Cours de grands systèmes de droit contemporains

Les Grands systèmes juridiques contemporains

Le droit varie d’un pays à l’autre mais il y a des similitudes.
On trouve le droit comparé (ex : comparé droit français et anglais). Au sens strict le droit comparé c’est la comparaison de 2 systèmes juridiques, faire des comparaisons et tirer des conclusions. Pendant longtemps les juristes ont voulu faire des classifications.


Il n’y pas forcement d’identité entre un système juridique et un État. On trouve plusieurs classifications

A l’heure de l’européanisation, voire de la mondialisation, l’appréhension des systèmes de droit dans le monde est nécessaire pour mener à bien la réflexion vers un éventuel rapprochement des droits.

Bibliographie :

  • Cuniberti « grands systèmes de droit contemporain chez LGDJ
  • David et Jauffrey Spinosi « les grands systèmes de droit contemporain – Dalloz

Civil v. Common Law

Plan du cours :

Introduction au cours de systèmes juridiques comparés

Il faut replacer le cours dans son contexte. Comment il s’inscrit dans les cours de droit en général.

Ce cours s’inscrit dans une branche ou méthode du droit appelée le droit comparé.

I. Le droit comparé.

L’étude des grands systèmes est une étude de droit comparé. Le lien entre les grands systèmes et le droit comparé est tellement important, que ce cours s’appelle aussi « droit comparé ».

A. Le droit comparé :

C’est étudier différents droit puis les comparer.

La méthode comparative implique la mise à profit de la connaissance de plusieurs droits étrangers afin de mieux comprendre ou critiquer son propre droit.

En pratique, la distinction n’est pas toujours faite. On a tendance à désigner sous le terme de droit comparé aussi bien l’étude de droits étrangers que le fait de comparer différents droits pour en apprécier les valeurs ou en dégager les concepts généraux.

3 fonctions du droit comparé :

  • · Fonction scientifique de connaissance par les juristes du ou des droits d’autres pays.
  • · Fonction critique, le droit comparé est un outil qui aide à prendre conscience des qualités et des insuffisances de son propre droit en le confrontant aux autres.
  • · Fonction théorique, le droit comparer va permettre d’identifier des concepts communs à plusieurs droits. Ici il sera possible de construire un méta langage juridique (au-dessus de …) qui permet de dégager les concepts communs.

Ces 3 fonctions sont souvent confondues et ce traitement terminologique reflète l’incertitude qui entoure l’idée même de droit comparé (on devrait plutôt parler « des droits comparés » au lieu de « droit comparé »). On ne sait pas bien si le droit comparé est une branche du droit ou une simple méthode comparative qui n’est pas propre au seul domaine juridique. Ce débat n’a jamais vraiment été tranché.

Qu’on étudie un ou plusieurs droits étrangers ou qu’on s’applique à confronter différents ordres juridique de façon ponctuelle, on fait dans les 2 cas du droit comparé.

B. Les intérêts du droit comparé.

Satisfaire la curiosité intellectuelle tout d’abord.

C’est aussi de permettre l’harmonisation du droit. On associe souvent droit comparé et harmonisation du droit. L’intérêt serait donc de tendre vers d’avantage d’homogénéité entre les différents droits. Mais cela doit être relativisé. Si le droit comparé permet d’identifier les meilleures solutions (critique), et de forger des concepts communs aux différents droits (théorie), mais l’harmonisation du droit ne passe pas toujours par le droit comparé, car souvent, les auteurs de règles harmonisées négligent de mener des études de droit comparé. En outre, l’harmonisation des droits peut encore se passer de droit comparé si la solution la plus satisfaisante ne réside pas dans la solution qui est majoritairement adoptées dans les différents ordres juridiques qu’on se propose d’harmoniser.

On distingue 2 méthodes :

  • · La méthode descendante, imposée du haut au bas, (on se passe de droit comparé)
  • · La méthode ascendante (bottom up) fondée sur le droit comparé.

Réciproquement, l’étude du droit comparé n’implique pas toujours l’harmonisation des droits.

A l’origine le droit comparé était certes porteur de visions universalistes. Lors du 1er congrès de droit comparé en 1900, ce droit était présenté comme devant permettre d’harmoniser les droits. Ce congrès est considéré comme l’acte fondateur de cette nouvelle discipline. Les organisateurs (Raymond Saleilles et Edouard Lambert) de ce congrès décrivaient le droit comparé comme le moyen de forger un droit commun de l’humanité.

Les contemporains ne le conçoivent plus comme ayant pour fonction de mener à l’harmonisation du droit. Certains rejettent même cette fonction, car les authentiques comparatistes sont au quotidien plongés dans la diversité des solutions juridiques, qu’ils finissent par apprécier et ont ainsi tendance à accueillir avec réticence l’idée de réduire cette diversité.

Cette connaissance des diversités fait aussi prendre conscience de la difficulté de l’harmonisation elle-même et donc du caractère illusoire de l’idée de droit commun de l’humanité. Le droit est une structure sociale intimement liée à l’identité culturelle des peuples, il reflète leurs valeurs et leurs façons de penser. Ainsi les droits européens sont des droits rationalistes et humanistes au sein desquels on distingue les droit de Common Law et les droit de tradition romano-germanique. Le Common Law traduit la mentalité empiriste des anglo-saxon, quant aux droit de traditions romano-germaniques, ils traduisent le gout de l’abstraction.

L’étude de la diversité des droit conduit donc à envisager les processus d’harmonisation avec prudence. Si l’harmonisation peut être bonne elle ne doit pas être une fin en soi, car sinon le risque serait d’appauvrir les différents droits et de désorganiser le système des ordres juridiques.

En dépit de cela, le droit comparé peut faciliter l’harmonisation institutionnalisée des droits (par le biais de conventions internationales, ou par le biais d’intégration d’états).

Il peut aussi conduire à une harmonisation spontanée des droits (les états vont être amenés à transplanter des mécanismes juridiques étrangers dans leur propre ordre juridique, comme par exemple de transplant : la SARL nous vient d’Allemagne, le crédit-bail nous vient des USA, le Trust nous vient d’Angleterre).

Existe-t-il d’autres intérêts à étudier les systèmes juridiques étrangers ?

Oui celui de faciliter le dialogue entre différents ordres juridique. Le droit comparé permet d’établir plus facilement le dialogue entre différents ordres juridiques. Notamment lorsque des états souhaitent coopérer sur le règlement d’un problème particulier (exemple trafic animalier mondial).

Cette connaissance est aussi utile aux personnes privées. Notamment pour des entreprises qui vont négocier des clauses d’un contrat international.

Il permet également de mieux comprendre son propre droit (on sort de soi et se regarde avec d’autres yeux). Ainsi la notion de cause du contrat est très française, l’étude du droit étranger permet de mieux comprendre ce particularisme, tout comme la notion de service public à la française.

Ce droit est souvent utilisé par ceux qui s’intéresse à l’histoire, à la philosophie ou encore à la théorie du droit. La connaissance de l’origine historique des classifications, la prise de conscience du caractère relatif de nos concept, tout cela ne se révèle avec netteté que si on se place en dehors de notre système de droit. Par exemple que valent nos distinction entre droit public et droit privé, entre la loi et le règlement, entre les droits réels et les droits personnels, entre les meubles et les immeubles, entre les choses et les personnes ?

Sans étude comparées tout ceci apparaîtrait naturel et nécessaire, hors ces distinctions ne sont pas opérées partout, ou ailleurs sont en déclin voire abandonnées. On s’interroge ainsi sur le bienfondé de nos concepts (au Pérou la « pacha Mama » est une personne morale juridique).

En conclusion, même si les droits qu’on étudiera ne seront, par nous, jamais pratiqués, il est utile d’en avoir une certaine idée à l’heure de la mondialisation, sans oublier l’intégration européenne.

II. Les spécificités du cours.

Ce cours aura une nature essentiellement descriptive et non comparative.

Il porte sur l’étude de systèmes de droit. Pour comprendre un système de droit il faut définir le mot système.

Un système est un ensemble de propositions, de principes et de conclusions qui forment une construction théorique cohérente et capable de rendre compte d’un vaste ensemble de phénomènes. Etudier des systèmes implique de s’intéresser non pas tant aux règles substantielles retenues, mais implique plus d’étudier les grands principes qui structurent les ordres juridiques. Nous étudieront donc les systèmes de sources et d’organisations des droits.

Quels sont les avantages d’une approche systématique ?

Quelles sont les critiques qu’on peut adresser à cette expression de système, en fait nous étudieront les différentes traditions.

1. Les avantages de l’approche en termes de systèmes.

Il réside dans son caractère synthétique et dans les recoupements qu’il permet d’opérer entre différents droits. Si les ordres juridiques peuvent apporter des réponses infiniment varié en matière de droit substantiel, l’approche globale regroupée en systèmes est plus intéressante.

On peut regrouper certains droits qui englobent la même structure au sein de systèmes. L’objet du cours sera les droits de Common Law, les droits Romano-Germanique, les droits Islamiques.

Cette approche va parfois conduire à regrouper ensemble des droits dont les règles matérielles sont néanmoins différentes. Ainsi le droit irlandais se rapproche du droit anglais, alors que pourtant il pourrait se rapprocher du droit portugais.

Il s’avère préférable de s’intéresser à la diversité des droits au niveau macro juridique plus que micro juridique pour 3 raisons :

  • Il serait dangereux de se lancer directement dans la comparaison matérielle de différents droits sans avoir aucune idée du contexte dans lequel ces règles s’inscrivent, on commettrait sinon de graves contresens. Le juriste français au niveau patrimonial pourrait être tenté, du fait que le système anglais favorise les régimes séparatistes, de penser que le droit anglais protège mal le conjoint survivant, alors qu’en réalité il commettrait une erreur. En droit anglais cette absence de protection du conjoint survivant est compensée au niveau d’un autre droit, celui des successions. La vision globale des « mentalités juridiques » est donc nécessaire.
  • Sur un plan plus théorique, s’intéresser au niveau micro juridique ne serait pas intéressant, car les règles substantielles changent très vite, alors que les structures sont relativement stables.
  • D’un point de vue pratique il serait lourd et fastidieux d’étudier par exemple le droit civil, puis pénal et etc. de chaque état.

2. Les critiques de l’expression employée de la notion de système.

Le terme de système peut être critiquable.

La notion de système est en effet étroitement lié à une idéologie rationaliste propre aux pays occidentaux et surtout de l’Europe Continentale. Cette notion s’applique donc très bien aux systèmes romano-germanique et bien moins aux systèmes de Common-Law.

Dès lors que l’on se penche vers les droits non occidentaux le terme de système est dès lors inadapté. Un auteur canadien préfère ainsi substituer à la notion de système, celle de tradition juridique (Patrick Glenn).

Cette notion de tradition juridique a des avantages :

  • Il s’agit de mettre l’accent sur le rôle des facteurs historiques, culturels et sociologiques dans la fondation de ce qu’on nomme usuellement système.
  • A la différence du terme système propre à un seul type de droit (romano-germanique ou encore civiliste), le terme de tradition permet de rendre compte de l’ensemble des types de droits. A propos des droits religieux ou orientaux cela semble encore mieux approprié ; ces droits sont ainsi nommé souvent « droits traditionnels ».
  • S’agissant des droits de Common Law, le terme de tradition est là aussi assez bien choisi. Dans ces droits, il est une règle importante, la règle du précédent, qui conduit ces droits à se présenter eux-mêmes comme des produits de l’expérience passée (le juge est obligé de se référer aux décisions passées) ; ainsi la traditions les caractérise.
  • On pourrait en revanche douter que les droits romano-germanique reposent sur la tradition, puisqu’ils se revendiquent comme des droits fondés sur la raison en rupture avec le passé, la tradition. En réalité, de plus près, le rationalisme exalté ici, constitue également une tradition idéologique tout autant que les traditions religieuses par exemple. Cette idéologie revendiquée par les droits romano-germanique sont bien un héritage de l’époque des lumières et aussi dans une certaine mesure de l’antiquité grecque. Aujourd’hui ce rationalisme apparait comme une habitude de pensée transmise sur plus de 3 siècles et qui mérite tout autant la qualificatif de tradition que les autres droits.

On trouve dans les manuels un autre vocable, celui de « famille juridique ». Que penser de cette expression ?

Elle est sans doute plus appropriée aussi que la notion de système, les critiques qui lui sont adressées n’étant pas transposable à la notion de famille.

Cependant cette notion connote la proximité génétique et le vécu commun au sein de la famille, hors s’agissant des droits il s’agit plus d’habitude de pensée ou de pratique similaire. Elle ne met pas non plus en évidence la notion de développement historique contrairement à la notion de tradition, qui semble donc mieux appropriée.

Avec la notion de tradition on met l’accent sur l’histoire dans le développement du droit. Ceci nous conduit à mieux comprendre d’où l’on vient et où l’on va.

Le terme de « Grande » renvoie à ce qui est partagé par un grand nombre, hors dans ce cours on s’intéresse aussi à des minorités, des petits droits, qui apparaissent aujourd’hui très riches pour répondre à des problèmes écologiques.

Le plan du cours ne peut ici être binaire ou bien la seule présentation pertinente serait alors la comparaison, l’opposition, entre droits continentaux et orientaux/africain. Cette dichotomie ne tient pas la route.

On retiendra 4 grandes traditions juridiques :

  • · Les traditions occidentales fondées sur un idéalisme, mais un idéalisme rationaliste plutôt que mystique.
  • · Les traditions religieuses qui reposent aussi sur une conception idéaliste du droit, mais d’un droit qui émanerait d’une source divine mystique.
  • · Les traditions orientales, qui sont, elles, fondées au contraire des deux autres non plus sur une idéalisation du droit, mais sur un rejet ou tout au moins une méfiance à l’égard du phénomène juridique.
  • · Les traditions autochtones, ou pré juridiques, aujourd’hui reconsidérées par les juristes préoccupés par les questions environnementales.

Partie 1. Les traditions juridiques occidentales.

Il ne s’agit pas tant des traditions juridiques qui s’appliquent aujourd’hui dans les pays occidentaux (Europe et USA), mais plus exactement des traditions juridiques qui sont nées dans les pays occidentaux et plus précisément en Europe ; il s’agit de la tradition romano-germanique ou civiliste et de la tradition de Common-Law qui est née en Angleterre.

Ces traditions juridiques occidentales, sont aujourd’hui si dominantes que la plupart des états du monde peuvent être rattachés à l’une de ces traditions. Elles ne sont donc plus seulement applicables ou appliquées aux seuls pays occidentaux. L’Inde est un pays de Common Law, le Japon est un pays civiliste.

Pourquoi regrouper ensemble ces 2 traditions au sein des traditions juridiques occidentales ?

C’est parce qu’elles partagent un certain nombre de points communs, outre leur proximité géographique de naissance.

I. Les points communs entre pays de Common Law et pays Civilistes.

A l’instar des droits religieux, les droits occidentaux sont des droits idéalistes en ce sens qu’ils considèrent le droit comme un bien, comme un idéal à suivre, lui accordant une place importante dans la société. Cet idéalisme est aussi un idéalisme rationaliste ; le droit n’est pas le produit de la volonté divine, mais de la raison humaine. Cela emporte des conséquences.

  • Une conception positiviste du droit : on considère que le droit est créé par les hommes et donc qu’il peut être modifié par eux. Cela vient nuancer cet idéalisme des droits occidentaux, on rejette ainsi souvent le concept de droit naturel. Le concept de droit naturel renvoie à l’idée selon laquelle il existerait des droits (des êtres humains) universels et intangibles, qui n’auraient pas besoin d’être édictés par une autorité normative terrestre pour exister. Ces droits occidentaux ont tendance à considérer que toute norme juridique dispose d’un choix entre différentes alternatives ; ce choix peut varier dans l’espace et dans le temps, les règles de droit pouvant donc changer. Mais ils ne sont pas totalement exempts de la notion jus naturalis, ni de prétentions universalistes, comme par exemple les Droits de l’Homme. De même dans les droits de tradition civiliste, la codification exprime aussi des tendances jus naturalistes, car nos codes proclament souvent des principes abstraits qui se veulent universels (544 du code civil qui définit la propriété de façon abstraite et universelle).
  • Une conception substantielle laïque : D’un point de vue substantiel, les droits occidentaux vont se distinguer des droits religieux par le fait que leurs valeurs fondatrices sont laïques. Ici la valeur suprême est l’être humain. Ainsi on met en avant des notions telles que l’humanisme, l’individualisme et le libéralisme.
  • Des sources laïques : Les sources de ces droits sont elles aussi laïques. Leur légitimité se fonde sur des critères rationnels. Les sources sont ainsi le Parlement (légitimité démocratique) ou le Juge (légitimité technocratique, car technicien du droit).

II. Les différences entre les traditions juridiques occidentales.

Les différences tiennent essentiellement à la place accordée à chacune de ces 2 sources (Parlement et Juge).

En Common Law, la source première est la jurisprudence, alors que dans la tradition civiliste la source première est la loi (votée par le parlement).

La tradition de Common Law est caractérisée par un empirisme fort et très casuistique. A l’inverse le droit civiliste est marqué par un certain degré d’abstraction, mais aussi par un certain systématisme.

Ces différences entre ces 2 traditions expliquent qu’on étudie successivement la tradition romano-germanique puis celle de Common Law. Cet ordre s’impose par un plan chronologique.

Chapitre 1. La tradition juridique romano-germanique.

C’est ici la Civil Law opposée à la Common Law.

Elle est née dans la partie occidentale du continent Européen.

On caractérise souvent cette tradition par le fait qu’elle est écrite dans les codes, mais en réalité la codification quasi-totale est très récente. Donc la tradition civiliste ne se réduit pas à la codification, elle existait déjà avant qu’elle prenne la forme de codes.

Section 1. La formation de la tradition romano-germanique.

On peut identifier 3 grandes phases :

  • · La naissance du droit romain.
  • · La redécouverte du droit romain dans les universités à la renaissances.
  • · Les grandes codifications au 19ème siècle.

A. La naissance du droit romain.

1. Les origines du droit romain :

– 753 fondation de Rome.

Au départ le droit est aux mains des pontifes (autorité morale et religieuse). Le pouvoir politique est lui aux mains des rois étrusques.

En 510 avant JC le régime change et Rome devient une République, la Plèbe va réclamer le droit de connaitre les lois. Cette revendication sera satisfaite environ ½ siècle plus tard. Le gouvernement de Rome va être remis à 10 hommes qui auront mission de rédiger les lois du peuple romain. Une fois élaborées ces lois seront rédigées sur 12 tables en bois ou en ivoire, affichées au forum (450 avant JC).

Ces tables transcrivent par écrit les principes auxquels les citoyens romains ont décidés de se soumettre en commun après discussion. La loi des XII tables apparait comme la première forme de législation moderne se distinguant ainsi de la coutume par son caractère délibéré, écrit et public.

2. Les spécificités du droit romain
a) La distinction entre la religion et la morale

Les romains vont envisager le droit comme une discipline humaine et non comme une vérité révélée par les dieux aux hommes. Le droit ne traduit pas la nature des choses. Le droit est créé et non donné, et ce par des autorités distinctes des autorités religieuses (pontifes) ou morales (censeur). L’autorité juridique essentielle était le prêteur. Autant les grecques associaient une divinité Thémis au droit, mais pas les romains.

b) La rationalité au fondement du droit.

La rationalité est prégnante et elle se trouve au fondement de notre droit. La règle de droit trouve son fondement, sa légitimité, en elle-même. Si le droit est créé par des hommes, il peut faire l’objet de critiques, il peut changer. Il trouve sa légitimité en lui-même par le fait que la règle de droit est rationnelle. C’est la cohérence de la règle et les conséquences positives qui découlent de son application, qui vont lui donner sa légitimité. Les romains seront ainsi les premiers à développer une science autonome du droit, influencée par le rationalisme grec (Aristote) qui va les conduire à adopter une approche systématique du droit. Les romains vont essayer de construire des concepts capables de réduire la réalité du monde à un certain nombre de catégories logiques et exhaustives. Notre approche systématique du droit puise ainsi dans des sources antérieures à la naissance du droit.

Le droit romain et sa règle trouve sa légitimité en lui-même, d’où une nécessité de la cohérence de la règle juridique. La légitimité des normes est ici d’abord technique avant d’être démocratique. Aujourd’hui on a pu perdre de vue qu’en droit romain cette légitimité démocratique n’était pas centrale comme elle l’est de nos jours. Les droits romano-germaniques demeurent le plus soucieux de cohérence, de légitimité.

3. Les sources du droit romain.

A l’origine il n’est pas codifié, mais la loi est une source importante bien qu’elle ne soit pas supérieure aux autres sources du droit romain. Les autres sources suivent :

a) La loi

Il n’existe pas encore de démocratie indirecte, la loi, ce sont les règles adoptées directement par le peuple réuni en assemblée et non par des représentants des citoyens. La composition de ces assemblées, ainsi que leur rôle, a évolué au fil du temps.

  • · A l’origine on trouve des assemblées de chefs de famille d’un même clan, les Comices Curiates qui avaient tout à la fois un pouvoir religieux et politique. Ils pouvaient ratifier la désignation des rois mais aussi la nomination des magistrats.
  • · Ensuite se sont développées les Comices Centuriates, qui rassemblaient des militaires et des citoyens participant à l ‘effort de guerre. Les militaires étaient généralement issu de famille riche et en réalité ces assemblées rassemblaient essentiellement les grandes familles romaines et accordaient des droits de votes supérieurs aux plus riches. Elles ont une autorité militaire tout d’abord, puis elle vont voter certaines lois et élire les hauts magistrats (le consuls, qui héritent les fonctions royales, les censeurs chargés du contrôle des mœurs et du recensement des la population romaine, et les prêteurs spécialement en charge de la justice à Rome).
  • · Avec l’expansion de l’empire se sont développées des assemblées de tribus, les Comices Tributes (au nombre de 35), qui se voient confier l’administration d’un territoire déterminé, elles élisent le Pontifex Maximus et les magistrats inférieurs (les édiles qui représentent l’autorité administrative et religieuse, les questeurs chargés des finances). Elles ont aussi théoriquement le pouvoir de voter les lois, mais elles vont être de moins en moins consultées à cet effet.
  • · L’assemblée de la Plèbe ( Concilium Plebis, qui regroupe citoyens autres que les patriciens et les nobles), elle rassemble les citoyens à la base de la hiérarchie sociale romaine. Pourtant les décisions de la plèbe, les plébiscites, ont force de loi même à l’égard des patriciens, à partir de 287 av J.C.

Au final si on veut adopter une loi, on va s’adresser à telle ou telle assemblée.

b) Le Sénatus Consult

C’est ce que le sénat prescrit. Le sénat est à l’origine un conseil des anciens, dont les membres sont choisis chez les pères de famille patriciens, mais au fil du temps ils seront recrutés parmi les anciens magistrats, et les plébéiens y auront aussi accès. Sous la République le pouvoir du Sénat est important, il contrôle la politique militaire et budgétaire, il dispose d’un droit de véto par rapport aux décisions des assemblées, mais pas au regard des plébiscites. Sous le principat les avis du sénat deviendront obligatoires. Par la suite ce pouvoir sera subtilisé par l’empereur, par la technique de «l’oratio principis», oraison adressée par l’empereur au sénat, par laquelle il exprime le vœu d’adoption de telle ou telle loi. Le sénat n’a pas alors vraiment le pouvoir de rejeter l’adoption de ces lois. Les assemblées seront de plus en plus rarement réunies pour entériner les lois du sénat, qui deviendra une simple chambre d’enregistrement, un simple organe consultatif.

c) Les Constitutions Impériales

Avec le temps, la source essentielle du droit romain sera la constitution impériale, les décisions de l’empereur. Ces décisions peuvent prendre différentes formes :

  • · Un édit, à portée générale.
  • · Un décret, décision judiciaire.
  • · Une lettre, une réponse donnée par l’empereur à une question de droit, posée par un magistrat ou un simple citoyen en dehors de tout procès. Cette lettre qui répond à un magistrat est un «épistula», quand elle répond à un citoyen, c’est un «rescrit».
  • · Le mandat: injonction faite par l’empereur, au départ à un fonctionnaire, puis plus tard à d’autres personnes.
d) Les édits des magistrats

la procédure romaine dite formulaire se décompose en 2 temps (parallélisme en droit de common law) :

  • La phase en droit, In Jure, elle se déroule devant le prêteur (magistrat spécialisé dans les problèmes juridiques). Le prêteur en fonction de la question juridique soulevée, va remettre une formule au demandeur, c’est une tablette de cire adressée par le prêteur à un juge qui lui ordonne de trancher le litige au regard des règles de droit exposée par le prêteur dans la formule.
  • La phase devant le juge (en justice qui traite les questions de fait), In Judicio; elle s’ouvre après que la phase In Jure est achevée, et elle va se dérouler devant un juge qui n’est pas juriste mais qui est un simple citoyen romain. Ce juge constate les faits et va tirer les conséquences qui découlent de la confrontation des faits aux règles de droits exposées dans la formule, cela ressemble fort à la procédure employée en Common Law avec les «forms of action». Ces formules sont en nombre limité et pour que la demande aboutisse, il faut qu’elle corresponde aux formules prévues. Le deuxième parallèle avec la Common Law c’est le recours au jury composé de simples citoyens qui tranchent au regard des règles de droit exposées par le juge.

Ces édits les plus importants étaient ceux du prêteur. Le prêteur pouvait être urbain (entre citoyens romains) ou pérégrin (litiges impliquant des étrangers). Le prêteur était investi de sa fonction pour 1 an et il était courant qu’à son entrée en fonction il émette un édit permanent, qui expliquait comment il allait régler les questions susceptibles de lui être posées au cours de son mandat. Il pouvait aussi émettre en cours d’année un édit imprévu, pour régler une question qui n’aurait pas été réglée à l’avance dans un édit. Ces édits se rapprochaient d’une forme de législation qui portait à la fois sur la procédure, mais aussi sur le fond du droit. Au départ, le prêteur n’entendait pas se lier par les édits rendus, mais en -67 une loi est adoptée, qui prévoit que les prêteurs sont désormais tenus de respecter leurs édits. Le droit romain pouvait alors évoluer au fil des édits, mais souvent ces édits reprenaient pour l’essentiel les édits antérieurs. On les complétait et on y apportait des améliorations, on se rapproche alors d’avantage d’une législation. Vers 130 ap J.C, Hadrien fit codifier l’édit du prêteur urbain, qui ne pouvait plus désormais être modifié que par l’empereur lui-même.

e) Les Jurisprudents

Avis donnés par les Juris Consult, lors de consultations juridiques. Les Juris Consult sont habilités à agir en justice pour le compte des particuliers, ils peuvent rédiger des traité, des commentaires, des digestes, afin de prévenir les conflits, et aussi rédiger des actes et des contrats. Ces juris Consult peuvent répondre aux questions posées par les particuliers sur un problème de droit. a l’origine au 2ème siècle avant J.C, n’importe qui pouvait être Juris Consult, mais à partir d’Auguste, par méfiance envers eux, seuls les juris consult nommés par l’empereur seront habilités à émettre des avis susceptibles d’être invoqués en justice. Si les Juris Consult étaient unanimes, le juge devait se plier à leur avis, sinon il pouvait suivre l’avis du juris consult de son choix. En 426 Valentinien III, décida que ne pouvait être cités en justice que les écrits de 5 Juris Consults (Papinien, Paul, Ulpien, Gaius et Modestin). En cas de disparité dans les opinions, le juge devait suivre l’opinion majoritaire parmi ces 5 juris Consult, en cas de dualité il fallait suivre Papinien. Cela est la 1er manifestation du caractère doctrinal et savant qui caractérise notre tradition juridique.

4. La codification du droit romain

La phase la plus importante est intervenue sous Justinien (qui siégeait à Constantinople). Elle a abouti à ce qu’on appellera le Corpus Juris Civilis au 16ème siècle. Justinien codifiera la constitution impériale, ce sera le codex, puis le digeste (opinions et consultation des juristes classiques les plus connus), puis les Institutes (sur les enseignements de Gaius) qui peuvent être invoqués devant les juges, enfin, les Novelles (à la mort de Justinien, compilations des dernières constitutions). Cette compilation est cruciale elle va assurer la conservation du droit romain. Des juristes italiens la redécouvriront au cours de la renaissance.

B. le développement des universités.

1. L’oubli du droit romain.

Après la chute de l’empire d’occident, le droit romain va perdre son applicabilité en Europe. C’est une période d’invasion par des peuples d’origines diverses, Nordique (Vikings), Germanique (Burgonde, Wisigoths, Francs) et Arabe. Ces invasions vont conduire à un fort recul du droit romain, car ces peuples apportent leurs coutumes. Au début il n’y a pas de mélanges, car le système est personnaliste (personnalité des lois), mais peu à peu avec le développement de la féodalité on va passer à un système plus territorialiste avec le développement de coutumes locales applicables à des personnes qui résident sur un même territoire (territorialité des lois). C’est à ce moment que va se manifester un recul généralisé du droit romain, on va préférer l’arbitrage transactionnel de règlement des litiges. Le droit va aussi perdre de sa rationalité (ordalies). Mais la perte d’autorité du droit n’est pas totale, certaines régions y reste soumise. En France une opposition va se développer entre pays de coutumes et de droit écrit (Nord et Sud de la Loire). L’influence du droit romain va aussi persister à travers le droit canon, qui a une influence notamment en droit de la famille et des contrats.

2. La redécouverte du droit romain.

Les juristes de la renaissance redécouvriront le droit romain. Ils vont décider d’enseigner le droit romain dans les universités naissantes au 12ème siècle, tout d’abord à Bologne. Ces universités n’enseignent pas le droit positif, mais le droit idéal. Le droit positif est inconcevable à l’époque, car les coutumes sont morcelées et incertaines dans leur contenu, seul le droit romain comporte un degré de précision suffisant pour être enseigné. Il représente un héritage culturel commun de l’Europe, car il a été applicable dans toute l’Europe sous la domination romaine. En outre il est facile à connaitre, puisqu’il a été conservé dans des compilations écrites, notamment celles de Justinien et grâce au latin parlé dans toute l’Europe, car c’est la langue de l’église. De plus il profite du prestige passé de l’empire romain.

Il a cependant fallu surmonter l’obstacle du caractère laïque du droit romain. C’est le fruit d’une société préchrétienne qui peut apparaitre comme une remise en cause du christianisme. Cet obstacle va être levé au 13ème siècle grâce à St Thomas d’Aquin, qui va montrer que le rationalisme sur lequel s’appuie le droit romain est en fait conforme à la religion chrétienne. St Thomas va réaffirmer la distinction entre le spirituel et le temporel, ce qui va permettre de se référer au droit romain sans crainte de corrompre les étudiants. Dans les universités va aussi s’ajouter l’enseignement du droit canon. Droit romain et canon seront l’objet unique de l’enseignement jusqu’au 16ème siècle. C’est à partir du 17ème siècle que les universités vont enfin enseigner le droit local, le droit positif (exemple, une chair de Droit Français est créée à la Sorbonne en 1679).

3. Incidences et observations relatives à la redécouverte du droit romain.
a) Le renforcement du caractère savant et scientifique du droit (tradition civiliste).

Ce lien intime de la tradition romano-germanique avec les universités a contribué à renforcer le caractère savant et scientifique de notre tradition romano-germanique. Ces universitaires ne raisonnaient pas à partir du droit positif (lege lata), mais en recherchant les solutions les plus justes, le droit idéal (lege ferenda).

  • · Un lien fort entre la tradition romano-germanique et l’école du droit naturel (le droit tel qu’il devrait être, inhérent à l’humain).
  • · Le droit enseigné est un droit idéal qui prétend à une certaine universalité temporelle, en ce sens que ce droit enseigné se fonde sur le droit romain millénaire, et une universalité spatiale, car le droit romain était enseigné dans les universités de toute l’Europe.
  • · Ceci a fondé une culture juridique commune aux juristes du moyen-âge, en dépit de la très grande diversité de droits locaux. De la naitra un Jus Commune, qui n’est pas un droit positif, mais une science du juste, un ensemble de préceptes qui permettent aux juristes d’identifier dans chaque cas concret la solution la plus juste.
  • · Au final l’adhésion au droit naturel, conduit les enseignants à s’écarter du droit romain originel
b) L’altération du droit romain originel.

Plusieurs écoles se sont succédé dans cet enseignement.

  • La première celle des glossateurs (12ème et 13ème siècles) cherche à retrouver et à expliquer le sens originel du droit romain.
  • A partir du 14ème siècle, les post glossateurs vont s’écarter du droit romain originel, s’efforçant de dégager le caractère systématique alors que le droit romain est casuistique.
  • Le droit romain va devenir un prétexte pour justifier des solutions nouvelles adaptées à la société de l’époque. Se développe alors un «Usus Modernus Pandectarum» un droit romain altéré notamment par les conceptions du droit canonique. A cette époque se développe aussi la méthode scholastique qui consiste à présenter sur une question les diverses opinions des grands auteurs de l’époque, pour dégager la solution la plus juste (Communis Doctorum) par rapport à l’opinion commune des docteurs.
  • Par la suite le développement de l’école du droit naturel renforcera l’éloignement du droit romain, les questions vont être abordées de façon plus abstraite, systématique et logique. On chercher à identifier le droit tel qu’il est dicté par la raison humaine et la nature des choses (le droit qui est en tout lieu et en tout temps). Ici l’homme est placé au centre du droit. enfin cette école va favoriser la loi au sein de différentes sources du droit. La loi sera mise au sommet. Les solutions du droit romain ne sont retenues que si elles apparaissent conformes à la raison. L’opinion commune des docteurs ne s’imposent plus non plus nécessairement quand elle n’est pas conforme à la raison. Comment les enseignements prodigués, vont-ils alors pouvoir influencer le droit positif (en vigueur à un moment et dans un espace donnés).
c) L’entrée du droit romain dans le droit positif.

Elle dépend de 3 facteurs :

  • L’imprégnation des juges par le droit romain : les juges au moyen-âge sont traditionnellement non juristes, mais ils vont devoir avoir une formation juridique, ce mouvement de professionnalisation va s’opérer progressivement du 14ème au 16ème siècle. Peu à peu les juges seront des juristes formés à l’école du droit romain (universités). Ils vont s’inspirer des catégories romaines quand ils rendront leurs décisions (reprendre la césure entre droit public et privé etc…). Ils sont aussi imprégnés de la conception du droit retenue en droit romain, de cette idée selon laquelle la société doit être régie par le droit et non par la religion. Ces juges seront aussi animés par une démarche rationnelle. A l’époque, la jurisprudence est une source essentielle du droit privé, car le pouvoir politique ne s’occupe presque exclusivement que de questions de police (à l’intérieur) et militaire (à l’extérieur) ; il ne se sent pas légitime pour intervenir dans les litiges entre personnes privées (à modifier le droit privé) ; il y a donc très peu de législation édictée en droit privé, d’où l’importance des décisions rendues par les juges.
  • L’incomplétude et l’incertitude des coutumes (ou inversement) : même dans les pays de coutume, il est difficile de se contenter des seules coutumes, car elles sont souvent parcellaires et difficiles à connaitre. Il y a cependant des œuvres de rédaction des coutumes qui sont entreprises (Beaumanoir). Sur ordre du roi des individus sont aussi appelés à rendre compte des coutumes dans des ouvrages. Ces rédactions ne changeront rien au caractère fragmentaire des coutumes qui traitent des seules questions familiales, foncières et successorales. Ainsi, le droit romain va être reçu comme raison écrite pour combler les lacunes des coutumes. Les rédacteurs des coutumes tentent le plus souvent de les présenter comme un ensemble de règles systématique et complet, mais elles n’ont pas ce caractère, ainsi le rédacteur fait œuvre créatrice en comblant les lacunes des coutumes. Cette œuvre créatrice se fait souvent en y important les principes du droit romain. L’applicabilité du droit coutumier dans bien des zones de l’Europe n’a pas empêché la romanisation globale de ces droits. La distinction entre pays de droit écrits et de coutumes a donc moins d’influence qu’on le prétend.
  • Le type d’organisation judiciaire mise en place dans un endroit donné et la procédure applicable : en France, l’influence du droit romain s’est trouvée limitée par le fait qu’existait une procédure spécifique permettant d’établir le contenu de la coutume applicable, c’était l’enquête par turbe (10 témoins déclarent à l’unanimité après délibération que telle coutume est applicable en l’espèce). Ainsi les hypothèses selon lesquelles le juge va se tourner vers le droit romain ne seront que subsidiaires. En outre dès le 14ème siècle une grande cour royale est créée, c’est le Parlement de Paris, et bientôt d’autres parlements seront créés dans les provinces française. Ces parlements ne sont pas tenus de suivre le droit romain, ni les coutumes. Ces parlement peuvent ainsi faire œuvre créatrice. Ils sont capables de générer un nouveau droit. On va ainsi s’écarter plus qu’ailleurs du droit romain. Dans les pays scandinaves les coutumes ont été rédigées très tôt, donc il eu une moindre nécessité de recourir au droit romain. Au contraire en Allemagne et en Italie, il n’y a pas d’enquête par turbe, de plus les magistrats sont itinérants et on s’assure de leur impartialité. En Allemagne la justice est très mal organisée, atomisée, les justiciables préfèrent donc envoyer leurs affaires devant une université, or elle est souvent éloignée de la contrée où est né le litige ; l’université ignore donc les coutumes locales et rend alors une opinion basée souvent sur le droit romain, dont l’influence est très importante, à tel point qu’il va devenir le droit positif Allemand. Les juristes allemands reconnaissent eux-mêmes que le code civil français comportait initialement d’avantage d’éléments germanique que le code civil allemand.

C. La période des codifications.

La codification va faire basculer les droits de la tradition romano-germanique dans le positivisme légaliste. C’est le succès du droit naturel qui conduira les états européens dans le projet de codification de leur droit. C’est un paradoxe.

C’est ce courant de pensée qui prône une vision rationaliste et systématisée du droit qui conduira à la codification car elle entend faire de ce droit le droit positif. Pour se faire l’école du droit naturel reconnait au législateur le droit d’intervenir en matière de droit privé. Elle aussi lui reconnaitre le droit de réformer le droit dans son ensemble, afin de faire correspondre le droit appliqué au droit qu’elle défend.

Cette codification est donc différente de celle appliquée par les romains. Il ne s’agit pas de compiler les règles, mais d’exposer de façon méthodique le droit qui convient à la société actuelle. La codification va réaliser l’unification, la rationalisation et une refonte des valeurs du droit.

1. La codification en France.

La refonte des valeurs est très nette en France, car la codification intervient après la période révolutionnaire (code civil de 1804). En France ce code civil va consacrer une organisation sociale et un code valeur nouveaux.

L’adoption de ce premier code est importante, car il aura une destinée extraordinaire par sa diffusion dans de nombreux pays (Belgique , Italie , Espagne , Portugal , Pays-Bas .. Mais aussi des pays de l’Est , du Moyen-Orient et d’Amérique Latine). Cette réception est facilitée en Europe, par le fait qu’à l’ère Napoléonienne la France domine toute l’Europe.

Sur le fond le code civil n’est pas une pure œuvre de droit romain, il est imprégné de coutumes germaniques, c’est un compromis.

Méthodologiquement cette œuvre est clairement romaniste car elle présente le droit civil comme un système logique, cohérent et complet.

Le style du code participe aussi à son rayonnement, la langue y est élégante, simple, solennelle et directe. Il se veut accessible à l’ensemble des citoyens et ainsi il doit être clair, le cas échéant cette clarté se fera au détriment du sens des termes, donc de la rigueur et de la précision.

2. La codification Germanique.

Le monde germanique préfèrera sa propre codification. Le code Autrichien en 1811. La codification allemande se fera plus tard, à cause d’un recul du rationalisme au 19ème siècle au profit de l’école dite historique dont le chef de file est Savigny. Pour cette école le droit n’est pas conçu comme le fruit de raisonnements abstraits, mais comme le fruit de l’histoire de chaque peuple. Les membres de cette école ne s’entendent pas tous sur ce qui est constitutif de l’histoire du droit allemand. Pour certains, c’est la coutume germanique, pour d’autres c’est le droit Romain. Savigny met lui l’accent sur le droit romain. Les disciples de Savigny se consacreront ainsi à l’étude presque exclusive du droit romain, on les nommera ainsi « les pandectes ou pandectistes» (traditions grecque du terme digeste), ils étudieront le corpus juris civilis. Ils adopteront une démarche proche de celle du droit naturel, en étudiant le droit romain, ils vont œuvrer à la construction d’une tradition juridique abstraite.

C’est ainsi à la fin du 19ème siècle (1874) qu’une première tentative de codification aura lieu. En 1896 le code sera adopté et entrera en vigueur le 1er janvier 1900. Ce code est présenté comme un chef d’œuvre d’abstraction et de précision, il se distingue par le fait qu’il utilise toujours le même terme pour désigner la même notion juridique (contrairement au code français). Sa précision est quasi mathématique. Le texte est ainsi moins accessible aux néophytes, el le style est plus lourd. Le BGB apparait ainsi comme un concurrent du code Français aux yeux de nombreux pays, et le Japon s’en inspirera.

Si la codification est présentée comme la caractéristique majeure des droit Civilistes , ce n’est pas parce qu’elle a toujours été une caractéristique intrinsèque de ces droits mais parce qu’elle représente l’aboutissement de deux traits essentiels de cette tradition, à savoir, l’aboutissement du culte de la loi et de la conception scientifique du droit (conception essentielle de la tradition romano-germanique).

Section 2. Les caractéristiques des droits de tradition civiliste.

Elles tiennent moins aux solutions retenues, qu’aux conceptions du droit et de leurs sources.

Il y a une façon commune d’appréhender le droit, c’est de façon rationnelle et systématique. On réduit le monde du droit à des catégories logiques et exhaustives.

Les droits substantielles des traditions Civilis sont variables. En France le transfert de propriété s’opère selon un consensus. En Allemagne il s’opère par la tradition. Et pourtant l’Allemagne et la France appartiennent à la même tradition juridique.

Il existe dans les différents droits Civilistes, une même manière d’appréhender le droit , une manière rationnelle et systématique. Cela signifie que dans cette même famille de droit, on cherche à réduire le monde juridique à un ensemble de catégories toutes à la fois logiques et exhaustives. Par exemple , la Summa Divisio des biens.

A. L’approche rationnelle et scientifique du droit.

On note en particulier le partage de grandes divisions.

On retrouve la distinction entre droit public et droit privé (existe depuis le droit romain – Institutes d’Ulpien qui affirmait cette distinction « le droit public est relatif à la structure du droit romain, le droit privé concerne les intérêts des particuliers »). Pendant longtemps il n’a cependant pas existé de véritable droit public, car les juristes se consacraient exclusivement au droit public, du fait que le pouvoir était lié à la force et on ne concevait pas que le pouvoir soit soumis au droit.

L’organisation du droit en branches est un autre point commun des droits de tradition civiliste. On y distingue :

  • · Droit constitutionnel
  • · Droit administratif
  • · Droit civil
  • · Droit pénal
  • · Droit du travail
  • · Droit commercial

A l’intérieur de chacune de ces grandes branches, les concepts convoqués sont aussi souvent les mêmes. On y retrouve le concept, de contrat, d’obligation, de délit, de quasi-délit et de quasi-contrat. Il n’est pas ainsi trop difficile de traduire un droit civiliste d’un pays dans un autre, les problèmes étant abordés de la même manière. La mentalité juridique y est la même.

B. Une même conception des sources du droit.

Ils partagent une même conception des sources du droit. Outre l’approche rationnelle et scientifique les droits civilistes partage une conception des sources du droit assez uniforme.

Cette conception consiste dans la place primordiale de la loi, dans la place secondaire attribuée à la jurisprudence, dans le rôle persistant de la coutume, dans le rôle important accordé à la doctrine et enfin dans l’existence de principes généraux.

C’est aujourd’hui la principale caractéristique des droits de tradition civiliste.

1- Primat de la loi.

Ici les pays sont des pays de droit écrit, notamment par le biais des lois et des codes. Les actes votés apparaissent comme la source par excellence des règles de droit, les autres sources étant subordonnées à la loi.

  • · La loi apparait comme la meilleure source car elle est démocratique (raison politique), mais aussi car elle est le meilleur garant de la sécurité juridique (raison technique), elle rend le droit accessible au citoyen, qui sait ainsi à l’avance à quelle règle il est soumis.
  • · La loi permet aussi d’exposer le droit d’une manière scientifique, logique et cohérente, plus que la coutume et la jurisprudence.

Pour permettre pleinement la réalisation de ces objectifs, la loi est souvent codifiée. La codification renforce à la fois le caractère systématique du droit et aussi son accessibilité pour les citoyens. Cette codification est plus ou moins généralisée selon les pays. Dans certains pays, seuls les matières fondamentales sont codifiées. Le code n’est pas propres au seuls pays de tradition civiliste, il existe des codes aux USA, néanmoins cette codification n’a pas ici la même signification. En France elle est un idéal de cohérence et d’abstraction du meilleur droit possible, ainsi notre code sera bien différent du code civil américain, qui sera le plus souvent une simple compilation des textes applicables à la matière.

Ce culte de la loi s’exprime aussi dans ce qu’on appelle le constitutionnalisme. Tous les pays civilistes ont en effet une constitution, qui souvent se voit conférer une autorité supérieure à celle des lois qui se voient sanctionnées par un contrôle de constitutionnalité. La loi se trouve en outre supérieure au règlement, car il apparait comme une source moins démocratique puisque provenant de l’exécutif, il est soumis à un contrôle de conformité à la loi (contrôle de légalité). Les modalité et utilités de ces contrôles varient d’un pays à l’autre. Tous les pays civilistes ne connaissent pas par exemple la distinction en droit administratif et droit judiciaire. En matière de contrôle de constitutionnalité, le contrôle est souvent concentré dans les pays civilistes (juridiction spéciale). Ceci découle de la méfiance à l’égard des juges et du culte de la loi.

Il faut cependant noter que ce culte de la loi est relativement récent dans les pays civilistes, il ne se retrouve ni en droit romain, ni dans l’ancien droit. Ce culte dans la pratique cède à la jurisprudence cependant. On observe de nos jours à un déclin du culte de la loi, du fait de l’inflation législative qui génère une instabilité du droit et une complexification des lois qui nuit à la clarté et à l’efficience des lois. Cette perte de prestige est aussi dû à la mauvaise qualité des lois votés.

2- La place secondaire de la jurisprudence.

Cette place nous distingue des pays de Common Law. Historiquement la jurisprudence a été une source essentielle du droit privé, mais aujourd’hui elle a un rôle théoriquement limité, mais en pratique le rôle créateur de la jurisprudence est inévitable pour combler les lacunes de la loi et pour faire évoluer son contenu.

Dans la plupart des pays civiliste, le juge va masquer son rôle créateur derrière son apparence de simple couche de la loi. Ce rôle créateur dissimulé transparait aussi par la rédaction d’arrêts très courts. Le raisonnement strictement syllogistique trahit aussi ce fait. Au final les décisions des juges se présentent comme de simple mise en œuvre de dispositions légales réputées parfaitement claires. Les débats préliminaires sont ainsi rarement publics. Les décisions judiciaires n’ont pas la force de précédent et les juridictions ne vont pas citer les décisions jurisprudentielles antérieures pour justifier leur décision.

Mais tout ceci est une généralité, ainsi en Allemagne on y trouve des références. En pratique elles ont cependant valeur de précédent du fait de l’existence d’une cour suprême (Cassation et Conseil d’Etat). Ce pouvoir reconnu à la juridiction suprême va permettre d’unifier les décisions. Le statut de la jurisprudence est en fait assez proche de celui des pays de Common Law. La différence essentielle étant que les juridictions ne sont pas théoriquement liées par leurs décisions antérieures, elle peuvent opérer un revirement, contrairement aux pays de Common Law. En pratique cette différence doit être nuancée, les juridictions vont éviter de trop nombreux revirement pour préserver la stabilité nécessaire du droit afin de préserver la sécurité juridique.

Les pays de Common Law à l’inverse disposent de techniques permettant la relativisation de la règle de précédent (le distinguishing).

En matière de responsabilité civile et surtout en droit administratif, il existe en France un véritable culte de la jurisprudence du Conseil d’Etat.

On relève enfin que les juges de tradition civiliste sont généralement des magistrats professionnels qui vont effectuer le plus souvent l’intégralité de leur carrière au sein de la magistrature. Il y a une séparation nette, malgré des passerelles, entre les différentes carrières, ce qui n’est pas le cas dans les pays de Common Law. Elle se caractérise aussi par l’existence d’un ministère public qui représente la société dans les procès pénaux. Ce qui est aussi flagrant c’est le nombre assez élevé des magistrats.

3- Le rôle persistant de la coutume.

Ce rôle va être plus ou moins important selon la matière, selon la branche du droit visée. En droit commercial, le rôle des usages est important.

4- Le rôle important de la doctrine.

Traditionnellement un rôle très important lui est dévolu, car ces droits de traditions civiliste sont scientifiques, savants et systématisés. On dit du droit allemand que c’est un droit de professeur. (Tradition romaine, renaissance du droit dans les universités etc…).

L’importance des opinions des docteurs a cependant varié selon les époques. Après le droit romain, elle n’a eu qu’un rôle d’inspiration, aujourd’hui son rôle est officieux et non pas officiel.

Le rôle varie aussi selon les matières. Grand en droit international privé. Mais quelle que soit la matière, les manuels de droit et les revues juridiques sont une source indispensable d’accès au droit. Les universitaires ont ainsi un rôle clé dans les pays civilistes.

Le rôle est d’autant plus fort que de par leur caractère systématique, les manuels ont une grande importance, ils sont le reflet du droit systématisé.

Dans les pays de Common Law, l’important n’est pas de comprendre les grands principes, le système, mais de trouver le précédent le plus proche de l’espèce à laquelle on s’intéresse et ainsi le manuel perd de son importance.

5- L’existence de principes généraux du droit (PGD).

Les PGD permettent aux juridictions de dégager des solutions nouvelles en s’appuyant sur de principes directeurs du système juridique. Ils ont un caractère assez universel.

Conclusion du Chapitre 1.

On relève que la tradition civiliste apparait encore aujourd’hui dominante, bien qu’elle soit fortement concurrencée par la tradition de Common Law, en raison du poids économique et politique des USA.

Chapitre 2. La tradition de Common Law.

Cette tradition est née en Angleterre et s’étend aujourd’hui en Irlande, aux USA, Canada, Australie, Nouvelle Zélande et dans des pays non occidentaux, Asie, Inde, Malaisie, en Afrique, Kenya, Tanzanie ou Nigéria (pour les questions qui ne sont pas de l’ordre du statut personnel).

Section 1.La formation de la Common Law.

C’est la matrice du droit Anglais, qui a un statut privilégié dans les pays de Common Law. Car de nombreuses matières restent directement soumises à l’influence du droit Anglais (on peut ainsi invoquer un précédent Anglais devant un juge Canadien).

A. La naissance de la Common Law.

La date de naissance de la tradition est facile à déterminer, c’est 1066, année de la conquête de l’Angleterre par les Normands. A leur arrivée, le droit est de type autochtone. L’Angleterre du 1er au début du 5ème siècle a été sous domination romaine, mais le droit romain y a laissé peu de traces. Par la suite, le pays a été conquis par diverses tribus d’origine germanique (Jutes, Danois, Saxons, etc), le droit anglo-saxon qui s’y est développé était de type coutumier. Puis avec le développement de la féodalité on est passé d’un système personnaliste à un système territorialiste. Les coutumes varient d’un lieu à un autre.

En 1066 l’arrivée des Normand ne va pas immédiatement changer cet état de fait. Lorsque Guillaume le conquérant accède au trône il ne va pas balayer ce droit local, mais va confirmer son caractère applicable. Le premier changement est surtout l’arrivée d’un pouvoir central fort et très bien organisé, c’est le premier état moderne en Europe. Ce système politique Normand est à première vue caractéristique du moyen-âge, car il repose sur la féodalité, mais cette féodalité est différente de celle observable sur le continent et notamment en France. Les seigneurs Normands sont des seigneurs étrangers, ce qui explique ces différences, ils ne partagent ni la langue ni les coutumes ni les mœurs des peuples conquis, et ainsi ils restent groupés autour de leur souverain, n’osant pas se désolidariser de lui, contrairement aux seigneurs français avec leur roi. En outre Guillaume a veiller à distribuer les territoires conquis à ses alliés sans constituer des fiefs trop vastes de façon à empêcher le développement de pouvoirs concurrents au sien. Une loi de 1290 va priver les seigneurs du droit d’avoir leurs propres vassaux, ce qui favorisera la constitution d’un état central fort.

C’est ainsi que se constitue un pouvoir central fort. Ce pouvoir aurait pu changer le droit en instituant un nouveau corps de règles, mais il ne le fit pas. En revanche le pouvoir royal a mis en place peu à peu un ensemble de juridictions royales qui vont progressivement concurrencer les juridictions locales, à tel point qu’elles vont les éliminer. La mise en place des cours royales s’est faite progressivement ; à l’origine c’est le roi lui-même qui rendait la justice, mais que pour certains litiges très importants, comme les différents menaçant la paix du royaume et les différents qui ne pouvaient pas être tranchés de façon adaptées par les cours locales. Au sein de cette cour du roi, ou Curia Régis,, le roi statuait assistés de ses proches les plus puissants. Les autres litiges demeuraient la compétence des cours locales, car on ne concevait pas que le roi puisse se mêler des affaires locales.

C’est seulement à partir du 13ème siècle que certaines formations de la cour du roi vont prendre leur autonomie et fixer leur siège à Westminster; leurs compétences vont rester limités à celle qui relevaient du pouvoir royal.

Il y en a 3 :

  • · Les finances royales
  • · Propriété foncière et possessions immobilières
  • · Affaires criminelles menaçant la paix du royaume.

Apparaissent alors 3 cours qui chacune correspondent à ces compétences :

  • · La cour de l’échiquier (finances royales)
  • · La cour des plaids communs (droit des biens)
  • · La cour du ban du roi (affaires criminelles)

Puis leurs compétences respectives vont fusionner, chacune des cours pouvant traiter des compétences des autres.

Par la suite leurs compétences vont continuer de s’étendre grâce à 2 facteurs :

  • Le pouvoir royal est désireux de voir son pouvoir juridictionnel s’étendre.
  • Les justiciables vont être attirés par les cours royales, car ces cours rendent des décisions plus efficaces car revêtues de l’autorité royale. Ces cours suivent aussi une procédure plus moderne notamment en matière de procédure de preuve.

C’est ce droit développé par les cours royales qu’on appellera Common Law, premier droit commun à l’ensemble du territoire de l’Angleterre en opposition aux coutumes locales.

B. Le statut de la Common Law.

Les cours locales vont être de moins en moins sollicitées, tant est si bien que les cours royales demeureront les seules à administrer la justice à la fin du moyen-âge. Formellement les cours royales demeurent cependant des juridictions d’exception et non de droit commun, y recourir est un privilège qu’on obtient en en sollicitant l’octroi à l’autorité royale.

Pour saisir une juridiction royale, il faut obtenir du chancelier un «writ» qui ordonne que l’affaire soit tranchée en justice. Seuls certains types de litiges peuvent donner lieu à la délivrance d’un «writ». Si le justiciable ne parvient pas à identifier une forme d’action appropriée, il ne parviendra pas à obtenir de writ. L’extension de la compétence des juridictions royales va passer par une augmentation du nombre des formes d’actions admises. En 1227 il y avait 56 formes d’action, en 1232 il y en avait 76, donc fort peu cependant. Chaque formule type correspond alors à une catégorie de litige du point de vue substantiel mais aussi procédural. Le droit est donc très procédural et très formaliste. Le droit substantiel ne se développera que dans les interstices de la procédure (parallèle avec les actions de la loi du droit romain). Ces contraintes formelles vont conduire le droit à se développer souvent de façon artificielle.

Il faut comprendre l’histoire du développement de chaque forme d’action pour comprendre le droit Anglais. Ainsi en droit des contrats, le droit Anglais ne reconnait pas que le fait de rompre un engagement contractuel soit une faute susceptible d’être sanctionnée en justice, en revanche, si un locataire, un dépositaire, un emprunteur ou un transporteur refuse de rendre la chose louée, déposée, prêtée ou transportée à son vrai propriétaire, ils pourront être poursuivis seulement pour le fait qu’ils détiennent sans titre une chose appartenant à autrui. On utilise ici un «Writ» de détention et qui permet d’assurer la sanction. De même il existe un «Writ of debt» qui permet au demandeur de réclamer le paiement de sa créance seulement si le débiteur a reconnu dans un acte formaliste être tenu par le demandeur. On ne s’intéresse pas au fond mais seulement à la forme de l’acte de reconnaissance de dette.

Ces Writ, vont se révéler insuffisant pour couvrir toute la palette des hypothèses existantes. Ainsi, on s’est alors servi d’un autre Writ Le Writ of Trespass, qui va permettre d’étendre la sanction des engagements contractuels. A l’origine il servait à sanctionner les atteintes à la personne ou aux biens des individus et sera donc étendu ensuite aux engagements contractuels en cas de mauvaise exécution. Ensuite, on l’a encore étendu aux cas de non-exécution. La sanction s’est autonomisé avec l’action d’Assumpsit; on suppose que le défendeur avait pris un engagement express d’exécuter son engagement contractuel, puis on l’a étendu à tous les engagements, les cours y voyant un engagement implicite de respect. On parle alors Indebitatus Assumpsit (création d’une action autonome qui va permettre de libérer l’action en Responsabilité contractuelle des contraintes liées à la délictuelle).

Les formes d’action ont été abolies au 19ème siècle. Leur influence se fait cependant encore ressentir dans la structure même des droits de Common Law ; les concepts formés autrefois ont continué d’être utilisés par l’obligation de se référer aux précédents. Le droit Anglais est donc pauvre en grands principes généraux et est formé de régimes spéciaux. On n’y trouve donc pas d’équivalent aux art.1382 ni 1383 de notre code civil sur la responsabilité civile.

De manière générale le droit de RCD de Common Law est enfermé dans des nomenclatures, car aucun principe général. Pas de force obligatoire contractuelle non plus.

Sur le plan de la formation des juristes, on n’y suivait pas de formation théorique, mais pratique centrée sur des questions de procédures, elle se faisait à l’école du barreau et non à l’université, ceci a contribué à empêcher la réception du renouveau du droit romain.

L’existence des formes d’action et leur rigidité pouvait conduire à des injustices.

Dans un premier temps les cours royales étaient d’exception et on pouvait alors se tourner vers les cours locales, mais ensuite avec l’importance croissante des cours royales, le problème a été plus important, et s’est alors développée une justice concurrente dite d’équité.

C. La Common Law un droit concurrencé par une justice d’équité.

Les justiciables ont fini par se tourner vers le roi pour lui demander de corriger les décisions les plus choquantes rendues par les 3 cours royales. A l’origine ces recours étaient exceptionnels, puis ils se multiplièrent, dès lors le roi délégua le plus souvent le pouvoir de trancher au chancelier. C’est notamment au 15ème siècle que cela se fit, alors que l’Angleterre était absorbée par des guerres, et se développera alors une cour autonome, celle du chancelier, qui établira un corps de règles autonomes, qui constitueront «l’equity». La procédure suivie par cette cour est inspirée du droit canonique, procédure écrite, secrète et inquisitoire, qui ne recommande pas de recourir au jury. Ce fait va rendre cette cour intéressante pour les justiciables, la vérité pouvant s’y établir plus facilement. Cette cour présente aussi un intérêts du fait que les remèdes y sont plus efficaces (injonctions sous peine d’emprisonnement et d’amende, qui n’existent pas dans les autres cours). Les rapports entre le chancelier et les cours de Common Law vont devenir de plus en plus difficiles. Cette concurrence va être rude, à ce point que les cours de Common Law vont finir par déclarer que le plaideur, condamné à une peine d’emprisonnement pour non-respect d’une décision du chancelier, a agi en état de légitime défense même s’il s’oppose avec violence à la sentence du chancelier et même s’il tue l’agent chargé de l’exécution du jugement.

Le roi (dès 1615) décidera que les décisions d’equity priment sur celles de Common Law. Il établira une hiérarchie entre cour du chancelier et cours de Common Law. Les chancelier vont se montrer plus prudents, ils se soumettront à la règle du précédent et ils vont se comporter plus en juriste qu’en autorité morale. Les rois vont éviter de créer de nouvelles juridictions susceptibles de s’opposer aux cours de Common Law. Coexisteront 2 branches, La Common Law et l’Equity qui apportera à la Common Law des correctifs lorsqu’elle est trop rigide et qui la complète aussi.

D. Les réformes du droit Anglais au 19ème siècle.

Ce siècle va marquer une refonte et une modernisation du droit Anglais sur le plan procédural notamment. Les formes d’action vont être abolies. En 1832 va être établie une procédure unique pour toutes les actions personnelles. Pour les actions réelles et mixtes, une loi arrivera en 1833 qui abolies ces formes d’action. En 1852 on abandonne toute exigence de la mention de la forme d’action dans le Writ.

Va également disparaitre la distinction entre cours de Common Law et d’Equity, en 1873. Cependant, la distinction entre les règles développées par ces cours respectives va demeurer. Toutes les cours peuvent désormais appliquer les règles de Common Law et d’Equity.

Section 2.Les caractéristiques des droits de Common Law.

Ils partagent une même conception des sources du droit.

A. Une même conception des sources du droit.

Du fait de la théorie des sources du droit, la jurisprudence occupe la place première. Elle n’est pas dotée d’une autorité supérieure à celle des lois. La suprématie du parlement permet d’adopter des lois qui s’imposent au juge et invalident leurs précédents.

La jurisprudence est la source de principe, la source de droit commun. Le législateur n’adopte pas des codes contenant des principes généraux. Le législateur n’intervient que de manière ponctuelle pour régler les problèmes mal réglés. C’est la «Case Law».

1- La jurisprudence source de droit commun.

Cette règle est concrétisée et limitée par la doctrine du précédent.

Cette doctrine impose aux juridictions d’être tenu par les décisions antérieures qui portent sur la même affaire. On doit citer les décisions antérieures pour fonder sa décision. Le juge dispose donc d’un pouvoir normatif propre, d’un pouvoir créateur. Mais ce pouvoir est aussi limité par cette doctrine à 2 niveaux :

  • Elle soumet le juge au respect des décisions antérieures. Les juridictions inférieures doivent respecter les juridictions supérieures et leurs décisions, mais les juridictions sont aussi tenues par leurs propres précédent. C’est le cas au niveau de la Cour d’Appel et de la Chambre des Lords en Angleterre. Il n’y a pas de revirement possible en général, mais la Chambre des Lords a admis en 1966 qu’elle pouvait opérer des revirements dans des conditions restrictives et en même temps elle a refusé ce droit à la Cour d’Appel.
  • La doctrine du précédent limite le pouvoir normatif des juges dans la mesure où l’autorité du précédent ne s’applique qu’à la «ratio decidendi», ou à l’énoncé juridique qui est le support nécessaire de la décision, l’élément déterminant de l’issue du litige.

La règle de droit ainsi créée est donc très précise, attachée à la ratio decidendi. Les juges ne sont pas habilités à créer des principes généraux et ils s’en abstiennent. Parfois il envisagent des questions non directement liées aux faits de l’affaire, ils vont émettre des «obiter dictum», des opinions connexes à valeur dissuasive uniquement dans les affaires à venir (pas de valeur de précédent).

Il faut toutefois noter que les juges ont parfois la possibilité, dans des espèces semblables mais non identiques, d’écarter le précédent (distinguishing).

Technique du distinguishing : technique qui permet au juge d’écarter dans un cas précis le précédent qui devrait normalement s’appliquer. Ceci met en exergue le pouvoir du juge et c’est aussi une limite de son pouvoir, car sa décision en application de cette technique ne pourra pas jouer le rôle de précédent pour les décisions ultérieures (donc portée limitée). Chaque juge a ainsi le pouvoir de décider relativement librement mais il ne peut pas lier ses collègues.

2. La loi source subsidiaire du droit.

La loi apparait comme une source subsidiaire du droit, car elle n’intervient que pour corriger la jurisprudence, mais aujourd’hui cela est moins vrai car la législation s’est beaucoup développée notamment en matière économique. Dans le Royaume-Uni le parlement est souverain, ainsi la loi est d’autorité supérieure à la jurisprudence. Toutefois la règle du précédent s’applique aussi à l’interprétation des lois, des statuts, ainsi les références directes à la loi sont interdites, dès lors que cette loi a fait l’objet de multiples décisions de justice, les juges se trouvent alors obliger de se référer aux seules décisions.

Source d’exception, la loi votée par le parlement est très précise, elle ne comporte pas de grands principes et est interprétée de façon très restrictive par les juges. Sa portée normative est limitée. Toute la conception de la règle de droit est ici bien différente de celle des droits romano-germaniques. Ici la règle doit être suffisamment détaillée pour qu’on puisse en déduire des conditions très précises.

3. Le rôle très limité de la doctrine.

Ceci tient à ce qu’il n’y pas d’obligation pour les juriste de suivre une formation universitaire en droit. Cette formation est pratique et se fait à l’école du barreau. Aux USA les law schools sont cependant obligatoires dans les ¾ des états et sont rattachées aux universités.

Il n’y a pas de pratique du commentaire d’arrêt. Quand il y a de petits commentaires, ils ne sont pas accompagnés de la décision de justice.

Les décisions rendues ici sont très longues et explicitement motivées, elles sont plus claires que nos décisions.

Les manuels de droits sont quasiment inexistants. Aux USA il n’existe que des case books. Ceci exprime le refus de la doctrine d’identifier de grands principes généraux. Au Royaume Uni, on trouve des text books qui ont une très grande notoriété de par la célébrité de leurs auteurs, ces ouvrages sont cités dans les décisions de justice par les juges.

B. Le caractère historique des droits de Common Law.

C’est un caractère non rationnel. Le droit anglais n’a pas connu de rupture ou de révolution comme en France. Il présente donc une continuité historique qui l’oppose aux révolutions politiques (révolution française) et juridiques (codification). Ce droit n’est pas un droit rationnel en ce sens qu’on ne peut bien le comprendre qu’en en connaissant l’histoire.

La règle du précédent montre ce caractère historique. Le fait que ce droit soit encore empreint des formes d’action explique que les catégories juridiques naissent par accident.

Ces droits se caractérisent par le fait qu’ils n’adhèrent pas à nos divisions, comme celle entre droit public et privé ou droit civil et commercial. La distinction Common Law et Equity est ici essentielle, alors que nous ne la connaissons pas.

Il y a aussi des institutions particulières comme le Trust (fiducie chez nous), les dommages et intérêts punitifs.

Il existe une très grandes diversités de règles entre les pays de Common Law.

Section 3. La diversité des droits de Common Law

Dans une certaine mesure ce droit est un droit commun à double titre ; il est un droit commun à toute l’Angleterre, mais aussi en ce sens qu’il est commun à l’ensemble des pays de langue anglaise, car à l’heure actuelle cette tradition est partagée par de nombreux pays hors Grande-Bretagne (anciennes colonies anglaises). Cette proximité varie bien sûr selon les pays (très forte au Canada, Australie et Nouvelle Zélande, sauf en droit public car ces états ont une structure fédérale).

Les pays de Common Law non occidentaux sont les plus éloignés de par leur culture du droit de Common Law du Royaume Uni. Cependant les conditions économiques qui règnent dans ces pays fait que l’adhésion à l’économie libérale y est moins forte (Inde).

Dans le cas des USA, les différences sont plus étonnantes. Bien que très proche de l’Angleterre, le droit américain est différent du droit anglais.

A. L’histoire du droit américain.

1. Au 17ème siècle

La colonisation occidentale des USA a commencée au début du 17ème, elle fut Anglaise, Hollandaise, Suédoise, Française. 3 colonies différentes sont établies au 17ème. Au départ elles sont soumises au droit anglais. Les sujets de la couronne anglaise transportent avec eux le droit anglais lorsqu’ils s’installent sur les terres qui ne sont pas soumises à un droit dit « civilisé ». En 1608, lors du Calvin Case, les juges décidèrent que c’était le droit anglais qui avait vocation à s’installer, dans le cas où les règles de la Common Law se trouvent appropriés aux conditions qui régnaient dans ces colonies.

Cependant le droit anglais s’avère très peu approprié aux nouvelles colonies, car les raffinements procéduraux supposent la présence de juridictions et de juristes expérimentés, qui font alors défaut dans ces colonies. De plus les problèmes abordés sont entièrement neufs. La Common Law n’est pas non plus appréciée par les colons qui fuient l’Angleterre. Pour ces raisons le droit qui sera suivi aux USA sera bien différent de celui d’Angleterre et rudimentaire. En réaction au pouvoir des juges dont on dénoncera alors l’arbitraire, on adoptera des codes en 1634 au Massachusetts et en 1682 en Pennsylvanie. Ces codes n’ont rien à voir avec nos futurs codes civilistes, ils expriment l’attachement des gens à la loi comme alternative à la jurisprudence.

2. Aux 18ème et 19ème siècle

Au 18ème la Common Law va acquérir une meilleure image, car elle conçu à l’époque comme un héritage commun aux peuples de langue anglaise, ceci étant valorisé par la volonté de lutter contre l’influence française grandissante. En outre les conditions de vie s’améliorent et le besoin d’un droit moins rudimentaire et plus complexe va se faire ressentir.

En 1776 c’est l’indépendance américaine qui va faire à nouveau évoluer les choses. On veut s’émanciper contre la couronne Anglaise et les Français ne sont plus une menace. Ainsi, le droit français va alors être envisagé de manière favorable. Le Canada est annexé par l’Angleterre en 1763 et la Louisiane est rachetée à la France en 1803. De plus les français ont aidé les américains. La codification va redevenir populaire. Le 4/07/1776, la déclaration d’indépendance s’accompagne d’une déclaration de droit qui rappellera la future DDH française. Dès 1787 les USA se dotent d’une constitution et en 1808 la Louisiane se dote d’un code civil inspiré du notre.

La première moitié du 19ème sera donc une période de flottement entre codification et Common Law. Quelques états se doteront d’un code pénal et de codes de procédure pénale et criminelle. Pour autant ces états ne tomberont pas dans la tradition civiliste car beaucoup d’état hispanique comme le Texas et la Californie se rallieront à la Common Law. Cependant le droit américain restera marqué par la tentation civiliste.

B. Les singularités du droit américain.

Elles ne tiennent pas seulement à l’influence civiliste aux USA.

Ce pays est plus vaste et moins dépendant de ses voisins que l’Angleterre. La population y est aussi plus diverse et plus attachée à la modernité. C’est aussi un état fédéral.

Ce dernier aspect a contribué à construire l’originalité de ce droit.

1. Spécificités d’un état fédéral.

On distingue le droit fédéral des divers droits étatiques. Quand on tranche un litige on se demande alors de quelle compétence il relève, celle de l’état fédéral ou des états fédérés.

Il est difficile d’y répondre car la jurisprudence domine la loi.

Répartition des compétences vis à vis de la loi :

Pour les compétences relatives à la seule loi, la répartition des compétences ne présente pas de grande difficulté, car la constitution donne au congrès des compétences claires et le pouvoir de légiférer. Les états auront ainsi compétence pour traiter des autres questions. La compétence fédérale apparaît ainsi comme étant l’exception, celle des fédérations (le congrès) étant la règle. Les états disposent dans la plupart des matières d’une compétence résiduelle qui leur permet de compléter le droit fédéral.

Répartition des compétences vis à vis de la jurisprudence :

S’agissant de la répartition des compétences vis à vis de la jurisprudence, les choses sont plus complexes. En effet, si l’on conçoit une distinction entre le droit législatif fédéral et le droit législatif californien ou autre ? Va-t-on distinguer le droit jurisprudentiel fédéral du droit jurisprudentiel étatique ? Il arrive que des Cours étatiques soient amenées à traiter de question de droit qui relèvent de la compétence fédérale et ceci s’explique par la compétence étatique résiduelle. Lorsque les autorités fédérales ne sont pas intervenues dans une question de leur compétence, alors les législateurs et les juges étatiques peuvent intervenir. Par conséquent il peut arriver que des juges étatiques connaissent des questions des juges fédéraux. Réciproquement il peut arriver que des juridictions fédérales soient amenées à traiter des questions de droit qui relèvent de la compétence des états. En bref, il peut donc y avoir une jurisprudence étatique sur des questions de droit fédéral et une jurisprudence fédérale sur des questions de droit étatiques. On se trouve confronté à de véritables difficultés.

Une loi fédérale de 1789, paraissait prendre le parti de l’interdiction du développement d’une Common Law fédérale. Cette loi, disait en effet qu’en dehors des matières ouvertes par une loi fédérale, les juridictions fédérales doivent appliquer les lois (The Laws) dans l’état déterminé. A priori, cela interdit de développer une jurisprudence fédérale autonome, mais aussi oblige l’application étatique désignée par les règles de conflits de cet état. L’expression « the laws » renvoyait elle aux lois dans leur ensemble ou aux lois + la jurisprudence.

Dans ce dernier cas, le développement d’une CASE LAW fédérale autonome, demeurait impossible. A l’inverse si on considère que cette loi renvoie juste à la législation alors là le développement d’une CASE LAW autonome demeure possible.

La première position adoptée c’est celle de l’arrêt Swift vs Tysen en 1842, la Cour suprême admet qu’il peut se développer une «général Common Law» sur les questions non soumises à l’autorité d’une loi étatique, la voie est ouverte au développement d’une jurisprudence autonome. Ceci va être critiqué, et un revirement de jurisprudence va intervenir , avec l’arrêt Erie de 1938 , la solution apportée est très différente , il est prévu qu’en dehors des matières régies par la Constitution fédérale , ou par les lois du Congrès , le droit applicable en toutes espèce est celui d’un état déterminé , de source législative ou jurisprudentielle , il n y a donc pas de « général CL » de source fédérale.

Donc ce qui résulte c’est que le droit américain est d’abord de source étatique, avant d’être un droit de source fédérale. Donc il va exister des divergences entre les droits des divers états américains, et ces différences existent non seulement au niveau de l’organisation administrative et juridictionnelle mais aussi pour des questions de droit substantiel (divorce, peine de mort …).

Cela étant, il existe une relative unité du droit des USA. En dépit de la relative faiblesse du pouvoir centralisateur, il existe une harmonie entre les droits des USA. Les statuts américains sont assez proches les uns des autres car on a le réflexe de faire ce que fait l’état voisin, et de ce fait les divergences sont moindres. Les gros états américains ont de l’influence sur les plus petits. Et cela est également vrai pour la CASE LAW, car on ne trouve pas forcément un précédent qui corresponde parfaitement au cas soumis. Donc on va se tourner vers la CASE LAW (jurisprudence) de l’état voisin où on a un précédent adéquat.

Il en résulte que la jurisprudence américaine est relativement uniforme, et lorsqu’il existe des divergences, et cela est regrettable pour les juristes, on va aller vers l’unité de la CASE LAW. Aussi le droit américain est-il enseigné dans les écoles de droit comme un ensemble.

On enseigne le droit comme un ensemble, on se fonde sur les décisions de justice rendues par les états, mais on en rend compte comme d’un seul et même droit.

De plus si la source de principe est la jurisprudence, alors la loi a néanmoins une place plus importante aux USA qu’en UK.

2. Une place relativement importante accordée à la loi.

Ici la loi a une place plus importante et cela se traduit par l’existence d’une constitution, de Codes et d’un grand nombre de lois.

a) Existence d’une constitution

Une constitution ancienne et stable. Elle a une valeur symbolique extrêmement forte notamment dans ses 10 premiers amendements, adoptés dès 1789, qui constituent la déclaration des droits fondamentaux des américains. Elle a en outre sanctionné judiciairement dès 1803, dans l’arrêt Marbury vs Madison, qui a posé les jalons du contrôle de constitutionnalité des lois aux USA. C’est d’autant plus important que la Cour suprême américaine a interprété de façon large la constitution américaine. La Cour Suprême a en effet en fait un outil de promotion de l’Etat de droit. Et c’est en l’interprétant de manière libérale, l’un des amendements de la constitution des USA, que la Cour Suprême a déclaré inconstitutionnelles les pratiques ségrégationnistes fréquentes dans les années 50 aux USA (décision Brown de 1954). Cela aura une incidence sur la vision de la loi aux USA. Il existe ainsi au moins une loi qui a une grande importance pour les américains

b) Existence de Codes

Aux USA, quelques états ont des Codes civils (Californie, Louisiane, Géorgie …), 25 états ont des Codes de Procédure civile et des états se sont aussi dotés de Codes de Procédure pénale voir de Codes pénal. De plus il y a des compilations officielles ou privés de l’ensemble des lois en vigueur soit pour un état donné soit pour l’ensemble de l’état fédéral. Ces compilations sont baptisés « code ». Ces codes sont de simples consolidations des lois en vigueur. On n’y retrouve pas les soucis méthodiques de présentation du droit comme chez les civilistes. L’interprétation des Codes, mais aussi l’usage fait de ces codes, sont bien différents de ce qui en est fait dans les pays de tradition civiliste. En effet les juridictions vont rarement se référer exclusivement aux Codes et vont compléter systématiquement la référence aux Codes par des références jurisprudentielles qui sont souvent nombreuses.

Outre les Codes, le statut particulier de la loi et son intérêt se manifeste par l’inflation législative.

c) Inflation législative

La loi est une source du droit d’autant plus importante aux USA, qu’on assiste à une inflation législative. Comme la législation est étatique, elle risque de diverger d’un état à un autre. Pour éviter ce phénomène de divergence, diverses techniques sont employées par les juristes :

Les lois uniformes : lois modèles proposées à l’adoption des différents états américains. Les états sont libres d’adopter ou non cette loi modèle. L’adopter tel quel ou dans une version (amendée) un peu différente. Mais l’idée est que les états adoptent la loi modèle elle-même (on les y incite). Elles sont proposées soit par des organes officiels (conférence nationale des commissaires pour des lois d’état uniformes) , c’est le cas du Code commercial uniforme (UCC) , qui comporte plus de 400 articles et cette loi a été proposée en 1952 et adoptée par tous les états sauf la Louisiane et ce texte a été globalement peu amendé (sauf pour le droit des suretés), de plus une commission de révision a été mise en place pour proposer des réformes. Des organismes privés peuvent aussi proposer l’adoption de telles lois.

L’autre moyen employé est d’étendre les compétences du législateur fédéral. Depuis 1787 on note des évolutions constantes dans cette direction.

3. La règle du Précédent (RP) interprétée de manière plus souple.

Toutes les cours suprêmes étatiques et fédérales sont libres d’effectuer des revirements de jurisprudence, ce qui n’est pas rare. Ceci se fait pour des motifs politiques et afin d’assurer l’unité de la case Law américaine.

4. Une spécificité tenant à l’organisation judiciaire.

Les USA ont la particularité d’avoir 2 systèmes de cours complets. Un échelon fédéral et des jeux de cours aux échelons étatiques.

An Canada et en Australie il y a une seule juridiction fédérale au sommet de la hiérarchie judiciaire à l’opposé des USA.

La compétence des cours fédérales demeure l’exception. On recourt de préférence à 95% à des juridictions étatiques.

L’institution du jury constitue une spécificité du droit américain, elle est demeuré plus vivace qu’en UK. C’est le 7ème amendement de la constitution qui garantit cette institution. Le jury est un élément d’attractivité du système, car la perspective d’obtenir des dommages et intérêts important en dépend.

Ce système de Common Law aujourd’hui, n’est pas le système mondial dominant, mais il l’est pourtant d’un point de vue économique. Une fondation pour le droit continental a été créée pour y faire front.

Si la tradition juridique occidentale est dominante, il existe cependant bien d’autres traditions, comme certaines relevant de traditions religieuses.

Partie 2. Les traditions juridiques religieuse

Ce peut être la bible, le coran, ou d’autres textes. Ces textes sont censés être la transcription de la parole divine.

Ils partagent une même conception idéaliste du droit, comme idéal à suivre, bien qu’impossible à atteindre humainement. Pour nous occidentaux, c’est une conception jus naturaliste du droit.

C’est une vérité intemporelle. Ici le droit ne résulte pas de la volonté des hommes mais illustre un droit transcendant. Les hommes n’ont pas le pouvoir d’en changer les règles.

Chapitre 1. La tradition juridique Hindoue.

L’objet n’est pas le droit Indien, mais celui de la communauté Hindoue, celui des personnes qui adhèrent à cette religion, soit plus de 80% de la population Indienne, mais aussi des personnes qui vivent en dehors de l’Inde, dans le Sud-Est de l’Asie.

La distinction entre droit indien et hindou, résulte du fait que le droit hindou n’est plus la seule source de l’Inde. En dehors des questions de statuts personnels, des règles séculières s’appliquent et elles s’inspirent de la Common Law.

Pour le droit Indien en général, ce droit a une structure relativement complexe. Il va comporter des règles communes à l’ensemble de la population et dans d’autres manières, les règles vont varier en fonction de la religion de la personne considérée. Ainsi les Hindous vont avoir un statut personnel différent des autres.

L’intérêt à étudier ce droit se justifie par le fait qu’il s’agit d’une des plus anciennes traditions juridiques du monde, qui conserve une part de positivité (d’actualité juridique), de plus, même pour les domaines du droit hindou qui ne sont plus appliqués, cette perte demeure récente et son influence sur la mentalité juridique indienne est toujours visible. L’hindouisme reflète plus encore une conception globale du monde comme celle du comportement que les individus doivent avoir tout au long de leur vie.

La différence la plus frappante avec les religions juive, chrétienne, et musulmane c’est qu’il s’agit d’une religion polythéiste. L’hindouisme n’adhère pas à l’idée que l’homme a été fait à l’image de dieu, ainsi il n’y a pas d’égalité entre les êtres humains. Les hommes ne naissent pas libres et égaux en droit, mais avec un rôle bien déterminé à jouer en société, ils ont dès la naissance une place prédéterminée et inaltérable par la suite. Cette place qu’ils occuperont va déterminer leurs droits et devoirs respectifs. C’est le système des castes ou varnas.

Ces castes sont 4 :

  • · Brahmanes : ceux qui enseignent.
  • · Kshatriya : ceux qui protègent et combattent.
  • · Vaishyas : ceux qui commercent.
  • · Shudras : ceux qui servent.

Il y a aussi les intouchables, qui sont hors caste.

Il faut ainsi se marier dans sa caste, cette interdiction se justifie par la croyance en la réincarnation. On pense que la naissance est déterminée par sa vie antérieure.

Section 1. Les sources du droit hindou.

Les Vedas : les textes fondateurs de l’hindouisme (connaissance). Il y en a 4, considérés comme la transcription directe des paroles des dieux ; on les nomme aussi les «srutis» (ce qui a été entendu). Ce sont des incantations révélées à des sages qui entrent en communication directe avec les dieux. Leur datation n’est pas précisément déterminée, mais on la situe entre -4000 et -1000. Ils constituent la base de l’hindouisme et du droit hindou. Il ne sont pas d’une grande utilité du point de vue juridique, car ils ne comportent que peut de règles de vie de conduite.

Les Sastras : textes qui énoncent les prescriptions sur la façon dont chacun doit se comporter. Il en existe 3 espèces relatives à la vertu, l’intérêt et le plaisir.

  • Ceux fondés sur la vertu, c’est la science du Dharma (comment se comporter pour être juste).
  • Ceux fondés sur l’intérêt, enseignent aux hommes l’art de s’enrichir. Pour les hommes qui ne sont pas marchands, ils enseignent le pouvoir de gouverner. C’est la science de l’Artha.
  • Ceux qui enseignent la science des plaisirs, c’est le Kama Sutra.

La part de ces types de règles pour les personnes va différer selon la situation des personnes (en fonction du sexe, de la caste, etc.). les commerçants, par exemple doivent suivre l’Artha, les femmes le Kama.

Le Dharma (science du juste), est ce qui correspond le mieux au droit au sens occidental du terme bien qu’il en soit très éloigné. Il n’y a pas de distinctions dans l’hindouisme entre les normes sociales et juridiques. Il régit l’ensemble de la conduite des hommes, sans distinguer les obligations religieuse et juridiques. Il se fonde sur un ordre universel, immuable. Les normes vont ainsi dire ce qu’on doit manger, comment on doit se comporter. Il ne se limite pas à des prescriptions d’ordre juridiques, il prescrit des règles de morale ou encore de politesse (obligation de faire l’aumône), on y trouve aussi des règles successorales ou relatives au mariage. Il impose au souverain, aussi bien de visiter le temple que de garantir la sécurité publique.

Cette absence de distinction entre le droit et les autres normes sociales, se retrouve aussi dans les sanctions prévues. Il énonce les péchés et les pénitences. L’un des péchés le plus grave est le meurtre d’un brahmane, il se trouve sanctionné par un châtiment corporel, une amende, mais aussi par une exclusion sociale et religieuse, de plus le meurtrier sera réincarné en chien, en cochon, en chèvre ou en chameau.

  • Les traités qui expriment le dharma sont nommés «dharma sastras», ils ont été rédigés par des sages et les plus connus sont les lois de manou (smritis de manou).
  • Il y a aussi les lois de narada. Pour la plupart d’entre eux ils ont été rédigés entre -200 et +400. Il faut étudier l’ensemble de ces lois pour maitriser le dharma.
  • Un livre nous intéresse plus particulièrement, le vyavahara; ce livre traite de l’administration de la justice, de la procédure et d’autres catégories de litiges qui relèvent du droit privé et pénal.

Le dharma comprend des régimes juridiques très élaborés et variés (adoptions, mariages, divorces, propriété, succession).

  • Ainsi, la règle du «dam dou pat» vient limiter la règle des intérêts dans le cadre d’un contrat de prêt.
  • La convention benani est proche de la fiducie ou du trust et est toujours de droit positif. Ce droit comporte aussi des propriétés familiales, il existe jusqu’à 8 espèces de mariages différentes. Ce droit riche est lié aux structures sociales indiennes.

Mais il n’y a pas de véritable droit des obligations. Le fait de payer sa dette est simplement considéré comme un devoir, en cas de défaillance on commet un péché mais il n’y a pas d’obligation au vrai sens du terme. Comme le droit Talmudique, le droit Hindou est fondé sur le devoir plus que sur l’obligation.

Le droit hindou traite de tous les aspects de la vie humaine, mais ce droit est tempéré, car il est appliqué de façon très souple, il y a une articulation flexible du droit religieux et de la législation.

D’autres ouvrages vont éclairer le sens parfois obscur des darma sastras, ce sont les nibandhas rédigés dès le VIIème siècle et pour la plupart d’entre eux entre le 11ème et le 18ème siècle.Ils varient d’une région à une autre, peuvent être particulières ou générales, mais on identifie 2 grandes écoles principales :

  • L’école prédominante au Bengale, le Dayabhaga.
  • L’école dominante dans le reste de l’Inde, le mitakshara

Le dharma est complété par des coutumes, qui peuvent même être contra legem; elles varient selon les régions et parfois selon les castes. Les litiges sont réglés en vertu de ces coutumes par des assemblées, les Panchayat. Chacune de ces assemblées est composée de 5 membres qui statuent à l’unanimité. Il y un panchayat par village et parfois il y en a même plusieurs. Le panchayat recherche souvent une solution négociée, c’est lorsqu’on n’y parvient pas qu’on tranche de façon autoritaire. La sanction suprême prononcée par le panchayat est l’excommunication, c’est la mise au ban de la société, ce qui dans cette société est une sanction très forte et dissuasive.

Il y a aussi la raison et l’équité qui vont pouvoir venir combler les lacunes du droit, les dharma sastras invitent eux-mêmes les hommes à agir selon leur conscience en l’absence de règles de droit définies.

Quant à la législation et la jurisprudence, elles peuvent constituer des sources de droit au sens de l’artha, mais pas à proprement parlé au sens du dharma, car il appelle les hommes à suivre les seuls ordres légitimes du prince, cela valant pour les individus mais aussi pour les juges. Ces juges ne peuvent donc appliquer des ordres incompatibles avec le dharma. Inversement les juges n’ont pas d’avantage à suivre strictement le dharma, ils peuvent s’en écarter si les circonstances le justifient, pour peu qu’ils ne portent pas atteinte aux principes fondamentaux du dharma.

Il n’y a pas de hiérarchie univoque entre le droit positif et le dharma. A priori le droit positif doit l’emporter dans la mesure où les principes fondamentaux du dharma ne sont pas atteints.

Les décisions judiciaires sont ainsi le plus souvent casuistiques. On vérifie que l’atteinte qui pourrait être portée au dharma demeure tolérable, sinon c’est le dharma qui prime. Cela limite le rôle de la jurisprudence en tant que source du droit hindou.

Section 2. L’évolution du droit hindou.

Ce droit a subi une forte altération du fait de la colonisation de l’Inde par les anglais. Profondément transformé, son champ d’application s’est trouvé restreint par le développement d’un droit indien laïque qui s’applique sur l’ensemble du territoire.

A. Les transformations du droit hindou lui-même.

Elle furent induites par la colonisation.

La première vague date du 16ème siècle, le Nord et le Centre passe alors sous domination musulmane et les tribunaux étatiques n’appliqueront que le droit musulman. La majorité des litiges échapperont aux tribunaux étatiques, les justiciables continuant de solliciter les Panchayat. Ainsi le droit hindou garde une autorité mais officieuse. Il ne seront donc pas altéré par le droit musulman.

A partir du 17ème siècle, l’Inde est colonisée par les britanniques, ce qui marquera un retour en force du droit hindou mais aussi sa déstabilisation. Le droit hindou retrouve aussi son officialité. Les britanniques ont cependant une mauvaise compréhension du droit hindou, il feront l’erreur d’assimiler le dharma au droit positif de l’Inde (comme si c’était la jurisprudence et la législation), ils envisageront même de le codifier, ce qui est contraire à l’esprit du dharma qui se laisse mal résumer à un code.

Les britanniques vont en outre recourir à des experts, les pundits, qui sont nommés par les britanniques et ont pour mission d’assister le juge en lui donnant les règles du dharma sastras et des nipandas. Le juge britannique aura alors un simple rôle d’enregistrement des décisions prises par les pundits qui ont bien le pouvoir de jugement. On leur reprochera d’être incompétents et inféodés aux britanniques. Le fait d’appliquer le dharma aux litiges contrevenait à la souplesse inhérente au dharma.

Au 19ème siècle on commence à rédiger des ouvrages sur le droit hindou et ainsi, les juges vont prendre conscience de leurs erreurs, par le fait d’appliquer trop strictement le dharma. Ces juges vont devenir capables d’appliquer eux-mêmes le droit hindou, et ils vont pouvoir se passer des pundits. Les diverses provinces, largement indépendantes les unes des autres, feront que les juges agiront un peu différemment. Dans le Sud on continuera de suivre les précédents qui se sont établis sous le régime des pundits, contrairement au Nord et au Centre, ce de par le fait qu’on estimait dommageable de bouleverser un droit établi depuis des décennies.

En définitive, même dans les provinces du nord et du centre le droit hindou a quand même été déformé par les juges britanniques ; les ouvrages étaient incomplets et inexacts du fait du barrage de la langue qui entrainait une déformation des concepts du droit hindou. Les Juges s’écartaient aussi des solutions du droit hindou, car elles les choquaient.

Les décisions rendues en application du droit hindou se voyaient conférer l’autorité de précédent obligatoire alors même que la logique du droit hindou devait demeurer privée d’une telle autorité. Les juges anglais apportèrent aussi des principes de Common Law, qu’ils mélangèrent au droit hindou, ainsi l’application des règles s’altéra.

Mais cette altération ne fut pas totalement regrettable. Cette influence a permis de rendre le droit hindou plus égalitaire, là où il était trop rigide ou inéquitable (statut des femmes notamment).

Peu à peu le droit hindou s’est en outre trouvé cantonné à certains domaines, où il était bien développé, à l’inverse par exemple en droit des obligations, la Common Law s’est imposée, pour donner un régime propre et commun à l’ensemble du territoire. La propriété intellectuelle et le droit commercial n’avaient pas d’équivalent en droit hindou et se sont imposés à la totalité de la population Indienne.

Les cours indiennes ont maintenu la règle du dam dou pat (les intérêts ne peuvent dépasser le capital).

A l’indépendance en 1947, une œuvre de redressement et d’unification du droit hindou sera menée. Une cour suprême chapotant l’ensemble des juridictions du pays sera créée. Une œuvre de modernisation du droit hindou sera aussi entreprise et donnera lieu à l’adoption de nombreuses lois qui réformeront le doit et les coutumes hindoues. On interdira les discriminations fondées sur le critère des castes. Le sort des femmes a été amélioré, avant le mariage était une donation de la future épouse faite par ses parents au futur gendre, l’épouse n’était que l’objet du mariage, le divorce était interdit et la polygamie tolérée. Désormais la polygamie est interdite en droit, le divorce est autorisé et les époux doivent consentir au mariage. En droit successoral, les femmes n’avaient pas de droit et avec le déclin de la propriété familiale qui autrefois protégeait les femmes, le droit des femmes à accéder à la succession de leurs proches a été reconnu.

Si le droit hindou est toujours applicable à la communauté hindoue qui vit en Inde, le droit hindou qui s’applique est désormais un droit renouvelé et unifié par rapport aux coutumes locales qui venaient autrefois compléter le dharma. Toutefois on peut dire que l’esprit du dharma n’est pas trahit, il s’est toujours accommodé des modifications qu’il subissait, ainsi ces altération font en fait partie de la nature même du dharma. Les gouvernements successifs font toujours référence à leur attachement au droit hindou.

Cependant ce droit ne reflète pas forcément la réalité sociale, ainsi les castes perdurent encore aujourd’hui, notamment dans les campagnes, il en est de même du sort des femmes qui subissent toujours des mariages forcés.

B. Le développement du droit Indien.

Il s’est peu à peu développé en marge du droit hindou, comme droit commun au territoire et à la population. Ce droit a été rendu au départ nécessaire en raison de l’existence de relations intercommunautaires. Ce développement a donc été désordonnés. Les provinces de Calcutta, de Madras et de Bombay était sous contrôle de cours royales sous influence du droit anglais. Le reste de l’inde, appelé Mofussil, échappait lui à l’influence droit anglais du fait d’une moindre présence des anglais.

En droit patrimonial de la famille et du statut personnel, on appliquait le droit hindou ou musulman selon les populations concernées. Dans les autres domaines, les cours avaient pour missions de statuer selon les principes de la justice, de l’équité et de la conscience. Si le juge le pouvait il s’inspirait alors de la coutume, du droit, hindou ou musulman, ou simplement selon son bon sens.

Vers 1830 on codifia le droit indien, l’objet étant d’adopter 3 codes; un codifiant le droit hindou, l’autre le droit musulman et le dernier le lex loci (un droit territorial commun à l’ensemble de l’Inde et applicable lorsque les droits hindous et musulmans ne le sont pas). Ce dernier code étant inspiré largement du droit de Common Law. Ce projet ne va pas voir le jour, car le principe de la codification soulevait d’importantes objections, tant à l’égard des droits hindous et musulman, qu’à l’égard du droit censé s’inspirer du droit anglais. On s’est alors concentré sur la lex loci, et dans les années 1860 et 1870, un code de procédure civil, un pénal, et un de procédure pénale et un ensemble de lois (successions, contrats, preuves, trust) seront adoptés. Les dernières lois seront largement inspirées du droit anglais, et les juge se référeront à la manière anglaise d’appliquer les lois. Ces juges dans les cours royales étaient souvent des juristes de Common Law. Cela était aussi vrai dans le Mofussil, et c’est ainsi que le droit anglais s’y est développé, car, ici les juges vont se mettre à considérer que la référence aux principes de la justice, de l’équité et de la conscience (auxquels les juges devaient se référer à défaut), doit être comprise en référence au droit anglais.

Le droit (jurisprudence anglicisante) qui va ainsi se développer et apparaitre à certains égard comme plus moderne que le droit anglais lui-même. En effet si les codes et les lois s’inspirent du droit anglais, les juges vont l’adapter aux réalités de la société indienne, on l’assouplit là où il est trop rigide.

Les codes indiens vont aussi s’inspirer de droits étrangers, comme le code pénal qui est inspiré de son idem français

En dépit de ce caractère législatif, le droit indien reste un droit de Common Law, par les concepts et la terminologie qu’il utilise. La règle du précédent va être reçue et est applicable, même si cette applicabilité est plus flexible qu’en Angleterre. Ainsi la version indienne du précédent se rapproche de la version américaine plus qu’anglaise. La conception de la procédure, de l’administration de la justice et de la perception de la fonction judiciaire se rapproche de celle de la Common Law. Ici, il n’existe pas non plus de distinction entre droit privé et public.

L’accès de l’Inde à l’indépendance n’a pas altéré ce constat. Le droit en vigueur avant la décolonisation a été maintenu par la constitution de 1950. De nos jours, l’Inde fait toujours partie du Commonwealth, mais ce n’est pas un pays de Common Law comme les autres.

Les principales différences sont :

  • Le fédéralisme Indien, il est original du fait de la diversification et du peuplement de ce pays.
  • Il n’y a pas de véritable unité linguistique en Inde.
  • L’Inde n’adhère pas aussi dogmatiquement à l’idéologie libérale que les autres pays de Common Law, du fait de sa plus grande pauvreté et des civilisations plus collectiviste. Ainsi des penchants socialistes y sont assez prononcés.
  • On note aussi que l’inde n’a pas hésité à planifier son économie, ou à nationaliser certains secteurs de son économie. Il y eu aussi de grandes réformes agraires, qui ont exproprié de grands propriétaires et provoqué une redistribution des terres.

Conclusion :

En dépit d’une certaine uniformisation du droit Hindou et de la naissance d’un droit commun Indien, le droit de l’Inde continue de se caractériser par sa grande complexité. Le statut personnel des individus est variable selon la confession des individus, le droit religieux applicable peut être contredit par l’existence de coutumes contraires. Le fédéralisme génère de multiples autorités aptes à trancher et à gérer.

Ce droit est dit post moderne, car il a renoncé à toute prétention à l’universalité, il est le reflet de la société indienne. Vu la superficie du territoire et le nombre d’habitants, il n’est pas étonnant que ce droit soit complexe et protéiforme. Mais on constate qu’il est possible de faire cohabiter de façon assez harmonieuse des contraires, voire des droits hétérogènes. On s’aperçoit qu’il est aussi possible qu’une tradition juridique s’accoutume de coutumes contradictoires. Ce droit, nous apprend qu’il est possible de faire cohabiter tradition et modernité.

Chapitre 2. La tradition juridique talmudique.

C’est la tradition des personnes de confession juive, cette tradition se fonde sur le Talmud, texte de base de la religion et du droit juif.

Cette étude présente un double intérêt. Cette tradition est l’une des plus anciennes traditions juridiques encore vivante aujourd’hui, avec la tradition Hindoue.

De plus, le peuple juif a réussi à conserver une identité relativement stable à travers les siècles.

Section 1. Les fondements de la tradition juridique talmudique.

L’origine est assez difficilement datable, car le peuple juif existait bien avant la révélation des 10 commandements à Moïse sur le mont Sinaï. C’est ce fait qu’on peut prendre comme départ de cette tradition à savoir le 13ème siècle av. J.C. C’est cet évènement qui a changé la nature de la tradition juridique juive et lui a donné son visage actuel, à savoir un droit religieux.

Ces fondements résident dans la révélation de la parole divine à Moïse, traduite dans 5 livres qui racontent l’histoire du peuple juif depuis la création du monde jusqu’à la mort de Moïse, c’est le pentateuque. Ce pentateuque, regroupe, la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. Ce sont les 5 premiers livres de l’ancien testament ou Torah écrite. Torah désigne aussi la totalité des enseignements divins, c’est la Torah au sens stricte (toute la bible juive).

Des interprétations ont eu lieu dans l’étude de ce texte, ces commentaires ont été intégrés à la tradition juridique juive. La période essentielle de ces commentaires s’étend du 13ème au 6ème siècle avant J.C. Cette période se ferme avec la destruction du 1er temple et l’invasion babylonienne.

La tradition était d’abord orale, les personnes étudiaient ces commentaires par cœur dans des écoles. Elle était aussi considéré comme de source divine, c’est ainsi que s’est ajoutée à la Torah écrite, une Torah orale. A partir du 6ème siècle av. JC jusqu’à 1948, les juif n’eurent plus de territoire propre et le phénomène de la diaspora a commencé à se développer. Les juifs émigrèrent en Europe et en Afrique du Nord.

Un second temple fut cependant construit, mais il fut détruit en 70 après J.C. Seul son mur occidental a été conservé, c’est le mur des lamentations. Dès lors la diaspora s’est accélérée et on a alors craint de perdre la Torah orale, c’est pourquoi il fut décidé de la transcrire par écrit. Cette rédaction a duré de 70 à environ 200 ap. J.C. Le texte qui en résulte se nomme «Torah Orale», mais le plus souvent on le dénomme «Mishna» (du verbe étudier). Cette rédaction n’a cependant pas figé les choses.

L’interprétation orale et la discussion de la Mishna se sont poursuivies pendant encore 3 siècles. De nombreuses opinions furent émises par des personnes qui avaient acquis une maitrise des textes, et leur importance s’est faite de plus en plus grande. Les divergences étaient considérées comme instructives. La multiplication de ces opinions a créé à nouveau le besoin de les transcrire par écrit, cela s’est fait par 2 recueils appelés Talmud. Le premier Talmud fut celui de Jérusalem, rédigé au 5ème siècle et avait l’ambition de réunir les interprétations les plus intéressantes de la Torah écrite et de la Torah orale, on l’appelle le Gemarah. Vers les 6ème et 7ème siècles une nouvelle rédaction fut entreprise qui donna naissance au Talmud Babylonien, considéré comme plus ardu, mais aussi comme étant plus instructif. Le terme Talmud désigne uniquement ces 2 recueils, mais on a tendance à l’utiliser pour désigner aussi la Mischna et le talmud. C’est la base de la tradition juridique talmudique. Le Talmud traite aussi d’autres aspects de la vie humaine. Tout membre de la communauté juive a le devoir d’étudier le Talmud et la Torah, de sorte que le droit apparait comme l’affaire de tous.

Ce texte reste sujet à interprétation, rien n’est figé. Ce texte n’a pas d’auteur officiel et personne n’a décidé que le Talmud était terminé. En rédigeant il ne s’agit pas de clore le débat, mais de mettre les règles par écrit pour permettre la suite de la discussion.

D’autres commentaires eurent lieu après la rédaction du Talmud. Dès le 8ème siècles de nouveaux recueils de commentaires ont été rédigés, le plus célèbre de ses code est celui de Maimonide, rédigé au 12ème siècle, mais le plus respecté est celui de Joseph Caro du 16ème siècle.

D’autres sources juridiques obligatoires : la législation et les tribunaux ont en effet existés avant et après le Talmud. Après la destruction du 1er temple, une institution juridique et législative a été mise en place , c’est le Sanhédrin, qui comprend la grande assemblée (législative, avec les ancien) et le Bet Din. Le Sanhédrin a subsisté jusqu’à la destruction du second temple.

Le droit est applicable à tout juif où qu’il vive. Il peut être appliqué par les cours étatiques du pays où vivent les juifs mais seulement pour les questions personnelles. Il peut être aussi appliqué par les cours rabbiniques dans les états qui les acceptent, par ce moyen on règle les questions relevant du statut personnel et d’autres questions. Les cours rabbiniques étaient composées de 3 membres, rabbins et magistrats. On pouvait désigner en plus des groupes de 3 personnes pour arbitrer les litiges. Il n’y avait pas de cours d’appel habilitées à trancher en seconde instance.

La première cour rabbinique créée par Moïse comptait 71 membres, c’était une instance législative et judiciaire (le Bet Din avait fonction judiciaire). Le Bet Din a perduré partout où vivaient des populations juives, il est composé de 3 rabbins à très grande autorité morale. Ces rabbins cherchent en priorité à concilier les parties et à les réconcilier. La procédure est expéditive et la représentation par avocat n’est ni requise ni encouragée.

La compétence du Bet Din peut être invoquée même quand une partie n’est pas juive, cela servira ainsi d’alternative au procès traditionnel (de l’état quand il accepte cela). Ce fait n’est pas rare dans la mesure où les règles de droit talmudique couvrent quasiment toutes les règles de droit privé et commercial.

Le droit commercial s’est développé très tôt chez les juifs, car seuls les juifs avait le droit de commercer et ils se voyaient aussi interdire toute activité agricole, du fait qu’ils n’avaient pas le droit de posséder de terres dans les pays Européens.

Les personnes qui recourent au Bet Din s’engagent par avance à respecter sa décision. La seule voie d’appel possible est de demander au juge de réformer lui-même sa décision, il n’y a donc pas de véritable autorité de la chose jugée. Les décisions du Bet Din auront une grande autorité mais elles ne constituent pas des précédents, ici la règle du précédent ne s’applique pas.

L’application du droit talmudique a donné lieu à la rédaction d’un registre regroupant les responsas (décisions des rabbins les plus savants et respectés), ces opinions sont formulées en réponse à des questions qui peuvent leur être présentées en toute occasion (donc aussi hors litige). Ces responsas sont donc aussi des conseils, qui ont grande autorité et ont largement participé à maintenir la vitalité de la tradition juridique talmudique au fil des siècles.

Section 2. Les caractères du droit talmudique.

4 grands caractères :

  • Une proximité avec la tradition des droits occidentaux. Les règles sont ici assez proches des règles juridiques occidentales actuelles, les subdivisions notamment. En droit de la famille le contrat de mariage se nomme Ketuba, il précise les conditions patrimoniales et le mari assumait l’administration des biens de son épouse (comme en droit européen avant la réforme du 20ème siècle). La polygamie bien qu’autorisée dans les textes était rejetée par les rabbins. Le divorce se rapproche de la répudiation en droit musulman, il est prononcé devant le Bet Din et la conjointe est habilitée à donner son opinion, bien que le consentement du mari soit essentiel. Le droit de succession ne reconnait pas la liberté testamentaire, ce qui remet en cause l’admission du divorce. La propriété privée n’est pas à l’origine reconnue, mais au fil du temps elle sera admise avec l’obligation de faire don des récoltes aux pauvres. Le droit des obligations ressemble au droit des obligations romain, le principe général de contrat avec le consentement des parties n’y existe pas, et des formalités à titre de nullité sont imposées. En responsabilité pénale et délictuelle, elles ne sont pas clairement ici distinguées ; certains délits correspondent à des sanctions pénales et d’autres sanctions sont plus des sanctions civiles.
  • C’est un droit théocratique. La Torah et le Talmud ne contiennent pas de droit au sens strict, ils contiennent des contes philosophiques. C’est une position intermédiaire, les textes traitent de différentes questions qui tantôt intéressent le droit et tantôt non. On distingue ici les textes à sens juridique (Halakha, chemin ou voie à suivre) et ceux qui n’ont pas ce sens (Haggadah). La part de la halakha est la plus importante, car la tradition est profondément normative, elle réglemente tous les secteurs de la vie. Ainsi l’alimentation fait l’objet de règles contraignantes (la Kashrout). Cette tradition talmudique a ainsi la particularité de laisser très peu de questions hors du champ du droit. Cela confère un aspect théocratique à cette tradition, bien qu’elle ne revendique pas spécialement que le pouvoir politique soit donné aux autorités religieuses. Ce caractère est tempéré par une certaine incertitude sur le contenu exact des règles qui sont sans cesse discutées, c’est ainsi un droit souple et ouvert à la discussion.
  • Un droit souple et ouvert à la discussion. La tradition talmudique bien qu’écrite, n’est ni déclaratoire (pas de disposition particulière comme la propriété dans le code civil) ni prescriptive (interdit de faire ceci ou cela). Elle est plutôt argumentative, car il n’y a pas un texte mais plusieurs qu’il faut étudier et confronter. De même il y a plusieurs auteurs. On pourrait dire que ces multiples auteurs ne parlent pas l’un après l’autre mais simultanément, cela donne un méli-mélo. Aucune autorité n’est là pour donner raison à tel ou tel auteur, personne ne donne la règle à retenir. Il n’y a pas d’institution qui soit à même d’unifier l’interprétation du texte (ni cour d’appel, ni cassation). Ainsi le débat n’est jamais clos, mais reste ouvert. Ce caractère argumentatif est renforcé par le fait que l’étude de ces textes se fait de manière interactive les uns avec les autres ; ceci a lieu dans les yeshivas (du verbe s’asseoir). Ainsi la tradition n’est pas aussi rationaliste que la tradition romaine ou celle de Common Law. La réponse donnée par une personne peut être individuellement rationnelle, mais peut aussi souvent se heurter à des opinions contradictoires, chaque traduction d’un problème peut donc entrer en conflit avec une autre. La réponse donnée à une question ne s’accorde pas forcément avec la réponse à une autre question. On ne peut donc pas rationnaliser le droit talmudique dans son ensemble (pas d’ensemble systématique et cohérent). Ces diversité internes qui caractérisent la tradition talmudique sont d’autant plus forte que la communauté juive elle-même est diverse. La diaspora a introduit une séparation entre juifs sépharades (Afrique du Nord, formée à l’origine en Espagne, ce mot signifiant d’ailleurs « Espagne » – très influencée par la culture arabe) et ashkénazes (formée en Europe de l’Est, ce terme signifiant « Allemagne », influencée par la culture slave et germanique). Selon la communauté les pratiques vont différer.
  • C’est un droit non moderne (a moderne). Ce qui caractérise notre droit de tradition civiliste dans sa modernité, c’est l’existence de droits subjectifs, or ceci n’est pas présent dans la tradition talmudique. Elle ne hisse pas les valeurs humaines au rang de valeurs suprêmes. Ainsi la tradition est plus fondée sur la notion de devoir que de droit. Le premier devoir est celui de vénérer Dieu et de témoigner de sa foi en étudiant la Torah et le Talmud. Ce n’est pas non plus une tradition qui exalte l’égalité. Les textes assignent à chacun son rôle que chacun doit respecter puisqu’il s’agit de la volonté divine. On retrouve ceci plu particulièrement dans les rôles qui sont assignés aux hommes et aux femmes. Les femmes ne participent pas pleinement à la vie religieuse et ne sont pas appelées à étudier les textes de la même manière. Lors du culte elles sont aussi séparées des hommes. Seuls les hommes font traditionnellement la bar mitzva (communion à l’âge de 13 ans). Le divorce ou « get » est avant tout l’affaire de l’époux, il y a donc un resurgissement religieux dans le domaine civil.

On peut ainsi penser que cette tradition est fragile. On constate que le droit Talmudique a perdu de sa positivité, il n’est pas applicable aux juifs dans leur intégralité. Même en Israël il n’est plus appliqué que dans les questions relatives au statut personnel et familial.

Face à cette perte de positivité, la tradition talmudique ne se trouve pas très bien armée pour se défendre. La grande caractéristique de la religion juive n’a en effet pas de tradition d’expansion, on n’y trouve pas prosélytisme, à la différence des autres religions.

On considère que le judaïsme est bon pour les juifs, mais pas forcément pour les autres. En revanche de grand efforts sont développés au sein de la communauté pour éviter que les membres ne s’en détachent. Mais cela devient de plus en plus difficile aujourd’hui, car de plus en plus de membres se laissent séduire pas les modèles alternatifs des sociétés modernes ; il y a de plus en plus de mariages mixtes. Or la judaïté se transmet traditionnellement par la mère. Les conversations sont difficiles et il est aussi difficile en =suite de se faire reconnaitre véritablement comme juif. Ainsi la tradition talmudique risque encore de perdre de sa positivité. Seul Israêl demeure un ciment unificateur du positivisme de cette tradition.

Chapitre 3. La tradition juridique islamique.

Elle dérive de la religion musulmane fondée sur le Coran et la parole de Mahomet.

L’intérêt est ici plus évident que pour les traditions talmudiques et Hindoue. L’importance de l’islam dans le monde moderne comme alternative aux civilisations occidentales est incontestable. C’est une religion en plein essor.

Ici c’est une religion qui pratique le prosélytisme et de nos jours très activement.

En outre cette tradition juridique est la plus vivace des traditions juridiques religieuses, elle est applicable tant personnellement qu’à l’intégralité des questions juridiques.

En Arabie Saoudite c’est le seul droit admis.

Cette tradition lie sinon plus de monde, du moins plus de pays que les traditions talmudiques et hindoues. Tous les pays du Maghreb au Pakistan, au-delà dans le continent asiatique (y compris en Inde), c’est environ 1 milliard de personnes réparties sur une cinquantaine d’états.

C’est une tradition religieuse, ainsi ce n’est pas le droit d’un état mais le droit des populations de confession musulmane. Certains états en ont fait leur droit, mais le plus souvent les états musulmans n’appliquent qu’un droit qui ne fait que s’inspirer des droits de l’islam.

En tant que droit religieux il ne constitue pas une science autonome, indépendante, ce n’est qu’une dimension de l’islam. Comme le judaïsme, la religion musulmane est dite juridique.

Le droit musulman s’étend à des facettes plus vastes que le droit occidental. Il se divise en 2 corps de règles, d’un côté il y a la Akila (théologie) et de l’autre la Charia (prescrit la conduite à adopter, signifie la voie à suivre). C’est la charia qui correspond le mieux à ce que nous appelons droit, mais elle comporte en plus la relation que les individus doivent avoir avec Dieu en plus de la façon dont ils doivent se comporter avec autrui.

Les juristes distinguent les devoirs envers dieu et ceux envers autrui. Certains comportement sont obligatoires et d’autres seulement recommandés, permis ou blâmables.

Ce droit qui en découle est censé être parfait. Il est l’expression de la parole et de la volonté divine et est ainsi considéré comme infaillible. Il ne saurait donc changer. C’est un droit naturel et intangible. Le droit islamique est également censé être complet et apte à répondre à toutes les questions.

C’est une œuvre cependant parfois ambigüe et difficile à interpréter. Il y a donc une diversité entre la mouvance shiite (pour eux le coran est sujet à interprétation) et sunnites (pour eux ce n’est pas interprétable – écoles fondées au 7ème et 8ème siècle qui ont considéré que l’interprétation avait déjà eu lieu et qu’elle était close).

Section 1. Les origines de la tradition juridique islamique.

A. La fondation de la religion musulmane.

Le fondateur est Mahomet qui en devient le prophète

Il serait né à la Mecque en Arabie en 570. Il est commerçant marié avec des enfants. A partir de 610 il commence à recevoir une série de révélation d’Allah, qui lui demande d’être son messager pour transmettre ses révélations. Il va se heurter à la résistance des populations polythéistes de l’époque. Certains le persécuteront, ainsi le 16 juillet 622 il devra fuir la Mecque avec 150 disciples, c’est ce qu’on appelle l’hégire (la fuite). Ceci deviendra le point de départ du calendrier islamique.

Ils s’établiront à Yathrib, et Mahomet va entreprendre de convertir les habitants. De nos jours est appelée « la Ville » et c’est Médine.

En 632, il rentre à la Mecque et y décède.

Il y a 4 grandes périodes de révélations.

Elles seront d’abord transmises oralement, puis des fidèles les transcriront par écrit, c’est ce qui deviendra le Coran. A la mort de Mahomet va se poser la question de sa succession. Au départ ses compagnons seront choisis comme successeurs ou khalifes. Les 4 premiers seront 2 de ses beaux-pères, puis ensuite 2 de ses gendres. Les beaux pères sont Abou-beker et Omar, les gendres sont Othman et Ali. Il n’eut pas de fils mais de nombreuses filles ce qui explique la succession.

On les appellera les Khalifes de Médine.

Les musulmans vont conquérir la Perse jusqu’en Inde. Puis ils conquièrent le Maghreb et l’Espagne, ils seront stoppés à Poitier par Charles Martel. Puis certains vont contester le mode de désignation des successeurs de Mahomet.

Certains pensent que tous les croyants devraient pouvoir choisir les successeurs et hors de la tribu de Mahomet, ce sont les kharidjites. Les futurs shiites estiment eux que seuls les descendants de Mahomet peuvent être ses successeurs, hors il n’a eu que des filles. Sa fille Fatima a eu deux fils, Hussein et Hassan, avec Ali, ainsi pour les shiites Ali est le seul Khalife légitime.

Il en résultera une guerre civile entre clans musulmans à la mort du 3ème Khalife Otman. Otman était contesté on lui reprochait d’avoir fait bénéficier sa tribu, or Ali va lui succéder.

Les kharidjites approuvaient l’assassinat d’Otman.

Il y aura donc 3 clans

Le kharidjites assassinera Ali en 661. Hassan son fils deviendra calife mais il abdiquera en faveur d’un cousin d’Otman.

En 680 c’est Hussein qui contestera le pouvoir du calife en place, il sera assassiné par les kharidjites.

A côté des kharidjites et des shiites on trouve les sunnites.

S’agissant de la communauté actuelle, les sunnites représentent 80%, les shiites 12% et les kharidjites une toute petite partie.

B. Le développement de la théologie musulmane.

C’est vers 700 que des savants pieux se consacreront à l’étude musulmane, ce sont les premiers théologiens. Ils vont se réunir régulièrement dans des mosquées pour discuter de la théologie avec des fidèles. Jusqu’ici les fidèles s’adressaient plutôt aux califes pour avoir des interprétations, or cela avait un sens lorsqu’ils étaient des proches de Mahomet, mais au fil du temps cela aura moins de sens.

Il va y avoir une séparation entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux. Les Califes vont perdre le contrôle de la religion au profit des théologiens.

Ce ne fut pas le cas chez les shiites, car selon eux le pouvoir doit revenir aux descendants mâles du prophète. Chez eux le commandeur est appelé Imam, le premier sera Ali, puis ses fils Hussein et Hassan puis 8 de leurs descendants. Le dernier a été assassiné en 874 et on dit que son fils, le douzième imam se serait caché, dieu lui ayant ordonné de vivre caché et d’attendre son signal pour réapparaitre à la fin du monde pour réinstaurer la paix et la justice. Chez les shiites il ne peut y avoir de séparation entre pouvoir politique, religieux et juridique

Ainsi pour les autres les théologiens vont prendre une place importante (pas pour les shiites).

Chez les sunnites diverses écoles de pensée se sont développées. Les 4 grandes écoles sont :

  • Hanafite : fondée par Halifa, né en 699 en Irak et fut le premier à tenter d’exposer de façon systématique la loi divine. Il se fonde sur la source primaire du droit islamique, le Coran. Il se fonde peu sur les Hadiths (témoignages sur la vie du prophète dont on déduit des règles de droit et dont l’authenticité est plus incertaine que le coran). Il se fonde aussi sur le raisonnement par analogie « Qyas ».
  • Malékite : fondée par Malik savant né à Médine en 713. Elle est méthodologiquement différente car elle se fonde plus sur les Hadits et se fonde moins sur le raisonnement analogique. Elle donne un grande importance à la coutume de Médine, censée dater de l’époque du prophète.
  • Chaféite :fondée par Chafei savant né à Gaza en 767 qui à vécu à la Mecque et à Médine et fut un disciple de Malek. Il a été influencé par un juriste de l’école Hanafite. Son école de Bagdad fondée en 810 sera un compromis entre les 2 premières écoles.
  • Hanbalite : fondée par Hanbal né en 780 à Bagdad et fut disciple de Chafei. Il se concentre avant tout sur le Hadits.

Au sein des sunnites, la moitié suit le rite Hanafite, 450 millions de personnes qui se situent au Moyen-Orient, en Asie Centrale et en Inde. 20% des sunnites suivent le rite Malékite au Maghreb et en Afrique de l’ouest. Le rite Chaféite est suivi en Afrique de l’ouest et en Indonésie. Le rite Hanbalite est suivit essentiellement en Arabie Saoudite par 20 millions de personnes.

C. La naissance de la justice islamique.

Les premiers temps de l’islam soit aussi les premiers temps de la justice islamique. Elle est rendue par le Cadi, institution créée par Mahomet lui-même à l’époque ou le monde musulman était en pleine expansion. Mahomet nomme des gouverneur chargés d’administrer les territoires nouvellement conquis, et ces Cadis auront aussi le pouvoir de rendre la justice sur le territoire qui leur est confié. Les conquérants musulmans ne prétendent pas alors imposer leur religion aux territoires conquis, ainsi le Cadi ne rend la justice qu’au sein des militaires sous ses ordres.

A la fin du 1er siècle de l’hégire (8ème siècle), les Cadis seront privés de la mission de gouverner les territoires dont ils ont la charge et seront donc investis du pouvoir d’administration de la vie judiciaire et religieuse. En général ils sont lettrés mais ne sont pas pour autant tous des spécialistes du droit islamique, ils vont donc se référer à des savants, les Mouftis. Le Cadi nommé par le pouvoir politique est regardé comme quelqu’un de corrompu et cela renforcera la répugnance des théologiens à devenir Cadi.

Le pouvoir du cadi de rendre la justice lui est délégué par le Calife ou l’imam selon les cas. Ce pouvoir sera limité territorialement ou matériellement. Le Calife ou l’imam conserve en outre le pouvoir de rendre la justice, ainsi les justiciables pourront s’y adresser directement s’ils le souhaitent. Il y a une compétence concurrente entre le Cadi et le Calife ou l’imam pour rendre la justice.

Il n’y a pas de possibilité d’appel qui soit ouverte, mais un plaideur pourra demander à la juridiction qui a statué de modifier la décision rendue (ceci rappelle le droit talmudique).

Le Cadi peut siéger aussi bien à la mosquée que sur un marché. Il est le seul à prendre la décision, amis il lui arrive souvent de se plier à l’avis des savants (fatwa).

Section 2. Les sources de la tradition juridique islamique.

Dans la tradition sunnite on enseigne que le droit islamique repose sur 4 piliers, le Coran, la tradition du prophète (sunna), le consensus des savants (idjma) et l’analogie (qyas). L’analogie est plus une technique juridique faite pour interpréter d’autres sources du droit. On distinguer le Coran et la tradition du prophète du consensus et de l’analogie, le premier ploc étant supérieur.

Les shiites ne reconnaissent que le coran et les manifestations des personnes guidées par dieu. Mahomet a transmis ses révélations de façon orale et ce sont ses compagnons qui se sont mis à les transcrire par écrit. Au début la transcription s’est faite en ordre dispersé, et ce n’est qu’ensuite qu’elles ont été rassemblées à l’initiative des Califes Omar et Othman. La transcription s’est achevée aux alentours des années 650.

1. Le Coran

Il est subdivisé en 114 sourates ou chapitres, chaque sourate comporte un certain nombre de verset (6000 au total). L’ordre des sourates ne respecte pas l’ordre chronologique des révélations, la classification se fait par ordre de taille décroissant et en pratique cela revient à suivre l’ordre inverse de l’ordre chronologique. Les révélations les plus récentes se retrouvent ainsi au début du coran. Chaque sourate a un titre (exemple : le pèlerinage à la Mecque).

Il y a à peine 600 verset qui traitent de que qu’on appelle « droit ». Bien que se voulant complet il y a cependant un handicap face à la multitude des cas juridiques comparé au peu de verset traitants de questions juridiques.

Le coran peut parfois être obscur.

Les versets apparaissent parfois se contredire. Sur la question de la polygamie, le verset 3 admet le principe sous condition que l’homme ne soit pas injuste envers ses femmes, mais un autre verset dit qu’on ne peut traiter équitablement ses femmes même si on le souhaitait, ce qui laisse à croire que la polygamie serait à proscrire.

D’autres sources vont ainsi aider à interpréter le coran.

2. La tradition du prophète, la sunna.

La première source de la sunna est Mahomet lui-même. Choisit par Allah, on considère l’ensemble de ses actions comme exemplaires. On en déduit que les règles se fondent sur les paroles et les actions du prophète.

Les témoignages sur la vie du prophète sont les hadiths. L’authenticité des témoignages n’est pas certaine, et on définit des critères pour trier les vrais des faux témoignages.

On prend ainsi en compte :

  • L’identité des témoins, plus c’est un proche de Mahomet plus la crédibilité du témoignage est forte.
  • Le nombre de témoins, plus il est important, plus le témoignage est solide.
  • Pour les témoignages indirects, l’identité de la personne rapportant les propos d’un témoin est aussi importante. On va se demander s’il s’agissait d’une personne proche du compagnon de Mahomet ou de la famille du prophète ou du prophète lui-même.

La sunna va revêtir la forme même d’un hadith, chacune comporte 2 parties.

La première partie est l’Islad, qui a une fonction de preuve.

L’autre partie est le Matn, qui est le contenu du témoignage.

Le rassemblement des hadiths a eu lieu u 9ème siècle. Mais les auteurs ne s’entendent pas pour reconnaitre l’authenticité des plus de 300.000 témoignages.

Ceratins auteurs feront plus autorité que d’autres. Al Bukhari et Muslim ont une grande autorité et leurs ouvrages ne concluent qu’à l’authenticité que de 8.000 témoignages (pour le premier).

La sunna shiite est sensiblement différente, car les shiites privilégient les membres de la famille du prophète. Les shiites donnent un très grande importance aux témoignages rapportés par Ali et son épouse Fatima, fille du prophète.

L’interprétation des hadiths n’est pas la même chez les sunnites et les shiites, de plus certains hadiths sont considérés vrais par les uns et faux par les autres.

Mahomet a dit qu’il laissait 2 biens précieux, le livre de dieu et sa descendance et les 2 ne peuvent être séparés. L’interprétation entre sunnites et shiites de ces paroles est bien différente.

Les shiites estiment que les imams sont aussi des messagers de dieu. En conséquence les paroles et les actions des imams s’ajoutent à la sunna. L’ouvrage de référence a été rédigé au 10ème siècle par Kolayni.

3. Le consensus des savants, l’Idjma.

Elle complète le coran. En théorie la vrai source complémentaire du coran devrait être l’Umma, consensus de la communauté des croyants, très difficile à constater comme à obtenir. On se contente donc à se référer à l’Idjma.

Les savants sont versés dans l’étude du Coran et de la sunna.

Comment ce consensus se manifeste-t-il ?

Les 4 grandes écoles ont été développées par les théologiens fondeurs. Le consensus des juristes savants renvoi au consensus des 4 grands théologiens fondateurs des 4 grandes écoles.

Les conclusions de ces 4 grands savants convergent très largement.

La théorie du consensus a pour conséquence qu’une grande part des travaux des 4 écoles vont accéder au rang de règle de droit obligatoire, du fait de la convergence entre les 4 grands auteurs.

Peut-on aujourd’hui se fonder sur le consensus d’autres juristes pour en déduire d’autres règles de droit ?

La réponse est négative, car il a été décidé au 10ème siècle que l’effort d’interprétation du coran et de la sunna mené par ces 4 écoles était suffisant. C’est ce qu’on appelle la « fermeture de la porte de l’effort » ou Hitjiad.

Aucun ouvrage d’interprétation du droit musulman ne va donc pouvoir voir le jour, ce qui va entrainer une rigidification de l’islam.

Cela rend ainsi impossible une interprétation autonome du coran. Ainsi l’Idjma va devenir une source première du droit musulman.

La théorie de la fermeture de la porte de l’effort est rejetée par l’école Hanbalite (essentiellement suivie en Arabie Saoudite, où les juristes peuvent donc donner leur propre interprétation du coran). La critique se fonde sur la critique de la réalité historique de la fermeture de la porte de l’effort. Cette théorie est également inapplicable aux chiites. En dépit de cette fermeture chez les sunnites, le droit musulman peut évoluer, grâce à la possibilité de se référer à la coutume (Dalloz les grands systèmes de droit contemporain).

Cette théorie est inapplicable aux chiites, qui à l’inverse se reconnaissent le droit d’interpréter le coran et la sunna chiites. Ici les théologiens occupent une place particulière. A partir du 18ème siècle est apparu un clergé au sein duquel est apparue une hiérarchie. Il y a les simples Mollah, qui interprète la loi islamique seulement pour les prescriptions claires, puis il y a les ayatollahs, qui sont des groupes de mollahs qualifiés, leurs décisions s’imposent aux mollahs et à la communauté. En Iran l’idée s’est installée selon laquelle un chef suprême pouvait exister au sommet de la hiérarchie, c’est un guide infaillible (c’est le statut qui a été donné à Khomeni en 1977). Ces mollahs et ayatollahs ont un pouvoir normatif et d’interprétation de la sunna. C’est un islam plus autoritaire et hiérarchique que l’islam des sunnites.

Section 3. Les applications actuelles du droit islamique.

Il y a peu d’états musulmans qui appliquent le droit islamique dit classique. Dans la majorité de ces pays, le droit islamique est seulement une source d’inspiration du droit. Dans d’autres états le droit islamique dispose d’une autorité renforcée, car les lois et les règlements ne sont valables que s’ils sont conformes à la charria. Une 3ème catégorie d’état fort rares en ont fait réellement leur droit.

Au 19ème siècle un certain nombre d’état ont décidé de moderniser leur droit par une codification de celui-ci (technique occidentale).

Puis le droit de ces états c’est occidentalisé dans sa substance même, certains pays se sont inspirés du droit français. A l’époque nombre de ces pays étaient dominés par l’empire Ottoman, qui a initié cette occidentalisation, qui s’est poursuivie après le déclin de l’empire Ottoman. A cet égard, L’Egypte fur précurseur en la matière.

En 1883, divers codes ont été adoptés sur le modèle français, tant sur la forme que sur le fond. Mais la question du statut personnel restait soumise au seul droit islamique, et les litiges demeuraient tranchés par les cadis ou qadis. Après l’indépendance de l’Egypte en 1936, de nouveaux codes ont été rédigés en renouant avec l’histoire, une tentative d’égyptianisation du droit a donc été opérée. Le code civil date de 1948 ; il va islamiser le droit civil, consacrant le droit islamique en tant que source subsidiaire du droit en cas de lacune de la coutume et de la loi. Tous les pans du droit civil ne seront pas également affectés. En droit des obligations, l’influence du droit islamique est faible, car le prêt à intérêt et le droit des assurances y sont affirmés (interdits en droit islamique, car contrats aléatoires et intérêts interdits). Le statut personnel n’est pas affecté car il reste en dehors du code civil, mais des lois seront adoptées et modifieront par exemple le sort des femmes. Le droit du mari de répudier sa femme sera limité et les femmes pourront obtenir la dissolution du mariage en justice selon diverses hypothèses (mésentente par exemple).

S’agissant de la justice, la justice des cadis sera supprimée en 1955 au profit d’une justice de droit commun organisée à la française (des tribunaux de 1ère instance sont chapeauté par une cour d’appel, elle-même chapeautée d’une cour de cassation). Il est également créé une justice administrative chapeauté par un conseil d’état. Une cour constitutionnelle sera également érigée en 1955.

Le droit islamique retrouvera une certaine importance à partir des années 1980. Les juges égyptiens auront alors tendance à motiver leurs décisions en faisant aussi appel aux principes du droit islamique en plus de la loi codifiée. Le droit positif moderne apparait alors comme étant insuffisant pour fonder la légitimité des décisions de justice. De plus si une loi est susceptible de recevoir plusieurs interprétation alors que la règle musulmane semble plus explicite et claire, alors ce sera la règle musulmane qui sera appliquée et suivie. Des pratiques contraires au droit positif perdurent aussi et seront sanctionnées notamment en matière de droit de la famille. De nombreux litiges familiaux sont résolus par des notables, les Cheiks, en appliquant le droit islamique.

Ainsi 2 normes juridiques vont coexister en s’ignorant mutuellement.

Il existe dans les années 1980 des projets d’islamisation plus poussés, mais ils ne virent pas le jour.

Les pays qui donnent au droit islamique, valeur constitutionnelle.

Dans certains états le droit islamique n’est pas le droit officiellement applicable puisque le droit applicable résulte de lois ou de règlement, mais ces lois ne sont valables que si elles sont conformes au droit islamique. C’est ainsi que le droit islamique acquiert une valeur constitutionnelle.

Certains état feront un contrôle stricte de la loi au droit islamique, d’autre feront un contrôle plus formel.

Les états au contrôle formel.

La consécration formelle de la charria en tant que corpus de normes de valeur constitutionnelle, ne donne pas forcément lieu à la censure des lois. Tel était le cas de l’Egypte car le prêt à intérêt, l’interdiction du port du voile et la dissolution du mariage à l’initiative de la femme, avaient été déclarés conforme à la charria.

Dans certains cas la Cour Constitutionnelle s’est appuyé sur la non rétroactivité de ses lois, dans d’autres cas elle s’est appuyé sur le défaut de consensus des juristes. Le 18 mai 1996 la loi interdisant le port du voile à l’école s’est imposée face au manque de consensus des juristes, car dans la charria il n’est pas dit que les parties à cacher correspondent au visage ou aux cheveux, et de plus il n’y a pas non plus de consensus au sein des hadiths. Il fut ainsi considéré que c’était une coutume arabe que de se voiler le visage, mais pas une obligation de la charria.

En Egypte depuis la destitution de Moubarak en 2011, l’arrivée des frères musulmans a introduit une nouvelle constitution en 2012.

Les états au contrôle moins formel.

C’est le cas du Pakistan qui obtient son indépendance en 1947. Les 1ères constitution reconnaitront la valeur constitutionnelle de l’islam mais ne la sanctionneront pas fermement au début. Le contrôle de compatibilité des lois sera confié à un conseil islamique qui deviendra conseil de l’idéologie islamique. Ce conseil peut rendre un rapport de contrariété, il s’agit donc au début d’un simple avis. En 1977, le nouveau dirigeant souhaitera renforcer ce contrôle. Une nouvelle juridiction spécialement chargée du contrôle de la compatibilité des lois pakistanaises à la charria sera créé, c’est la cour fédérale de charria. Cette cour s’est montrée très active. Toutes les lois autorisant le prêt à intérêt ont été considérées non conformes. Par la suite elle s’est assagit.

Les états au contrôle strict.

Les états qui font du droit islamique leur droit.

Cela est manifeste en Arabie saoudite. Les juges appliquent la charria islamique telle qu’elle découle du coran et de la sunna (article 48 de la constitution de 1992 qui ne fait que confirmer une situation antérieure).

Les juges n’appliquent les normes édictées par l’état qu’à la condition qu’elles ne contredisent pas la charria. Il est précisé que la charria est applicable en matière pénale et pour la protection des droits de l’homme. Le coran et la sunna sont le fondement de tout pouvoir dans le pays et de la constitution elle-même.

En matière pénale, le vol est puni par amputation de la main, l’apostasie par la mort par décapitation, l’adultère par la lapidation et les relations sexuelles avant mariage par 100 coups de fouet.

Cependant, les règles de preuve islamique sont très exigeantes. Il faut en général plusieurs témoins musulmans et mâles.

Ici la doctrine religieuse se rattache à celle de l’école Hanbalite et plus précisément au Wahhabisme (Al Wahhabb n’a jamais accepté la théorie de la fermeture de la porte de l’effort, pour lui seul le consensus des compagnons du prophète pouvait avoir une autorité particulière et les juristes demeuraient libres d’interpréter les sources premières de l’islam).

L’application direct du droit de l’islam sous-entend que ce droit est d’origine divine et il n’y a donc pas de pouvoir législatif en Arabie Saoudite. Le roi dispose donc d’un pouvoir réglementaire toléré par les théologiens, pour régler des questions modernes auxquelles le droit islamique n’apporte pas de réponse (circulation routière, sécurité sociale…). Mais ceci est toléré à la condition que le droit islamique soit lacunaire sur la question concerné, et à la condition que le roi exerce son pouvoir conformément au bien public. Ces règlements royaux n’ont pas le statut de droit et c’est à l’administration de sanctionner ces règles et non aux juges.

Concernant les juridictions, les juges qui siègent sont des cadis qui doivent avoir une formation en droit musulman. Ce qui est curieux c’est que des cours d’appel existent en Arabie Saoudite, elles sont nommées Conseil de révision et ont un pouvoir de révision limité (elles ne sanctionnent que les erreurs de droit indiscutables). Elles n’ont pas le pouvoir d’amender une décision prise en première instance, elles ne peuvent que l’annuler, et les parties sont alors renvoyées en première instance. Il est possible de négocier avec le juge de première instance pour qu’il modifie sa décision, et ainsi il est rare de recourir à la voie d’appel. Il existe aussi une cassation.

Comme le pouvoir de créer le droit n’est pas reconnu, les décisions judiciaires ne peuvent pas constituer de précédents. Ainsi, les décisions judicaires seront très peu publiées.

Conclusion.

C’est la tradition juridique religieuse la plus vigoureuse aujourd’hui. Sa pérennité n’est pas menacée. Elle pourrait même s’étendre contrairement à la tradition Hindoue qui est stabilisée.

On a pu penser un temps qu’elle était amenée à disparaitre, mais on revient de cette idée. Le droit occidental n’est pas le seul droit ayant vocation universelle à s’appliquer.

Les printemps arabes ont également démontré que ce droit était loin de s’éteindre.

L’étude de ces droits religieux nous apprend à relativiser notre conception du droit. La tradition occidentale n’est pas la seule à avoir existé et ne sera pas la seule à perdurer.

Partie 3. Les traditions juridiques asiatiques.

Ce sont les droits de l’extrême orient et notamment de la Chine et du Japon.

Chine et Japon présentent des différences importantes, mais ces pays sont unis par un même rapport au droit.

En occident le droit est doté d’une valeur idéaliste. Pour les traditions religieuses cet idéal est difficile à atteindre. En occident, le droit apparaît comme un rempart contre l’arbitraire du pouvoir politique et judiciaire, comme le garant des libertés et des droits fondamentaux.

Au contraire en extrême orient, le droit est conçu comme un système de régulation sociale mineur. Il n’est pas bien vu d’y recourir.

En outre les solutions tranchées n’apparaissent pas satisfaisantes et ainsi on préfère recourir au compromis qu’au droit.

Des bouleversements ont cependant provoqué quelques changements.

Sur le plan du droit ces mutations se sont traduites par un mouvement de codification des droits de ces pays. Aujourd’hui le droit de ces pays semblent refléter un rattachement à la tradition civiliste, mais dans les faits la tradition de rejet du droit perdure.

Chapitre 1. La tradition juridique Chinoise.

La civilisation chinoise est l’une des plus anciennes du monde qui soit encore vivante. Elle serait vieille de 4 à 5 mille ans. Elle peut aussi apparaitre comme le plus vieil état du monde. On estime qu’il a été fondé en 221 avant JC par la dynastie des Qin. Elle est demeurée unifiée culturellement et politiquement.

Section 1. La conception traditionnelle du droit en Chine.

Il faut s’intéresser à la conception du monde pour les chinois.

Pour les chinois, il existerait un ordre cosmique résultant de l’interaction entre le ciel, la terre et les hommes. Tandis que le ciel et la terre obéiraient à des lois invariables, les hommes disposeraient du libre arbitre qui les rend maitres de leur comportement. La manière dont les hommes décident de se conduire va avoir une influence sur l’ordre ou le désordre du monde. L’homme doit ainsi respecter l’ordre de la nature pour préserver l’ordre du monde.

Pour éviter les épidémies, les séismes, les hommes doivent tenir compte de l’ordre des saisons, des astres, tant dans leur vie publique que privée et les dirigeants doivent aussi donner l’exemple en se comportant de façon vertueuse et morale.

Ceci implique que les hommes doivent vivre en harmonie tant avec la nature qu’entre eux. Dans les rapports sociaux il va donc falloir rechercher en permanence un consensus entre les individus, on tente de concilier les antagonismes qui émergent. Toute sanction contraignante et obligatoire doit donc être évitée. L’idée qu’une décision de la majorité puisse être imposée à la minorité, n’apparait pas non plus légitime.

Les différents doivent être dissous de manière consensuelle. Cela conduit à envisager de manière réticente le phénomène juridique.

L’idée de droits imposables à d’autres apparait dangereuse.

La rigidité et l’abstraction de nos solutions juridiques sont alors envisagées de façon dépréciée. Il ne faut pas que l’auteur d’un dommage se trouve tenu de payer des dommages intérêts, tels que lui et ses proches se trouveraient privés de leurs moyens de subsistance.

La loi constitue alors surtout un moyen d’aider les gens à se mettre d’accord, sans pour cela la suivre à la lettre. Le droit est réservé aux criminels les plus incorrigibles, aux étrangers mais les chinois doivent vivre en se passant le plus possible du droit.

L’éducation incite les individus à rechercher dans leur propre comportement l’origine des conflits et des litiges. Les hauts fonctionnaires allaient souvent jusqu’à se suicider du fait des troubles sociaux qui naissaient dans leurs provinces.

Cette méfiance est aussi renforcée par la mauvaise organisation de la justice. Ceux qui étaient amenés à rendre la justice n’étaient pas des juristes, de plus ils ignoraient beaucoup des coutumes des provinces dans lesquelles ils étaient nommés. Les adjoints de ces magistrats étaient aussi souvent corrompus et cherchaient à faire trainer les procès à leur profit, on disait souvent « procès gagné, argent perdu ».

Ce qui explique le plus fondamentalement la conception chinoise du droit, c’est la philosophie du confucianisme (respecter l’ordre de la nature pour préserver l’équilibre du monde – la mauvaise organisation de la justice et le confucianisme).

Le Confucianisme fut fondé par Confucius (551 à 479 avant JC). C’est l’étude des moyens à mettre en œuvre pour assurer des relations harmonieuses entre les hommes. Il prône l’obéissance, et ce respect de l’autorité n’est pas absolu, des remontrances peuvent être faites aux pères ou à l’empereur s’ils ne se comportent pas de façon équitable. Il met aussi l’accent sur l’étude et l’instruction, il prône aussi le respect des rites et des traditions. Cette philosophie conservatrice mais modérée est centrée sur l’idée de devoir. Il faut aussi respecter le rôle qui nous est dévolu dans la société.

Dans l’ensemble cette philosophie a dominé la pensée chinoise depuis 2000 ans. Ceci explique que les chinois aient cherché ailleurs que dans le droit les moyens de régler leurs rapports sociaux et de réaliser la justice. La loi ne joue ici qu’un rôle complémentaire.

Si certain codes ont été adoptés, ils traitent essentiellement de questions administratives et criminelles.

Dans l’époque moderne le choses ont évoluées.

Section 2. Les évolutions : La remise en cause de la conception traditionnelle du droit en Chine.

A partir de 1911, la révolution nationaliste parvient à renverser le pouvoir de l’empereur pour proclamer la République de Chine.

Dans la sphère économique surtout on cherchera à s’autonomiser par rapport aux puissances occidentales.

En 1930 sera adopté un code foncier et en 1932 un code de procédure civile. Formellement la Chine va se rattacher à la conception civiliste, mais dans les faits la tradition reste prégnante. Les codes ne seront appliqués que dans la mesure où ils correspondent à la conception que le peuple chinois se fait de l’équité et de la convenance.

Lorsque les parties à un litige décidaient de le soumettre à une juridiction, il arrivait même que les juges préfèrent s’en tenir aux préceptes confucéens.

Les juridictions pouvaient accorder des délais à un débiteur malheureux, à condition que son créditeur ne soit pas dans le besoin.

La multiplication des procès civils a été considérée comme un symptôme de décadence.

A partir de 1949, avec l’avènement du communisme (1er octobre proclamation de la république Populaire de Chine de Mao Tse Tong) les choses vont changer. Sera aboli l’ensemble des anciens tribunaux.

Le principe de légalité va être admis pour permettre une mise en place plus rapide des réformes communistes. Des juridictions sous l’égide d’une cour suprême populaire seront mises en place.

Des lois vont être adoptées et un grand chantier de codification sera aussi entrepris. La mise en place de ces institutions va cependant se heurter à la méfiance des communistes à l’encontre des juristes considérés comme conservateurs. On va alors recruter des juristes engagés fermement dans le communisme Le principe d’égalité sera jugé dangereux.

Un ensemble d’institutions cohérentes sera cependant mis en place en 1950 et une constitution sera adoptée en 1954.

A partir de 1957, un tournant marquera une rupture d’avec le communisme soviétique. Les communistes chinois souhaitent mettre en œuvre le programme marxiste dans toute son intégralité. Le Maoïsme va ainsi naitre comme nouvelle idéologie marxiste et se concrétiser dès 1960. Ils refusent de remplacer le capitalisme bourgeois par un capitalisme d’état, ils donneront la priorité aux réformes sociales face aux priorités économiques. On refuse aussi de mettre l’accent sur l’industrialisation. On rémunère les individus en fonction non pas de sa productivité mais en raison de son dévouement au travail commun. Le salaire est fixé par la collectivité après que le travailleur ait dit ce à quoi il devait avoir droit.

Les ouvrier vont participer à la gestion de l’entreprise et les cadres participeront à la production. C’est le rejet d’une élite.

On rejette aussi l’élite intellectuelle. En 1966 débute la révolution culturelle. On monte les étudiants contre les nouveaux capitalistes. Les étudiants deviennent les gardes rouges du régime. La bande des 4 vont rejeter les héritages culturels passés (des livres, des bâtiments sont détruits et les intellectuels sont pourchassés). Fin 1967 l’armée chinoise décidera finalement de réprimer ce mouvement, mais le pouvoir de Mao va s’en trouver renforcé. A son décès en 1976, s’ouvre une lutte pour sa succession qui se soldera par l’arrivée de dirigeants plus modérés.

1979, le régime va se transformer avec l’arrivée au pouvoir de Deng Xiao Ping. Il va décider d’entreprendre des réformes économiques. Il s’agit d’apporter une certaine prospérité au peuple sans abandonner le communisme. Les paysans vont être autorisés à vendre une partie de leur production sur les marchés. Quelques entreprises vont pouvoir se gérer de façon privative (les restaurants). On fera en sorte d’attirer les investissements étrangers. Les persécutions contre les intellectuels vont cesser, car on a besoin de développer la recherche.

En 1982 une nouvelle constitution marquera une plus grande ouverture vers l’étranger et reflètera des progrès démocratiques. On trouvera des lois en matière de droit civil, de procédure et de droit pénal. Aujourd’hui le droit chinois s’est rapproché de la tradition civiliste plus que par le passé.

La rupture avec le communisme est loin d’être totale, les textes réaffirment l’attachement aux principes marxistes.

Les libertés sont loin d’être parfaitement garanties et si le principe de légalité qui caractérise les droits civilistes, se trouve respecté en Chine, on ne peut cependant pas dire que les conditions relatives à un état de droit soient réunies.

Chapitre 2. La Tradition juridique japonaise.

Le japon a traditionnellement eu des structures spécifiques de par des facteurs géographiques qui ont isolé le Japon du reste du monde.

La situation insulaire a limité les possibilités d’échanges entre les japonais eux-mêmes et les populations voisines.

Il y a aussi eu un isolement provoqué par une volonté politique.

Ceci fut très net du début du 17ème au milieu du 19ème siècle.

L’influence chinoise a cependant été importante, mais tout contact avec l’occident était soigneusement évité.

A partir de 1853 le Japon a opéré un revirement radical, il a cherché à se moderniser et à s’occidentaliser.

Section 1. Le droit japonais traditionnel.

Tout comme la Chine le Japon se distingue sur le plan juridique par un rapport de rejet du droit. Les raisons de ce rejet sont différentes d’avec celles de la Chine.

Si le droit exclu en chine c’est parce qu’on lui préfère la négociation.

Au Japon, historiquement, la société est de type féodal et très hiérarchisée. L’empereur a une forte autorité qui à partir du 12ème siècle sera essentiellement religieuse, le pouvoir revenant alors aux seigneur suprême le Shogun.

La société est divisée en rangs. Chaque frange de la population a un rôle bien particulier à remplir, ainsi que des tâches bien définies à accomplir.

Dans les dernières heure de la société japonaise traditionnelle, on pensait même que chaque classe sociale déterminait le vêtement et le type de bâtiment. Les membres des classes inférieures devaient se plier aux règles des classes supérieures sans qu’aucune règle de droit n’intervienne.

Le code de la chevalerie repose uniquement sur une obligation de fidélité du vassal envers son suzerain, il n’y a ici aucune obligation de droit.

Les ritsu rio, furent à un moment des règles de droit, sorte de compilations de règles répressives et administratives, établies à partir de 646. Ces règles furent enseignées et commentées dans des écoles de droit et d’administration. Mais elles sont tombées en désuétude avec la montée de la féodalité.

Ensuite la conduite des japonais n’a plus été guidée que par les jiri, sorte d’usages sociaux coutumiers qui s’imposent aux individus dans quasiment tous leurs rapports sociaux. Il y aura le jiri du père et du fils, celui du mari et de la femme, celui de l’oncle et du neveu, celui du patron et de l’employé, celui du prêteur et de l’emprunteur.

Ces « jiri » portent sur de questions qui seraient considérées en occident comme juridiques. Mais les jiri n’est pas formellement obligatoire, il est simplement suivi car ce serait un déshonneur de s’en éloigner. La seule sanction au manquement au jiri est la réprobation publique.

On n’imagine pas d’invoquer le droit au lieu du jiri. Il n’y a donc pas d’école de droit, d’avocat ou de notaire, pas plus que de système juridictionnel qui se distingue clairement du système administratif. On ne reconnait pas au citoyen de droit à recourir au juge.

Section 2. Occidentalisation du droit japonais.

A partir de 1868 s’ouvre l’ère Meiji et le japon décide de se moderniser en s’ouvrant aux idées occidentales. L’occident sera suivit et copié de manière aussi absolue qu’il était rejeté auparavant.

Cela s’est traduit par une entreprise de refonte et de codification du droit japonais, dès 1869. Il y aura une traduction du code français en à peine 5 ans. C’est remarquable vu la difficulté de traduire au Japon des normes aux valeurs occidentales.

Un série de code sera adoptée en 1872 avec l’aide de Boissonade (juriste français). Des juristes allemands et anglais apporteront aussi leur aide.

Un code pénal et d’instruction criminelle seront adoptés en 1882 sur le modèle français.

Une loi sur l’organisation judiciaire et un code de porcédure civile seront adoptés en 1890 et seront plus proche du droit allemand.

Un premier projet de code civil sera préparé par Boissonade en 1891 mais il ne sera jamais appliqué. Critiqué il sera remplacé par un projet adopté en 1898 et mis en vigueur. Il sera plus proche du droit allemand que du droit français.

Un code de commerce sera adopté en 1899.

Dans les autres matières on préfèrera l’adoption de grandes lois plutôt que de procéder à une codification.

En 1889 une constitution sera proposée par l’empereur. En 1888 et 1890 sera adopté le système des communes et des départements.

Après la seconde guerre mondiale, deux nouvelles réformes seront introduites dans le sens de renforcement de la démocratie et ici le droit s’inspirera du droit américain.

Le système juridictionnel est unitaire, il n’y a pas de dissociation entre les différentes juridictions. On trouve cependant, un tribunal suprême qui contrôle la constitutionnalité des lois et des règlements, comme aux USA.

Globalement c’est un droit occidental de tradition civiliste mais qui s’inspire aussi du droit de Common Law.

Le Japon est désormais un véritable état de droit.

Mais on peut considérer qu’il s’agit d’une façade occidentale, et que dans la réalité la société demeure très attachée à ses valeurs traditionnelles, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’effectivité du système juridique japonais.

Le respect de la hiérarchie et le souci des convenances demeure très important, alors que l’humanisme demeure largement étranger à la société.

Sur le plan du droit public, la conséquence sera que les japonais sont en général peu intéressés par leur propre vie politique, ils préfèrent laisser les puissants gouverner. Les actes arbitraires de la police sont très rarement critiquer. Lorsqu’un crime est commis on recherche un coupable à tout prix. Les décisions judiciaires sont peu motivées car les juges estiment superflu de se justifier. Le contrôle de constitutionnalité est aussi exercé avec retenue.

En droit privé le décalage s’observe à travers le faible nombre de litiges porté devant les juridictions. On préfère régler les conflits par la négociation. Le plus important demeure donc fondé sur les jiri. La conciliation apparait ainsi très importante, lorsque les parties ne s’entendent pas elles peuvent recourir à de nombreux conciliateur. La police jouera même ce rôle de conciliateur. Même si un juge a été saisi, il doit inciter les partie à recourir à un règlement à l’amiable. Il existe également une procédure spécifique par laquelle les parties saisissent le juge pour qu’il nomme une commission de conciliation. Pour les litiges familiaux et du travail cette procédure est même obligatoire. En France on s’oriente aussi désormais vers un tel procédé de conciliation.

On observe cependant une lente augmentation des litiges portés devant les juridictions et les juristes s’accroissent aussi.

Peu à peu même si le Japon devient un pays occidental, il continue à adhérer à une culture éloignée des pratiques occidentales.

Partie 4. Les traditions autochtones.

L’objet est le droit des peuples qui habitaient l’Amérique, l’Australie ou l’Afrique avant les vagues de colonisation respectives (16, 18 et 19ème siècle).

Autochtone : né de la terre même.

Indigène : individus qui vit sur la terre originel, originaire de son pays qu’il habite.

Les pays arabes et asiatique ont aussi connu la colonisation, mais ils étaient plus peuplés et ont été colonisés moins longtemps, ainsi leurs droits ont ainsi mieux résisté que les droits dits autochtones. De plus leurs droit étaient aussi mieux institutionnalisés.

Ces droits ne sont presque plus applicables. L’intérêt réside dans le fait que ces droits demeurent cependant encore suivis dans certaines régions du monde (tribus indiennes de certaines réserves). Pour les questions de statut personnel ces règles sont encore appliquées en Afrique pour les africains natifs, comme les règles relatives à la propriété.

En Afrique il y aura donc un droit mixte, un droit issu du droit français et anglais, et d’autres personnes seront soumises à un droit ancestral.

Le souci contemporain de protéger ces droits et de s’y intéresser relève de raisons écologique. Il est important de protéger les modes de vie traditionnels car ils participent au maintien de la biodiversité.

Un grand point commun de ces traditions c’est qu’on peut les qualifier d’écologique, la nature y apparait comme une création une incarnation des dieux qui doit à ce titre être protégée. Les animaux y sont parfois considérés comme des frères et des sœurs qu’on ne doit pas maltraiter. On dit aussi que ces traditions s’opposent au gaspillage. Ici l’homme apparaitrait comme une part de la nature au même titre que les autres éléments.

Cette vision idéaliste de ces droits a conduit à sa protection (1992 convention de la protection).

La prise de conscience environnementale fait aussi qu’on s’intéresse à ces traditions juridiques

L’étude simultanée de ces droits, malgré leurs grandes différences, s’expliquent par le fait qu’elles présentent aussi des points communs.

  • Ils ne connaissent pas l’histoire (anhistorique)
  • La forme de transmission de ces traditions, souvent par l’oralité.
  • L’organisation juridique de ces tradition est non institutionnalisée, c’est un droit sans état.

Section 1. Les caractéristiques des traditions autochtones.

1. droit anhistorique.

Ce sont des droits anhistoriques car ils renverraient à des sociétés sans histoire.

Ont dit que ces traditions seraient les premières dans l’humanité. On n’a cependant pas de repère pour dater leur naissance. Il n’y a pas de révélation particulière ou d’évènement historique qui permettrait de les dater.

L’idée même de changement est liée à une vision linéaire du temps, c’est la conception judéo-chrétienne du temps selon laquelle tout à un début et une fin. Mais il existe d’autres conceptions du temps. Pour les asiatiques le temps peut être cyclique avec la réincarnation. Chez les peuples autochtones, le temps serait statique sans différence entre présent, passé et futur. Le temps serait comme un bulle ici qui englobe passé, présent et futur.

Chez ces peuples, le passé serait encore présent puisqu’on ferait au présent ce qu’on a toujours fait dans le passé. Même ce qui est mort n’est pas véritablement révolu, il serait ainsi possible de dialoguer avec les morts. Le futur n’apparait pas non plus complétement inconnu puisqu’on fera ce qu’on a toujours fait. Les choses à venir sont en sorte déjà là. Selon une expression africaine, « la communauté est une grande famille qui compte de nombreux morts, quelques vivants, et une infinité de personnes à naître ». Ceci renvoie aux préoccupations écologistes actuelles centrées sur les générations futures (Charte de l’environnement de 2004).

Finalement, le fait de ne pas opérer de scission nette dans le temps parait logique, car la modernité est une notion très relative (liberté des mœurs en Polynésie par exemple qui fut un temps choquante pour nous mais qui ne l’est plus).

Faut-il en déduire pour autant que ce droit est immuable et que cette tradition est figée ?

A priori, les différentes conceptions du monde vont renforcer l’ordre des choses des traditions autochtones, mais cette coutume n’est pas figée car la coutume est une notion malléable et souple qui permet à ce droit de profiter de grandes facultés d’adaptation. Ces peuples se refusent ainsi à une codification de leurs droits, qui les figerait.

2. L’oralité.

Elle va permettre de distinguer les traditions précédemment étudiées de ces traditions autochtones.

En pratique cela va signifier qu’elles soient transmises et conservées de génération en génération par le seul biais de la parole et de la mémoire humaine. Il en résulte de multiples conséquences.

  • On pense à tort, que ces droits ne peuvent pas s’embarrasser d’une multitude de détails techniques et qu’ils se limitent à quelques grands principes. Qu’ainsi ses droits ne seraient pas des droits techniques et formels capables de traiter les problèmes de la vie quotidienne. Il suffirait donc d’en respecter l’esprit mais pas la lettre.
  • L’oralité ne serait pas le fait que l’écriture est inconnue par ces civilisations. L’oralité serait un choix constitutif de leur identité. Ce sont les anthropologues et les juristes qui ont écrit sur ces droits et les ont parfois retranscrits par écrit.
  • L’affirmation selon laquelle, le droit, parce qu’il serait oral serait aussi frustre, serait sujette à caution. En fait une telle conception serait le fruit de notre manque de mémoire du fait de notre tradition écrite, et ceci altèrerait notre capacité à comprendre que de tels droits aient pu parfaitement continuer à être correctement transmis (les premiers colons découvrirent notamment que les polynésiens connaissaient parfaitement les étoiles, les courants marins et leurs précédents itinéraires, ce qui leur permettaient d’être d’excellents navigateurs). Ainsi leur droit sont-ils probablement aussi complexes et développés que les nôtres.

3. La faible institutionnalisation de ces traditions.

Pour ceux qui estiment que l’oralité explique une faible complexité de ces droits, cela implique aussi qu’ils sont faiblement institutionnalisés.

Selon Clastres, ce fait est simplement le résultat d’un choix délibéré.

Ici le pouvoir ne s’exerce pas par le biais de hiérarchie.

Globalement le conseil des anciens est l’institution juridique de base. Une autorité particulière est ainsi conférée aux anciens, qui ont acquis une meilleure connaissance au fil du temps. Ce conseil est aussi parfois remplacé par un chef, mais sa voie n’est que consultative. Sa décision doit réunir un minimum de consensus pour être acceptée.

Cela se double aussi d’une quasi absence de législation. Les anciens et les chefs édictent peu de règles tout du moins abstraites et générales. Les problèmes sont réglés au cas par cas en s’inspirant des principes qui animent la tradition. La gestion des conflits susceptibles de s’élever, se fait de manière informelle, il n’y a pas d’obstacle procédural à la gestion des litiges. Il n’y a pas de délais à respecter pour saisir le conseil des anciens. La résolution des litiges se fait de manière consensuelle, on tente de concilier les points de vue et même de réconcilier ceux qui se sont disputés. En Afrique il appartient ainsi au parent le plus proche ou au meilleur ami d’une partie de présenter les arguments de l’autre partie. Il n’y a pas de distinction entre législatif, exécutif et judiciaire, ni entre le droit et la morale ou entre le droit et l’équité. Les anciens et les chefs doivent prendre des décisions importantes pour la communauté et en trancher les litiges ; ils exercent ces missions dans l’optique de trouver un consensus au sein de la communauté. On peut estimer que cela est le propre des petites communautés humaines, la solidarité y étant primordiale. On ne trouve pas de monopole de juriste, le droit appartient et est l’affaire de tous.

Section 2. Le contenu des traditions autochtones.

1. le droit foncier

On parle ici de statut réel opposé au statut personnel.

Il se distingue par sa très faible valorisation de la propriété privée.

La relation à la terre est une relation à la jouissance commune. C’est ainsi que les juristes occidentaux l’envisagent.

On dit aussi que le chef de la tribu a la faculté d’attribuer une jouissance particulière mais qu’on ne peut vendre la terre. Cela a posé des difficultés lorsque ces autochtones ont réclamé la jouissance de leurs terres aux colons. On ne leur a alors reconnu qu’un droit d’usufruit de ces terres et non d’abusus (ce fut le cas de ce qui fut reconnu par la cour suprême canadienne aux autochtones de ce pays).

On a aussi considérer que les terres des autochtones étaient de fait des « res nullus », des choses sans maitres, que les occidentaux pouvaient donc facilement s’approprier.

Mais cette idée de propriété collective apparait contestable dans certaines de ces traditions autochtones.

Régis Lafargue parlant des néo calédoniens (kanaks) dans son ouvrage « la coutume face à son destin », a dit : « l’expression « lien à la terre » est préférable à celle plus ethno centrée de droit foncier », car le titulaire de droit foncier Kanak est tenu vis-à-vis de la terre à des obligations. Ce lien à la terre peut-il être rattaché plutôt à la propriété privée ou collective ? Si on s’en tient à la description faite par un colon, la terre apparaissait reliée à une notion familiale.

Les simples particulier ou « yam buet » avaient des propriétés dont les limites étaient très bien tracées et reconnues, soit par la succession, soit par la vente ou encore par l’échange. Ils pouvaient en disposer et la vendre comme étant leur terre. Les fruits de ces terres appartenaient aux chefs en certaines circonstances. Les propriétés se composaient de terres propres à la culture et nul ne pouvait s’y établir sans le consentement du maitre. On est ainsi très loin d’une conception collective des terres.

A côté de ces yam buet, il y avait les chefs subalternes ou « aou », qui profitaient, en dehors de ces terres particulières cultivables, des bois, des ruisseaux et des biens fonds situés aux alentours du village, et les étrangers ne pouvaient exploiter ces terres sans leur permissions.

Enfin, tout ce qui n’appartenait pas ni aux yam buet ni au aou, appartenait au grand chef le teama qui jouissait en plus de ses terres propres des plages, des bois et des forêts.

C’est ainsi une multiplicité de biens individuels qui était ici révélée par le premier administrateur de la Nouvelle Calédonie.

Selon Régis Lafargue, la politique coloniale a été marquée par une doctrine destinée à légitimer les spoliations foncières (affirmation du caractère collectif des droits fonciers). Dès la prise de possession en 1853 de la Nouvelle Calédonie les terres ont été appropriées par la France, suivie en 1855 de l’affirmation du général du Gouzet par laquelle la France s’est déclarée propriétaire des terres en dés errance en vue de la création du bagne. C’est cela qui a conduit à cantonner les tribus kanaks dans des réserves. On a conféré alors un statut de propriété collective à ces réserves, donc invendables, le sol lui demeurant la propriété de l’état.

A partir de 1868 l’administration coloniale aurait donc été à l’origine d’un concept de propriété indivise des tribus.

Cependant Lafargue précise que les liens que les kanaks entretiennent avec leur terre est limité par les nombreuses obligations qui les lient à leur terre qui ne sont donc pas de véritables propriété privée. Il s’agirait donc plutôt d’une notion d’ancien régime dite de propriété simultanée (permettant à plusieurs personnes d’avoir des droits concurrents sur une seule et même chose – un usage relatif à la terre). Du fait de ce lien les personnes étaient liées aussi les unes aux autres du fait d’obligations particulières.

L’école des communs (commons) a tenté de montré que la propriété privée ne collaborait pas à la meilleur gestion des ressources, mais plutôt une forme de propriété commune gérée de façon autonome.

2. Les propriétés intellectuelles.

Nous distinguons les propriétés corporelles des propriétés intellectuelles.

On peut lire que la subsistance des autochtones était liée à la terre et qu’ainsi leur droit se résumait au droit foncier. Or en réalité les propriétés foncières des autochtones se réfèrent à une notion abstraite d’usages et de coutumes, qui incluent des danses, des chants et des rites.

L’anthropologue Manuella Carnero Da Cunha (Savoirs traditionnels droits intellectuels et dialectique de la culture), revient sur ce préjugé d’unique référent à la propriété foncière qui exclurait la propriété intellectuelle et le critique. Elle conseille d’ouvrir son imaginaire afin de remettre en cause ce préjugé.

En Mélanésie, Manuella dit qu’on trouve des droits qui s’apparentent à nos droits de propriété intellectuelle. Il y a des traits culturels qui se trouvent constitués en objets ou quasi objets. Ces traits culturels sont engagés dans des transactions de toutes sortes. On peut offrir, acheter ou même vendre en Mélanésie des droits sur des rituels, sur des chants et des savoir-faire magiques. Elle donne l’exemple des arapeshs (hommes des montagnes) qui achetaient leurs rituels aux hommes du littoral, puis ils les revendaient à d’autres et s’en procuraient de nouveaux. Elle nous dit qu’il existait même des sociétés spécialisées dans la production culturelle aux fins d’exportation. L’exemple des « mewum » de Vanuatu, qui étaient producteur de kastom (mot pigdin qui signifie tradition) et les fournissaient à leurs voisins en biens immatériels qui étaient des danses, des chants et des rituels. Ces biens culturels étaient conçus comme une forme de propriété, de droit dont on avait la propriété et qu’on conservait jalousement. Ces biens n’étaient pas inaliénables, on pouvait les céder et ils pouvaient faire l’objet de transactions, qui parfois correspondaient à des ventes. Il était possible de céder les motifs décoratifs de sa maison et par une transaction on acceptait pour l’avenir de ne plus utiliser ces motifs pour sa maison. La plupart du temps, toutefois, ces transactions prenaient la forme d’une sorte de franchise ; on cédait alors l’extension du droit sans en perdre la propriété (comme chez nous où l’auteur rend public son œuvre sans en perdre la propriété). L’essentiel était moins de garder une exclusivité culturelle que le droit d’autoriser un emprunt ou une autorisation culturelle. La conception est ici ressemblante à nos droits d’auteurs. Manuella nous dit que les religions chrétiennes avait elles aussi pratiquer ce système de transaction ; des missionnaires auraient été assassinés en 1878 pour avoir voulu étendre leur religion à de nouvelles personnes, mais sans avoir conclu auparavant les transactions nécessaires entre les villages des anciens convertis et les villages des nouveaux convertis. Il existait donc un système précis de transactions des biens culturels et ceux qui ne le respectaient pas était assassinés.

En Amazonie, et les Kayapo du Brésil (actualité d’un barrage qui détruirait les villages de cette tribu). Ces Kayapo ont un système de régulation des noms de personne et des privilèges qui y sont associés, système qui fait penser au régime juridique des biens immatériels. On y cultive les beaux noms qui constituent une ensemble finit et il s’agit d’éviter de dilapider cet ensemble. Les beaux noms confèrent toute sorte de richesse immatérielle qui consistent en des droits sur des choses, telles que des chants, des rôles rituels et des ornements, ou encore des droits à des morceaux spéciaux prélevés sur le gibiers pour les hommes, ou pour les femmes le droit d’apprivoiser des animaux. Les premiers beaux noms furent acquis aux poissons qui les possédaient initialement. Les chamans continuent de fournir de nouveaux noms, qu’ils obtiennent au cour de leurs voyages nocturnes. Ces noms et les prérogatives liées constituent une propriété. Les titulaires de ces propriétés sont des maisons particulières qui sont organisées selon une filiation matrilinéaire. Cependant, ces beaux noms vont pouvoir être confiés à des personnes appartenant à d’autres maisons, il sera possible de se voir confier en usufruit tel ou tel beau nom qui appartiendrait à une autre maison. Ce nom est confié à vie en usufruit et dès lors, la personne aura la charge de porter ce beau nom et le devoir de le retransmettre à sa mort à sa maison d’origine. L’idée est que le nom ne se perde pas, il faut qu’il ait toujours un occupant. Les figures juridiques qui s’appliquent au nom ne se limitent pas à la propriété et à l’usufruit. On peut encore faire le parallèle avec d’autres mécanismes juridiques, ainsi les noms peuvent encore être empruntés, confiés en dépôt et même volés.

Dans les traditions autochtones existent donc des règles qui permettent d’organiser la circulation des savoirs traditionnels et elles sont sophistiquées.

En Polynésie, l’anthropologue Marcel Mauss (essai sur le don – 1923-24) montre que ces peuples connaissaient des propriétés intellectuelles. Il ne parle pas seulement des droits polynésiens, il parle d’abord de droit romain. Il aborde ensuite le droit Maori et parle ici du Hau, l’esprit des choses. Il explique qu’en droit Maori, les choses qui sont données contiendraient en elles une force de détruire l’individu, qui les acceptées, au cas où l’obligation de rendre la chose ne serait pas observée. Il existait une sorte de système d’échange, de don, qui devait être ultérieurement échangé ou rendu. A donne un Tahunga à B qui le donne ensuite à C, C va rendre un nouveau Tahunga à B, B considère que ce nouveau Tahonga contient l’esprit (le Hau) du 1er Tahunga. L’important c’est que le Hau du 1er Tahonga revienne un jour à A.

Mauss explique que si B conservait le 2ème Tahonga de C il pourrait lui advenir du mal même la mort, puisque le Hau doit revenir à son propriétaire. Il suffit de dire que les Tahonga ont un Hau, vous m’en donnez un, je le donne à un tiers qui m’en donne un autre. Ce qui dans le cadeau est échangé, oblige donc celui qui le reçoit. La chose est dotée d’un esprit. Le Hau veut revenir in fine à son lieu de naissance, au sanctuaire de son sol, de son propriétaire initial. Ainsi le lien qui existe entre les choses et les personnes est un lien d’âme, un lien spirituel. On donne donc quelque chose de soi-même, et la reconnaissance du don s’impose donc par une restitution de cette part d’âme. Les occidentaux quant à eux opposent à l’inverse les choses aux personnes.

3. les sanctions.

En droit Maori, si on ne rend pas la chose qui nous a été donnée (la chose reçue oblige, même quand la chose est abandonnée), le donateur a une prise sur le bénéficiaire du don et sur l’éventuel voleur. La hau va venir venger la personne volée, il va venir enchanter le voleur et le mener soit à la mort soit le contraindre à restitution. Ne pas rendre la chose est compris comme un détournement d’âme.

En Afrique, dans certaines traditions, lorsque le membre d’un clan est agressé, c’est l’ensemble du clan qui va se considéré comme étant agressé. L’agression d’une personne engage la responsabilité de tout le clan auquel l’agresseur appartient. La réparation est en principe négociée entre les 2 clans, qui décident d’une réparation matérielle ou d’un châtiment corporel, équivalent à l’agression perpétrée. On cherche à retrouver une harmonie, à rétablir l’équilibre. On ne cherche pas à appliquer le droit aux faits mais à rétablir l’équilibre. Le droit pénal est ici consensuel, on cherche à réconcilier la victime avec son agresseur. Cela semble éminemment moderne, puisqu’aujourd’hui en droit civil occidental on met en avant les procédés de médiation et de conciliation (alternatives au procès et à l’emprisonnement – mode alternatif de règlement des différends).

L’exception est celle des Nuers du Soudan. Ici on recourt assez volontiers à la violence plus qu’à la conciliation. S’il n’y a pas d’accord on suit la loi du talion. La clan dont un membre a été tué va tuer un membre du clan du meurtrier. La perspective des actes de violence est assez peu tentante, ainsi en pratique on parvient bien souvent à des solutions négociées.

4. Le statut personnel (droit de la famille et des personnes)

On lit souvent que ces droits sont très peu réglementes et abandonnés à la volonté des parties. Comme le mariage, le divorce, l’adoption qui seraient soumis à des formes simples et varient selon la volonté de chacun.

Ce sont des généralités qui sont vrai de façon globale.

Mais les règles précises présentent une grande modernité dont l’occident s’inspire aujourd’hui (mariage pour tous).

On apprend que lors de l’arrivée des français en Amérique du Nord, au Canada, les populations locales ont été très étonnées des mœurs françaises qu’ils trouvaient rétrogrades (divorce interdit, châtiment corporel des enfants et rapport prude au corps).

Certains peuples autochtones pratiquent la monogamie, d’autres la polygamie et d’autres la polyandrie. Il en résultait des sociétés tournées autour des femmes, mais la polyandrie tend à disparaitre (Népal et Inde). La polygamie est en recul aujourd’hui en fait (trop coûteux) sinon en droit.

Les Kanaks connaissent un système matriarcal. Pour eux le mariage est une alliance entre 2 clans, le clan maternel et le clan paternel. Le clan maternel incarne la continuité de la vie et le paternel la lignée de puissance. La place de l’enfant dans la société Kanak se trouve déterminée par cette alliance des 2 clans, qui est un échange. De cet échange nait un devoir réciproque à l’égard de l’enfant. Le clan paternel aura l’obligation d’éduquer l’enfant et le clan maternel aura le devoir de le surveiller. La vie donnée par le clan utérin (maternel) impose au clan paternel une dette de vie, une nouvelle union ultérieure qui devra poursuivre l’alliance. Cette alliance interdira préventivement tout conflit entre les clans. Cette idée d’alliance, qui n’est pas une allégeance, va se traduire concrètement par le fait que les cousins germains de l’enfant sont ses frères au même titre que son vrai frère (au sens où nous l’entendons en occident). Les divers oncles et tantes sont aussi les pères et mères de l’enfant. C’est ainsi une famille très élargie. Les pères lèguent la terre à l’enfant et ainsi on considère que ce sont eux qui donnent une place à l’enfant dans le monde Kanak (de se tenir debout). L’enfant a aussi d’autres pères au sein des maternels, les hommes du clan utérins sont aussi appelés pères, car ces pères maternels donnent la vie à l’enfant par le truchement de leurs sœurs. L’oncle utérin participe ainsi de la même lignée de vie que l’enfant, on le considère comme le père de l’enfant. Pour les Kanak l’homme n’est pas le géniteur de l’enfant, seule la mère est considérée comme telle. Ici, la femme a le pouvoir de faire passer les enfant du monde des esprits vers celui des vivants, et le mari se contente que la femme soit en bonne condition pour recevoir le flux fertiles des ancêtres. L’homme va se considéré plutôt comme le père des enfants de sa sœur et non de sa femme. Ceci explique la logique du droit kanak de la filiation. En matière d’attribution de la garde de l’enfant, il est important de le confier au clan paternel, sinon on l’exposerait à ne plus être considéré comme membre de ce clan et à lui retirer son statut social. Le clan paternel n’a pour ainsi dire que des devoirs envers le clan maternel, car il est comptable de la vie qui lui a été donnée par le clan maternel. Il a l’obligation de préserver la vie qui lui a été donnée, il doit veiller sur l’enfant et son bien-être (ne pas répandre le sang de l’enfant, le protéger). Il doit aussi donner à l’enfant le complément nécessaire de la vie, à savoir les terres et le statut social qui va avec. L’adoption d’un individu pris isolément par un autre individu, pris aussi individuellement, n’a pas de sens. L’adoption Kanak est un phénomène quasi exclusivement collectif, c’est le transfert d’un individu d’un clan vers un autre clan, c’est un rite d’initiation à un nouveau culte, celui du nouveau clan. Être adopté par un clan est donc initiatique. L’entrée dans un clan amène à partager de nouveaux ancêtres. Cela se traduit par un changement de nom qui exprime le passage d’une généalogie vers une autre, toute la filiation est modifiée. L’adopté s’identifie aussi à un nouveau totem (celui du clan maternel), il quitte sa première ascendance mythique pour une nouvelle. Si une seule personne du clan adoptant refuse d’adopter, l’enfant ne pourra pas être adopté.

De façon général, quel que soit la tribu ou l’endroit, notre division fondamentale entre les choses et les personnes, n’est pas évidente ailleurs.

Conclusion

Derrière les arguments généralistes il y a un fond raciste, par le refus de prendre précisément en compte comment ces sociétés s’organisent précisément.

Ces traditions ont aujourd’hui tendance à s’éteindre, ces peuples ne sont plus à 100% autochtones. Ils vivent de moins en moins dans leur habitat traditionnel. La colonisation fut la 1ère cause d’extinction, mais la non-institutionnalisation de ces traditions est aussi une cause première voire fondamentale. L’absence de chef empêche l’émergence d’état ce qui rend plus fragile ces peuples autochtones.

Les colons occidentaux n’ont pas toujours tenté volontairement d’éliminer ces traditions juridiques.

On va distinguer les pays dans lesquels les colons se sont établis de façon massive et définitive (Amérique et Australie), des pays où les occidentaux ont seulement établi une domination politique et économique (Afrique et Asie). Pour ces second pays où la domination a durée moins longtemps, les peuples ont été moins affectés et leur droit s’est mieux maintenu. En Asie ou en Afrique, la plupart des colonisateurs n’ont jamais vraiment eu la volonté de faire disparaitre les droits autochtones, car les colons restaient inférieurs en nombre par rapports aux autochtones. Il est arrivé que le pays colonisateur prête main forte au pays autochtone en permettant aux locaux de saisir, pour les statuts réels et personnels, les tribunaux occidentaux pour faire respecter leur propre droit. Ces pays ont ainsi souvent des droits mixtes.

Dans les pays où les occidentaux se sont établis définitivement, la déstabilisation des droits autochtones a été plus forte. Il y a eu parfois des génocides des populations locales et des tentatives d’étouffement des traditions (cas des aborigènes d’Australie). Aujourd’hui leurs traditions tentent de perdurer, mais les tentatives menées pour les sauver ne sont pas toujours concluantes. Aux USA, ont été créées des réserves indiennes où certains tentent de vivre traditionnellement, mais le résultat est peu glorieux (chômage, alcoolisme). Le principe de la réserve crée une ségrégation. C’est ce qui se passe aussi en Guyane. Paradoxalement on constate un retour au droit autochtone, au moins dans les discours, pour la libéralisation des mœurs, pour les modes de résolution des différends et en matière environnementale.

Le droit pastoral Berbère.

Définition des termes

Les berbères :

répartition : Nord de l’Afrique : initialement Algérie, Tunie, Maroc et Lybie. Puis ils s’étendirent jusqu’à l’archipel des Canari, et l’Afrique Noire Sahélienne.

On distingue différents peuples berbères :
  • Chleuh : berbères du Maroc
  • Kabyle : berbère d’Algérie, nommée également Kabylie
  • Touareg : berbère nomade du désert du Sahara, ils immigrent au travers du désert d’Algérie, et Mali
Les langues berbères :
  • Le kabyle en Algérie
  • Le tamazight au Maroc, bien qu’il existe certains dialectes reconnus : le tarifit, et le tachelahit

La nouvelle constitution marocaine de 2011 officialise la langue du peuple amazighe et est donc reconnue au même titre que l’arabe. La langue tamazight n’est pas seulement orale, mais est aussi écrite. Mais il est vrai que peu de berbères savent l’écrire.

Pourquoi peut-on parler du droit traditionnel berbère (= nommé aussi l’izeif) dans le droit autochtone ?

  • C’est en effet un droit autochtone puisque les berbères sont les premiers habitants connus du Maroc. En quoi ?
  • Donc, ça veut dire que le Maroc n’a pas toujours été une terre d’islam. En effet, les invasions arabes datent du 7e s après J.C.

Rappel: En 622 débuts de l’ère musulmane avec l’Hégire et la retraite de Mohamed à Médine. En 681, les musulmans parviennent jusqu’aux rivages de l’Atlantique de l’actuel Maroc. Csq : cela soulève la révolte des berbères envahies par les arabes. Kahira, princesse berbère, est le symbole de cette révolte en tenant tête pendant 5 ans aux arabes, elle se tue 702 après avoir perdu.

Le droit berbère précède également a forciori la colonisation française. Ce n’est que de 1912 à 1956 que le Maroc est un protectorat français.

Qu’est ce que le pastoralisme ?

Mode d’élevage extensif, pratiqué par des peuples essentiellement nomades ou semi-nomades et qui se trouve fondé sur l’exploitation de la végétation naturelle. On le rencontre principalement dans les zones semi-arides notamment les steppes.

Quel intérêt au droit pastoral autochtone ?

_ Bien des terres qui sont encore habitées aujourd’hui par le peuple berbère sont juridiquement qualifiées par le droit étatique marocain de terres collectives. Or il y a là un // à faire avec Lafargue et ses terres collectives en Nouvelle Calédonie : il démontre l’importation de la notion et les préjugés sur les terres collectives. Dans le cas berbère, n’est-ce pas là également une importation française qui essaie de dissimuler un ensemble complexe de règle d’accès à la terre.

  • Aujourd’hui les droits autochtones suscitent un regain d’intérêt parce que naissent des préoccupations écologiques. Or, ces droits autochtones se trouvent être qualifiés bien souvent de droits écologiques. Est-ce que ce mode d’élevage particulier va de paire avec des règles de droit qui permettent la préservation de la ressource, et des terres sur lesquelles les bergers font paître leurs bêtes ?
  • les formes alternatives de la propriété : cad penser autrement la propriété.

I. L’énoncé des règles traditionnelles pastorales

A. Présentation de ces règles

Elles sont multiples.

Règles entre transhumants de différentes tribus :

On ne s’intéressera qu’aux règles des transhumants de certaines tribus. Sachant que les transhumants sont les bergers qui se déplacent tout au long de l’année sur leurs terres, ils sont qualifiés de semi-nomades. (cad qu’ils ne font que monter et descendre la montagne, selon les saisons. Ils ne parcourent pas le pays.) Le peuple berbère comprend différentes tribus qui habitent et parcourent le sud du Haut Atlas Marocain. On peut nommer parmi ces tribus les : Aït sedrat, et aït mgoun. Chacune de ces tribus évoluent sur des territoires qui leurs sont propres : il y a d’ailleurs une correspondance claire entre le territoire et les tribus. (Sur certaines cartes il est possible de trouver le nom des tribus sur leur territoire à l’image d’un pays.) Mais parfois l’une a besoin de passer sur le territoire de l’autre. Lors de leur transhumance, elles doivent transiter sur des territoires qui sont reconnus comme ceux d’une autre tribu. Csq : des accords sont conclus entre chacune des tribus. Ce droit international public berbère consiste à régler les conflits par l’intermédiaire de ce que l’anthropologue Genner nomme : les saints de l’Atlas. Ces derniers habitent dans des zaouias qui sont placés à des endroits judicieux, stratégiques : à la frontière de territoire de une ou plusieurs tribus. Ainsi ils apparaissent comme un agent extérieur, un tiers neutre qui règle les conflits. Il n’intervient seulement qu’en dernier recours. En effet, les tribus ont leur moyen propre pour régler leurs conflits. En leur sein chacune a une assemblée de notables, ou de chefs de famille : c’est la jemaa. C’est cette dernière qui règle les conflits entre tribus. Si la jemaa demeure incompétente, alors les saints prennent le relais.

Remarque : il est intéressant de noter que sans créer un état (manière civiliste de régler les conflits) les tribus parviennent à régler leurs conflits entres elles.

Règles entre agriculteurs et transhumants :

aux accords entre les transhumants, il existe également des accords entre les agriculteurs et les transhumants qui sont régulés par des normes.

Ex de mode de relation : les lieux, les abris qui permettent de se mettre en sureté, à couvert de la pluie et du soleil et qui sont par extension un lieu pour habiter (Sauf que le concept d’habiter doit être compris ici comme une étape.) mettent en jeux cette relation agriculteur/transhumants.

Se pose alors la question non pas du statut immobilier, mais le statut juridique de l’abri. Ces derniers qui sont le plus souvent des cabanes voire des grottes, ne sont pas aménagés par les transhumants mais les agriculteurs. Ils en ont l’initiative, et ce pour le bien des transhumants. Pq cette initiative? Parce qu’ils sont avides de l’utilisation du fumier laissé par les troupeaux. Donc le fumier est considéré comme une contre-prestation ou un paiement. Le plus souvent ces abris se trouvent à proximité du logis des agriculteurs. Il s’agit pour l’agriculteur d’inciter le transhumant à utiliser l’abri. Il n’y a pas de propriétaire ce l’abri, en ce sens que l’agriculteur n’a pas le droit de l’habiter, et le transhumant doit un paiement : donc il n’y a pas de propriété privé. C’est un droit différent qui se réparti entre les deux parties.

De plus, il faut savoir que tous les agriculteurs ne peuvent construire ces abris contrairement au préjugé occidental qui veut qu’en tant que terre collective, aucune règle ne soit applicable. Or il faut qu’il n’y ait pas d’intérêt contradictoire en présence pour construire l’abri. S’il y a tension il faut l’accord de la jemaa pour la construction.

Règles au sein d’une tribu :

Enfin, il existe des relations au sein d’une même tribu. Ce la concerne l’agdal= espace naturel réservé, réglementé et soumis à la loi du groupe. Donc il s’agit d’un système de gestion collective des ressources, qui vient assurer la protection des ressources au sein d’un territoire délimité.

Comment ? Par la mise en défense, le plus souvent saisonnière, de ces ressources. Cad que l’on défend à la communauté d’accéder à des ressources qui sont dans ces domaines bien délimités. Les agdal peuvent être compris comme nos aires protégées : comme les réserves naturelles. La seule différence c’est que les agdal sont défendu en certaines saisons, alors qu’une réserve naturelle est défendue de manière perpétuelle. Pourquoi défense saisonnière ? Permettre aux plantes de se régénérer, et de donner aux personnes les mêmes chances d’accéder aux mêmes ressources.

Dans les villages marocains, il existe plusieurs agdal : des aires forestières ou pastorales sont mises en défense. Ces agdal sont soumises à un certain nombre de règles juridiques. En effet, il existe une période d’ouverture et de fermeture officielle de ces endroits. Généralement son ouverture : juin, juillet voire aout, et la fermeture : dès le mois de janvier. La jemaa décide de la date de fermeture et d’ouverture de l’agdal. Les transhumants en ont connaissance par le biais d’un crieur dans les souks.

Qu’en est-il des abris qui sont situés dans les agdal ? Les abris se situant dans les agdal sont également soumis à des règles particulières : un tirage au sort est traditionnellement pratiqué dès l’ouverture de l’agdal pour savoir quels abris seront accessibles.

L’analogie avec les aires protégées est d’autant plus forte, qu’il existe aussi des pénalités : si une personne vient à entrer dans un agdal fermé, il encoure des sanctions prononcées par la jemaa. Sanction qui sera proportionnée par rapport à ce qu’a prélevé le fautif (généralement on offrait une bête à la communauté). De plus, les tribus ont des gardiens (ce qui n’est pas sans rappeler les gardes forestiers) qui ont pour mission de sanctionner et surveiller l’accès au agdal : pour cela ils se servent de témoignages de tribus habitant à proximité.

B. Le caractère durable de ces règles

La transhumance est un élevage extensif et non intensif : on fait voyager le troupeau sur une surface relativement importante, ce qui permet de préserver les ressources. Mais ce sont également les règles en elles-mêmes, relatives à l’agdal et aux abris qui présentent ce caractère durable (au sens écologique).

Pour mieux comprendre, il s’agit d’étudier les services écologiques modernes.

Que signifient « services écologiques » d’aujourd’hui ?

Expression que l’on retrouve dans le droit international de l’environnement. Très à l’ordre du jour. En ce sens, quels sont les services écologiques que rend la transhumance.

Que sont les services écologiques ?

Notion crée en 2005 lors de l’évaluation de l’écosystème pour le millénaire. Ce sont les biens et les services générés par les écosystèmes et qui contribuent à la survie et au bien être des sociétés humaines. Par ex : stockage du carbone par les arbres qui viennent compenser nos émissions de nos gaz à effet de serre. C’est également la pollinisation par les abeilles etc. Ces services eco-systémiques se différencient des services environnementaux : services que les hommes se rendent entre eux afin d’entretenir ou d’augmenter certains services eco-systémiques. Ex : lorsque les bergers font paître leur troupeau sur les terres, ou lorsque l’agriculture cultive ses terres ce qui permet de préserver l’écosystème. Aujourd’hui en droit international de l’environnement la question est de savoir comment rémunérer ces services environnementaux.

Les pâturages ont une fonction de recyclage de l’eau. En effet, une goutte d’eau dans un sol de pâturage est retenue à plus de 80% (alors que ce n’est que de 60% dans une terre cultivée). Avec les sécheresses récurrentes, et la proximité du Sahara il apparaît important de maintenir les pâturages et donc le pastoralisme. De plus la succession saisonnière des terres permet de préserver ces milieux. Donc la transhumance rend bel et bien des services écologiques.

Le droit pastoral berbère est également favorable à la biodiversité :

En effet, en ce qui concerne le fumier : il favorise la régénération des plantes des agriculteurs. Il y a une interdépendance écologique entre agriculteur et transhumants. Les règles de droit ont une fonction écologique dans ce sens (laisser le fumier en guise de paiement). (on peut faire un // avec le droit de bandite dans l’arrière pays niçois qui avait une même fonction que celle des règles pour les abris marocains. Les droits de bandite permettaient au berger d’accéder en été à des terres appartenant à des agriculteurs. Ainsi les bergers pouvaient bénéficier de l’herbe des hautes montagnes, et les agriculteurs bénéficiaient du fumier laisser derrière les troupeaux).

Enfin, la question de l’agdal est présentée comme un patrimoine socio-écologique à préserver. Mais ce mécanisme de l’agdal n’est pas directement écologique. Il n’a qu’une vocation indirecte écologique. En effet, l’agdal permet de réguler l’accès au pâturage et/ou aux forêts. Ainsi il a pour objet de réglementer l’usage d’espaces qui sont riches en ressources naturelles. Donc le renouvellement du système n’est pas son principal objectif puisque ce sont les pâturages riches en ressources qui sont mis en défense, à l’inverse les pâturages abimés, et morts ne sont pas mis en défense. Donc l’agdal n’a pas une fonction écologique directe. Il y a l’idée de compétition entre bergers: tout le monde part au top départ pour le pâturage, et d’égal accès aux ressources.

C. L’apport de ces règles à la réflexion sur les communs (ou propriété collective).

En droit des biens français, les biens se définissent comme des choses appropriées. // il existe des choses qui ne sont pas appropriées : elles sont inappropriées et se répartissent selon trois catégories : les choses sans maître ou les res nullius mais que sont suscpetibles d’appropriation, puis les choses abandonnées ou res derelictae qui étaient appropriées mais qui ne le sont plus, et enfin les choses communes ou res communes qui ne sont pas appropriée et qui donc sont à l’usage de tous. Or chacune des ces catégories intéresse le droit de l’environnement : les choses sans maître renvoie au poisson, au gibier et donc au droit de la pêche et de la chasse, les choses abandonnées renvoie au déchet, et les choses communes renvoient à l’eau et à l’air. Ces choses demeurent largement impensées en droit des biens. Toutefois le CC connaît de certaines de ces choses que ne sont pas appropriées : art 714 du CC définit les choses communes : « il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous. Des lois de police règle la manière d’en jouir. » Cette définition des choses communes demeure largement inconnue, et dans sa présentation faite et son utilisation on s’arrête souvent à la première phrase.

Comment la science économique appréhende-elle les choses communes ? On s’aperçoit que ces choses communes ont été largement et longtemps dépréciées. En effet, lorsqu’on s’intéresse aux choses communes, autrement nommées communs, on se réfère souvent à l’article de 1968 de Gérard Hardin dans lequel il évoque la tragédie des communs. Pourquoi est-il tragique de mettre les choses en commun ? Pour répondre à cette question il s’appuie sur le pastoralisme. En effet, si l’on prend le cas d’un pâturage, et que l’on décide qu’il est à l’usage à tous, alors cela veut dire qu’il est accessible à tous et cela signifie que les bergers peuvent faire librement venir leurs bêtes, et ce en aussi grand nombre qu’il le souhaite. La csq : les pâturages vont se dégrader, et les ressources naturelles s’abimer. Donc un pâturage en commun aboutit à une situation de surpâturage, et n’est donc pas écologique. Ce texte conclut par conséquent qu’il ne faut pas mettre les choses en commun. Toutefois il faut remarquer que l’on identifie « chose commune » à « libre accès », donc qu’il n’y a pas de règles. Or cette identification ne va pas du tout de soit, puisque l’art 714 du CC définit les choses communes et précise que des lois de police en règle l’usage. L’article d’Hardin propose trois solutions à cette tragédie :

  • La nationalisation cad la propriété publique
  • La privatisation cad propriété privée
  • La mise en commun cad développement des communs. Idée développée ensuite par Elinor Ostrom. Elle a démontré que sur le long terme des communautés gèrent très bien leurs ressources sans passer ni par la nationalisation, ni par la privatisation.

En ce qui concerne le droit pastoral berbère, il constitue en droit d’étude des communs. En effet, les abris et agdal apparaissent comme des communs pour les berbères qui en réglaient les usages par certaines de leur institution comme les jemaa. Selon Elinor Ostrom, il faut différents critères pour le bon fonctionnement des communs sur le long terme. Or il se trouve qu’ils sont tous respectés pour l’agdal :

  • Le système doit posséder des frontières clairement définies, et que la ressource à gérer tout comme le groupe gestionnaire soient clairement délimités.
  • Les règles d’accès aux ressources comme celles gouvernant l’usage de ces ressources doivent être adaptées au contexte écologique et socio-historique.
  • Les utilisateurs directement concernés par les règles opérationnelles de gestion peuvent participer au processus de formulation de ces règles. (L’intermédiaire de jemaa fait parler les chefs de la famille, ainsi les représentants ont le droit à la parole, et peuvent intervenir pour modifier telle ou telle règle).
  • Il doit exister un système de suivi et de surveillance de l’utilisateur. Cf les gardiens nommés par la jemaa.
  • Les sanctions doivent être proportionnelles à la gravité des faits.
  • Il doit exister des mécanismes de résolution de conflit. Cf jemaa et les saints.
  • Le droit à s’auto-organiser du groupe d’acteur ne doit pas être remis en question par une entité institutionnelle de niveau supérieur. Effectivement avant que les colons français n’arrivent, il n’y avait pas d’entité qui remettent en question l’organisation de ces groupes berbères. Rq : on peut déjà dire qu’avec l’arrivée islamique il y a eu un certain impact sur cette organisation mais suffisamment moindre pour qu’elle puisse perdurer.

II. L’évolution du droit pastoral amazigh et les atteintes au droit pastoral.

Les atteintes sont de plusieurs ordres :

  • Il y a eu une substitution du statut de terre collective à celui de propriété collective initiale.
  • Atteinte aux institutions traditionnelles : la jemaa
  • Les conditions pastorales sont aujourd’hui modifiées

A. Le nouveau statut de terre collective

Avant l’instauration de l’islam au Maroc, la propriété foncière collective s’étendait sur tout le territoire rural qu’une tribu pouvait occuper grâce à son poids démographique et militaire. Seulement avec l’instauration de l’Islam, les choses ont été modifiées avec la mise en application de la théorie foncière musulmane : elle distingue la propriété dominante (raqaba) de l’usufruit. La première est reconnue à la communauté musulmane : l’oumma. Par conséquent, les tribus ne pouvaient plus être reconnues que comme usufruitières. En effet, le droit d’abuser de la terre appartenait à l’oumma. Donc il y a une dépossession des terres berbères.

Sous le protectorat français, cette dépossession s’accentue. En effet, l’autorité du protectorat a soumis les tribus et leurs terres à la tutelle administrative de l’état marocain. Donc les berbères et leurs terres sont en soumission absolue envers l’état, en vertu d’un dahir du 27.04.1919. Le but des autorités du protectorat : contrôler politiquement les collectivités ethniques, et favoriser l’installation des colons européens sur les terres des tribus, avec l’idée de pacifier les tribus. Aujourd’hui encore les terres collectives sont encore régies par ce dahir de 1919 qui :

  • reconnaît la propriété de terre collective aux ethnies, mais sous la tutelle de l’état. Et seule les tribus sont reconnues propriétaires de leurs terres collectives.
  • reconnaît paradoxalement le caractère inaliénable, insaisissable et imprescriptible des terres collectives.

Selon les spécialistes du Maroc, les français cherchaient à diviser pour mieux régner : en reconnaissant les droits des berbères de manière aussi claire, il s’agissait de faire rejaillir les querelles entre berbère et arabes. En effet, met les terres sous la tutelle de l’état marocain mais // ces terres sont affirmées inaliénables, insaisissables et imprescriptibles.

  • reconnaît le bien fondé des institutions berbères puisqu’on reconnaît les jemaa pour gérer les terres collectives.

Bien que toujours en vigueur ces droits ne sont pas toujours connus.

B. L’atteinte aux institutions traditionnelles

Cad au mode de résolution des conflits :

  • Les saints ont disparu. De nouvelles autorités ont été crées : les caïds et donc perte d’habitude de se référer aux saints.
  • De même les jemaa ont disparu. Puisque le droit étatique vient se superposer aux institutions traditionnelles : les justiciables préfèrent se tourner vers les autorités étatiques. Même si certaines jemaa existent encore, elles perdent tellement d’autorité qu’elles mettent à l’écrit leurs décisions qu’elles transmettent ensuite aux autorités locales afin de prouver leur légitimité.
Comment règle-t-on alors les conflits ?

Les communes rurales sont juridiquement habilitées à planifier et exécuter le plan de développement économique et social de leur propre circonscription. Et elles peuvent décider de l’aménagement et de l’utilité des terres collectives qui sont dans le ressort de leur circonscription.

C. La modification des conditions pastorales

Les conditions de pratique du pastoralisme évoluent, alors logiquement le droit et les règles de droit sont appelés à disparaître ou être modifiés.

Quels sont ces phénomènes qui viennent modifier la condition du pasteur, du transhumant ?

  • Le phénomène de sédentarisation : le pastoralisme pratiqué sur de larges étendues disparaît. C’est un phénomène de melkisation, ou de privatisation. En ce sens que les pasteurs se sédentarisent, et finissent par s’approprier l’endroit où ils construisent leur maison. Donc la terre qui était entièrement collective va être grignotée par une privatisation. Véritable source de conflit.
  • Le poids démographique de la population marocaine a considérable augmenté ces dernières années : il y a plus de monde dans les villages qui s’accroissent. Donc les transhumants voient leur itinéraire modifié.
  • Les agriculteurs recourent à des engrais minéralogiques, et beaucoup moins au fumier. Du coup l’interdépendance entre agriculteur et transhumant s’affaiblie.
  • Les transhumants sont moins attentifs à l’état de leur pâturage puisqu’il existe la possibilité de nourrir les bêtes par un fourrage extérieur (achat de nourriture au souk).
  • Le changement climatique => répétition des sécheresses => augmentation de la compétition entre les transhumants, et donc le comportement est de plus en plus individualiste. Ce qui conduit à une attention moindre aux règles traditionnelles : ils rentrent dans les agdal hors période autorisée.

Conséquence : les règles n’ont plus de sens, ne sont plus respectées, ou tout simplement, en cas de sécheresse il n’y a pas de réunion pour définir l’agdal.

III. Renaissance du droit berbère

Le paradoxe est qu’aujourd’hui on assiste à une renaissance pour l’intérêt du droit pastoral berbère. En effet, certains projets militent pour la disparition des terres collectives. // à ces projets, on note que certaines personnes en viennent à reconnaître l’utilité des règles traditionnelles berbères :

  • Les transhumants eux-mêmes. Tous ne les refusent pas.
  • Certains présidents d’association (qui sont venues remplacer les jemaa) de transhumant : ils font en sorte que les bergers viennent à prendre conscience de l’intérêt de leur propre culture. Ex : chez les aït sedrat, on crée un nouvel agdal pour préserver leur ressource naturelle. Chez les aït mgoun, le président d’une des associations proposent aux bergers de créer plusieurs agdal à partir de celui qu’ils ont déjà.
  • l’Etat soutient des projets notamment pour le sud du Haut Atlas marocain : ceux qui consentent à maintenir leur activité pastorale sont subventionnés
  • Cette reconnaissante peut être implicite par le biais de vote, de lois. Un certain nombre de mesure législative et réglementaire sont prises et s’inspirent de l’agdal : mécanisme de compensation pour mise en défense crée par un décret en 1999 et mis en application seulement en 2002. Ce mécanisme consiste à récompenser les pasteurs pour le respect qu’ils veulent bien faire à la mise en défense et ce par une compensation financière. Pour se faire, on rassemble les pasteurs en association : c’est la création d’association pastorale. On fait clairement le lien ente les jemaa et ces nouvelles associations pastorales. Sauf que ces compensations sont mises en œuvre seulement dans les forêts marocaines sur lesquelles l’état intervient effectivement (généralement près de l’urbanité).

Conclusion : cette idée de compenser la mise en défense renvoie à l’idée des rémunérations des services écologique. Cependant, on peut se demander si c’est un moyen de réactiver le droit traditionnel aux vertus écologiques, ou si c’est au contraire l’occasion de faire disparaître le droit traditionnel (puisque les bergers respectent ce renouveau traditionnel, mais seulement en échange d’une compensation financière, ce n’est plus le respect de la tradition en elle-même qui importe mais davantage le gain).