Tribunaux anglais : High Court of Justice, Crown Court, Court of appeal…

L’ORGANISATION JUDICIAIRE EN DROIT ANGLAIS : LES COURS SUPÉRIEURES

Tout homme a une Chambre des Lords dans la tête. Craintes, préjugés, erreurs de jugement, voilà les pairs qui l’habitent et ils sont héréditaires. LLOYD GEORGE

Les Anglais eux-mêmes reconnaissent que leur système judiciaire est coûteux et imprévisible, et que cela conduit les plaideurs à transiger avant l’audience dans plus des 3/4 des procès civils. Le montant des frais à la charge du perdant, trop souvent supérieur à l’enjeu du litige, rend la justice inaccessible aux classes moyennes, à la différence des catégories plus aisées, ou des plus pauvres qui bénéficient de l’aide judiciaire ( LEGAL AID ACCESS TO JUSCTICE ACT 1999 ). Celle-ci a pour particularité de ne pas être forfaitaire comme en France, mais de couvrir l’intégralité des frais de justice ( la procédure étant accusatoire, le travail de mise en état de la cause est à la charge des parties ), y compris les honoraires des auxiliaires de justice. En Angleterre, le montant des honoraires des avocats est très élevé.

Sur cours-de-droit.net, d’autres cours de DROIT ANGLAIS ou DROIT AMERICAIN

1) Cours de droit anglais (common law) – 2) Cours d’anglais juridique – 3) Anglais juridique – 4) English Law – 5) Law Dictionary french – english – 6) English Law – English legal system 7) Droit américain – Droit des Etats-Unis

Ce Cours complet de droit anglais est divisé en plusieurs chapitres

Cette organisation judiciaire est complexe et déconcertante pour nous continentaux. La pyramide judiciaire repose sur 2 types de juridictions: les cours supérieures et les juridictions inférieures, ce qui rappelle, sans toutefois y correspondre, la distinction au Moyen-Age entre haute et basse justice. Les juridictions inférieures, qui ont une compétence d’attribution, sont uniquement chargées de trancher les litiges; les cours supérieures, qui ont une compétence de droit commun, doivent aussi, en plus, dire le droit. En ce sens, on peut dire qu’elles concrétisent, au sens strict, le pouvoir judiciaire. La situation est différente de la France où la Constitution de 1958 ne cite que l’autorité judiciaire. En Angleterre, le pouvoir judiciaire a pu s’affirmer parce qu’il n’était limité ni par des principes constitutionnels, ni par des règles de droit codifiées. Afin d’éviter toute confusion, rappelons que le terme anglais « jurisprudence » correspond à ce que nous appelons « la théorie générale et la philosophie du droit »; pour désigner les décisions judiciaires, on utilise l’expression « CASE LAW », ou quelquefois « THE DECISIONS OF THE COURTS ».

Résultat de recherche d'images pour "High Court of Justice, Crown Court, Court of appeal..."

Nous évoquerons ici les cours supérieures (Supreme court).

A tas de blé, rat s’y met ; à tas d’argent, les procès. PROVERBE ALLEMAND

La SUPREME COURT OF JUDICATURE, réformée en profondeur par les JUDICATURE ACTS de 1873-1875 et le COURTS ACT de 1971, cumule les missions des plus hautes juridictions françaises: la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat. Elle possède une compétence de droit commun universelle, illimitée, et comprend 3 divisions de juridictions qui siègent, normalement, à juge unique.

  • 1 – HIGH COURT OF JUSTICE ( juridiction de première instance au civil ).

A défaut d’un accord entre les parties, cette juridiction est compétente en première instance, en matière civile, pour tous les litiges d’une valeur supérieure à 50.000 £. Elle n’est composée que d’une centaine de juges permanents qui ont compétence pour siéger dans n’importe laquelle des 3 divisions. Ces juges sont choisis parmi les meilleurs BARRISTERS ( avocats ), et depuis 1994 parmi les SOLICITORS ayant plus de quinze ans d’expérience. Ils sont nommés à vie par la reine, sur proposition du chancelier et restent en place jusqu’à 75 ans, sauf révocation à la demande du Parlement. La High Court peut siéger aussi bien en province ( 45 villes ) qu’à Londres. La High Court comprend 3 divisions qui peuvent connaître de n’importe quel type d’affaire civile; toutefois pour des raisons de commodité, chaque division se voit attribuer une compétence spécifique:

1°) La Division du Banc de la Reine ( QUEEN’S BENCH DIVISION ). Héritière des juridictions de common law, elle est présidée par le LORD CHIEF JUSTICE et comprend 64 PUISNE JUDGES ( juges ordinaires permanents appelé JUSTICES ). C’est principalement une juridiction de première instance. La loi de 1970 sur l’administration de la justice a ajouté à la juridiction du Banc de la Reine, spécialisée dans les crimes contre l’Etat, des affaires qui étaient auparavant de la compétence de l’ancienne Cour de l’Amirauté et du Tribunal de Commerce. En pratique, le Tribunal du Banc de la Reine est compétent pour tous les litiges qui ne sont pas explicitement définis comme étant de la compétence d’un autre tribunal de la Haute Cour. Il est ainsi compétent en matière de: responsabilité civile, rupture de contrat, litiges commerciaux, litiges maritimes ( collisions de navires, sauvetages, remorquages et prises en mer ). Aucun plafond n’est fixé pour le montant des dommages-intérêts qu’il est possible de demander devant le Tribunal du Banc de la Reine. Cette juridiction juge en moyenne 140.000 affaires par an. Elle peut aussi siéger en tant que juridiction d’appel, ( elle doit alors comporter deux ou trois juges ), et connaître des appels contre des décisions du Tribunal disciplinaire des Solicitors ou des jugements sur des problèmes de loyers. Elle a par ailleurs la tâche de contrôler le travail des tribunaux inférieurs, des ADMINISTRATIVE TRIBUNALS, et des autorités administratives qui exercent des fonctions quasi judiciaires. Elle reçoit environ 4.500 appels par an.

2°) La Division de la Chancellerie ( CHANCERY DIVISION ). Elle se compose du Chancelier qui d’ordinaire délègue ses fonctions de président au Vice-Chancelier, et d’au moins 17 juges de la Haute Cour. Ce tribunal est compétent en matière d’administration des biens des défunts, de dissolution de sociétés de personnes, d’hypothèques, de trusts ( notion juridique qui n’a aucun rapport avec la notion économique cf. infra ), de liquidations et dissolutions de sociétés, fiscalité, problèmes de ventes et divisions de biens fonciers, rectification et annulation de contrats notariés, exécution forcée de contrats, problèmes de faillites et successions contentieuses. C’est normalement une juridiction de première instance, les décisions étant prises par un juge unique, mais elle peut statuer sur des recours émanant des cours inférieures, relatifs à des problèmes de trusts ou de faillite. Elle comporte une chambre spécialisée dans les brevets. Elle juge en moyenne 40.000 affaires par an.

3°) La Division de la Famille ( FAMILY DIVISION ). Créée en 1970, elle est composée d’un président et de 15 juges de la Haute Cour. Elle statue principalement sur les divorces, séparations, pensions alimentaires, gardes de mineurs, adoptions, filiations, et sur des successions non contentieuses. C’est normalement une juridiction de première instance et les décisions sont prises par un juge unique. Elle est parfois saisie de recours sur des problèmes relatifs à la famille contre les décisions des cours de comté et des tribunaux de première instance: pour ces appels, la cour doit comporter deux juges ou plus. Elle statue sur moins de 100 appels par an.

  • 2 – Crown Court.

La Cour de la Couronne a été créée en 1971. Elle est compétente en matière criminelle bien que l’Angleterre ignore la distinction tripartite des infractions, que l’on rencontre très souvent dans le S.R-G.: contravention, délit, crime. Pour faciliter la répartition des tâches au sein de la CROWN COURT, les crimes et délits relevant d’une procédure courante et dont la tentative est punissable ( INDICTABLE OFFENCES ) sont divisés en 4 catégories:

1°) ceux jugés par un juge de la HIGH COURT, comme la trahison, l’assassinat etc.;

2°) ceux jugés par un juge de la HIGH COURT ou un CIRCUIT JUDGE, comme l’homicide involontaire, l’infanticide, le viol, l’inceste, la piraterie etc.;

3°) ceux jugés par un CIRCUIT JUDGE ou un RECORDER: voies de fait, coups et blessures volontaires, vol qualifié, faux et usage de faux;

4°) ceux qui peuvent être jugés par n’importe quel juge: les autres délits.

Il peut y avoir un jury de 12 personnes si l’accusé plaide non coupable, c’est-à-dire dans 30 % des cas seulement. Le JURIES ACT de 1974 organise la composition des jurys, en énumérant les conditions requises, les interdictions et les incompatibilités, les modalités du tirage au sort, les possibilités d’excuse et de récusation.

Les juges qui composent la Crown Court sont des juges de la Haute Cour, des juges itinérants ( CIRCUIT JUDGES ) et des juges à temps partiel ( RECORDERS ). Quelquefois des juges venant des cours de comté se joignent à eux. La Crown Court se décompose en une Cour criminelle centrale de Londres appelée OLD BAILEY ( lire : T.MURPHY, The Old Bailey, Mainstream Pub. 1999, 224 pages ), et 92 centres répartis en Angleterre et au Pays de Galles ( ainsi s’explique l’existence de CIRCUIT JUDGES ). Il y a 6 circuits. Les CIRCUIT JUDGES sont environ 550 ; les RECORDERS, qui siègent un mois par an, sont environ 900. La CROWN COURT est saisie de 100.000 affaires par an. En appel, dans une formation de jugement composée de 2 à 4 magistrats, elle juge les décisions ou les peines fixées par les MAGISTRATES ( 20.000 appels par an ).

Rappelons que la procédure pénale anglais, à la différence de celle de la France et de l’Allemagne qui sont inquisitoires, est accusatoire ( il n’y a pas de Code de Procédure Pénale comme en France), et résulte de l’application d’un certain nombre de textes se référant aux pouvoirs de la police, des tribunaux etc. La victime ( partie civile ) ne participe pas au procès pénal : pour les juristes de Common Law, la participation de la victime nuirait au déroulement du procès, en alourdissant inutilement les débats, et en risquant de compromettre l’équilibre entre l’accusation et la défense. Signalons qu’il existe des infractions dites simplifiées, à procédure sommaire ( SUMMARY OFFENCES ). En pratique, la tradition orale domine le procès pénal anglais; les procès-verbaux d’audition de témoins, faits par la police, ne sont pas communiqués au tribunal, et ne constituent pas à l’audience des preuves recevables, à l’exception du procès-verbal d’aveu de l’accusé. Précisons aussi que le système pénal anglais accorde des réductions de peine considérables aux accusés qui plaident coupables.

  • 3 – COURT OF APPEAL ( juridiction de deuxième instance au civil et au pénal ).

A l’inverse des droits du S.R-G., le droit anglais ne connaît pas de principe général du double degré de juridiction, mais des procédures d’appel sont organisées. En principe, et c’est une différence avec l’appel dans le S.R-G., la COURT OF APPEAL rectifie les erreurs de droit et rejuge rarement les faits. En d’autres termes, le second jugement ne constitue pas du tout une répétition de l’audience de première instance. Au sein de la COURT OF APPEAL, on retrouve une division binaire.

1 – La division civile ( 23 juges ). La formation de jugement est composée de 2 ou 3 juges, cinq pour les affaires très importantes, chacun rédigeant son opinion. Elle a une compétence générale pour juger les appels dirigés contre les décisions des cours de comté et de la Haute Cour. Elles est présidée par le MASTER OF THE ROLLS, et juge environ 1.800 appels par an.

2 – La division pénale. Elle est composée en principe d’un juge de la Court of Appeal et de 2 juges de la Haute Cour. Elle est présidée par le Président de la Division du Banc de la Reine. Sa compétence est générale pour juger les appels formés contre les jugements de la Crown Court qui condamnent, et exceptionnelle pour les jugements qui acquittent. Le recours en appel peut en effet porter sur la condamnation ou sur la peine, à moins que cette dernière ne soit fixée par la loi. En moyenne, elle statue sur 8.500 appels par an, dont les 3/4 ne portent que sur la peine.

Les décisions des juridictions inférieures ( MAGISTRATES’ COURTS ou COUNTY COURTS ) sont habituellement portées directement devant la COURT OF APPEAL, et non devant la CROWN COURT ou la HIGH COURT OF JUSTICE : c’est ce que l’on appelle la procédure de saute-mouton, « THE LEAP-FROG PROCEDURE ». Les juges de la Court of Appeal sont 35 ( LORD JUSTICES OF APPEAL ), et ont le même statut que les juges de la Haute Cour. Le Président, qui préside aussi la division civile, porte le titre de MASTER OF THE ROLLS ( gardien des registres ). C’est un très haut magistrat. Cet organigramme est très compliqué pour nos esprits prétendument cartésiens, et en tout cas très différent de son équivalent français ou allemand. C’est le résultat d’une longue stratification historique.

  • 4 – La Chambre des Lords

Le recours en cassation n’existe pas, mais contre les décisions civiles et pénales des cours d’appel un recours est envisageable devant le comité d’appel de la Chambre des Lords ( APPELATE JURISDICTION ). La Chambre des Lords siège alors en formation judiciaire distincte de l’assemblée parlementaire ( HOUSE OF LORDS ). Elle est alors composée de 11 juges, dont 2 juges écossais et parfois un juge d’Irlande du Nord, sous la présidence du LORD CHANCELLOR. Les formations de jugement varient de 3, 5 ou 7 juges selon les affaires, chacun d’entre eux pouvant exprimer individuellement son opinion ( SPEECH ). Le recours est rejeté si une majorité des voix n’est pas atteinte. Il ne s’agit pas d’une audience judiciaire solennelle, mais d’une discussion avec les avocats autour d’une table en fer à cheval. En outre, la décision n’est pas rédigée sous forme d’un arrêt motivé, mais sous forme d’opinions individuelles argumentées.

Le double système d’appel anglais, outre son coût exorbitant, ne repose sur aucune raison logique, mais semble une survivance de la tradition. « THE APPELLATE COMMITTEE » est composé de juges appelés LORDS OF APPEAL IN ORDINARY ou LAW LORDS. La présence des deux juges écossais montre que les différents droits britanniques ne sont pas aussi divergents qu’on pourrait le croire de prime abord. Ce comité juge aussi bien le fait que le droit, mais ne décide d’examiner que les affaires qui posent des questions fondamentales du droit. Ce recours est assez exceptionnel, entre 40 et 60 affaires par an ( moins de 100 ), et de plus il y a un filtrage par la Court of Appeal et par la Chambre des Lords elle-même. La Chambre des Lords n’est pas liée par la règle « nullum crimen ». Elle peut entendre un « amicus curiæ » qui donnera un avis sur un point litigieux. Cette haute juridiction tend à unifier les décisions des cours du Royaume-Uni en autorisant, dans l’intérêt de la justice, les appels dirigés non seulement contre les décisions rendues par les juridictions supérieures d’Angleterre, mais également contre celles rendues par les juridictions supérieures d’Ecosse ( uniquement en matière civile ) et d’Irlande du Nord. Introduire un tel recours devant la Chambre des Lords n’est pas un droit; comme on l’a dit, il faut y être autorisé par la Court of Appeal ou la Chambre des Lords elle-même. La loi de 1969 sur l’administration de la justice a institué une nouvelle forme d’appel pour les poursuites civiles, qui permet d’aller directement de la Haute Cour devant la Chambre des Lords, en passant par-dessus la Court of Appeal. Cette procédure, dite de « saute-mouton», doit remplir un certain nombre de conditions strictes.

L’existence de deux degrés d’appel apparaît tout à fait étrange. Cinq juges divisés ( 3 > < 2 ) peuvent réformer la décision de 3 juges unanimes de la Court of Appeal ! Les coûts engendrés pour les parties au procès sont exorbitants ; or, aucune raison logique convaincante ne peut être trouvée en faveur du maintien de ce double système d’appel. Soulignons un point qui traduit bien l’esprit du droit anglais : il est rare que les décisions rendues par les juridictions inférieures soient attaquées parce qu’elles n’ont pas fait une application correcte du droit ou parce qu’elles ont violé la loi. Le recours à une juridiction supérieure s’appuie :

Ø soit sur la notion de FAIR HEARING ( loyauté de la procédure ) ;

Ø soit sur la notion de MISCONDUCT ( conduite blâmable de l’arbitre ).

Enfin il existe le JUDICIAL COMMITTEE OF THE PRIVY COUNCIL ( le comité judiciaire du conseil privé de la reine ) qui, par avis, statue sur les recours portés contre les arrêts des cours supérieurs des Etats membres du Commonwealth ( Australie, Nouvelle-Zélande, îles anglo-normandes, île de Man ). Ce comité, constitué des Law lords, adopte des avis dont l’autorité juridique et morale en matière de common law est très grande, aussi grande que les arrêts de la Chambre des Lords, et d’ailleurs ils sont rapportés dans les mêmes recueils.

Signalons l’existence de juridictions spéciales. Les litiges en droit du travail relèvent des INDUSTRIAL TRIBUNALS composés d’un magistrat professionnel et de 2 juges consulaires, l’un représentant les employeurs, l’autre représentant les salariés. Il existe aussi des juridictions spéciales compétentes pour appliquer le droit fiscal, le droit social, le droit de l’immigration, et pour sanctionner les discriminations raciales et sexuelles. Toutes ces juridictions ont une activité plus arbitrale que véritablement judiciaire.

Sur cours-de-droit.net, d’autres cours de DROIT ANGLAIS ou DROIT AMERICAIN

1) Cours de droit anglais (common law) – 2) Cours d’anglais juridique – 3) Anglais juridique – 4) English Law – 5) Law Dictionary french – english – 6) English Law – English legal system 7) Droit américain – Droit des Etats-Unis

Ce Cours complet de droit anglais est divisé en plusieurs chapitres