La création d’une entreprise dans l’ordre international

La création d’une entreprise dans l’ordre international

Il s’agit d’envisager schématiquement le régime juridique qui gouverne la création d’une activité économique dans un pays étranger. Les techniques juridiques en la matière relèvent soit du contrat soit de la création d’un établissement stable doté de la personnalité morale (ex : filiale ≠ succursale). On peut observer que ces deux mécanismes principaux sont en réalité associés puisqu’il peut arriver que l’investissement projeté par un entrepreneur prenne la forme d’un contrat d’investissement débouchant sur la création d’une personne morale. De plus en plus, on se tourne vers des mécanismes instituant un partenariat.

Le cours complet de Droit du Commerce International est divisé en plusieurs chapitres :

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  • &1. L’investissement étranger en France.

Il est soumis à des principes.

A propos de la reconnaissance des sociétés étrangères en France, on a évoqué la liberté d’établissement des succursales qui représentent des sociétés étrangères en France avec certaines contraintes à savoir délivrance d’une carte de commerçant étranger (pour toute personne physique qui dirige en France une société étrangère ou un établissement sous forme de succursale), cette carte n’est pas exigée pour les ressortissants de l’Union Européenne ou en cas de convention diplomatique qui instituerait une réciprocité entre les ressortissants étrangers de ce pays en France et d’autres… Cette carte a été remplacée par une autorisation préfectorale.

Question de la législation sur les investissements étrangers en France. Le texte fondateur en la matière est la loi de 1966 dont le décret d’application a été modifié dans le sens d’une libéralisation croissante du régime des investissements étrangers en France. Cette loi posait un problème de liberté des relations financières entre la France et l’étranger avec la possibilité pour le gouvernement d’y déroger par décret.

Le traité de Rome prévoyait cette liberté mais son application restait timide. Le traité de Maastricht a réaffirmé ce principe en prévoyant des exceptions en cas d’investissements directs. La France s’est conformée à ce principe à travers des décrets modifiant la loi de 1966. C’est la loi de 1996 qui a vraiment aligné le droit français sur le droit de l’Union Européenne.

On a réaffirmé dans l’article 151-1 CMF (issu de la loi de 1996) ce principe applicable aux investissements directs effectués en France. Il ne s’agissait que d’un principe général qui pouvait être vidé de son contenu par le gouvernement par décret. Aujourd’hui, cet article s’applique à tous les investisseurs qu’ils soient ou non membres de l’UE. La France va plus loin que ne l’exige le traité de l’UE qui permet de maintenir des restrictions pour les pays non-membres de l’UE.

Le dernier texte en date est un décret de 2005. Tout investisseur étranger qui investit sur le territoire français est tenu à une simple déclaration administrative qui n’a qu’une fonction statistique au moment de son investissement. Elle remplace la déclaration préalable. Cette simple déclaration est assortie d’une sanction pénale relativement légère (contravention de 4ème classe) alors que subsistent par ailleurs des sanctions plus lourdes pour d’autres infractions aux relations financières avec l’étranger. En outre, plusieurs opérations sont dispensées de cette déclaration (L151-1 et R151-1 du CMF).

L’investissement direct est défini à la fois

rationae personae : investissement réalisé par des non-résidents. Définition du non-résident : personne physique ou morale qui a son établissement principal à l’étranger et ce, peu importe leur nationalité étrangère ou pas.

rationae materiae (opérations ponctuelles : location-gérance d’un fonds de commerce par exemple, prise de participation dans une société dont le siège social se trouve en France…).

Des exceptions ont été posées dans la loi de 1996. Trois critères alternatifs déterminent les investissements directs en France qui ne bénéficient pas de ce fameux principe de liberté et qui sont donc soumis à autorisation :

  • tous les investissements qui concernent de près ou de loin la production ou le commerce des armes. La loi de 1996 y a englobé la recherche. Or, toutes les exceptions au traité doivent être interprétées restrictivement et on y a inclus la recherche alors que les textes communautaires n’envisagent pas cette exception.
  • tous les investissements étrangers qui mettent en cause l’ordre public, la santé publique ou la sécurité publique.
  • critère organique : tous les investissements étrangers qui participeraient en France à l’exercice de l’autorité publique.

A chaque fois que l’investissement répond à l’un de ces critères, est mis en place un système d’autorisation délivré par le ministère de l’économie et des finances dans un délai de 2 mois. Si le ministère ne répond pas dans ce délai, l’autorisation est réputée acquise.

Depuis la loi de 1996, on a attribué un pouvoir au ministre de l’économie qui peut faire injonction si l’investisseur étranger n’a pas respecté la loi c’est à dire n’a pas demandé cette autorisation ou est passé outre le refus. Cette injonction doit être toujours précédée d’une mise en demeure.

A compter de cette mise en demeure l’investisseur a 15 jours pour répondre. Ensuite (quelle que soit la réponse), le ministre peut enjoindre à l’investisseur de renoncer ou de modifier son opération mais la loi ne précise pas de délai pour exercer ce pouvoir d’injonction (peut retarder l’opération).

Les sanctions en cas de non-respect de cette procédure d’injonction du ministre ont été renforcées :

  • sanction pécuniaire: double du montant de l’investissement irrégulier. L’investisseur a 15 jours pour présenter ses observations à partir du courrier envoyé par le ministre lui permettant de prendre connaissance de la sanction. Cette sanction est en réalité de nature administrative mais elle a été analysée comme étant une sanction pénale. Il n’est donc pas sûr que les intérêts garantis à l’investisseur soient suffisants (droits de la défense, contradictoire…).
  • sanction civile: l’investisseur s’expose à la nullité de la convention, de l’engagement ou de toute clause qui contreviendrait à ces textes sur le régime de ces investissements (L151-4 CMF). Cette nullité est absolue (tout intéressé peut la demander, aucune régularisation possible postérieurement). La régularisation, si ce n’était pas une nullité absolue, pourrait résulter du ministre.

Il faut ajouter tout un appareillage fiscal plus ou moins incitatif (ex : zones franches situées souvent dans des zones portuaires permettant à des entreprises de venir investir dans des conditions de dégrèvement fiscal intéressantes).

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  • &2. Le cadre juridique de l’investissement direct à l’étranger.

A) le cadre juridique international (2 aspects).

  1. les conventions internationales d’encouragement à l’investissement.

Le risque pour un investisseur est que son investissement fasse l’objet ultérieurement de spoliation. C’est pourquoi, il revendique des règles juridiques précises de traitement et de protection de cet investissement. Plusieurs ordres interviennent :

  • ordre juridique de l’Etat de territorialité : territoire d’accueil de l’investissement
  • Etat de nationalité : territoire d’origine de l’investissement
  • ordre juridique international

L’ordre juridique de l’Etat de territorialité joue un rôle essentiel mais il y a des principes de droit international dont on pourrait se prévaloir. Ex : le droit de propriété a été consacré par la DUDH mais il ne dispose pas d’une force absolue puisqu’il est reconnu à un Etat le droit de nationaliser (avec indemnisation).

On dispose aussi des principes en vertu desquels peut être réglementé le statut des investissements étrangers. ex : en utilisant la clause de la nation la plus favorisée qui oblige l’Etat ayant accordé des avantages à un Etat à en faire bénéficier les autres Etats signataires de la clause de la nation la plus favorisée (accords de Marrakech).

La France a ainsi conclu des certaines de conventions bilatérales dans lesquelles sont définies les règles de traitement des investissements étrangers. Les conventions bilatérales les plus caractéristiques sont celles conclues avec les pays demandeurs de capitaux (PED). Avec les Etats dits développés, les conventions bilatérales ont eu longtemps tendance à filtrer le flux des capitaux étrangers mais là encore, aujourd’hui, le principe de libre circulation des biens et des capitaux semble devenir un principe universel en matière d’investissement.

Revenons donc à celles conclues avec les PED. Elles ont pour objet d’encourager les investissements. La France en a conclu une trentaine avec des pays pour la plupart « à revenus intermédiaires ». Ces conventions reproduisent des clauses-type d’un projet de convention (qui a servi de modèle) sur la protection des biens étrangers adoptée par l’OCDE. Elles prévoient le traitement et la protection des investissements.

a) traitement des investissements.

On y trouve quelques principes de traitement différenciés :

l’Etat d’accueil doit faire bénéficier l’investisseur d’un traitement juste et équitable

reconnaissance de la clause de la nation la plus favorisée

clause de traitement national : traitement équivalent à celui accordé aux investisseurs nationaux.

Quel que soit le principe retenu, le libre transfert des produits d’investissement étranger est consacré c’est à dire possibilité de rapatrier les bénéfices.

b) protection des investissements.

Ces conventions instituent par ailleurs une protection des investissements qui ne signifie pas impossibilité d’exproprier ou de nationaliser. Elles prévoient le plus souvent les conditions de fond et de forme pour effectuer ces nationalisations ou expropriations.

Exemples de clauses possibles : la nationalisation ou expatriation doit être soumise à un intérêt public, exemple d’esprit discriminatoire : indemnisation juste, équitable et versée sans délai, opération qui ne doit pas être contraire à des engagements particuliers des deux Etats.

Ces nationalisations peuvent faire intervenir des différends entre les investisseurs et l’Etat d’accueil ; on a alors la possibilité de recourir à un mécanisme de règlement des conflits par voie d’arbitrage. Intervient alors le CIRDI (centre international pour le règlement des différends en matière d’investissement entre Etat et personnes privées) qui est le résultat de la Convention de Washington de 1965 présentée comme la convention de banque mondiale. Cette convention a été largement ratifiée par des Etats variés (Nord, Sud économie libérale ou pas).

Les sentences arbitrales rendues en la matière sont souvent considérées comme relativement équilibrées.

Les accords de Marrakech qui instituent l’Organisation Mondiale du Commerce comprennent des MIC (mesures concernant l’investissement) et instituent un mécanisme de règlement des conflits concernant les accords pris par cette organisation, qui ne peut être mis en œuvre qu’entre Etats.

c) attirer les investissements dans le but de promouvoir le développement du pays d’hôte.

Ce n’est pas toujours le cas. L’investissement parfois ne profite que peu aux pays en développement. Ces investissements permettent la pénétration sur le territoire d’un Etat sans que celui-ci (pays d’accueil) ne profite de l’investissement. Ce phénomène se constate aussi quand on est en présence de contrats d’investissement.

  1. les contrats d’investissement.

En l’absence de conventions bilatérales, l’Etat de territorialité peut accepter de conclure un contrat d’investissement qui forme souvent une société soumise au droit local. Cela ne constitue pas un traité international (conclu uniquement entre les Etats souverains). Il peut arriver que le contrat d’investissement ne soit que la mise en œuvre d’une convention internationale auquel cas, le contrat bénéficierait des dispositions protectrices qui sont contenues dans la convention bilatérale.

La difficulté quand le contrat d’investissement n’est pas conclu dans le cadre d’une convention internationale, réside dans le fait que l’entreprise étrangère investisseur se retrouve seule face à l’Etat souverain. Or, l’Etat souverain a des prérogatives de puissance publiques qui peuvent causer un préjudice quand elles sont appliquées à l’investisseur. C’est pourquoi, souvent, dans ces contrats on trouve :

des clauses de stabilisation par lesquelles l’Etat interdit sa législation qui concerne le contrat.

des clauses d’intangibilité par lesquelles l’Etat s’interdit de modifier unilatéralement le contenu du contrat.

Ces clauses sont-elles licites ? Pour résoudre cette question, la doctrine a essayé de raisonner en démontrant que ce type de contrat est rattaché à l’ordre international et la doctrine a voulu démontrer soit :

  • que le contrat tire sa force obligatoire du droit international (s’il s’agit d’un acte juridique de droit international, l’Etat peut s’autolimiter) mais cette internationalisation pose des problèmes de principe car le cocontractant (entreprise privée) n’est pas un sujet de droit international (seuls les Etats et les organisations internationales le sont). Dès lors, on ne peut pas assimiler le contrat international à une convention internationale donc l’Etat ne peut pas accepter des limitations de souveraineté par le biais de ces clauses. Les auteurs voyant que cette possibilité n’était pas envisageable ce sont réfugiées derrière une autre théorie.
  • que le contrat ne tire pas sa force obligatoire du droit international mais il s’agit d’un contrat internationalisé: en cas de conflit, ce sont les principes de droit international qui serviraient de normes de référence. Position intenable : on ne peut pas dire que ce n’est pas un acte international mais ce contrat est soumis aux principes du droit international.

Cela signifierait que ces clauses ne pourraient être jugées qu’en référence au droit interne. Or, il y a peu de chances qu’un droit interne accepte un gel de ses compétences. Ce qui nous conduirait à affirmer l’illicéité de ces clauses. Il reste que ces clauses sont souvent stipulées.

Par ailleurs, il est vrai que l’investisseur prend un risque qu’un jour l’Etat agitant les principes fondés sur sa souveraineté décide qu’il n’est pas lié par de telles clauses dans la mesure où elles sont illicites.

B) éléments de droit positif interne.

  1. la forme juridique de l’implantation à l’étranger.

Ces formes juridiques sont connues :

succursale (établissement stable sans personnalité morale)

filiale (établissement stable doté de la personnalité morale soumis au droit local c’est à dire au droit du pays d’accueil)

fusion de sociétés : deux ou plusieurs sociétés étrangères fusionnent entre elles ce qui pose le problème de la loi applicable à cette société fusionnée (au regard du droit français : loi du lieu du siège social)

  1. les Codes d’investissement.

Plusieurs Etats se sont dotés de réglementations, de normes appelés par certains des « codes d’investissement » qui ont pour objet de réglementer les investissements sur leur territoire. Ces codes peuvent être incitatifs, être de simples réglementations de contrôle (neutre : fondées sur le mécanisme de l’autorisation, égalité de traitement) ou être des réglementations dissuasives (rares) qui considèrent que l’investisseur étranger peut constituer une menace pour l’indépendance économique (énumèrent des domaines dans lesquels l’investisseur étranger est interdit de séjour ou bien soumis à des réglementations strictes chaque fois que par exemple l’objet de l’investissement peut menacer les intérêts vitaux de l’économie nationale).

Aujourd’hui, ces réglementations sont pour la plupart incitatives (surtout dans PED) ou du moins neutres sur le plan économique (mais les dissuasives sont rares).

a) les avantages octroyés à l’investissement direct.

Avantages pour l’essentiel fiscaux (ex : exonération de la constitution d’une filiale, impôts sur les bénéfices) mais pas seulement car peuvent aller jusqu’à la prise en charge de certaines dépenses par le pays hôtes (ex : prise en charge de la construction de certaines infrastructures).

b) les garanties octroyées à l’investissement direct

Garanties qui concernent le capital investi (peuvent aller jusqu’à l’extrême à savoir l’Etat qui s’interdirait de nationaliser l’investissement mais une telle interdiction ne vaut que pour celui qui prend l’engagement et non pas pour les successeurs), suspension de certaines prérogatives de puissance publique (zones franches), opérer une déréglementation en matière social (renoncer à appliquer le droit du travail à la filiale).

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