y a pas double emploi mais complémentarité entre erreur et dol. On ne peut demander la nullité sur le fondement de l’erreur spontanée mais on peut sur celui du dol.

  1. L’effet de l’erreur

Pour que le contrat soit annulable, l’erreur doit être déterminante, c’est-à-dire que sans elle, la victime n’aurait pas contractée. Dans le cadre du caractère déterminant, on distingue le dol principal et le dol incident.

On parle de dol principal lorsque l’erreur provoquée a déterminé le consentement du cocontractant. Il est alors possible d’agir en nullité du contrat.

En revanche, on parle de dol incident dans l’hypothèse où le cocontractant aurait néanmoins conclu le contrat, mais à des conditions différentes. Il va solliciter des dommages intérêts.

Cette distinction traditionnelle est fortement critiquée en raison de son caractère artificiel. Il y a un côté irréaliste entre distinguer la volonté abstraite et la volonté concrète de contracter, car les choses ne sont pas aussi scindées. Certains auteurs estiment que même en cas de dol incident, les cocontractants devraient pouvoir demander l’annulation un contrat. Par ailleurs, quelques arrêts récents semblent atténuer la distinction faite entre les deux régimes. Pour conclure sur le dol, nous évoquons la preuve et la sanction du dol.

L’article 1116 du Code Civil dispose : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. » Ainsi, cet article indique que le dol doit être prouvé. C’est un fait juridique, donc tous les moyens sont recevables au titre de la preuve. Mais la preuve du dol va soulever des difficultés en cas de réticence, puisqu’il est difficile de prouver l’absence de déclaration. Dans la droite ligne de ce qui a été fait en matière de réticence et d’obligation d’information, la Cour de Cassation a opéré un revirement de jurisprudence dans un arrêt du 25 février 1997 en indiquant que c’était au praticien de prouver qu’il s’était acquitté de son obligation d’information. Cette jurisprudence a été étendue aux vendeurs professionnels dans un arrêt du 15 mai 2002. Ce sont à eux de prouver qu’ils ont informé leur client. C’est un renversement de la charge de la preuve. Conséquence du dol principal : annulation du contrat et/ou dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil.

Le Projet Terré s’est penché sur ces problèmes et ses articles 43 à 46 en sont l’illustration. L’article 44 indique que la réticence dolosive constitue un dol : « Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par un contractant d’une information qu’il devait délivrer conformément à l’article 33. » L’article 33 traite en effet de l’obligation d’information et par là même, cet article 44 condamne l’assimilation qui a été faite entre obligation d’information et réticence dolosive opérée par la jurisprudence.

Paragraphe 3 : La violence

Le consentement est vicié par la violence parce qu’il n’a pas été donné librement. Il n’a pas été obtenu par tromperie, mais il a été rendu pour échapper à un mal. C’est ici la liberté du consentement qui est visée. Comme pour le dol, la violence présente un double caractère :

Un caractère délictuel pour l’auteur

Un caractère psychologique pour la victime

Dans quelles conditions la violence risque d’entraîner l’annulation du contrat ?

Elle doit comporter un caractère déterminant, un caractère illégitime.

Comment apprécier le caractère déterminant ? L’article 1112 du Code Civil le précise : « Il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard, en cette matière, à l’âge, au sexe et à la condition des personnes. »

Le juge est amené à apprécier dans quel mesure le cocontractant a pu résister à la violence par une appréciation in abstracto ou in concreto. Le législateur n’a pas tranché la question de la forme de l’appréciation avec cet article, cela s’explique par la dualité de la violence. S’agissant de protéger une faute, on attend qu’elle soit d’une certaine gravité, mais s’agissant de protéger la liberté du consentement, il est nécessaire de prendre en compte des éléments in concreto. Au final, c’est l’appréciation in concreto qui l’emporte.

L’Article 1111 du Code Civil dispose : « La violence exercée contre celui qui a contracté l’obligation est une cause de nullité, encore qu’elle ait été exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite. », ce qui signifie que l’origine de la violence est indifférente. Contrairement à ce qui a été fait pour le dol, l’article 1111 privilégie l’aspect psychologique sur l’aspect délictuel. La violence peut être physique mais aussi simplement consister en des violences morales ou des menaces. La question s’est posée : la violence peut elle être assouplie et résulter d’une contrainte économique, c’est-à-dire d’un état de nécessité ? L’Etat de nécessité prend tout son sens en droit des contrats lorsqu’une personne se voit contrainte de conclure un contrat car sa situation l’oblige à le faire. Y a-t-il violence en cas d’Etat de nécessité ? Celui-ci s’est développé dans le cadre de l’assistance maritime. Le capitaine d’un bateau en perdition est obligé d’accepter le sauvetage. La Cour de Cassation a estimé, dans un arrêt de 1887, que les contrats d’assistance résultant de conventions internationales étaient déséquilibrés. En 1916, le législateur est venu confirmer cette solution en autorisant l’annulation d’un contrat d’assistance maritime conclu dans des conditions déséquilibrées. Faut-il voir de la violence dans cela ? Certains auteurs diront que c’est de la lésion pas de la violence. D’autres auteurs estiment que la violence, quelque soit l’origine devait pouvoir constituer un vice susceptible d’annuler le contrat.

Face à cette situation, la jurisprudence a donné une réponse de principe qui a fait l’objet de précisions et d’aménagements par la suite, dans un arrêt de la 1e Ch. Civil. du 30 mai 2000. Les hauts magistrats ont admis que la contrainte économique puisse être prise en considération. En l’espèce, le propriétaire d’un garage avait conclu une police d’assurance le protégeant en cas d’incendie. Effectivement, un incendie s’est déclaré, et après le sinistre, il a estimé que l’indemnité proposée par l’expert était insuffisante et il a donc demandé l’annulation du contrat d’assurance. La Cour d’Appel l’a débouté au visa de l’article 2052 du Code Civil mais la Cour de Cassation a cassé cet arrêt en indiquant que la transaction peut être annulée dans tous les cas où il y a violence. La contrainte économique semble donc se rattacher à la violence et non à la lésion. Cette jurisprudence pose un principe général mais elle ne précise pas les conditions à satisfaire pour que la violence soit retenue. Elle renvoie donc aux conditions implicites de la violence en général.

Peu après, la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt 3 avril 2002, est venue préciser le principe posé deux ans auparavant. Les conditions à satisfaire pour que la violence économique soit rattachée à la violence générale sont :

  • La présence d’un caractère déterminant (une situation de contrainte économique forte) ;
  • La présence d’un caractère illégitime, fautif, qui se traduit par l’exploitation abusive en vue d’en retirer un avantage.

Cet arrêt du 3 avril 2002 concernait le droit du travail. Un salarié, par crainte d’être licencié, avait cédé ses droits d’auteurs à son employeur et par la suite, il a agi en annulation sur le fondement de la violence économique. La Cour de Cassation lui a donné tort car elle n’a pas retenu l’exploitation abusive de la situation.

Comment apprécier le caractère illégitime de la violence ?

Il y a deux types de menaces que l’on considère comme légitimes et qui ne peuvent donc justifier l’annulation du contrat. La première est posée par l’article 1114 du Code Civil : » La seule crainte révérencielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu’il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat. », ce qui signifie que l’autorité morale des ascendants est légitime. La seconde a été dégagée par la jurisprudence et consiste en la menace d’exercer un droit (droit de grève, menace d’exercer une action en justice…), mais pour qu’elle soit reconnue comme légitime, elle doit naître d’un rapport direct avec le contrat conclu. La menace d’exercer son droit ne doit pas permettre d’obtenir un avantage injustifié.

Section 2 : La capacité

L’article 1108 du code civil (qui pose quatre conditions de validité du contrat) exige que chaque cocontractant ait la capacité de contracter. Cet article doit être combiné avec l’article 1123 du Code civil : « Toute personne à la capacité de contracter sauf si la loi en décide autrement » : est exigé l’absence d’incapacité des cocontractants.

  • 1 : Bref rappel terminologique

Les articles 1123 et suivants qui traitent de la capacité des personnes à contracter ne traitent que de façon incomplète le droit des capacités.

La capacité c’est l’aptitude à contracter. Cette aptitude doit être distinguée du pouvoir de contracter.

A°) La distinction pouvoir/capacité

La capacité c’est donc l’aptitude à contracter ; Le pouvoir est une notion différente qui ne figure pas dans le code civil en tant que tel : a été introduit par des lois postérieures au code civil. Le pouvoir de contracter est une habilitation à conclure le contrat : c’est quelque chose de distinct de l’aptitude à contracter et ce pouvoir vient parfois limiter la possibilité de conclure un contrat ou au contraire étendre la possibilité de conclure un contrat.

Ex : Le pouvoir de contracter est toujours légal (lorsqu’il existe, il est toujours consacré par le législateur). Le pouvoir est parfois utilisé par le législateur pour empêcher une personne de conclure seul un acte. Le législateur empêche une personne de conclure un contrat seul généralement dans l’hypothèse où le contrat n’engage pas seulement celui qui veut le conclure : le législateur lui retire parfois le pouvoir de conclure seul cet acte.

Ex : art 215 du Code civil, une règle de protection du logement familial : si un logement dans lequel vit la famille veut être vendu par un des époux, il lui faut l’accord de l’autre.

Dans d’autres cas le législateur utilise le pouvoir pour permettre à une personne de conclure un contrat pour le compte et au nom d’autrui (c’est le mécanisme essentiel de la représentation : exemple d’un mandat (on donne à agence immobilière le mandat de vendre notre maison : elle a le pouvoir de vendre notre maison aux conditions déterminées)).

Le pouvoir c’est toujours quelque chose en plus de la capacité qui permet de limiter ou d’étendre la capacité de conclure un contrat.

Lorsqu’on exige que la personne ne soit pas incapable : l’article 1108 ne fait pas de distinction au sein de la capacité

B°) La distinction entre incapacité de jouissance et incapacité d’exercice

Cette distinction ne fait pas parti du code civil pour l’instant mais serait consacré par NCC. Incapacité de jouissance = dénier à une personne l’exercice d’un droit, elle est privé du droit d’accomplir tel ou tel acte : appliquer au contrat elle a interdiction de conclure tel ou tel acte. En outre, personne ne peut le faire à sa place : on lui retire vraiment la possibilité de faire tel ou tel contrat. Cette incapacité de jouissance est une exception à l’article 1123 et par conséquent l’incapacité de jouissance est toujours spéciale (on ne peut pas avoir une incapacité de jouissance pour tous les actes juridiques : que pour certains actes limitativement énumérés par la loi. Ex : art 909 également visé à art 1125-1 : un médecin, un pharmacien, … sont privés de recevoir une donation d’un malade qui va décéder de la maladie pour lequel il est soigné.

L’incapacité d’exercice suppose en effet la capacité de jouissance : celui qui est frappé d’une incapacité d’exercice a bien la capacité de jouissance mais on l’empêche de le faire seul : il doit se faire représenter ou assister (tutelle, curatelle, mise sous sauvegarde de justice).

Si un mineur ou un majeur protégé est frappé d’incapacité d’exercice, que se passe-t-il s’il conclut quand même le contrat ?

  • 2 : Les particularités du régime de sanction

Un incapable, un mineur ou un majeur protégé a conclu le contrat seul. Comment sanctionner le contrat pour incapacité ? C’est une condition de validité du contrat donc si elle fait défaut => nullité du contrat. Il faut protéger l’incapable mais seulement dans la mesure où il en a besoin : toutes ses règles particulières tendent à protéger l’incapable seulement dans la mesure de ses besoins.

3 grandes particularités du régime de sanction :

1°) Seul l’incapable ou son représentant peut demander l’annulation du contrat pour incapacité (art 1125 du Code civil : le cocontractant capable ne peut pas invoquer l’incapacité de l’autre cocontractant pour sortir du contrat). Il ne faut pas permettre à l’autre de dénoncer le contrat.

2°) En principe l’incapacité emporte la nullité du contrat. Mais dans deux hypothèses, l’annulation va être écartée : lorsqu’elle n’apparaît pas utile à la protection de l’incapable. D’abord les actes accomplis par les mineurs, ne sont annulables que s’ils ont emporté une peine pécuniaire pour eux (art 1305 à 1311 du Code civil). Deuxième hypothèse, interprétation de l’article 1307 du Code civil : la nullité est écartée lorsque l’incapable a frauduleusement dissimulé son incapacité.

3°) En principe la nullité d’un contrat opère rétroactivement : on doit faire comme si le contrat n’avait jamais existé. Tout ce qui a été versé en exécution du contrat doit être restitué à l’autre. L’article 1312 du code civil indique que les incapables ne doivent restituer que ce qui a tourné à leur profit : ils ne doivent restituer que l’enrichissement qu’ils ont conservé du contrat au jour de l’annulation.

Ex : un mineur vend une mobylette pour 100 euros sans accord nécessaire. Il utilise argent, le jour où les parents annulent le contrat il n’a plus que 50 euros, il ne doit donc restituer que 50 euros.

Section 3 : L’objet

Paragraphe 1 : L’objet du contrat

I Les caractères del’objet

L’article 1108 du Code Civil liste 4 conditions pour la validité d’une convention : le consentement, la capacité, un objet certain qui forme la matière de l’engagement et une cause licite dans l’obligation. L’objet répond à la question « quoi ? », alors que la cause répond à la question « pourquoi ? ».

Sous la dénomination « objet », se cache trois réalités : l’objet du contrat (quelle opération vais-je conclure ?), l’objet de l’obligation (je m’engage à effectuer quelle obligation ?) et objet de la prestation (je m’engage à réparer une chose, construire un immeuble…).

  1. La licéité de l’objet

L’article 6 du Code Civil dispose : « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs. »

On distingue donc l’ordre public et les bonnes mœurs. L’ordre public renvoie à la licéité et les bonnes mœurs à l’immoralité. Sur les bonnes mœurs : leur champ d’application s’est considérablement rétréci. Certains proposent de ne plus y faire référence. Le domaine classiquement conféré aux bonnes mœurs se voit occupé par l’éthique. Selon Philippe Malaurie, «la morale commande, l’éthique recommande. » Une auteure a proposé de remplacer les bonnes mœurs par l’ordre public philanthropique. Il s’agit en fait d’avoir un ordre public plus large. La notion de bonnes mœurs, au sens traditionnel n’a plus lieu d’être. Cette suggestion est intéressante dans la mesure où l’on parle d’une fondamentalisation de l’ordre public (inscription dans les textes de loi des droits fondamentaux). L’ordre public est transcendé par des « considérations supérieures » de liberté humaine. Depuis 2008, par exemple, le Code Civil consacre le respect du cadavre (article 16-1-1 du Code Civil). L’ordre public est une notion que la plupart des auteurs ont renoncé à définir car elle est mouvante et floue. Philippe Malaurie en a recensé 22 définitions. L’ordre public s’adresse à certaines valeurs jugées essentielles par la société à un moment donné. On va dire que l’on ne peut porter atteinte à l’ordre public sans porter atteinte à l’intérêt général.

Le contrat de courtage matrimonial. En droit de la famille, l’adultère n’est plus une cause péremptoire du divorce, même si on a la preuve, la victime du conjoint n’a pas l’assurance d’obtenir le divorce. On parle de privatisation de l’ordre public familial, l’adultère n’est pas sanctionné.

Le champ de l’ordre public est restreint. Aujourd’hui, après une phase de liberté contractuelle, on vit dans une période néolibérale qui laisse coexister les deux. Il y a des domaines où l’ordre public est important, d’autres où il est moindre. Ce qui frappe, c’est la mutation de la notion. Corrélativement, on laisse au juge un pouvoir d’appréciation important.

Sur l’ordre public en tant que tel, une équivalence est souvent faite entre texte d’ordre public et texte impératif. Il est vrai que les deux notions sont proches et peuvent se retrouver en ce qu’elles prévoient toutes deux que l’on ne peut déroger aux textes lorsqu’ils existent.

1) Les conventions antérieurement illicites

Certaines conventions sont interdites, d’autres sont autorisées. D’autres sont devenues licites (exemple : contrats d’assurance vie). Elles étaient interdites car elles pouvaient entraîner la spéculation sur la mort du contractant. Aujourd’hui, elles sont autorisées et elles ont prospéré. Le courtage matrimonial n’est licite que sous un angle particulier régi par une loi de 1989 qui indique que c’est un contrat de consommation.

2) Les conventions toujours illicites

Certaines conventions demeurent illicites. C’est le cas des pactes de succession future, car ils portent atteinte à la liberté testamentaire et ils interdisent à la personne de disposer librement de ses biens.

  1. L’équilibre de l’objet

1) Le domaine de la lésion

L’article 1118 du Code Civil dispose : « La lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l’égard de certaines personnes, ainsi qu’il sera expliqué en la même section. »

La lésion est le résultat du déséquilibre entre les prestations réciproques des parties au moment de la formation du contrat. Il ne faut pas confondre la lésion avec l‘imprévision qui est un déséquilibre entre les prestations des parties survenant en cours d’exécution du contrat. La lésion peut être appelée défaut d’équivalence. Le Code Civil n’a pas voulu admettre la lésion d’une manière générale et absolue, car le Code Civil est épris de liberté contractuelle.

La définition de la lésion amène comme conséquence le fait qu’elle ne se conçoit que dans les contrats à titre onéreux. Son domaine originaire était étroit, c’est pourquoi il a été étendu.

La lésion, dans son domaine originaire, était prise en considération dans 2 types de convention :

En matière de partage, (article 889) : lorsqu’il y a une lésion de « plus du quart », le partage peut être rescindé.

En matière de vente d’immeuble, (article 1674) : lorsque le vendeur a été lésé de plus des 7/12èmes donc plus de la moitié dans le prix d’un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente.

Seul le vendeur peut demander la rescision, l’acheteur ne le peut pas. Il y a une catégorie générale de personne à l’égard desquelles la rescision est possible, ce sont les mineurs (article 1305 du Code Civil), la rescision pour lésion. (On pourrait croire que c’est une faveur de la part du législateur à l’égard du mineur alors qu’en fait non car le contrat tombe par lésion seulement s’il est capable.) Il existe aussi des possibilités d’action en rescision pour les majeurs placés sous sauvegarde de la justice ou curatelle.

Enfin selon l’article L131-5 du Code de la Propriété Intellectuelle : « En cas de cession du droit d’exploitation, lorsque l’auteur aura subi un préjudice de plus de sept douzièmes dû à une lésion ou à une prévision insuffisante des produits de l’œuvre, il pourra provoquer la révision des conditions de prix du contrat. […] » L’article L313-1 du Code de la Consommation évoque également la possibilité d’une action en rescision pour le contractant si le « taux d’usure » est atteint.

Explicitement, la jurisprudence n’a jamais contrarié l’article 1118. Sauf exception légale, la lésion n’est pas une cause d’annulation des contrats. La jurisprudence n’a pas fait une opposition frontale à la lésion mais elle a utilisé d’autres techniques, une vente de meuble, un bijou qui est payé bien au deçà de sa valeur, est ce que le vendeur peut agir en lésion ? Non car un bijou est un meuble et la lésion agit seulement sur les immeubles donc l’immobilier en somme. Si le prix est insignifiant il manque l’objet donc possibilité d’annuler quand même le contrat. La jurisprudence a donc élargit le domaine de la lésion mais par des moyens contournés.

A la suite d’un revirement jurisprudentiel du 7 décembre 2004 opéré par la 1ère Chambre Civile, la jurisprudence admettait contrat legem qu’en cas de cession d’un office notarial, le prix puisse être révisé. Dans cet arrêt, la Cour de Cassation est revenue à la règle générale. Auparavant, elle avait pu contourner la règle de non rescision pour lésion – sauf exception – des contrats de l’article 1118 en délivrant des décisions aboutissant à un résultat voisin de celui que provoquerait la rescision d’un contrat.

Ainsi, dans le domaine de la vente, lorsque le prix est dérisoire, la jurisprudence ne dit pas qu’il y a lésion mais qu’il y a défaut d’objet (de prix) sur le fondement de l’article 1591. Dans la vente, le prix doit être déterminé et déterminable. Le vil prix renvoie à un prix dérisoire. Si l’on prend l’article 1658 : « Indépendamment des causes de nullité ou de résolution déjà expliquées dans ce titre, et de celles qui sont communes à toutes les conventions, le contrat de vente peut être résolu par l’exercice de la faculté de rachat et par la vileté du prix.« , on découvre qu’un contrat peut être résolu par la vileté du prix. Résultat, à un moment donné, du fait de l’équivocité du terme vil, elle a admis l’assimilation entre le prix dérisoire et le prix lésionnaire. Maintenant on distingue le prix dérisoire (quasi absence de prix) qui peut conduire à la nullité du contrat pour défaut d’objet, et le prix faible, le prix lésionnaire qui va permettre l’application des dispositions sur la lésion.

En face d’honoraires excessifs, la jurisprudence s’autorise de manière prétorienne à procéder à la réfaction des contrats, (c’est-à-dire à la baisse du montant du prix). Impossible donc de savoir à l’avance quel sera le prix final. Lorsque le prix a été prévu avant le consentement, elle n’admet pas la révision, mais si le prix a été prévu après, elle admet qu’étant excessif, il puisse être révisable. Les honoraires du mandataire vont aussi pouvoir être révisés de manière prétorienne. Cette prévention n’intervient que dans de rares domaines.

2) Le régime de la lésion

Comment est appréciée la lésion ? Il faut un préjudice conséquent des 7/12èmes, c’est-à-dire qu’il faut qu’une chose soit payée à moins de la moitié de sa valeur. Le déséquilibre entre les prestations se résout au moment de la conclusion du contrat, lorsque les consentements se rencontrent. Il existe deux conceptions de la lésion :

Une conception subjective de la lésion fait d’elle un vice du consentement. On présume que l’autre partie s’est trompée. Cela dit, cette conception n’est pas conforme à l’esprit du législateur et elle implique de retenir la date de la conclusion de la promesse de vente (par hypothèse).

Une conception objective de la lésion ne prend en compte que le déséquilibre entre les prestations. Elle doit être relevée à la date de la levée de l’option.

Une difficulté se présente lorsque le consentement définitif a été précédé de contrats préparatoires. Quelle date faut-il retenir ? Le problème est d’autant plus important s’il on considère que des considérations économiques peuvent intervenir en fonction de la durée entre la formation du contrat préparatoire et la levée de l’option. Si l’on privilégie la conception objective, on se réfère à la date de levée de l’option. La jurisprudence a consacrée cette conception objective. Une loi est intervenue venant codifier cette appréciation à l’article 1675 du Code Civil : « Pour savoir s’il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l’immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente. En cas de promesse de vente unilatérale, la lésion s’apprécie au jour de la réalisation. »

3) La sanction de la lésion

Une action en rescision est une action synonyme de l’action de nullité relative. Le terme a une connotation historique, car, sous l’Ancien Régime, si l’on voulait annuler un contrat, il fallait une « lettre de rescision » de la chancellerie. Au fond, l’originalité de ses termes reflète l’originalité de sa nature. Seule la personne que l’on veut protéger est habilitée à rescinder la vente. Le délai pour agir est dérogatoire du droit commun, il est de deux ans. Le codificateur a prévu la possibilité d’un rachat de la lésion avec l’article 1681: » Dans le cas où l’action en rescision est admise, l’acquéreur a le choix ou de rendre la chose en retirant le prix qu’il en a payé, ou de garder le fonds en payant le supplément du juste prix, sous la déduction du dixième du prix total. Le tiers possesseur a le même droit, sauf sa garantie contre son vendeur. » Le rachat indique que l’acheteur va pouvoir conserver le bien au moyen de l’achat du juste prix. Mais l’article laisse à l’acheteur un « souvenir de la bonne affaire ». Exemple : un immeuble est vendu 450 000 euros alors qu’il vaut 1 200 000 euros. Il faut d’abord s’avoir si le prix est lésionnaire. Il l’est car dans ce cas, le prix lésionnaire est de 500 000 euros, plus que ce qui a été payé. S’il faut offrir le juste prix, il faudrait verser 630 000 euros. Au total, on aurait versé 1 080 000 euros. A l’image de la jurisprudence, le législateur, dans certains cas, plutôt qu’une rescision, prévoit une révision.

Paragraphe 2 : L’objet de l’obligation

La prestation (donner, faire, ne pas faire) promise doit être déterminée, possible et licite.

I La prestation doit être déterminée

L’obligation doit porter sur une prestation déterminée, cela veut dire que le type de prestation doit être déterminé. Il faut que ma prestation ait de la consistance. S’il n’est pas suffisamment déterminé, la prestation n’accède pas à la vie juridique pour qu’éventuellement son exécution soit vérifiée. La Chambre Commerciale, dans un arrêt du 28 février 1983, a considérée que l’obligation de faire un geste n’était pas assez révélatrice du type de prestation à effectuer et donc que le contrat était nul pour indétermination de l’objet de l’obligation. En elle-même, cette prestation n’est pas assez « dense » pour accéder à la vie juridique, mais elle peut devenir une obligation naturelle.

II La prestation doit être possible

Elle doit être possible : à l’impossible nul n’est tenu. Là encore, tout dépend du degré, ce qui amène à distinguer impossibilité absolue et impossibilité relative.

Impossibilité absolue : on vise une possibilité à laquelle se heurterait n’importe quel débiteur. Exemple : impossible de construire sur un sol qui ne le permet pas.

Impossibilité relative : elle ne concerne que le débiteur de l’obligation qui se voit dans l’impossibilité de l’exécuter correctement. Un autre pourrait l’exécuter à sa place. Dans ce cas, l’obligation existe, on ne se situe plus au moment de la formation mais dans le cadre de l’exécution. Ici, le contrat pourra être résolu, on pourra aussi demander une exécution forcée et des dommages et intérêts.

III La prestation doit être licite

La licéité des prestations signifie qu’elles ne doivent pas contrarier l’ordre public. L’illicéité peut tenir à la nature de la prestation. Exemple : un strip-tease (contraire aux bonnes mœurs), un délit (contraire à la loi). L’illicéité peut aussi tenir à la durée. En effet, les engagements perpétuels portent atteinte à l’ordre public puisqu’ils sont interdits. On ne conçoit en effet pas qu’un engagement puisse être pris indéfiniment. Dès lors que la durée est excessive, elle entre dans ce cadre (au-delà de 99 ans pour les sociétés). Il ne faut pas confondre durée excessive et durée indéterminée car pour cette dernière, il y a toujours possibilité de résiliation unilatérale. Le législateur est aussi venu limiter à dix ans l’exclusivité (pas d’exclusivité à vie) sous l’influence du droit de l’Union Européenne.

Paragraphe 3 : L’objet de la prestation

I La chose doit être déterminée

  1. La détermination de l’espèce

La rencontre des volontés doit se faire sur un objet précis. « Je m’engage à acheter un bien à tel ou tel prix. » On retrouve cette exigence dans un texte du Code Civil qui a été à l’origine d’un contentieux nourri, l’article 1129 : « Il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce. La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu’elle puisse être déterminée. » Cette exigence prend un relief différent selon que selon que la chose est un corps certain ou une chose de genre. Cette dernière est déterminée par le nombre, le poids ou la mesure (exemple : du blé, du charbon…). Les choses de genre sont fongibles, c’est-à-dire interchangeables. Lorsque l’obligation porte sur une chose de genre, il faudra procéder à son identification, son individualisation, et l’article 1129 indique qu’il faut au moins qu’elle soit déterminée quant à son espèce. Mais ces textes ne sont que supplétifs, ils ne s’appliquent que dans le silence des parties. En ce concerne la qualité de la chose, le contrat reste valable. A défaut d’indication, l’article 1246 du Code Civil dispose : » Si la dette est d’une chose qui ne soit déterminée que par son espèce, le débiteur ne sera pas tenu, pour être libéré, de la donner de la meilleure espèce ; mais il ne pourra l’offrir de la plus mauvaise. » On exigera donc pas du débiteur la meilleure qualité, mais on ne peut pas envisager qu’il vendra une qualité mauvaise. A défaut de précision, le débiteur est donc tenu de livrer à une qualité moyenne, celle à laquelle on pourrait s’attendre. Ce texte est sujet à interprétation mais comme le disait Jean Carbonnier : «L’interprétation est une forme de désobéissance intellectuelle.«

  1. La détermination de la quotité

1) L’évolution de la jurisprudence

L’alinéa 2 de l’article 1129 indique qu’il faut que la chose objet de la prestation soit au moins déterminable, c’est-à-dire qu’elle doit pouvoir être déterminée dans l’avenir. Cet article a fait l’objet d’un contentieux abondant à propos de la chose de genre qu’est le prix. Dans l’esprit du législateur, la quotité n’avait pas à s’appliquer au prix. Mais la jurisprudence a rattaché le prix à cet article 1129 : «Le prix est l’objet d’une prestation, celle de payer et donc il est visé. » Ce rattachement est intervenu à l’occasion d’un litige sur un contrat cadre de distribution car dans ce type de contrats, le distributeur s’engage à se fournir pendant un certain temps à un fournisseur déterminé à un prix déterminé par lui. A partir de 1971, la jurisprudence, considérant qu’il y avait un risque d’arbitraire dans la fixation des prix, les a rattachés à l’article 1129. Elle a indiqué que le prix devait être déterminé ou déterminable de façon objective, c’est-à-dire par référence à ses d’éléments extérieurs à la volonté des parties. Les conflits sont nés de deux types de contrats en particulier : les contrats de distribution d’essence et les contrats des brasseurs de bière. Dès lors que le prix n’était pas déterminé ou déterminable, la clause du prix était nulle. De 1971 à 1994, la jurisprudence s’est maintenue. En 1994, comme une préparation de revirement, la Cour de Cassation a indiqué que pour qu’il y ait atteinte, il fallait une preuve de mauvaise foi. Le 1er décembre 1995, l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation, sous la pression de l’Union Européenne et du droit international a décidé que le prix de la vente devait être déterminé par les parties. L’article 1129 ne s’applique donc plus au prix. L’indétermination du prix dans un contrat cadre n’affecte plus sa validité, sauf dispositions légales particulières. La France a alors cessé d’être une exception en Europe. Seul l’abus dans la fixation du prix est susceptible d’être sanctionné par la résiliation ou/et par l’octroi de dommages et intérêts. Résiliation : faculté, pour une personne, de mettre fin au contrat de manière unilatérale. Avec cet arrêt de l’Assemblée Plénière, non seulement on détache les règles des contrats cadres de l’article 1129, mais en plus, on opère un glissement du contentieux de la formation à l’exécution. On passe en quelque sorte de l’annulation à la résiliation.

2) La portée de la jurisprudence

Cette jurisprudence constitue l’abrogation prétorienne de l’article 1129 dès lors que l’on s’intéresse aux obligations de sommes d’argent. Mais la jurisprudence de 1995 ne se prononce que sur les contrats cadre. Est-elle cantonnée seulement à cela ou est-ce qu’elle est plus large ? La Cour de Cassation s’est prononcée sur la question dans un arrêt rendu par la 1e Chambre Civile le 25 février 2003. Une SCI avait obtenu un prêt immobilier auprès d’une autre. Elle use de la faculté de rembourser le prêt de manière anticipée. Or, existait dans le contrat une clause de paiement forfaitaire pour le remboursement du prêt en avance, mais la SCI ne voulait pas payer la somme forfaitaire, elle a donc agi en annulation de clause, en se prévalant de l’article 1129 puisque le montant de l’indemnité forfaitaire ne variait qu’en fonction de paramètres subjectifs. Au visa de l’article 1129, la Cour de Cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel qui donnait raison à la SCI en indiquant que l’article 1129 n’était pas applicable aux clauses intéressant le prix « en toutes matières. »

3) Le devenir de la jurisprudence

Depuis le début des années 2000, le contentieux s’est quasiment tari. Même si la Cour de Cassation n’a pas juridiquement défini l’abus, il doit être compris du point de vue de son effet. Il y a abus chaque fois que le débiteur du prix est évincé du marché, ce qui implique des sommes rarement atteintes. Il est clair que la cour régulatrice a opté pour la solution la moins contrôlable car elle veut faire confiance au marché.

II La chose doit exister

Cette question de l’existence de la chose doit être traitée différemment selon que l’on est en présence d’une chose présente ou d’une chose future.

  1. La chose présente

Lorsque le contrat porte sur une chose présente, celle-ci doit exister, c’est-à-dire qu’une existence matérielle doit être constatée ou à défaut un droit sur celle-ci.

L’existence matérielle s’entend, au moment où le contrat est passé, d’une chose qui a péri alors que les parties l’ont ignoré. Si la perdition d’une chose suscite l’ignorance des parties, le contrat est entaché de nullité. Le Code Civil fait référence à cette situation, en matière de vente, à l’article 1601 : « Si au moment de la vente la chose vendue était périe en totalité, la vente serait nulle. Si une partie seulement de la chose est périe, il est au choix de l’acquéreur d’abandonner la vente, ou de demander la partie conservée, en faisant déterminer le prix par la ventilation. » On peut cependant ignorer la perdition d’une chose intemporelle dans certains cas. Il ne faut pas confondre cette situation avec celle où la chose a péri après que le contrat ait été conclu (c’est le transfert des risques).

Le droit sur la chose vise le cas où le vendeur vend une chose dont il n’est pas propriétaire. Il ne le fait pas nécessairement avec l’intention de tromper le cocontractant. Exemple : parcelles non-délimitées correctement. Adage : «On ne peut pas céder plus de droits qu’on en a. » L’article 1599 du Code Civil énonce cette règle de la nullité lorsqu’est vendue la chose d’autrui : « La vente de la chose d’autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l’acheteur a ignoré que la chose fût à autrui. » Ceci dit, la vente n’est nulle que lorsque le transfert de propriété a lieu immédiatement. En effet, un contrat portant sur une chose qui est transférée ultérieurement est possible. Si la vente n’est pas retardée (si aucune date n’est spécifiée), l’article 1583 s’applique, ce qui entraîne l’application de l’article 1599. Le bail de la chose d’autrui est-il nul ? Non, car ce n’est pas un contrat translatif de propriété. En revanche, le bailleur se trouve dépossédé de son droit et la jurisprudence déclare parfois de tels baux inopposables à l’égard des « vrais » bailleurs.

  1. La chose future

On peut considérer que la vente d’un objet à fabriquer est légale, puisque l’objet à fabriquer est une chose future. Exemple : les contrats de construction. Le Code Civil évoque cette situation dans ce que l’on appelle les ventes d’immeubles à construire aux articles 1601 et suivants (loi du 16 juillet 1976). Ces contrats ne font pas l’objet d’une règlementation spécifique.

Pour ce qui est des contrats aléatoires, il y a deux possibilités : soit on est dans l’aléa le plus total (vente d’un espoir) et le contrat porte sur l’espoir d’avoir une chose (vente de récolte, de pêche…), donc j’ai accepté les risques ; soit chacun est en mesure de savoir quel sera le contenu de la prestation de l’autre.

Dans ce type de contrats qui ne sont en fait plus aléatoires, le prix ne sera payé qu’au jour où la chose sera achevée. Cette possibilité de contracter sur une chose future bute néanmoins sur la règle énoncée à l’article 1130 alinéa 2 du Code Civil qui évoque les pactes de succession future : « On ne peut cependant renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s’agit, que dans les conditions prévues par la loi. » Le plus souvent, les parties font le choix de rendre ce contrat commutatif.

III La chose doit être licite

L’article 1128 traite de la licéité de la chose : « Il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions. »

Lorsqu’on envisage ce texte, on pense notamment aux éléments du corps humain et à ses produits qui en sont donc exclus. De tout temps, on a considéré que lorsqu’un commerçant vendait son fond de commerce, il vendait sa clientèle. On estime que celle-ci n’est pas attachée au commerçant mais au fond de commerce lui-même. Traditionnellement, pour ce qui est des clientèles civiles, c’est-à-dire des clientèles de personnes exerçant des professions libérales (médecins, notaires…), on considérait qu’elles étaient attachées à la personne, d’où le fait que la jurisprudence ait annulé tous les contrats mentionnant les cessions de clientèle. Cette position était gênante, et la pratique a trouvé des moyens indirects pour ne pas tomber sous le coup d’une condamnation. La Cour de Cassation validait les contrats aux termes desquels une « présentation » de la clientèle était faite. Le droit de présentation est monnayable. Elle validait également les clauses de non-concurrences obligeant un cessionnaire à ne pas s’installer dans le même périmètre. Donc, cette connivence de la Cour de Cassation vis-à-vis d’une pratique consistant à contourner une position sur laquelle elle s’arcboutait était une pure hypocrisie. La Cour de Cassation, en sa 1ère Chambre Civile, a fini par reconnaître la cession de clientèle dans une décision du 7 novembre 2000 et par la même l’existence d’un fond libéral. Aujourd’hui, la clientèle civile est cessive, la seule limite posée est que sa cession ne doit pas porter atteinte au libre choix du patient de choisir son praticien le cas échéant. Finalement, L’aspect intuitu personae tend à s’estomper des contrats en raison du regroupement des professions libérales.

Section 4 : La cause

C’est le dernier point abordé par l’article 1108. Il est précisé aux articles 1131 à 1133 du Code Civil. La licéité de la cause est un concept ayant donné lieu à une grande recherche, à une grande réflexion. La cause est une exception française. Elle n’est pas définie dans le Code Civil. Elle répond à la question : pourquoi c’est dû ? Elle se définit comme la raison pour laquelle on a voulu. Elle ne correspond pas à l’idée de la vie courante et même sur le plan juridique, elle revêt plusieurs acceptions et l’on a vu s’opérer un glissement de sa fonction. Dans le langage courant, elle évoque un évènement qui en engendre un autre. On retrouve cette idée en droit de la responsabilité civile. Ici, en droit des contrats, on va s’apercevoir que le pourquoi peut être le fait d’une réponse immédiate : je vends ma voiture pour en obtenir un prix (causa proxima). On dira que cette cause est objective car elle est indépendante. Si l’on fait intervenir la psychologie, il ne peut y avoir de réponse immédiate, on est dans une série de but donc on parlera de cause lointaine (causa remota) : je vends ma voiture pour obtenir de l’argent que j’utiliserai pour m’offrir un voyage. On dira que cette cause est subjective.

Paragraphe 1 : La notion de cause

On retrouve ici la cause objective et la cause subjective, appelée cause du contrat.

I La cause objective

  1. Présentation de la notion

Raison abstraite ou objective : raison immédiate qui me conduit à m’engager. Cette cause abstraite correspond à la théorie classique du Code Civil. On ne cherche pas ici les motifs individuels des contractants. Dans un contrat synallagmatique en particulier, la cause de l’obligation de l’une des parties réside dans l’obligation de l’autre. Chaque obligation se sert mutuellement de cause. Exemple : dans un contrat de bail, le bailleur veut obtenir un prix et le loueur la jouissance d’un bien pendant un certain temps. Les causes sont interdépendantes. C’est bien parce que cette permutabilité des causes existe que la plupart des projets de réforme (comme le Projet Terré) prônent la disparition de la cause. Sous l’effet de la jurisprudence, on peut douter de la permanence de la cause, même si elle la conserve.

  1. Discussion de la notion

1) Critiques formulées par les anticausalistes

Dans les contrats synallagmatiques, la cause est l’équivalent voulu. Les critiques des anticausalistes et notamment de Marcel Planiol peuvent trouver une certaine raison d’être lorsqu’on envisage la cause en dehors des contrats synallagmatiques.

C’est le cas dans les contrats unilatéraux réels. Est réel le contrat qui se forme par la remise de la chose. Le prêt à usage et le dépôt sont des exemples. La cause de l’emprunteur ou du dépositaire (donc du débiteur) dans ces contrats c’est la remise de la chose. La critique de la cause réside dans l’hypothèse suivante : imaginons que la chose n’ait pas été remise : le contrat ne voit pas le jour. Si le bien remis est hors commerce, il y a illicéité de l’objet, donc la cause ne sert à rien. Dans les contrats à titre gratuit, la cause ne peut résider dans une contrepartie quelconque puisque c’est son absence qui les identifie. Dans les contrats de donation, la cause réside dans l’intention libérale et la critique réside ici dans l’hypothèse suivante : s’il n’y a pas d’animus donandi, le contrat de donation ne voit pas le jour. Donc la cause est inopérante, de plus, ce qui est important dans les contrats à titre gratuit c’est de contrôler la licéité or on ne peut pas s’immiscer dans les sentiments des personnes pour le faire.

2) Valeur des critiques des anticausalistes

Effectivement, la conception objective (traditionnelle) de la cause ne demeure efficace que pour ce qui est des contrats synallagmatiques.

II La cause subjective

A la conception héritée du Code Civil, dite classique, une conception plus moderne de la cause est apparue. Elle reste attachée à des hommes comme René Capitant ou Jacques Maury. La conception subjective estime que la cause doit être un instrument de contrôle de la licéité du contrat. Classiquement, sous ce contrôle de la licéité, on groupait tout ce qui concerne l’atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Par exemple, est une atteinte aux bonnes mœurs l’achat d’une maison en vue d’en faire une maison de tolérance. S’il on s’acquiert à la conception classique de la cause, le contrat est valable. C’est le mobile qui n’est pas valable. D’où une conception nouvelle de la cause, permettant de contrôler la licéité du contrat. La jurisprudence (Cour de Cassation, Assemblée Plénière, 29 octobre 2004) considère que la donation faite à un concubin adultère n’est pas immorale.

Avec la cause subjective sont nées plusieurs questions. S’il on tenait compte de tous les motifs, on s’épuiserait dans des recherches sans fin. Donc, la jurisprudence, sur les conseils de la doctrine, s’accorde à ne reconnaître que les motifs déterminants. On ne tient pas compte des motifs secondaires. Comment reconnaître les motifs déterminants ? La jurisprudence considère que dès lors que parmi l’ensemble des motifs, il y en a un qui est illicite ou immoral, alors celui-ci est le motif déterminant. Cette démarche est critiquée comme étant artificielle. Le contrat va être annulé à moins d’une jurisprudence évolutive. Ce fut le cas en matière des contrats de courtage matrimonial. En effet, une décision de la Cour de Cassation datée du 4 novembre 2011 a ici désactivé la cause : « […] le contrat proposé par un professionnel, relatif à l’offre de rencontres en vue de la réalisation d’un mariage ou d’une union stable, qui ne se confond pas avec une telle réalisation, n’est pas nul, comme ayant une cause contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, du fait qu’il est conclu par une personne mariée […] » Ainsi, le contrôle de la licéité par la cause est annihilé. Cette décision semble être une conséquence de l’atteinte au devoir de fidélité, du fait de la contractualisation du droit de la famille, rendue possible par une sorte d’indifférence à son égard. La Cour de Cassation a opéré, par cette décision, une assimilation entre le licite et le moral, assimilation qui s’est faite au profit de l’ordre public.

Un deuxième problème peut être attaché à la cause. Peut-on tenir compte d’un motif illicite ignoré par l’autre partie ? Le vendeur n’est pas censé connaître le but illicite. On s’est demandé si prononcer la nullité alors qu’une partie était de bonne foi ne pouvait pas être choquant. Henri Capitant a proposé de retenir le mobile illicite comme cause de nullité uniquement s’il avait été commun aux deux parties, c’est-à-dire si les deux parties avaient poursuivi un but illicite en commun. Sa proposition a connu un succès mitigé car le mobile illicite n’est jamais commun aux deux parties. La doctrine a modifié cette proposition doctrinale et a considéré que pour qu’il y ait annulation il faut que le but illicite soit connu des deux parties, il faut donc que le mobile illicite entre dans le champ contractuel. Cette interprétation a été ratifiée par la jurisprudence en tout cas dans les contrats à titre onéreux (Cass., 1ère Civil. 4 janvier 1956).

Ceci étant, elle a évolué et, tenant compte d’un certain nombre de désagréments, elle a considéré que les hypothèses de nullité n’étaient plus assez nombreuses. D’où son revirement du 7 octobre 1998. La 1ère Chambre Civile a énoncé une solution contraire à celle en vigueur jusqu’alors : «Un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale même lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat. » Le contractant de bonne foi peut agir en nullité, même s’il n’a pas eu connaissance de l’intention de son contractant. Pour celui-ci, dans la mesure où l’on admet que la nullité pour cause illicite est absolue, il peut se prévaloir de son immoralité et demander l’annulation. Néanmoins, le droit fait application de l’adage «Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. » et le contrat sera annulé sans que le cocontractant récupère les sommes qu’il a engagées.

Paragraphe 2 : Les fonctions de la cause

S’il on revient à l’article 1131 du Code Civil, on se rend compte que la cause doit exister, qu’elle doit être licite. Par rapport à l’existence de la cause, on utilisera sa première conception, la conception objective. Par rapport à la licéité, on utilisera sa conception moderne, subjective, qui va ici jouer un rôle de protection sociale.

I L’existence de la cause

  1. La notion d’absence de cause

L’article 1131 sanctionne l’absence de cause. Comment se prouve l’absence de cause ?

1) La cause, équivalent voulu

Dans l’hypothèse des contrats à titre onéreux, l’obligation ne peut exister sans cause objective. Cette règle ne concerne pas les contrats à titre gratuit où c’est l’intention libérale qui sert de cause à l’obligation. Traditionnellement, le contrôle du juge ne va concerner que l’absence totale de cause, c’est-à-dire l’absence totale de contrepartie. Donc, l’insuffisance de contrepartie ne peut constituer un fondement de la lésion. On ne peut pas revenir sur ce qui a été décidé par les parties. La cause est l’équivalent voulu.

2) La cause, instrument de rééquilibrage

Le mouvement d’affranchissement a abouti à se servir de la cause comme un instrument de rééquilibre du contrat. Donc, à côté de la cause « équivalent voulu », il y a des tentatives jurisprudentielles d’équilibrage social. La cause suppose une contrepartie, l’équivalent voulu, la catégorie abstraite. Cela va permettre au juge de lutter contre les engagements les plus déséquilibrés. Cette règle est appréhendée différemment selon qu’on est dans un contrat commutatif ou dans un contrat aléatoire. Il faut que le contractant s’engage à donner ou à faire une chose regardée comme l’équivalent de ce qu’on lui donne ou de ce que l’on fait pour lui.

La jurisprudence considère que dans un contrat commutatif, on se trouve dans une conception objective et non subjective. L’équivalence est regardée telle qu’elle a été voulue au contrat, il n’y a pas d’immixtion du juge. Dans cette conception, seule l’absence de cause va entraîner l’annulation du contrat. Question de l’absence partielle de cause : sur ce point, la jurisprudence a évolué puisque dans un premier temps, elle annulait pour défaut mais pas pour insuffisance. Puis est intervenue la décision du 11 mars 2003 émanant de la 1ère Chambre Civile. Celle-ci a considéré que l’absence partielle de cause entraînait la réduction de l’acte à la mesure de la fraction subsistante. C’est une sorte de réfaction. Mais cette solution n’a pas perduré. Le 31 mai 2007, la même chambre est revenue sur sa position de 2003 et a exclue ces « ersatz de réfaction » du champ des contrats synallagmatiques en les limitant aux seuls actes unilatéraux.

Dans les contrats aléatoires, la situation est tout autre : les contractants s’engagent non pas au vu d’une contrepartie fixée mais dans l’espoir de recevoir une prestation plus importante que la leur. Conclure un contrat aléatoire, c’est faire un pari. La cause résidant dans l’aléa, le contrat va être annulé pour absence de cause dès lors que la chance de gain ou le risque de perte font défaut. En l’absence d’aléa, le contrat aléatoire est nul pour absence de cause. Exemple : une assurance contractée sur un bien déjà détruit, un contrat de rente viagère conclu sur une personne déjà décédée ou qui décède d’une longue maladie dans les 20 jours (articles 1974 et 1975 du Code Civil) et parfois, les contrats de révélation de succession.

Depuis une vingtaine d’années, les juges sont sensibles au désir de rééquilibrage des contrats le cas échéant. Pourtant, en se tenant à la lettre et à l’esprit du Code Civil de 1804 il n’y a pas de place pour une conception équilibratrice de la cause. Qu’à cela ne tienne, l’article 1131 a été déformé dans ce sens.

On assiste à un renouvellement et parfois même à un approfondissement de la cause, à une subjectivation (qu’on ne confondra pas avec la conception subjective de la cause) de la cause de l’obligation, qui est une manifestation de la volonté des juges de rééquilibrer les contrats. Ce renouvellement va viser la notion de cause, la fonction de cause et parfois sa sanction.

  1. a) Le renouvellement de la notion

L’arrêt fondateur de ce renouvellement de la notion de cause est l’arrêt dit Point club vidéo, rendu par la 1ère Chambre Civile le 3 juillet 1996. Dans cette affaire, un couple avait crée un vidéo club dans un village de 1314 habitants. Ils ont conclu à cet effet un contrat de location de cassettes vidéo. Ils font de mauvaises affaires et en arrivent à ne plus payer les loyers. Le bailleur les assigne en justice mais le couple évoque la nullité de contrat pour défaut de cause. La Cour de Cassation leur donne raison et indique en substance que : «Le contrat est dépourvu de cause dès lors qu’est constaté le défaut de toute contrepartie réelle à l’obligation de payer le prix de location des cassettes en raison de l’impossibilité d’exécuter le contrat selon l’économie voulue par les parties. »

Or, l’on s’en tient à la cause comme « équivalent voulu », qui est la définition objective de la cause, celle-ci existait : il y avait la location des cassettes afin de les diffuser d’une part et la perception des loyers d’autre part. Mais la Cour de Cassation a adopté une conception « subjectivée » de la cause et a considéré, en l’espèce, qu’elle n’existait pas puisque l’objectif de diffusion ne pouvait être atteint en raison d’un manque de clientèle. C’est la cause qui est évoquée dans cette affaire, puisque la Cour de Cassation donne raison à la Cour d’Appel au visa de l’article 1131. Il serait pourtant plus logique de parler d’économie du contrat.

La Cour de Cassation prend en compte les mobiles du contractant et si, d’un certain point de vue, cela peut permettre de rééquilibrer le contrat, de l’autre c’est une atteinte à la sécurité juridique. Il est ainsi bien plus facile de remettre en cause un contrat pour défaut de cause. Par ailleurs, l’erreur sur les motifs n’est pas prise en considération, ce qui n’est pas cohérent puisque c’est en fait de cela dont il s’agit. Oui, la fausse cause, qui est assimilée à l’absence de cause dans cette conception « subjectivée » de la cause, est assimilée à une erreur sur les motifs. La Cour de Cassation opère une assimilation entre motif et cause, ce qui sème le désordre dans le droit positif.

Lorsque cet arrêt a été rendu, le contexte était propice à la subjectivation de la cause. Mais progressivement, les juges, sous l’effet des commentaires de la doctrine, sons venus tempérer leur position. Ainsi, dans un arrêt du 13 février 2001, la même Chambre, dans une affaire d’annulation d’un contrat de vente concernant un immeuble acheté dans le but d’opérer une défiscalisation a rejeté la demande d’annulation du contrat qui lui était faite. Ici, le contentieux s’est porté sur le terrain de l’erreur sur la cause. En suivant la jurisprudence de 1996, cela aurait dû conduire à l’annulation du contrat. Mais la Cour de Cassation, dans un revirement total, indique en substance que : «L’absence de satisfaction du motif considéré alors même que ce motif était déterminant et connu de l’autre partie ne peut entraîner l’annulation du contrat sauf si une stipulation l’avait fait entrer dans le champ contractuel. » C’est le retour de la logique civiliste.

A la suite de cette jurisprudence, on s’est demandé si la subjectivation de la cause était finie.

Effectivement, à son tour, dans un arrêt du 28 avril 2010, la Chambre Commerciale a opéré un revirement jurisprudentiel.

Un ensemble contractuel comporte plusieurs contrats et lie le sort d’un contrat au sort d’un autre. Cette notion a été consacrée par la jurisprudence. Le contractant peut solliciter l’annulation de l’ensemble contractuel dès lors qu’un seul des contrats est défaillant. Cette situation est fréquente et le législateur s’en est préoccupé pour le consommateur, il existe ainsi une indivisibilité légale de l’ensemble contractuel en matière de contrats de consommation. La question était donc de savoir si cette interdépendance allait jouer lorsque le législateur n’avait rien dit. La jurisprudence a essayé de la faire jouer, et pour cela, elle se référait à la cause. Elle considérait que la cause de l’un servait la réalité de l’autre. Si la cause d’un contrat disparaît, l’autre est anéanti. Ainsi, pendant une dizaine d’années, la jurisprudence s’est toujours fondée sur la cause de l’article 1131 en la déformant quelque peu (en l’utilisant au stade de l’exécution du contrat). Elle a fait cela jusqu’à cet arrêt du 28 avril 2010.

Jusqu’alors la jurisprudence admettait l’annulation pour défaut de cause. Dans cet arrêt, elle a dit non, il n’y a pas d’indivisibilité. Elle est revenue à une conception objective de la cause qui suppose qu’elle doit exister au moment de la formation du contrat mais pas nécessairement après. Ce faisant, la Cour de Cassation est revenue sur la cause subjectivée et sur le fait qu’est vérifiée son existence au moment de la formation du contrat.

  1. b) Le renouvellement de la fonction de cause

En vérifiant l’existence de la cause, la Cour de Cassation va se livrer à un contrôle de proportionnalité. L’évolution qui s’est faite en la matière a trouvé son point d’orgue en ce qui concerne le contrôle de la clause de non-concurrence. On citera à cet égard un arrêt de la 1ère Chambre Civile du 11 mai 1999 qui a pris en compte la proportionnalité. La Cour de Cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel sur le fondement de l’article 1131 du Code Civil : « [La Cour d’Appel, en se déterminant ainsi] sans rechercher si cette clause était proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, compte tenu de la durée du contrat et du lieu d’exercice de la profession, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé […] » Il s’agissait dans cette affaire de plusieurs médecins liés par un contrat. L’un d’entre eux a souhaité rompre l’association et violer la clause de non-concurrence en exerçant dans la « zone interdite ». La Cour a considéré que la clause de non-concurrence n’était pas valable, elle a indiqué que puisqu’il n’y a pas d’équivalence économique, la cause était dépourvue de contrepartie et que le contrat pouvait être annulé. Parfois, dans certains de ses arrêts, la Cour de Cassation n’évoque pas le contrôle de proportionnalité en tant que tel, mais sous un angle détourné.

  1. c) Le renouvellement de la sanction de l’absence de cause

Classiquement, la sanction de l’absence de la cause est la nullité du contrat. Dans leur recherche de renouvellement, les juges vont sanctionner, de manière originale, la clause dépourvue de cause. C’est l’avènement de ce qu’on appelle l’obligation essentielle. Au terme d’une évolution mouvementée, la jurisprudence considère désormais que lorsqu’une clause, quelle qu’elle soit (exemple : une clause limitative de responsabilité), doit être annulée dès lors qu’elle contredit la portée de l’obligation essentielle prise par le débiteur. Le contentieux a été illustré par les arrêts « Chronopost ». Cette société facture de manière importante les envois mais elle garantit en contrepartie leur célérité. En l’espèce, une société avait souhaité candidater à un appel d’offre au dernier moment via un pli délivré par Chronopost, mais contrairement à l’engagement de celui-ci, il n’a pu être délivré dans les 24 heures, d’où un important préjudice pour ladite société. Sur le fondement de l’article 1131, elle a alors assigné Chronopost en justice en indiquant que la société n’avait pas respecté son obligation essentielle et que la clause limitative de responsabilité était nulle car elle contredisait la portée de cette obligation essentielle, ce qui la rendait nulle à son tour. La Cour de Cassation, dans un arrêt du 22 octobre 1996 (le premier arrêt « Chronopost ») a accueilli favorablement les demandes comme l’analyse. En 2012, après plusieurs tergiversations, la Cour de Cassation annule toujours les clauses qui contredisent la portée de l’obligation essentielle sur le fondement de l’article 1131. La sanction normale d’un contrat dépourvu de cause est l’annulation dudit contrat puisque l’obligation de célérité est l’obligation essentielle. Mais au lieu de cela, la Cour de Cassation décrète que la clause est « réputée non écrite ». C’est comme si elle n’existait pas. Le contrat reste valable et le demandeur peut être indemnisé à hauteur de son préjudice sous réserves des dispositions règlementaires établissant un montant d’indemnisation maximal. Ce mécanisme se rapproche d’une nullité partielle. Récemment, le législateur est intervenu pour « nullifier » les clauses abusives.

  1. d) Le dépassement de la cause

La doctrine comme la jurisprudence, constant l’inadaptabilité de la cause ont tenté de faire appel à des mécanismes juridiques concurrents pour obtenir les effets juridiques souhaités. Ainsi, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 15 février 2000 a admis que la destruction d’un contrat puisse se répercuter sur un autre (affaire : contrat de publicité et contrat de crédit bail ; la société de publicité ayant cessé son activité, le pharmacien a cessé de payer). Le crédit-bailleur a assigné le pharmacien en justice mais au terme de la procédure, la Cour de Cassation a décidé de tenir pour non-écrite la clause indiquant que le pharmacien se devait de régler ses loyers même en cas d’anéantissement du contrat de publicité, puisqu’elle est en contradiction avec l’économie générale du contrat d’où l’anéantissement du crédit-bail. La Cour a recours à des substituts pour déclarer les contrats nuls car la cause de l’article 1131 est inefficace. D’où la volonté des auteurs de supprimer cette notion de cause du Code Civil.

  1. La preuve de l’absence de cause

La notion de preuve est traitée par l’article 1315 du Code Civil. La preuve de l’absence de cause est légale, car il s’agit d’un acte juridique. La question de la preuve s’est notamment posée à propos des billets non causés, comme les reconnaissances de dettes. Est-ce qu’elles constituent le paiement d’une dette de jeu ? L’acte est-il à priori valable ou est-ce que le demandeur du titre doit prouver que l’acte a une cause ? L’article 1132 du Code Civil indique que la convention n’est pas moins valable quoi que la cause n’en soit pas exprimée. Ainsi, par interprétation de ce texte, l’existence de la cause est présumée et le créancier peut réclamer l’exécution de l’obligation sans avoir à établir la cause de l’engagement, mais cette condition est réfragable et il appartient au débiteur qui veut se soustraire de son obligation de prouver une éventuelle absence de cause. Celui-ci prouve contre un fait et pourra apporter la preuve par tout moyen.

II La licéité de la cause

L’article 1131 du Code Civil indique que l’absence de cause ou la cause illicite font encourir la nullité à la convention. Il nous faut compléter ce texte par l’article 1133 : la cause est illicite quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou quand elle est contraire à l’ordre public. L’article 6 évoque lui aussi cette notion de bonnes mœurs. En fait, à une nuance près, ces textes se répondent mot pour mot alors que l’article 6 a été envisagé à propos de l’objet du contrat. Ainsi, l’objet illicite d’un contrat est sanctionné de la même manière que la cause illicite.

Seuls 12 textes du Code Civil évoquent l’ordre public sur plus de 2600, dont les articles 6 et 1133. Par ce biais, on peut assurer un contrôle de conformité du contrat par rapport à l’objet et à la cause. La jurisprudence et la doctrine ont tendance à ne pas reconnaître aux bonnes mœurs une réalité autonome, qui sont regardées comme ayant une coloration morale et éthique. La jurisprudence témoigne de cette déliquescence des bonnes mœurs.

Dans les contrats à titre onéreux, c’est l’objet des contrats qui, de près ou de loin, heurte l’ordre public. Entre dans celui-ci l’atteinte aux droits fondamentaux et l’atteinte à la personne humaine. Un contrat est présumé avoir une cause licite, et face à l’illicéité se pose la question de savoir de quelle sorte de nullité il peut être entaché. Absolue ou relative ? La nullité relative concerne les dispositions d’ordre privé, la nullité absolue concerne les dispositions d’ordre général (intérêt général). La nullité absolue intervient donc lorsqu’une atteinte à l’ordre public a été constatée. En matière d’ordre public économique, les contrats touchant l’ordre public de protection sont susceptibles d’être entachés d’une nullité relative et les contrats touchant l’ordre public de direction sont susceptibles d’être entachés d’une nullité absolue.

Soustitre II. La sanction des conditions de validité du contrat

Introduction

La nullité consiste en l’anéantissement rétroactif du contrat.

La responsabilité civile est égale à la responsabilité délictuelle. La nullité peut se combiner avec la responsabilité civile. La nullité est provoquée lorsque les critères de formation du contrat n’ont pas été observés. On distinguera la nullité de ses notions voisines.

Nullité et caducité. Celle-ci n’est pas envisagée dans le Code Civil mais dans le projet Terré (article 89). La caducité est l’anéantissement du contrat sans rétroactivité en raison de la disparition d’un élément nécessaire à sa validité, postérieurement à sa formation donc en cours d’exécution, alors que la nullité est rétroactive et vient sanctionner un contrat dont un des éléments essentiels était manquant dès le départ. La caducité intervient toujours indépendamment de la volonté des parties. Le projet Terré consacre la caducité et considère que même lorsqu’un contrat est subordonné à un autre dont un élément extrinsèque fait défaut, il est caduque. C’est la reconnaissance d’un lien d’indivisibilité entre deux contrats : lorsque l’un disparaît l’autre devient caduque.

Nullité et inexistence. L’inexistence est une notion doctrinale utilisée parcimonieusement par la jurisprudence. Elle a été introduite au XIXème siècle. Ainsi, pour ce qui est du mariage, il n’y a pas de nullité sans texte. D’où l’idée : peut-on annuler un mariage si on est en présence d’une nullité virtuelle (une nullité sans rapport avec les textes) ? La jurisprudence a indiqué que le mariage n’était pas annulé mais inexistant.

L’inexistence, en jurisprudence, n’a pas été consacrée tel que le souhaitait la doctrine. La jurisprudence lui a donné le même régime que celui de la nullité absolue dans un arrêt de 1932. La jurisprudence l’a fait en matière de mariage, en matière de société… En droit contractuel, on a pu l’utiliser dans des hypothèses où l’on estimait qu’un prix dérisoire était inexistant. L’inexistence a aussi connu un regain d’intérêt au travers de la requalification, mécanisme très utilisé en droit du travail. La démarche du juge est une démarche qui vise à constater l’inexistence. Ainsi, pour ce qui est des contrats d’apprentissage, la jurisprudence indique qu’ils n’existent pas en tant que tel (ils sont inexistants) et elle les requalifie en CDI.

Nullité et inopposabilité

L’inopposabilité rend un acte inefficace à l’égard des tiers, il n’affecte pas sa validité entre les parties. Exemple : une vente est valable entre les parties, s’il n’y a pas d’actes authentiques faits, elle ne sera pas opposable aux tiers. L’inopposabilité sanctionne une imperfection, l’inobservation d’une règle exigée pour que l’acte puisse être opposable.

Nullité et régularisation

C’est un mécanisme qui, en supprimant l’imperfection qui affectait le contrat ou en accomplissant la formalité qui manquait, restaure les effets juridiques du contrat. Exemple : il est possible de régulariser un contrat en se rendant chez le notaire pour effectuer les formalités qui permettront l’inopposabilité de l’acte aux tiers.

Nullité et résolution

La nullité affecte un élément nécessaire à la formation du contrat alors que la résolution sanctionne un manquement d’une partie lors de l’exécution du contrat. En revanche, nullité comme résolution emportent en principe un effet rétroactif.

Chapitre 1 : La classification des nullités et leur régime

Section 1 : La classification des nullités

Il existe deux conceptions théoriques de la nullité : la théorie classique et la théorie moderne (début XXème siècle). La jurisprudence fait aujourd’hui coexister l’une et l’autre. Tantôt, c’est la théorie moderne, tantôt la théorie classique qui est consacrée.

Paragraphe 1 : La théorie classique des nullités

Dans la théorie classique, le contrat est assimilé à un être humain composé d’organes. Dans cette perspective, la défaillance d’un organe affecte l’organisme entier. C’est le critère de la gravité qui fait la nullité relative ou absolue.

Soit l’acte est simplement valable : il est donc susceptible d’être guéri et il va pouvoir survivre, on parlera alors de nullité relative, à laquelle est attaché un régime qui permet, par la confirmation, d’éviter l’anéantissement de l’acte.

Soit l’acte est quasiment mort-né et on va considérer qu’il ne peut accéder à la vie juridique. La nullité sera alors absolue. Il n’aura pas ici pas la possibilité de confirmer l’acte.

Cette théorie a été très critiquée, mais le régime actuel des nullités repose sur les bases qu’elle a établies. Au début du XXème siècle, Japiot a reproché à la théorie classique des nullités son artificialité et l’assimilation qu’elle faisait entre le contrat et un organisme. Il faisait aussi valoir que cette théorie avait des limites : la capacité est envisagée par l’article 1108, de la même manière que les autres causes de nullité. Pourtant, le défaut de capacité est sanctionné par la nullité relative à l’inverse, potentiellement, du défaut de cause. Aujourd’hui, le défaut de cause est néanmoins également sanctionné par la nullité relative.

Paragraphe 2 : La théorie moderne des nullités

Avec cette théorie, on change de registre. Il n’est plus question d’assimiler le contrat à un être humain. Ici, la nullité est considérée comme un droit de critique contre un acte qui ne respecte pas certaines dispositions légales. Elle est conçue comme le moyen de rétablir la légalité d’une situation. Au nom de cette conception, la distinction entre nullité absolue et relative est maintenue. Mais ça n’est plus la gravité qui est prise en compte, c’est la finalité de la nullité. Sa nature sera déterminée par le type d’intérêts que l’on souhaite protéger en la mettent en œuvre. S’il s’agit de protéger des intérêts particuliers, on utilisera la nullité relative (par exemple pour sanctionner un défaut de consentement). S’il s’agit de protéger l’intérêt général, on utilisera la nullité absolue (par exemple pour sanctionner un défaut d’objet, de cause). Les auteurs critiquent aussi cette nullité pour ses lacunes. En effet, avec elle, les distinctions pures cèdent la place à des distinctions moins tranchées, car il est souvent difficile de savoir ce qui porte atteinte à l’intérêt général et ce qui porte atteinte à l’intérêt particulier. Souvent l’intérêt général s’exprime au travers de la protection d’un intérêt personnel. La plupart du temps, le manquement à l’ordre public de protection est sanctionné par la nullité relative et le manquement à l’ordre public de direction par la nullité absolue, comme déjà expliqué page 55. On s’est rendu compte que l’on était aujourd’hui en présence d’un ordre semi-public, d’où une véritable hybridité de la règle.

Section 2 : Le régime des nullités

Paragraphe 1 : Les conditions de l’annulation

Elles sont différentes en fonction du de la nature de la nullité : absolue ou relative.

I L’attribution du droit d’invoquer la nullité

On se demande qui peut agir en nullité.

  1. Les titulaires de l’action en nullité relative

L’action en nullité relative ne peut être invoquée que par la ou les personnes que la loi souhaite protéger. Il n’y a qu’elles qui peuvent agir en justice. Sont concernées en premier lieu la partie au contrat, et en second lieu les ayant cause universels ou à titre universel. Les ayant cause universels détiennent tous les droits d’une personne Exemple : les héritiers d’une personne décédée, on dit qu’ils « continuent » la personne du défunt. Les ayant cause à titre universel ne détiennent qu’une fraction du patrimoine d’une personne décédée. Les ayant cause à titre particulier ne détiennent qu’un seul droit d’une personne décédée et ne peuvent demander la nullité. Sont concernés enfin en troisième lieu les tiers aux contrats. Par exemple, les personnes titulaires d’un droit de préemption ou d’un droit de préférence ont un droit de nullité voire de substitution en cas de fraude de l’acheteur dans ce dernier cas.

  1. Les titulaires de l’action en nullité absolue

L’action en nullité absolue peut être invoquée par toute personne intéressée, c’est-à-dire toute personne qui a un intérêt à agir. Il s’agit là de la protection de l’intérêt public c’est pourquoi de nombreuses personnes peuvent la demander. Ainsi, tous les contractants, tous les ayant cause, le ministère public, les créanciers chirographaires d’un des contractants (ceux qui ne bénéficient pas de privilèges, seulement de leurs créances) peuvent demander la nullité absolue d’un contrat. Il existe deux sortes d’actions que peuvent effectuer les créanciers : les actions obliques (le créancier exécute des droits et des actions au nom de son débiteur) et les actions pauliennes (le créancier engage une action contre son débiteur lorsque celui-ci est convaincu de fraudes).

II La question de l’extinction

On se demande jusqu’à quand il est possible d’agir en nullité.

Deux hypothèses doivent être ici évoquées. L’hypothèse dans laquelle le contractant qui serait en droit d’agir en nullité y renonce, c’est la confirmation et l’hypothèse de la prescription.

  1. La confirmation

La confirmation est l’acte unilatéral par lequel une personne renonce au droit d’invoquer la nullité après la découverte du vice affectant le contrat. Nous étudierons les conditions de la confirmation puis ses effets. Elle ne peut être effectuée que pour protéger des intérêts personnels, elle ne peut donc empêcher qu’une nullité relative.

1) Conditions de la confirmation

  1. a) Les conditions de fond

Les conditions de fond visent à la fois l’acte annulable et l’acte confirmatif.

L’acte annulable ne peut être atteint que d’une nullité relative et cela que ce soit dans la théorie classique ou dans la théorie moderne, puisqu’il s’agit de protéger une personne déterminée. On ne l’empêche donc pas de renoncer à exercer sa prérogative de nullité.

Pour l’acte confirmatif, la logique commande que les personnes qui ont qualité pour confirmer un acte entaché de nullité soient celles qui ont les qualités pour en demander l’annulation.

L’article 1338 du Code Civil indique que l’auteur de la confirmation doit avoir non seulement connaissance du vice, mais qu’il doit aussi avoir manifesté l’intention de maintenir en vie le contrat. La confirmation ne peut intervenir qu’après que l’acte ait été conclu. On ne peut renoncer par avance à demander la nullité d’un acte annulable. En d’autres termes, le consentement doit être libre et éclairé.

L’article 1674 indique que si un vendeur a été lésé de plus des 7/12, et même s’il s’est engagé dans le contrat à ne pas demander la rescision, il peut le faire néanmoins. L’article 1304 précise que si l’auteur de la confirmation met en œuvre son pouvoir de confirmation avant que la cause de nullité n’ait lieu, c’est son consentement qui serait entaché de nullité. Ainsi, toujours d’après cet article, le temps de la prescription ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

  1. b) Les conditions de forme

Le consentement à l’annulation n’est pas forcément express, il peut être tacite. Il faut seulement qu’il n’y ait pas de doute quant à la volonté du contractant.

S’agissant de la confirmation expresse, l’article 1338 indique que l’acte confirmatif doit comporter trois éléments : il doit mentionner les éléments essentiels du contrat confirmé, il doit comporter l’indication de la nature du vice affectant le contrat et la mention de l’expression formelle de la volonté de l’auteur de l’annulation. Si un de ces éléments manque, la jurisprudence considère que l’acte confirmatif est un acte incomplet, elle va donc l’assimiler à un commencement de preuve par écrit.

S’agissant de la confirmation tacite, le même article indique qu’il suffit que l’obligation soit effectuée volontairement après que l’obligation puisse être valablement confirmée ou ratifiée.

L’exécution volontaire n’est pas le seul mode d’exécution tacite, on peut envisager tout autre moyen pourvu qu’il révèle l’intention non équivoque de l’auteur de renoncer à son droit de faire valoir la nullité. La preuve de la confirmation tacite incombe à celui qui s’en prévaut. Il doit prouver qu’au moment où son cocontractant a accompli l’acte assimilé à une confirmation, celui-ci connaissait le vice et avait l’intention de « réparer » le contrat.

2) Effets de la confirmation

Entre les parties, la confirmation s’opère de manière rétroactive. Le contrat qui jusque là était entaché de nullité est alors considéré comme valable dès sa conclusion. La cause de nullité a disparu. Il ne peut plus être attaqué sur ce fondement là. Imaginons que plusieurs personnes aient qualité pour demander la nullité. Un vendeur et deux acheteurs (achat en indivision) : un seul des deux confirme l’acte. Cela n’empêchera pas l’autre, s’il le souhaite, de continuer à se prévaloir de la nullité de l’acte. En effet, pour que la confirmation soit pleinement efficace, il faut que tous les acheteurs confirment l’acte en question. Pour les tiers, l’article 1138 alinéa 3 indique que : « La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l’époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l’on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers. » Cette article trouve par exemple à s’appliquer dans les ventes des biens d’autrui.

  1. La prescription

1) L’action en nullité

Ici, nous envisageons l’hypothèse où la demande en annulation intervient par voie d’action. Il y a des cas où la nullité peut être soulevée par voie d’exception (au cours d’un procès).

Jusqu’à la réforme du droit de la prescription (mai 2008), le temps pour agir en nullité était différent selon que l’on mettait en œuvre une nullité absolue ou relative. Cette dernière pouvait être exercée dans un délai de 5 ans, selon l’article 1304 alors que la nullité absolue pouvait l’être dans un délai de 30 ans, selon le défunt article 2262, qui établissait le délai de prescription de droit commun. Désormais, le délai pour agir est de 5 ans d’après le nouvel article intéressant le délai de prescription de droit commun, l’article 2224. L’article 1304 reste applicable en ce qu’il indique que « temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts. »

Dans le projet de réforme Terré, l’article 83 prévoit que celui dont dépend la confirmation peut être mis en demeure par l’autre partie de se prévaloir de la nullité. À défaut de réponse dans un délai de six mois, il perd ce droit, que ce soit par voie d’action ou d’exception. Ce projet propose également de porter le délai pour agir en nullité absolue à 10 ans.

Liens entre confirmation et prescription : la confirmation est une renonciation à agir en nullité et la prescription intervient lorsque sans le vouloir, le titulaire du pouvoir de nullité a laissé passer sa chance. Au final, le résultat est le même.

2) L’exception de nullité

Le demandeur peut répondre avec une défense au fond. Il peut aussi répondre avec une défense sur la compétence. L’exception est une défense temporaire. Mais l’exception de nullité a la nature juridique d’une défense au fond. Adage : «Ce qui est temporaire quant à l’action est perpétuel quant à l’exception. » Quand est soulevée la nullité par voie d’exception, le délai de 5 ans n’est pas opposable. C’est un mécanisme qui ne fait pas l’unanimité, mais il est toujours utilisé et le projet Terré le consacre dans son article 84. Traditionnellement, en jurisprudence, il était admis que l’exception de nullité n’était valable que si le contrat n’avait connu aucune exécution.

Exemple : un contrat affecté d’une cause de nullité pour dol n’a pas fait l’objet d’une exécution pendant tout le délai de prescription de l’action en nullité. Après que ce délai ait été dépassé, l’auteur du dol demande l’exécution du contrat. La jurisprudence le déboutera en considérant qu’une demande en nullité n’est pas touchée par le délai de 5 ans.

Donc, pour que l’exception de nullité soit utilisée avec efficacité, il faut que le contrat annulable n’ait pas connu un commencement d’exécution. Dans un arrêt de la 1ère Chambre Civile du 20 mai 2009, la Cour de Cassation a cependant semblé opérer un revirement :

Attendu : « Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si la nullité invoquée était une nullité relative alors que seule une telle qualification la rendait inopposable en cas d’exécution de l’obligation découlant de l’acte, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés […] »

Ainsi donc, par cet arrêt, c’est seulement en cas de nullité relative que l’exécution de l’obligation découlant d’une convention rend inopposable l’exception de nullité. Dès lors, est annulé l’arrêt d’une cour d’appel qui rejette la demande de nullité d’une convention au motif que cette convention a reçu un commencement d’exécution et que l’exception de nullité peut seulement faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté. Donc, dès lors qu’est opposée l’exception de nullité à une demande d’exécution d’un acte entaché d’une nullité absolue, elle est opposable malgré le fait que le contrat ait commencé à être exécuté. Cette solution a été critiquée car elle va à l’encontre des règles sur le droit de la nullité.

Avec cette jurisprudence, il faut désormais que le contrat n’ait pas commencé à être exécuté, sauf si l’on requiert la nullité absolue. Un arrêt de la Chambre Commerciale du 26 mai 2010 indique par ailleurs : « La règle selon laquelle l’exception de nullité est perpétuelle ne s’applique que si l’action en exécution de l’obligation litigieuse est introduite après l’expiration du délai de prescription de l’action en nullité. Justifie, dès lors, sa décision, la cour d’appel qui, ayant constaté qu’au moment de leur assignation en exécution de leur engagement, des cautions se trouvaient dans le délai de cinq ans pour agir, par voie d’action, en nullité de leur engagement, déclare irrecevable l’exception de nullité soulevée après l’expiration de ce délai. »

Exemple : des époux se portent solidaires auprès d’un débiteur pour son emprunt. Celui-ci ne rembourse pas, et la banque se tourne vers les cautionnaires. Ceux-ci laissent passer le délai de 5 ans pour agir en annulation. La banque les assigne en justice mais les époux soulèvent alors l’exception de nullité. Celle-ci est irrecevable car elle ne peut compenser la négligence.

Section 2 : Les effets de la nullité

Lorsque l’on parle de nullité relative ou de nullité absolue, les effets sont absolument identiques. Dans l’un et l’autre cas, l’effet est l’anéantissement du contrat. La seule différence est que dans un cas, on veut protéger une personne déterminée, alors que dans l’autre, toute personne intéressée pourra agir en nullité, au nom de la protection de l’intérêt général.

L’annulation d’un contrat annulable n’est pas automatique, il faut faire une demande en justice à cet effet. C’est le juge qui va, après examen de l’action, décider s’il prononce l’annulation du contrat ou non. On distingue la nullité de droit et la nullité facultative.

La nullité de droit intervient en principe automatiquement, mais il faut à cet égard faire une demande en justice et seul le juge peut la prononcer à l’issue d’une procédure judiciaire. La nullité facultative est subordonnée au bon vouloir du juge qui peut annuler le contrat selon la volonté du requérant ou au contraire le maintenir.

Par exemple, en matière de franchise, une règle de droit indique que le franchiseur a obligation d’informer le franchisé. La sanction de cette obligation d’information est la nullité mais celle-ci n’est pas « de droit » et le juge peut décider de ne pas annuler, en l’espèce, s’il s’agit seulement d’une information incomplète. En somme, le vice est annulable mais le juge n’est pas tenu d’annuler. Dans tous les cas, l’effet de la nullité est l’anéantissement du contrat et elle est toujours prononcée par le juge.

Lorsque l’acte est anéanti, il est censé n’avoir jamais existé. Il faudra revenir au statu quo ante. L’hypothèse de l’étendue de la nullité mérite attention, de même que sa portée par rapport au caractère rétroactif qu’elle emporte normalement.

Paragraphe 1 : L’étendue de la nullité

Classiquement, la nullité affecte le contrat dans son ensemble. Mais elle peut seulement porter sur une des clauses du contrat qui, par exemple, ne répondrait pas à des règles légales. Ce peut être le cas par exemple de certaines clauses d’indexation. Parfois, le législateur indique qu’une nullité affectant un certain type de clause affecte, ou n’affecte pas, le contrat dans son ensemble. La question de l’étendue de la nullité se pose donc en l’absence de directives de la part du législateur et c’est ici que l’on a observé une évolution du droit positif. Deux textes du le Code Civil sont à priori antagonistes : l’article 900 d’une part et l’article 1172 d’autre part.

En effet, l’article 900 dispose : « Dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites. » tandis que l’article 1172 dispose lui : « Toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend. » L’article 900 indique que certaines clauses doivent être tenues pour non-écrites alors que l’article 1172 indique que d’autres font tomber l’ensemble du contrat.

La jurisprudence se réserve aujourd’hui le droit de ne faire tomber qu’une partie du contrat. Cette mesure se justifie par son efficacité et par sa portée proportionnée à la hauteur de l’atteinte. Exemple : un contrat de travail contenant une clause de non-concurrence nulle reste valable, et l’employé n’aura simplement pas à en tenir compte.

Le juge va rechercher si la clause était, dans l’esprit des parties, déterminante de leurs consentements. Si c’était le cas, le contrat est annulé dans son ensemble mais si ce n’était pas le cas, le contrat peut faire l’objet d’une nullité partielle.

Les parties peuvent, dans le contrat, guider le juge à cet égard. En particulier, il arrive qu’elles indiquent que « toutes les clauses du présent contrat sont considérées comme déterminantes du consentement ». Théoriquement, le juge est lié par ces clauses, la force obligatoire du contrat s’impose aux parties mais aussi aux juges. Cependant, aujourd’hui, le juge s’affranchit d’une interprétation littérale des clauses contractuelles, il ne précise plus la loi, il est devenu une véritable source du droit. Il se réserve ainsi la possibilité, au delà de la lettre du texte, de vérifier l’esprit des clauses du contrat. Il existe ainsi des décisions jurisprudentielles contestables dans lesquelles le juge a fait primer la cohérence globale et l’économie du contrat face à la lettre des clauses. A propos de la jurisprudence Chronopost, le juge a réputé la clause nulle comme non-écrite.

Parfois, l’annulation d’un contrat peut poser des problèmes. Au point que, même lorsqu’il s’agit d’une clause qui porte atteinte à l’ordre public, on se plaît à dire que l’on est passé d’une police du contrat à une police des clauses du contrat. Le juge se réserve la possibilité de faire tomber une clause sans faire tomber le contrat dans son ensemble. Il y a aujourd’hui un contentieux des clauses contractuelles distinct du contentieux en annulation du contrat.

A côté de ces hypothèses où le contrat ne tombe pas en entier, on a parfois des formules voisines, distinctes dans leur nature mais qui peuvent aboutir au même résultat qu’une clause réputée non-écrite, c’est le cas de la réfaction du contrat. Elle peut intervenir lorsque la mauvaise exécution d’une partie à un contrat ne justifie cependant pas à elle-seule la disparition de celui-ci. Il est donc maintenu mais à des conditions différentes. Exemples : un meuble ayant subi pendant son transport des dommages pourra être payé mon cher que son prix initial, le contrat d’achat restant valable ; une substitution d’un taux de remboursement dans un contrat de prêt pourra être faite. On se situe ici dans l’exécution du contrat.

Tout cela n’est pas à confondre avec la technique de la réfection consistant à refaire le contrat.

Paragraphe 2 : La portée de la nullité

La caractéristique de la nullité est qu’elle emporte l’anéantissement rétroactif du contrat. Sont apportées à cette règle des exceptions voire des atténuations.

I Le principe derétroactivité

Le contrat est considéré comme n’ayant jamais existé et le statu quo ante est de mise. On se replace ainsi dans la situation qui était celle des parties avant qu’elles ne contractent. Mais l’ennui est que ce mécanisme n’est qu’une fiction juridique. Dans la réalité, il y a bien eu un échange de prestation. L’annulation implique le jeu de la restitution. Le droit privilégie, si possible, la restitution en nature. Jean Carbonnier appelle cela le « synallagmatisme inversé », c’est-à-dire le retour mutuel des prestations. Imaginons que la restitution en nature ne soit pas possible. A ce moment là, la jurisprudence admet qu’elle puisse se faire par équivalent pécuniaire. Par exemple pour « restituer » un bail, le juge va procéder à l’estimation de la valeur de l’occupation de l’appartement et le montant visé ne sera pas forcément identique au loyer. Les biens doivent être restitués en l’état. Pour ce qui est des fruits que la chose a produit, l’article 549 du Code Civil indique que l’on peut conserver les fruits lorsque l’on a été de bonne foi, même si on n’en est pas juridiquement propriétaire.

II Les limites de la rétroactivité

  1. Dans les rapports entre les parties

Dans les rapports entre parties, il arrive que la jurisprudence, dans les contrats à exécution successive, pour éviter les complications liées au jeu de la rétroactivité, limite ses effets à l’avenir. C’est ce qu’on appelle la résiliation judiciaire. On retrouvera ce mécanisme lorsque l’on étudiera la résolution des contrats.

Il existe également des hypothèses qui portent atteinte à la rétroactivité. C’est notamment l’hypothèse d’un contrat non-valable car consenti par une personne incapable de contracter. C’est également l’hypothèse des contrats immoraux, c’est-à-dire des contrats conclus dans un but illicite au sens de l’article 1134 du Code Civil. En effet, l’adage nem turpitudem paralyse la restitution. Cf. page 50. C’est un adage curieux car il est bizarre de paralyser uniquement cela, seules les conséquences de l’annulation sont bloquées et non l’annulation elle-même. Les auteurs considèrent que si l’illicéité du contrat était connue des deux parties, l’adage «à malhonnêteté égale, on ne tient d’aucun des contractants» doit être appliqué.

  1. Dans les relations avec les tiers

En matière mobilière, l’article 2276 dispose : « En fait de meuble, possession vaut titre ». Si la personne qui est en possession d’une chose mobilière et de bonne foi, elle est présumée propriétaire. Ainsi donc, cette règle va paralyser l’opposabilité de la restitution aux tiers. Un autre mécanisme, fondé sur l’apparence, indique que les tiers peuvent avoir des droits.

Titre II. Les effets du contrat

Soustitre I. Les effets du contrat entre les parties

Au regard de l’interprétation des contrats, deux articles sont fondamentaux : les articles 1134 et 1165. Ce dernier indiquant : « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121. »

Au sein de l’article 1134, l’alinéa 2 se définit comme une conséquence de l’alinéa 1er : seules les parties peuvent défaire ce qu’elles ont fait. Cet alinéa prévoit des exceptions : les conventions peuvent être révoquées, hors volonté des parties, pour les causes que la loi autorise. L’alinéa 3 du même article évoque le contenu obligationnel et le comportement des contractants dans l’exécution du contrat.

Chapitre 1 : Le domaine de la force obligatoire

Section 1: Le contenu obligationnel du contrat

Il faut absolument savoir ce que les parties ont voulu. Parfois, les contrats comportent des clauses obscures ou contradictoires. A cet égard, la jurisprudence cherche à trouver des obligations implicites, accessoires, auxquelles les parties n’avaient pas songé, ni parfois même voulu. Là-dessus, la jurisprudence a été loin au point que l’on a parlé de « forçage du contrat. »

Paragraphe 1 : Le contenu voulu

Il faut toujours rechercher ce que les parties ont souhaité faire. Parfois, elles dissimulent leur volonté véritable. Toute dissimulation n’est pas interdite. Tout cela implique de se pencher sur l’interprétation des clauses obscures dans les contrats.

I L’interprétation

  1. Le pouvoir d’interprétation

Lorsque l’affaire est appelable (susceptible d’appel), les juges du fond interviennent au premier degré et au second. On les appelle juges du fond car ils examinent l’intégralité de l’affaire (faits + droit). Lorsqu’une affaire a été jugée en appel, il est possible de se pourvoir en cassation. La Cour de Cassation ou Cour régulatrice ne se saisit que des questions de droit. Or l’interprétation des clauses du contrat, c’est une question de fait, c’est un pouvoir souverain du juge du fond. Le cas échéant, ce qui peut être remis en cause, c’est la façon dont la règle de droit a été appliquée. C’est pourquoi, dans son arrêt Lubert du 2 février 1808, la Cour de Cassation a indiqué que le pouvoir d’interprétation était dévolu au juge du fond. Elle vérifie cependant que ce dernier n’a pas interprété une clause claire et précise, car ce serait contrevenir à la volonté des parties et à la force obligatoire du contrat. La Cour de Cassation se réserve donc le contrôle de dénaturation.

Selon la nature des contentieux, la Cour de Cassation peut opérer ce contrôle de façon plus ou moins stricte en fonction de sa volonté d’imposer une interprétation jurisprudentielle ou de sa volonté de laisser le juge du fond agir à sa guise. De manière générale, la 1ère Chambre Civile se montre plus originale, voire plus audacieuse que la 3ème Chambre Civile, qui elle se montre soucieuse d’appliquer des règles de droit traditionnelles.

La Cour peut se réserver la possibilité d’opérer un contrôle sur l’interprétation des contrats dans la mesure où il s’agit de contrats standardisés, car elle considère que l’interprétation d’un contrat standardisé est une question de droit.

  1. Les directives d’interprétation

Le Code Civil, dans ses articles 1156 à 1164, fournit au juge du fond des directives d’interprétation. Jacques Dupichot appelle ce corpus d’articles le « guide-âne ». Ces articles ne sont que des directives indicatives et sont subordonnées au pouvoir d’interprétation du juge. Il est indiqué que l’esprit du contrat doit prévaloir sur la lettre des stipulations. Mais il est parfois difficile de rechercher la commune intention des parties.

1) Les éléments intrinsèques

Il s’agit ici d’interpréter la clause à partir de l’environnement interne du contrat. Pour cela, un certain nombre de textes y aident.

L’article 1157 dispose que : « Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l’entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n’en pourrait produire aucun. » Cela signifie qu’il faut privilégier une interprétation qui donne du sens à une clause plutôt qu’une interprétation qui n’en donne pas.

L’article 1161 dispose que : « Toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier. » Cela signifie que lorsqu’une clause est obscure, il faut l’interpréter en tenant compte de son contexte et en évitant autant que faire se peut les contradictions. La jurisprudence part du principe que les parties se sont entendues pour construire un ensemble cohérent.

L’article 1158 dispose que : « Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat. »

L’article 1162 dispose que : « Dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation. » Ici, celui qui a stipulé est le créancier et celui qui a contracté est le débiteur, mais ceci peut changer selon l’obligation.

On considère toujours que le débiteur est dans une situation moins confortable, une situation d’infériorité par rapport à celui qui a stipulé. On privilégie donc les interprétations qui sont de nature à favoriser la partie la plus faible ou la plus vulnérable. On considère que celui qui stipule doit le faire clairement et sinon, cela sera interprété à son détriment.

On trouve un écho de cela dans certains cas particuliers. Ainsi, en matière de vente, l’article 1602 indique que : « le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige. » Tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur.

La Cour de Cassation, de manière prétorienne, a trouvé dans ce texte une niche juridique pouvant servir de fondement à un certain nombre d’obligations d’informations de la part du vendeur. La jurisprudence est passée d’une règle interprétative à une règle de fond. En partant de cet article, la jurisprudence a étendu cette règle à tous les contrats mettant en présence des parties d’inégale puissance.

Si la clause est mal rédigée à cause d’un professionnel, il sera possible de mettre en jeu la responsabilité du rédacteur de l’acte et du professionnel sur un autre fondement.

L’illustration de cette idée se retrouve dans l’article L133-2 du Code de la Consommation : « Les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. Elles s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel. […] »

2) Les éléments extrinsèques

Deux articles du guide-âne constituent le siège de l’approche extrinsèque de l’interprétation des contrats, ce sont les articles 1159 et 1160.

L’article 1159 dispose que : « Ce qui est ambigu s’interprète par ce qui est d’usage dans le pays où le contrat est passé. » Cela signifie que l’on fera référence aux usages pour interpréter une clause peu claire.

L’article 1160 dispose que : « On doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d’usage quoiqu’elles n’y soient pas exprimées. »

Face à une clause ambiguë, il est possible de recourir aux usages, voire d’expliquer la clause par un usage auquel il n’est pas explicitement fait référence. La jurisprudence reste prudente sur cette approche car en donnant trop d’importance à l’usage, on en arrive à trahir le contenu voulu. Ainsi, la Cour de Cassation indique que l’application de l’article 1160 ne doit pas avoir pour effet de modifier l’économie du contrat en y introduisant, en raison du silence des parties, une clause qui modifierait l’essentiel des obligations des parties.

On en déduit qu’il faut présumer que l’omission de la clause d’usage était involontaire et que les parties allaient en faire utilisation. Il ne faut pas que le juge ait à fixer des éléments qui relèvent de la détermination du contenu par les parties.

L’article 1135 a longtemps été marginalisé. Aujourd’hui, au travers l’évolution des pouvoirs du juge, au travers de la conception qu’il se fait de son office et sous l’impulsion d’une thèse de Philippe Jacques, ce texte a été remis sur le devant de la scène et est maintenant doté d’une véritable fonction complétive. Cet article dispose : « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ». Dans l’interprétation du contrat, cela signifie que les suites vont pouvoir aider le juge dans sa recherche du contenu voulu par les parties.

La loi s’entend ici de la loi supplétive. Elle vise les règles supplétives qui n’ont pas été formellement exprimées mais qui gouvernent néanmoins le contrat conclu.

L’usage est au final envisagé comme une source de droit.

L’équité est la solution ultime, elle n’est pourtant pas source de droit. Si un arrêt est fondé exclusivement dessus, la Cour de Cassation le cassera. Mais les juges du fond peuvent néanmoins s’ériger en ministres de l’équité en recherchant la solution la plus juste.

Progressivement, le juge a dérivé de sa fonction d’interprétation vers une fonction plus complétive. L’article 1135 a été le pivot de cette dérive. En se fondant sur les textes étudiés, il est possible de compléter le contrat. La jurisprudence a déjà trouvé de véritables obligations en se fondant sur ce texte.

II La simulation

La simulation est un mensonge concerté par lequel les parties conviennent de dissimuler leur volonté véritable derrière une convention purement apparente qui a pour seule vocation à être connue des tiers. Quand on parle de simulation, on oppose un acte apparent, ou ostensible, à un acte secret appelé la contre-lettre.

L’acte secret va à l’encontre, partiellement ou totalement, de l’acte apparent. Dans ces situations, il existe en fait deux conventions, l’une correspondant à ce qu’ont voulu les parties, et l’autre, mensongère, mais apparente, la seule qui soit connue.

Il existe différentes formes de simulation et la jurisprudence ne les condamne pas toutes.

Il peut y avoir simulation sur l’existence même d’un contrat. Exemple : la simulation porte sur la nature du contrat, il a l’apparence d’une vente, et en réalité, c’est une donation. La simulation porte sur l’objet du contrat, en apparence, je prévois un prix, mais dans un acte secret, j’en dissimule une partie.

Il existe même une simulation par interposition de personnes. Par exemple, pour effectuer une donation à une personne incapable, il est fréquent de s’adresser à une autre personne, bénéficiaire officiel, qui sera en réalité chargée de retransmettre secrètement la donation. Ce comportement est puni par la nullité à l’article 911 du Code Civil.

La simulation est-elle valable ou non ?

La réponse se trouve dans l’article 1321 : « Les contre-lettres ne peuvent avoir leur effet qu’entre les parties contractantes ; elles n’ont point d’effet contre les tiers. » On distingue la simulation entre les parties et la simulation à l’égard des tiers.

  1. La simulation entre les parties

1) Le principe de validité

En principe, la simulation par elle même n’est pas une cause de nullité des contrats.

Cette approche s’inspire de l’idée que l’autonomie des parties impose de tenir compte de la volonté réelle des contractants et de l’idée que le consensualisme doit être préservé. À partir du moment où les volontés sont authentiques, réelles et qu’elles se rencontrent, peu importe la forme dans laquelle elles mettent en œuvre le contenu de cette volonté. C’est le principe de neutralité à l’égard de la simulation. Ce qui a été voulu par les parties est donc, en principe, valable. Exemple : pour la donation déguisée derrière une vente, le prétendu donateur ne peut pas exiger le paiement d’un prix.

La jurisprudence exige que la contre-lettre, celle qui exprime la volonté réelle des parties, soit valable, c’est-à-dire qu’elle exige qu’elle remplisse les conditions communes aux conventions. En somme, l’acte secret est valable si, ayant été apparent, il eut été valable. En revanche, cette exigence ne s’applique pas pour les conditions de forme.

Il faut par ailleurs prouver l’existence de la contre-lettre, sinon l’acte secret ne peut pas produire d’effets. La charge de la preuve incombe au demandeur, c’est-à-dire à celui qui se prévaut de la contre-lettre. Comme il s’agit d’un acte juridique, la preuve obéit aux règles de l’article 1341 du Code Civil.

  1. Exception à la validité de la contre lettre

Si le but poursuivi par les parties est frauduleux, on considère que la contre-lettre est entachée de nullité car sa cause est illicite. Il y a aussi des hypothèses dans lesquelles le juge annule la contre-lettre qui aurait été valable si elle avait été ostensible et ce pour des motifs d’intérêt général, en matière fiscale notamment.

Le Code Général des Impôts frappe de nullité les contre-lettres qui majorent le prix officiellement déclaré lors de ventes d’immeubles d’offices ministériels ou de fonds de commerce. Dans ces cas, la contre-lettre est annulée et l’acte apparent demeure. Donc, comme le prix indiqué dans l’acte apparent est inférieur à celui indiqué dans l’acte secret, l’acheteur fait une bonne affaire.

Le fisc dispose d’un droit de préemption lorsqu’il estime le prix apparent trop bas et il peut l’utiliser moyennant un paiement supplémentaire correspondant à 10% du prix.

  1. La simulation à l’égard des tiers

1) L’option des tiers

Le tiers n’a connaissance que de l’acte apparent, et donc, les parties ne peuvent se prévaloir de la contre-lettre à son détriment. On protège les tiers en se fondant sur l’apparence. La logique commande que si le tiers a eu connaissance de la contre-lettre, alors elle lui est opposable.

Exemple : le propriétaire d’un immeuble conclut un bail avec un locataire. Dans le bail, le loyer est fixé à 1000 euros, mais un acte secret l’établit à 800. Le propriétaire vend ensuite son immeuble. Le nouveau propriétaire devient bailleur. Dans la première hypothèse, s’il n’a connu que l’acte apparent, le locataire devra payer 1000 euros de loyer. Mais s’il a eu connaissance de la contre lettre, il ne pourra faire valoir au locataire l’acte ostensible et celui-ci paiera 800 euros de loyer.

Ceci étant, l’article 1321 énonce que les contre-lettres n’ont point d’effet contre les tiers. Dans les hypothèses où le tiers a intérêt de se prévaloir de la contre-lettre, on lui confère une « option » pour le faire. Soit le tiers se fie à l’apparence et se prévaut de l’acte ostensible, soit il souhaite détruire l’apparence et se fier à l’acte secret, mais pour se faire, il devra prouver son existence. Le tiers pourra intenter ce que l’on appelle une « action de déclaration en simulation ». Comme il n’est pas partie au contrat, la preuve est libre, il peut prouver par tout moyen. Les tiers, avec cette option, peuvent, selon leurs intérêts, se prévaloir soit de l’acte apparent, soit de l’acte secret.

2) Le conflit entre les tiers

Il peut y avoir un conflit entre les tiers. On peut imaginer que les créanciers du vendeur aient intérêt à se prévaloir de l’acte secret et que les créanciers de l’acheteur aient intérêt à se prévaloir de l’acte apparent. La Cour de Cassation a résolu le conflit dans un arrêt du 25 Avril 1939 en donnant la préférence aux tiers se prévalant de l’acte apparent. Mais cela n’a été possible que parce qu’ils ignoraient la simulation, ils étaient donc de bonne foi.

Paragraphe 2 : Le contenu imposé : le forçage du contrat

Normalement, mis à part les textes d’ordre public, que les parties doivent appliquer et auxquels elles ne peuvent déroger, il ne devrait pas y avoir de contenu imposé dans un domaine qui est purement volontariste. Mais la réalité est autre, elle est le résultat à la fois de l’interventionnisme législatif, mais aussi de l’évolution de la jurisprudence par rapport à la façon dont le juge exerce son office et tranche un litige. Le contenu imposé a pris tout son sens à partir du début du XXème siècle.

Les manifestations les plus frappantes de ce pouvoir prétorien que s’est accordé le juge pour compléter le contrat concernent l’application de l’article 1135. Parfois le juge a imposé des obligations tellement éloignées des perspectives d’au moins une des parties que Louis Josserand a utilisé le terme de «forçage du contrat« . Ce texte a été en effet interprété de manière de plus en plus créatrice. Le juge en est arrivé à mettre à la charge des parties des obligations auxquelles elles n’avaient pas songé.

Il y a 2 types d’obligations pour lesquelles l’imposition du contenu du contrat est flagrante. Il s’agit d’une part de l’obligation de sécurité et d’autre part de l’obligation d’information.

I L’obligation de sécurité

Elle a été introduite dans le contrat de transport de voyageurs, dans un arrêt du début du XXème siècle, l’arrêt Compagnie Générale Transatlantique (21 novembre 1911). En vertu de cette obligation de sécurité, les tribunaux ont imposé aux transporteurs l’obligation de garantir l’intégrité physique du voyageur. Pour la jurisprudence, l’obligation de sécurité comporte l’obligation d’acheminer les voyageurs sains et saufs jusqu’aux destinations pour lesquelles ils ont contracté. Le transporteur est tenu d’un résultat, ce qui signifie qu’en cas d’atteinte à l’intégrité corporelle, il suffit au voyageur d’établir la réalité de l’accident dont il a été victime pour démontrer que le transporteur a failli à son obligation. Il n’a pas à prouver de faute, il doit simplement prouver que le résultat n’a pas été atteint. Seuls les cas de force majeure (événement irrésistible, inéluctable et extérieur) peuvent libérer le transporteur de ses obligations. L’obligation de sécurité est quasiment présente dans tous les contrats.

En revanche, l’intensité de l’obligation de sécurité n’est pas la même selon le type de contrat considéré. Dans certains contrats, ce sera une obligation de sécurité de résultat, tandis que dans d’autres, ce sera une obligation de sécurité de moyen. Dans ce cas, la victime devra apporter la preuve que le débiteur a commis une faute.

La jurisprudence a fait perdre de sa vigueur à l’obligation de sécurité. En étendant son domaine, elle a perdu de sa densité. Cette démarche visant à étendre le champ d’action de l’obligation de sécurité a fait l’objet de critiques : se faisant, le juge a fait perdre toute pertinence et toute cohérence au contrat.

Le contrat devient le prétexte pour rendre responsable le débiteur. Certains auteurs ont préconisés la dé-contractualisation de l’obligation de sécurité, en disant : «En réalité, ce que la jurisprudence nomme obligation de sécurité n’est rien d’autre qu’un devoir général qui pèse sur tout un chacun, lié par un contrat ou non. » Si une dé-contractualisation intervient, on ne se situe plus dans le champ de la responsabilité civile contractuelle, mais délictuelle.

Un exemple peut être cité avec l’arrêt de la 1ère Chambre Civile du 1er juin 2002. Un usager d’un télésiège était tombé après avoir relevé le garde-corps, conformément aux indications des panneaux situés à 30m de l’aire de débarquement. La Cour de Cassation a décidé à l’époque que, pendant le trajet, le contractant était tenu d’une obligation de sécurité de résultat mais que lors de l’embarquement et du débarquement, l’usager ayant un rôle actif, le contractant était simplement tenu d’une obligation de moyens. Or dans ce cas, bien que l’usager fût proche de l’aire de débarquement, il n’y était pas encore, et le contractant était tenu d’une obligation de sécurité de résultat.

Cette solution a été critiquée pour son manque de cohérence et parce qu’elle nuisait à la prévisibilité du droit. Jean Carbonnier a indiqué que : «C’est un artifice que de faire entrer dans le contrat des bras cassés et des morts d’hommes. Les tragédies sont de la compétence des articles 1382 et suivants. »

Sous couvert de protéger le contractant victime, la jurisprudence a créé des obligations de sécurité qui n’ont rien à voir avec le contenu d’un contrat. On se sert donc d’une obligation pour une fin qui n’est pas du tout celle que doit remplir le contrat.

II L’obligation d’information et de conseil

Imposer une qualification n’est pas évident car au départ, chacun doit veiller sur ses propres intérêts, chacun doit se renseigner avant de contracter. S’il y a un devoir initial, c’est celui de s’informer. Dans l’idéologie du Code Civil, cette information pèse sur l’acheteur, selon l’adage : « L’acheteur doit être curieux ». De même, il est admis que l’acheteur ne peut s’imputer qu’à lui même de ne pas s’être mieux informé des défauts que la chose pouvait avoir.

La naissance de cette obligation d’information est née de la conjonction de plusieurs facteurs. On a observé qu’il existe, en matière contractuelle, l’obligation de ne pas tromper le contractant. La réticence dolosive a été admise. Également, tout au long du XXème siècle on a pu observer, au nom de la transparence, une multiplication des obligations légales et prétoriennes d’information. Ainsi, dans l’article 1602 du Code Civil, on trouve une règle de fond abritant nombre d’informations pesant sur le vendeur. En matière de vente de fonds de commerce, un texte légal de 1935 énumère un certain nombre d’éléments que l’acheteur doit fournir au vendeur. La jurisprudence a trouvé des obligations d’information.

Quels sont les critères mesurant la densité de ces obligations ?

La jurisprudence a considéré qu’un certain nombre de textes ponctuels n’étaient que les illustrations d’un principe général et en raisonnant par induction, elle s’est prévalue de la généralité, en considérant que lorsque la situation le commandait, il était nécessaire d’imposer une obligation d’information. Dans son objectif de parvenir à une légalité concrète, la jurisprudence prend en compte les situations des contractants. Dès lors qu’elle observe un déséquilibre (notamment dans les contrats d’adhésion) ou un décalage trop grand entre le professionnel et le profane, elle va reconnaître des obligations d’informations dans certains contrats à l’égard de certains contractants. Ceci concerne notamment les contrats dans lesquels une des partie doit adhérer à un contenu préétabli. L’exemple type est la situation entre le professionnel et le consommateur. D’une façon plus large, la jurisprudence impose une obligation d’information dès lors qu’une des parties ignore légitimement des informations qui lui auraient été utiles et que l’autre se devait de connaître. C’est un mécanisme proche de la réticence dolosive. Il a y a néanmoins des différences. L’obligation d’information se situe dans la phase d’exécution et il n’y a pas l’élément volontaire caractéristique de la réticence dolosive. Parfois, la jurisprudence, pour protéger le contractant, sanctionne la simple absence d’information. Elle a également édicté des présomptions de connaissances et a même parlé, vis-à-vis du professionnel, du devoir de « s’informer pour informer ». L’acheteur est présumé ne pas savoir à l’inverse du professionnel et le vendeur est d’ailleurs considéré comme irréfragablement de mauvaise foi.

  1. L’intensité de cette obligation

Elle est variable. Elle peut aller du simple renseignement objectif (caractéristiques techniques d’un produit, mode d’emploi…), à une obligation de mise en garde (y compris à une obligation de mise en garde économique). La sanction du non-respect de cette obligation réside dans la responsabilité contractuelle. Mais d’autres décisions le sanctionnent sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil. Il est même possible d’exiger de la part du professionnel un conseil voire un conseil négatif. L’intensité de l’obligation d’information dépend de plusieurs facteurs. Le premier d’entre eux est les qualités respectives des cocontractants. Plus le professionnel sera présumé connaître le produit ou la prestation, plus son obligation sera lourde et à l’inverse moins l’acheteur sera présumé comme étant un connaisseur, plus il méritera d’être protégé. Il peut exister plusieurs degrés : profane/professionnel, profane averti/non averti, professionnel/ professionnel. Dans ce dernier cas, on évaluera les qualités des professionnels pour savoir s’ils ont les mêmes ou non.

Le second facteur influençant l’intensité de l’obligation est la complexité du produit/service. Il est évident que l’achat d’un produit simple n’entraîne qu’une obligation d’information de faible intensité. Plus le produit est susceptible d’être dangereux, plus l’information qui devra être donnée sera importante, de même que plus le risque économique attaché au produit sera important, plus la mise en garde qui devra être délivrée sera conséquente.

Il peut y avoir une conjonction entre sécurité et information. L’article 1386-4 du Code Civil indique que l’on tient compte de la présentation du produit (c’est-à-dire de l’information donnée du produit) afin de déterminer l’intensité de l’obligation de sécurité. Le fondement de ces obligations est l’article 1135 du Code Civil.

  1. Le flou induit par ces obligations

L’introduction de ces obligations au sein du contrat peut être interprétée différemment, elle traduit une évolution dans la façon dont le juge conçoit son office et dans les pouvoirs qu’il estime détenir à ce titre. A partir du moment où l’on s’affranchit d’une interprétation non créatrice de l’interprétation, on contribue à rendre la frontière de la formation et de l’exécution du contrat plus poreuse. En effet, ces obligations d’information et de sécurité existent au moment de la formation du contrat mais elles se prolongent aussi pendant son exécution. Il est difficile de séparer les deux. Il est aussi difficile de cantonner le consentement à la phase initiale. La frontière entre le contractuel et le délictuel est aussi brouillée. Est-ce que je manque, en ne satisfaisant pas l’obligation d’information ou de sécurité à une obligation contractuelle, ou est-ce que je manque à une obligation générale ? La position de la Cour régulatrice est fluctuante à cet égard et l’interprétation des décisions jurisprudentielles peut permettre de se rallier à telle ou telle philosophie. Exemple : à propos de l’obligation de mise en garde du banquier à l’égard de l’acheteur non averti, la jurisprudence fait application sans le dire de la culpa in contrahendo. Certains auteurs ont déclaré que la multiplication des devoirs d’information le transformait en un devoir général, d’où un fondement délictuel. Ces obligations d’information et de sécurité sont crées par le juge à partir de quelques textes particuliers. Elles se sont multipliées, et on ne peut dire avec assurance si leur fondement est contractuel ou délictuel. Le contrat doit aussi permettre de réparer les dommages causés à la victime. Tout ceci nécessite de repenser les fondements de ces obligations puisque les sanctions en phase de formation et d’exécution ne sont pas les mêmes (nullité au stade de la formation, résolution au stade de l’exécution).

Section 2 : Le comportement des contractants

Paragraphe 1 : La notion de bonne foi

Selon l’article 1134 alinéa 3, les conventions doivent être exécutées de bonne foi. La portée de ce seul alinéa est très importante. En 1804 pourtant, ce texte exprimait une simple règle d’interprétation qui avait été retenue pour marquer l’abandon d’une distinction faite en droit romain concernant les contrats de droit strict et les contrats de bonne foi. Les premiers voyaient leur contenu interprété selon le sens littéral des clauses et les seconds voyaient leur contenu interprété de manière plus souple. Avec cet article, tous les contrats deviennent des contrats de bonne foi, ce que l’article 1156 démontre.

Au départ, dans le Code Civil, est de bonne foi celui qui exécute le contrat dans toutes ses dispositions. Aujourd’hui, sous couleur de bonne foi, le juge se permet de modifier le contrat en cours d’exécution dès lorsqu’il ne correspond plus à ce qu’ont souhaité les parties. Ce changement de philosophie est intervenu dans la première moitié du XXème siècle, sous l’impulsion de René Demogue, en 1931, pour qui les conséquences qui avaient été tirées de l’idée de bonne foi entre contrats étaient encore « assez pauvres ». Il professait que le contrat moderne pouvait être conçu de façon plus vivante, «en faisant sortir de l’idée de bonne foi de nouveaux rameaux. » Toujours selon lui, «Les contractants forment un petit microcosme, une petite société, où chacun doit travailler dans un but commun qui est la somme des buts individuels poursuivis par chacun. » Il en avait déduit au final que le créancier, quant à la prestation qu’il doit recevoir, n’est pas seulement créancier mais doit avoir un devoir de collaboration. Sous l’impulsion de ces idées, l’article 1134 va être lu différemment. On ne va plus considérer la bonne foi comme un simple standard d’ajustement, mais on va la faire ressembler à un devoir. On va donc déduire de la bonne foi un devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, un devoir de coopération, voire un devoir de solidarité pouvant aller jusqu’à la fraternité dans l’exécution du contrat. La bonne foi est devenue un principe général du droit dont la mise en œuvre est laissée à l’appréciation du juge. Au nom de cette bonne foi s’imposant au contractant, il va paralyser les effets des clauses qu’il considère comme excessives. Il va imposer certains comportements aux parties et même exiger parfois qu’elles renégocient le contrat devenu déséquilibré du fait d’aléas économiques. Cette notion de bonne foi est très importante. Il est possible de l’illustrer par quelques exemples jurisprudentiels, notamment par une décision importante rendue par la Chambre Commerciale le 10 juillet 2007 qui permet de bien situer le rôle du juge face à l’article 1134 en entier.

Si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenues entre les parties. Il doit respecter la détermination des contenus voulus par les parties.

Paragraphe 2 : Les fondements de la notion de bonne foi

Le premier fondement de la notion de bonne foi permettant de justifier les pouvoirs du juge est tiré d’un droit social des contrats. Celui-ci a été fondé par le courant solidariste de la bonne foi. Celui-ci n’a plus la portée qu’il avait autrefois en jurisprudence. Ce courant est teinté d’un certain moralisme, c’est le dépassement d’une conception individualiste et antagoniste du contrat. Avec lui, on s’orienterait vers un contrat plus sociable, il a donné naissance à un droit social des contrats. Chacun veille aux intérêts de ses partenaires et si l’on est en présence d’une partie vulnérable, un peut sacrifier ses intérêts à son bénéfice. Dans cette perspective, les contractants sont considérés comme des partenaires. La jurisprudence y a donné un certain écho, mais aujourd’hui, cette conception est un peu dépassée. Autant il paraît normal de sanctionner la malhonnêteté, autant il devient très délicat voire discutable de veiller en priorité aux intérêts de ses partenaires. Contracter c’est faire des affaires. Ce courant solidariste se retrouve lorsque le juge est amené à sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative. Il a la possibilité de priver d’effets une clause résolutoire dès lors qu’elle est invoquée de mauvaise foi. Une clause qui, dans un contrat, stipulerait qu’à défaut d’exécution, le contrat sera résolu de plein droit est une clause résolutoire. Mais si un cocontractant n’exécute pas ses obligations et que la clause résolutoire est utilisée sans rechercher si cette non-exécution a été faite de mauvaise foi, alors elle est privée d’effets. En 1995, la jurisprudence a obligé un contractant qui avait fait jouer la clause résolutoire à tenir compte de la bonne foi de son cocontractant. Le courant solidariste suscite un certain rapprochement entre les partenaires, mais il doit veiller à ne pas nier par ailleurs l’antagonisme des parties.

Un autre fondement de la notion de bonne foi peut justifier un certain pouvoir du juge, c’est celui tiré de l’utilité du contrat. C’est la conception utilitariste du contrat. Ici, l’idée n’est pas tant d’aider le contractant que de parvenir à avoir l’exécution la plus efficace en tenant compte des intérêts des cocontractants. C’est une conception par essence libérale, et ancienne : «S’obliger à faire quelque chose, c’est s’obliger à le faire utilement. » (Pothier). Aujourd’hui, on a fait de la bonne foi un principe général, une règle de fond, un contrepoids à l’alinéa 1 de l’article 1134 et non plus une de ses conséquences. Cette conception utilitariste du contrat peut amener d’autres conséquences. Elle renforce la force obligatoire alors que la conception idéaliste de la bonne foi l’entame. La jurisprudence est passée par une phase où, sous couleur de bonne foi, elle en est arrivée à entamer la substance de l’obligation. Quelques décisions témoignent de cela. On distingue plusieurs degrés dans l’application qui est faite de cette conception utilitariste. Premier degré : on exige qu’un contractant prenne en considération les intérêts de son partenaire. A minima, cela ne va pas très loin : « Je peux fixer seul le prix mais je ne doit pas abuser de cette prérogative. » Mais même ce premier degré peut parfois mener à une ingérence dans les affaires d’autrui. Deuxième degré : c’est le degré du « pouvoir-devoir », on passe à la nécessité d’agir au mieux pour le cocontractant. Ainsi, un arrêt de la 1ère Chambre Civile rendu le 11 juin 1996 a indiqué qu’une société était tenue d’exécuter le contrat au mieux de l’intérêt de ses clients. A la limite, ce deuxième degré peut faire que le cocontractant ne rencontrera aucune utilité dans le contrat. Enfin, troisième degré : la jurisprudence a pu imposer qu’un contractant privilégie les intérêts d’autrui au détriment des siens. Cela implique un véritable devoir d’altruisme, c’est le triomphe de la conception idéaliste de la bonne foi. Dans l’arrêt Huard (Chambre Commerciale, 3 novembre 1992), les juges ont obligé une des parties à modifier en cours d’exécution les dispositions contractuelles convenues à l’origine en raison de l’exigence de bonne foi. Quelques mois plus tôt, le 25 février, dans l’arrêt « Expovit », la Cour de Cassation avait considéré que l’employeur était tenu de faire évoluer les compétences de ses salariés en même temps que leurs emplois.

La jurisprudence, qui a fait culminer une conception idéaliste de la bonne foi dans les années 1990, est revenue à une forme plus classique du respect de la force obligatoire en distinguant ce qui relève de la substance de l’obligation et ce qui relève du comportement du contractant.

Dans le projet Terré, la force obligatoire est envisagée à l’article 91, qui apparaît comme proche de l’article 1134. L’article 92 se rattache à la force obligatoire et estime qu’à priori, les parties doivent exécuter leurs obligations. Si l’on impose aux parties de renégocier les contrats sous la surveillance du juge, ces derniers auront moins tendance à utiliser l’article 1134 pour ce qu’il n’est pas. Il y a nécessité de prendre en compte les événements pouvant venir modifier l’exécution du contrat.

Chapitre 2 : Le respect de la force obligatoire

L’alinéa 1 de l’article 1134 montre que les parties, comme le juge, ne peuvent remettre en cause ce qui a été convenu. Ici, l’expression « tiennent lieu de lois » est une interdiction de principe pour les parties, comme pour le juge.

On distingue la force obligatoire lorsque le contrat est exécuté et lorsqu’il est inexécuté.

Section 1 : Force obligatoire et exécution du contrat

Le contrat est obligatoire, son contenu s’impose aux parties mais aussi au juge. Ceci étant, on retient une autre distinction impliquant les uns et les autres. La question est de savoir, si en présence d’un contrat devenu encombrant, l’une, voire les deux peux parties, peuvent obtenir :

– La révocation ;

– La révision.

Paragraphe 1 : La révocation du contrat

Le contrat, une fois conclu, est irrévocable. C’est le corollaire et le prolongement de la force obligatoire et cela explique le contenu de l’article 1134 qui indique que les conventions ne peuvent être révoquées que d’un commun accord ou pour les causes que la loi autorise.

I Principe : le mutuus dissensus (le consentement mutuel)

C’est la révocation amiable d’un commun accord. Ce que les parties ont fait, elles peuvent le défaire, mais il y a un parallélisme des formes à respecter : pour une révocation amiable, les mêmes conditions que celles nécessaires à la formation doivent intervenir, à savoir le consentement libre et éclairé.

La révocation amiable est une résiliation conventionnelle. Pour l’avenir, le contrat n’aura plus d’effet, mais la révocation n’est pas une nullité, elle n’a point d’effet rétroactif. La Cour de Cassation y déroge pour les contrats à exécution instantanée. En cas de vente, s’il y a rétroactivité, la personne devenue propriétaire ne l’est plus. Il y a un nouveau propriétaire et une nouvelle imposition fiscale.

II Exceptions : la révocation unilatérale

Il existe par ailleurs des cas où une révocation non conventionnelle pourra produire des effets. Dans certains cas, une des parties peut mettre fin unilatéralement au contrat, c’est parfois prévu par la loi et parfois par le contrat.

  1. La révocation unilatérale d’origine légale

1) Les Contrats à Durée Indéterminée (CDI)

1ère hypothèse : la révocation unilatérale d’origine légale : Il existe un droit de révocation unilatérale dans les contrats à durée indéterminée (CDI).

À partir de quelques textes du Code Civil (1736,1869…) qui prévoient expressément qu’une partie puisse révoquer unilatéralement un contrat à durée indéterminée, la jurisprudence en a déduit un principe général : la rupture unilatérale.

Le fondement en est que les parties ne peuvent pas être liées perpétuellement. Le droit de résiliation unilatérale dans les contrats à durée indéterminée a acquis valeur constitutionnelle depuis que le Conseil Constitutionnel l’a érigé en tant que telle dans une décision sur le PACS rendue le 9 novembre 1999.

Cela signifie que, dans un CDI, chaque partie peut mettre fin au contrat quand bon lui semble, sans avoir à justifier d’un motif quelconque. C’est une prérogative qui, si elle n’était pas bien encadrée, pourrait dégénérer. Avant de rompre un contrat, il faut observer un délai de préavis. Le cocontractant doit être prévenu. À défaut, le juge recherche s’il y a nécessité de respecter un délai raisonnable. Plus récemment, la jurisprudence s’est attachée à vérifier que le droit de rupture unilatérale respectait une certaine cohérence.

2) Les contrats de consommation

Un cas particulier n’est lié ni à la formation, ni à l’exécution. Il provient de dispositions d’origine législative qui transcendent le droit de la consommation, c’est le droit de rétractation ou de repentir. Il s’agit d’un délai légal donné au consommateur pour lui permettre de renoncer au contrat alors que celui-ci a déjà été conclu. Les premiers délais de rétractation datent du début du démarchage à domicile en 1972 (article L121-25 du Code de la Consommation).

Actuellement, il existe, tous codes et matières confondues, plus de 30 délais de rétractation différents. On les attache traditionnellement aux effets du contrat mais certains auteurs considèrent qu’ils devraient plutôt être attachés à l’exécution du contrat et qu’ils ressemblent à un droit de rétractation individuel.

En réalité, il faut y voir plus que ce que la doctrine ne reconnaît, puisque sous couleur de protéger le consommateur, on porte atteinte à la perfection et au processus de formation normal du contrat. Le droit de rétractation permet à une partie de le rompre unilatéralement. Il y a ici bien plus qu’une question économique. Economiquement, à quoi sert-il de maintenir un contrat qui n’a pas d’intérêt ? Jean-François Gallo est le père du droit de la consommation. Il y a aussi des hypothèses où le législateur a donné du temps pour réfléchir aux consommateurs. Aussi en matière de prêts immobiliers : les particuliers ont 30 jours pour réfléchir (ils doivent donner leur réponse au bout d’un délai de 10 jours minimum).

Pour Jean Calais Auloy, que l’on soit en face d’un droit de rétractation ou de réflexion, ce qui sous-tend ces facultés octroyées au consommateur est identique, c’est la volonté de le faire réfléchir. Il y a formation progressive du contrat, ce qui expliquerait qu’il y ait eu cette évolution et que progressivement, le contrat soit le moment établissant que je suis sûr de consentir. Mais où est le point de départ du délai de rétractation ? Examiner la question suppose de réaménager nos règles sur le processus de formation. Le consentement n’est pas instantané et s’étend sur un temps T. Ces facultés de rétractation se multiplient. Elles témoignent de la tension qui existe entre l’idéologie que l’on peut avoir du contrat et la nécessité d’y intégrer une utilité économique.

  1. La révocation unilatérale d’origine conventionnelle

C’est l’idée de porter atteinte à la force obligatoire du contrat, à moins que l’on ne considère qu’elle soit pertinente que si elle est efficace. Considérons la théorie anglo-saxonne dite de « violation efficace » : elle implique un droit de résiliation unilatéral justifié par le fait qu’il serait plus avantageux pour un contractant de contracter avec une autre personne. Bien entendu, dans cette théorie, la résiliation unilatérale donne lieu à un dédommagement. Est-ce que les parties peuvent convenir, lors de la négociation de leurs contrats, de l’existence d’une faculté à l’une d’entre elle ou aux deux de rompre unilatéralement le contrat de façon discrétionnaire, ou pour des motifs déterminés (particuliers) ? Autrement dit, existe-il une faculté de dédit ? Réponse : oui, les parties peuvent prévoir dans le contrat une faculté de dédit. C’est notamment possible dans les CDI, mais la question se pose de manière plus problématique dans les CDD car ce type de contrat doit aller au terme de la durée considérée. Si une faculté de résiliation est prévue, elle permettra à une partie de se libérer du contrat avant le terme. En général, ces clauses sont licites mais en droit du travail ou de la consommation, les contrôle de manière très stricte (il évalue le caractère abusif des clauses ou la bonne foi). Dans les années 1980, la Cour de Cassation a été amenée à dire que le dédit était une faculté discrétionnaire et donc insusceptible d’abus. Or, aujourd’hui, elle exerce un certain contrôle des motifs du dédit. Elle ne contredit pas l’exercice de la faculté mais elle contrôle la légitimité de la mise en œuvre de la clause. Si le juge considère que la clause a été mise en œuvre de mauvaise foi, il suspend ses effets ou la répute comme non écrite. Le contrôle est à géométrie variable. Tout dépend de la volonté de la Cour de Cassation. Dans la plupart des cas, la clause de résiliation est égale à une clause résolutoire. Si les parties ont prévu qu’en cas de tel évènement, le contrat était résolu, et que cet évènement survient, la clause résolutoire produit des effets. Le juge ne pourra alors que contrôler la mise en œuvre de la clause en ce qu’elle a été entachée de bonne ou de mauvaise foi.

Paragraphe 2 : La révision du contrat

A moins que les parties en aient décidé autrement, le contrat est intangible. La question de la révision du contrat va être appréciée différemment selon que dans le contrat existe une clause de révision ou non.

I La révision du contrat en présence d’une clause

La pratique a prévu un certain nombre de possibilités. Il y a des possibilités de clauses automatiques et des possibilités de clauses non-automatiques.

  1. La clause d’indexation automatique

La clause d’échelle mobile est une clause d’indexation automatique, elle prévoit que le prix variera automatiquement en fonction d’un indice de référence. Ces clauses peuvent potentiellement impacter la plupart des contrats de la vie civile et ce au point que le législateur a dans certains domaines édicté des règles spécifiques. Exemple : les baux à usage d’habitation. De manière générale, en dehors de cela, les clauses d’indexation sont valables mais pas à n’importe quelles conditions. L’ordonnance du 30 décembre 1958 pose ses règles de validité : les clauses d’indexation automatiques ne peuvent être fondées sur un indice général (exemple : SMIC), sauf les dettes d’aliment (les pensions alimentaires) et l’indice choisi doit présenter un lien direct, soit avec l’objet du contrat, soit avec l’activité de l’une des parties. Exemple : en matière d’immobilier, la clause d’échelle mobile peut reposer sur le coût de la construction. La jurisprudence se montre relativement libérale pour apprécier le lien.

Une clause ne respecte pas ces exigences : elle sera frappée de nullité absolue. On dit qu’elle est contraire à l’ordre public monétaire (ordre public de direction), d’où une nullité absolue. Aujourd’hui, il y a un certain brouillage au niveau des finalités de l’ordre public. A partir du moment où l’on admet l’ordre public de protection, la distinction avec l’ordre public de direction n’est pas aussi simple (cf. page 57). Exemple : aujourd’hui, le juge ne prononce pas automatiquement la nullité absolue ou la nullité relative, il s’accorde un droit de substitution, ce qui lui permet éventuellement de substituer un indice valable à un indice non valable.

  1. La clause d’indexation non automatique

Ce sont les clauses de révision dites « clauses de Hardship » ou « clauses d’imprévision ». Par ces clauses, les parties s’engagent à renégocier le contrat en cas de changement important survenu après la conclusion du contrat et ayant pour effet de bouleverser l’équilibre des prestations. Il est nécessaire de définir précisément ce qui va déclencher la clause de Hardship. Celles-ci se contentent d’imposer une négociation entre les parties. Ce sont des clauses de renégociation et négocier n’est pas conclure. On peut imaginer qu’une renégociation débouche sur un échec. Dans ce cas, soit chacun renonce et le contrat se poursuit comme si rien ne s’était passé, soit le contrat est résilié (sauf s’il s’agit d’un CDD). Le juge aura à cœur de veiller à ce que la négociation se fasse de bonne foi. S’il considère que l’une des parties a été de mauvaise foi ou s’il considère que la négociation s’est mal passée, il pourra imposer l’octroi de DOMMAGES-INTÉRÊTS.

II La révision du contrat en l’absence de clause

  1. Le principe : le refus d’admission de l’imprévision

Un contrat a été conclu pour s’effectuer sur un nombre d’années défini, et en cours d’exécution, sous l’effet d’évènements divers et imprévus, voilà qu’existe désormais un déséquilibre dans l’exécution des parties au contrat (exemple : une prestation monétaire dérisoire compte tenu de l’inflation…). A priori, on se heurte à une règle implacable : les parties ne se sont pas prémunies du danger : elles ne peuvent donc pas rééquilibrer d’elles même ou faire appel au juge car cela contreviendrait à la force obligatoire.

La loi du contrat empêche de modifier les prestations alors même qu’elles deviennent déséquilibrées, alors même que ce n’est pas la faute d’une partie, et alors même que l’exécution est devenue injuste.

La Cour de Cassation statue en droit et en équité. La question de l’imprévision pose beaucoup de difficultés dans la mesure ou l’immobilisme qui était de mise en 1804 a cédé la place à un mouvement perpétuel contractuel qui fait qu’il y a maintenant une sorte de nécessité d’adapter le contrat aux circonstances. Une des compétences de la Cour de Cassation est l’adaptabilité et pourtant ses décisions en matière d’imprévision ne sont plus en phase avec le temps.

L’imprévision se distingue de la lésion. Celle-ci est la conséquence d’un déséquilibre objectif entre les prestations au moment de la formation du contrat, alors que l’imprévision est déséquilibre objectif qui survient en cours d’exécution du contrat. De plus, la lésion n’est pas admise dans tous les cas, mais dans certains.

L’imprévision se distingue de la force majeure. Celle-ci c’est une cause d’exonération de l’exécution des prestations. Lorsqu’un événement survient remplissant les 3 conditions consacrées (élément extérieur, inévitable et irrésistible), le débiteur peut ne pas fournir sa prestation, le créancier ne recevra pas la sienne, et chacun ne pourra pas s’en prendre à l’autre car la force majeure détruit tout.

  1. Fondement du refus de l’imprévision

Il faut que la loi ou le contrat ait prévu la rupture de la convention. En droit privé, une jurisprudence ancienne, l’arrêt dit Canal de Craponne (6 mars 1876) établit la non prise en compte de l’imprévision en droit privé. En l’espèce, la société exploitant le canal de Craponne a fait état à la fois de la hausse du coût de la main d’œuvre et de la dépréciation monétaire pour demander une augmentation de la redevance. La Cour d’Appel d’Aix en Provence a fait droit à sa demande, mais la Cour de Cassation a cassé cette décision au visa de l’article 1134. Cette solution est encore de droit positif. Aucune question d’équité ne peut justifier qu’une juge vienne réviser le contrat. Cet arrêt Canal de Craponne vient illustrer le principe de force obligatoire. En droit administratif en revanche, l’arrêt Société Générale d’Eclairage de Bordeaux (1916) est venu permettre l’application de la théorie de l’imprévision.

Ce refus exclusif du droit privé est critiqué par de nombreux auteurs qui indiquent que ne pas admettre l’imprévision c’est ne pas répondre aux risques de réaction en chaîne. Le contrat n’est pas isolé dans le contexte économique. Ces mêmes arguments peuvent être employés en faveur on en défaveur de la théorie de l’imprévision.

En faveur de la prévision (donc en défaveur de l’imprévision) : l’intention des parties est souveraine. Elles se sont engagées sur la base de circonstances connues, admettre l’imprévision serait allé à l’encontre de leur volonté. Pour Alain Sériaux, aucune injustice n’est à réparer car rien n’est injuste. Si on révise un contrat, alors il faudrait réviser tous les contrats car chacun d’entre eux s’inscrit dans un ensemble économique. Admettre l’imprévision conduirait à l’explosion de l’économie. D’autres auteurs, enfin, se retranchent derrière l’argument de la sécurité juridique. Admettre l’imprévision serait tombé dans l’insécurité juridique. Et l’on peut se demander à quel type de contrat serait accordée la révision.

1) Tempéraments légaux

En l’absence de loi, le juge ne peut s’immiscer dans le contrat qui est la chose des parties. Néanmoins, il s’autorise parfois lui-même à déroger à cette règle.

2) Tempéraments jurisprudentiels

Au fil du temps, de nombreux tempéraments jurisprudentiels sont intervenus, posés par l’arrêt Huard et l’arrêt Chevassus-marche du 24 novembre 1998. Ici, les juges n’ont pas modifié le contrat mais ils ont imposé le respect de la bonne foi de l’article 1134 et à ce titre, ils ont imposé à une partie la renégociation du contrat dans l’intérêt de son cocontractant. S’il on avait maintenu les conditions initiales de départ, le cocontractant n’aurait plus été en mesure d’exécuter correctement le contrat. Certains auteurs ont dit qu’il s’agissait là d’une « obligation médiane » : on ne modifie pas le contrat mais on impose aux parties d’essayer de le « remettre en phase ». Le juge n’est pas autorisé à réviser lui-même le contrat. Cette solution revient à imposer une clause de Hardship dans tous les contrats. C’est déjà un progrès.

Tous les projets de règles supranationales (Unidroit, Principe Européen du Contrat, DCFR…), envisagent pourtant une révision judiciaire. Ils vont jusqu’au bout de la logique. On peut donc penser que le juge judiciaire français va adopter une approche De lege ferenda. Par exemple, l’article 92 du Projet Terré innove, il n’a pas d’équivalent dans le Code Civil. Il indique en substance que les parties doivent renégocier le contrat en vue de l’adapter ou d’y mettre fin lorsque l’exécution devient excessivement onéreuse par suite d’un changement imprévisible des circonstances. Il ne faut pas que l’une des parties ait accepté d’assumer le risque lors de la conclusion du contrat, ce qui signifie que l’imprévision ne peut s’appliquer dans les contrats aléatoires. En l’absence d’accord des parties et dans un délai raisonnable, le juge peut adapter le contrat en considération de leurs attentes légitimes ou y mettre fin à la date et aux conditions qu’il définit.

Section 2 : Force obligatoire et inexécution du contrat

L’article 1184 du Code Civil envisage les sanctions ou les remèdes possibles lorsque, dans un contrat, une des parties n’exécute pas une obligation qui lui incombait. Le droit met à la disposition du créancier le mécanisme de la mise en demeure, condition préalable à la résolution d’un contrat pour inexécution. C’est l’article 1139 du Code Civil qui est le siège de ce mécanisme de mise en demeure. Il s’agit d’un acte par lequel le créancier délivre une injonction au débiteur. La mise en demeure doit être valablement délivrée.

Il y a des cas où l’exécution n’est plus possible ou inutile (parce que la prestation a été exécutée alors qu’elle n’aurait pas dû l’être ou parce qu’elle a été effectuée en retard…). Dans ces cas, la jurisprudence estime que le créancier n’a pas besoin de mettre son débiteur en demeure pour « passer à la phase suivante ». Cette mise en demeure a un intérêt car elle constitue le point de départ des dommages-intérêts « moratoires », liés au retard du débiteur dans l’exécution de sa prestation. On distingue les dommages-intérêts moratoires des dommages-intérêts compensatoires. Les premiers sont prévus par l’article 1153 du Code Civil tandis que les seconds sont prévus par les articles 1147 & 1184 du même Code.

La mise en demeure peut jouer un rôle en matière de transfert des risques sur la tête de l’un des deux contractants. Il s’agit de savoir qui va supporter les risques en cas de survenance d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure. A cet égard, il existe deux systèmes, un système général et un système particulier. Le système général applique l’adage suivant : «Les risques sont pour le débiteur. » Le système particulier vaut pour les contrats translatifs de vente et indique que «Les risques pèsent sur le propriétaire.» Ceci est valable lorsque le contrat fait naître une obligation de donner (assimilée à une obligation de transférer) d’un corps certain. A cet égard, l’article 1138 du Code Civil dispose : « L’obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes. Elle rend le créancier propriétaire et met la chose à ses risques dès l’instant où elle a dû être livrée, encore que la tradition n’en ait point été faite, à moins que le débiteur ne soit en demeure de la livrer ; auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier. » Ainsi, si le transfert se fait solo consensus, les risques sont pour l’acheteur qui est devenu immédiatement propriétaire, sauf si le débiteur a été mis en demeure de livrer la chose. Ainsi, le mécanisme de mise en demeure induit une modification de la règle du transfert de risques. Dans ce cas donc, le vendeur supporte les risques.

L’article 1184 constitue la clef de voûte de l’inexécution du contrat. Elle est appréhendée avec certaines conditions (suspensives, résolutoires…). Le premier alinéa de ce texte indique : « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. » Cet article est le siège d’un mécanisme qui n’est traité que sous son angle particulier, et non général, dans le Code Civil : l’exception d’inexécution. Dans un contrat synallagmatique, les obligations sont réciproques mais aussi interdépendantes. L’exception d’inexécution se définit comme suit : s’il y a défaut d’exécution de la part de l’autre partie, alors je peux, à mon tour, me dispenser de la mienne en soulevant « l’exception d’inexécution. » Néanmoins, ceci est assorti de règles strictes : la riposte doit être proportionnelle à la gravité de l’inexécution.

La jurisprudence est sévère sur la question : par exemple, dans le cadre d’un bail d’habitation, seulement l’inhabitabilité de l’entièreté de l’appartement justifiera le non-paiement du loyer. De plus, il faut savoir « qui commence ». Par exemple, en matière de vente, c’est le vendeur qui doit commencer à livrer la chose et l’acheteur qui doit payer le prix. L’exception d’inexécution est une sorte de légitime défense civile.

Le 2ème alinéa de l’article 1184 dispose : « Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. » C’est donc un choix qui s’offre au créancier. La résolution s’entend de l’anéantissement rétroactif du contrat assorti de dommages-intérêts (si un préjudice a été causé). L’article 1147 du Code Civil offre une troisième possibilité au créancier, celle de mettre en œuvre la responsabilité contractuelle. Cet article dispose : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. » Au final, il est possible de demander seulement la responsabilité contractuelle, ou seulement la résolution voire les deux, à condition de prouver un préjudice résultant de l’inexécution.

Paragraphe 1 : L’exécution forcée en nature

Par principe, l’exécution forcée en nature est un droit car selon l’article 1134, le contrat étant la loi des parties, celui-ci doit être respecté. L’exécution forcée peut être demandée même si le défaut d’exécution n’a causé aucun préjudice. La jurisprudence proclame la supériorité de cette règle : elle se prononce en demandant l’exécution en nature pour la partie qui s’estime flouée. Le récalcitrant est condamné à exécuter en nature (exemples : à remettre en état, à détruire les travaux qui ont été faits à tort…). Un arrêt de la 3ème Chambre Civile du 11 mai 2005 est emblématique de cette approche : une maison avait été construire et il s’est avéré, une fois celle-ci achevée, qu’il y avait une différence de 33 cm entre ce qui avait été prévu et ce qui a été réalisé. La Cour de Cassation a donc prescrit la démolition de la maison.

I Les moyens directs d’exécution forcée

  1. Obligation de faire ou de ne pas faire

Il y a différents types d’obligation (faire, ne pas faire, donner, monétaire ; cette dernière étant dotée du même régime que l’obligation de donner). Selon l’article 1142, « les obligations de faire ou de ne pas faire se résolvent en dommages-intérêts », mais comme indiqué page 24, les tribunaux ne suivent pas la lettre de cette article. Depuis plus de 150 ans, la jurisprudence ordonne l’exécution des prestations en nature dès lors qu’elles ne mettent pas en cause la personne du débiteur. Il sera par exemple impossible d’ordonner la réalisation forcée d’un tableau. Il faut aussi respecter les règles de procédure lorsque l’on fait une demande en exécution forcée. Le créancier a le droit de demander la destruction d’une chose faite de manière contrevenante (article 1143) et il peut même se substituer à son débiteur afin de réaliser la prestation considérée (article 1144). Cela montre que la jurisprudence, en matière de promesse unilatérale et au regard des principes juridiques, fait une application de la force obligatoire qui paraît incohérente et inopportune.

  1. Obligation de donner, obligation de somme d’argent

L’obligation de donner comprend le transfert de propriété (classique) et le transfert d’une somme d’argent (il suit le même régime juridique). Il est possible de demander l’exécution forcée en nature. Si un débiteur ne veut pas s’exécuter, par exemple si mon vendeur ne veut pas aller chez le notaire, on peut s’adresser à la justice et obtenir un jugement qui va autoriser le créancier à publier l’acte pour le rendre opposable à l’égard des tiers. Il est possible de forcer son débiteur à verser une somme d’argent et s’il n’a plus rien, il est possible de faire saisir ses biens et de se payer sur le montant de leur vente.

II Le moyen indirect de l’exécution forcée : l’astreinte

L’astreinte est la condamnation du débiteur à verser une somme d’argent proportionnellement au nombre de jours caractérisant l’inexécution. L’astreinte est indépendante des dommages & intérêts, elle exerce en quelque sorte une pression sur le débiteur. L’astreinte est obligatoirement prononcée par le juge. Formellement, une clause d’astreinte insérée dans un contrat n’est pas valable. En revanche, les clauses pénales sont autorisées. Ce sont des clauses par lesquelles un montant forfaitaire de dommages & intérêts est prévu en cas de non-exécution. On distingue l’astreinte provisoire et l’astreinte définitive. Elle est provisoire, c’est-à-dire sujette à révision, ou définitive si le tribunal en a ainsi décidé. Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine.

Lorsque l’exécution est obtenue ou lorsqu’elle est devenue impossible, le juge procède à la liquidation définitive de l’astreinte. Il va multiplier la somme qui était prévue par le nombre de jours de retard, il peut modérer le montant s’il estime que le débiteur a fait preuve de bonne volonté et a essayé pendant l’astreinte d’exécuter la prestation. Mais il peut aussi condamner le débiteur à cette astreinte définitive qui viendra s’ajouter aux dommages et intérêts.

Paragraphe 2 : La résolution du contrat

La jurisprudence a admis que le créancier victime d’inexécution puisse changer d’avis. Dans un arrêt récent de 2011, elle a indiqué que ce changement n’était plus possible en appel. La résolution est le pendant de l’annulation du contrat, mais au lieu de sanctionner la défaillance d’une condition initiale, elle vient sanctionner l’inexécution. La résiliation est indépendante de la commission d’une faute. C’est un droit après mise en demeure. En revanche, la résolution suppose un manquement. Elle cohabite avec d’autres formes qui témoignent de l’évolution de la conception des moyens dont dispose le créancier pour l’inexécution.

I Les différents modes de résolution du contrat

Il existe la résolution du Code Civil, une autre résolution qui en découle (la résolution conventionnelle découlant de l’article 1184) et la résolution dite « aux risques et périls. »

L’alinéa 3 de l’article 1184 dispose : « La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. » La seule forme envisagée ici est la résolution judiciaire. A priori, l’article 1184 semble être un texte d’ordre public, mais la jurisprudence en a décidé autrement, il est donc possible d’y déroger. La jurisprudence a admis des cas de résolution unilatérale (extrajudiciaire). Est-il possible de prévoir une clause de renonciation à la résolution ? Oui, un arrêt de la 3e Chambre Civile du 3 novembre 2011 a indiqué qu’un contractant pouvait renoncer par avance à demander la résolution. Pour que cette clause soit valable, il faut que la renonciation ne prive pas le contractant de tout moyen d’agir. Celui qui demande la résolution est la victime de l’inexécution du débiteur. La jurisprudence est venue préciser les caractéristiques de l’inexécution : la résolution ne peut être invoquée seulement qu’en cas de certains manquements, c’est-à-dire seulement s’ils sont suffisamment graves. L’appréciation de la gravité du manquement relève de la compétence souveraine du juge du fond. En principe, la résolution est prononcée au tort du débiteur mais il peut arriver que le fait du créancier ait amené le débiteur à ne pas exécuter correctement ses prestations, d’où le fait que certaines jurisprudences aient été prononcées aux torts partagés.

On ne peut pas prononcer la résolution en cas de seule non-entente entre les parties. Le fait de demander la résolution ne rompt pas automatiquement le contrat, c’est le juge qui décide, il est libre à cet égard. Dans d’autres formes de résolution, l’office du juge n’est pas le même.

  1. Résolution conventionnelle : clause résolutoire

Les parties peuvent ensemble prévoir une clause commissoire ou résolutoire. La résolution a lieu de plein droit en cas d’inexécution de la part d’une des parties quelque soit la gravité de son comportement et même si elle est de bonne foi. Le législateur est venu contrôler la clause résolutoire. En outre, le juge s’est arrogé le pouvoir au nom de la conception qu’il a de son office vis-à-vis du contrat, d’exiger que la clause soit mise en œuvre de bonne foi et dans le respect des procédures. Si le juge estime que la clause n’a pas été mise en œuvre de bonne foi, il en paralysera les effets. Dans un arrêt de 1995, le juge a même tenu compte de la bonne foi du débiteur pour indiquer que le créancier n’avait pas à mettre en œuvre la clause résolutoire. C’est une subjectivation du droit de l’inexécution, car le juge s’est fié au comportement des contractants. En cas de résolution conventionnelle, la saisine du juge est possible, elle n’est pas automatique. Il faut que le cocontractant refuse la mise en œuvre de la clause ou que celle-ci contrevienne aux textes légaux la règlementant. On peut même envisager que le juge retienne la responsabilité du créancier qui a rompu abusivement le contrat.

  1. Résolution unilatérale aux risques et périls du créancier

La résolution extrajudiciaire dite résolution unilatérale est une exception au principe de la résolution judiciaire posé par l’article 1184. On est passé d’une logique dérogatoire à une logique d’admission. La résolution unilatérale peut être demandée, mais cela concurremment avec la résolution judiciaire ou une avec la mise en œuvre de la clause résolutoire.

La jurisprudence considère que lorsqu’il y a urgence (une forme de péril), le créancier peut mettre fin unilatéralement au contrat si le débiteur ne s’est pas exécuté. A l’article 1657 du Code Civil, on est encore dans le droit de la vente : « En matière de vente de denrées et effets mobiliers, la résolution de la vente aura lieu de plein droit et sans sommation, au profit du vendeur, après l’expiration du terme convenu pour le retirement. » On trouve aussi cette faculté dans les contrats de mandat et dans les contrats d’assurance. Egalement, dans le Code de la Consommation, un article permet à l’acheteur de résoudre unilatéralement le contrat. Le 13 octobre 1998, la 1ère Chambre Civile a créé une possibilité générale de résolution unilatérale : elle a admis que le créancier insatisfait puisse résoudre unilatéralement le contrat. Avec cet arrêt, la jurisprudence passe d’une logique d’exception à une logique d’admission. Mais cette résiliation ne peut intervenir qu’aux « risques et périls » du créancier. Si le débiteur estime que le créancier a rompu illégitimement le contrat, en allant devant le juge, il pourra se faire verser des dommages & intérêts. Le juge peut-il ordonner l’exécution forcée du contrat après sa résiliation ? La réponse est négative en droit positif, mais certains projets de réforme envisagent cette possibilité. Le 20 février 2001, la 1ère Chambre Civile généralise la résiliation unilatérale aux risques et périls du créancier. La jurisprudence l’admet désormais dans les contrats à durée déterminée et dans les contrats à durée indéterminée. Cf. commentaire de l’arrêt page 35 du TD de Droit Civil. Le créancier lié à un contrat a le droit de le rompre unilatéralement pour manquement grave et à ses risques et périls. Cette jurisprudence s’est maintenue. On a là aussi noté une subjectivation de cette position jurisprudentielle, car le juge est amené à apprécier désormais le comportement du cocontractant. Tous les projets de réforme du droit des contrats prévoient à côté de la résolution judiciaire une possibilité de résolution unilatérale.

II Les effets de la résolution du contrat

  1. Le principe : l’anéantissement rétroactif du contrat

La résolution du contrat peut être mise en perspective avec l’annulation car elle produit les mêmes effets, c’est-à-dire l’anéantissement rétroactif du contrat. La différence essentielle qui les sépare est que l’annulation sanctionne un défaut de conditions initiales alors que la résolution sanctionne un manquement dans l’exécution du contrat. Là encore, il y a un problème de restitution. Or, la résolution intervient en cours de résolution du contrat et dans les contrats à exécution successive, la rétroactivité pose un problème au regard des prestations en nature qui ont été effectuées. Jusqu’à un arrêt de la 3ème Chambre Civile du 30 avril 2003, la jurisprudence état divisée. Une partie des décisions de justice tirait les conséquences de la rétroactivité en ordonnant un retour au statu quo ante (par exemple via le versement d’indemnités d’occupation), tandis que certaines décisions de justice se montraient plus pragmatiques en n’imposant pas la restitution des prestations effectuées lorsque le contrat était valablement exécuté. La 3ème Chambre Civile, dans un arrêt du 30 avril 2003 est venue mettre tout le monde d’accord : «Si, dans un contrat synallagmatique à exécution successive, la résiliation judiciaire n’opère pas pour le temps où le contrat a été régulièrement exécuté, la résolution judiciaire pour absence d’exécution ou exécution dès l’origine imparfaite, entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat.» Lorsque le manquement d’une partie est concomitant de la formation du contrat, la résolution s’opère rétroactivement, lorsque celle-ci est assimilée à une résolution judiciaire, le contrat ne cesse de produire des effets que pour l’avenir.

  1. L’exception : l’absence de rétroactivité : la rupture du contrat ne produit effet que pour l’avenir

La résolution unilatérale de même que la résolution conventionnelle ne produit effets que pour l’avenir. Il peut exister des clauses qui « survivent » à la résolution. En particulier les clauses autonomes. Exemples : les clauses pénales, les clauses compromissoires, les clauses attributives de juridiction, les clauses de non-concurrence, de confidentialité, etc.

III Les effets à l’égard des tiers

La rétroactivité, poussée à son paroxysme, peut poser un certain nombre de problèmes. L’anéantissement rétroactif d’un contrat peut entraîner l’anéantissement d’autres contrats, d’où des résolutions en cascade. C’est pourquoi, la jurisprudence admis certaines dérogations. Les actes d’administration ou de conservation sont maintenus au profit des sous-contractants de bonne foi, comme les baux et les contrats d’assurance. L’article 2276 prévoit qu’en fait de meubles, la possession vaut titre.

Paragraphe 3 : l’octroi de dommages & intérêts

I Le principe & la responsabilité contractuelle

L’octroi de dommages et intérêts peut être sollicité et obtenu à titre autonome. L’article 1184 y fait référence. Ces dommages et intérêts sont contractuels, ils sont délivrés dans le cadre de l’exécution du contrat. L’article 1147 dispose : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. » Cet article rappelle la distinction effectuée entre obligation de moyens et obligation de résultat. Dans le cadre d’une obligation de résultat, le cocontractant n’a même pas besoin de prouver un préjudice. L’article 1137 dispose : « L’obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins d’un bon père de famille. Cette obligation est plus ou moins étendue relativement à certains contrats, dont les effets, à cet égard, sont expliqués sous les titres qui les concernent. »

Pour Philippe Rémy, la responsabilité contractuelle est un faux concept. Elle n’existe pas. En réalité, ce qu’on appelle ainsi est l’exécution par équivalent monétaire de l’obligation qui n’a pas été exécutée. En face, certains auteurs considèrent au contraire que la responsabilité contractuelle est particulière mais qu’elle existe. Elle a une fonction d’indemnisation. Les dommages & intérêts qui viennent réparer les dommages ont une fonction compensatoire. La jurisprudence applique la thèse selon laquelle existe la responsabilité contractuelle, mais qu’elle est dotée d’un régime particulier, ne nécessitant pas de prouver un préjudice.

II Le régime de la responsabilité contractuelle

La responsabilité contractuelle suppose un dommage, un préjudice et un lien de causalité. Parmi les faits générateurs, on trouve les manquements et les fautes (exemple : fautes bénignes ou légères). Il ne faut pas confondre les fautes dolosives et le dol dans la formation du contrat. La faute dolosive correspond à la mauvaise foi. Traditionnellement, la jurisprudence assimile les fautes lourdes et les fautes dolosives. Selon les Frères Mazeaud, c’est «pour éviter que le méchant ne se dissimule derrière le masque d’un imbécile. » Le régime juridique spécifique de la responsabilité contractuelle est lié au fait que l’étendue du dommage réparable est étroitement tributaire de l’obligation de moyen ou de résultat non satisfaite. Le dommage que l’on va réparer, c’est celui qui est entré dans le champ de prévision du contrat, comme l’indique l’article 1150 du Code Civil : « Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée. » Ainsi donc, à moins qu’il n’ait commis une faute lourde ou une faute dolosive, le débiteur n’est tenu que des dommages « prévisibles ». Donc, en matière contractuelle, on ne répare pas tous les préjudices qui peuvent être la conséquence de l’inexécution, on ne répare que ce qui était prévisible. Il faut donc savoir ce qu’est un préjudice prévisible. Cette question est diversement appréciée par les juges. Ainsi, dans un arrêt du 28 avril 2011, la Cour de Cassation a refusé d’indemniser à la hauteur du préjudice subi une personne ayant qui, ayant emprunté un taxi n’étant pas arrivé à temps, a raté son avion car celle-ci n’a « pas suffisamment expliqué » le préjudice qui résulterait d’un retard. Ce cas de figure s’est reproduit lorsqu’un usager de la SNCF a souhaité être indemnisé intégralement du préjudice que lui avait causé le retard d’un train. Dans ce dernier cas, il est également clair que la jurisprudence n’a pas souhaité ouvrir la voie à des recours qui auraient visé la SNCF pour des retards de ses trains. Au final, il est clair que la jurisprudence fait une application volontiers restrictive de la prévisibilité des préjudices dans le cadre contractuel. Si un contractant souhaite se prémunir contre une réparation prévisible, il faut faire entrer dans le champ contractuel les volontés des contractants.