L’expropriation pour cause d’utilité publique

L’EXPROPRIATION POUR CAUSE D’UTILITÉ PUBLIQUE

L’expropriation pour cause d’utilité publique est une opération qui permet à l’Etat (une collectivité locale, un établissement public ou un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public) de contraindre un particulier à lui céder, à défaut d’accord amiable et sous le contrôle du juge, la propriété d’un immeuble.

D’une manière générale l’expropriant ne peut prendre possession des immeubles expropriés qu’après paiement des indemnités. Cette règle est applicable même en matière d’urgence. Quelle que soit la procédure suivie, la consignation de l’indemnité ne doit être effectuée que s’il existe un obstacle au paiement et s’il n’est pas levé à la date de prise de possession.

I : HISTORIQUE

Principes rattachés à la définition de l’expropriation.

Expropriation pour cause d’utilité publique : C’est une opération de puissance publique. Opération de puissance publique qui a un objet et un destinataire, un propriétaire immobilier qu’on va priver de sa propriété.

Expropriation qui n’est possible QUE pour un motif d’Utilité Publique et d’autre part qu’à titre indemnitaire.

« Une juste et préalable indemnité »

L’opération est une atteinte à une liberté publique : Donc en regard de l’expropriation on va trouver des exigences constitutionnelles, conventionnelles qui veulent que la procédure soit strictement organisée et qu’elle permette de s’exprimer.

Dès le 18ème siècle on s’occupe d’organiser le retrait d’un bien. Mais bon, continuité historiques de l’expropriation.

Principes imposés par le souci de respecter le droit de propriété. D’abord il y a l’épisode de la vente des biens nationaux et les acquéreurs de ces biens veulent être très rassuré, très certain sur le fait qu’un retour politique ne remettra pas en cause la propriété.

Les législateurs de l’époque ont affirmé trois principes :

– L’emploi de l’expropriation : Elle ne peut exister qu’au motif d’Utilité Publique et même la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen parle de « nécessité publique »

– L’expropriation appelle contrepartie financière :

o Principe proclamé dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et dans l’article 545 du code civil.

o Juste et préalable indemnité

– Intervention du juge judiciaire : principe qui n’est écrit nulle part mais qui se déduit de l’idée que le Juge Judiciaire est le gardien de la propriété privée.

o Les hommes de 1789 n’aimaient pas le juge ni le parlement ! Donc ce n’est pas à ce moment que l’on va poser la compétence du Juge Judiciaire.

o Ce principe intervient sous l’Empire :

  • Napoléon ayant conquis l’Autriche a posé le principe selon lequel le transfert de propriété et la fixation de l’indemnité sont fixés par le Juge Judiciaire.

Le droit de l’expropriation a évolué avec quelques grandes étapes.

On va se servir de plus en plus de l’expropriation. De même la procédure va changer : On cherche la formule la meilleure.

Évolution qui est le fait de textes mais aussi de la Jurisprudence.

Le Cours de droit administratif des biens des biens est divisé en plusieurs fiches :

II- BASES CONSTITUTIONNELLES ET TEXTUELLES

Textes :

Lois libérales se 1833 et 1841 qui ont porté sur la procédure et sur le mode de détermination de l’indemnité, condition de l’expropriation.

La loi de 1841 avait mis en place le jury de propriétaire pour fixer l’indemnité.

Mais si ce système dure jusqu’en 1935, chaque fois que l’on a une opération importante à mener (Exemple, les chemins de fer) on va créer une procédure spéciale pour contourner ces jurys de propriétaires qui commencent à saouler car fixant les indemnités trop élevé.

Décret loi du 8/08/1935 qui retient une conception plus large de l’Utilité Publique. Il introduit une dissociation entre l’expropriant et le bénéficiaire de l’expropriation.

Système qui demeure jusqu’au code de l’expropriation de 1958 mais il reste concurrencé par les multiples régimes spéciaux.

Ordonnance du 23/10/1958, prise en vertu de l’article 92 de la Constitution donc à valeur législative.

Base constitutionnelle :

Article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

Le 25/07/89, le Conseil Constitutionnel va dégager un Principe Fondamental Reconnu par les Lois de la République du juge judiciaire fixant l’indemnité en raison de la compétence de gardien de la propriété.

Chapus défend la thèse de la protection par le Juge Administratif.

Pour exproprier, il faut constater l’Utilité Publique. Donc il va y avoir un préalable qui correspond à une appréciation de valeur de la part d’une Autorité administrative. Le contentieux sera alors administratif.

Parce que le point de départ de l’expropriation est un acte administratif et après le contentieux de l’expropriation reste judiciaire.

Ça pète l’unité de compétence contentieuse !!!

Voilà pourquoi la décision de 1989 est importante : Le Conseil Constitutionnel répond à Chapus en disant qu’il y a un Principe constitutionnel d’intervention des tribunaux judiciaires.

Quid de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales ?

La convention elle même et le protocole n°1 qui dit que toute personne a le droit au respect de ses biens.

Le protocole ajoute que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’Utilité Publique et dans les conditions prévues par la loi et les Principes Généraux du Droit International.

Donc il appartient aux législations nationales d’organiser l’expropriation.

Mais cette loi devait respecter le principe de proportionnalité : Donc réapparaît l’indemnité. On va demander une contrepartie proportionnelle !

Donc l’indemnisation juste et préalable était une protection plus forte.

La convention elle même a eut une intervention catastrophique et notamment l’article 6§1. On a dit que le juge de l’expropriation, enfin la composition de la juridiction jugeant l’expropriation était bizarre : En effet, juges et Commissaire du Gouvernement (différent de celui du Conseil d’Etat) qui était un expert institutionnel.

En 2003, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné la France dans une décision du 24/04/2003.

Le juge de l’expropriation avec le commissaire du gouvernement n’est pas un juge au sens de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.

La Cour de Cassation dans ses rapports de 2001, 2002 s’interrogeait sur la conventionalité du commissaire du gouvernement.

2/07/2003, la Cour de Cassation dans l’arrêt MONZERIAN, a repris à son compte le raisonnement de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

III : LES CONDITIONS DE L’EXPROPRIATION

Evolution qui a concerné tous les domaines de l’expropriation : titulaires, buts et enfin les bénéficiaires qui ne sont plus forcément les expropriants.

1- Qui peut exproprier ?

Deux éléments :

– Titulaires de la compétence de déclencher l’expropriation

– Titulaires de la mise en œuvre : L’Etat qui a seul la maîtrise de la procédure d’expropriation.

A- Les personnes habilitées à déclencher l’expropriation

Les personnes publiques, toutes les collectivités publiques ont la faculté d’exproprier.

Pour les établissements publics on considérait que seuls pouvaient exproprier ceux qui avaient cette compétence prévue dans leur statut.

Puis arrêt du Conseil d’Etat du 17/03/1972, il a considéré que tout établissement public pouvait exproprier.

Depuis 2002, nouvelle catégorie de personnes publiques spéciales : La banque de France, les GIE. Bref pas de Jurisprudence sur ce point…

La Banque de France a toujours procédé à l’expropriation mais par contre aucun GIE ne l’a fait.

Les personnes doivent agir dans leurs spécialités, fonctionnelles pour les Etablissements publics, et locales pour les collectivités locales.

Les Commune ont souvent exproprié en justifiant par l’implantation d’un service de l’Etat : Or on a dit « non ! » pour les services de l’Etat, c’est l’état qui doit exproprier. Puis après on a étendu l’intérêt.

Les personnes morales de droit privé disposent de la faculté d’exproprier. Elles agissent au nom d’un Service Public, dans un but d’Intérêt Général et ceci légitime qu’elles disposent de la faculté d’expropriation.

C’est au législateur de reconnaître cette faculté :

– Par catégorie : Au départ les concessionnaires de sources thermales qui peuvent utiliser l’expropriation.

o Ensuite on a reconnu cette faculté aux concessionnaires de mines d’hydrocarbures.

o Idem pour les concessionnaires de chute d’eau…

o Ensuite reconnaissance pour les titulaires d’une autorisation de Travail Public

o Société d’aménagement chargée par les villes disposent de la faculté d’exproprier

– Reconnaissance nominale :

o La Cie Nationale du Rhône qui a échappé à la nationalisation de l’électricité en 1946 et qui s’est vue reconnaître la faculté d’exproprier car mission d’Intérêt Général (navigation, électricité…)

B- La conduite de la procédure d’expropriation, monopole de l’Etat

Cette centralisation de la procédure en contradiction avec tout ce vent de décentralisation a deux explications :

– S’agissant de choses sérieuses : Idée qu’il y a un certain risque à permettre aux collectivités locales d’agir seules ! Il faut une sorte de contrôle, de tutelle technique, garde fou contre les excès de la décentralisation

– Nous sommes de plus en train d’entreprendre sur le terrain constitutionnel ! Donc il faut que la procédure mette en oeuvre les garanties posées et donc c’est à l’état de mettre en œuvre ces garanties.

Bref c’est de l’Etat qu’émane la procédure : La déclaration d’enquête préalable, la déclaration d’Utilité Publique, les arrêtés de cessibilités…

Bref c’est toujours des agents de l’état qui vont prendre les actes.

L’Etat n’a pas à cet égard un simple rôle d’instrument il n’est pas en situation de compétence liée. Il a un pouvoir d’appréciation sur l’opportunité de donner une suite ou non à la décision prise par des expropriants très nombreux.

C’est le préfet qui prend l’arrêté d’ouverture de l’enquête publique. Au terme de cette enquête il examine les résultas et prend la déclaration d’Utilité Publique. Entre temps il a nommé la commission d’enquête…

Tous ces actes doivent être notifiés, publiés par le maire en tant qu’agent de l’Etat.

Le préfet peut différer ou refuser l’ouverture de l’enquête publique.

7/03/1979, COMMUNE DE VESTRIC ET CAMBIAC.

Arrêt COMMUNE DU PORT, 20/03/1991

Le préfet peut aussi réduire le périmètre de l’expropriation : Il a un rôle actif pour la bonne fin ou pour paralyser la procédure d’expropriation.

L’état engage sa responsabilité s’il commet des erreurs dans la procédure. Il peut engager sa responsabilité vis-à-vis de l’expropriant.

Donc action indemnitaire contre l’état.

14/06/1963, VILLE DE CARPENTRAS: Dans cet arrêt le Conseil d’Etat dit que la commune de Carpentras est fondée à demander à l’Etat la réparation du préjudice subit. Car la commune a elle même été condamnée par le Juge Judiciaire car ayant causé un préjudice à l’exproprié.

6/10/2000, COMMUNE DE MELAN: La Commune disait que l’Etat s’était mal comportée. C’était le maire, agent de l’état ! Donc le maire agent communal dénonce le maire agent de l’Etat.

2- Les biens susceptibles d’être exproprié

Aujourd’hui comme il y a deux cent ans, on ne peut exproprier que des immeubles ! Seules exceptions, décret loi du 30/10/1935 qui permet d’exproprier les brevets intéressant la défense nationale.

L’expropriation peut porter sur l’immeuble mais aussi sur une partie de l’immeuble. Elle peut aussi porter sur un volume sous jacent de la propriété etc…

Exemple : Pour les voies de métro il faut exproprier les sous sols des propriétés privées.

L’ordonnance de 58 permet l’expropriation de la servitude. C’est important pour l’avenir des servitudes sur le domaine public.

En revanche il n’est pas possible d’exproprier pour créer des servitudes.

Les biens des personnes publiques sont expropriables : Concernant leur domaine privé.

En revanche l’expropriation des biens du domaine public est impossible du fait de l’inaliénabilité.

En déduisant de l’inaliénabilité l’interdiction d’exproprier c’est n’importe quoi…puis que l’on peut exproprier le domaine privé…

3- L’évolution de la notion de l’Utilité Publique

Les termes n’ont pas changé : L’expression Utilité Publique est dans le Code civil.

Mais le contenu a évolué considérablement. On voit de l’Utilité Publique là où auparavant on n’aurait jamais estimé qu’il puisse en exister.

Au départ, expropriation soit pour les besoins d’un travail public, soit pour le domaine public.

Maintenant on vérifie juste l’existence d’un Intérêt Général.

L’expropriation peut être utilisée donc pour constituer le domaine privé si cette Constitution est d’Intérêt Général.

Evolution marquée par la législation et la Jurisprudence.

La législation :

Elle est passée par une série de textes successifs correspondant à des activités à privilégier.

Entre 1902, 1935, toute une série de textes sur l’expropriation dans un but d’hygiène : Donc Intérêt Général qui va être de ne pas laisser subsister des îlots d’insatiabilité.

A la même époque on va permettre l’expropriation pour l’extension et l’aménagement des monuments historiques.

Idem pour l’établissement de terrains sportifs, pour le logements de famille nombreuse, pour les opérations de pures rénovations urbaines…

La Jurisprudence:

Dans son interprétation elle a été de plus en plus libérale. On parle d’Intérêt Général justifiant l’expropriation là où les textes parlent d’Utilité Publique.

Cet intérêt général est admis alors même qu’il concerne une multiplicité d’intérêts particuliers.

Le fait qu’une opération d’expropriation satisfasse UN intérêt particulier n’est pas un abus s’il se double d’un motif d’Intérêt Général.

Pouvait il être un Intérêt Général étranger : Pouvait on utiliser l’expropriation pour faciliter l’installation d’une ambassade étrangère.

Le Conseil d’Etat l’a admis, pour la première fois concernant l’installation de l’UNESCO a Paris.

Il y a des conventions internationales, dont celle de Vienne sur le droit des traités.

L’expropriation est admise donc dans ce cas.

Avis du 14/10/1997, le Conseil d’Etat a dit que la compagnie du baron de Languedoc qui est une personne privée pouvait se servir de l’expropriation pour réaliser un ouvrage de captation d’eau pour alimenter la ville.

4- Les bénéficiaires de l’expropriation

Souvent ce ne sera pas l’expropriant.

Ces bénéficiaires seront souvent de simples particuliers etc…

Evolution forte depuis la loi de réalisation foncière de 1953.

Le Conseil d’Etat a admis qu’en dehors même de tous textes, l’expropriation pouvait être utilisé pour la satisfaction d’intérêt privé.

On y a vu une découverte alors que l’arrêt du 20/12/1935, ETABLISSEMENT VESIA concernant des sociétés indigènes de prévoyances, c’est la que le Conseil d’Etat découvre les sociétés privées d’intérêt public.

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