L’instruction de l’instance

L’instruction de l’instance

L’instruction se déroule devant le juge. C’est un débat judiciaire. L’instance est la situation juridique particulière qui existe entre les parties depuis le moment où la demande en justice est formée jusqu’au jour où le jugement sera rendu.

Tout le temps que dure l’instance, l’affaire sera instruite. Ceci signifie qu’avant d’être appelé à l’audience pour y être jugé, on procède à :

  • l’échange des pièces
  • l’échange des mémoires
  • à des mesures d’expertise
  • etc …

Le conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi d’une réclamation parlementaire, cette réclamation porte sur un certain nombre de dispositions de la loi votée mais non promulguée que les Sénateurs critiquent. Le Conseil Constitutionnel considère qu’il est saisi de l’ensemble de la loi, ce qui le conduit à répondre à des questions qui ne lui sont pas posés et à pouvoir déclarer des articles de la loi que personne n’a critiqué. Lorsqu’il fait cela, le Conseil Constitutionnel dit qu’il soulève un moyen d’office. Cette terminologie est inexacte : le moyen d’office consiste à amener un argument dans le débat, sans sortir du débat. Mais ce que fait en réalité le conseil constitutionnel est un recours objectif sur l’ensemble du texte.

Hors, le juge du conseil d’Etat ne peut pas sortir de ce qu’on lui demande. Aucun juge n’a le pouvoir de statuer ultra petita.

Le débat judiciaire appartient aux parties. Il appartient aussi au juge. Il peut dans le cadre de ce qui lui est demandé apporter des argumentations nouvelles (les moyens d’ordre public). Ce qui nous conduit à distinguer entre les conclusions et les moyens

— Les conclusions : c’est la décision qu’on demande au juge. C’est la conclusion formelle des mémoires présentés.

— Les moyens sont les arguments, de fait et de droit, que les parties vont invoquer à l’appui de leurs prétentions (de leurs conclusions). Sur ces moyens, le juge a des pouvoirs qu’il n’a pas sur les conclusions. Il a le pouvoir d’en écarter certains (sans déni de justice).

Dans le débat judiciaire, le juge a plus de pouvoir que le juge judiciaire, car il est le chef d’orchestre de ce débat judiciaire. C’est le chef d’orchestre. C’est lui qui mène l’affaire. Dans l’illustration, la démonstration des preuves, le juge a des pouvoirs que n’a pas le juge judiciaire. (Cf. : théorie de la preuve devant le juge judiciaire). Hors, devant le juge administratif, la preuve est libre. C’est le juge qui décide de ce caractère.

Finalement, le débat judiciaire est un jeu à quatre :

— Le demandeur

— Le défendeur (avec la possibilité d’une demande reconventionnelle)

— Les intervenants

— Le juge

Mais dans ce « théâtre » qui se joue à quatre, seuls ont des pouvoirs sur les conclusions : le demandeur et le défendeur dans le cadre de la demande reconventionnelle.

L’office du juge : c’est son travail dans le cadre du débat judiciaire pour l’instruction de l’instance. L’office du juge n’inclut donc pas le prononcé du jugement

  • &1er : les parties (participants) à l’instance

A) Les parties dans le déclenchement de l’instance

Le principe, c’est que le demandeur détermine les éléments de l’instance à titre principal. Cela veut dire qu’il détermine :

— L’identité du défendeur (même s’il n’y a pas assignation, la demande doit permettre au juge d’identifier le défendeur).

— L’objet de sa demande

— Les arguments : les moyens de droit et de fait, qu’il porte dans le débat, dans son mémoire, dans sa requête (et éventuellement dans des mémoires complémentaires).

Joue alors le principe d’immutabilité de l’instance : le demandeur ne peut pas corriger sa copie. Il ne peut le faire que dans le cadre d’une régularisation (ou dans le délai du recours). Les éléments de l’instance ne peuvent plus être changé.

C’est le demandeur qui fixe l’instance. Il faut distinguer les parties principales des intervenants.

  1. Les parties principales

Les parties principales fixent l’instance.

— C’est le demandeur

— C’est le défendeur lorsqu’il se fait demandeur reconventionnel : il ajoute au litige à l’instance. Le défendeur ajoute aux moyens. Il ajoute à la discussion. Il apporte des éléments de contradiction. Mais le défendeur peut aussi ajouter aux conclusions dans le cadre d’une demande reconventionnelle. (Il peut élargir le débat judiciaire).

  1. Les intervenants

Le cas des intervenants est un peu plus complexe. Les intervenants ne sont pas des parties à l’instance pour parler rigoureusement mais des participants. Ce sont des personnes qui trouvent un intérêt à faire irruption dans le débat judiciaire, parce que l’issu du débat judiciaire leur importe d’une façon ou d’une autre. Ce sont des personnes qui veulent prendre part à la discussion. Il s’agit d’alimenter le débat en l’élargissant. D’alimenter de nouveaux moyens.

Pour autant, les intervenants sont liés au débat judiciaire : ils ne peuvent pas prendre de nouvelles conclusions.

Mais d’autre part, il est des intervenants qui sont plus ou moins forcés dans le procès. Des personnes que l’on va chercher. C’est le juge, de son pouvoir impérial, qui met ces parties dans le procès.

a) Intervention volontaire

Il s’agit d’un tiers au procès, qui n’est pas partie, qui n’est pas représenté. Qui a connaissance du litige entre les parties principales. Ce tiers estime qu’il a un intérêt personnel (propre) à participer au débat et à y faire valoir ses arguments. Cet intérêt est donc un intérêt de l’intervenant : il y a un intérêt à agir de l’intervenant. Il y a une appréciation de l’intérêt à agir de l’intervenant.

— La première question que se pose le juge est de savoir si c’est un simple agitateur ou s’il peut établir un intérêt à agir.

Mais cet intérêt peut être lié à l’intérêt du demandeur principal. On est dans la même sphère d’intérêt mais il y a une exigence d’un intérêt propre. La jurisprudence a précisé qu’il n’y avait pas de condition de délai dans l’intervention, sauf à ne pas retarder le jugement de l’affaire : il ne faut pas que l’intervention soit un procédé utilisé par celui qui craint de perdre pour relancer le débat judiciaire et faire durer. Sinon, il est possible que cette intervention soit possible à tout moment, car il ne s’agit pas d’élargir le débat judiciaire.


Il est alors habituel de distinguer entre l’intervention accessoire et l’intervention principale.

L’intervention accessoire : c’est la situation la plus fréquente. L’intervenant vient soutenir l’argumentation du demandeur ou de défendeur. Il s’associe aux conclusions de l’une ou de l’autre partie et entend appuyer des argumentations supplémentaires.

Cette intervention accessoire est présentée par une requête distincte, sans condition de délai, elle peut intervenir en appel (nouvelle argumentation dans le procès).

De la même façon, cette argumentation accessoire est dans le dépendance des conclusion principales : si le requérant se désiste, l’intervention tombe d’elle-même…

Le juge a même été plus loin dans ce caractère accessoire. La jurisprudence a exigé que l’intervenant ne puisse pas introduire dans le débat judiciaire, par son intervention, des moyens reposant sur une cause juridique différente de celles sur laquelle repose les conclusions principales. Cette crise d’argumentation lie l’intervenant.

Dans le plein contentieux, il faut que le droit froissé dont se prévaut l’intervenant soit distinct de celui invoqué par la partie principale.

Intervention principale : le terme jure de lui-même. L’essence même d’une intervention est d’être accessoire. Il y a les parties et il y a ceux qui ne sont que participants. Pourtant, la jurisprudence a admis dans un certain cas l’intervention principale.

Ici, l’intervenant soumet au juge une prétention qui lui est propre, et qui se rapproche donc de conclusions supplémentaires : c’est une demande qui s’ajoutent à celles qui ont cristallisées le débat judiciaire.

— L’intervention principale n’est pas possible en appel. (On déplace les termes du litige).

— L’intervention principale n’est admise que si elle a un caractère « non innovatoire ». C’est-à-dire qu’il y a bien une intervention propre, mais que cette intervention propre se situe dans le cadre et les limites des questions posées au juge.

Exemple : Conseil d’Etat, 6 novembre 1959, Mme POMMAR. Cet arrêt admet la recevabilité d’une innovation qualifiée de principale « non innovatoire ». Les circonstances de l’espèce sont simples : explosion d’une conduite de gaz, cause des dommages à un fond de commerce. Le propriétaire agit et demande des DI pour réparer son préjudice. Mme POMMAR ne prétend pas que la société de Gaz ne doit rien payer. Elle fait irruption dans le procès : elle apporte sa qualité de propriété réelle du fond de commerce. Le propriétaire apparent demande de l’argent et subsidiairement, du jour où Mme Bonnard apparaît que lui soit dénier sa qualité de propriétaire. La société de Gaz demande de renvoyer devant le juge judiciaire sur la question de propriété. Mme POMMAR demande de renvoyer au juge judiciaire pour trancher la question de propriété.

— Mme POMMAR fait une intervention principale, parce que cette intervention ne s’inscrit pas au côté d’une des parties principales. Elle est une intervention propre, introduite à titre principale mais n’apporte pas d’éclatement du débat judiciaire (elle n’élargit pas le débat).

Dans ce cas de figure, l’intervention de Mme POMMAR fut jugée recevable. Cette configuration n’est pas fréquente.

b) Intervention forcée

Certains intervenants ne souhaitent pas l’être, mais sont inscrits dans le débat judiciaire pour que la solution soit complète. Ici, le juge ordonne la mise en cause de tiers pour les rendre parties au procès, pour que la décision leur soit opposable. Il s’agira pratiquement toujours de parties défenderesses.

Conditions restrictives :

— Cette intervention forcée est exclue en matière d’excès de pouvoir.

— Là où elle est possible, elle ne peut être ordonnée que si elle est demandée par l’une des parties (le juge ne peut pas le soulever d’office).

— Si le juge peut mettre en cause à tout moment de l’instruction, il ne peut pas le faire pour la première fois en appel.

Lorsqu’elle est possible, cette intervention forcée, qui émane du demandeur, consiste à mettre dans la cause un tiers, parce qu’il apparaît que le débiteur n’est pas seulement le demandeur. (Cas de figure de l’appel en garantie), par exemple en matière de travaux publics : l’appel en garantie de l’assureur). C’est la forme la plus fréquente de l’intervention forcée : les débiteurs organisent la couverture des créances que l’on a contre eux.

L’appel en déclaration de jugement commun est ouvert à l’égard de toute personne au droit de laquelle le jugement pourrait préjudicier. C’est exactement la formule qui rend recevable la tierce opposition. Il s’agit de prévenir la tierce opposition en faisant venir ce tiers et lui demandant de s’expliquer afin que la décision lui soit opposable.

B) Les parties dans la cessation de l’instance

La question qui se pose ici est de savoir si les parties conservent la maîtrise de la procédure dont elles ont eu l’initiative.

  1. Le désistement

C’est ici les questions de désistement et de non lieu que nous devons analyser. Le désistement correspond à l’hypothèse dans laquelle l’auteur du recours renonce à sa prétention. Le désistement doit être admis. Il comporte une disparition de l’instance (ruine de l’instruction déjà faite et pourvue de toute conséquence juridique).

Les choses, en réalité sont un peu plus compliquées quant à la formation du désistement et quant à ses effets.

a) Catégories

Désistement volontaire. C’est la volonté du requérant, qui choisit de mettre fin à l’instance. Ce désistement est libre, il est ouvert à tout moment de l’instance et peut être justifié par toute considération de fait ou de droit, ce qui veut dire en particulier que des éléments de fait conduisent à considérer que même si le recours était fondé en droit il serait maintenu. Ce n’est pas nécessaire que cette illégalité ait disparu pour qu’il se désiste.

Grande ouverture du désistement. La jurisprudence exige que les conditions du désistement soient explicites. Les termes du désistement doivent figurer et ne peuvent pas être suppléés par des manifestations de volonté équivoque.

— Désistement d’office. Ici, le requérant ne veut pas abandonner son affaire mais il est négligeant. Ici, le requérant ne suit pas la procédure. Peut être alors prononcé un désistement d’office, qui va contre la volonté du requérant, mais sanctionne une négligence du requérant qui n’a pas participé à l’alimentation du débat judiciaire.

Ce désistement d’office ne peut frapper que le requérant. Il est prévu dans certains cas :

Exemple : le requérant dépose un recours sommaire. Il doit alors produire un mémoire complémentaire dans un certain délai. S’il ne respecte pas ce délai, il est réputé s’être désisté. Le juge peut mettre fin à l’instance contre la volonté du requérant. Ce système est manié avec une certaine rigueur par le Conseil d’Etat, il l’est de façon moins brutale par les tribunaux administratifs qui procèdent généralement préalablement par une mise en demeure.

b) Effets

Désistement d’instance et désistement d’action

— Désistement d’instance : le requérant abandonne l’instance en question, se retire de la procédure engagée mais ne renonce pas nécessairement à une autre action.

— Désistement d’action : le requérant renonce à l’action : il renonce à faire valoir en justice le droit qu’il a essayé de faire valoir.

Le Conseil d’Etat présume que le désistement est un désistement d’action. Il appartient donc au requérant de préciser quand il s’agit d’un désistement d’instance.

L’acceptation et le prononcé du désistement

Le désistement ne met pas toujours fin à l’instance :

— Dans l’hypothèse où il y a des requêtes collectives (plusieurs requérants), le désistement de l’un des requérants ne met pas fin à l’instance.

— Dans l’hypothèse où il y a des demandes reconventionnelles, le désistement du demandeur principal ne met pas fin à l’instance, sauf s’il était accepté par le demandeur reconventionnel.

Le juge vérifie si les conditions du désistement sont satisfaites et donne acte.

  1. Le non-lieu à statuer

C’est un évènement physique de circonstances (élément de fait) qui conduit le juge à rendre une décision de non-lieu à statuer et qui met fin à l’instance. Ce non-lieu à statuer signifie que le juge met fin à l’instruction, quelque soit la volonté des parties sur ce point, parce que l’objet du litige n’existe plus : il n’y a plus de matière au débat judiciaire.

a) Non-lieu définitif

Quand un non-lieu est-il prononcé ?

— Quand il n’y a plus d’objet. (Exemple : l’acte a été retiré ; hypothèse où le préjudice a été réparé par équivalent)… Le non-lieu peut être législatif : imaginons que la disposition contestée a fait l’objet d’une loi : le juge n’est pas juge de la loi. Il ne peut plus agir.

Dans tous ces cas, le non-lieu est définitif.

b) Non-lieu en l’état

C’est un non lieu qui n’exclut pas une reprise de l’instance. (Il est une hypothèse où on a perdu le dossier. Il faut s’arrêter avant de reconstituer les éléments du dossier).

Sans doute les parties à l’instance ont un rôle, mais le litige peut également prendre fin en dehors de leur volonté.

  • &2 : Les conclusions

A) Définition

Les conclusions sont l’expression par les parties de la chose demandée au juge. Le procès, c’est la transformation de la chose demandée en chose jugée : ce que le requérant demande c’est que la chose qu’il demande soit jugée au nom du peuple français, et donc qu’il y ait une force exécutoire.

La conclusion, c’est ce qui conclut l’argumentation.

Le déni de justice n’est pas caractérisé lorsqu’on ne répond pas à tous les moyens, mais quand on ne répond pas à toutes les conclusions. On a un droit à porter une demande devant un juge et à porter une réponse.

Ces conclusions sont de la responsabilité des parties. Elles doivent être clairement formulées. Des conclusions non clairement formulées conduisent à l’irrecevabilité de la requête, sous réserve que le juge invite à régulariser.

B) Classification

Conclusions principales

Conclusions additionnelles

C) Le cas des conclusions reconventionnelles

voir le site
http://ester.gymnopedie-juridique.info/r

« Il est possible en défense de chercher à amoindrir les effets du litige en formant des conclusions reconventionnelles. Devant le juge administratif, la technique est utile essentiellement en matière de réparations indemnitaires, que la cause juridique de la demande soit le contrat, la faute ou autres. Elle l’est également lorsqu’un régime a été spécifiquement organisé, comme, par exemple dans certains contentieux fiscaux (cf. art. R. 200-15 LPF :
– C.E. 31 juillet 1992, Mme S…, n° 68974 (voir également jurisprudence ci-dessous)

L’irrecevabilité des conclusions reconventionnelles à raison de la nature du contentieux

Dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir les conclusions reconventionnelles sont par principe irrecevables :
– C.E. 24 novembre 1967, M. N…, n°66271
– C.E. 7 décembre 1979, Ministre de l’Economie et des Finances, n°05577
– C.E. 27 juin 2001, Caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne, n°224115
– C.E. 10 mars 2003, Communauté de communes de Haute-Provence, n° 226662

Elles sont également irrecevables dans le contentieux de l’élection, alors même qu’il s’afit d’un contentieux de pleine juridiction :

  • qu’elles tendent à l’obtention dommages et intérêts :
    – C.E. 21 décembre 1977, Elections municipales de Crolles (Isère), n°08374
  • qu’elles tendent à la proclamation de l’élection d’un candidat non élu :
    – C.E. 9 décembre 1977, Elections municipales de Congis-sur-Thérouanne, n°08575
  • qu’elles tendent à l’invalidation d’un candidat proclamé élu :
    – C.E. 23 septembre 1985, Elections municipales de Saint-André-de-la-Réunion, n°59882
    – C.E. 31 juillet 2009, Elections municipales de Saint-Rose (La Réunion), n°318365, 319654

    Dans ce cas le juge de l’élection regarde la demande reconventionnelle comme une protestation nouvelle et apprécie si elle est encore présentée dans les délais de contestation.
  • qu’initiées par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques elles tendent à la déclaration d’inéligibilité d’un candidat :
    – C.E. 23 août 2006, Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, n°270561

L’irrecevabilité des conclusions reconventionnelles à raison de la technique procédurale

Sont irrecevables des conclusions reconventionnelles qui soulèvent un litige distinct de celui dont le tribunal administratif est saisi :
– C.E. 30 octobre 1987, Mme I…, n° 67967
Mais une société est recevable à présenter ses demandes reconventionnelles sur le terrain de l’enrichissement sans cause, alors qu’elle les avait à l’origine fondées sur le contrat, dès lors que ce contrat était entaché de nullité :
– C.E. 29 décembre 2008, commune de Montpellier, n°286130

Sont irrecevables des conclusions reconventionnelles présentées en défense à des conclusions de plein contentieux dès lors que l’administration dispose du pouvoir d’agir par elle-même :
– C.E. 6 mai 1983, Société Distrelec et autre, n°28850 ; 30971
Il en est ainsi, par exemple, lorsqu’elle peut émettre un titre de perception :
– C.E. 9 juillet 1975, Ministre de l’Economie et des Finances, n°93967

De même le service fiscal n’est pas recevable à présenter des conclusions en décharge d’une imposition, dès lors qu’il il lui appartient de la prononcer d’office :
– C.E. 9 novembre 1988, M. G…, n°68965
Sous réserve de régime organisé par un texte tel l’art.R.200-15 LPF :
– C.E. 28 mai 2001, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie,n°208142

Sont irrecevables des conclusions reconventionnelles se greffant sur des conclusions principales elles mêmes irrecevables :
– C.E. 8 novembre 1968, Entreprise Poroli et Dame M…, n° 62778, 64028, 64424

Le préfet n’est pas recevable, dans le cadre d’un recours exercé par un demandeur de logement ou d’hébergement en vertu de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation, ni demander l’annulation, par la voie d’une demande reconventionnelle, ni exciper de l’illégalité de la décision de la commission départementale de médiation, laquelle est susceptible de recours :
– C.E., Avis, 21 juillet 2009, Mme I…, n°324809″

  • &3 : Les moyens

Ce sont des arguments de fait et des arguments de droit. Le juge doit les examiner. Mais il a à l’égard de ces moyens beaucoup plus de liberté qu’à l’égard des conclusions. Le juge n’a pas besoin d’examiner tous les éléments apportés. Enfin, le juge peut également apporter ses propres moyens.

Autant le juge est lié par le débat (la conclusion). Autant le juge est un acteur du débat judiciaire lui-même. Il n’est pas lié à la discussion qui s’ouvre devant lui.

A) Les moyens des parties

  1. Rappel : moyens de légalité externe et moyens de légalité interne

Classifications possible : le débat est ouvert en droit et en fait. Il y a des moyens de fait et de droit, les moyens du demandeurs et ceux du défendeurs, qui ne sont pas nécessairement les moyens du demandeur (par exemple : l’irrecevabilité vise à faire écarter la demande du demandeur). Il y a des moyens principaux et des moyens subsidiaires.

La classification est intéressante : elle détermine l’ordre des moyens par le juge :

— On examine toujours la légalité externe

— On examine ensuite la légalité interne.

Si un moyen de légalité interne prospère, l’acte ne peut pas être réparé. En revanche, si c’est un moyen de légalité externe, l’acte peut être réparé.

Les moyens ne sont pas toujours de même nature :

— Exemple d’un vice de procédure. Le vice de procédure affecte la légalité externe de l’acte (vice de forme). On considère que telle formalité n’est pas accomplie : c’est un grief de légalité externe. Mais s’il y a arrêté de cessibilité : il devient moyen de légalité interne. C’est le même grief, c’est le même défaut qui change de nature compte tenu de son invocation dans deux cadres successifs.

  1. Date d’appréciation

Les moyens sont appréciés à des dates différentes :

— Plein contentieux : à la date de décision du juge.

— Recours en Excès de Pouvoir : à la date de l’acte.

B) Les moyens écartés par le juge

Il faut distinguer les moyens écartés par le juge des moyens non fondés. Ceux-ci sont écartés du débat judiciaire. Ces moyens, écartés par le juge, ne sont pas constitutifs d’un déni de justice. Ces moyens sont de façons classiques rangées en trois catégories.

  1. Moyens manquant en fait

— Ici, matériellement, le moyen n’existe pas. Celui qui apporte le moyen commet une erreur de fait (exemple irrecevabilité du recours pour ne pas avoir constitué avocat, et le requérant a signé le recours). Le moyen manque en fait, il doit être écarté. Il n’y a pas matière à appréciation et à discussion, c’est une pure analyse de fait. Il n’y a pas non plus à en discuter.

— Dans cette seconde série d’hypothèse pour laquelle le juge emploi aussi l’expression de moyen manquant en fait, il s’agit en réalité d’une situation différente : c’est l’hypothèse d’une inexacte interprétation de la décision contestée. C’est en réalité une erreur de droit qui a été commise et non pas une erreur de fait. On veut dire par là que, comme dans l’hypothèse précédente, le juge n’entre pas dans la discussion du requérant : il refuse la discussion. Peut importe la question, ce n’est pas l’objet de l’acte. Mais en réalité, nous ne sommes pas éloigné ici du moyen mal fondé.

  1. Moyens irrecevables

Il ne s’agit pas d’une requête irrecevable. Ici, la requête est recevable. Mais dans le débat, on met des arguments qui eux vont être jugés irrecevables dans la discussion.

— Sont jugés irrecevables les moyens assortis d’allégations de faits insuffisant. Le juge écarte ces moyens.

— Sont jugés irrecevables des moyens qui n’auraient pas été apportés dans un recours administratif obligatoire. Les moyens que l’on peut apporter devant le juge sont les seuls qui ont été apporté devant l’administration.

— Irrecevables aussi les moyens tirés de l’illégalité d’une décision administrative individuelle (sous la réserve du renvoi de juridiction à juridiction).

— Irrecevabilité tenant des limites et de la compétence du juge. Si on invoque l’inconstitutionnalité d’une loi, alors ce moyen est inopérant car le juge n’a pas la compétence. (De la même façon pour des moyens qui conduiraient le juge à s’immiscer dans le judiciaire).

— On ne peut pas invoquer non plus la méconnaissance de clauses d’un contrat.

  1. Moyens inopérants

Cette catégorie n’a pas toujours une autonomie nette. Cette qualification a de l’importance, car la jurisprudence leur faut un sort particulier : les moyens n’ont pas besoin d’ être nommés par le juge. C’est leur régime contentieux qui les distingue. Il peut écarter un tel moyen sans en faire état, et sa décision ne sera pas censurée. Jurisprudence CE 25 mars 1960 BOILEAU « le juge peut sans encourir de critique écarter un tel argument ».

C’est ce régime contentieux qui fait l’unité de ce type de moyen.

Sont déclaré inopérants :

-les moyens sans rapport avec le litige, de droit ou de fait. Pas besoin de s’y attarder donc. Ex : on invoque une loi sur les drogues, or le médicament n’a pas de telles substances. Ce qui est écarté au nom de l’indépendance des législations : droit de l’urbanisme contre législation de l’environnement ou la santé publique. Cette construction de la jurisprudence peut suspendre, au nom de la légalité administrative. Mais les légalités administratives sont cloisonnées. Il appartient à la jurisprudence de donner à chaque fois son périmètre précis à la légalité administrative.

-les moyens qui se heurtent à une disposition législative. C’est la théorie de la loi écran. L’acte méconnaît la Constitution, mais est conforme à un loi !

-les moyens invoqués à l’encontre d’une décision que l’administration pouvait prendre. Sont écartés car l’administration devait prendre la décision, car a une compétence liée. Si on supprime cette décision, elle sera reprise automatiquement. Ex ; fonctionnaire à la retraite. Dans tous les cas, il sera à la retraite. Ce moyen est donc inopérant, écarté par le juge. Cette catégorie joue même pour les détournements de pouvoir. Ça risque de donner lieu à des désordres. Cette jurisprudence a donc trouvé des limites Conseil d’Etat 9 avril 1986 FAUGEROUX: « l’incompétence n’est pas écartée par un moyen inopérant car l’illégalité commise a eu pour conséquence de supprimer une garantie dont il n’est pas possible de priver le destinataire ». Cette jurisprudence est une jurisprudence d’exception.

Il y a donc beaucoup de choses dans cette catégorie, très hétérogène.

C) Les moyens apportés par le juge : les moyens d’ordre public

Ces éléments de discussion doivent être relevés par le juge, d’office, même si les parties ne l’on pat invoqué ou y ont renoncé. C’est l’ordre public contentieux. Mais le juge n’est tenu de le faire que s’il trouve des éléments dans le dossier. Mais il peu élargir le débat pour savoir Conseil d’Etat 13 février 1987 Morel . Sous cette réserve, les moyens d’ordre public peuvent être relevés à tout moment par le juge, c’est une obligation pour lui. C’est obligatoire, sauf si ça se heurte à l’autorité de chose jugée, car il y aurait contradiction entre deux éléments d’ordre public Conseil d’Etat 16 octobre 1992 Mme Martine Dupuis (interdiction de libéralités de la part d’une personne publique, c’est un moyen d’ordre public. Mais autorité de chose jugée).

Quels sont ces moyens ? Comment ça se passe ?

  1. Catégories

Ils sont nombreux.

  • l’incompétence

Un tel moyen est toujours d’ordre public . ça se rattache à la théorie des compétences ; pas possible de l’étendre, de la restreindre… ça vaut aussi en matière de délégation de pouvoir, car il y a transfert de compétence au délégataire (a retranché à sa compétence). L’absence, même partielle, de consultation du Conseil d’Etat est aussi source d’incompétence, et non un vice de forme. Le Conseil d’Etat est donc co-auteur de la décision administrative. C’est une construction de la jurisprudence , très efficace. Le juge a la sanction du mécanisme de consultation du Conseil d’Etat .

Celui-ci est allé loin : il doit être consulté le dernier, sur la totalité du texte, et il propose une rédaction (suggestion alternative) à la place de la rédaction initiale. C’est un moyen d’ordre public inventé par la jurisprudence.

Idem pour la méconnaissance de la consultation du Conseil constitutionnel, et quand un décision ne peut être prise que sur avis conforme ou proposition. C’est considéré comme de l’ordre public.

  • méconnaissance du champ d’application de la loi

L’acte administratif se méprend sur le champ d’application de la loi : temporalité, application territoriale… Elle n’existe pas en tant qu’applicable à cet acte. La rétroactivité d’un règlement, l’inexistence d’un acte administratif sont d’ordre public.

  • Propre à certains contentieux

Dans le contentieux pécuniaire, une personne publique ne peut pas être condamnée à payer une somme qu’elle ne doit pas. Sous cette formulation, qui tend à être abandonnée, se cache l’interdiction de l’intention libérale. Ça pose problème en matière de transaction.

Autre moyen d’ordre public, l’irrégularité de la composition d’une juridiction (principe d’impartialité). Conseil d’Etat 30 juillet 2003, Mme Chatin-Tsai.

  1. Régime

Jusqu’en 1992, la jurisprudence retenait une décision très critiquée. Le juge n’était pas tenue d’informer les parties, de recueillir leur observation… Donc pas de contradiction. Cette jurisprudence était critiquable, car c’était l’inverse pour le juge judiciaire. Ceci est du aux textes, car il y a une différence de rédaction (juge administratif avait l’obligation, le juge judiciaire avait la faculté). Décret 22 janvier1992 abandonne cette jurisprudence , et rétablit les exigences de contradiction. Le juge doit informer les parties, et donne un délai pour leurs observations. Ça vaut à tout moment de la procédure, interprétation donc libérale. Mais aussi interprétation libérale, car il est arrivé que le Conseil d’Etat ne dise pas le moyen d’ordre public qu’il soulevait. Cette exigence est écartée en matière d’urgence.

  • &4 : La procédure d’instruction

I- Les pouvoirs du juge
Devant le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel, chaque requête est attribuée par le président à une section ou une sous section ou une chambre. Il désigne ensuite un rapporteur qui propose les mesures d’instructions. A tout moment de la procédure, une affaire peut être renvoyée à une formation de jugement supérieure. Le conseil d’état, les cours administratives d’appels, et les tribunaux administratifs ont la possibilité de mettre un terme à l’instance sans instructions préalables « lorsqu’il apparait au vue de la requête introductive d’instance que la solution de l’affaire est dores et déjà certaine », article R 611-8 du code de justice administrative. Cette procédure est rarement utilisée car elle permet au juge d’écarter des demandes manifestement irrecevable ou portée devant une juridiction incompétente. Grâce à son pouvoir inquisitoire, le juge fixe les délais dans lesquels les différents mémoires ou observations doivent être fournies. Ces délais ne sont pas prescris à peine de nullité sauf mise en demeure ou clôture de l’instruction. Ainsi, le dépôt d’un mémoire après expiration du délai n’a pas d’affluence sur la régularité de la procédure. Lorsqu’une partie ne répond pas à une demande du juge dans le délai imparti, la juridiction adresse une mise en demeure soit à la partie directement soit à son ministère d’avocats. Si la mise en demeure reste sans effet, ou si le dernier délai assigné n’est pas respecté, le juge statut. Si c’est le demandeur qui n’a pas observé le délai, le demandeur est réputé s’être désisté de son action. Si c’est par contre le défenseur qui n’a pas observé le délai ni la mise en demeure on dira qu’il est réputé d’avoir acquiescé aux faits exposés par le demandeur. Les juridictions se réservent le droit pour les cas où la mauvaise volonté des parties est évidente.
II- La clôture de l’instruction
L’affaire est en état d’être jugée, l’instruction est close avant le début des conclusions du rapporteur public, appelé commissaire du gouvernement avant 2009. Cette disposition permet de présenter à l’audience des observations orales à l’appui des conclusions écrites. Cette disposition prévoit également que si les parties présentent des moyens nouveaux ou des conclusions nouvelles le tribunal ne peut les adopter sans ordonner un supplément d’instruction.
Après la clôture de l’instruction, les parties n’ont plus la possibilité de produire des documents. Les pièces présentées après la clôture sont dépourvues de valeur sauf tolérance du juge. D’après l’article R 611-11-1 « lorsque l’affaire est en état d’être jugée, les parties peuvent être informées par ordonnance du juge de la date ou la période à laquelle il est envisagé de les appeler à l’audience… ». Cette procédure est facultative, ce n’est pas une obligation pour le juge.

A.Closse
Le juge peut ou ne peut pas accepter des pièces comme il dispose aussi la faculté de rouvrir l’instruction. Cette réouverture de l’instruction n’est pas susceptible de recours (article R 613-4 du code de justice administrative). Par contre cette décision de rouvrir l’instruction doit être notifiée par ordonnance aux parties. La plupart du temps la réouverture de l’instruction résulte soit d’un jugement d’une autre affaire liée ou résulte de mesures d’investigations et ordonnant un supplément d’instructions. Bien évidemment, les mémoires qui auraient été produit pendant cette période entre la clôture et la réouverture sont communiquées aux parties. La découverte de moyen d’ordre public après clôture de l’instruction entraîne la réouverture de plein droit de l’instruction.
III- Le principe du contradictoire (ou le droit des parties)
Ce caractère contradictoire est un principe général de la procédure contentieuse. Au moment de la naissance de l’instance les parties doivent être informées pendant l’instance. On estime qu’il faut que les parties aient une information suffisante dans l’instance pour que les parties puissent se défendre utilement. Pour cela, les parties doivent connaitre l’argumentation et les pièces que la partie inverse invoque ainsi que celles que le juge utilise. Toutefois, les parties doivent toujours demander la communication au juge des pièces. C’est une jurisprudence constante de 1925, arrêt Candat. Le juge ne peut statuer à l’aide de document qu’il s’est procuré sans les communiquer aux parties. Le droit a communication englobe le droit à communication entre les parties (mémoires, requêtes…), les conclusions du rapporteur public, ce droit à communication s’effectue par tous moyens.
IV- Le délai pour statuer
Le juge ne se voit pas astreint à un délai pour rendre son jugement. Il est simplement énoncé que les décisions juridictionnelles doivent intervenir dans un délai raisonnable. Le silence d’une juridiction ne fait pas naître une décision implicite de rejet (sinon déni de justice). Chaque juridiction est donc souveraine dans la conduite de l’instruction.

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