Cours de Libertés Publiques et Droits de l’Homme

Cours de Libertés Publiques, droits fondamentaux, Droits de l’Homme

L’expression «libertés publiques« , si elle renvoie à une idée générale de droits de la personne devant être respectés par les pouvoirs, est empreinte d’une assez grande imprécision et susceptibles d’acceptions diverses par la doctrine française.

Est-ce que les libertés publiques correspondent aux notions de droits de l’homme ou de libertés fondamentales ?

Ces divergences s’expliquent, au moins partiellement, par un double phénomène :

D’une part, la notion de libertés publiques, pour reposer sur la règle de droit, est empreinte de significations très largement extra-juridiques.

D’autre part, en droit interne, la notion de liberté publique, même réduite à sa signification juridique, n’a jamais fait l’objet d’une définition globale dans les textes ou la jurisprudence françaises.

Il convient donc de cerner la notion qui se caractérise, au-delà des éléments de définition, par une extrême diversification rendant plus complexe encore son appréhension.

Section 1. Eléments de définition

La doctrine française a élaboré diverses interprétations de la notion de liberté publique.

Sur le mode de détermination.

– Première approche : le critère de l’importance, ou du caractère plus ou moins fondamental des droits.

– Seconde approche : Les libertés publiques seraient alors un ensemble de droits considérés comme fondamentaux et opposables à l’État et aux personnes publiques.

– Troisième approche : sont libertés publiques les prérogatives personnelles qui impliquent une intervention de la puissance publique, ce qui recouvre en réalité l’ensemble des droits et libertés. Ces libertés sont dites publiques parce que reconnues, acceptées, consacrées par l’État.

Sur la protection particulière.

Cette catégorie d’attributs bénéficie même d’un renforcement des garanties tant au niveau des normes de reconnaissance que des modalités de protection.

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Section 2. La diversification des libertés

Les sources internes, comme d’ailleurs les textes internationaux, consacrent une extrême diversité de droits, généralement considérée comme preuve de l’enrichissement des reconnaissances.

§1. Les « générations » de droits

Ceux de la « 1ère génération » étant définitivement acquis, apparaissent les droits de la « 2nde puis de la « 3ème « génération. Certains parlent parfois de la « 4ème » génération.

La formule sous-entend en réalité une certaine hiérarchie des droits proclamés, elle est surtout celle de pays économiquement développés que ne partagent pas forcément dans les mêmes termes les pays du tiers Monde.

Et elle correspond à la situation française.

A. Les droits civils et politiques

L’affirmation la plus claire des Droits de la « 1ère génération » résulte de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789 : les droits affirmés sont généraux, abstraits, universels et individuels en ce sens que la personne est la seule destinataire de la proclamation.

Ces droits proclamés sont en parfaite conformité avec l’idée de plus en plus présente, d’État de droit.

Cette conception s’allie aussi avec la juridictionnalisation des relations individus / puissance publique.

Ces droits dont aussi appelés libertés-autonomie.

B. Les droits économiques et sociaux

Leur reconnaissance, qui confère une dimension radicalement différente à la notion même de liberté publique, résulte d’une lente évolution.

Le préambule de la Constitution de 1946 devait marquer l’irruption officielle des droits économiques et sociaux dits de la « 2nde génération ». Ce préambule est repris par la Constitution actuelle de la France de 1958.

Ces droits sont qualifiés de « droits-créances », parce qu’ils impliquent non plus une abstention de l’État, mais une action positive de sa part, au service des libertés.

C. Les « droits de la 3ème génération »

Les droits de la troisième génération sont la conséquence de certaines évolutions techniques et de l’existence de nouvelles possibilités d’atteinte aux droits et libertés dues à ces évolutions.

Certains droits relèveraient d’une logique plutôt individuelle ;

D’autres droits dits de «solidarité» relèveraient d’une conception plus communautaire des bénéficiaires des droits.

§2. Portée des évolutions

La présence, dans les textes constitutionnels de droits et libertés différents soulève la question de la cohérence des sources des droits et libertés.

A. Une conception différente des libertés

Dans la conception libérale originaire, l’individu est seul pris en compte. Le groupement est ignoré et même écarté.

Au contraire, les principes particulièrement nécessaires à notre temps (Préambule de 1946) prennent en compte la personne dans ses relations avec les groupes.

B. Les relations des libertés avec le pouvoir

L’État n’est plus l’ennemi potentiel des libertés qu’il convient d’enfermer dans un cercle d’activités aussi restreint que possible.

C. Complémentarité et oppositions

Il n’y a pas forcément de contradiction entre les droits de 1ère et de 2nde générations.

Ensuite, des droits classiques nécessitent comme pour les droits économiques et sociaux, un rôle positif de l’État prestataire.

Enfin, il n’en reste pas moins que les sources supérieures des libertés publiques, nationales reposent sur une apparente contradiction entre la conception d’un État devant rester hors de la sphère des prérogatives individuelles et un État au service des libertés.

  • Bibkiographie : Ribeiro « Les libertés publiques »

  • Wachsmann « Les droits de l’homme »

  • Favoreu « Droit des libertés fondamentales » (le plus proche du cours)

  • Sudre « Droit européen et international des droits de l’homme »

Voici le plan du cours de droit des libertés publiques : Introduction

  • I / L’intérêt d’un cours relatif aux droits et libertés fondamentaux II / Bref historique de l’émergence des droits et libertés III/ La distinction entre libertés publiques, droits de l’homme, et droits et libertés fondamentaux A) La pluralité des notions B) Essai de définition
  • Partie 1 : Théorie générale des droits et libertés fondamentaux
  • Chapitre 1 : La notion de droits et libertés fondamentaux
  • Section 1 : La définition des droits et libertés fondamentaux
  • La définition ontologique des libertés La définition politique des libertés Critiques autour des définitions des libertés
  • Section 2 : Les fondements idéologiques des droits et libertés fondamentaux§ 1 : Le positivisme juridique, un courant discrédité § 2 : Le marxisme ou l’historicisme, un courant influent mais décrié§ 3 : Le jusnaturalisme (droit naturel) § 4 : Le positivisme sociologique, un fondement juridique solide§ 5 : Une théorie nouvelle, les droits de l’homme A) La solution de John Rawls : théorie réaliste de l’universalisme B) Les autres solutions relatives à l’universalisme
  • Les solutions à propos des sujets de droit
  • Chapitre 2 : Le processus historique de formation des droits et libertés fondamentaux en France
  • Section 1 : La genèse des Droits de l’Homme, 1789 – 1958 (voire 1971)§ 1 : La fragilité des Droits de l’Homme entre 1789 à la fin du 19eA) L’obsolescence rapide des Droits de l’Homme a) La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyenb) La Constitution de 1791B) L’épanouissement contrasté des droits et libertés après 1789a) Recul progressif des libertés publiques dans les textes jusqu’à la IIIe République b) La critique doctrinale croissante jusqu’à la IIIe République§ 2 : L’inauguration de la tradition républicaine sous la IIIe République : la stabilisation des Droits de l’HommeA) Les évènements fondateurs de la tradition républicaine françaiseB) L’ambivalence de la tradition républicaine en matière de protection des droits de l’homme
  • Section 2 : L’ouverture des droits de l’homme sous la Ve République§ 1 : Les principaux facteurs d’ébranlement du modèle républicain traditionnel
  • A) De nouvelles valeurs fondatricesB) Un nouveau schéma institutionnel sous la Ve République§ 2 : Un droit des droits fondamentaux venu d’ailleurs A) Les principales étapes historiques de la propagation des droits de l’homme au niveau international Le droit international des droits de l’hommeLe droit européen des droits de l’homme
  • Le droit international des droits de l’homme 2 Le droit européen des droits de l’homme3) La multiplication des textes en matière de droits fondamentaux
  • B) Les conséquences juridiques de la propagation des droits et libertés dans le cadre du droit européen 1) Le respect des droits fondamentaux dans l’UE (Cour de Justice de l’Union Européenne)
  • Le respect des droits fondamentaux en Europe (CEDH)
  • Chapitre 3 : Le droit commun des droits et libertés fondamentaux
  • Section I : La démocratie constitutionnelle, explicative des droits§ 1 : Une notion de démocratie renouvelée§ 2 : Une définition de la constitution renouvelée De la séparation des pouvoirs à la garantie des droitsLa « Constitution vivante » au contenu en extension§ 3 : Le rôle et l’autorité du juge
  • Section 2 : La conception nouvelle des droits de l’homme§ 1 : Les sources des droits fondamentaux A) La constitution B) Les normes internationales et la CEDH en particulier1) La possibilité de se prévaloir de la convention devant le juge national 2) Le droit de recours à un juge international, de recourir au juge de la CEDHC) La jurisprudence § 2 : Une définition innovante de la notion des droits fondamentaux A) Les principes fondateurs de la notion de « droit fondamental » moderne1) Le principe de dignité a) La découverte de la dignité en droit positif b) L’intégration du principe de dignité de la personne humaine dans les droits constitutionnels européens c) L’interdiction des traitements inhumains 2) Le principe de liberté a) La reconnaissance juridique du principe de liberté b) Les conséquences juridiques de la consécration du principe de liberté c) Les droits corollaires du principe de liberté § 3 : Le principe d’égalité A) Le rattachement accessoire du principe aux textes qui le fondent B) Les cas d’application du principe d’égalité
  • Entre non-discrimination et droit à l’indifférence 4) Le principe de pluralité a) Les sources du principe b) Les applications du principe de pluralité B) La question de la fondamentalité des droits et libertés
  • Partie 2 : Le régime commun de protection des droits et libertés fondamentaux
  • Chapitre 1 : Les limites à la protection des droits fondamentaux
  • Section 1 : Les limites de la société internationale § 1 : Un dialogue international relativement laborieux A) Les obstacles politiques B) Les obstacles juridiques § 2 : Les insuffisances du droit international des Droits de l’Homme A) L’ambiguité des textes B) Le manque d’effectivité de la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme
  • Section 2 : Les limites dans la société nationale
  • Chapitre 2 : Les différentes protections des droits et libertés fondamentaux
  • Section 1 : L’atténuation de la protection des droits en période exceptionnelle § 1 : L’article 16 de la Constitution de 1958 § 2 : Des lois spéciales en période de crise A) L’état de siège B) L’état d’urgence La défense nationale et la mise en garde§ 3 : L’ordre public § 4 : La théorie jurisprudentielle de gestion des périodes de crise A) La théorie de l’urgence B) La théorie des circonstances exceptionnelles
  • Section 2 : Les différentes garanties de protection des droits fondamentaux§ 1 : La garantie non contentieuse des Droits fondamentaux A) L’encadrement de l’action administrative 1) La résistance à l’oppression 2) Le droit de pétition 3) Le rôle du Parlement B) L’encadrement par l’administration Le rôle des autorités administratives Le rôle du chef de l’État Le rôle des autorités administratives liées aux libertés Le rôle des Autorités Administratives Indépendantes Les médiateurs traditionnels
  • a) Le médiateur de la République b) Le Défenseur des enfants La HALDE Le contrôleur général des lieux privatif de liberté ) Le comité consultatif national d’éthique (CCNE) f ) La commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS)Le renouveau apporté par la création du Défenseur des Droits § 2 : La garantie contentieuse des droits fondamentaux A) Le droit de recourir à un tiers B) La garantie contentieuse des droits et libertés fondamentaux : l’action protectrice des jugesUne protection préalable assurée par le principe de sécurité juridique Une protection assurée par la CEDH Une protection assurée par les juges internes

Introduction

I / L’intérêt d’un cours relatif aux droits et libertés fondamentaux

L’idée est que le droit repose sur des valeurs desquelles il tire son unité. Ce cours se situe au carrefour de plusieurs disciplines juridiques. Il emprunte au droit public, au droit privé, à l’histoire du droit, et à la philosophie politique (on va revenir sur la pensée de Hobbes, de Locke, de Montesquieu, de Rousseau, et de Marx). L’idée générale du XXIe siècle est de protéger le respect de la dignité de la personne humaine, et c’est ce qui va amener à une prise de conscience des juristes et donc à cet enseignement de droits et libertés fondamentales.

L’objectif de ce cours est clair, l’idée est d’aborder deux volets complémentaires. Dans une première partie, on verra la théorie générale des droits et libertés, et la deuxième partie sera relative au régime juridique des principaux droits et libertés.

II / Bref historique de l’émergence des droits et libertés

Montesquieu, L’esprit des lois, « Il n’y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations et qui ait frappé les esprits de tant de manière que celui de « liberté » ».

Le terme de liberté explique des thèmes, des notions telles que la démocratie universelle ou encore l’État de droit. La liberté en Europe est une idée relativement neuve, car on voit que les grands textes protecteurs des droits et libertés datent surtout de l’après-guerre.

En 1948, on a la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme, au niveau européen, il y a la Convention Européenne des Droits de l’Homme de 1950, et pour le droit français, il y a la Constitution de 1958 et son préambule, qui fait référence à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (qui aura valeur juridique contraignante avec la décision du Conseil Constitutionnel « Liberté d’association » de 1971).

Dans le droit national, on a également le préambule de la Constitution de 1946 qui fait référence aux droits économiques et sociaux. Ce sont des droits de 2nde génération.

Ce sont les américains qui à la fin du XVIIIe ont les premiers tirés parti de l’oeuvre de Montesquieu.

Petit à petit, l’individu devenant un sujet de droit international, va se développer un droit international des droits de l’homme dont l’exemple le plus flagrant est la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme.

III/ La distinction entre libertés publiques, droits de l’homme, et droits et libertés fondamentaux

A) La pluralité des notions

Le constat général est qu’il existe une pluralité de concepts dans le domaine des droits et libertés fondamentaux. Ce qui est sur, pour ceux qui sont des spécialistes de la manière, dont Véronique Champeil-Desplats, c’est qu’on a clairement assisté à une évolution de la terminologie dans le droit. Aujourd’hui, on choisit plus de parler de droit des libertés fondamentales que de Libertés Publiques ou de Droits de l’Homme.

Cette diversité des termes et leur évolution se retrouve dans les grands textes relatifs aux droits de l’homme (entendus de manière générale). On le voit à travers plusieurs textes, avec en droit interne la Constitution du 4 octobre 1958. Dans son préambule, il est question de « droits de l’homme » (le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmés et complétés par le Préambule de la Constitution de 1946). Dans la Constitution de 1958, l’article 34 (domaine de la loi) nous dit que « la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». On a donc à la fois les Droits de l’Homme de 1789 et les Libertés Publiques.

On a également la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 aout 1789. Ce texte est une déclaration qui expose les Droits de l’Homme et du citoyen. Ces droits sont qualifiés de « droits naturels inaliénables et sacrés », on trouve aussi l’expression « droits imprescriptibles », et également de « droits inviolables de l’homme ». Ces droits sont :

  • Propriété

  • Liberté

  • Sûreté

  • Résistance à l’oppression

L’égalité n’est pas un droit naturel imprescriptible et inaliénable, car en droit français il n’existe pas d’égalité naturelle mais il existe une égalité formelle qui se manifeste de deux manières :

  • Égalité devant la loi

  • Égalité devant les charges publiques

Il y a également des droits relatifs aux grands principes du droit pénal dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen :

  • Présomption d’innocence

  • Légalité des délits et des peines

  • Non-rétroactivité de la loi pénale

On trouve aussi la responsabilité de tout agent public, la nécessité d’utiliser la force publique, ainsi que des libertés découlant d’un droit naturel à la liberté. La liberté est un principe gigogne, c’est un principe qui renferme un ensemble de principes. Il contient la liberté d’opinion, la liberté individuelle, la liberté de communication, la liberté d’expression.

Présents dans le bloc de constitutionnalité de la Ve République, on a le Préambule de la Constitution de 1946. Dans ce préambule, il est fait référence aux droits économiques et sociaux qui sont des droits de 2nde génération. On a d’abord les principes politiques économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps. On a également les PFRLR.

Le constituant de 1946 réaffirme solennellement les droits et libertés consacrés par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (les Droits de l’Homme).

Pour les textes internationaux, on peut citer 4 textes mentionnant un des termes employés :

  • La Charte des Nations-Unies

Signée le 26 juin 1945 et elle fixe des droits et obligations pour les États-membres et elle crée différents organes. Préambule : « Nous, peuples des Nations-Unies, résolus à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme ». Article premier : « L’un des buts des Nations-Unies est de développer et d’encourager le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ». C’est à partir de cela qu’apparaît la notion de « fondamentalité » et donc de droits et libertés fondamentaux. C’est dû essentiellement au traumatisme de la 2e Guerre Mondiale.

  • La Déclaration Universelles des Droits de l’Homme

Adoptée le 10 décembre 1948. Elle parle indistinctement des Droits de l’Homme ou des droits fondamentaux de l’homme. Elle contient à la fois des droits civils, économiques et sociaux. On retrouve la dignité de chaque être humain, le droit à la vie, la prohibition de l’esclavage et de la torture, ainsi que des traitements inhumains ou dégradants. Droit au respect de la vie privée et familiale. Liberté du mariage. La Déclaration Universelles des Droits de l’Homme n’a pas de valeur juridique contraignante.

On a créé deux pactes des Nations-Unies le 16 décembre 1966.

  • Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Il est entré en vigueur le 23 mars 1976, il fallait que tous ratifient.

  • Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

Entré en vigueur le 3 janvier 1976.

L’objectif de ces pactes était de concrétiser les droits contenus dans la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme. Il fallait leur donner une valeur contraignante.

Au niveau européen on a deux textes essentiels :

  • La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales

Cette convention est fixée le 4 novembre 1950, elle parle des Droits de l’Homme et des droits fondamentaux. On compte aussi des protocoles additionnels. L’originalité de cette convention est qu’elle a un juge pour la protéger, la CEDH. Tout particulier peut saisir la CEDH si un État viole un droit de la Convention, avec une contrainte, il faut avoir épuisé les voies de recours interne. Les arrêts de la CEDH ont une simple valeur déclaratoire, et non pas de valeur exécutoire, contrairement aux arrêts de la Cour de Justice de l’Union Européenne.

  • La Charte des droits fondamentaux

Elle date du 7 décembre 2000, elle a valeur juridique contraignante depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne Le 1er décembre 2009. Cette charte définit les droits fondamentaux des personnes au sein de l’Union Européenne.

Il y a 6 chapitres dans cette charte : Dignité / Liberté / Egalité / Solidarité / Citoyenneté / Justice

B) Essai de définition

On se rend compte que ces 3 notions (Droits de l’Homme, Libertés Publiques, droits fondamentaux) sont en réalité historiquement marquées. Les Droits de l’Homme sont une notion ancienne. La notion de Libertés Publiques est spécifiquement française qui apparaît dans un contexte de légicentrisme (le Parlement ne peut pas mal faire car la loi est l’expression de la volonté générale, donc pas de contrôle de constitutionnalité). Le concept de liberté fondamentale est le plus récent et apparaît après la 2e Guerre Mondiale.

1) Les droits de l’homme

Ils correspondent à la doctrine du droit naturel. Idée qu’à côté de la loi de l’État il existerait un droit naturel centré sur l’homme. Au départ, on a considéré que les droits venaient du cosmos (Aristote : les hommes se promènent dans le cosmos et découvrent des droits naturels), puis on considère que ces droits proviennent de dieu. Tout ceci touche au droit naturel classique, qui est suivi du droit naturel moderne (philosophie des Lumières). Le droit naturel moderne (jusnaturalisme moderne) énonce que l’homme, par sa raison, va découvrir par un travail d’introspection des droits.

Ces droits sont avant tout ceux qui sont présents dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, c’est à dire la liberté et la propriété. Une fois que l’homme a découvert ces droits, il va les déclarer dans un texte, c’est la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. On retrouve cette théorie chez les anglo-saxons et aux USA. Les hommes vont déclarer leurs droits à l’occasion de la Révolution Américaine. Les deux périodes sont concomitantes (fin du XVIIIe).

Pour la Révolution Américaine (1775 – 1783 : Guerre d’Indépendance / 1776 : Déclaration d’Indépendance américaine). On lit dans cette Déclaration que « Tous les hommes sont créés égaux, ils sont doués par le créateur de certains droits inaliénables, parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté, et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés ».

Si on compare cela à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, on voit plusieurs choses. On voit que dans le texte américain, la nation s’émancipe et affirme son droit à l’indépendance. Dans le texte français, l’objectif est de créer les bases d’une société et les droits proclamés vont servir de fondements à cette société. Dans le texte américain, on situe historiquement la période, alors que dans le texte français, la déclaration apparaît abstraite, et à vocation universelle. Dans le texte américain, on fait expressément référence à dieu, dans le texte français, on parle « d’être suprême » qui est présent à titre de témoin pour observer la concrétisation de la société qui proviendra de la volonté générale. Dans le texte américain, on fait beaucoup référence à la loi naturelle, alors que dans le texte français, on a un légicentrisme prononcé. Si on observe la valeur de ces textes, les deux ont force déclaratoire, c’est à dire qu’on a créé ces textes en les percevant comme des textes à vocation philosophique. Pendant longtemps ces textes avaient une valeur déclaratoire, les juristes s’en sont méfiés, et ils ont choisi une notion dénuée de toute idée politique, celle de « liberté publique ».

  1. Les libertés publiques

C’est dans les années 1950 qu’on crée un cours de Libertés Publiques (plutôt que de Droits de l’Homme) car les Libertés Publiques apparaissent comme plus concrète, et surtout comme un terme juridique. Ce sont des libertés proclamées par le législateur.

Parmi les grandes libertés, on trouve ce qui concerne la liberté individuelle, la liberté personnelle (dans la liberté personnelle il y a le droit au respect de la vie privée et familiale, et la liberté de commerce notamment). On va avoir des lois sur la liberté d’opinion, la liberté religieuse, et la liberté d’expression. Enfin, la liberté de réunion, et la liberté de manifestation. Toutes ces libertés qui vont être traitées par le législateur sont des libertés publiques car à cette époque, on est en pleine période de légicentrisme. Surpuissance de la loi, et il n’y a pas de contrôle de constitutionnalité.

  • Loi de 1881 sur la liberté de réunion

  • Loi de 1881 sur la liberté de la presse : régime libéral (pas d’autorisation)

  • Loi de 1884 relative à la création des syndicats professionnels

  • Loi de 1901 relative au contrat d’association : régime libéral car création possible sans autorisation ni déclaration préalable.

  • Loi de 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’État

La laïcité n’est pas un droit de l’homme. Son but est de rendre plus effective la liberté religieuse.

Suivant les époques, en observant ces libertés et les actions du législateur, on va avoir soit un régie répressif, soit un régime préventif.

Régime préventif : L’ensemble de l’exercice des libertés était soumis soit à déclaration soit à autorisation préalable.

Régime répressif : En cas d’atteinte aux Libertés Publiques, le juge intervenait. Dans ce cadre là, on voit que c’est avant tout le juge judiciaire qui intervient par le biais de la voie de fait (atteinte par les pouvoirs publics à la liberté d’un citoyen).

Voie de fait : L’administration exerce des pouvoirs tellement éloignés du droit que cela enlève le bénéfice du juge administratif, et donc le juge judiciaire est compétent.

Il n’y a voie de fait justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, que dans la mesure ou l’administration, soit a procédé à l’exécution forcée dans des conditions irrégulières d’une décision même régulière portant une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit a pris une décision ayant l’un ou l’autre de ces effets, à la condition toutefois que cette dernière décision soit elle-même insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative.

Le juge administratif a pu protéger des droits et libertés, par exemple avec l’arrêt Conseil d’État, « Benjamin », 1933. C’est un contrôle de proportionnalité. Le juge vérifie l’adéquation entre l’atteinte à la liberté occasionnée et les nécessités de protection de l’ordre public.

Avec l’arrivée du contrôle de constitutionnalité en 1958, c’est la fin de la suprématie législative. Contrôle de conventionnalité en 1975 avec l’arrêt Jacques Vabre.

  1. Les droits fondamentaux

Ces droits fondamentaux sont une notion présente dans la charte des Nations-Unies, mais cela apparaît surtout dans la loi fondamentale allemande du 23 mai 1949. Elle comporte un chapitre premier intitulé « droits fondamentaux ». Ce concept revêt un caractère contraignant en l’occurrence.

Dans l’article premier de la loi fondamentale, cet article dispose que ces droits fondamentaux nient les pouvoirs législatifs, exécutifs, et judiciaires à titre de pouvoirs directement applicables.

L’article 19 nous dit qu’il ne doit en aucun cas être porté atteinte à la substance d’un droit fondamental. Les droits fondamentaux s’appliquent aussi aux personnes morales nationales. Quiconque est lésé dans ces droits par la puissance publique dispose d’un recours juridictionnel. C’est un recours direct du citoyen devant la Cour constitutionnelle. Il y a cependant un système de filtre.

Au dessus des droits subjectifs appartenant aux individus, on a des droits objectifs qui s’imposent à la société, et ces droits objectifs sont présents dans la Constitution, ils ont une valeur juridique supérieure aux droits subjectifs.

En France, cette notion est introduite dans les années 1990, elle va connaître un certain succès pour 3 raisons :

  • C’est un retour à la thématique des droits de l’homme auxquels les français sont historiquement attachés.

  • On a une approche plus juridique, plus concrète avec cette notion axée sur l’effectivité de la garantie des droits, protégés en premier lieu par le juge constitutionnel.

  • On sort de la logique des Libertés Publiques.

Le succès de cette notion va être confortée par la Jurisprudence protectrice du Conseil Constitutionnel. On ne sait pas vraiment à partir de quand un droit pourra être qualifié de fondamental. On estime que cela appartient au juge constitutionnel. On estime aussi qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les droits et libertés fondamentaux, mais des exemples peuvent venir contrecarrer cette idée.

Exemple : D’un côté on a des droits tels que le droit à la sûreté, qui est un droit fondamental, cela implique des obligations de l’État. Le droit d’obtenir un emploi est aussi un droit fondamental, mais il apparaît moins « important » que le droit à la sûreté.

Partie 1 : Théorie générale des droits et libertés fondamentaux

Chapitre 1 : La notion de droits et libertés fondamentaux

Section 1 : La définition des droits et libertés fondamentaux

Il faut partir du concept de liberté pour distinguer la notion des droits de l’homme et des droits fondamentaux.

  1. La définition ontologique des libertés

Il s’agit d’identifier l’essence même des libertés (il s’agit probablement de sans plomb 95). Cette définition se place sous l’angle du rapport de l’homme et du monde. La liberté, dans le cadre de ce rapport, est un pouvoir d’autodétermination en vertu duquel l’homme choisit lui-même son comportement.

Cette auto-détermination s’oppose donc au déterminisme. Deux courants se sont donc opposés. Le premier courant, selon lequel l’homme est libre, a été soutenu notamment par l’Eglise catholique, et par Descartes. Le second courant, selon lequel l’homme est le jouet de la prédestination, est celui d’Hegel. Les libertés s’exercent par essence, sans que l’intervention d’autrui soit nécessaire. Elles exigent qu’une habitude d’abstention pour s’accomplir.

Les droits, dans cette définition philosophique, recouvrent sous une même appellation, deux types de pouvoirs différents. D’une part, ils désignent des pouvoirs d’auto-détermination et ils apparaissent alors comme des libertés. Toute liberté est susceptible d’être qualifiée de droit. Les droits désignent aussi des pouvoirs que l’homme n’exerce pas sur lui-même, mais sur autrui, et ils se différencient ici des libertés, car ils se rapportent à des pouvoirs d’exiger d’autrui un comportement positif et pas seulement une abstention.

  1. La définition politique des libertés

On se place ici dans le rapport homme – pouvoir. Dans ce cadre-là, la liberté c’est la sphère d’action qui échappe à la contrainte sociale. C’est Gilles Lebreton qui nous le dit. Deux sens de la liberté au sens politique :

  • La liberté peut être conçue comme une liberté-participation, c’est la possibilité pour le gouverné de devenir gouvernant. L’homme échappe à la contrainte sociale en devenant maître de son devenir politique (droit de voter, droit d’être élu…).

  • La liberté peut être vue comme une politique-autonomie. C’est la sphère d’autonomie individuelle du gouverné qui résulte de l’interdiction faite au gouvernant de s’immiscer dans sa sphère d’autonomie (droit à la sûreté…).

  1. Critiques autour des définitions des libertés

Des définitions données ont été trop restrictives :

Les libertés à protéger seraient pour certain celles qui sont énoncées dans le préambule de la Constitution de 1946 et dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

Les libertés qu’on doit protéger sont celles qui sont à valeur constitutionnelles.

On a aussi des définitions trop extensives :

Les libertés sont l’ensemble des droits fondamentaux qui dans un État moderne et libéral sont indispensables à une véritable liberté. C’est trop extensif car on fait rentrer toutes les libertés et tous les droits, quelque soit leur valeur, et cela créé une hétérogénéité qui fait perdre à la notion de liberté toute consistance juridique.

La définition qui a été retenue est celle de Lebreton selon qui « les libertés sont des pouvoirs d’auto-détermination qui visent à assurer l’autonomie de la personne humaine, sont reconnus par des normes à valeur au moins législative, et bénéficient d’un régime juridique de protection renforcée, même à l’égard des pouvoirs publics ». Cependant cette définition ne prend pas en compte les droits de créance. De plus, elle fait la part belle au seul concept de libertés et oublie d’aborder le concept de droits. Or, depuis 1990, le Conseil Constitutionnel parle expressément de « droits fondamentaux ».

Section 2 : Les fondements idéologiques des droits et libertés fondamentaux

Il existe aujourd’hui un succès certain des droits et libertés, et ce succès est le résultat de plusieurs éléments historiques : Les révolutions française et américaine, la seconde Guerre Mondiale (arrivée du concept de dignité de la personne humaine), et la chute du Mur de Berlin. L’ensemble de ces revendications pour la protection des libertés relance la réflexion théorique sur les droits de l’homme et leur effectivité.

§ 1 : Le positivisme juridique, un courant discrédité

A sa base, on a Hans Kelsen, avec son ouvrage de 1934 « Théorie pure du droit ». Kelsen veut rompre avec la philosophie du droit. Cette philosophie n’est pour lui « que la métaphysique de la doctrine du droit naturel, convaincue de pouvoir déterminer le droit juste et par là-même, un étalon de valeur du droit positif ». Quand on analyse le droit, il faut une rigueur scientifique, et pour cela il faut mettre entre parenthèses le juste, le bon (la brute, et le truand), et les valeurs. Il rejette donc la philosophie du droit, pour lui cela relève de la morale ou de l’éthique. Il distingue cette philosophie qu’il rejette de la théorie générale du droit, qui a pour but d’analyser la structure du droit positif. Ce qui est important pour lui n’est pas la valeur d’une norme, mais sa validité (conformité d’une norme à la norme supérieure). Une norme ne sera valide que si elle répond à une procédure valable. Pour contrôler tout cela, le juge constitutionnel doit être créé. Le problème de ce courant est que si on évacue la question éthique, beaucoup d’États totalitaires sont des États de droit. Ce courant, quand il regarde les droits de l’homme, est coupé de toutes références aux valeurs morales.

Carré de Malberg a même noté que théoriquement, sous la IIIe République, n’étaient pas inscrites dans les lois constitutionnelles des droits et libertés. Donc le droit de la IIIe République n’avait pas à protéger les droits de l’homme. Ce positivisme juridique nie la réalité des droits naturels, c’est à dire des droits qui existeraient indépendamment de toute intervention des acteurs juridiques, qui découleraient du cosmos ou de la nature humaine. Pour lui c’est incompatible avec une approche scientifique du droit. Pour lui le jusnaturalisme est une vision métaphysique du droit.

§ 2 : Le marxisme ou l’historicisme, un courant influent mais décrié

Dans la théorie marxiste, les phénomènes sociaux, y compris le droit, et donc les Droits de l’Homme, sont analysés en termes de rapports de force. Ces rapports sont éternels (comme les diamants), il y a toujours eu des antagonismes de classe (bourgeois et prolétaires), et le futur est la disparition de ces antagonismes. Chez Marx, les bourgeois ont la propriété des moyens de production, et les prolétaires luttent pour abolir la bourgeoisie.

Les droits sont faux pour Marx, au moins pour une partie de la population, ils sont vrais pour les bourgeois. Ils ont le droit de propriété et le droit à la liberté de faire ou de ne pas faire. Pour les marxistes, le droit qui existe encore moins est le droit à l’égalité.

§ 3 : Le jusnaturalisme (droit naturel)

A) Le droit naturel pré-moderne ou classique

Postulat : Il existe un ordre naturel créé par une entité qui domine la société et le surplombe. L’ordre naturel se dégage de l’observation du monde. Cette conception est étrangère à l’individualisme et elle aboutit à un droit naturel objectif tiré de cette observation de l’univers. Chez certains auteurs, cet ordre naturel est le cosmos (Aristote), ou pour d’autres, il est créé par dieu. Si l’ordre est créé par dieu, il englobe l’homme et créé l’ordre social, car dieu a voulu que l’homme soit solidaire. Le premier des droits que l’homme possède selon cette théorie, c’est la propriété de soi, la liberté. Cette propriété de soi permet à l’homme de se réaliser en société.

Cette position a évolué, en passant de la théologie à la sécularisation (laïcisation de la société), sous l’influence de St Thomas d’Aquin.

B) Le droit naturel moderne

Cette théorie arrive à son apogée aux XVIIe et XVIIIe, avec Locke et Rousseau. Dans cette théorie qui met en avant l’individu, le droit naturel découle de la nature humaine, c’est à dire que ce droit naturel n’est pas accordé par une entité abstraite (cosmos ou dieu) qui surplombe l’homme, mais l’homme va découvrir ce droit naturel par un travail d’introspection, rendu possible car notre nature humaine est faite de raisons. Cette raison est universelle, c’est pourquoi selon cette théorie, les droits naturels sont atemporels et agéographiques. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. Les droits consacrés ne prennent pas en compte les droits nouveaux, c’est à dire les droits de 2e (1946) et 3e (2004) génération.

§ 4 : Le positivisme sociologique, un fondement juridique solide

A) Les insuffisances de la théorie moderne du droit naturel

1) Un appauvrissement de la théorie du droit naturel

Duguit constate un appauvrissement de la théorie moderne du droit naturel. Il nous dit que la triple croyance selon laquelle les droits de l’homme sont naturels a disparu.

  • S’agissant des droits naturels subjectifs, chez Rousseau, ces droits découlaient de la théorie du contrat social (on substitue à l’état de nature et de désordre un ordre juridique, une société, dont la naissance est permise par la découverte des droits naturels qui lui étaient antérieurs). Duguit dit que l’état de nature et le contrat social n’ont jamais existé, l’homme a toujours vécu en société.

  • S’agissant des droits naturels subjectif absolus, l’idée de droit absolus (sans limites) correspondait à l’individualisme bourgeois de la révolution française. Aujourd’hui les droits subjectifs sont relativisés car l’État intervient dans la société.

  • S’agissant des droits immuables, cette idée découlait de l’existence d’une nature humaine qui était intangible. Le problème est que l’on n’a pas pris en considération la multiplication des libertés au XIXe, les droits-créances de 2e génération (droits sur la société, comme le droit à la santé, le droit à la subsistance…), ni les droits-créances sur la société internationale (droit à la paix, droit à la sauvegarde des koalas en Papouasie-Nouvelle-Guinée, droit à la sauvegarde d’un patrimoine commun de l’humanité).

2) Une théorie insuffisante a fondée la théorie des droits et libertés

Certaines libertés sont prises en compte, mais ce sont essentiellement des libertés à valeur constitutionnelle, et qui résultent surtout du travail d’introspection de l’homme.

3) Le mirage de la théorie moderne du droit naturel

Cette théorie est illusoire car son existence est indémontrable. C’est un mirage qui est dangereux, car on prend pour vérité les créations de dieu, du cosmos, ou de l’homme de 1789.

B) Le positivisme sociologique, une solution de rechange

On refuse le droit naturel et donc la vision métaphysique du droit. La différence avec Kelsen est que dans ce courant, le droit n’est pas un ordre clos, le droit ne dépend pas exclusivement de la validité d’une procédure.

Dans ce courant, les normes sont valides si leur contenu reflète les aspirations de la conscience collective. Dans ce courant, le droit est l’oeuvre des acteurs juridiques. On fait attention à l’opinion publique, et à travers son poids, elle se manifeste à travers les pétitions, les manifestations, ou les sondages. On a deux courants

  • Ceux qui pensent que le droit est le produit spontané de la conscience collective.

  • Ceux qui pensent que le droit n’est pas le produit spontané de la conscience collective, mais une réponse qui lui est apporté par les acteurs juridiques. Analyse plus juridique et moins sociale.

Si l’on est obligé de prendre en compte l’aspiration de la conscience collective, un certain nombre de droits pourraient faire l’objet de contestations (peine de mort, euthanasie…).

La CEDH s’est inspirée de cette philosophie dans un arrêt « Johnston c/ Irlande », 1986, car elle nous dit que « la convention doit s’interpréter à la lumière des conditions d’aujourd’hui ».

§ 5 : Une théorie nouvelle, les droits de l’homme

Quel est le point de départ de cette théorie nouvelle des droits de l’homme ? Il vient des leçons qu’on va tirer des guerres contemporaines. Double leçon.

  • L’homme doit vivre avant tout en société

  • Les relations entre les hommes doivent être pacifiées, et on admet aujourd’hui que la régulation des rapports sociaux peut être le résultat d’un ensemble important de normes parmi lesquelles la religion ou encore la morale

On sait qu’il y a eu un échec relatif des théories traditionnelles des droits de l’homme. On en est venu à se dire qu’il fallait se réinterroger sur les Droits de l’Homme, et notamment se poser la question de savoir si ces droits sont universels. L’individu est-il vraiment un sujet des droits de l’homme ? Est-il maitre de ces droits ?

A) La solution de John Rawls : théorie réaliste de l’universalisme

Il propose de résoudre la question qui est relative au contrat social dont nous sommes les héritiers. Pour lui, le contrat social qui repose sur la raison, dans la réalité n’existe pas, car au départ les individus ne savent pas exactement ce qu’ils sont, ils ne savent pas si leurs propres idées sont dominantes dans la société. La seule chose que les hommes souhaitent faire, c’est se mettre d’accord sur quelques règles de vie à mettre en commun. Il souhaite donc définir des principes de justice qui vont leur permettre d’être les plus libres possibles. Ils vont aussi créer des institutions de justice ayant pour fonction d’allouer des moyens à chacun. Dans l’idée de Rawls, la justice domine dans son contrat social, car on sait que sur le plan des richesses, les hommes sont inégaux.

Rawls s’intéresse au critère de la répartition des richesses. Si nous savons que nous sommes inégaux, mais qu’en même temps on peut et souhaite vivre ensemble, il va falloir trouver un critère pour répartir les richesses entre les individus. Ce critère, Rawls va l’appeler la « règle du maximin ». C’est une règle de fonctionnement social qui signifie que les riches vont vouloir toujours demeurer riches, et que les pauvres vont vouloir être moins que pauvres. Comme les riches veulent toujours rester riches, ils vont quand même accepter d’être un peu moins riches par un système de redistribution des richesses au sein de la société. Avec cette règle, chaque personne pourra avoir un droit égal à la liberté. Rawls lie l’exercice de la liberté aux richesses de chacun (plus on est riche, plus on est libre, donc en répartissant, on aura tous à peu près les mêmes droits de manière effective).

La discrimination positive (affirmative action) a été expliquée par cette théorie. Elle se fait par l’introduction d’inégalités pour atteindre l’égalité réelle.

B) Les autres solutions relatives à l’universalisme

  1. Position du problème

Il est admis que les droits de l’homme sont universels, ou qu’ils n’existent pas. On est partit du postulat que les droits de l’homme étaient universels, et que cette prétention à l’universalisme va se retrouver dans les textes français et internationaux. Cette prétention se retrouve dans la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme au niveau international. Elle se retrouve aussi dans le fait que beaucoup de régimes politiques se sont réclamés de l’universalité des droits de l’homme.

A partir des années 1990, renaît une opposition très nette à l’universalité des droits de l’homme. On a des pays comme la Chine, l’Iran, et d’autres États asiatiques comme la Corse, qui disent que les droits de l’homme sont des valeurs occidentales, et que l’universalisme est une idée occidentale. Plutôt que de rechercher l’universalité des Droits de l’Homme, peut être faudrait-il la relativiser. C’est à dire qu’il faudrait réinscrire les droits de l’homme dans l’histoire de chaque État, ou dans un ensemble régional, et pas dans un ensemble universel.

Les auteurs vont proposer des solutions en prenant en compte le caractère pluriel de la société humaine.

  1. Les solutions développées par les autres auteurs

a) Michel Walzer

Il a écrit « pluralisme et démocratie » en 1977. Il a deux points de vue.

  • Les réflexions qui ont cours sur les Droits de l’Homme (droit naturel / positivisme) sont trop éloignées de la réalité, trop abstraites. Les hommes doivent prendre conscience de leur vie dans des lieux qui leur sont commun. C’est dans ces communautés (ville / village…) que les hommes vont construire leur histoire et vont construire leur raison, et par là-même, se doter de droits. C’est une vision « communautariste » des Droits de l’Homme.

  • L’universalité ne peut se concevoir qu’à partir de situations concrètes. Il dégage deux types d’universalité :

1- L’universalisme de surplomb (qui surplombe les universalismes concrets) qui est un universalisme abstrait.

2- L’universalisme répété (réitératif). Cela signifie qu’en matière de Droits de l’Homme, il y a sans doute une universalité abstraite qui est lointaine des Droits de l’Homme, mais dans la vie quotidienne, on va vivre les Droits de l’Homme différemment. Ils vont être modulés selon des situations concrètes.

Exemple de l’exode : Il y a un mouvement qui a été universellement partagé dans l’histoire, c’est celui de l’exode pour raisons politiques / naturelles. C’est l’universalisme de surplomb, tous les peuples le subissent. L’universalisme réitératif est le fait que tous les peuples n’ont pas vécu cet exode de la même façon.

b) Jorgen Habermas

Il a écrit « De l’éthique de la discussion » en 1992. On s’interroge sur la signification qu’on accorde à tel ou tel Droits de l’Homme. On peut ne pas universellement partager le même avis sur les droits, et on peut ne pas forcément s’entendre sur tel ou tel droit du fait de la pluralité de la société humaine. Il va cependant falloir trouver une norme acceptée par tous, une norme « valide ».

Cette norme valide vient de la discussion qui va s’instaurer entre les acteurs. Cette norme sera valide si on respecte les procédures juridiques. Pour lui ce qui est universel ce n’est pas la signification qu’on va donner à un droit, mais c’est bien le respect des procédures de discussion.

Les deux auteurs essayent de trouver une solution pour penser l’universalisme dans un monde pluraliste. Un autre débat a émergé dans les années 1980, il se situe sur la question des sujets de droits. L’homme est-il titulaire de droits ?

  1. Les solutions à propos des sujets de droit

  1. La position du problème

Deux éléments :

  • L’apport des sociétés modernes vient du fait que l’homme devient la fin ultime de toute société. L’homme est au centre du droit. De cet homme va naitre la société, cet homme est un titulaire de ses droits, ils lui appartiennent en pleine propriété (universalisme à l’occidental, individualisme des sociétés libérales).

  • La modernité (les sociétés modernes) refuse toutefois de penser l’homme à partir de sa propre histoire. Il n’est qu’un sujet de droits sans histoire. Cette vision de l’homme métaphysique est critiquée car elle ne permet pas de voir si l’homme est en réalité vraiment titulaire de droits.

  1. Les propositions des auteurs face à la critique

a) Edouard Burke

Sa théorie date de 1790 dans « Critique conservatrice des Droits de l’Homme ». Après la proclamation de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, Burke va contester les Droits de l’Homme. Il nous dit que l’homme ne peut être pensé qu’à partir de son histoire particulière, et si on fait confiance aux droits de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, l’homme va être coupé de ses racines naturelles. Il faut prendre en compte les différences de situation qui sont le résultat de nos histoires particulières.

b) Michel Villey

Il écrit « Le droit et les Droits de l’Homme » en 1983. Un véritable succès d’édition, il détrône dans les meilleures ventes « Comment réparer votre 4L en 30 minutes », pourtant en tête du classement depuis 48 semaines.

Le postulat de départ est qu’il reconnaît la valeur de l’homme et la dignité, mais ces éléments relèvent de la philosophie morale, et non de la philosophie juridique. Il nie absolument sur le terrain juridique qu’il y ait un sujet de droit. Pour lui, ce n’est pas la raison ni la volonté humaine qui sont la nature du juste, mais c’est la nature des choses (philosophie morale) qui détermine pour chacun la place qui lui revient dans l’ordre du monde.

Les conséquences qu’il en tire sont que le droit, pour être juste, ne peut pas attribuer des droits à l’homme, tout ce qu’il peut faire, c’est consacrer la place que la nature des choses attribue à chacun. Pour lui, il n’y a pas :

  • De droits subjectifs

  • De sujet de droit

  • De Droits de l’Homme en droit

  • De dessert, car il a travaillé trop tard sur sa théorie

  1. Charles Taylor

Il revient sur les problèmes contemporains en écrivant en 1994 « Le malaise de la modernité ». Il y a deux malaises dans la modernité pour lui :

  • On assiste à une valorisation excessive de l’individu, et cela fait de l’individu un sujet libre et indépendant, mais cette valorisation ruine l’idée selon laquelle l’homme fait partie d’un environnement qui le dépasse.

  • Cet individu devient particulièrement égoïste, il oublie que pour exister dans une société, il faut exister dans une relation avec les autres.

Pour pallier ces inconvénients, il propose de réinscrire l’homme dans sa communauté traditionnelle.

Les hommes qui appartiennent à une communauté sont titulaires des prérogatives accordées par la communauté. On constate deux choses :

  • Un enfermement de l’individu dans sa communauté

  • Une exclusion de ceux qui n’appartiennent pas à sa communautés

Les Droits de l’Homme sont des droits accordés par la communauté, c’est le communautarisme de Taylor.

  1. La solution de Paul Ricoeur : La recherche du juste

Il écrit « Le juste » en 1995. Il constate plusieurs choses :

  • L’homme ne prend une signification que dans son rapport avec l’autre, on parle de rapport d’altérité

  • Ce rapport d’altérité va se manifester entre les hommes à travers un dialogue, et parmi ces dialogues, ce qui est intéressant est le discours juridique qui va amener à une règle commune.

  • Par rapport aux droits abstraits de la modernité, c’est à dire l’égalité en droit et la liberté individuelle, les droits pour lui vont devoir prendre consistance au sein d’une société.

  • Le droit doit avoir pour finalité la recherche d’égalité, mais le droit se reconnaît aussi dans des situations concrètes, et dans ces situations concrètes, l’égalité abstraite (en droit) n’est pas toujours pertinente pour régler les conflits. Pour régler ces conflits entre les individus, un acteur juridique va prendre une place déterminante, c’est le juge.

Pour solutionner les inégalités, il va proposer deux trajets pour la justice :

  • Premier trajet : vers le haut, vers la recherche de l’égalité. La loi va proclamer une égalité générale et abstraite.

  • Deuxième trajet : concrétisation, il va falloir trouver des solutions justes, ces solutions justes ne sont pas dans l’égalité abstraite de la loi, elles sont dans l’équité.

En conséquence, il constate que les droits dans la réalité sont bafoués, et il propose de résoudre les contradictions (et donc les inégalités) dans un espace juridique restreint : le jugement. Dans l’acte de juger, on va résoudre les inégalités et on va permettre à tous d’obtenir une solution acceptable.

Pour Ricoeur, l’acte de juger a deux finalités :

  • Finalité courte de pacification des rapports sociaux

  • Finalité longue de contribution à la paix publique car il va dévoiler des droits fondamentaux. Il va étoffer l’état du droit.

Chapitre 2 : Le processus historique de formation des droits et libertés fondamentaux en France

L’idée est que les Droits de l’Homme de 1789 ont connus d’importants rebondissements, et ce n’est que sous la IIIe République que les Droits de l’Homme vont se stabiliser, car c’est à ce moment là qu’émergent de nombreuses libertés publiques. Au 20e siècle, apparition de droits et libertés fondamentaux sous l’égide du Conseil Constitutionnel.

Section 1 : La genèse des Droits de l’Homme, 1789 – 1958 (voire 1971)

§ 1 : La fragilité des Droits de l’Homme entre 1789 à la fin du 19e

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen est l’acte officiel de naissance des droits et libertés. Elle va être critiquée, et la critique de la théorie du droit naturel va s’accompagner de la fragilité des Droits de l’Homme.

A) L’obsolescence rapide des Droits de l’Homme

a) La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

Le texte a une portée universelle car il traite des hommes et non pas des nationaux. Ce texte traite des hommes et des citoyens. Ces hommes et les droits qui les accompagnent sont universels car on ne peut pas les situer géographiquement ou temporellement.

  • Les sources de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

Il y a d’abord des sources religieuses. Aux états généraux, les députés du clergé siégeaient avec la noblesse et le tiers état. On leur a accordé d’insérer le terme « Etre suprême ».

L’individu dispose d’une autonomie individuelle, c’est en rapport avec le précepte religieux de la liberté individuelle de l’individu.

Il y a aussi des sources philosophiques.

  • Grotius a écrit sur le contrat social, pour lui c’est la convention par laquelle les hommes, poussés par un esprit de solidarité, décident de se retrouver en société. C’est à ce moment que s’opère le passage du droit naturel au droit positif, et donc le but du contrat social est de fonder l’absolutisme.

  • Hobbes (le Léviathan) dit que l’état de nature est un état misérable (comme le Lesotho) et que c’est pour échapper au chaos de l’état de nature, et donc pour trouver une sécurité, que les hommes décident de se regrouper en société par un contrat.

  • Locke écrit « Essai sur l’origine, l’extension et la fin véritable du gouvernement civil », il se distingue de Hobbes car il dit que l’état de nature est un état de paix et d’assistance mutuelle. Pour lui, les hommes obéissent à leur raison dans l’état de nature, et elle les incite à jouir paisiblement de leurs droits naturels. Cependant, on va parfois observer des violations de ces droits. Les victimes de ces violations de droits n’auront pas d’autres moyens que de se faire justice elles-mêmes, et donc peu à peu, l’état de nature devient plus ou moins supportable. C’est pour mieux vivre que les hommes font un contrat.

  • Rousseau a écrit « Le contrat social » en 1775. Pour lui, le contrat social est intimement lié au concept de démocratie. En passant ce contrat, chacun supprime une parcelle de sa liberté pour créer une nouvelle société.

Sources juridiques

Ce sont avant tout les textes anglo-saxons qui ont influencé la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. On trouve en Grande-Bretagne plusieurs textes :

  • La Grande Charte de 1215 : Elle avait pour vocation de tempérer la sévérité des amendes.

  • La pétition des droits de 1628 : C’est une liste des exactions commises par Charles Ier.

  • Habeas Corpus : Vocation à réglementer le droit à la sûreté.

  • Bill of rights de 1689 : Il intervient suite à l’abdication de sa très noble majesté le Roy, c’est une énumération des libertés politiques que le nouveau Roy s’engage à respecter en échange de la reconnaissance par le Parlement de ses droits au très Saint Trône d’Angleterre. God save the King. Il y a une vocation utilitariste.

Ces textes anglais ne se réfèrent pas à une conception universelle des rapports de l’individu et de l’État. Ils ne procèdent pas d’une doctrine politique, ils sont plutôt pragmatiques et contextuel.

Influence modérée de la déclaration américaine de 1776. Elle mentionne des droits et libertés, mais l’inspiration et le style des deux déclarations montre une autonomie de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen par rapport à la déclaration américaine.

  • Le contenu de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

Deux temps : l’élaboration et le contenu propre

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen naît de la réunion des États Généraux en 1789, ou les députés du tiers état se proclament Assemblée nationale.

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen n’entend pas créer des Droits de l’Homme mais elle les proclame, ils étaient préexistants.

Droits de l’homme

Le premier des droits mentionné est la liberté. Articles 1 et 2 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, pouvoir de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.

La propriété est aussi présente, c’est un droit naturel et imprescriptible, inviolable et sacré. Articles 2 et 17 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Les rédacteurs étaient des bourgeois (et plus ils deviennent vieux, plus ils deviennent bêtes) et des propriétaires. On ne pourra porter atteinte à ce droit qu’à deux conditions.

  • Il faut que ce soit justifié par une nécessité publique légalement constatée.

  • Il faut que cette atteinte soit compensée par une juste et préalable indemnité, qui peut être versée sous forme d’actions Eurotunnel.

La sûreté, article 2, qui est le droit naturel de ne pas être incarcéré arbitrairement. Ce droit est en lien avec le principe de légalité des incriminations. Il implique aussi la légalité des peines et la non-rétroactivité de la loi pénale. La sûreté est aussi liée au principe de la présomption d’innocence.

La résistance à l’oppression (à ne pas confondre avec la résistance à la bière pression, qui est totalement différente) des articles 2 et 3. Ce droit n’est pas développé, car c’est l’exercice d’une action qui se situe en dehors du droit.

L’égalité ? → Beaucoup considèrent que l’égalité est un droit naturel de l’homme, mais l’égalité n’a pas été inscrite dans l’article 2 qui mentionne les droits naturels. Les rédacteurs ont souhaité ne pas l’inscrire comme droit naturel, car en France le principe est celui de l’égalité en droit.

Y a-t-il des devoirs de l’homme dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ? Ce n’est pas car la déclaration ne mentionne pas les devoirs de l’homme dans son titre qu’ils ne sont pas présents.

« Il y a nécessité de faire connaître à chacun les droits et les devoirs » Préambule.

« L’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits » Article 4.

Droits du citoyen

Ils ne sont pas naturels, ils sont positifs et garantis par la société. On trouve le droit de concourir à la formation de la loi, le droit d’accéder aux emplois publics, droit de voter l’impôt. Le rôle de ces droits est de signifier qu’avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, on entre en démocratie. Les droits du citoyen sont au service des Droits de l’Homme.

Principes d’organisation politique

On a une structure institutionnelle dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. On trouve la souveraineté de la nation qui se substitue à la souveraineté du Roy (Louis le seizième, de France). Pour sauvegarder la souveraineté de la nation, il faut lui adjoindre une force publique et inscrire cette souveraineté dans une constitution.

La prééminence du pouvoir législatif : la loi est l’expression de la volonté générale. Suprématie de la loi. Dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, on met cependant des bornes à l’exercice du pouvoir législatif. La loi ne doit défendre que contre les actions nuisibles à la société. La loi doit être la même pour tous et ne doit établir des peines strictement et évidemment nécessaires. La société à le droit de demander des comptes à tout agent public de son administration.

  • Le caractère de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

L’universalisme

L’individualisme : La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ne mentionne que des droits et libertés-résistances et ne mentionne pas de droits de créance. La seule liberté collective est la liberté de la presse.

b) La Constitution de 1791

Cette Constitution conserve la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen en tête de son texte, mais comporte aussi son propre préambule et un titre premier dans lequel vont être énoncées les garanties fondamentales de la Constitution. Ces dispositions vont sensiblement différer de celles mentionnées dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Dans la Constitution de 1791, pour la première fois vont apparaître des droits-créance et plus seulement des droits-libertés.

Droits-créance :

  • Droit à l’instruction : Création d’une instruction publique gratuite commune à tous les citoyens.

  • Droit au secours : Instauration d’un établissement général de secours public qui va fournir des secours aux infirmes, aux pauvres valides sans travail et enfants abandonnés

En pratique cela sera très peu appliqué. Cette constitution de 1791 comporte un panel important de droits et libertés, mais elle va être peu appliquée. Par la suite, les autres Constitutions ne vont pas reprendre la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

B) L’épanouissement contrasté des droits et libertés après 1789

a) Recul progressif des libertés publiques dans les textes jusqu’à la IIIe République

  1. La Constitution montagnarde du 24 juin 1793 et la Constitution de 1795

Ces Constitutions sont des Constitutions révolutionnaires car elles arrivent après la Révolution. Elles sont précédées de déclarations qui vont reprendre une partie des droits de 1789 et 1791, mais il y a une différence de fond entre elles.

En 1793, la déclaration de la Constitution substitue la souveraineté du peuple à la souveraineté nationale. Les représentants deviennent des mandataires élus au suffrage universel direct. Le principe d’égalité est placé au premier rang des droits naturels, devant la liberté. la Constitution oblige la société à assurer la subsistance aux citoyens malheureux.

La résistance à l’oppression est un droit absolu qui sera particulièrement développé en 1793. la Constitution de 1793 ne sera en fait jamais appliqué au vu des tensions politiques qui règnent. On rentre dans la Terreur .

Il va falloir attendre 1795 pour une nouvelle Constitution. L’égalité reste un droit naturel mais passe au 2e rang après la liberté. Les représentants réapparaissent et on fait disparaître les mandataires en 1795. On réinstaure le suffrage censitaire. L’individualisme connaît un regain de vigueur parce que les droits-créance disparaissent, ainsi que les libertés collectives mises en place en 1793. Cette Constitution de 1795 est appliquée mais montre un respect peu effectif des droits et libertés.

  1. Les Constitutions napoléoniennes

En 1799, fidèle aux principe de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen car la première Constitution dit qu’elle est « fondée sur les droits sacrés de la propriété, de l’égalité, et de la liberté ». D’autres viendront ensuite, celles de 1802 et 1804. Avec ces Constitutions, on va se rendre compte que les principes de 1789 seront peu respectées. On a deux droits qui sont fondamentaux pour Napoléon :

  • L’égalité des chances

  • Le droit de propriété

Le droit à la sûreté, tout comme la liberté de la presse, sont souvent violés. Changement à partir de 1814, quand il revient de l’Ile d’Elbe , mais faible. Le résultat est globalement décevant car il y vraiment des carences dans la protection des droits et libertés.

  1. Les chartes

Charte de 1814 / Charte de 1830

La charte de 1814 est octroyée par le Roy a ses sujets. Elle reprend la plupart des droits de 1789 et 1791. Parmi eux, l’égalité devant la loi, la sûreté, ou encore la liberté de la presse. Cette charte est mal acceptée pour deux chose :

  • On fait référence d’un point de vue historique au Roy plutôt qu’à la Révolution.

  • On parle de charte « octroyée par le Roy a ses sujets »

La charte de 1830 va tenter de corriger les défauts de la précédente. Très vite, l’opinion sera déçue par cette charte, car des libertés telles que la liberté de réunion et la liberté d’association sont niées. Ce n’est pas cool. De plus on bafoue la liberté de la presse. Purée ! On maintient le suffrage censitaire également.

  1. La Seconde République

Il va falloir attendre 1848 pour avoir une réactivation des Droits de l’Homme. la Constitution va comporter un préambule qui va comporter une série de Droits de l’Homme et de principes fondamentaux d’organisation de la République. 3 principes

  • La République est la forme définitive du gouvernement

  • La souveraineté nationale

  • La séparation des pouvoirs

Ce préambule montre un attachement à la doctrine du droit naturel car « la République reconnaît des droits et devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives. Ce préambule est suivi de la Constitution qui pose 3 grands principes :

  • Liberté

  • Egalité

  • Fraternité

On a vraiment une dimension sociale. la Constitution mentionne que la République a pour base 4 éléments :

  • La famille

  • Le travail

  • La propriété

  • L’ordre public

On doit ici retenir qu’elle met en évidence une dimension collective. Elle prévoit plusieurs droits économiques et sociaux :

  • Droit d’instruction

  • Assistance fraternelle

Va s’ensuivre le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851, qui va faire renaître l’Empire.

  1. Le Second Empire

On parle de « second sommeil des libertés ». En apparence, le 2nd Empire est favorable aux libertés. La Constitution de 1852 « reconnaît, conforme, et garantit les grands principes proclamés en 1789 ». D’autant qu’on nous dit que le Sénat à vocation a devenir le gardien du pacte fondamental et des libertés. En réalité, le texte de la Constitution ne cadre pas avec les objectifs de Bonaparte qui veut se faire proclamer empereur, en cumulant tous les pouvoirs, et en évacuant le Sénat. A partir de 1860, il va essayer d’adoucir le régime et va faire des concessions sur la liberté de réunion et la liberté d’association par exemple. La contestation devient trop forte, et dans un contexte de guerre, le 2nd Empire va disparaître

b) La critique doctrinale croissante jusqu’à la IIIe République

Le concept même de Droits de l’Homme est critiqué, on revient sur l’idée que les Droits de l’Homme sont une conception purement abstraite.

Les critiques viennent notamment du conservatisme (Burke). Ils affirment que les Droits de l’Homme doivent être pris en compte à travers l’histoire concrète des hommes. Il faut prendre en compte le patrimoine historique de chaque individu.

La religion catholique vient également critiquer les Droits de l’Homme (ils n’autorisent pas les abus sur les enfants de cœur) et en particulier deux types de libertés :

  • La liberté religieuse (pas de religion d’État)

  • La libre communication des idées et des opinions

On remet donc en cause les Droits de l’Homme de 1789, et cela amène à un changement à partir de la IIIe République.

§ 2 : L’inauguration de la tradition républicaine sous la IIIe République : la stabilisation des Droits de l’Homme

A) Les évènements fondateurs de la tradition républicaine française

Après la défaite de Sedan, on proclame la République en 1870. L’Assemblée Nationale va décider de la paix ou de la reprise de la guerre. Les royalistes eux sont partisans de la paix. Les républicains veulent reprendre les hostilités. Les français votent majoritairement royaliste. Au lieu de se dissoudre, l’Assemblée Nationale décide d’élaborer une nouvelle Constitution.

Cette constitution est composée des 3 lois constitutionnelles de 1875 qui ne font pas mention de la protection des droits et libertés. L’idée est que bien que les droits et libertés soient absents des lois constitutionnelles, le Parlement va prendre le relais en créant de nombreuses lois relatives à la protection des libertés publiques.

Affaire Dreyfus

Le capitaine Dreyfus, fin 1894, est condamné pour avoir prétendument livré des documents français à l’Empire allemand. Dreyfus est un français juif. L’affaire s’achève en 1906 car c’est un arrêt de la Cour de cassation qui l’innocente et le réhabilite. Cette affaire est exemplaire de la querelle existant en matière de Droits de l’Homme. Cette querelle va opposer ceux qui prônent des Droits de l’Homme individuels et subjectifs (lignée de 1789) et ceux qui se rallient à une conception conservatrice des droits, et qui vont donc les nier.

Cette affaire divise le pays entre dreyfusards, menés par Zola, qui vont affirmer que quelles que soient les origines d’un individu, il y a pour tout être humain des droits imprescriptibles et naturels, et parmi ces droits, il y a la liberté et la justice. Pour eux ces droits existent au-delà de l’État et appartiennent à l’homme (subjectifs et universels). Les anti-dreyfusards rassemblent des institutions importantes de la société, l’Eglise et l’armée. Ils vont s’exprimer dans « Le Figaro » en disant que la Nation est biologiquement constituée par une race, une langue, et le sang, et elle rend les individus composantes de l’État et solidaires. Pour eux, la justice n’a pas lieu d’être.

Dreyfus est finalement réhabilité, et la conception des dreyfusards l’emporte, ce qui va permettre à la IIIe République de se stabiliser et de trouver ses valeurs dans l’humanisme et l’individualisme. A partir de là, on a de nombreuses lois libérales qui vont être votées. On peut citer la liberté d’association en 1901, et la séparation des Eglises et de l’État en 1905.

B) L’ambivalence de la tradition républicaine en matière de protection des droits de l’homme

  • Premier mouvement

Des combats idéologiques vont naître, surtout à partir de 1905, à propos de certaines lois, et ces combats vont montrer que la loi républicaine peut être plus offensive que protectrice à l’égard des Droits de l’Homme.

La Constitution de 1848 annonçait que l’enseignement était libre. Pourtant, à partir de 1850, la loi Falloux remet le contrôle de l’enseignement entre les mains de l’Eglise catholique (les évêques et les prêtres sont contents, ils ont plein de petits enfants). Après 1875, les républicains vont se diviser entre républicains opportunistes qui défendent la liberté d’enseignement, car elle est une liberté individuelle. Les radicaux, plus à gauche, ont une conception plus laïque de l’enseignement, la laïcité est un phénomène de mode sous la IIIe République. Les radicaux vont défendre une école publique et laïque, unifiant les ordres primaires et secondaires, dont le rôle est de combattre les établissements d’enseignement libre, c’est à dire les établissements confessionnels.

Au début du XXe et jusqu’au début de la IVe, la liberté d’enseignement sera donc appréciée de diverses manières, d’un côté les établissements confessionnels qui réclament la liberté d’enseignement, et de l’autre les radicaux, qui vont refuser aux congrégations religieuses le droit d’enseigner. Dans une loi de 1904, ils interdisent aux congrégations religieuses d’enseigner, au nom de la laïcité. Ce n’est qu’en 1931 que le législateur va dire que la liberté d’enseignement est un PFRLR (continuité, avant 1946, donc valeur supra-législative).

Sous la IVe République, on va trouver d’un côté les chrétiens démocrates, qui sont pour la liberté d’enseignement, et de l’autre les partis de gauche, qui estiment que cette liberté ne fait pas partie de la tradition républicaine. On a décidé d’inscrire dans le préambule de la 4e République le « droit de l’enfant à être éduqué dans le respect total de sa personnalité » car on n’était pas d’accord.

La tradition républicaine est plutôt hostile à cette liberté, et est plutôt contre l’enseignement privé. C’est pour cette raison que sous la IIIe République vont se développer des écoles normales d’instituteurs qui portent « la bonne parole républicaine », qui est offensive à l’encontre des écoles confessionnelles.

  • Deuxième mouvement

C’est le débat qui commence sur la portée juridique des déclarations et des préambules. Ce débat naît en 1875 puisque les Lois Constitutionnelles de la IIIe République ne se réfèrent pas à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Elles organisent les rapports entre les pouvoirs publics, la suprématie du Parlement, mais ne songent pas à instaurer un contrôle de constitutionnalité de la loi. Un affrontement va naître sur la question de la portée juridique de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Carré de Malberg et Esmein vont remporter le combat d’idée, ils soutiennent la doctrine de 1789, et ne sont pas opposés aux Droits de l’Homme, mais estiment que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen n’a pas de portée juridique positive dans les Lois Constitutionnelles de 1875. Pour eux, qui sont positivistes, une loi qui supprimerait une liberté ou un droit de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen serait regrettable mais valide. Carré de Malberg dit que la IIIe République tend à la suprématie du corps législatif sans que rien ne vienne garantir des droits individuels. Le législateur va pouvoir positiver un droit, ou le rayer de l’ordre juridique. Cette conception va prévaloir sous la IVe République, et c’est le Préambule de 1946 se réfère à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et ajoute les PFRL et ajoute les principes politiques économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen n’a pas de portée juridique positive parce que :

  • La Constitution de 1946 ne prévoit pas de contrôle de constitutionnalité de la loi quant elle touche aux droits de l’homme

  • Sous la 4ème République, apparaît cette suprématie parlementaire. Et c’est sous cette république que le législateur via des lois va accélérer la juridicisation des droits de l’homme : pour avoir une portée juridique il faut mettre cela dans des lois.

Le bilan relatif à la protection des libertés est plutôt positif même si bien évidemment la période de la Première Guerre Mondiale n’a pas été favorable à l’épanouissement des libertés de l’homme. D’autant plus qu’à partir de 1917, les régimes totalitaires naissent en Europe

La préparation à la Seconde Guerre Mondiale aggrave le sort des droits et libertés. A l’époque, l’Assemblée nationale saborde la 3ème République et donne les pleins pouvoirs à Pétain par l’acte du 10 juillet 1940 en essayant de sauver la République. Le régime de Vichy ne sauvera rien

Section 2 : L’ouverture des droits de l’homme sous la Ve République

Avec la Ve République, on va voir arriver un nouveau modèle républicain qui va consacrer sur le terrain juridique et particulièrement constitutionnel des droits qui vont progressivement devenir fondamentaux.

§ 1 : Les principaux facteurs d’ébranlement du modèle républicain traditionnel

A) De nouvelles valeurs fondatrices

L’idée est que la République est fondée sur des valeurs renouvelées, parce qu’on va remettre en cause Vichy. Pétain s’était octroyé les pleins pouvoirs, avait supprimé la présidence de la République, la Chambre des Députés et le Sénat, et c’est la fin de la démocratie. Dans ce cadre, Pétain devient le chef de l’État français, et Pétain est anti-libéral sur la question des Droits de l’Homme, il dit que « l’individu n’existe que par la famille, la société, la patrie, dont il reçoit tous les moyens de vivre ».

L’idée est pour lui que la communauté peut sacrifier les libertés qui étaient jusqu’alors reconnues aux individus. Dans cette perspective, c’est la prééminence de la société sur l’individu, cela se manifeste par la devise « travail, famille, patrie ». On a plusieurs libertés qui sont supprimées :

  • Liberté de la presse (autorisation avant de créer un journal)

  • Liberté de commerce et d’industrie

  • Droit à la sûreté (en 1941, une loi institue des juridictions d’exception)

  • Liberté de réunion (loi de 1941)

  • Liberté syndicale (charte du travail de 1941)

  • Liberté d’aller et venir (restrictions, une loi de 1943 soumet le changement de domicile à des déclarations à la police)

Il y a un principe fortement remis en cause : L’égalité. Par exemple :

  • Lois de 1940 interdisant les emplois public aux français nés de pères étrangers, aux francs-maçons (sauf dans la maçonnerie, car les portugais n’avaient pas encore été découverts, on pensait que c’était des masses de poils), et aux français nés considérés comme juifs

  • Loi « statut des juifs » du 2 juin 1941

  • Loi du 3 juin 1941 permettant l’internement administratif des juifs sur simple décision du préfet

La Libération marque le retour à la République, car avec une ordonnance du 9 aout 1944, le GPRF dispose que les actes de Vichy sont nuls et de nul effet.

La nullité a valeur rétroactive, et ces actes sont sensés n’avoir jamais existé, le problème c’est qu’un contentieux s’est créé, et des héritiers de victimes de déportation ont demandé réparation du préjudice, mais les actes ayant ordonné la déportation n’ayant jamais existé, comment faire ? Première évolution lorsqu’on a considéré qu’on ne pouvait pas nier ce qui s’était passé, on a mis en œuvre des régimes de réparation. Le Conseil d’État, avec un arrêt de 2012, a considéré qu’il reconnaissait tous ces actes, et que l’État reconnaissait sa faute sous Vichy, mais estime qu’il a déjà tout réparé. L’autre question est de savoir si la SNCF participé aussi à la déportation des juifs ? Le juge judiciaire se déclare incompétent, le juge administratif n’a pas réglé la question.

C’est le retour de la République donc, mais les droits et libertés ne sont pas pour autant rétablis. Le gouvernement va maintenir un certain nombre de mesures restrictives, par exemple en matière de liberté de la presse, ou avec les tribunaux d’exception pour juger les exactions de la guerre.

Est mis en place un projet de déclaration en avril 1946, avec l’idée d’une assemblée constituante, qui à terme va rédiger une nouvelle constitution. Le projet de déclaration proclame son attachement aux principes de 1789 et de 1848. Ce projet ajoute aussi des libertés nouvelles, par exemple le droit de grève, ou le droit de défiler sur la voie publique (ce qui sera très utile aux majorettes et à la fanfare municipale notamment). Des droits et libertés sont menacés, car il n’est pas fait mention de liberté d’expression, de liberté d’association, ou de droit de propriété. Ce projet de déclaration proclame des droits-créance sur la société. Le projet consacre au profit des individus des droits économiques et sociaux.

Le premier projet sera rejeté par référendum en mai 1946, car la propriété n’apparaît pas dans ce projet. Le peuple va adopter le préambule de la Constitution, et la Constitution, en octobre 1946, car le contenu du préambule marque clairement l’attachement de la France à la protection des droits et libertés. On a l’attachement à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, des droits économiques et sociaux qui apparaissent sous la forme de principes particulièrement nécessaires à notre temps. Notamment droit à la santé, et le droit pour tout travailleur de participer par l’intermédiaire de ses délégués à la vie de l’entreprise. Les PFRLR ont été inscrits dans le préambule au dernier moment.

B) Un nouveau schéma institutionnel sous la Ve République

Le préambule de la Constitution de 1958 proclame « l’attachement du peuple français aux droits définis par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et par le préambule de 1946 ». Cette Constitution possède des droits et libertés, et l’article 34 de la Constitution qui réserve à la loi la fixation des garanties fondamentales accordées pour l’exercice des libertés publiques, et le titre VII créé un Conseil Constitutionnel.

Sous la 4e il existait un comité constitutionnel qui examinait le rapport entre les lois et la Constitution, mais s’il découvrait une discordance entre la loi et la Constitution, il devait proposer au Parlement de modifier la Constitution, et non pas la loi,.

La question de savoir si le contrôle de constitutionnalité était efficace s’est posée. On avait le souvenir de 1946, et pour que le contrôle soit efficace, il fallait s’interroger sur la portée juridique du préambule de la Constitution de 1958. On a eu deux étapes.

  • 1958 – 1971

La réponse était négative, le préambule n’avait pas de valeur juridique positive, et le Conseil Constitutionnel ne pouvait pas contrôler la conformité d’une loi au préambule de la Constitution. On justifie cette période par une raison politique, le Conseil Constitutionnel était faible jusqu’au départ du Général De Gaulle.

  • A partir du 16 juillet 1971 : Décision « Liberté d’association »

Le Conseil Constitutionnel vient contrôler la conformité de la loi au bloc de constitutionnalité, c’est à dire :

  • Constitution

  • Préambules de 1958 et 1946

  • Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

Dans cette décision, le Conseil Constitutionnel découvre le PFRLR de la liberté d’association.

§ 2 : Un droit des droits fondamentaux venu d’ailleurs

A) Les principales étapes historiques de la propagation des droits de l’homme au niveau international

Le préambule de la Constitution de 1946 parle d’une victoire remportée par les peuples libres (donc pas les stagiaires), et ce préambule va convenir de prendre en compte dans le futur « ces régimes qui ont asservis la personne humaine ». Cela signifie qu’après la 2e Guerre Mondiale , les Droits de l’Homme se sont diffusés dans deux directions :

1) Le droit international des droits de l’homme

Le premier acte qui prend en compte les droits de l’homme est la charte constitutive de l’ONU de 1945. Aller à l’ONU ne signifie pas forcément ne pas mettre de maillot de bain. Son préambule proclame que les États signataires ont « la foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité, et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations grandes et petites »

La Déclaration Universelles des Droits de l’Homme de décembre 1948 proclame des libertés politiques et des droits économiques et sociaux. Le succès de la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme est à relativiser pour deux raisons :

  • Cette déclaration n’a pas force juridique contraignante,

  • Elle n’a pas de représentation, et certains États se sont abstenus de voter pour (l’URSS, le bloc de l’Est, l’Afrique du Sud, l’Arabie Saoudite…).

Sur le contenu de la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme, elle est un compromis entre la méthode occidentale et la méthode marxiste, et elle est plutôt timide sur le fond, voire négligée. De très nombreux droits figurent dans cette déclaration, mais elle est silencieuse sur des libertés essentielles, telles que le droit de grève, la liberté d’entreprendre, ou encore le droit de ne pas avoir de rattrapages le samedi matin. D’autres droits proclamés restent ambigus, notamment le droit de propriété.

Sur le plan idéologique, la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme devient l’emblème de la conception occidentale des libertés. L’idée est de diffuser le modèle universel étant entendu que ce modèle s’apparente de plus en plus au modèle de la société occidentale.

  1. Le droit européen des droits de l’homme

a) Droit européen au sens de droit des États européens

L’idée est qu’après la 2e Guerre Mondiale, les textes constitutionnels étrangers vont se référer aux droits fondamentaux, car ils ont conscience des retombées de dictatures de type fasciste ou nazi. Le nouveau constituant de ces États va alors inscrire dans les Constitutions des « droits fondamentaux de la personne humaine ».

La Constitution républicaine italienne de décembre 1947 comporte un préambule intitulé « principes fondamentaux », et dans ce préambule, l’Italie reconnaît et garantit des droits inviolables de l’homme. Pour protéger ces droits, elle va créer une cour constitutionnelle qui aura pour fonction de se prononcer sur la légitimité constitutionnelle des lois, notamment en matière de droits fondamentaux.

La Loi fondamentale allemande de mai 1949 est beaucoup plus claire que la Constitution italienne. Elle contient elle-même un titre premier relatif à la protection des droits fondamentaux. Tous ces droits sont liés à la dignité de la personne humaine et ils vont lier les pouvoirs législatifs, exécutifs, et judiciaires. En Allemagne, on a une double conception des droits fondamentaux, objective et subjective.

La conception objective renvoie au fait que les droits fondamentaux correspondent à un ordre juridique suprême, à des valeurs qui dépassent les individus et les pouvoirs publics, qui s’imposent à eux.

La conception subjective renvoie à l’universalisme des droits de l’homme et touche aux droits dont sont titulaires les individus.

L’Allemagne se dote d’une cour constitutionnelle qui dès le départ va avoir une Jurisprudence très protectrice des droits fondamentaux.

b) Droit européen au sens de droit de la CEDH

Au niveau supra-national, la propagation des Droits de l’Homme se fait dans 2 directions après la 2e Guerre Mondiale.

  • Dans le cadre du Conseil de l’Europe, c’est ce qui va donner naissance à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme de 1950. L’idée est d’insérer un préambule dans cette convention, qui va montrer que le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, et l’un des moyens d’atteindre ce but est la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Pour assurer la protection de ces droits on va créer des instituions : La commission européenne des droits de l’homme, et la CEDH

  • Dans le cadre communautaire (évolution des traités de Rome jusqu’à la charte des droits et libertés fondamentaux ayant valeur contraignante et Traité de Lisbonne) : On a eu une évolution en matière de protection de droits et libertés car dans les traités de Rome les états membres affirment leur volonté de sauvegarder la paix et la liberté. Mais quand on parle de libertés en 57 il s’agit avant tout de la liberté de circulation et l’UE s’inscrit dans un cercle d’intégration politique et protectrice des droits fondamentaux.

On voit cette évolution avec la Cour de justice des Communautés européennes + En 1992 le traité de Maastricht repose sur 3 piliers : les communautés européennes, la PESC qui contient un volet de protection des droits et la coopération politique et judiciaire en matière pénale. Ce qui importe dans ce traité c’est l’article 6 qui dispose que « l’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que de l’état de droit, principes qui sont communs aux états membres »

Cet article 6 dispose aussi que « L’union respecte les droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis par la CEDH ». Enfin cet article nous dit que « l’Union respecte l’identité nationale des états membres ». Ce dernier volet de l’article donne lieu à des discordances entre les juridictions nationales et les cours. On a eu une continuité sur la protection des droits avec le traité d’Amsterdam de 1997 et de Nice de 2001. Il y’a aussi la charte européenne des droits fondamentaux signée le 7 décembre 2000 mais qui n’a de valeur juridique contraignante que depuis 2010.

Avec le traité de Lisbonne l’article 6 a été revu et nous dit que « L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la charte des droits fondamentaux, laquelle a la même valeur juridique que les traités ». Cet article nous dit aussi que « l’Union adhère à la CEDH et que les droits fondamentaux tels que garantis par la CESH et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux états membres font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux ». Cette question de la tradition constitutionnelle est problématique et est souvent soulevée.

Aux vues de l’article 6 la question qui se pose a été donnée par un article d’Etienne Picard à l’AJDA de 1998 s’interroge sur l’émergence des droits fondamentaux en France et en Europe : pour lui ce qui est intéressant est non pas de savoir comment les droits fondamentaux sont apparus en France et en Europe, mais de savoir si en France au niveau communautaire et donc européen, on a « une protection équivalente des droits fondamentaux ». Au-delà de la protection équivalente des droits on doit rechercher une protection maximale des droits qui ne peut l’être qu’avec une conciliation des différents juges et leurs jugements.

3) La multiplication des textes en matière de droits fondamentaux

Ce mouvement d’accélération des textes et des droits apparaît dans les 70’s :

  • Multiplication des textes dans l’espace régional européen. Par exemple en 1989, le parlement européen adopte une déclaration des droits et libertés fondamentaux en énonçant qu’il importe de promouvoir la démocratie en se fondant sur les droits fondamentaux. Le 25 novembre 1987 est signée la convention européenne pour la prévention de la torture ou des peines ou traitements dégradants.

  • Multiplication des textes et des droits fondamentaux en dehors, au-delà de l’Europe: Dans le cadre de l’organisation de l’unité africaine, la charte africaine des droits de l’homme et des peuples est signée en 1981. En Asie est crée dans les 80’s un conseil régional sur les droits de l’homme

Les droits de l’homme vont s’articuler, aux vues de la multiplication de ces textes, autour de 3 principes :

  • La démocratie

  • La prééminence du droit

  • La nécessité de mécanismes de contrôle

B) Les conséquences juridiques de la propagation des droits et libertés dans le cadre du droit européen

1) Le respect des droits fondamentaux dans l’UE (Cour de Justice de l’Union Européenne)

Ce respect des droits fondamentaux au niveau de l’UE est assuré par la Cour de Justice de l’Union Européenne composée de juges qui sont désignés par les gouvernements. Les arrêts de la Cour de Justice de l’Union Européenne s’imposent aux états au détriment de ceux de la CEDH. Tout cela provient avant tout d’un arrêt de 1964 COSTA CONTRE ENEL : la CJCE parle de primauté du droit communautaire qui va nécessairement impacter la protection des droits. Un arrêt de 1969 SCODER dans lequel il est précisé que la cour assure la protection des droits fondamentaux de la personne y compris dans les principes généraux du droit communautaire. Egalement un arrêt HAUER de 1979 où la Cour de Justice de l’Union Européenne dit que les sources des PGD du droit communautaire trouvent leurs racines dans les traditions constitutionnelles communes au droit des états membres. On ne peut pas admettre de mesure incompatible avec les droits fondamentaux. La question est de savoir si avec le mécanisme de la question préjudicielle, la Cour de Justice de l’Union Européenne protège mieux que le juge interne.

  1. Le respect des droits fondamentaux en Europe (CEDH)

Arrêt de 1989, CEDH, « Sunday times », la CEDH énonce que « il n’existe pas de société démocratique sans que le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture se traduise dans un régime institutionnel. Ce régime doit être soumis au principe de prééminence du droit, il comporte essentiellement un contrôle efficace exercé sans préjudice du contrôle exercé par un pouvoir judiciaire indépendant, et il assure le respect de la personne humaine et de ses droits fondamentaux ».

On parle tellement de la notion de droit fondamental qu’on en vient à se poser la question de savoir s’il n’existerait pas un contrôle de fondamentalité. Voir article RFDA fiche de TD n°4.

Chapitre 3 : Le droit commun des droits et libertés fondamentaux

Ce droit des droits et libertés suppose des facteurs d’encadrement politico-juridiques. En l’espèce le droit français organise la notion de droit fondamental autour de principes directeurs. Il ne faut jamais oublier que les droits et libertés fondamentaux ne sont jamais absolus et qu’il va exister à leur égard des possibilités de restrictions, leur apporter des limites.

Section I : La démocratie constitutionnelle, explicative des droits

Pour que les droits fondamentaux existent, encore faut-ils qu’ils soient proclamés et garantis. Pour cela 3 exigences doivent être respectées :

  • une conception particulière de la démocratie

  • une conception particulière de la constitution

  • une conception particulière du juge

§ 1 : Une notion de démocratie renouvelée

Cette réflexion sur la démocratie arrive en Europe avec la chute du mur de Berlin à la fin des 80’s. Ressurgissent alors des revendications portant sur la démocratie : suffrage universel, réactivation du pluralisme des opinions.

La démocratie n’est donc pas seulement un mode d’expression politique, mais c’est aussi une organisation institutionnelle qui doit être agencée pour garantir le pluralisme des idées et donc assurer la protection des droits fondamentaux.

On parle aussi d’une démocratie renouvelée car on a une évolution dans la perception de la loi. Cette évolution de la perception de la loi s’est faite en deux temps. Pendant longtemps on a considéré que la loi exprimait la volonté générale mais c’est une décision du conseil constitutionnel de 1985 Nouvelle Calédonie: le conseil constitutionnel nous dit que «la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution ».On ajoute au sens de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Cette nouvelle définition correspond donc a une nouvelle conception de la démocratie dans laquelle en ce qui concerne la hiérarchie des normes apparaît un nouveau degré dans la pyramide. La loi exprime la volonté de l’expression mais dans le cadre de la Constitution. Le fait d’avoir une nouvelle conception de la loi impacte forcément la protection des droits.

On ne se place plus sur le terrain de la souveraineté parlementaire. A partir de 1985 la délibération démocratique sur la loi va faire entrer en jeu plusieurs institutions. En amont le gouvernement rédige la majorité des projets de loi, au niveau intermédiaire est concerné le parlement qui discute et vote la loi. En aval se place alors le contrôle du conseil constitutionnel. On considère que lorsqu’on a ce contrôle du juge constitutionnel, le juge participe à l’élaboration de la loi, il est un acteur dans le processus d’élaboration de la loi. Depuis la décision IVG de 1975, les décisions du conseil constitutionnel s’imposent à tous les pouvoirs publics.

D’autres institutions vont intervenir, même si c’est moins directement dans l’élaboration de la loi et ces institutions là vont mettre en œuvre les droits fondamentaux et ceux sont les autorités administratives indépendantes (CADA, ACNIL) ou encore l’autorité des défenseurs des droits qui a été mise en œuvre par une loi de mars 2011.

L’ensemble de ces institutions accroît la discussion, l’impératif de démocratie cela modifie le régime originel.

Le fait que l’on donne au juge la possibilité de revenir sur une loin, notamment quand elle touche aux droits et libertés, accroît la discussion. Dans les 20’s on a une discussion qui a lieue sur le gouvernement des juges: cette question a été évoquée par LAMBERT qui s’interrogeait sur la légitimité de l’action du juge et on se dit qu’au vue de l’importance que prenait le juge dans la société il était possible de craindre un gouvernement des juges. Le mode de désignation du conseil constitutionnel (3 sénats, 3 président, 3 assemblée) et est nommé par des autorités et donc on se demande quelle est la légitimité du conseil alors qu’il doit défendre des droits. On remet en cause la légitimité démocratique du juge constitutionnel et donc sa jurisprudence car nommé par les autorités politiques.

Finalement, la démocratie se définit par deux éléments qui se combinent :

  • élément traditionnel : le suffrage universel qui entraine le respect du principe majoritaire lui-même entrainant le principe de l’opposition et donc du pluralisme.

  • élément qui comporte un pilier relatif aux droits de l’homme qui implique que l’on va protéger ces droits avec une institution chargée de les garantir contre les débordements de la loi.

On est donc dans le constitutionnalisme (phénomène qui apparaît dès lors que l’on recherche la limitation du pouvoir, il apparaît quand apparaît l’état de droit).

La nouvelle définition de la démocratie n’est plus seulement celle d’une démocratie politique, cad rapport parlement/gouvernement, c’est aussi une démocratie qui s’ouvre à la société civile parce que l’espace démocratique s’agrandit et on parle pour se faire de démocratie constitutionnelle

§ 2 : Une définition de la constitution renouvelée

La fracture ici se situe en 1971 puisque l’on va passer d’une constitution « agencement des pouvoirs » à une constitution « garantie des droits »

    1. De la séparation des pouvoirs à la garantie des droits

C’est Stefan Rials qui explique le passage de la constitution agencement de pouvoirs a garantie des droits.

  • « Constitution – agencement des pouvoirs »

Traditionnellement, jusqu’aux 70’s la constitution est interprétée comme un texte qui organise les pouvoirs publics et donc on procède à une lecture troquée de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. On considère seulement que toute société dans laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas assurée n’a point de constitution.

C’est une lecture troquée car on s’en tient à la conception de Montesquieu qui voyait dans le mécanisme de la séparation des pouvoirs un partage à faire entre le pouvoir législatif et exécutif. Pour lui la puissance de juger est nulle.

  • «Constitution-limites»

C’est une nouveauté. Cette constitution limite apparaît à partir de la jurisprudence du conseil constitutionnel qui vient protéger les droits fondamentaux à partir de 1971. On veut une séparation des pouvoirs mais aussi une garantie des pouvoirs. Cette constitution limite comporte 4 séries de principes :

  • les principes de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

  • les principes du préambule de 1946

  • Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République

  • Les principes énoncés dans le corps même de la Constitution, cf. article 34.

A ces 4 principes s’ajoutent les principes à valeur constitutionnelle et les objectifs à valeur constitutionnelle. Ainsi on favorise ici l’idée d’un bloc de constitutionnalité

    1. La « Constitution vivante » au contenu en extension

Selon Ribero « les institutions, à la différence des satellites, demeurent rarement sur l’orbite ou leur créateur avait entendu les placer». Cette citation s’applique à la Constitution car il n’était pas prévu en 1958 de conseil constitutionnel qui à la fois contrôle la constitutionnalité des lois et soumettent les lois aux droits et libertés fondamentaux. En 1958 le conseil constitutionnel était censé aider le gouvernement à cantonner le gouvernement dans son domaine d’action.

* A partir de 1971 il y’a un changement et le conseil constitutionnel devient l’interprète privilégié de la Constitution et à ce titre on parle de la théorie de l’interprétation réaliste de la Constitution: Troper l’a développée. D’après lui la Constitution est ce que le juge dit qu’elle est, cad qu’on est réaliste, on fait attention aux choses : le juge interprète en dernier lieu la constitution. Pour d’autres, la Constitution c’est ce que les pouvoirs publics disent ce qu’elle est.

* On voit que la constitution évolue parce que le juge a des techniques de contrôle qui sont diversifiées. On deux idées dans ce contrôle :

  • Plusieurs cas d’ouverture du contrôle de constitutionnalité comme l’incompétence de l’auteur de l’acte, le vice de procédure, la violation du bloc de constitutionnalité ou encore détournement de pouvoirs.

  • Moyens de contrôle diversifiés: les plus significatifs sont l’erreur manifeste d’appréciation ou encore 3 techniques différentes d’interprétation de la loi :

        1. L’interprétation neutralisante: cette interprétation prive d’effets juridiques les dispositions législatives qui sont considérées comme inconstitutionnelles

        2. L’interprétation constructive: elle permet au juge constitutionnel d’ajouter des dispositions à la loi pour la rendre conforme à la Constitution

        3. L’interprétation directive: le juge va indiquer les modalités d’application d’une loi aux autorités chargées de la mettre en œuvre

Vont également apparaître de nouveaux droits de niveau constitutionnel pour finalement avoir 4 groupes de droits :

  • les droits politiques: droits à l’égalité de suffrage, séparation des pouvoirs, libre détermination des peuples.

  • Les droits et libertés civils: la liberté de conscience, liberté d’association, liberté d’entreprendre et liberté de la presse. Ces droits découlent du principe général de liberté

  • Les droits nés de l’application du principe général d’égalité: égalité devant la justice, égalité devant les charges publiques, égalité devant les emplois publics

  • Les droits économiques et sociaux: le droit de grève, le droit à l’emploi, liberté syndicale, droit à la sécurité personnelle

§ 3 : Le rôle et l’autorité du juge

La justice constitutionnelle date en Europe des années 1920. Le premier modèle de justice constitutionnelle est apparu en Autriche, sous l’impulsion de Kelsen et progressivement ce modèle s’est développé. L’Italie c’est 1947, 1949 pour l’Allemagne, 58 en France, 1976 pour le Portugal et 1968 l’Espagne. Le système constitutionnel en Europe est devenu évident et la question qui se pose, le débat est déplacé sur la nature de la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Est-ce une cour constitutionnelle ou une cour suprême ? De manière unanime on répond que ce n’est pas une cour constitutionnelle puisqu’il n’existe pas de constitution européenne. La cour pourrait-elle être claquée sur la cour suprême des EU. On n’a pas de non définitif car une cour suprême est définie par deux critères :

  • garantie des droits

  • contrôle la loi.

On a répondu par non car l’Europe ne peut être assimilée aux EU car l’Europe n’est pas un état fédéral.

Aujourd’hui on s’interroge sur le pouvoir effectif du juge constitutionnel, l’ampleur de son pouvoir à tel point que l’on réactive la question du gouvernement des juges en France. Il y’a un débat sur ce gouvernement des juges dont 3 réponses sont ressorties avec 3 conceptions du juge constitutionnel :

  • pour certains, le juge constitutionnel fait un travail de type classique, cad que le juge dicte la loi, est la bouche de la loi. Le juge lit simplement la constitution. Si la constitution n’est pas assez claire, ne suffit pas le juge va se référer aux travaux préparatoires de la Constitution. Ainsi ne se pose pas la question de son manque de légitimité ou encore de son autorité puisque les règles s’imposent à lui.

  • Pour d’autres, le juge constitutionnel n’est pas un juge : ils critiquent la présence d‘un juge constitutionnel. Pour eux le rôle de ce juge constitutionnel est politique car ils se fient à la composition du conseil constitutionnel. Ainsi ce juge comme il a un rôle politique, il n’a pas de légitimité démocratique, ces décisions n’ont pas d’autorité. Cependant d’un autre coté, l’article 62 de la Constitution précise que les décisions du conseil s’imposent aux pouvoirs publics.

  • Pour d’autres, le juge constitutionnel effectue un véritable travail de juge. Pour cette partie de la doctrine le juge a une autorité et une légitimité, il effectue un travail raisonné parce qu’il motive ses décisions, s’impose aux pouvoirs publics. Ses décisions vont conduire à une harmonisation jurisprudentielle relative à la protection des droits et libertés ce qui est souligné par l’introduction de la Question prioritaire de constitutionnalité.  Le juge est un créateur de norme indispensable. Ce juge Mais compense cela par une jurisprudence protectrice des droits et libertés

Section 2 : La conception nouvelle des droits de l’homme

§ 1 : Les sources des droits fondamentaux

A) La constitution

La Constitution est la source la plus importante des droits fondamentaux et surtout depuis la décision de 1971 dans laquelle il est inscrit dès les visas « vu la constitution et notamment son préambule». Elle rassemble une déclaration textuelle et jurisprudentielle

B) Les normes internationales et la CEDH en particulier

En matière de droits et libertés il y’a une séparation importante entre :

  • les textes de portée générale: la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme et les deux pactes internationaux.

  • De nombreux textes protègent des droits particuliers : la Convention internationale contre le génocide de 1948, convention internationale pour les réfugiés de 1951 et l’OIT de 1919

  • La convention européenne : elle a acquit une notoriété particulière et contient des mécanismes de protection qui en font un des textes les plus sophistiqués au niveau régional et même international

1) La possibilité de se prévaloir de la convention devant le juge national

a) La non réciprocité de la CEDH

Il y’a non réciprocité car en principe en vertu de l’article 55 de notre Constitution, les traités ont une autorité supérieur à la loi sous réserve de leur application par l’autre partie. Mais ce principe ne s’applique pas à la convention européenne car l’enjeu est la protection des droits fondamentaux. Ainsi dès 1961 la commission européenne des droits de l’homme dans un arrêt Autriche contre Italie: «les obligations souscrites par les états contractants ont essentiellement un caractère objectif du fait qu’elle vise à protéger les droits fondamentaux des particuliers contre les empiètements des états contractants, plutôt qu’a créer des droits subjectifs réciproque entre ces derniers »

b) L’applicabilité directe de la CEDH

Pour être applicable dans l’ordre juridique interne, la convention n’a pas eue besoin d’être introduite par une disposition spéciale. Ainsi le juge national peut appliquer directement la convention dans l’ordre interne

c) Le régime juridique du droit revendiqué

Dans le cadre de la Convention on a 3 catégories de droit :

  • Droits intangibles: Ces droits intangibles bénéficient d’une protection absolue et l’État ne peut pas y porter atteinte. On peut citer comme droit intangible (article 2 de la convention), l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants, le droit de ne pas être placé en esclavage (article 4), le droit à la non rétroactivité de la loi pénale (article7) et la règle non bis in idem (ne pas être jugé deux fois pour une même infraction). Ces droits intangibles forme le noyau dur des droits de l’homme

  • Droits conditionnels: Ils bénéficient d’une protection relative et peuvent bénéficier d’une restriction de la part de l’État : c’est le cas par exemple du droit de l’article 5 qui fait état au droit à la liberté et à la sureté. Ces droits sont souvent la liberté d’expression, la liberté d’association, la liberté d’aller et venir et liberté religieuse

  • Droits indirects: C’est l’hypothèse dans laquelle une personne ne peut se prévaloir de certains droits de la convention qu’en évoquant d’autres droits garantis par la convention. L’exemple type est le droit à la non discrimination prévue par l’article 14 de la CEDH. Ce droit de non discrimination ne peut s’appliquer que si un autre droit garanti est mis en cause comme le droit de propriété  C’est la protection par ricochet. L’exemple type de la protection par ricochet est l’arrêt CHASSAGNOU contre France de 1999.

2) Le droit de recours à un juge international, de recourir au juge de la CEDH

Cette question est importante car c’est la question du recours individuel. Le droit de recours individuel fait partie de la Convention

a) L’effectivité du droit de recours individuel

L’exercice de se droit de recours est subordonné à la condition de victime. Le requérant doit avoir un intérêt personnel à agir et doit se plaindre d’une mesure individuelle qui porte atteinte à ses droits. Pour saisir le juge et donc rendre effectif ce droit, il y’a une règle d’épuisement de voies de recours internes. Cette règle d’épuisement de recours a été proclaméedans l’arrêt VERNILLO de 1991: les voies de recours internes sont épuisées « quand ils le sont à un degré suffisant de certitude en pratique et en théorie. » La CEDH observe au cas par cas la certitude. Cet épuisement des voies de recours visait à protéger la souveraineté des états mais on observe le schéma inverse, pour un sens plus favorable des plaignants.

b) L’autorité des arrêts de la CEDH

La jurisprudence de la cour européenne montre qu’en cas d’inconventionnalité , l’état est obligé d’exécuter l’arrêt de la cour mais le juge européen précise qu’il appartient à l’état et aux pouvoirs publics dans l’ordre interne de choisir les moyens pour remédier à la violation. Pour la cour européenne des droits de l’homme il n’y a pas d’obligation formelle pour les juges internes d’écarter dans sa jurisprudence une loi qui serait contraire à la CEDH. Un arrêt de 2013 de la CEDH reconnaît elle-même sa propre limitation.

C) La jurisprudence

On distingue toujours une source jurisprudentielle forte pour les pays de Common Law et pour les pays de droit écrit, le juge constitutionnel et le Conseil d’état ont montrés que la jurisprudence était une source pour la protection des droits et libertés. On voit cela par 3 moyens :

  • l’émergence des principes généraux de droit, œuvre du conseil d’état

  • les principes fondamentaux, PGD, PFLR dégagés par le Conseil d’État et le conseil constitutionnel

  • principe à valeur constitutionnelle

§ 2 : Une définition innovante de la notion des droits fondamentaux

Ce paragraphe est fondamental car il explique les composantes modernes de la notion de droit fondamental. Aujourd’hui un droit fondamental se définit par son contenu, et le droit fondamental apparaît surtout à travers 4 principes : dignité, liberté, égalité, pluralité

A) Les principes fondateurs de la notion de « droit fondamental » moderne

1) Le principe de dignité

Le principe de dignité sur le point philosophique trouve sa source dans l’humanisme.

a) La découverte de la dignité en droit positif

Au 20ème siècle et après le traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale, on met en évidence une violation massive des droits de l’homme mais on constate aussi qu’il n’existe pas de règles juridiques positives qui pourraient sanctionner les actes commis dans le cadre des déportations et au sein des camps de concentrations.

L’ensemble de ces actes ont donc aggravé la condition de la personne humaine. Ile st donc clair que ces actes, agissements ne peuvent entrer dans les catégories juridiques connues à savoir le meurtre ou l’assassinat. Une nouvelle catégorie juridique apparait donc et est différente des crimes de guerre : cette nouvelle catégorie est le crime contre l’humanité. Cette incrimination a pour but de sanctionner les comportements qui ont conduit à la dégradation de la personne humaine. On estime que cette nouvelle infraction ne viole pas seulement un droit qui relève de la seule souveraineté nationale mais elle viole un droit de l’humanité car on porte atteinte à la dignité.

Une fois l’infraction découverte la question qui se pose est de savoir si de tels jugements vont soit relever d’un juge national ou par un juge spécial et international ? On choisit le juge spécial et international et en août 1945 on créer le tribunal militaire international de Nuremberg et plus tard le 19 janvier 1946 on créer le tribunal de Tokyo ou autrement dit tribunal international pour l’extrême Orient.

Ce tribunal de Nuremberg est compétent pour juger 3 types de crimes :

  • crimes contre la paix

  • crimes de guerre

  • crimes contre l’humanité : le crime contre l’humanité est l l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes les populations civiles avant ou après la guerre ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux quand ces actes ou persécutions même s’ils ne constituent pas une violation du droit interne dans le pays dans lequel ils ont été commis, quand ils ont été accomplis, entre dans la compétence du tribunal

Le Tribunal de Nuremberg reste un tribunal particulier parce qu’il est militaire car certains des juges à sa création sont militaires + c’est un tribunal spécial, ad hoc spécialement crée pour juger des crimes commis durant la Seconde Guerre Mondiale.

Par la suite d’autres tribunaux ad hoc ont été crées : le tribunal pénal international pour l’ex Yougoslavie institué en 1993 pour poursuivre et juger les personnes coupables de violations internationales sur le territoire dès 1991+ TPI pour le RWANDA mis en place en 1994 pour punir les coupables responsables de génocide rwandais + CPI qui règle de nombreux conflits comme celui du Darfour.

Ce principe de dignité humaine a comme définition : dans l’arrêt de la cour de 1989 SOERING contre le RU: il y’a une définition du principe de dignité humaine. La cour se prononce contre l’extradition d’un ressortissant américain dans un pays où il encourait la peine de mort et la cour énonce que «la décision d‘extradition peut soulever un problème au regard de l’article 3 et donc engager la responsabilité de l’État quand il y’a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé si on le livre à l’état requérant courra un risque réel d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants menaçant sa dignité »

b) L’intégration du principe de dignité de la personne humaine dans les droits constitutionnels européens

Droit constitutionnel allemand: Le premier à intégrer ce principe dans son droit ; Dès l’article Ier de la loi fondamentale c’est énoncé : «la dignité de l’être humain est intangible». De ce principe de dignité vont découler plusieurs principes fondamentaux : l’interdiction de la discrimination raciale, la protection de l’intégrité mentale de la personne, l’interdiction de la torture et de la punition corporelle, l’interdiction de l’usage d’un détecteur de mensonge ou d’un sérum de vérité.

Ce principe de dignité se retrouve aussi dans les constitutions grecques et espagnoles.

Droit constitutionnel français (DC, 1994, domaine de la bioéthique et du droit du logement) :

Pour le droit français le principe de dignité n’est pas enregistré de la même manière. En France la source de la dignité est la constitution de 1946 : on parle de la victoire des peuples libres sur les régimes qui ont tentés d’asservir la personne humaine mais ni la Constitution, ni le préambule ne mentionne la dignité. Il faudra attendre une décision du 27 juillet 1994 dans laquelle le conseil constitutionnel considère que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle  la dignité de la personne humaine en droit positif français apparaît.

Le principe de dignité comme principe à valeur constitutionnelle apparaît surtout dans le domaine de la bioéthique. On a une réactualisation du débat en 2011 à l’occasion des dernières lois bioéthiques. C’est en 1994 que la dignité apparaît dans le but du respect du corps humain et le principe d’inviolabilité et non patrimonialité du corps humain

La dignité apparaît aussi dans le domaine social cf. dans une décision du 19 janvier 1995, loi relative à l’habitat : le conseil constitutionnel se réfère au principe de dignité et au fait que tout individu a le droit à des conditions décentes d’existence. De ce fait le principe de dignité fait ressortir un nouveau droit à valeur constitutionnelle le droit à un logement décent. Ce principe de droit à un logement décent débordera du droit constitutionnel et arrivera en droit administratif (1995 commune de Morsang sur Orge : mise en jeu de liberté du travail et dignité de la personne humaine. Ici le juge administratif nous dit que la dignité de la personne humaine devient une composante de l’ordre public) et en droit civil (1995 du TGI affaire BENETTON)

c) L’interdiction des traitements inhumains

  • l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants: Le principe général d’interdiction est fixé à l’article 3 de la CEDH et à l’article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques : « Nul ne sera soumis à la torture, ni a des peines, des traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique ». L’article 3 est souvent évoqué dans le droit des étrangers.

        • Interdiction de la torture (notion, convention, comité européen): La torture a été définie par la Convention sur la Torture et autres traitements inhumains ou dégradants de 1984. La torture est tout acte par lequel la douleur ou la souffrance aigüe physique ou mentale sont intentionnellement infligés à une personne aux fins d’obtenir des renseignements ou des aveux ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination lorsqu’une telle douleur est infligée par une personne agissant à titre officiel.  Pour la CEDH cette notion de torture renvoie à des traitements inhumains délibérés provoquant de graves et cruelles souffrance et cette définition est donnée depuis 1978 dans un arrêt Irlande vs RU. On a aussi le comité Européen pour la prévention de la torturede 1989 : ce comité contrôle les activités de la puissance publique et se penche de plus en plus sur les conditions de détention des détenus : il peut effectuer des visites surprises des établissements mais ne rend que des recommandations : ce n’est pas un mécanisme judiciaire. La torture a une valeur internationale et à cet égard le tribunal pour l’ex Yougoslavie dit en 1998 « qu’en raison de l’importance des valeurs qu’il protège le principe de l’interdiction de la torture est devenu une norme impérative ou jus cogens, cad une norme qui se situe dans la hiérarchisation internationale à un rang plus élevé que le droit conventionnel et même que les règles de droit coutumier ordinaires »

        • Interdiction des traitements inhumains ou dégradants: Ici on a une moindre intensité dans la souffrance, cad que les traitements inhumains provoquent volontairement des souffrances mentales ou physiques d’une intensité particulière. Les traitements dégradants humilient l’individu grossièrement devant autrui ou le pousse à agir contre sa volonté ou sa conscience  Cette distinction a été faite dans l’arrêt TYRER de 1978. La différence entre les deux va dépendre du titulaire du droit, de sa vulnérabilité, du ressenti de la souffrance, de la durée des actes et de leur contexte.

Dans le cadre de l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, les juges admettent de qualifier de traitement inhumain des actes qui ne touchent pas directement l’intégrité de la personne, du requérant  Principe de victime de médiate. Par exemple la mutilation du cadavre d’un proche arrêt CEDH AKKUM contre Turquie de 2005.

S’agissant de la question du terrorisme, le principe de l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants ne peut souffrir d’aucune dérogation, ni d’aucunes restrictions cf. un arrêt de la CEDH de 2009 DAOUDI contre France : en l’espèce la CEDH conclut à la violation de l’article 3 dans le cas d’un algérien arrivé en France à 5 ans, naturalisé par la suite et dont la famille vit en France. Au milieu des années 2000, il noue des contacts avec des groupes islamiques radicaux, suit une formation en Afghanistan, il est soupçonné d’avoir participé, préparé un attentat suicide contre l’ambassade des EU en France, il est déclaré coupable. Par conséquent, suite à sa condamnation il est déchu de sa nationalité française, est condamné à 9 ans d’emprisonnement et est frappé d’une interdiction définitive de rester sur le territoire française. A sa levée d’écrou la France décide de le renvoyer en Algérie et M. DAOUDI décide de saisir la CEDH suite à son expulsion en Algérie pour risque d’atteinte à l’article 3. La CEDH conclu au risque de violation de l’article mais la France poursuit la procédure.  La cour sanctionne les atteintes même si cela s’exerce dans le cadre d’une condamnation d’un acte terroriste. Mais attention les arrêts de la CEDH ont un caractère limitatifs car la France continue de poursuivre la procédure. En matière de terrorisme on tombe quand même sous le coup de l’article 3.

S‘agissant principe de l’atteinte, la CEDH apprécie in concreto le caractère inhumain et dégradant ou l’acte de torture car cette appréciation est faite en fonction de la vulnérabilité ou de l’infériorité de la victime. En outre elle met à la charge de l’État le renversement de la présomption. Par exemple un arrêt de 1982 CAMPBELL et COSANScontre Royaume –Uni sur les punitions corporelles à l’école : dans cet arrêt la CEDH considère que les punitions corporelles à l’école engagent la violation de l’article 3. Dans un arrêt de 2006 LEGER contre France, la cour considère que la prison à vie est assimilée à une violation de l’article 3. Ici l’absence d’espoir d’être libéré peut être assimilé à un traitement inhumain et dégradant et donc entrainant une violation de l’article 3. Sur les conditions de détention du détenu, on a un arrêt de 2002 CEDH MOUISEL contre France où la cour considère qu’il y’a violation de l’article 3 parce que le détenu était menotté pendant sa chimiothérapie. Un arrêt de 2001 CEDH KEENAN contre RU, la CEDH considère qu’il y’a violation de l’article 3 parce que le Royaume-Uni n’a pas exercé de surveillance suffisante sur le détenu qui s’est suicidé. La protection de la santé mentale des détenus est aussi en pleine expansion et en cas de manquement on tombe obligatoirement sur l’article 3 de la convention.  Le contentieux le plus foisonnant est le contentieux des détenus

Il faut aussi savoir que les fouilles corporelles peuvent passer sous le coup de l’article 3 : la CEDH a considéré que les fouilles intégrales portent atteinte à la dignité des personnes et peuvent entrainer une violation de l’article 3

Cet article 3 a un effet horizontal, cad qu’il peut être évoqué pour un état et son manquement envers une victime mais aussi entre deux personnes privées cf. maltraitance entre deux détenus.

  • L’interdiction de l’esclavage et du travail forcé : Ici on porte aussi atteinte à la dignité de la personne humaine. La délimitation du travail forcé et esclavage reste difficile pour la CEDH. Le premier texte à parler de ces notions est le Pacte international relatifs aux droits civils et politiques et notamment sont article 8. Au niveau de la CEDH c’est avant tout l’article 4 qui en fait mention car il nous dit que «nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ». Au niveau communautaire on à l’article 5 de la charte des droits fondamentaux qui de manière générale prohibe l’esclavage et le travail forcé.

        • Traite des être humains: L’esclavage et le travail forcé sont liés à la question de la traite des être humains que le code pénal définit. Le code pénal le définit à l’article 225-4-1. Le code parle de 7 ans d’emprisonnement ce qui n’est pas négligeable.

        • Esclavage: Sur la notion d’esclavage, l’esclave est celui qui ne s’appartient pas, c’est celui qui n’est pas maître de lui-même. Aujourd’hui l’esclavage peut concerner les enlèvements en vue de prélèvements d’organes, la prostitution forcée ou encore les pratiques de certaines sectes. L’esclavage se distingue du travail forcé qui lui fait appel à la contrainte physique. Au-delà de l’article 4 de la CEDH, l’esclavage tombe sous le coup de l’incrimination de crimes contre l’humanité. Le code pénal à l’article 212-1 définit l’esclavage comme un crime contre l’humanité. La CEDH est mal à l’aise avec la qualification d’esclavage notamment avec un arrêt de 2005 SILIADIN contre Francedans cette affaire une jeune togolaise de 15 ans arrive en France et qui devient une sorte de bonne à tout faire pour une famille, elle travaille tous les jours de 7h à 23h sans pause, permissions de sortie exceptionnelle pour aller à la messe certains dimanches, elle dort dans la chambre des enfants sur un matelas, porte des vêtements usagés, n’est jamais payée. La CEDH face à tout cela décide de dire qu’en ce qui concerne l’esclavage, bien que privée de son libre arbitre, il ne ressort pas du dossier qu’elle ait été tenue en situation d’esclavage : il n’y a donc pas esclavage. La cour nous dit que la jeune fille n’a pas été réduite à l’état d’objet, il n’y a pas d’absence de propriété de sa propre personne mais elle considère par contre que l’on peut admettre que cette jeune fille soit en situation de servitude puisqu’elle a obligation de prêter ses services sous l’empire de la contrainte  On constate une gradation entre la servitude et l’esclavage. Le juge européen constate malheureusement que la servitude n’est pas réprimée en tant que telle en droit pénal français.

        • Travail forcé: Le travail forcé est défini par la cour depuis 1983 dans un arrêt VAN DER MUSSELE contre Belgique: dans cet arrêt la cour nous dit que le travail forcé est «toute activité de service sous contrainte physique ou morale. Ce travail forcé se comprend comme le travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel le dit individu ne s’est pas offert de son plein gré. ». La jurisprudence en la matière est peu abondante parce qu’il est difficile d’établir la question du consentement et l’existence d’une menace. La jurisprudence sur le travail forcé, la définition qui en est donnée ne s’applique pas dans certaines situations : elle ne s’applique pas pour le travail des détenus, pour le service militaire et pour le service requis en période de crise. Cette liste n’est pas exhaustive.

2) Le principe de liberté

a) La reconnaissance juridique du principe de liberté

Depuis 1789, la liberté est un des principes fondateurs en matière de protection des droits et libertés. La liberté est un des enjeux majeurs de la déclaration de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, il s’agit de l’opposer aux pouvoirs publics, mais en même temps cette liberté est perçue comme instaurant des relations entre les individus.

Dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, l’article Ier nous dit que «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits». L’article 2 nous dit que «Parmi les droits naturels et imprescriptibles de l’hommefigure la liberté de l’homme ». L’article 4 précise que «la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui». A l’article 66 de la Constitution, est mentionné que l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle qui doit être comprise comme l’atteinte à l’emprisonnement de manière arbitraire

La liberté apparaît aussi dans des textes internationaux. Elle apparaît déjà dans la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme en son article Ier puisqu’elle nous mentionne que «Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits ». L’article 3 dispose que «tout individu à droit à la vie, à la liberté, à la sûreté de sa personne ».

Au niveau européen, l’article 5 de la Convention européenne précise que «toute personne a droit à la liberté et à la sûreté»

b) Les conséquences juridiques de la consécration du principe de liberté

Quelles sont ses conséquences juridiques?

  • Au niveau contentieux, la protection de la liberté des individus est confiée en premier au juge judiciaire. Cela s’explique par le fait que fin 18ème siècle, il n’existe pas de juridictions administratives modernes, on a pas de juge non plus au niveau constitutionnel. De même que l’article 66 de la constitution précise que c’est le juge judiciaire qui est compétent pour assurer le respect et la sauvegarde de la liberté individuelle.

Au départ il existait plusieurs sources dans la Constitution pour la liberté individuelle. Il y avait l’article 66 de la Constitution relatif au droit de ne pas être emprisonné arbitrairement. Pour la liberté de manière générale, plusieurs articles lui sont relatifs dans le bloc de constitutionnalité. On a les articles 1ers, 2 et 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Le problème est que quand le Conseil Constitutionnel s’est prononcé sur la liberté individuelle, il lui a donné comme fondement constitutionnel un PFRLR, et ce pour la première fois en 1977.

Dans un second temps, il va se rendre compte de son erreur, et il va fonder le principe de liberté sur l’article 66 de la Constitution. Pour le Conseil Constitutionnel, la liberté est la liberté individuelle. Le Conseil Constitutionnel a une conception extensive de la liberté individuelle. Il va fonder toutes les libertés, y compris celles qu’il ne signifie pas directement, sur cet article 66 de la Constitution. La liberté individuelle, selon 66 de la Constitution, c’est la privation de liberté, et non pas la restriction de liberté. Pour le Conseil Constitutionnel, quand on touche à la liberté, c’est de la liberté individuelle, protégée par l’article 66. Or, il y a d’autres fondements possibles (1, 2, 4 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen). Cela vient dénaturer le concept même de liberté individuelle.

Dans une troisième étape, le Conseil Constitutionnel, qui se rend compte de son erreur, va découvrir une nouvelle catégorie de liberté, qui sont les libertés personnelles, qui en principe relèveront de la compétence du juge administratif. Cela va lutter contre la conception extensive de liberté individuelle. A partir de DC 2004 « Perben II », le Conseil Constitutionnel distingue clairement les libertés personnelles protégées par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, et la liberté individuelle, protégée par le juge judiciaire, en vertu de l’article 66 de la Constitution. Libertés personnelles # liberté individuelle.

c) Les droits corollaires du principe de liberté

Le principe de liberté est un principe gigogne. Il renferme :

  • Le droit à la vie privée

  • Le droit au respect de son domicile

  • La liberté de correspondance

  • La liberté d’expression et la liberté d’opinion

  • La liberté d’aller et venir

Il y a des conséquences en droit pénal relatives à la liberté. Ce qui découle de la liberté, et notamment de la liberté individuelle, c’est la présomption d’innocence, le droit d’être jugé, le droit d’appel. Également règle non bis in idem.

§ 3 : Le principe d’égalité

L’article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen précise que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. L’égalité n’est pas mentionnée dans l’article 2 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui énumère les droits naturels et imprescriptibles de l’homme. La question se pose de savoir si et comment le droit, et notamment le droit français, va protéger l’égalité en droit.

On a une première réponse puisque, dans le Préambule de 1946, l’égalité apparaît comme un principe fondamental. Il est fait mention qu’il ne peut y avoir de discriminations en raison de la race, de la religion, des croyances, ou entre hommes et femmes.

A) Le rattachement accessoire du principe aux textes qui le fondent

Dans sa Jurisprudence, le Conseil Constitutionnel n’éprouve pas la nécessité de donner un fondement constitutionnel explicite au principe d’égalité. Dans une décision de 1987, il va dire pour consacrer l’égalité que pour recevoir une prestation sociale, le législateur va fixer une condition de résidence, mais en vertu du principe d’égalité, il ne pourra y avoir de discrimination du fait de cette condition entre les allocataires de cette prestation sociale. Cela illustre le fait que le Conseil Constitutionnel n’est pas regardant avec les principes. Il parle d’égalité et de discrimination, alors que ce n’est pas mentionné dans la Constitution.

Les sources du principe sont très nombreuses car l’égalité est mentionnée dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, elle apparaît aussi dans le préambule de 1946 et dans le corps de la Constitution de 1958. Tout comme la liberté, l’égalité est un principe gigogne

B) Les cas d’application du principe d’égalité

L’égalité, de manière classique, s’applique dans le cadre de l’égalité devant la justice, ou dans le cadre de l’égalité devant les charges publiques (fiscalement). L’égalité s’applique aussi en matière de droits économiques et sociaux, car du préambule de 1946 découle un droit à plusieurs choses.

  • Egalité dans la représentation des salariés

  • Egalité du traitement hommes / femmes

  • Egalité devant les prestations sociales

Aujourd’hui on a une remise en cause du principe d’égalité. Les constituants de 1789 imaginaient un système abstrait dans lequel on serait libres et égaux en droit. Depuis 1789, plusieurs questions ont été posées à propos de cette égalité en droit car elle n’est pas parvenue à faire disparaître les inégalités. On ne peut pas remédier aux inégalités avec l’égalité en droit. Il a été posé la question de savoir comment aider les catégories défavorisées quand on parle d’égalité en droit. Peut-on aujourd’hui combiner une citoyenneté abstraite avec une appartenance à des cultures ou à des religions différentes ?

Peut-on aider les femmes à obtenir une place équivalente à celle des hommes dans les institutions politiques ?

Avec ces questions, on se rend compte que l’égalité en droit est insuffisante, c’est la raison pour laquelle il existe aujourd’hui un traitement équitable de l’égalité. Avec l’équité, on va introduire des inégalités pour rétablir une égalité de fait (question des discriminations).

  1. Entre non-discrimination et droit à l’indifférence

Le principe d’égalité pris dans le cadre de l’égalité de fait implique de discriminer, c’est à dire de traiter différemment.

Xavier Bioy → « La non-discrimination c’est à la fois l’aspect négatif de la dignité et de l’égalité et le degré minimum et formel de l’égalité. Le principe de non-discrimination refuse de différencier selon des critères qui constituent la personnalité de l’individu (c’est l’aspect négatif de la non-discrimination, non-discriminer, c’est pouvoir traiter des personnes différentes de la même manière). L’égalité de fait implique au contraire de réserver ou de créer juridiquement des avantages pour certains.

  • Cet aspect positif amène ainsi à différencier pour égaliser, tous on droit à l’égalité, mais l’égalité n’est pas la même pour tous ».

  • L’aspect négatif de la non-discrimination découlant de l’égalité en droit : l’indifférence à la personne

La non-discrimination implique de ne pas tenir compte de différences et va se manifester sous la forme d’un droit subjectif. Comme on parle de non-discrimination, on va avoir la notion de discrimination directe et indirecte.

  • On parle de discrimination directe quand des personnes en situation identique sont traitées de manière différente. Cela prive les personnes de leur accès au droit en totalité. Ce comportement peut être sanctionné par le juge et il est beaucoup sanctionné par le juge européen.

  • On parle de discrimination indirecte ou « à rebours » quand elle traite de manière identique des personnes dont la situation est objectivement différente.

6 avril 2000, CEDH, « Thlimmenos c/ Grèce ». La CEDH distingue les deux types de discrimination et dit qu’il peut y avoir discrimination directe quand un individu dans une situation identique à d’autres est traité différemment, et indirecte quand sans justification objective et raisonnable les États n’appliquent pas un traitement différent à des personnes dont le situations sont sensiblement différentes. La CEDH donne ici une définition de la discrimination directe ou indirecte.

On va consacrer petit à petit la question de la non- discrimination. Tout d’abord au niveau des nations-unies, le principe est repris de façon quasi-systématique, mais son champs d’application varie selon les textes. Pour la Charte des Nations-Unies, il est fait référence à l’interdiction de toute discrimination fondée sur la race, le sexe, la langue ou la religion. Pour la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme, chacun peut se prévaloir de ses droits sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, ou d’origine nationale. Le pacte international des droits civils et politiques précise que toutes les personnes ont droit sans discrimination à une égale protection devant la loi.

Au niveau du droit européen, c’est l’article 14 de la CEDH qui traite de la non-discrimination. Il nous dit que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur le sexe, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques, ou toutes autres opinions, l’origine nationale, sociale, l’appartenance à une minorité, la fortune, la naissance, ou toute autre situation ». Dans un premier temps, cet article devait être utilisé seulement lorsqu’il était couplé à un droit garanti par la CEDH (exemple de l’arrêt Chassagnou). Il y a eu une évolution, car la CEDH a découvert un certain nombre de droits sociaux qu’elle a d’abord rattaché à des droits garantis. Par exemple, décision de 1996 rattachant le droit à une allocation chômage au droit au respect de ses biens. Elle va petit à petit découvrir des droits sociaux qu’elle va rattacher à l’article 14 de la CEDH. L’article 14 s’autonomise.

Exemple de Jurisprudence sur la discrimination non liée à un droit garanti → CEDH, 21 décembre 1999 « Salgueiro Da Silva Mouta c/ Portugal », on utilise seul l’article 14 à propos du refus de droit de garde opposé à un père en raison de son homosexualité. La CEDH condamne une différence de traitement qui repose sur l’orientation sexuelle du requérant.

La CEDH va même jusqu’à donner un effet horizontal à l’article 14 (concernant une personne privée face à une autre personne privée). Exemple d’un testament disputé entre frères et enlevant tous les droits à l’enfant adopté.

Le protocole n°12 de la CEDH traite aussi de la discrimination. Il est signé en 2000 et entre en vigueur en 2005.

Le droit communautaire consacre aussi ce principe de non-discrimination. Plusieurs éléments. Directive du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique. Cette directive définit la discrimination indirecte qui selon elle « se produit quand une disposition un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres, à moins que cette disposition, ce critère, ou cette pratique, ne soit objectivement justifié par un objectif légitime ».

La charte des droits fondamentaux parle de non-discrimination dans son chapitre 3.

Le TUE donne compétence à l’union pour prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination. La Cour de Justice de l’Union Européenne a une Jurisprudence importante, notamment sur la question de la parité, et peut, contrairement à la CEDH, corriger les dispositions internes.

Au niveau du droit interne, les articles qui touchent plus ou moins directement à la discrimination sont les article 6 (la loi doit être la même pour tous) et 13 (la contribution commune doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés) de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Le Conseil Constitutionnel a eu à se prononcer sur des questions de discrimination, et il suit le Conseil d’État puisqu’il dit que des modulations à l’égalité en droit seront possibles si elles reposent sur des critères objectifs et rationnels. Le Conseil Constitutionnel énonce qu’à des situations semblables, le principe d’égalité implique en principe un traitement semblable, mais l’application de ce principe ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes fassent l’objet de solutions différentes. Pour le Conseil Constitutionnel, le législateur n’est pas obligé de traiter différemment des personnes dans des situations différentes. Le Conseil Constitutionnel a eu beaucoup à s’intéresser à cette question depuis l’introduction de la Question prioritaire de constitutionnalité. La 1e décision Question prioritaire de constitutionnalité (28 mai 2010) est une décision sanctionnant une discrimination (il s’agissait de l’obtention de pensions).

Au niveau du droit pénal, la non-discrimination est présente. Le Code pénal définit la discrimination comme « toute distinction opérée entre les personnes physiques en raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur orientation sexuelle, de leur appartenance à une ethnie ou une religion déterminée… »

Au niveau du droit social, le Code du travail a mis en œuvre un dispositif de lutte contre les discriminations par une loi du 27 mai 2008 énonçant « qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte ».

Les critères illégitimes de la discrimination : On a des interdits fondamentaux, qui signifie que le préambule de 1946, et la Constitution de 1958 ont posé des interdits fondamentaux cad concernent la discrimination fondé sur la race, la religion et les opinions politiques. Une loi du 1er juillet 1972, qui pénalise les comportements discriminatoires qui sont fondés sur les critères tels que la race, religion, opinion publique… mais ajoute les discriminations fondées sur les mœurs, le handicap, l’État de santé, et l’orientation sexuelle.

Mais différence entre les systèmes dit ouverts, ou les systèmes fermés à la sanction de la discrimination. Qu’est ce que cela signifie ? Dès lors, qu’est inscrit l’adverbe notamment dans la loi, dans la convention, dans une norme, donc système ouvert. Et système fermé, quand les États protègent les droits fondamentaux.

La liste des critères illégitimes : c’est l’interdiction de la discrimination fondé sur la nationalité, sauf pour le domaine de l’accès à la fonction publique. Ensuite, interdiction du racisme, la Cour EDH nous dit dans un arrêt de 2005, Timishev contre Russie, faits : attitude discriminatoire de la part des autorités russes à l’égard d’un citoyen d’origine Tchéchène, et donc pour la Cour «nul différence de traitements fondé exclusivement ou fondé de manière décisive sur l’origine ethnique d’une personne n’est susceptible d’être justifié dans une société démocratique contemporaine construite sur les principes de pluralisme, et du respect des différentes cultures ».

Il existe, une convention internationale, qui porte sur l’élimination de toutes formes de discriminations raciales, qui date de 1965, entré en vigueur en 1969, et ratifié par la France en 1971, le préambule précise que » les États signataires sont convaincus que toutes doctrine de supériorité, fondé sur la différenciation entre les races est scientifiquement fausse, moralement condamnable et socialement injuste et dangereuse « . En France, La loi Gayssot en 1990, nous explique qu’elle condamne les propos révisionnistes, et négationnistes cad les thèses qui ont nié la reconnaissance du génocide juive durant la Seconde Guerre Mondiale. Par contre en 2011, une loi avait été crée qui faisait la même chose pour le génocide arménien. Le Conseil Constitutionnel en 2012, a sanctionné cette loi car il a considéré que le législateur, outre passait ses pouvoirs car il se prend pour un historien. L’ensemble de ces jurisprudences qui viennent sanctionner les pratiques discriminatoires vont conduire à un développement du principe d’égalité. On parle du déploiement de l’égalité.

L’aspect positif de la non discrimination : c’est la reconnaissance des différences. C’est un droit à l’égalité réelle qui conduit à reconnaître les différences de chacun.

Le droit à l’égalité fait partie du droit à l’égalité professionnelle, domaine où on a eu beaucoup de législation. Une loi en 2001, relative à l’égalité professionnelle entre hommes et femmes ; loi de 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Dans la fonction publique, cette question est apparu assez tôt dans la jurisprudence du Conseil d’État, ce n’est qu’en 1936 que le Conseil d’État reconnaît l’aptitude des femmes à accéder aux emplois publiques. . Au niveau communautaire, des directives viennent parlaient de l’égalité professionnelle, une directive de 2000, sur l’égalité de traitement dans l’emploi ; directive de 2004 traitant de l’égalité des sexes dans l’accès aux biens et aux services.

Le critère de l’orientation sexuelle, en France on a travaillé à la dépénalisation de l’homosexualité après Vichy. La CEDH a toujours jugé, sur le fondement de l’art 14, qu’une distinction en fonction de l’orientation sexuelle est discriminatoire si elle manque de justification objectif et raisonnable. Dans arrêt de 2003, L et V contre Autriche, la Cour condamne la législation autrichienne qui établissait des âges différents pour l’interdiction des relations hétérosexuelles et hétérosexuelles. Mais la législation autrichienne n’a pas changé, elle reste assez verrouillée. Par contre, la cour laisse une forte marge d’appréciation aux États sur la question du mariage entre personne du mm sexe. C’est une marge nationale d’appréciation.

En France, on ne peut plus dire qu’on opère une égalité réelle. Dès 1999, le rapport Bellorgey souhaite ardemment lutter contre les discriminations, pousser et souhaite la réflexion sur les laideurs sociales de notre société cad qu’on est plus devant une égalité réelle. En France, il existe un principe général d’égalité. On fait la différence entre principe général du droit et ce droit à l’égalité apparaît dans le domaine professionnelle, plus généralement la parité hommes/femmes. Il a conduit à une modification de la Constitution en 1999 en son article 3, on a inscrit que la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes, au mandat électoraux et fonctions électives. On a deux lois en 2000, 6 juin et 4 juilletqui instaurent des quotas dans les scrutins de listes. Une loi du 9 mai 2001, instaure des quotas voire pour certaines instances, une égalité « parfaite » au sein d’instance paritaire professionnelle. Une loi du 27 janvier 2011, parle d’égalité de représentation au sein des conseils d’administration, et de Conseil de surveillance.

Dans le domaine éducatif, on a un droit à une égale égalité des chances, une égale éducation. Par exemple, Sciences Po Paris, est habilité a adopté des procédures d’admissions, comportant des « modalités particulières destinées à assurer un recrutement diversifié parmi l’ensemble des élèves de l’enseignement du second degré « . Le Conseil Constitutionnel a validé cette pratique au nom de l’égalité des chances.

4) Le principe de pluralité

Contrairement a la liberté et l’égalité, la pluralité n’apparaît pas ds les textes constitutionnels. Mais peut être déduite de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, relatif à la libre expression des idées et opinions.

a) Les sources du principe

Cette pluralité apparaît dans la jurisprudence constitutionnelle, dans une décision de 1981, le Conseil Constitutionnel est venu examiner une loi qui fixé des dérogations au monopole de l’État, sur les radios. Le Conseil Constitutionnel admet les dérogations au nom de la liberté de communication, de la liberté de presse et de la liberté audiovisuelle. Dans une décision de 1984, le Conseil Constitutionnel ns dit que l’exigence de pluralisme est un objectif à valeur constitutionnelle. Ce qui était en cause était la presse écrite. Liberté de la presse qui découle de cette exigence. En 1990, sur la question du financement des parties politiques, le Conseil dit que le pluralisme devient le fondement de la démocratie. Ce principe n’est pas inscrit dans la Constitution.

Pr la CEDH, depuis longtemps attache une importance à la notion de pluralisme, dans l’arrêt Handyside contre RU de 1976, en l’espèce, les tribunaux britanniques avaient fait saisir les ouvrages de Mr Handyside «le petit livre d’école » qui avait été distribué dans les écoles pour des élèves âgés de 12 à 18ans. Cette ouvrage avait pour objet de faire l’éducation sexuelle des enfants et mentionné dès la première page, « que la pornographie est un plaisir inoffensif si on ne l’a prend pas au sérieux ». Le requérant épuise toutes les voies de recours internes et va devant la CEDH soulevant une atteinte à sa liberté d’expression (art 10) et la cour valide l’action des autorités nationales. Elle dit que l’action des pouvoirs publics avait pour but de protéger la morale. Et donne sa conception du pluralisme, elle dit que «la liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées, accueillis avec faveur, ou considéré comme inoffensive mais aussi pour celles qui heurte, choque ou inquiète l’État, ou une fraction de la population. Ainsi, le veuille le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture, sans lesquels il n’y aurait pas de société démocratique ».

b) Les applications du principe de pluralité

En matière de liberté de la presse, d’enseignement, religieuse, et dans les droits concernant les partis politiques :

  • Libre expression des partis

  • Liberté de suffrage

  • Libre constitution des partis

A condition de respecter la souveraineté nationale et la démocratie en France

B) La question de la fondamentalité des droits et libertés

On identifie des droits et libertés sans vraiment savoir en quoi ils sont fondamentaux. Cela suscite un débat important.

Véronique Champeil-Desplats, professeure à Nanterre, travaille sur la question de la fondamentalité, et nous dit qu’il n’y a pas d’autres critères pour définir un droit fondamental que l’analyse de la Jurisprudence du Conseil Constitutionnel. Elle dit que c’est le Conseil Constitutionnel qui décide lui-même de qualifier ou non un droit de « fondamental ».

Etienne Picard dit que la fondamentalité d’un droit est évolutive, . La qualification de fondamentalité, pour un droit, pourra disparaître avec le temps. L’auteur nous dit cela, mais on n’a pas vu de droits fondamentaux qui ont été supprimés. Il poursuit en disant que pour lui, pour découvrir un droit fondamental, il faut se référer à des évènements extérieurs au droit. Quand on a découvert le droit fondamental de protection de la dignité, on était dans un contexte de progrès scientifique et de bioéthique. On part de la société civile pour arriver à découvrir un droit fondamental.

Pour d’autres, les droits fondamentaux ne seraient que les libertés individuelles. C’est restrictif. Cela exclut les droits-créances et les libertés collectives.

Certains disent que les droits fondamentaux ne sont que les droits de rang constitutionnel. C’est une conception restrictive car certains droits consacrés par le législateur pouvaient être perçus matériellement comme des droits fondamentaux. Le Conseil d’État est venu découvrir un certain nombre de PGD, qui en matière de défense ou de service public ont un caractère fondamental.

Partie 2 : Le régime commun de protection des droits et libertés fondamentaux

Question de la garantie des droits et libertés. Il ne suffit pas que les droits soient proclamés pour être protégés. Il faut qu’ils bénéficient d’une protection contentieuse ou non contentieuse. Il va exister des limites à la protection des droits et libertés.

Chapitre 1 : Les limites à la protection des droits fondamentaux

L’idée est qu’il existe de nombreuses limites et qu’elles sont même plus importantes que les mécanismes de protection. Les droits ne sont pas absolus.

Section 1 : Les limites de la société internationale

En principe, les droits sont universels ou ils ne sont pas. On observe qu’au niveau international, le discours juridique sur les droits fondamentaux est souvent biaisé par le discours politique. On voit que finalement, dans la société internationale, il y a une grande distance entre la théorie sur les droits et la pratique du droit. Dans la société internationale, il y a de nombreuses violations des Droits de l’Homme, déjà dans les États de type autoritaire, mais aussi dans les sociétés dites « démocratique », et dans les pays dont le développement économique est insuffisant.

Par exemple, dans certains Pays en développement, les Constitutions mentionnent la protection de la vie privée, mais quid de cela quand il n’y a pas de moyen de se loger ? Idem pour le droit à la santé sans accès au soin. C’est une limite à la protection.

Dans la société internationale, la violation des Droits de l’Homme est bien présente. On va essayer de dresser un bilan des difficultés et des limites qui existent en matière de protection.

§ 1 : Un dialogue international relativement laborieux

A) Les obstacles politiques

On va avoir des discours de certains États qui vont constituer un frein à la protection des droits dans un autre État. Les États sont sélectifs dans le cadre des condamnations d’autres États qui violent les droits et libertés. Le réalisme politique impose parfois de soutenir des régimes attentatoires aux libertés.

Par exemple, la France a pendant longtemps, dans le cadre de ses relations franco-africaines, soutenu des régimes autoritaires, du fait de relations économiques et politiques, avec la décolonisation.

Par exemple, les USA, en 1973, ont soutenus les militaires chiliens de Pinochet qui avaient renversés le régime socialiste de Salvador Allende.

B) Les obstacles juridiques

L’égalité souveraine des États en constitue un. De ce principe d’égalité souveraine découle le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État. Ce principe va impacter plus ou moins directement les ressortissants des États. Deux cas :

  • Les individus subissent un préjudice de la part d’un État étranger au leur. Leur État va pouvoir leur apporter une protection qui sera diplomatique. On tiendra compte dans le cadre de cette protection du rapport de force politique qu’il existe entre les États. Il y a cependant des limites.

  • Le dommage provient de l’État dont les individus seront ressortissants. Le conflit va alors se régler en interne. Idée de non-ingérence. Sauf à ce que ce soit jugé après épuisement des voies de recours interne devant la CEDH, ou sauf à faire jouer le droit pénal international et à faire appel à la CPI, la justice est considérée comme un pouvoir régalien. C’est avec ce pouvoir que l’État va exprimer sa souveraineté.

Dans ce cadre, certaines populations seront très vulnérables, notamment les minorités, qu’elles soient ethniques, religieuses, ou nationales, car dans certains États, elles ont une réduction de leurs droits. En Europe, on pense à la Hongrie (Magyar, Slovaques…).

Également les apatrides, qui ne peuvent pas bénéficier d’une protection diplomatique. Comme le droit international est impuissant, c’est le droit humanitaire qui va prendre le relais.

§ 2 : Les insuffisances du droit international des Droits de l’Homme

A) L’ambiguité des textes

Cette ambiguité provient avant tout de la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme. Cette Déclaration Universelles des Droits de l’Homme tente de concilier idéologie libérale et idéologie socialiste, cela pour arriver à un consensus politique entre les États au sortir de la 2e Guerre Mondiale. La Déclaration Universelles des Droits de l’Homme retranscrit avant tout les valeurs de la société occidentale et plus particulièrement du monde libéral. L’ambiguité des textes perdure car sur un certain nombre de dispositions apparaissent des considérations individualistes de la société libérale et collectivistes de l’idéologie socialiste. L’article le plus ambigu est l’article 17 Déclaration Universelles des Droits de l’Homme sur le droit de propriété.

On aura amélioré les défauts de l’ambiguité avec les pactes internationaux de 1966.

B) Le manque d’effectivité de la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme

La Déclaration Universelles des Droits de l’Homme n’a pas de valeur juridique contraignante. Les principes contenus dans la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme ont été retranscrits dans les conventions internationales qui sous couvert de ratification ont valeur supérieure en droit interne.

Convention relative à la protection des réfugiés et apatrides de 1951

Convention sur les droits des femmes de 1953

Convention de l’OIT sur le refus de discriminations en matière d’emploi et de profession de 1958

Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination raciale de 1965

Convention relative à la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution de 1967

Ces conventions ont des limites. Il faut que les États adhèrent volontairement et que les conventions entrent en vigueur à la suite d’une ratification. La CEDH date de 1950, la France ne l’a ratifiée qu’en 1974, et n’a donné valeur au processus de saisine individuelle qu’en 1981.

Section 2 : Les limites dans la société nationale

Il y a des limites d’ordre juridique qui concernent certaines catégories de personne dans la société nationale :

  • L’âge et la majorité → Les droits politiques ne seront effectifs qu’à la majorité, pour la France, c’est en 1974 qu’on a décidé que la majorité était de 18 ans.

  • Le sexe → Question des femmes, elles ont eu le droit de vote en 1944.

  • La nationalité → Les étrangers n’ont pas de droit d’entrée libre sur le territoire national, et même en situation régulière sur ce territoire, ils ne bénéficient pas de tous les droits qu’ont les nationaux. Par exemple le droit de vote (on distingue alors les citoyens européens ayant le droit de vote aux élections locales et les non citoyens)

  • La fonction → Les militaires et certains fonctionnaires obéissent à leur autorité hiérarchique et doivent mentionner les déplacements sur le territoire national, ainsi que leur volonté de se marier. Certains fonctionnaires sont assignés à résidence.

  • Les prisonniers → Ils ne disposent pas de tous leurs droits civils et politiques.

Limites plus générales qui vont toucher toutes les personnes de la société nationale, on parle de limites extérieures au système juridique :

  • Facteurs économiques → Certains droits, notamment la liberté de circuler, de choisir son logement, sont des limites si la personne ne possède pas un revenu suffisant.

  • État actuel des connaissances scientifiques → Avec le développement des moyens d’information, les risques d’atteinte à certains droits se multiplient. Par exemple, le respect de sa personnalité, des correspondances, de sa vie privée. Facebook, Google…

  • Progrès des sciences et des techniques → Peuvent considérablement limiter nos droits. Progrès en matière de biotechnologie humaine. On ne sait plus ou commence et ou se termine la vie. Question de recherches sur l’embryon avec le principe de dignité humaine. Questions d’euthanasie également. De plus en plus de gens admettent le clonage humain, mais la personne clonée, ou serait-elle juridiquement ? Au niveau de la dignité humaine, quid de l’eugénisme ? La personne clonée vieillit moins rapidement que son clone.

  • État de la mentalité collective à un moment donné → On parle aussi de l’état de l’éthique sociale. Question du droit au respect de la vie privée et du droit à la différence dans trois domaines qui suscitent des discussions : Le mariage homosexuel, l’adoption par un couple homosexuel, et le transsexualisme.Le droit s’imprègne de l’état de la conscience collective et l’épanouissement d’un droit (respect de la vie privée pour le transsexuel) va dépendre de l’avis de la société sur le sujet. Sur le transsexualisme c’est symptomatique de l’évolution de la société et du droit.

Dans les années 1990, on a eu des Jurisprudence de la Cour de cassation qui s’opposaient à la volonté de femmes de modifier leur acte de naissance pour inscrire sur ce dernier la mention « sexe masculin ». La Cour de cassation disait « le transsexualisme même médicalement reconnu ne peut s’analyser comme un véritable changement de sexe ». La CEDH est venue sanctionner la France dans une décision de 1992. La France avait enfreint l’article 8 CEDH relatif au droit au respect de sa vie privée en ne permettant pas le changement de sexe sur l’acte de naissance. Dans une décision de 1992, la Cour de cassation admet la possibilité d’une intervention chirurgicale et du changement d’état civil de la personne. Elle précise tout de même que l’intervention chirurgicale doit être pratiquée dans un but thérapeutique. L’état des mentalités fait qu’on a une progression, même lente.

Chapitre 2 : Les différentes protections des droits et libertés fondamentaux

Section 1 : L’atténuation de la protection des droits en période exceptionnelle

Lié à l’idée que l’intérêt général va parfois imposer un régime de circonstances exceptionnelles, et donc la protection des droits sera amoindrie. Ce régime peut résulter de la Constitution, soit de la Jurisprudence, soit de la loi.

§ 1 : L’article 16 de la Constitution de 1958

« Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire, ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances après consultation officielle du Premier Ministre, des Présidents des Assemblées, ainsi que du Conseil Constitutionnel »

Il s’agit d’un cas exceptionnel de suspension des garanties des droits et libertés. Cela car apparaissent des circonstances exceptionnelles qui impliquent une restriction des droits pour assurer aux pouvoirs publics constitutionnels dans les moindres délais les moyens d’accomplir leur mission. L’article 16 de la Constitution a pour origine le discours de Bayeux du 16 juin 1946.

Cet article a été utilisé une seule fois, par le Général de Gaulle en mai 1961 (putsch des généraux), et ce durant 5 mois. Il va instituer un tribunal militaire à compétence spéciale pour juger les crimes commis durant la Guerre d’Algérie. En 2008, on a décidé de maintenir 16 de la Constitution dans la Constitution. Cependant, des limites sont prévues dans le cadre de l’utilisation de 16 de la Constitution. Deux sortes :

  • Garanties de forme

Le Président de la République possède la compétence de recourir à l’article 16 de la Constitution, mais il doit consulter certaines autorités avant de mettre en œuvre ces pouvoirs exceptionnels. Il doit consulter le Premier Ministre, les présidents des assemblées, et le Conseil Constitutionnel. Les avis de ces 4 personnes sont consultatifs. Le fait de publier l’avis du Conseil Constitutionnel donne une certaine force tout de même.

Le Président de la République doit présenter un discours à la Nation sur l’utilisation de l’article 16 de la Constitution.

  • Garanties de fond

Les mesures exceptionnelles doivent avoir pour but le rétablissement du fonctionnement normal des pouvoirs publics. Le Président de la République va pouvoir intervenir dans tous les domaines pour atteindre ce but. Aucune révision n’est possible pendant l’application de 16 de la Constitution.

Le juge est mal à l’aise sur le contrôle de cette mesure. Le Conseil d’État refuse de contrôler certains actes pris en application de l’article 16.

Arrêt Conseil d’État, 1962, « Rubin de Servens » → La décision du Président de recourir à l’article 16 de la Constitution est un acte de gouvernement qui ne concerne que les rapports entre l’exécutif et le législatif, et donc c’est un acte insusceptible de Recours en Excès de Pouvoir devant le juge. Le juge administratif refuse de contrôler la durée de l’application de l’article 16 de la Constitution. Il le justifie en disant que « Le Président de la République a un pouvoir inconditionnel qui est illimité dans le temps ». Il ne contrôle pas non plus tous les actes pris par le Président de la République qui vont porter sur le domaine de la loi. Le Conseil Constitutionnel non plus n’est pas compétent, car ce sont des actes pris par le Président de la République, donc réglementaire.

Le juge administratif sera par contre compétent pour vérifier la décision de déclenchement de l’article 16 par rapport aux conditions de forme (que le Président de la République ait consulté les autorités). C’est un contrôle assez inutile. Il va contrôler également les décisions du chef de l’État prises dans l’exercice de l’article 16 de la Constitution et qui concernent le domaine réglementaire.

Cet article a fait l’objet d’une révision par la Loi Constitutionnelle du 23 juillet 2008. Il est prévu qu’après 30 jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil Constitutionnel peut être saisit par le Président de l’Assemblée Nationale ou celui du Sénat, ou 60 députés ou sénateurs. Le Conseil Constitutionnel rend un avis qui est consultatif. Au terme d’un délai de 60 jours d’exercice, cette consultation a lieu de plein droit.

Pour l’article 16, le Conseil d’État a toujours maintenu la qualité d’acte de gouvernement, mais il a précisé dans l’Arrêt du Conseil d’État , 1969, « D’Oriano », que cela devait être amoindri, car il contrôlait une mesure qui relevait de l’article 16 de la Constitution et pour laquelle il n’est normalement pas compétent. Il énonce qu’il y a une limite aux circonstances exceptionnelles qui est celle de la reconnaissance des droits de la défense.

Sébastien Platon s’interroge sur l’efficacité de la révision et énonce qu’avec cette révision, le comité Balladur n’a proposé qu’un « toilettage de surface » de l’article 16 de la Constitution. Ce qu’il eut été correct d’accomplir aurait été d’instaurer non pas un avis consultatif du Conseil Constitutionnel à 30 et 60 jours, mais d’avis conforme du Conseil Constitutionnel. Cette proposition d’avis conforme serait venue contredire la Jurisprudence « Ruben de Servens » qui est toujours valable.

Il s’interroge aussi sur la question du cumul des lois portant circonstances exceptionnelles avec l’utilisation de l’article 16 de la Constitution. Il dit qu’en soi, puisque ce n’est pas précisé dans le texte, il est possible d’invoquer en même temps à la fois l’article 16 de la Constitution, l’état d’urgence, et l’état de siège.

§ 2 : Des lois spéciales en période de crise

A) L’état de siège

Il est prévu par une loi du 9 août 1849, il a été modifié plusieurs fois, pour la dernière fois en 1916. Il est repris par 36 de la Constitution. C’est un régime de circonstances exceptionnelles.

Il est décrété en conseil des ministres, sa prorogation au-delà de 12 jours doit être autorisée par le Parlement. Il faut l’existence, la survenance d’un péril imminent tel qu’une guerre, une insurrection armée, une grave crise menaçant les institutions politiques, que le gouvernement ne pourrait pas surmonter avec les moyens ordinaires qu’il a à sa disposition. Cet état de siège entraîne l’attribution de pouvoirs de police exceptionnels au bénéfice des autorités militaires. Elles peuvent :

  • Faire des perquisitions de jour et de nuit

  • Interdire des réunions ou des manifestations

  • Ordonner la remise d’armes ou de munition

  • Eloigner certaines personnes jugées dangereuses.

  • Manger des pizzas

Cette disposition n’a jamais été utilisée sous la Ve République.

B) L’état d’urgence

Créé par une loi du 3 avril 1955. C’est un régime spécial s’inspirant de l’état de siège. Il est décidé par décret en conseil des ministres et sa prolongation au-delà de 12 jours est décidée par le législateur. Il s’agit de renforcer les pouvoirs du ministre de l’intérieur et des préfets. Il peut être utilisé quand il y a péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public et quand des évènements présentent par leur nature et leur gravité le caractère de calamités publiques. Il a été mis en œuvre 3 fois :

  • En Algérie en 1955

  • En Nouvelle-Calédonie en 1985 → Cela a donné lieu à la décision du Conseil Constitutionnel de 1985 « État d’urgence en Nouvelle-Calédonie » dans laquelle le Conseil Constitutionnel refuse de contrôler la constitutionnalité de la loi, notamment par rapport aux droits fondamentaux. Il a une compétence uniquement de contrôle a priori. Le Conseil Constitutionnel est timide dans le cadre de son contrôle, et il précise la compétence du législateur pour établir un régime restrictif des libertés. Il dit « qu’il appartient au législateur d’opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public sans lequel l’exercice des libertés ne saurait être assuré ». Il ne peut pas examiner une loi qui a déjà été promulguée (elle avait été promulguée après 12 jours selon la procédure).

  • En 2005 pour réagir aux troubles dans les banlieues. S’est posée la question de l’intérêt de recourir à cela, notamment s’agissant du contexte. On n’est ni hors métropole, ni dans une grave crise. Le Conseil d’État a eu à connaître de contentieux à ce propos en 2005.

Ordonnance du Conseil d’État, 14 novembre 2005 « Robin » → Le requérant contestait la mise en œuvre de l’état d’urgence, et le juge se reconnaît compétent. Le contrôle du juge administratif est présent, mais superficiel, et l’issue est discutable. Le juge administratif reconnaît au Président de la République un pouvoir d’appréciation étendu quand il décide de déclarer l’état d’urgence et quand il décide d’en définir le champs d’application territorial. On parle seulement de doute sérieux, et l’autorité publique a toute compétence pour apprécier la gravité de l’intervention. Le Conseil d’État valide la démarche des autorités publiques alors que ces mêmes autorités avaient constaté une régression de la violence dans les banlieues au moment du déclenchement de l’État d’urgence.

Conseil d’État, 9 décembre 2005, « Allouache » → Est fait un référé qui porte sur la durée de l’état d’urgence. Le Conseil d’État se dit compétent pour apprécier la durée de l’état d’urgence mais son contrôle reste encore restreint. Il donne raison au Président de la République et au gouvernement, donc il est peu exigeant. Il laisse une latitude d’action au chef de l’État pour mettre fin au décret d’état d’urgence avant l’expiration du délai. Au départ, le Président voulait faire continuer l’état d’urgence, mais le Conseil d’État a fait passer un message avec Allouache en demandant d’y mettre fin.

Le contrôle est donc présent, mais il est restreint et superficiel.

Conseil d’État, 24 mars 2006, « Boisvert et Rolin » → Les requérants demandent l’annulation de deux décrets dont l’un applique la loi de 1955 sur l’état d’urgence et l’autre déclare l’état d’urgence dans les départements qui n’étaient pas présents dans le premier décret. Il dit que le premier décret a été prorogé par une loi et donc qu’il ne peut pas être discuté de sa légalité. Il dit que le décret qui prévoit l’application de la loi de 1955 a pour fondement une loi dont il n’appartient pas au Conseil d’État, statuant au contentieux, d’apprécier la constitutionnalité. Le Conseil d’État est mal à l’aise avec le contrôle car la situation est passée. Il refuse le contentieux. On ne sait pas s’il est compétent ou pas compétent. D’abord il l’était superficiellement en se tenant à l’appréciation du Président de la République, puis il se cache derrière la validation du Parlement pour dire qu’il n’est pas compétent.

Dans le cadre de l’état d’urgence, le ministre de l’intérieur, les préfets et les autorités civiles peuvent faire :

  • Réglementer la circulation

  • Réglementer le séjour des personnes

  • Ont un droit général de réquisition

  • Exiger la fermeture de lieux publics

  • Perquisitionner

  • Contrôler les moyens d’information (n’a pas joué en 2005)

  1. La défense nationale et la mise en garde

La défense nationale renvoie à l’organisation de la Nation en temps de guerre. Elle a été fixée par une loi de 1938. Elle est décidée et mise en œuvre par un décret pris en conseil des ministres car « il y a un cas d’aggravation manifeste qui met le pays dans la nécessité de pourvoir à sa défense ou car il constate des tensions extérieures manifestes ».

  • Droit de réquisitionner les français de plus de 18 ans pour un service civil

  • Droit de réquisitionner le personnel des entreprises

  • Droit de suspendre l’exercice du droit de grève

  • Droit de suspendre l’exercice de la circulation

  • Droit de suspendre les importations et exportations

  • Droit de suspendre la mise en vente de certains produits

  • Droit de suspendre la détention (on enferme plus personne de nouveau)

L’ordonnance de 1959 institue la mise en garde. Elle obéit aux mêmes règles de forme que l’état d’urgence. Elle a 3 objectifs :

  • Permettre la liberté d’action du gouvernement

  • Diminuer la vulnérabilité des populations civiles

  • Garantir la sécurité des opérations de mobilisation

Cela doit se produire avant l’état d’urgence. Cela permet au gouvernement :

  • De requérir des personnes, des biens et des services

  • De soumettre à contrôle et à réparation les ressources énergétiques, la matière première, et les produits industrialisés nécessaires au ravitaillement.

Tant pour la mise en garde que pour la défense nationale, on a affaire à des actes administratifs susceptibles de recours. Le gouvernement a déjà eu recours à l’état de vigilance, c’est ce qu’on utilise pour le plan vigipirate.

§ 3 : L’ordre public

Selon un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne de 1970 NOLD, le juge communautaire précise que les droits fondamentaux «ne sont pas des prérogatives absolues. Ils doivent être considérés comme un droit constitutionnel de tous les états membres en fonction de la fonction sociale des biens et des activités protégées»  Cet arrêt est intéressant car il permet d’illustrer qu’au niveau communautaire on va prendre dès 70 en considération une balance entre la protection de l’ordre public et la protection des droits.

Cette considération générale de l’ordre public recouvre la possibilité pour les états d’invoquer

  • La raison d’état: l’état peut invoquer ce motif pour des raisons politiques. L’état est le seul à en apprécier la nature, le contenu et motif. Cette raison a été utilisée dans un arrêt de la CEDH de 2005 PY contre France : il y avait ici la question des conditions d’obtention de la nationalité calédonienne. La cour estime que cette condition de 10 ans de résidence «pourrait paraître disproportionnée au but poursuivi. Il faut apprécier si cette condition a constituée un élément essentiel à l’apaisement du conflit meurtrier »  La raison d’état de nos jours n’a presque plus lieu d’être

  • L’intérêt général : cet intérêt général est une limite nécessaire à la mise en œuvre des droits. C’est une notion qui n’a pas de contenu, insaisissable mais cet intérêt général est un instrument au service de tous et de la volonté générale qui s’exprime dans la loi. L’intérêt général c’est à la fois le fondement, la fin et la limite de la fonction administrative. Le contrôle juridictionnel de l’intérêt général est très étendu. Le conseil constitutionnel contrôle toujours la façon dont la loi répond à l’objectif d’intérêt général. Le conseil d’état contrôle in concreto le respect de cet objectif par l’acte administratif et le juge européen mentionne l’objectif d’intérêt général et apprécie l’intérêt général dans la sphère des droits fondamentaux.

L’ordre public est moins large, moins souple que celle de l’intérêt général. Au niveau constitutionnel l’ordre public n’est mentionné qu’une fois à l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen «Nul ne peut être inquiété pour ses opinions même religieuses pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi» L’ordre public est donc un objectif à valeur constitutionnelle qui doit guider l’action administrative.

Cet ordre public apparaît dans la jurisprudence du conseil constitutionnel et dans 2 décisions : décision de janvier 1981 sur la loi sécurité et liberté : «la liberté individuelle et celle d’aller et venir doivent être conciliées avec ce qui est nécessaire pour la sauvegarde des fins d’intérêt général ayant valeur constitutionnelle tel que le maintien de l’ordre public » + décision du conseil constitutionnel de mars 2003 sur la loi pour la sécurité intérieure, le conseil ici examine les prescriptions ou dispositions de la loi relatives à la fouille des véhicules

L’ordre public est aussi examiné par le conseil d’État : l’ordre public dans la jurisprudence administrative fait état de la question de la moralité  l’ordre public est une notion qui a vocation à évoluer. Cela renvoie à société films Lutétia de 1959 en y incluant la moralité + Commune de Morsang sur Orge de 1995 qui font progresser le contenu de la notion d’ordre public en y incluant la dignité.

La notion d’ordre public est aussi présente en droit communautaire notamment dans un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne de 2000CEE contre Belgique : dans cette décision, la cour énonce que «l’ordre publicsuppose une menace réelleet suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société. » Il permet de déroger à des obligations du droit de l’union notamment en matière de droit des étrangers, de sécurité énergétique et santé publique. Le juge communautaire vérifie la proportionnalité de l’invocation de la notion en droit interne

§ 4 : La théorie jurisprudentielle de gestion des périodes de crise

Deux théories de gestion des crises élaborées par le juge administratif et qui vont pouvoir porter atteinte aux libertés

A) La théorie de l’urgence

Dans le cadre de cette théorie, l’autorité de police peut intervenir par tous les moyens appropriés quand il est urgent soit de faire cesser l’opposition à une décision légale, soit quand il est urgent de faire face à un trouble grave à l’ordre public.

Dans un arrêt de 1961 WERQUIN, le juge justifie le recours à la théorie de l’urgence, le juge conforme ainsi la décision du maire de réquisitionner un bâtiment pour assurer le relogement de deux personnes évacuées d’un immeuble menaçant de ruines. Mais l’arrêt le plus important est la décision du tribunal des conflits Société immobilière Saint Just de (groupe de nones qui s’étaient enfermées dans un couvent d’où recours à la force publique pour les évacuer et démolir le couvent ) Le commissaire du gouvernement ROMIEU dans cet arrêt nous dit qu’il est «de l’essence même de l’administration d’agir immédiatement et d’employer la force publique sans délai ni procédure quand l’intérêt immédiat de la force publique l’exige » Romieu a aussi dit « Quand la maison brûle on ne va pas demander au juge l’autorisation d’y envoyer les pompiers »  l’urgence justifie l’exécution forcée

B) La théorie des circonstances exceptionnelles

Cette théorie va permettre au juge administratif d’être plus souple dans son contrôle quand l’administration doit faire face à des circonstances qui rendent le respect de la stricte légalité secondaire, cad que le juge ferme un peu les yeux sur certains vices.

Deux arrêts importants : l’arrêt de 1919 Dame DOL et LAURENT, où le préfet limite par arrêté l’activité des prostituées. Il y’ a atteinte à la liberté de commerce et d’industrie mais le conseil d’état valide l’arrêté au nom des circonstances exceptionnelles + arrêt HEYRIES de 1918 le conseil d’état valide la décision de suspension de la règle de la communication du dossier dans le cadre des procédures disciplinaires des fonctionnaires pendant la guerre

Dans ce contrôle des circonstances exceptionnelles, le juge vérifiera 3 choses :

  • il contrôle d’abord la réalité et le caractère exceptionnel des circonstances

  • il contrôle l’impossibilité pour l’administration de rester dans la légalité courante

  • il contrôle la valeur de l’objectif poursuivi au regard de l’atteinte aux droits

On a aussi une jurisprudence européenne qui connaît de ce type de contentieux. Cela se voit dansun arrêt de la Cour EDH de 2009 A et autres contre Royaume-Uni, a partir de 2001 on a une recrudescence des législations anti terroristes parmi lesquelles on porte atteinte aux droits et libertés fondamentaux notamment des personnes interrogées. Dans cet arrêt la CEDH va évaluer la proportionnalité des mesures restrictives de liberté par rapport au risque pour la sécurité nationale invoqué par le gouvernement britannique. Dès 2001 le Royaume-Uni avait mis en place des régimes dérogeant à certains droits garantis par la convention notamment dans le cadre de la sûreté et de la vie privée. Les RU avaient invoqué l’article 15 paragraphe I qui précise qu’ «en cas de war ou autres dangers publics menaçant la vie de la nation, toute autre partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la convention où la situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international» Face à cet article les requérants avaient argués de l’article 3 de la CEDH relatif à la torture et traitements inhumains. La CEDH dans cet arrêt élude la question en disant que l’article 3 ne peut subir aucune dérogation même si la vie de la nation est en danger + la détention dont a été objet les requérants a pu être contestée avec succès mais les souffrances subies n’ont pas atteint un seuil intolérable

Section 2 : Les différentes garanties de protection des droits fondamentaux

§ 1 : La garantie non contentieuse des Droits fondamentaux

A) L’encadrement de l’action administrative

1) La résistance à l’oppression

La résistance à l’oppression est un principe dont on a pu se servir protéger ses droits face au pouvoir public. Historiquement le droit à la résistance à l’oppression est mentionné à l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : c’est un droit naturel et imprescriptible de l’homme. En vertu de ce droit l’individu va pouvoir refuser d’obéir à la loi. C’est un droit conceptuel qui a beaucoup de force au 18ème siècle et apparaît même dans le corpus institutionnel de la Constitution de 1793 : «il y’a oppression du corps sociallorsqu’un membre est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social estopprimé»  Chaque individu porte l charge d’un système commun et c’est ce qui fonde la résistance à l’oppression. C’est parce qu’on a en charge le système de charge sociale que j’ai le droit de résistance à l’oppression

Aujourd’hui, ce droit à l’oppression est en vertu de la décision du conseil constitutionnel du 16 juillet 1982 c’est un principe à valeur constitutionnelle et il reste difficile aujourd’hui de définir la résistance à l’oppression. Traditionnellement ce droit répond, s’inscrit dans un équilibre entre liberté et obéissance. Le problème de ce droit est qu’il faut faire attention à ne pas entrer dans une sphère de non droit : on a tendance à voir deux volets de la résistance à l’oppression

  • premier volet correspondant au refus d’obéir à un ordre illégal dans un système globalement accepté : on pet citer l’objection de conscience, le droit de retrait et de désobéissance des fonctionnaires ou l’état de nécessité en droit pénal

  • deuxième volet correspondant au refus d’entrer dans un système légal : le non paiement des impôts, terrorisme ou les dérives des droits du peuple à disposer d’eux-mêmes

On fait aussi rentrer dans la résistance à l’oppression la question de l’action collective car beaucoup estiment que la résistance ne peut avoir lieu que collectivement par la grève l’occupation du domaine public voir même l’insurrection armée.

Mais ce qui est lié à la résistance à l’oppression c’est la rébellion. Le code pénal incrimine la rébellion qui est le fait d’opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargé d’une mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions pour l’exécution des lois. Par exemple on a un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation du 14 mars 2000où est considéré comme rébellion le fait pour un nageur hors zone de surveillance se débat violemment quand le maître nageur sauveteur vient le chercher + un arrêt de la cour d’appel d’Aix en Provence du 26 décembre 2001: un détenu avait été puni de parloir au dernier moment

, le gardien l’empêche d’aller voir sa mère et il gifle le gardien.

La résistance à l’oppression est plus un concept juridique qui va légitimer des formes de la protection de la conscience individuelles face aux dérives de l’ordre public qu’un droit subjectif exigible en justice

2) Le droit de pétition

Le droit de pétition permet de développer et faire part de ses griefs face au comportement de l’administration qui porterait grief aux droits fondamentaux.

En droit européen le droit de pétition existe devant le Parlement européen depuis 1953 et est réglementé aujourd’hui et apparaît dans le TFUE à l‘article 20 (droit d’adresser des pétitions au parlement européen) et des précisions sont données aux articles 24 et 227 du TFUE ( tout citoyen de l’union a le droit de présenter à titre individuel ou en association une pétition au parlement européen sur un sujet relevant des domaines d’activité de l’union et qui le concerne.

En droit français, il y’a un droit de pétition devant le conseil économique et social et environnemental : article 69 de la Constitution. L’article 72-1 de la Constitution institue depuis a révision constitutionnelle de 2003 un droit de pétition local, cad que des électeurs d’une collectivité vont pouvoir demander l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée d’une question qui relève de sa compétence. La révision de 2008 donne une nouvelle version de l’article 11 alinéa 3 : question du référendum d’initiative partagée. Un référendum peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des parlementaires soutenus par un dixième des électeurs inscrit sur les listes électorales

3) Le rôle du Parlement

Le Parlement encadre l’action de l’administration. Le bilan sur l’action parlementaire est mitigé car en vertu de l’article 34 la loi fixe des règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales mais on remarque que le parlement a tendance à déléguer au gouvernement. Cette délégation est même dénoncée par le conseil constitutionnel et sanctionne l’incompétence négative du parlement : on peut dire que le gouvernement légifère on est dans une tendance présidentialiste. De même que l’on a donné au parlement des moyens de contrôler l’administration et donc le gouvernement par des commissions d’enquêtes et de contrôle qui sont aujourd’hui inefficaces.

B) L’encadrement par l’administration

L’administration elle-même va pouvoir de manière plus ou moins directe garantir les droits et libertés.

  1. Le rôle des autorités administratives

Elles ont l’obligation générale de prendre un règlement d’application d’une loi, notamment quand cette loi vise à protéger les droits et libertés. Si cela n’est pas fait, la responsabilité de l’État peut être en fin de compte engagée. C’est une obligation générale. Le juge va pouvoir sanctionner l’abstention de l’administration, c’est à dire le refus de l’administration d’agir quand l’administré est privé de ses droits.

Le Conseil Constitutionnel a amené le législateur à établir des garanties positives dans le domaine de la protection des libertés. Il va pouvoir obliger le législateur à protéger les droits et libertés. Il peut le faire indirectement par la sanction d’incompétence négative (quand le juge sanctionne le législateur qui a délégué au pouvoir réglementaire une compétence qui lui appartenait). Le Conseil Constitutionnel impose au législateur une exigence de pluralisme, c’est lié au fait que le Conseil Constitutionnel dise au législateur qu’il doit prendre en compte un ensemble de droits qui pourraient découler d’une liberté générale.

La CEDH développe une théorie sur les obligations positives des États. L’État doit réglementer, légiférer sur un sujet.

Le référé-sauvegarde (référé mesures utiles), dans le Code de Justice Administrative, ce référé peut jouer dans le domaine de la protection des droits et libertés.

  1. Le rôle du chef de l’État

C’est un rôle que sous entend l’article 5 de la onstitution qui renvoie le chef de l’État à l’idée d’un arbitre au dessus des partis et des contingences politiques. Il est le garant de la République, et donc, en principe, des libertés. Il dispose d’une partie du pouvoir réglementaire, et ce rôle là, surtout en cas de cohabitation, lui permet de refuser de signer les ordonnances qui lui paraîtraient contraire à la protection des libertés.

Il peut saisir les Autorités Administratives Indépendantes, il peut saisir les juridictions, dont le Conseil Constitutionnel. Il a un pouvoir d’initiative en matière internationale, cela peut jouer sur les droits et libertés.

C’est plus un chef de l’exécutif qu’un véritable protecteur des libertés, pourtant, au cour de deux présidences, un soucis de protection des libertés était bien présent.

  • Valery Giscard d’Estaing, qui se situait plus dans le respect de l’individualisme et du libéralisme

Reconnaissance du droit à l’avortement, droit d’accès aux documents administratifs (aujourd’hui, la CADA), droit des citoyens face aux technologies informatiques (en 1978, il créé la CNIL), droit de saisine du Conseil Constitutionnel par l’opposition.

  • Mitterrand, qui se situait sur un domaine de protection sociale

Protection sociale, réglementation des médias, lutte contre les discriminations (discrimination positive), abolition de la peine de mort, dépénalisation de l’homosexualité, ouverture du droit de recours individuel devant la CEDH

  1. Le rôle des autorités administratives liées aux libertés

Certaines autorités administratives interviennent spécifiquement dans le champs de la protection des droits. Elles apparaissent sous forme de commission. Elles n’ont pas le statut d ‘Autorité Administrative Indépendante et ont en charge une activité spécialisée et sont contrôlées par la Cour de cassation ou le Conseil d’État.

  • OFPRA

En droit des étrangers, l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) est un établissement public chargé de l’application des textes relatifs à la reconnaissance de la qualité de réfugié, d’apatride. Elle aide aussi les réfugiés et apatrides dans leurs démarches administratives. L’OFPRA va examiner les demandes de reconnaissance des statuts de réfugiés ou d’apatrides. Il attribue les documents administratifs nécessaires au maintien sur le territoire, le temps de l’examen de la demande d’obtention de qualité de réfugié ou apatride. A leur arrivée en France, ces populations ne bénéficient pas d’acte civil, soit parce qu’aucun acte n’a été dressé dans l’État d’origine, soit parce qu’ils ne peuvent pas en bénéficier ni en demander l’expédition aux services de cet État.

L’OFPRA a une compétence pour établir ces actes administratifs concernant l’état civil de la personne, et elle va envoyer aux préfectures une attestation d’état-civil pour attester de l’identité de la personne dont elle est garante. Les décisions de l’OFPRA sont susceptibles de recours devant la CNDA (Commission Nationale du Droit d’Asile).

  • Agence de biomédecine

L’agence de biomédecine est un établissement public administratif, elle va émettre des avis dans plusieurs domaines, par exemple ceux de la greffe, de la reproduction, des recherches sur l’embryon, et dans le domaine général de la génétique humaine. Tout cela touche à la dignité humaine. L’agence va souvent être consultée par le gouvernement et le Parlement sur les projets et propositions de lois touchant aux droits fondamentaux mis en rapport avec la santé.

  • Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNDH)

Elle a un rôle de conseil et de proposition au gouvernement dans le domaine des Droits de l’Homme et de l’action humanitaire. Elle va rédiger des avis sur des questions d’actualité relatives aux Droits de l’Homme. En cas d’urgence, le Président de la République peut adresser au gouvernement une lettre qui va formuler des recommandations sur un sujet pour lequel la commission a été saisie. Elle a surtout été saisie sur des projets de loi relatifs à l’immigration, sur tout ce qui concernait le traitement réglementaire des populations Roms. Elle s’est prononcée sur le plan psychiatrie et santé mentale, sur le handicap, sur l’antisémitisme, et sur les droits des gens du voyage.

Elle est composée de représentants de l’État, il y a le Premier ministre et les ministres concernés, un député désigné par le président de l’Assemblée Nationale, un sénateur désigné par le président du Sénat, un représentant du Comité Économique et Social (CES), des membres du Conseil d’État et des magistrats de l’ordre judiciaire, et enfin le Défenseur des droits. Il y a aussi dans cette commission des représentants de la société civile. Ce sont les principales associations de défense des Droits de l’Homme, des professeurs d’université, et plusieurs personnalités.

  • Agence européenne des droits fondamentaux

Elle a été créée par le Conseil Européen en 2007 pour que les États et les institutions européennes bénéficient d’un interlocuteur quand ils mettent en œuvre le droit de l’Union Européenne. Elle agit dans la lutte contre le racisme, la xénophobie, l’intolérance, la discrimination, et l’immigration.

C) Le rôle des Autorités Administratives Indépendantes

Dans le but de protéger les droits et libertés des citoyens, l’idée est venue de recourir à des structures qui permettent d’insérer l’administration dans la société. Ces structures sont les Autorités Administratives Indépendantes, et elles constituent une catégorie juridique nouvelle, et surtout complexe.

Les Autorités Administratives Indépendantes sont apparues dans les années 1970, dans le secteur de la régulation économique. La première autorité qui a eu cette qualification est la CNIL (Commission Nationale Informatique et Liberté) en 1978.

Ce sont des autorités, elles possèdent donc de véritables pouvoirs de décision par l’intermédiaire de règlements et de mesures individuelles. Elles ont aussi un pouvoir de proposition et de recommandation. Il s’agit souvent de propositions au gouvernement de réglementer. Les Autorités Administratives Indépendantes sont donc des autorités qui se situent au-delà d’une mission d’expert ou de conseil.

Ce sont des autorités administratives, c’est à dire qu’elles font partie intégrante de l’État, elles sont nées du pouvoir exécutif et elles ont pour fonction d’établir les règles du jeu entre les acteurs sociaux et économiques. Elles sont un complément aux juridictions. La vocation d’une juridiction est de dire le droit, les Autorités Administratives Indépendantes elles ont l’avantage de la souplesse et de l’équité, contrairement aux juridiction. Les Autorités Administratives Indépendantes agissent au nom ou pour le compte de l’État. Elles engageront la responsabilité de l’État pour les préjudices qu’il pourrait causer.

Elles sont indépendantes car même si elles n’ont pas la personnalité morale, et même si elles sont budgétairement rattachées aux structures étatiques, elles échappent à tout contrôle hiérarchique ou de tutelle. On distingue les Autorités Administratives Indépendantes des API (Autorités Publiques Indépendantes).

Les Autorités Publiques Indépendantes sont des Autorités Administratives Indépendantes qui ont obtenu la personnalité juridique. Elles comptent notamment la HAS (Haute Autorité de Santé), créée en 2004, elle se prononce sur les pratiques des médecins, notamment les prescriptions médicamenteuses. Les API peuvent agir en justice, représenter un ensemble d’individu…

L’appellation d ‘Autorité Administrative Indépendante date de la CNIL, en 1978, elle a été appliquée pour la Commission de la Concurrence (actuel Conseil de la concurrence depuis 1985), et le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) en 1989.

Les Autorités Administratives Indépendantes ont un pouvoir d’influence sur l’exécutif, cela car tous les ans elles vont rédiger un rapport qui fait un bilan de leur activité et propose au gouvernement les réformes envisageables dans le secteur ou elles ont une influence.

Dans le domaine de la protection des droits fondamentaux, l’idée est que la protection des droits fondamentaux n’est optimale que si elle s’exerce par le biais d’une institution qui représente un contre-pouvoir face à l’exécutif et au législatif. On a créé des Autorités Administratives Indépendantes dans le domaine des droits et libertés car on s’est rendu compte que les juridictions protègent les droits et libertés mais ne se prononcent que sur des questions de droit en général. De ce fait, les pouvoirs publics ont choisis de créer des instances spécialisées pouvant recevoir deux sortes d’arguments :

  • L’équité

  • Tout ce qui est relatif à la bonne administration de la justice

Le premier État à avoir eu recours à ces autorités est la Suède en 1809, ou on a crée « l’ombudsman ». En France, on a pas eu immédiatement recours aux Autorité Administrative Indépendante, et on a d’abord donné la possibilité au Parlement d’exercer une mission de contrôle de l’exécutif, avec des commissions d’enquête, de contrôle… Au Rouame-Uni c’est toujours le cas.

Au niveau du droit communautaire, dans le Traité sur l’UE, l’article 20 dispose que « chaque citoyen européen a le droit de recourir au médiateur européen ». La fonction est la même que celle de l’ancien médiateur de la République en France.

En France, on a choisi de créer ces Autorités Administratives Indépendantes parce que l’État reste présent mais fait preuve de bonne volonté en créant de nouvelles autorités qui ont une indépendance statutaire. Aujourd’hui on s’interroge sur la nature de ces Autorités Administratives Indépendantes, et notamment sur leur place face à la séparation des pouvoirs.

A partir de la révision constitutionnelle de 2008, une Autorité Administrative Indépendante a été insérée dans la Constitution. Il s’agit du Défenseur des Droits. Le Défenseur des Droits ne serait-il pas un 4e pouvoir qui s’ajouterait aux 3 pouvoirs publics constitutionnels existants ? On crée peut-être de ce fait une entorse à la répartition constitutionnelle des pouvoirs, car on a intégré ce Défenseur des Droits sans lui donner une valeur constitutionnelle.

Le Conseil Constitutionnel résout cette question qui se prononce dans une décision du 29 mars 2011 en disant qu’en érigeant le Défenseur des Droits « en autorité constitutionnelle indépendante, le pouvoir constituant n’a pas pour effet de faire figurer le Défenseur des Droits au nombre des pouvoirs publics constitutionnels ».

Ces Autorités Administratives Indépendantes ne sont-elles pas des quasi-juridictions ? Le Conseil d’État a décidé qu’il ne s’agissait pas de juridictions dans un arrêt de 1999 « Didier » et énonce à propos du Conseil des Marchés Financiers que ce n’est pas une juridiction au regard du droit interne, mais « qu’au vu de la composition et des attributions de cette autorité, il est possible d’invoquer l’article 6 § 1 Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme à l’appui d’un recours ». Les garanties de 6§1 Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme touchent à la célérité de la procédure, à l’impartialité du juge, au droit à un recours et à un procès équitable. Les Autorités Administratives Indépendantes doivent les respecter.

  1. Les médiateurs traditionnels

a) Le médiateur de la République

Le Médiateur de la République n’est pas une création proprement française car les pouvoirs publics se sont inspirés de deux exemples :

  • L’ombudsman suédois

Crée au XIXe siècle (1809), il est chargé du respect des lois, il est élu pour 4 ans et rééligible, il est indépendant des autres pouvoirs, il peut s’auto-saisir et a de larges pouvoirs. Il peut accuser un agent public devant une juridiction compétente. Il peut s’adresser à l’administration en lui faisant des recommandations. Il peut s’adresser au Parlement, et remet au Parlement un rapport annuel d’activité.

  • Le commissaire parlementaire britannique

Créé en 1967, il est nommé par le gouvernement, révocable par le Parlement (quid de l’indépendance?). Il a un rôle de protection des citoyens contre l’arbitraire. Le commissaire parlementaire va être saisi indirectement par l’intermédiaire d’une victime qui doit adresser une plainte à un parlementaire. Il intervient dans les petites affaires de l’administration (cas de fonctionnement défectueux de la justice pour les problèmes minimes), il n’a pas de grand pouvoir, ni d’autorité sur l’administration. En effet, son action se limite à adresser un rapport au Parlement, et le Parlement décidera ou non de donner suite.

Le Médiateur de la République devient une Autorité Administrative Indépendante en 1989. Il a été créé par une loi du 3 janvier 1973. Il est créé pour recevoir les réclamations concernant, dans la relation administration-administrés, le fonctionnement des administrations de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, ou de tout autre organisme investi d’une mission de service public. Le Médiateur de la République est nommé pour 6 ans par décret en Conseil des ministres. Il est précisé dans son statut qu’il agit en toute indépendance vis-à-vis des autorités de la République.

Il est saisi traditionnellement par une réclamation individuelle par l’intermédiaire d’un parlementaire. Progressivement le Médiateur de la République s’est doté de délégués dans les différents départements, et au départ, il y en avait aussi dans les établissements pénitentiaires.

Il a des pouvoirs d’enquête qui sont élargis. Il peut se faire communiquer tous les documents ou les dossiers d’une affaire. Il va pouvoir mobiliser les corps de contrôle et d’inspection (commission du droit d’asile, inspection générale des affaires sociales…) ainsi que le Conseil d’État et la Cour de cassation, à qui il peut demander des avis.

C’est la première autorité qui protège des droits et libertés des citoyens, mais il est limité par par son pouvoir de recommandation et par le fait que le parlementaire constitue un intermédiaire. Il doit prendre en compte l’équité. Il a pu faire des recommandations en matière de fiscalité citoyenne, d’urbanisme, de mauvais fonctionnement du ministère de la Justice, et de statut et pensions des fonctionnaires.

b) Le Défenseur des enfants

C’est une autorité qui a été aspirée par le Défenseur des Droits. Le Défenseur des enfants a été crée par une loi du 6 mars 2000, et a une action horizontale, contrairement au Médiateur de la République. Le Médiateur de la République a une action verticale administration-administrés et le Défenseur des enfants agit horizontalement dans les relations entre personnes privées.

Il reçoit des plaintes d’enfants ou de leurs représentants qui estiment qu’une personne publique ou privée n’a pas respecté les droits de l’enfant. Il peut être saisi d’une action collective par des associations qui défendent les droits des enfants. Il fait des propositions de réforme sur tout ce qui concerne les enfants et adolescents. Il assure la promotion des droits de l’enfant qui sont issus de la Conventions Internationale sur les Droits de l’Enfant. Il agit surtout par le biais de recommandations. Ses recommandations ne seront rendues publiques qu’en cas d’inexécution . Le Défenseur des enfants rédige un rapport annuel d’activité.

Un homme qui a des rapports horizontaux avec des enfants est forcément étrange.

Le dernier rapport sorti traitait de la parole de l’enfant en justice, et manière général sur son activité, traitant de l’appréciation de l’exercice de la parentalité (comment est exercé le droit de visite…). Il a pu se prononcer sur les discriminations que peuvent entraîner la scolarisation (scolarisation des enfants Roms / handicapés). Il se prononce sur les conséquences de la précarité sociale des familles sur l’enfant.

Le Défenseur des enfants a une capacité de médiation importante, il va pouvoir trouver une solution d’accueil a un mineur en structure psychiatrique (du genre fac de droit). Il peut trouver des solutions pour lutter contre l’éloignement d’un enfant étranger. Il peut mettre en place une médiation internationale. Le Défenseur des enfants est saisi seulement à hauteur de 5% sur les problèmes de maltraitance. Seulement 1/10e des enfants saisissent le défenseur en cas de problème.

  1. La HALDE

C’est une instance collégiale qui a été créée par la loi du 30 décembre 2004. Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité. Elle est absorbée en 2011 par le Défenseur des Droits. Elle est compétente pour connaître de toutes les discriminations directes ou indirectes prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie.

La HALDE agit par collège. Elle délibère sur des questions, a des pouvoirs de recommandation au gouvernement et au Parlement, elle est consultée par le gouvernement sur tout projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations. Elle peut proposer des modifications législatives ou réglementaires, et peut émettre des avis pour remédier à des pratiques discriminatoires.

La loi pour l’égalité des chances de 2006 va faire intervenir la HALDE car elle dispose que quand des faits discriminatoires n’ont pas donné lieu à une action publique, la HALDE peut proposer à l’auteur des faits une transaction qui consiste dans le versement d’une amende de 3000 € pour une personne physique, et si c’est une personne morale, l’amende sera de 15 000 €. Elle peut proposer en outre aux auteurs d’indemniser les victimes de la discrimination. La transaction met fin à l’action publique.

La HALDE est en relation permanente avec les juridictions (notamment les procureurs) et peut être auditionnée dans le cadre d’une procédure.

Une requérante avait refusé d’enlever son foulard dans l’enceinte d’un établissement. La requérante avait engagé une procédure, et la HALDE a énoncé que cela n’était pas un signe ostentatoire.

  1. Le contrôleur général des lieux privatif de liberté

Le contrôleur général des lieux privatif de liberté a été créé par la loi du 30 octobre 2007. Il vérifie les conditions de prise en charge et de transfert des personnes privées de liberté pour s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux. Ce contrôleur est nommé par décret du Président de la République après avis de chaque assemblée parlementaire, pour un mandat non renouvelable de 6 ans. Il va visiter tout lieu de détention :

  • Maisons d’arrêt

  • Etablissements pénitenciers

  • Les centres de rétention administrative

  • Les hôpitaux psychiatriques

Il peut le faire sauf si l’administration s’y oppose, en l’ayant justifié par des motifs graves et impérieux liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles, ou à des troubles sérieux dans le lieux visités.

Le contrôleur général des lieux privatif de liberté peut s’auto-saisir, il peut être saisi par toute personne physique ou morale ayant pour objet le respect des droits fondamentaux. Il peut être saisi par les membres du gouvernement, les parlementaires, et avant 2011 par le Médiateur de la République et le Défenseur des enfants. Il peut formuler des observations écrites auxquelles les ministres sont tenus de répondre. Il peut informer les procureurs de la République des faits laissant présumer l’existence d’une infraction pénale. Aujourd’hui c’est Adeline Hazan. Il était question d’aspirer le contrôleur général des lieux privatif de liberté dans le Défenseur des Droits, mais la nomination en 2014 d’Adeline Hazan a répondu non à la question de manière implicite.

e) Le comité consultatif national d’éthique (CCNE)

C’est une Autorité Administrative Indépendante créée par une loi du 6 aout 2004 relative à la bioéthique. Il n’a pas été aspiré par le Défenseur des enfants. Il a pour mission de donner des avis sur les problèmes éthiques et sur toutes les questions de santé soulevées par les progrès scientifiques. Il se prononce sur l’adéquation des progrès scientifique et du principe de dignité.

Le comité consultatif national d’éthique est composé de 4 membres nommés pour 4 ans par l’exécutif, renouvelable une fois. Il peut s’auto-saisir et être saisi par un citoyen, par l’un de ses membres, par le Président de la République, par les deux assemblées, par les membres du gouvernement, par un établissement public, et par un établissement d’enseignement supérieur.

f) La commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS)

Créée par une loi du 6 juin 2000. Depuis 2011 elle est intégrée au Défenseur des Droits. Elle a pour mission de veiller au respect déontologique par les personnes exerçant des activités de sécurité des règles afférentes (notamment la police).

Elle est saisie par toute personne qui est victime d’un manquement à la déontologie, ou témoin d’un tel manquement. Elle a des pouvoirs d’instruction, de visite, elle peut s’adresser au autorités judiciaires, et rend un rapport annuel.

  1. Le renouveau apporté par la création du Défenseur des Droits

Le Défenseur des Droits est issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Son statut et ses fonctions sont précisés dans la loi organique du 29 mars 2011. Il regroupe 4 Autorité Administrative Indépendante :

  • Le Médiateur de la République

  • La CNDS

  • Le Défenseur des enfants

  • La HALDE

On a créé le Défenseur des Droits car on voulait créer un guichet unique, un seul interlocuteur, et donc simplifier l’action administrative. Principe de bonne administration. Le Défenseur des Droits est nommé par le Président de la République, n’est pas un pouvoir constitutionnel, et est une Autorité Administrative Indépendante, même s’il dispose d’un fondement constitutionnel. Il a un mandat de 6 ans, et actuellement c’est Jacques Toubon. Le mandat n’est pas renouvelable. Ces fonctions sont incompatibles avec celles de membre du gouvernement, de parlementaire, de membre du Conseil Constitutionnel, membre du Conseil Supérieur de la Magistrature, membre du Conseil Économique et Social, et tout autre mandat électif.

Le Défenseur des Droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités, les établissements publics, et tout organisme investit d’une mission de Service public. La Loi Organique ajoute un certain nombre de missions parmi lesquelles la promotion de l’intérêt supérieur de l’enfant, la lutte contre les discriminations, et le respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité. On a ajouté cela à la Loi Organique pour montrer l’aspiration des autres organes par le Défenseur des Droits.

Le Défenseur des Droits peut être saisi par toute victime et associée, qui s’estime lésée par le fonctionnement d’un Service Public. Il pourra se saisir d’office, mais dans ce cas l’intéressé ne devra pas exprimer d’opposition à son intervention. Il est associé au travaux de la CNIL et de la CADA.

Il a des pouvoirs d’enquête accrus, il peut accéder à des locaux publics ou privés sans possibilité d’opposition des personnes. Il est en relation avec le juge et enquête sous le contrôle du juge, et si la personne est récalcitrante pour l’accès au local, elle peut faire l’objet de sanctions pénales.

Il a des pouvoirs d’injonction, rédige un rapport annuel, et a un pouvoir de médiation, il va pouvoir proposer à des personnes susceptibles d’être mises en cause dans une affaire une transaction pour mettre un terme au litige. Il peut intervenir devant toute juridiction s’il estime que c’est utile. Il peut saisir le Conseil d’État d’une demande d’avis sur des textes, et enfin il peut saisir le juge des référés dans le cadre du référé « mesures utiles ».

Au départ, les pouvoirs publics voulaient s’inspirer du « Défenseur du Peuple » espagnol. Cela n’a pas été retenu. Au départ, on voulait lui calquer les compétences du médiateur de la République. On a décidé de l’appeler Défenseur des Droits car c’est un défenseur des usagers du Service public (relation verticale administration-administrés) et des droits fondamentaux de toute personne.

Problème : aspiration d’autorités dans le giron du défenseur. Finalement, accord sur l’aspiration des 4 autorités précitées, avec non-inclusion du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté.

Qui peut saisir le défenseur ? → Qualité de victime et associée, et pas de personne. On a estimé que « personne » était un terme trop large et créait un risque d’encombrement. Les « associée » signifient que peuvent saisir le défenseur des témoins, des associations, et des représentants légaux. Compétences du Défenseur des Droits → On a décidé d’élargir ses pouvoirs.

Organisation interne de l’institution → Fonctionne par collèges spéciaux ne pouvant pas être saisis directement, il faut passer par le Défenseur des Droits qui transmettra aux collèges.

§ 2 : La garantie contentieuse des droits fondamentaux

A) Le droit de recourir à un tiers

Dans la plupart des systèmes de protection, des recours ont été introduits. Le recours permet d’exercer ses droits. Deux types de recours :

  • Capacité de s’adresser à une autorité qui pourra revenir sur la violation d’un droit fondamental : Recours gracieux ou hiérarchique

  • Recours à un juge qui présente des garanties d’indépendance et d’impartialité

  1. Le droit au recours

C’est le droit à un recours d’abord non-juridictionnel. Le Conseil Constitutionnel dans une décision de 1994 consacre le droit au recours administratif (non-juridictionnel) et il l’inscrit dans le champ d’application de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Le droit au recours c’est surtout le droit de saisir un juge. C’est un droit mentionné à l’article 8 Déclaration Universelles des Droits de l’Homme, et à l’article 13 Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (c’est un droit autonome, on peut dire qu’il y a une violation de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme seulement sur le fondement de cet article). Ce droit au juge apparaît aussi implicitement dans la Constitution car le Conseil Constitutionnel fait découler de l’article 16 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen le droit à un recours juridictionnel effectif. Il l’affirme dans une décision de 1996. En 2010, le Conseil Constitutionnel dit que « le droit à un recours juridictionnel est invocable à l’appui d’une Question prioritaire de constitutionnalité.

  1. Les qualités du recours juridictionnel : Le droit à un procès équitable

a) Les sources du principe

  • Sources constitutionnelles

Elles sont rappelées par le juge constitutionnel dans une décision de 1994 (précitée) ou il énonce que « toute personne a droit à un juge et à un jugement équitable ». Dans une décision de 2005, le Conseil Constitutionnel qualifie le droit à un procès équitable de « principe à valeur constitutionnelle ».

  • Sources européennes

Le droit au procès équitable se fonde sur l’article 6 § 1 de la CEDH, c’est le droit d’avoir accès à un juge, à un tribunal impartial, et à des garanties sur la composition de la juridiction et sur le déroulement de la procédure. Ce principe a été invoqué pour la première fois dans CEDH, 1975, « Golder ». La procédure était lente et les juges partiaux, alors la CEDH a définit le droit à un procès équitable.

  • Sources communautaires

La charte de l’Union Européenne fait mention dans son article 47 du droit au recours effectif et à un tribunal impartial.

b) Les qualités du juge

Il n’y a pas d’accord sur la définition du juge. Ce sur quoi les différents droits se mettent d’accord c’est que le juge doit répondre à des garanties, qui sont l’indépendance et l’impartialité. La procédure doit correspondre à des exigences de publicité, célérité, et équité.

Le juge doit avoir la qualité de tiers par rapport à l’autorité qui a pris l’acte. Le juge doit juger dans un tribunal crée par la loi et non pas par l’exécutif. Le juge doit dans le cadre de la procédure agir en toute indépendance, et doit se situer dans une procédure qui obéit au contradictoire.

La publicité est une garantie essentielle du procès équitable. L’autre garantie essentielle est celle de la célérité, c’est un impératif contemporain. Cette célérité s’apprécie concrètement. Le juge va apprécier in concreto le respect de la célérité en observant la complexité de l’affaire, le comportement du requérant, et le comportement des autorités compétentes. La procédure doit répondre à l’équité, et à égalité des armes (lié au contradictoire).

L’aide juridictionnelle contribue à rendre le procès équitable. Cette question d’accessibilité à la justice française a été posée par une loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Cette loi mentionne dans son article 1er comme droit fondamental le droit d’accès à la justice. Mentionnée aussi dans une loi du 9 septembre 2002 visant à évaluer l’efficacité du service public de la justice au regard de son accessibilité (développement des PAD…). Sur la question précise de l’aide juridictionnelle, elle est réservée aux personnes ayant des faibles revenus et consiste en l’attribution d’une prise en charge par l’État des honoraires de frais de justice. Bénéficient de cette aide les nationaux, ressortissants de l’Union Européenne, et les personnes étrangères en situation régulière. Plus de 900 000 demandes chaque année. Les plafonds de ressource pour bénéficier de l’aide sont ré-évalués chaque année. L’État peut être remboursé des sommes avancées par la personne qui a perdu le procès, à condition qu’elle ne bénéficie pas de cette aide (Article 700 du Code de Procédure Civile).

B) La garantie contentieuse des droits et libertés fondamentaux : l’action protectrice des juges

  1. Une protection préalable assurée par le principe de sécurité juridique

C’est un principe issu du droit allemand, c’est une forme de police interne du droit. Elle garantit aux individus plusieurs choses : la clarté, l’accessibilité, et surtout la prévisibilité du droit.

Ce principe vise à protéger les situations légalement acquises. Le législateur peut modifier ou abroger des textes législatifs, et leur substituer d’autres dispositions. En faisant cela, et en vertu du principe de sécurité juridique, il ne saurait priver les citoyens de garanties légales et constitutionnelles.

Si un texte juridique est modifié sans qu’il soit prévu de période transitoire, il serait porté atteinte à l’article 16 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

En droit allemand, on parlait aussi de principe de confiance légitime. Pendant longtemps ce principe a été refusé par le juge français jusqu’à l’arrêt Conseil d’État , 2006, « KPMG ».

  1. Une protection assurée par la CEDH

Le statut de la Cour Européenne des Droits de l’Homme est réglementé par les articles 19 à 51 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme. En termes d’organe juridictionnel supra-national, c’est lui qui a l’organe le plus aboutit au niveau de la protection des droits.

a) L’institution

Elle a été réformée en 2010 par le protocole n°14. Les saisines de la CEDH augmentent chaque année de 10%. Dans le tableau des violations, la Turquie arrive en tête, et remporte le championnat, bravo à elle. Elle apparaît dans plus d’un tiers des arrêts, c’est un record !

Les violations les plus invoquées sont le droit à la vie, la violation de l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, et enfin, l’article 6 § 1 sur le procès équitable. Dans 20% des cas, la Cour Européenne des Droits de l’Homme conclut à une violation grave de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme sur le droit à la vie et la torture.

Composition → Elle a un nombre de juge égal à celui des hautes parties contractantes et qui ont une compétence juridique, et la plus haute considération morale. Ces juges sont élus par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme peut juger plusieurs types de requêtes :

  • Les requêtes inter-étatiques (concernent le manquement d’un État, moins fréquent)

  • Les requêtes de toutes personnes physiques, toute ONG, et tout groupe de particulier, qui se prévaut d’une violation par un État partie

b) La procédure

Depuis 2010, la CEDH va siéger en plusieurs formations.

  • Juge unique

  • Comité de 3 juges

  • Chambre de 7 juges (formation qu’on retrouve le plus souvent)

  • Grande chambre de 17 juges

  • Palace Hotel de 6754 juges

Il faut respecter le contradictoire (article 6), mais la Cour Européenne des Droits de l’Homme peut autoriser un autre État, ou toute autre personne tierce à l’affaire, à intervenir (amicus curiae) afin d’éclaircir le débat.

Le commissaire aux Droits de l’Homme peut présenter des observations écrites et prendre part aux audiences. Il a pour fonction de promouvoir la prise de conscience et le respect des Droits de l’Homme, il établit des rapports et visite des institutions. Il se fait bien chier.

L’audience est publique, et les éléments du dossier sont en principe publics (sauf cas de secret d’État par exemple).

  1. La recevabilité de la requête

En vertu de l’article 34 De la Convention Européenne des Droits de l’Homme, les requêtes sont individuelles. Il faut que le requérant soit victime d’une violation, par l’un des États partie à la convention, des droits de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et de ses protocoles.

Il faut que le requérant ait un intérêt à agir. Il faut prouver qu’on est une victime, et il n’y a pas de contrôle in abstracto de la conventionnalité de la norme nationale.

Il y a un délai d’action pour le requérant, fixé par l’article 35 § 1 Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme. Le requérant devra agir dans un délai de 6 mois à partir de la décision interne définitive. Règle de l’épuisement des voies de recours interne également.

l’Union Européenne va adhérer à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme. Les requérants devront, pour épuiser les voies de recours interne, s’adresser au préalable à la Cour de Justice de l’Union Européenne, afin que la subsidiarité soit respectée. La requête (article 35 § 1) doit être dirigée contre un État membre, et non contre un autre particulier.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme peut sanctionner une carence de l’État permettant la violation d’un droit de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme.

  1. La portée des arrêts de la Cour Européennes des Droits de l’Homme

En vertu de 46 Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, les États s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui présentent autorité relative de chose jugée.

En cas de condamnation, l’État est tenu de modifier son droit. Cependant, comme la Cour Européenne des Droits de l’Homme juge in concreto, l’État devra avant tout adopter des mesures individuelles pour réparer la violation dont a été victime le requérant, c’est l’arrêt de principe de 1975 « Golder c/ RU ». Les réparations sont pécuniaires.

Les arrêts de la CEDH n’ont pas force exécutoire, mais force déclaratoire. Cela signifie que l’État va devoir réagir face à la violation, il va devoir réparer la violation par des mesures individuelles, mais la décision de la Cour Européennes des Droits de l’Homme laisse l’État libre d’en déterminer les conséquences. L’État est tenu par la convention de modifier son droit, il a tout intérêt à en tirer les conséquences au niveau de sa législation, mais il n’est pas contraint par la Cour Européenne des Droits de l’Homme de modifier sa législation.

Cf. Affaire Cheriet-Benséguir c/ Chevrol

Il existe une procédure d’arrêt pilote. Elle existe depuis 2004, elle a pour objectif de traiter une série de dossiers résultant d’un même problème. La Cour Européenne des Droits de l’Homme va trouver une solution qui va dépasser le simple cas particulier. Dans ces arrêts pilotes, la CEDH donne des indications au gouvernements ayant violés des droits sur la manière d’éliminer les dysfonctionnements. Elle peut aussi donner des indications pour créer un recours interne capable de régler toutes les affaires similaires.

  1. Une protection assurée par les juges internes

a) Le Conseil d’État et la protection des libertés

Le Conseil d’État n’était pas originellement formé à la protection des droits et libertés. Le juge administratif bénéficie de certains contrôles, qui sont le contrôle de légalité avec le Recours en Excès de Pouvoir notamment, ou le juge peut annuler un acte administratif, ainsi que le recours de pleine juridiction pour le contrat et la responsabilité par exemple.

En matière de police administrative, le juge administratif agit en contrôlant les pouvoirs de police administrative. Dans ce contrôle, le juge va exercer un contrôle de proportionnalité, il va apprécier si la mesure de police était nécessaire et proportionnée par rapport à un objectif d’ordre public. L’arrêt de principe est « Benjamin » de 1933. Adéquation entre la protection de l’ordre public et l’atteinte à la liberté de réunion (en l’espèce atteinte disproportionnée).

Procédures de référé. Mises en place avec la loi du 30 juin 2000.

  • Référé suspension → L521-1 Code de Justice Administrative, il complète le REP (Recours en Excès de Pouvoir), car le REP ne suspend pas l’acte attaqué. Condition d’urgence + Condition de doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué

  • Référé liberté → L521-2 Code de Justice Administrative, il permet au juge administratif de prononcer toute mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale. Condition d’urgence + Condition d’atteinte grave et manifestement illégale par l’administration dans l’exercice de ses pouvoirs (condition d’une action ou carence de l’administration qui créée un danger imminent pour la vie des personnes). La notion de liberté fondamentale s’apprécie de façon autonome. Le juge administratif ne s’aligne pas sur le Conseil Constitutionnel ni sur la CEDH.

Le Conseil d’État a admis que le juge des référés pouvait aller au-delà du prononcé de mesures provisoires quand elles ne suffisent pas à mettre fin à la violation de la liberté. Le juge peut enjoindre à la personne qui est auteur de la violation de prendre toute disposition de nature à sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale en cause. Conseil d’État, 30 mars 2007, « Ville de Lyon». Le maire de Lyon avait interdit aux témoins de Jéhovah une salle municipale.

L’urgence s’apprécie différemment dans les deux référés. Le référé liberté n’a pas a être couplé avec un Recours en Excès de Pouvoir, contrairement au référé suspension (c’est plus strict pour le référé suspension).

Droits et libertés fondamentales :

  • Droit à l’environnement, considéré comme liberté fondamentale depuis une décision de 2005 du TA de Châlons-en-Champagne.

  • Présomption d’innocence, ordonnance de référé de 2005. Un recteur avait admis trop facilement la culpabilité d’un enseignant, accusé de révisionnisme.

  • Libre administration des Collectivités Territoriales, ordonnance de référé du Conseil d’État , 2001 « Communes de Venelles et Morbelli »

  • Droit de propriété

  • Droit d’asile

  • Droit de grève

  • Droit à la vie et à la sécurité, ordonnance de référé du Conseil d’État , 16 novembre 2011 « Ville de Paris et SEM parisienne ». Le Conseil d’État considère que le droit à la vie est une liberté fondamentale, et il fait référence à la CEDH (affaire du H&M).

Le droit à la santé n’est pas une liberté fondamentale (Conseil d’État , 2005, non-fumeur détenu voulant changer de cellule. Changement refusé car le droit à la santé est un droit collectif, inopposable en justice).

Les droits-créances sont souvent à l’écart du référé liberté.

b) Le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle

Article 66 de la Constitution relatif à l’interdiction de détention arbitraire, et en vertu de cela, l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. S’agissant de cette liberté individuelle, l’article 136 Code de Procédure Pénale précise qu’au nom de sa position de gardienne des libertés individuelles, l’autorité judiciaire protège l’inviolabilité du domicile.

Le Conseil Constitutionnel a eu dans un premier temps une vision extensive des libertés individuelles, suivant Conseil Constitutionnel, 1977 « Loi relative à la fouille des véhicules ». Cette conception extensive va perdurer jusqu’à ce que le Conseil Constitutionnel se rende compte de son erreur et qu’il décide d’adopter une conception plus restrictive de la liberté individuelle. C’est la qu’arrivent les libertés personnelles. Le Conseil Constitutionnel distinguera alors liberté personnelle et liberté individuelle, permettant de distinguer police administrative et police judiciaire.

En vertu de cette nouvelle répartition, le juge judiciaire sera compétent pour encadrer les perquisitions domiciliaires, pour toute mesure privative, voire restrictive de liberté. D’un autre côté, en vertu de cela, le juge administratif sera compétent en matière de décision de rétention administrative, ou encore pour tout ce qui est relatif au contrôle d’identité sur la voie publique.

Contentieux des procédures d’hospitalisation sans consentement → Jusqu’à une loi du 5 juillet 2011, le Tribunal des Conflits distinguait entre deux choses.

  • L’appréciation de la légalité formelle de la mesure d’hospitalisation, qui appartenait à la compétence du juge administratif car il s’agissait d’un acte administratif.

  • Le juge judiciaire, avant 2011, appréciait la nécessité de la mesure, c’est à dire son fond. On estimait que c’était lui le gardien de la liberté individuelle (article 66 de la Constitution), donc il avait cette compétence.

La loi du 5 juillet 2011 a attribué l’ensemble du contentieux au juge judiciaire. Le législateur avait en effet critiqué par la CEDH qui arguait que la loi française violait le principe de sûreté. A partir de 2011, le Juge des Libertés et de la Détention doit être consulté dans les 15 jours de la décision d’hospitalisation qui résulte de la mesure. Ce délai a été ramené à 12 jours depuis la loi du 27 septembre 2013.

Voie de fait

La voie de fait permet au juge judiciaire de protéger les libertés. Le principe de la voie de fait a été établi par Tribunal des Conflits, 1935 « Action française ». Le juge judiciaire récupère le contentieux qui appartenait alors au juge administratif, car il relève une illégalité inadmissible dans l’action de l’administration. Evolution de la Jurisprudence sur la voie de fait. Dans les années 1980, le juge judiciaire entend largement la voie de fait. Il accepte trop facilement sa compétence dès lors qu’il s’agit de sanctionner une personne publique.

Ensuite, Tribunal des Conflits, 2005 « Haut Commissaire de la République en Polynésie Française », ou le Tribunal des Conflits précise quand il va y avoir voie de fait. Il énonce « qu’il n’y a voie de fait justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence de l’ordre judiciaire, que dans la mesure ou l’administration, soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières d’une décision, même régulière, portant une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit elle-même manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative ». De ce fait, le juge administratif retiendra moins la voie de fait.

Protection de la propriété

Tribunal des Conflits, 1949, « Société Hôtel du Vieux Beffroi », qui décide que la protection de la propriété privée rentre essentiellement dans les attributions de l’autorité judiciaire. Le juge judiciaire est donc compétent en matière de contentieux de l’expropriation.

  1. Le Conseil Constitutionnel

Il y a plusieurs hypothèses dans lesquelles le Conseil Constitutionnel va protéger les libertés.

Dans le cadre du contrôle a priori, le Conseil Constitutionnel va protéger des droits et libertés, cela par le biais de l’article 61 de la Conseil Constitutionnel (contrôle de constitutionnalité traditionnel, avant la promulgation de la loi). Dans ce cadre, le Conseil Constitutionnel peut être saisi depuis la révision du 29 octobre 1974 par le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l’Assemblée Nationale, le Président du Sénat, ou 60 députés ou 60 sénateurs. Il doit statuer dans un délai d’un mois, et il peut censurer la loi dans son entier, ou certaines dispositions du texte.

Le Conseil Constitutionnel est aussi compétent en vertu de l’article 54 de Constitution, car il va pouvoir vérifier l’adéquation entre un traité international et la Constitution. S’il existe une contrariété, il précise qu’il faudra réviser au préalable la Constitution pour ratifier le traité (par exemple révision de la Constitution pour le Traité de Maastricht).

Le Conseil Constitutionnel va protéger les droits et libertés dans le cadre du contrôle a posteriori par le biais de la Question prioritaire de constitutionnalité. Celle-ci apparaît dans l’article 61-1 de la Constitution. Elle est issue de la Loi Constitutionnelle du 23 juillet 2008, et est complétée par la Loi Organique du 10 décembre 2009 qui précise ses conditions. On ne parle pas d’exception d’inconstitutionnalité parce qu’il ne s’agit pas de faire exception à l’application de la loi pour un justiciable, mais il s’agit d’amener à l’abrogation complète de la loi contraire aux droits et libertés.

Dans la Loi organique, il est possible devant toutes les juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation, de soulever l’inconstitutionnalité d’une loi déjà applicable. Cet argument peut être soulevé pour la première fois en appel ou en cassation. Le juge ne peut pas relever d’office une Question prioritaire de constitutionnalité. Elle peut être soulevée dans le cadre d’une instruction pénale. Le juge devant lequel la Question prioritaire de constitutionnalité est soulevée doit statuer sans délais, et transmettre au Conseil d’État ou à la Cour de cassation. Pour ce faire, 3 conditions :

  • Les dispositions doivent être applicables au litige ou à la procédure en cours et doivent porter atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

  • Les dispositions ne doivent pas avoir déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel, sauf changement de circonstance.

  • La question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux.

On parle de question prioritaire car c’est une question qui est prioritaire sur une question de conventionnalité de la loi. La Cour de Justice de l’Union Européenne, dans un arrêt de 2010 « Melki » est venue dire que le juge national est libre de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne si se pose la question de la conventionnalité d’une loi. Quand un juge a eu à la fois une Question prioritaire de constitutionnalité et un contrôle de conventionnalité, il a dit « en application du droit communautaire, le juge national doit régler les questions de conventionnalité ». La Cour de Justice de l’Union Européenne a répondu qu’en attendant de régler la Question prioritaire de constitutionnalité, le juge judiciaire est libre d’adopter toute mesure nécessaire afin d’assurer la protection juridictionnelle provisoire des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union Européenne, et il peut aussi laisser inappliquée, à l’issue de la procédure, la disposition législative nationale qu’il juge contraire au droit de l’Union Européenne.

Le Conseil d’État et la Cour de cassation disposent d’un délai de 3 mois à compter de la transmission pour statuer sur la possibilité de renvoi au Conseil Constitutionnel.

L’effet fondamental de la Question prioritaire de constitutionnalité est que la disposition déclarée inconstitutionnelle est abrogée à compter de la publication. Le Conseil Constitutionnel peut aménager des dispositions transitoires en attendant que les pouvoirs publics adoptent une réforme remédiant à l’inconstitutionnalité. Cette déclaration d’inconstitutionnalité bénéficie au contentieux en cours. Le Conseil Constitutionnel l’a dit depuis une décision du 28 mai 2010.

Dans un premier temps, le juge judiciaire était contre la Question prioritaire de constitutionnalité. Beaucoup de Question prioritaire de constitutionnalité concernent le droit des étrangers.