L’autonomie du droit administratif

L’AUTONOMIE DU DROIT ADMINISTRATIF : PRINCIPE ET FONDEMENT

Le droit administratif français est un droit considéré comme dérogatoire du droit commun, c’est-à-dire un droit fondamentalement distinct du droit privé, du droit judiciaire. 2 questions : en quoi consiste ce principe d’autonomie ? Et est-il absolu ? Comment expliquer cette autonomie du droit administratif

Section 1 : Le principe d’autonomie: son contenu

L’autonomie signifie QUE DANS DE TRES NOMBREUX DOMAINES LE DROIT ADMINISTRATIF est différent du droit privé. Cette différence a été renforcée par une séparation radicale des juridictions administratives et des juridictions judiciaires. Elle découle d’une loi, des 16 et 24 août 1790, qui précise, dans son article 13 « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni cité devant eux les administrateurs en raison de leurs fonctions. Cette loi a été reprise dans un autre texte, la loi du 16 fructidor de l’an 3, qui relevait que défense sont faites aux tribunaux judiciaires de connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, au peine de droit… »

Cette distinction absolue entre juridictions judiciaires et administratives a renforcé le particularisme du droit administratif, qui été déjà il est vrai marqué, dans la mesure où on ne pouvait pas appliquer le même droit à l’administration et aux particuliers. Cette singularité française ne se retrouve pas dans les pays anglo-saxons en particulier, ou c’est le même droit et les mêmes tribunaux qui sont amené à juger particuliers et administrations. Dans les pays anglo-saxons il existe certes des textes particuliers, applicables à l’administration, mais l’interprétation et l’application de ces textes se feront par les tribunaux ordinaires. En France le système est totalement différent puisque le droit administratif est dérogatoire au droit commun, c’est ce qu’on appelle l’autonomie du droit administratif par apport au droit privé. Ce principe a été consacré par la jurisprudence du Conseil d’Etat dans de nombreux arrêts, et notamment des arrêts relativement anciens qui ont fixé ce principe d’autonomie dans la jurisprudence.

Dans un arrêt du tribunal des conflits, du 8 février 73, à propos de la responsabilité de l’administration : « la responsabilité de l’administration ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le code civil, mais elle a ses règles spéciales dont il aura lieu de tenir compte… » Arrêt Blanco.

Dans un arrêt du 25 novembre 1921 du Conseil d’Etat (arrêt Sabonerie Henry Olive), le Conseil d’Etat a considéré que les règles applicables dans les litiges entre particuliers à propos de la répétition de l’indu ne sont pas transposables telles quelles en droit administratif. Le commissaire du gouvernement relevait dans cet arrêt « s’il est intéressant pour vous, juges administratifs, de connaître les applications que font du code civil en matière de répétition de l’indu, les tribunaux judiciaires, vous ne saurez oublier qu’ayant à trancher non pas un litige entre particuliers mais un litige ou l’Etat est partie, votre décision peut d’inspirer de principes différent, vous êtes maître de votre jurisprudence… » Si le droit civil peut inspirer le droit administratif, la solution retenue sera nécessairement différente de celle du droit privé, compte tenu du particularisme administratif. Dans son étendue, le principe d’autonomie est-il un principe absolu, ou peut-il y avoir des transpositions du droit privé en droit administratif.

Dans certains domaines l’autonomie est absolue, ce sont notamment les cas dans lesquels l’administration dispose de prérogatives de puissance publique, les cas dans lesquels l’administration … impose des règles aux particuliers. L’administration est amenée à prendre des actes unilatéraux (décrets par exemple) qui s’imposent aux citoyens. Le régime de ces actes n’a pas de correspondant en droit privé. Par ailleurs, certaines procédures administratives, comme celle d’expropriation, ne se retrouvent pas en droit privé, l’expropriation consiste pour l’administration d’acquérir un bien immobilier contre le consentement de son propriétaire dès lors qu’une utilité publique justifie l’acquisition de ce bien. Cette procédure se compose de 2 phases, tout d’abord une phase administrative dans laquelle, près enquête publique, le préfet sera amené à prendre un arrêté déclarant ‘utilité publique l’opération. Cet arrêté est un acte administratif, qui peut être attaqué en annulation, s’il viole des règles de droit essentiel. Mais s’il n’est pas annulé, et qu’il n’y pas de recours, Il s’imposera aux justiciables. Les biens immobiliers seront transférés au profit de l’administration…

Après cette phase, une autre s’ouvre devant le juge judiciaire, la phase d’indemnisation des propriétaires expropriés. Le juge judiciaire est considéré par la jurisprudence comme le protecteur des libertés publiques et du droit des propriétés, et ce sera à ce juge de fixer les indemnités d’expropriation.

Le Cours de droit administratif est divisé en plusieurs chapitres :

L’administration dispose dans certaines circonstances d’un droit de réquisition. Ce droit va porter sur des biens mobiliers ou immobiliers dès lors qu’un besoin public urgent justifie cette réquisition. (cf. taxis de la Marne). La réquisition présente une différence importante par apport à l’expropriation. Cette dernière est un transfert de propriété au profit de l’administration, alors que la réquisition n’entraîne pas de transferts de propriété, la personne dont les biens sont réquisitionnés est seulement momentanément privé de la jouissance de son bien, l’administration devant indemniser le propriétaire de cette privation de jouissance.

Dans certains domaines, la règle de droit administratif a son équivalent en droit privé, mais diffère du droit privé de façon plus ou moins importante selon la matière considérée. En matière de contrats administratifs, on établit comme en droit privé un contrat écrit entre les parties, et ce contrat s’impose à elles. Cependant, le contrat administratif comporte des règles qui sont beaucoup plus favorables à l’administration que les contrats de droit privé. Par exemple, l’administration dispose d’un droit de modification unilatéral des termes du contrat, qui correspond à la notion de mutabilité des contrats administratifs, alors que les contrats de droit priver. Cela … dans laquelle le contrat fait la loi des parties. La modification des termes du contrat ne pouvant intervenir que d’un commun accord entre elles.

En droit privé, l’exécution du contrat est laissée à la diligence des parties, ces dernières étant présumées de bonne foi dans l’exécution contractuelle. Le code civil le relève parfaitement, car il dit que les conventions s’exécutent de bonne foi. En droit administratif, l’exécution des contrats permet à l’administration de s’immiscer dans le suivi contractuel en donnant des ordres au co-contractant, et en pouvant même mettre fin au contrat si l’administration estime que le contrat n’a plus d’intérêts pour elle.

Le co-contractant de l’administration a également des droits qu’il peut faire valoir. Il peut saisir le juge administratif d’une demande de dommage et intérêts contre l’administration lorsque celle-ci met fin unilatéralement au contrat, alors que le co-contractant n’a commis aucune faute. La fin du contrat peut causer un dommage à une entreprise justifiant des dommages et intérêts. Dans le domaine de la responsabilité, les solutions du droit administratif sont parfois différentes de celles du droit privé, mais la tendance récente de la jurisprudence est d’aligner le droit administratif sur les solutions du droit privé. Par exemple, pendant très longtemps la responsabilité de certains services administratifs ne pouvaient être mis en cause qu’en cas de faute lourde de ces services, ce qui limitait naturellement la responsabilité de l’administration, et qui limitait aussi les droits des victimes. Le droit administratif la responsabilité est basé sur la notion de faute, et comme en droit privé, il appartient au demandeur en responsabilité de démontrer la faute de l’administration. La jurisprudence récente à abandonner la notion de faute lourde dans certains domaines de la vie administrative, comme par exemple dans le domaine de la responsabilité médicale, ou dans la plupart des cas de responsabilité des services de secours, tels que les services d’incendie, de secours en mer et montagne, ou la faute lourde a été abandonnée au profit de la faute simple, ordinaire.

Dans un autre domaine, les juges ont retenu une responsabilité sans faute de l’administration, comme l’ont fait les tribunaux de l’ordre judiciaire, et ceux-ci notamment dans les dommages consécutifs à des transfusions pratiqués par les services hospitaliers quand ces dernières sont à l’origine d’une contamination, soit par le VIH, soit par le VHC, cas dans lesquels la victime doit simplement établir un lien de causalité entre une transfusion et une contamination.

Dans d’autres cas enfin le droit administratif a purement et simplement emprunté les règles … 2 exemples, en matière de responsabilité des architectes et entrepreneurs, régimes visés dans les articles 1792 et suivants du code civil, ainsi qu’à l’article 2270 du code civil, ce régime institue une responsabilité des architectes et entrepreneurs pendant un délai de 10 ans, à raison des malfaçons affectant des immeubles bâtis, à condition que ces malfaçons nuisent à l’habitabilité de l’immeuble, et n’assurent pas le clos et le couvert du bâtiment.

Dans le domaine du droit du travail, les juges administratifs appliquent certains principes du code du travail, qui sont considérés comme des principes généraux devant bénéficier à tous les salariés, qu’ils s’agissent des salariés du secteur public ou du secteur privé. L’article 29 livre premier du code du travail interdit de licencier une salariée en état de grossesse. Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 8 juin 73 (dame Peynet) a considéré que cet article s’imposait à l’administration dans ces rapports avec l’administration. Dans un arrêt du 23 avril 1982, (ville de Toulouse), le Conseil d’Etat a considéré que le principe visé dans le code du travail, fixant un salaire minimum au profit des salariés, doit s’appliquer également à l’administration dans ces rapports avec ses propres salariés.

Section 2 : le principe explicatif de l’autonomie du droit administratif

On a essayé, notamment avec la doctrine, par plusieurs théories. La première a été la distinction entre les actes de puissance publique et les actes de gestion. Elle consiste à dire que le droit administratif est nécessairement autonome par rapport au droit privé, dans la mesure où dans de nombreux cas, l’administration agit par voie d’autorité (=acte de puissance publique). Ces actes ne peuvent pas être soumis au même droit que celui des particuliers. Les actes de gestion, impliquant l’intervention du droit privé seraient réservés aux particuliers. Cette opposition n’a cependant as été maintenue dans la mesure où elle cantonne l’administration a des actes de puissance publique, alors que l’administration est alors amenée à accomplir des actes de gestion. En effet, l’administration a un patrimoine à gérer, et cette opposition n‘est pas valable. Cette première explication a été abandonnée.

La deuxième explication est basée sur la notion de service public. On a prétendu que tout activité d’une collectivité publique, visant à satisfaire l’intérêt général était un service public justifiant un droit spécial dérogatoire du droit commun. Certains arrêts du Conseil d’Etat ont d’ailleurs confirmé le bien-fondé de cette théorie, notamment l’arrêt Blanco du 8 février 1873 qui considère que la responsabilité des services publics ne peut pas être la même que celle s’appliquant aux particuliers. Dans un autre arrêt, du 6 février 1903, arrêt Terrier, le Conseil d’Etat a considéré qu’une activité financée par un Conseil Général, en l’occurrence la capture et destruction de vipères, était une activité de service public, puisque cette activité même accomplie par des particuliers, répondait à un besoin d’intérêt général. C’est ainsi que s’est créé une véritable école (celle du Service Public) qui a justifié l’application du droit administratif qui est fondé sur l’intérêt général, ce qui est différent du droit privé. On a défini le droit administratif comme celui du droit des services publics. L’Etat n’étant que lui-même qu’un ensemble de services publics. Cette théorie a dominé le droit administratif jusque dans les années 1992.

Elle a été abandonnée à la suite d’un arrêt révolutionnaire du tribunal des conflits d’un arrêt (Bac D’Eloka, plus connu sous le nom de société commerciale de l’ouest africain) du 21 janvier 1921.

Section 3 – Principe de l’autonomie du droit administratif.

Les raisons : distinction entre acte de puissance publique et acte de gestion

Le critère du service public n’est plus forcément un grand critère (depuis arrêt bac d’eloka). Dans cet arrêt, le tribunal des conflits a considéré que certains activités assurées par des collectivités publiques notamment des activités de transport pouvaient être soumises au droit privé et non pas au droit public puisque ces activités s’exerçait dans les mêmes conditions que celles retrouvée dans les entreprise privées. Dans cet arrêt, le tribunal des conflits a considéré que le juge compétent pour trancher le litige n’était pas le juge administratif mais au contraire le juge judiciaire du fait de la nature de l’activité (bac organisé par une personne publique). Activité qui n’est pas de droit public et donc…

Cet arrêt constitue une 1ère atteinte à la notion de service public considéré comme critère du droit administratif puisqu’un service public peut être soumis à certaines conditions au droit public mais aussi au droit privé.

La 2ème atteinte : à partir des années 1920-25 il est devenu de plus en plus fréquent de confier des tâches d’intérêt général à des personnes privées. Ce système se rencontre dans la concession de service public qui consiste soit pour l’Etat soit pour une collectivité locale à confier à un particulier la gestion d’un service public et ce sur la base d’un contrat de concession qui fixera les droits et obligations des parties.

Par voie de conséquence un service public peut être assuré par une personne privé dans le cadre de la concession qu’on appelle aujourd’hui la délégation de service public.

Le conseil d’Etat dans cette période d’avant 1940 a dans un arrêt important (13/05/1938) a considéré que les caisses primaires d’assurance sociale qui sont aujourd’hui les caisses de sécurité sociale étaient des personnes morales de droit privé chargées de la gestion d’un service public (arrêt caisse primaire aide et protection).

La théorie du service publique est encore aujourd’hui un critère d’application du droit administratif puisque de nombreux services publics administratifs sont soumis au droit public mais depuis les arrêts cités, le service public n’est plus soumis de façon monolithique au droit public puisqu’il existe également une gestion privée des services publics.

On a recherché de nouveaux critères contemporains justifiant l’autonomie du droit administratif. A l’heure actuelle ce critère se situe autour de l’idée de puissance publique mais il s’agit d’une notion révisée. Cela veut dire que puissance publique ne signifie plus de puissance commandante qui était le système ancien mais un service s’exerçant dans des conditions différentes du droit commun.

On oppose à l’heure actuelle la notion de gestion publique critère du droit administratif à celle de gestion privée qui st propre aux secteurs commercial ou industriels.

Le Cours de droit administratif est divisé en plusieurs chapitres :