La garantie bancaire internationale

La garantie bancaire internationale

Ce mécanisme a voulu répondre à certaines difficultés nées de la pratique de la pratique contractuelle classique en commerce international (pas de transposition du droit interne). L’obligation de garantie du fournisseur à l’égard du client est souvent insuffisante pour couvrir les malfaçons. Par ailleurs, si cette garantie est stipulée, elle suppose une procédure judiciaire ou arbitrale souvent aléatoire et coûteuse.

Du coup, les opérateurs économiques ont inventé des dispositifs infernaux dans la mesure où, par exemple, on a inventé la notion de paiement irrévocable. Avec cette notion, l’acheteur se trouve débiteur du prix du contrat alors même que l’exécution du contrat n’est pas conforme. D’où une certaine frustration du client qui aura dû payer un équipement par exemple qui ne fonctionne pas.

On va exiger alors l’engagement d’un tiers qui suppose d’une surface financière indiscutable et qui va apporter sa garantie financière à l’opération. Dans le code des marchés publics, on trouvait un mécanisme analogue que l’on appelait « la caution de bonne fin » où un titulaire d’un marché de l’Etat devait assortir l’exécution du contrat d’une caution de bonne fin. Ici, il s’agit pour le fournisseur de se faire assister d’un garant qui sera un établissement de crédit et qui garantira sur le plan financier la bonne fin de l’opération.

Le rapport contractuel va faire intervenir une tierce personne. Ce rapport à trois personnes pose de multiples difficultés juridiques.

La garantie bancaire internationale a fait l’objet dans le cadre de la CNUDCI d’une convention de 1995 entrée en vigueur le 1/01/2000 dite sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit standby. Elle n’a pas été ratifiée par les pays européens. Par le biais d’une ordonnance du 23/03/2006, cela a été consacré dans le code civil : on parle de la garantie autonome ou garantie bancaire (art.2321).

garantie bancaire internationale

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A – l’analyse de la garantie bancaire internationale.

1) l’objet de la garantie bancaire (3).

a) garantie de soumission.

Elle intervient lorsque le marché international est soumis à un appel d’offre. Dans le cadre d’une réponse, on va faire une offre de contrat, en général suivie d’une négociation pendant laquelle les conditions de l’offre initiale doivent être maintenues par le soumissionnaire.

Pour obliger le soumissionnaire à garantir le maintien de son offre initiale, on va lui demander de stipuler une garantie de soumission qui va couvrir l’obligation du soumissionnaire de contracter avec le client au minimum dans les termes de son accord.

Si les négociations s’éternisent ou ne respecte pas son offre initiale, le client pourra appeler la garantie bancaire pour être indemnisé du non-respect de l’offre initiale par son cocontractant. Pour obliger le soumissionnaire à formuler des offres raisonnables, on va donc lui demander d’assortir son offre d’une garantie de soumission.

b) garantie de restitution d’acompte.

Lorsque le contrat est conclu, un acompte est souvent exigé dès la signature du contrat par le fournisseur. Cet acompte versé par le client a pour objectif de permettre au fournisseur de faire face aux premières dépenses.

Or, au moment où cet acompte est versé, il ne correspond en réalité à l’exécution d’aucune prestation particulière, d’où là encore un risque pour le client que le fournisseur empoche l’acompte et disparaisse dans la nature. Dès lors, le client va assortir le paiement de cet acompte à une garantie de restitution d’acompte que le client pourra saisir en cas de l’interruption du contrat par le fournisseur.

c) garantie de bonne fin ou de bonne exécution.

En cas de mauvaise exécution voire d’inexécution, le client a la possibilité de saisir la garantie bancaire au terme de l’exécution du contrat. La banque ne peut s’y opposer si les conditions de délivrance de la garantie ont été remplies.

En la matière, il faut savoir que ce mécanisme a remplacé depuis quelques années la retenue de garantie. En effet, les opérateurs avaient l’habitude de prévoir dans le prix du contrat une retenue de garantie, qui consistait à ne payer que 90 ou 95% du contrat, le reste étant retenu à titre de garantie tant que la période de garantie n’était pas expirée. La retenue comportait un inconvénient pour le fournisseur c’est à dire qu’il n’était jamais payé intégralement car le client disposait de la garantie et pouvait invoquer un prétexte quelconque pour ne pas le payer intégralement. La retenu de garantie amenait à des pratiques perverses (ex : augmentation des prix pour y inclure cette retenue de garantie), d’où le recours à la garantie de bonne exécution.

2) les modalités affectant la garantie bancaire (2).

  • la garantie conditionnelle :elle n’est délivrée que si le bénéficiaire démontre l’existence de la condition, à savoir l’inexécution des obligations par le donneur d’ordre (le fournisseur). Pour le bénéficiaire, une telle garantie est aléatoire en raison de la nécessité de prouver l’existence de la non-exécution. Pour l’établissement de crédit, sa réputation et sa signature sont en jeu car la banque va se voir attribuer le pouvoir d’apprécier l’existence ou l’absence de la condition. Ce peut être une source d’erreur voire de responsabilité de la part de la banque si elle délivre trop facilement la garantie ou si elle se montre réticente pour la délivrer (c’est à dire qu’elle est peu fiable). Est-ce bien le travail de la banque que de se substituer aux parties dans le travail d’appréciation de la mauvaise exécution ou de l’inexécution ? Pas si sûr, c’est pourquoi on lui préfère…
  • la garantie inconditionnelle, à première demande ou sous simple démarche : ce système a le mérite de la simplicité et améliore la situation du garant car, sans obliger le client à donner les raisons de son appel en garantie, on rend plus difficiles les appels abusifs. Elle est parfois assortie de modalités qui ne changent pas la nature de cette garantie. Les garanties documentaires par exemple impliquent seulement que le bénéficiaire donne les raisons de son appel en garantie. Elle confère au bénéficiaire le pouvoir de délivrer la garantie sans avoir à établir précisément la preuve de l’inexécution du contrat. la banque n’a qu’un contrôle formel.
  • une 3ème modalité est possible : « performance bond». C’est un engagement de faire de la banque (pas un engagement de payer). Pratique USA rechignée en France.

Ces modalités déterminent leur nature juridique : si on est en présence d’une garantie conditionnelle, on peut l’assimiler à une sorte de cautionnement dans lequel la caution va s’engager à faire quelque chose en cas de défaillance du débiteur principal. Par ailleurs, comme dans un cautionnement, la caution peut opposer au bénéficiaire les mêmes exceptions. Si le fournisseur conteste les allégations du client, la banque peut elle-même contester ces mêmes allégations.

Pour la garantie inconditionnelle, on s’est interrogé sur la qualification de ce mécanisme. On a proposé de recourir à la délégation c’est à dire que le déléguant (fournisseur) demande au délégué (banquier) de s’engager à l’égard du délégataire (client) qui a le droit d’exiger du délégué l’exécution de l’obligation sans considération de la cause de l’obligation, le donneur d’ordre restant tenu du contrat principal. Cette analyse n’a pas été retenue par la Cour de cassation (12/12/1984) tout simplement parce que ce mécanisme a pour objet l’extinction de la dette. La garantie inconditionnelle n’a pas de fonction extinctive. Il est plus opportun de rapprocher le mécanisme de la garantie du mécanisme du crédit documentaire irrévocable (moyen de sécuriser le paiement). C’est pour cela que ces deux instruments sont jumelés dans la même opération (crédit documentaire irrévocable exigé par vendeur et garantie indépendante et inconditionnelle exigée par le client car obligeant le banquier à payer sur simple demande).

Les analyses considèrent que la garantie bancaire inconditionnelle constitue une obligation autonome par rapport aux obligations contenues dans le contrat principal. Une obligation peut être autonome tout en étant causée. Cette cause ou motif n’interdit pas, par ailleurs, l’autonomie de cette garantie par rapport au contrat principal. Cela autorise le banquier d’opposer au bénéficiaire une exception tirée de l’exécution du contrat. La question va se poser de cette qualification en cas de nullité ou de résolution du contrat principal. S’il y a nullité ou résolution du contrat principal, normalement la garantie bancaire devrait être caduque puisque devenu sans cause, le contrat principal ayant été annulé ou résolu. Certains ont soutenu que malgré le caractère inconditionnel de la garantie, celle-ci devenait caduque en cas de nullité ou de résolution du contrat principal. Ce n’est pas la position du législateur français car le sort de la garantie autonome ne suit pas le sort du contrat principal (art.2321civ). Règle supplétive.

Malgré cette analyse qui est fondée sur l’utilisation de la cause pour permettre la solution préconisée, la jurisprudence va considérer que le garant doit tout de même payer à la demande du bénéficiaire chaque fois qu’il y a un doute sur la nullité ou la résolution du contrat. En revanche, le problème serait différent en cas d’illicéité de l’objet du contrat principal. Dans ce cas, certains ont soutenu que l’illicéité de l’objet du contrat principal devait entrainer celle de la garantie bancaire.

B) le régime juridique de la garantie bancaire internationale.

  1. la mise en œuvre de la garantie bancaire.

Distinction :

  • une garantie conditionnelle: le mécanisme est très proche du cautionnement c’est à dire que le bénéficiaire doit prouver que l’engagement du fournisseur n’a pas été tenu. Il faut une véritable stipulation dans lequel le client s’engage à apporter la preuve sinon c’est une garantie inconditionnelle. En effet, en cas de doute, les juges considèreront qu’il s’agit d’une garantie inconditionnelle c’est à dire qu’il faut une stipulation indiscutable sans ambiguïté selon laquelle la garantie est conditionnée par la preuve de la mauvaise exécution par le fournisseur (interprétation stricte). On a un problème de rédaction du contrat. Pour qu’il s’agisse d’une véritable garantie conditionnelle, les juges exigent dans la garantie une clause expresse que l’appel à la garantie n’est justifié que tout autant que sera établi la défaillance du fournisseur dans le contrat principal.
  • une garantie inconditionnelle (autonome) : le banquier ne peut opposer ni le bénéfice de discussion (c’est à dire saisir les biens du débiteur), ni le bénéfice de division (art.2321 al.3). En revanche, il peut s’opposer au niveau de la garantie. Il peut éventuellement invoquer l’absence de cause de la garantie bancaire mais surtout invoquer le caractère frauduleux de la demande. A supposer que la banque ait la preuve que le donneur d’ordre ait bien exécuté le contrat et que le bénéficiaire n’ait plus de créance à l’égard du donneur d’ordre, du fait de l’autonomie de la garantie, le banquier devra malgré tout payer.

Conclusion : les parties doivent rédiger avec le plus grand soin possible les stipulations de cette garantie. Ils doivent préciser le montant de cette garantie qui est en général une fraction du marché. On a aussi une obligation de préciser la date d’échéance.

Une durée indéterminée permettrait au banquier de se délier unilatéralement. Il faudra aussi stipuler en vertu de quel acte la garantie bancaire deviendra caduque. La loi choisie peut être la loi d’autonomie mais bien souvent ce sera la loi du contrat principal ou encore la loi de la banque garante.

Une fois que la durée de cette garantie est expirée, le banquier demeure tenu pour toutes les dettes qui seraient nées avant le terme de cette garantie (voir art.2321civ).

  1. le droit pour le donneur d’ordre de bloquer la garantie bancaire.

Face à un mécanisme redoutable pour le donneur d’ordre (c’est à dire obtenir sur simple demande l’obtention de la garantie), y a-t-il une sécurité ? Est-ce qu’il a la possibilité d’empêcher que l’établissement de crédit ne délivre cette garantie ? 2 techniques :

  • la saisie de la garantie par le donneur d’ordre :

Le fournisseur va saisir la garantie entre les mains de l’établissement de crédit. Il faut qu’il y ait une créance certaine. A ce stade, tant que le bénéficiaire n’a pas demandé la délivrance de la garantie, la créance n’est qu’éventuelle donc la saisie n’est pas possible. La certitude ne pourrait résulter que de l’appel abusif ou frauduleux à la garantie bancaire par le bénéficiaire.

Cependant, tout va se résoudre par un jeu d’écriture bancaire : le banquier va opérer un virement du montant de la garantie au bénéfice du client. La saisie, si elle est fondée, quand elle interviendra, interviendra trop tard. En outre, la jurisprudence est plutôt hostile à cette saisie de la garantie bancaire sauf cas de fraude.

  • la défense de payer adressée au banquier :

Si au lieu d’une saisie, le donneur d’ordre fait simplement une défense de payer au banquier et le bénéficiaire demande la délivrance de la garantie. Cette fois Commerce International, on ne se heurte pas à la rapidité des opérations de virement mais à une demande de principe.

Les moyens de défense sont relativement limités du fait du caractère autonome de la garantie bancaire lorsque la garantie est inconditionnelle. A posteriori, il y a des recours possibles :

recours du garant contre le donneur d’ordre par exemple, en remboursement de ce que le garant a payé au bénéficiaire. Le donneur d’ordre ne peut pas s’opposer à la demande de remboursement, vu la clause d’autonomie. Parfois résistance du donneur d’ordre par le biais d’une défense de payer mais elle n’aura de chance de réussir que si l’appel en garantie bancaire est manifestement abusif. Lorsque le juge a été saisi d’un tel appel abusif, la meilleure solution est de surseoir à statuer sur le recours du donneur d’ordre contre le garant car il faut en premier lieu statuer sur le caractère manifestement abusif de l’appel en garantie.

recours du garant contre le bénéficiaire. Le garant a peut-être payé et s’est heurté à un échec dans son recours contre le donneur d’ordre.

recours du donneur d’ordre contre le bénéficiaire de la garantie : ce serait le résultat de recours en cascade. Il faut qu’il arrive à apporter la preuve. Si le donneur d’ordre n’a pu s’opposer au recours du garant car l’appel n’était pas manifestement abusif mais l’inexécution du contrat n’était pas démontrée, le donneur d’ordre ayant payé le garant, il va se retourner contre le bénéficiaire. Le contrat principal a été exécuté convenablement ou ne justifiait pas l’appel à garantie.

recours entre banques : il se trouve que fréquemment la garantie bancaire donnée par un établissement de crédit s’accompagne d’une contre garantie (banques garante et contre-garante).

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