L’admissibilité des modes de preuve

L’admissibilité des modes de preuve.

Peut-on quelque soit le litige avoir recours à un quelconque des 5 moyens de preuve envisagés par le Code Civil. La réponse à cette question dépend du système de preuve retenue. Il existe en effet deux systèmes de preuve:

Système de preuve morale;

Système de preuve légale.

Le système de la preuve morale est un système dans laquelle la preuve est libre, dire que la preuve est libre signifie retrouver cette liberté à deux niveaux:

  1. Tous les modes de preuves sont admissibles;
  2. Liberté pour le juge d’apprécier la force probante qui convient de reconnaître à chaque moyen de preuve.

→ Il n’y a donc pas de hiérarchie entre les différents modes de preuve dans un tel système puisque c’est le juge qui apprécie en fonction de son intime conviction la force probante des preuves débattues devant lui.

Dans un système de preuve légale, c’est la loi qui détermine tout d’abord les modes de preuves qui sont admissibles et la loi opère un choix, ce faisant, elle établit une hiérarchie entre les différents procédés de preuve. C’est également la loi qui fixe de manière impérative la force probante des moyens de preuve. Le juge n’a pas de pouvoir d’appréciation, il doit reconnaître aux moyens de preuve la force probante que leur accorde la loi. Le droit français consacre selon les matières tel ou tel système, ou parfois, un mélange des deux.

  • &1. Les matières soumises au système de la preuve morale

1). En matière pénale.

Le principe est celui de la liberté de la preuve. Le juge se prononce en fonction de son intime conviction après avoir étudié les différents moyens de preuve débattus devant lui. Il n’est lié par aucune preuve. En revanche, le choix des procédés de preuve n’est pas totalement libre. Ainsi en matière pénale, le serment décisoire est exclu. De plus, il existe comme en matière civile mais plus fortement, un principe général de loyauté dans l’administration de la preuve qui interdit le recours à certains procédés.

2) En matière commerciale.

Les besoins de souplesse et de rapidité propre à l’activité commerciale ont conduit à retenir le système de la preuve morale. En matière commerciale, la preuve est libre Art. 109 Code de Commerce. Cela signifie qu’entre commerçants, les actes juridiques comme les faits juridiques peuvent être prouvés par tout moyen. C’est le juge qui décide seul de la force probante des éléments qui lui sont soumis sans avoir à respecter une hiérarchie entre les différents modes de preuve. Par exemple, il peut accepter en matière commerciale que soit prouvé contre le contenu d’un écrit par témoignage ou par présomption. En présence d’un acte mixte, c’est à dire d’un acte passé entre un commerçant et un non commerçant, la liberté des preuves ne joue qu’à l’encontre de la partie à l’égard de laquelle l’opération est commerciale, c’est à dire qu’à l’encontre du commerçant. Exemple : une vente est conclue entre un commerçant et un non commerçant, le contrat peut être prouvé librement par l’acheteur contre le vendeur si c’est le non commerçant qui attaque le commerçant, la liberté de la preuve s’applique. Au contraire, si l’action est dirigée par le vendeur contre l’acheteur, ce sont les règles du droit civil qui s’appliquent (article 1341 au dessus de 1500€).

3) En matière administrative.

Tous les modes de preuve sont également admis, c’est le juge qui en fonction de son intime conviction apprécie la force probante qu’il convient de leur donner.

  • &2 : La preuve en matière civile : un système mixte.

Le système retenu en matière civile est mixte à deux égards.

Tout d’abord, on a pu constater qu’au regard de détermination de la force probante reconnue au moyen de preuve, certains moyens de preuves voient leur force probante déterminés par la loi (preuves parfaites, écrits pré-constitués, aveu judiciaire, serment décisoire). D’autres au contraire n’ont pas une force probante qui s’impose au juge qui peut apprécier, en fonction de son intime conviction, au cas par cas, la force probante qu’il convient de leur donner. C’est le cas des témoignages, des présomptions, de l’aveu extra judiciaire, ce sont les preuves imparfaites. Mais le système en droit civil est également mixte en ce qui concerne l’admissibilité des modes de preuve car pour les faits juridiques, la preuve peut être faite par tout moyen alors que pour les actes juridiques, un mode de preuve est imposé au delà d’un certain montant, il faut un écrit (au sens strict).

  • A) La preuve des faits juridiques.

Les faits juridiques sont soumis à un régime spécifique, ils peuvent être prouvés par tout moyen d’où l’importance de distinguer acte et fait juridique. Il faut toutefois que le procédé de preuve soit légalement admissible, qu’il soit loyal. Par exemple, le juge devra écarter un élément de preuve s’il porte atteinte au respect de la vie privée ou s’il entraine la violation d’un secret médical ou professionnel. L’importance de certains faits juridiques a conduit le législateur à écarter parfois le principe de la liberté de la preuve. Par exemple, la naissance ou le décès ont une telle importance que le législateur exige qu’il soit obligatoirement prouvé par un acte authentique et plus précisément par un acte de l’état civil. Attention, la liberté est moins grande que dans un système de preuve morale comme en droit commercial. En effet, elle ne joue ici que pour le choix du mode de preuve, pas pour la détermination de la force probante.

  • B) La preuve des actes juridiques.

Pour les actes juridiques, un mode de preuve est imposé, mais il existe des exceptions et des tempéraments à ce principe.

1) Le principe pour la preuve des actes juridiques.

Ce principe est énoncé àl’article 1341 du Code civil qui exige non seulement que la preuve de l’acte juridique se fasse par écrit mais qui interdit également de prouver outre ou contre un écrit par témoignage.

  • a) L’obligation de prouver un acte juridique par écrit.

L’écrit exigé par cet article est un écrit préconstitué (acte authentique ou acte sous seing privé). L’écrit n’est pas exigé ad validitatem, comme condition de validité de l’acte juridique. Probationnel. L’article 1341 impose que la preuve de tout acte juridique se fasse par écrit lorsque l’acte porte sur une somme excédent un seuil fixé par décret. L’écrit exigé par cet article n’est pas n’importe lequel : c’est un écrit pré-constitué, et le seuil d’exigence de ce décret est fixé depuis le 24 aout 2004 à 1500€. Cela signifie que de si un acte juridique porte sur un acte inférieur, la preuve est libre alors que si il porte sur une somme supérieure, elle doit nécessairement être apportée par écrit. L’écrit ici n’est pas une condition de validité de l’acte juridique, il est valable dans si il n’y a pas d’écrit, il ne peut pas être prouvé.

Quelle est la place de l’écrit en droit de la preuve?Il fait partie des preuves parfaite et c’est aussi le seul mode de preuve possible pour les actes juridiques.

  • b) Interdiction de prouver par témoin contre et outre le contenu d’un écrit.

Prouver contre un écrit, c’est prouver que l’une de ses dispositions est inexacte. Prouver outre un écrit, c’est prouver qu’une disposition aurait été omise. Qu’il s’agisse de prouver outre ou contre, on peut le faire en ayant recours ni au témoignage, ni aux présomptions judiciaires. Cela montre bien que la loi pose une hiérarchie entre les écrits d’une part, et les témoignages et présomptions d’autre part. En revanche, elle ne mentionne si l’aveu ni le serment. On devrait donc pouvoir en déduire que l’on peut prouver contre ou outre un écrit par aveu ou serment. Ainsi, si l’on conteste le contenu d’un écrit ou si l’on pense qu’une disposition fait défaut, on ne peut le prouver qu’en invoquant un autre écrit, un aveu ou un serment.

2) Les limites au principe de l’exigence d’un écrit.

Tout d’abord, la règle de l’article 1341 n’a pas à être appliquée lorsque l’acte intervient dans un domaine où la preuve est libre comme en matière commerciale ou encore lorsque l’acte juridique porte sur une valeur inférieurs à 1500€.
– La règle de l’article 1341 n’est qu’une règle supplétive se qui signifie que les parties ont très bien pu dans leur contrat écarter son implication en cas de litige.
– La troisième exception est prévue à l’article 1347 du Code civil qui prévoit qu’un acte juridique peut être prouvé par tout moyen si il existe un commencement de preuve par écrit. Selon cet article, le commencement de preuve par écrit est un document écrit qui émane de la personne contre qui la demande est formée et qui rend vraisemblables les faits allégués. Ce peut être un écrit quelconque, signé ou non, et pas nécessairement rédigé dans le but de servir d’élément de preuve. Par exemple, les juges peuvent considérer qu’une simple lettre missive envoyée par la personne est un commencement de preuve par écrit ou encore qu’un contrat signé qui ne respectait pas les exigences de l’article 1325 ou 1326 pouvaient être un commencement de preuve par écrit. En fait, c’est un écrit qui ne peut pas être qualifié d’authentique ou d’acte sous seing privé mais qui tend à démontrer que les allégations de celui qui l’invoque sont vraisemblables. La jurisprudence interprète largement cette notion et une loi du 9 juillet 1975 l’a également étendue en admettant que soit considéré comme commencement de preuve par écrit les déclarations que fait la personne lors d’une comparution personnelle devant le juge et même son refus de répondre ou son absence de comparution. Ainsi, si l’acte juridique ne peut pas être prouvé par un écrit mais qu’il existe un commencement de preuve par écrit, alors, la partie qui produit ce commencement de preuve par écrit est autorisée à avoir recours aux témoignages et aux présomptions pour compléter sa preuve car comme son nom l’indique, ce n’est qu’un début de preuve. Il n’est pas à lui seul suffisant, il doit obligatoirement être complété par des témoignages ou des présomptions pour suppléer l’absence de preuve écrite.

– L’article 1348 alinéa 1 du Code Civil prévoit une autre exception, l’exigence d’un écrit est écartée lorsqu’on peut établir l’impossibilité dans la quelle se trouve la partie de se procurer un écrit. Cette impossibilité peut être initiale lorsque l’écrit n’a jamais pu être dressé ou elle peut être ultérieure lorsqu’un écrit a été dressé mais qu’il a été perdu à la suite d’un événement de force majeure (c’est un événement qui présente 3 caractéristiques: il est imprévisible, irrésistible et extérieur). Cette impossibilité peut être matérielle ou morale (conclure un contrat avec quelqu’un qui ne peut pas écrire) lorsque par exemple, c’est l’existence de liens de famille ou affectifs forts qui ont empêchés les demandeurs d’établir un écrit. En cas de telle impossibilité, il est possible alors de prouver l’acte juridique par tout moyen.

– Il faut envisager le problème des copies d’écrits (actes authentiques ou actes sous seing privé). L’article 1335 du Code Civil pose le principe que certaines copies d’actes authentiques remplissant certaines conditions ont la même foi que l’original. Pour les autres, comme les copies d’acte sous seing privé, on a toujours admis qu’il était possible de les produire à condition d’être en mesure de produire l’original à la demande de son adversaire. La copie n’avait donc pas initialement de force probante autonome, elle n’avait de valeur que si l’original existait. Mais si la seule façon de copier un document qui était de le recopier à la main, de nombreuses techniques de reproduction ont été crées. La question s’est alors posée si il fallait reconnaître à ces nouvelles copies un certain crédit même si le risque de fraude existe toujours. La jurisprudence a ainsi admis qu’une copie dont l’original n’avait pas été conservé pouvait être considéré comme un commencement de preuve par écrit. Puis, une loi du 12 juillet 1980 a modifié article 1348 Alinéa 2 pour reconnaître à certaines copies une force probante autonome. Il s’agit des copies qui sont la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable de l’original. Même si il n’existe plus d’original, cette copie fidèle et durable pourra être produite. Mais alors, quelle est la force probante de ces copies? Cette question soulève encore des divergences d’interprétation. Certains estiment que la copie fidèle et durable doit se voir reconnaître la même force probante que l’original. Cette interprétation peut être critiquée en raison de la place de l’article 1348. Certains considèrent qu’à défaut d’écrit pré-constitué, elle peut par exception fournir la preuve d’un acte juridique mais qu’elle doit alors être complétée par des présomptions et des témoignages. Mais une telle interprétation reviendrait à assimiler la copie fidèle et durable à des commencement de preuve par écrit. Il semblerait qu’il faille faire prévaloir une autre analyse et admettre que la copie fidèle et durable peut permettre de prouver un acte juridique sans être complétée, donc supérieure à un acte commencement de preuve par écrit, mais qu’à la différence de l’écrit original il est possible d’apporter contre elle la preuve contraire par tout moyen.

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