La Guerre froide

La guerre froide

L’année 1945 est l’une des années les plus importantes du 20ème siècle : c’est l’année qui marque la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la fin du nazisme, l’explosion de la première bombe nucléaire et la création de l’ONU.

Après l’effondrement des puissances de l’Axe (Allemagne, Japon…), et le grand affaiblissement des pays européens, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le monde est dominé par deux puissances : Etats-Unis et l’URSS.

Ces superpuissances défendent des systèmes économiques, sociaux et politiques diamétralement opposés. (c’est le Communisme en URSS contre le libéralisme américain, dictatures soviétiques contre démocraties…).

Leur rivalité va marquer pendant quarante ans les relations internationales.

En février 1945, Churchill, Roosevelt et Staline se rencontrent à Yalta (en Ukraine) puis en juillet à Potsdam (Allemagne). Pour la suite sur la Guerre Froide :La Guerre froide en Asie (Japon, Corée, Chine…)

A. La désunion des vainqueurs

Un conseil des quatre a été institué lors de la conférence de Potsdam dans la banlieue de Berlin en 1945 pour décider des affaires allemandes. Mais la particularité de cette sortie de guerre en Allemagne est qu’il n’y aura pas de traité de paix (inverse de ce qui s’est passé en 1919 à Versailles) parce que les vainqueurs ne s’entendent pas là-dessus bien sûr.

Le seul vrai élément de consensus et la seule réaction sur laquelle il s’entende est ce que l’on a appelé la dénazification de l’Allemagne (vaste procès) qui est passée par ce procès spectaculaire de Nuremberg. Tous les quatre étaient d’accords. Dure entre novembre 1945 et octobre 1946. Sans doute ce déballage des crimes nazis étaient ils nécessaires pour que la nouvelle Allemagne sorte de la guerre. 11 dignitaires nazis ont été exécutés, avec le qualificatif resté depuis en vigueur de « crime contre l’humanité ». C’était la première fois que l’on passait en jugement des responsables politiques d’un gouvernement à la fin d’une guerre. (On fera la même chose au Japon mais pas contre l’empereur). Cette criminalisation des vaincus est une pratique nouvelle qui correspond aussi à la volonté de dire le droit. Les Etats-Unis depuis qu’ils sont sortis d’Amérique pour faire la guerre l’ont fait toujours au nom du droit. Finalement ce procès de Nuremberg est tout à fait cohérent avec ces dispositions. Mais pendant que le procès de Nuremberg se déroulait, on sentait bien que la suspicion était croissante entre les vainqueurs a propos de l’Allemagne :

  • la France, un peu comme en 1919, elle était hostile à la recréation d’une administration centrale, c’est-à-dire finalement à l’unité allemande. Hors une certaine unité allemande et une certaine administration allemande étaient indispensable pour signer un traité de paix (cf. le traité de Versailles avec l’Allemagne de Weimar).
  • L’URSS au contraire était pour l’unification allemande. Molotov l’a dit, et Staline l’a dit en 1946. Ils étaient partisans d’une unification allemande, mais dans la constitution d’une Allemagne qui leur serait alliée
  • Les Etats-Unis, plus pragmatiques, essayaient pour leur part d’unifier les zones et en particulier sur le plan économique les zones anglaises et américaines. Cette unification économique des zones aurait porté en elle l’unification de l’Allemagne aussi. Les américains étaient un peu pressé de cette unification parce que leurs zones d’occupation leur coûtaient très cher, plus que les zones françaises et soviétiques. Finalement anglais et américains constituent une bizone le 1er octobre 1946. C’est déjà un début de division de l’Allemagne dans ce sens où on n’a plus 4 zones d’occupation mais 3 dont une importante.

A ces problèmes politiques s’ajoutent des problèmes économiques, justement. Une commission des réparations a été réunie, et on a l’expérience de la Première Guerre Mondiale en la matière. Mais justement comme on a cette expérience, on va pour obtenir des réparations les servir en nature en quelque sorte, plutôt qu’en espèce. On va prélever sur l’économie allemande des unités de production au titre des réparations, c’est-à-dire prélever sur le potentiel industriel de l’Allemagne par démontage d’usines et transport d’usines. Le seul souci, et c’est ça aussi qui a contribué à une suspicion croissante, c’est que compte tenu des dégâts subits par l’URSS, 50% de ces réparations lui revenaient. Et donc l’URSS ne s’est pas privée de démonter les usines de sa zone d’occupation pour les transporter plus loin. La France était autorisée à prélever du charbon dans la Ruhr, mais là aussi ça crée une mésentente car c’est là qu’étaient les principales ressources charbonnières allemande et que tout le monde en avait besoin.

L’Allemagne est le lieu qui a rendu possible la grande alliance, c’est aussi le lieu sur lequel la grande alliance se défait et sur pratiquement tous les sujets. En revanche avec les anciens alliés/satellites de l’Allemagne, des négociations et de vrais traités sont signés : l’Italie bien sûr d’une part mais aussi les pays comme la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, la Finlande également qui va perdre 43 000 km² dans l’opération. Ces cinq traités sont signés ensemble à Paris le 10 février 1947. Donc à nouveau tout irait bien s’il n’y avait pas l’Allemagne (enfin c’est à nuancer).

Mais les symboles de ce qui va devenir la Guerre froide sont déjà prononcé. Discours de Fulton du 5 mars 1946 de Churchill qui avant même que les épées soient dégaines proclame qu’un « rideau de fer est dors et déjà tombé sur l’Europe ». Il le fait comme un constat et non comme une menace, le rideau s’étend depuis Stettin au Nord jusqu’à Trieste sur l’adriatique.

B. La rupture de 1947

Encore une fois cette rupture de 1947 ne tombe pas du ciel, elle a été préparée par tout un tas d’éléments (cf. supra). Dans cette rupture on s’est longtemps demandé qui est à l’origine de quoi. Américains, Soviétiques : qui en voulait trop ? On partageait bien sur mais pendant longtemps on a considéré que la rupture de 1947 s’est fait dans une dynamique américaine. Mais maintenant que les historiens russes qui souvent étaient proches du gouvernement russe font leurs analyses, ils expliquent qu’à l’époque il y avait plusieurs options possibles. L’URSS n’était pas obligée d’aller à la confrontation, il y avait plusieurs options. La guerre froide a été voulue par les deux certainement, même si elle n’a pas été décidée par l’un ou par l’autre, affrontement symbolique au terme duquel l’un des deux devait plier.

La rupture est symbolisée d’abord par le discours de Truman du 12 mars 1947. Comme souvent aux Etats-Unis les grands discours sont prononcés devant le congrès quand le président a besoin d’argent, et en l’occurrence Truman demande des crédits pour lutter contre les communistes en Grèce. Il demande 400 millions de dollars. Pourquoi la Grèce ? Parce qu’elle est en train d’être transformée par une révolution communiste alors que la Grèce depuis longtemps est un peu la zone d’influence anglaise (cf. l’accord des pourcentages de 1944, avec une influence anglaise de 90%, c’est-à-dire que Staline se désintéressait de la Grèce et des communistes grecs). Les britanniques passent le relais aux Etats-Unis et pour assurer ce relais, Truman demande ces 400 millions. Ce qui est impressionnant n’est pas le montant de la somme mais l’argumentaire de Truman. C’est en effet ce discours est resté symbolique de la doctrine du containment (endiguement) du communisme, discours dans lequel Truman annonce et promet à tous les gouvernements qui vont lutter contre le communisme une aide en conséquence. Le discours de Truman est un peu plus compliqué que ça : son explication est logique : il faut lutter contre la pauvreté car c’est elle qui fait le lit du communisme. C’est un ensemble donc, pas seulement une aide militaire mais aussi une aide économique. (C’est un discours comparable à celui du grand moyen orient dont parlent les Etats-Unis aujourd’hui).

L’application en Europe entière de cette doctrine du containment suit de moins de 3 mois ce discours. C’est le 5 juin 1947 que le secrétaire d’Etat Marshall prononce le discours de Harvard dans lequel il offre une aide économique considérable à l’Europe pour son redressement. La chose est à la fois économique et politique. l’arme est politique d’une certaine manière, car l’aide Marshall est proposée à tout le monde, URSS comprise, mais à nue condition, c’est que les pays bénéficiaires s’entendent ensemble, s’organisent dans une institution commune, pense cette utilisation de l’aide dans une organisation commune. L’URSS refuse et contraint ses alliés à faire la même chose. C’est aussi un débouché économique important pour les Etats-Unis. L’aide Marshall sont essentiellement des crédits financiers mais aussi le don d’un certain nombre d’outils industriels.

Une grande négociation s’engage avec les pays européens et entre pays européens. 16 pays européens sont dans la négociation pour savoir comment s’organiser autour de cette aide Marshall. 13 milliards de dollars étaient prévus sur 4 ans, c’est le montant accepté par le congrès le 12 avril 1948. L’URSS donc refuse et contraint certains pays qui d’abord avaient accepté (c’est le cas Tchécoslovaquie) et puis la pression soviétique, le coup de Prague (révolution apparemment non violente, manifestations quotidiennes devant les ministères exigeant les départs des ministres non communistes entre le 17 et le 25 février 1948) a confirmé le basculement de la Tchécoslovaquie dans le camp soviétique. Masaryk, ministère des affaires étrangères, leader nationaliste comme son père, en février 1948 tombe de la fenêtre de son ministère et on conclu au suicide. Le président Benes également, héro du nationalisme tchécoslovaque, entérine le coup de force dirigé par Goddwald, mais meurt rapidement. 1949 : La Hongrie.

La réponse soviétique à l’aide marshal est une réponse politique : c’est la relance de l’internationale communiste. Cette réponse intervient fin septembre 1947 dans une conférence des partis communistes réunis à proximité de Varsovie. C’est cette conférence qui a créé le Kominform (sorte de résurrection du Kominterm) ou « bureau de liaison/information du PC ». C’est à l’occasion de cette création du Kominform qu’est formulée la version soviétique de la guerre froide, c’est-à-dire la doctrine Jdanov, qui était un membre du bureau politique du PC soviétique. Jdanov dit que le monde est désormais divisé en deux camps, il y a le camp impérialiste d’une part (y compris les vieilles puissances coloniales) et le camp anti-impérialiste et démocratique (le leur, bien sûr). L’essentiel de la doctrine Jdanov consiste à dire que l’on ne peut pas rester en dehors de ces deux camps : on est forcément quelque part. et cette division du monde est aussi une division des esprits. Cette marque du jdanovisme va se perpétrer et faire fonctionner les esprits pendant des 10aines d’année, y compris dans des pays comme la France.

La France début 1947 est un pays qui a un gouvernement d’union avec des ministres communistes, un gouvernement socialiste conduit par Ramadier, et qui est amené assez rapidement à se diviser lui même sans attendre d’ailleurs la doctrine Jdanov. La rupture gouvernementale en France, c’est-à-dire entre les communistes et les autres, se fait le 4 mai 1947 sous l’effet de trois éléments :

  1. d’une part la doctrine Truman (les communistes français avaient un peu de mal à rester dans un atlantisme dont c’était la doctrine)
  2. la guerre d’Indochine conduite par d’autres communistes (qui ne se sentaient pas très à l’aise de se battre contre d’autres communistes)
  3. une politique économique et sociale (blocage des salaires) que les communistes ont finalement refusé. Ils quittent alors le gouvernement.

La rupture de 1947 est absolue et pas seulement géo politique. Elle marque durablement le paysage idéologique de l’Europe.

C. La crise de Berlin

Berlin se situe au milieu de la zone soviétique. Les trois zones occidentales s’entendent à la conférence de Londres en 1948 pour proposer la réunion d’une assemblée constituante en Allemagne. C’est bien sur fait pour rédiger une constitution et donc unifier le pays. Cette fois ce sont les soviétiques qui ne vont pas dans ce sens et qui déclenche le blocus de Berlin le 24 août 1948. C’est-à-dire que toutes les communications à la fois routières, ferroviaires, etc. sont coupées. Réponse des occidentaux : ils vont à Berlin par avion, montent un pont aérien gigantesque avec 275 000 vols sur un blocus qui va durer un peu moins d’un an. C’est une réponse politique et non militaire : la GF est une guerre avec tous les moyens, sauf militaires. La réponse occidentale est le pacte atlantique. Si Staline avait voulu diviser les occidentaux, c’est un échec complet : cette réponse au blocus de Berlin conduit à unir les occidentaux qui le 4 avril 1949 signent le Pacte atlantique à Washington. 12 pays d’Europe de l’ouest s’entendent sur une alliance défensive en temps de paix. Ce pacte atlantique existe toujours.

En 1950 est créé le conseil de l’atlantique nord, extension du pacte atlantique, et bientôt l’OTAN. Il faut distinguer le pacte atlantique d’une part de l’OTAN d’autre part. L’OTAN est l’organisation qui vient en aval du pacte atlantique mais qui n’est pas contenue dans le pacte lui même. L’OTAN, c’est le passage à l’aspect militaire de l’endiguement. La suite est la division formalisée de l’Allemagne. Le 8 mai 1949, c’est-à-dire 4 ans jour pour jour après la capitulation de Berlin, est votée la loi fondamentale de la république fédérale allemande, c’est-à-dire ce qui devient la constitution de l’Allemagne de l’ouest. Mais on peut noter que dans cette loi fondamentale de la RFA une disposition prévoit l’extension à l’ensemble de l’allemagne des mêmes dispositions constitutionnel. Et de fait quand en 1990 l’Allemagne sera réunifiée on ne changera pas la constitution.

Devant un tel succès politique, Staline a compris et lève le blocus le 12 mai. Échec total pour son propre camp. En tirant les conséquence il laisse s’établir une constitution de la RDA le 30 mai 1949. c’est donc 1949 qui voit apparaître la division de l’Allemagne en application des décision de la Guerre froide.

Pour la suite :La Guerre froide en Asie (Japon, Corée, Chine…)

Conclusion

Après une brève période de transition, la guerre froide entre les grands deux blocs débute en 1947. Celle-ci durera jusqu’en 1991, année de l’effondrement de l’Union Soviétique, mais avait atteint son paroxysme dans la période 1947-1953. La mort de Staline permet l’amorce d’un dégel sous les années Khrouchtchev.