La souveraineté : théorie, définition, titulaires

L’attribution du pouvoir politique : la souveraineté

La souveraineté peut être définie comme l’exercice effectif sur une population rassemblée sur un territoire donné d’une autorité politique exclusive. C’est l’absence de subordination d’un Etat par rapport à un autre.

Machiavel, au XVIème siècle, a été le 1er penseur à promouvoir l’idée que la souveraineté est la puissance car il y a un Etat.


Le Droit doit limiter et organiser le pouvoir. Organiser le pouvoir, c’est définir les procédures et de quelle manière le pouvoir va s’exercer. C’est le rôle du droit constitutionnel d’agencer les organes de l’Etat, de faciliter l’exercice du pouvoir rationnel, c’est-à-dire qui vient de la raison et non de la force.
Dans nos démocraties occidentales, l’organisation du pouvoir suppose que l’on détermine comment le pouvoir va être transféré de ceux qui sont titulaires de la souveraineté vers ceux qui exercent l’autorité.

Le droit constitutionnel doit déterminer les modalités d’attribution du pouvoir dans l’Etat. Les théories de la souveraineté cherchent à répondre à la question de savoir à qui appartient le pouvoir. Mais les réponses apportées sont imparfaites. Dans les régimes occidentaux, l’accent est mis sur la participation à l’exercice du pouvoir politique.
Il y a plusieurs façons d’organiser cette participation ; ce qui est constant, c’est que le pouvoir de suffrage reconnu au peuple est médiatisé : il passe par un biais. On peut donc faire 2 constats :

• c’est le régime représentatif qui domine : on passe par des représentants élus au détriment des démocraties directes

• l’expression du corps électoral est conditionnée par les partis politiques : on observe que la construction des systèmes de partis vient structurer le corps électoral et canaliser l’expression du suffrage

A) Les titulaires de la souveraineté

1) Souveraineté de l’Etat

-> Dimension traditionnelle. Il ne peut pas être soumis à un autre Etat sauf s’il y a volontairement consentit.

(Baudin 1576) –> défendre la royauté française contre la papauté. La souveraineté est absolue –> ne peut pas être remise en cause, elle est perpétuelle et indivisible (pas fractionnable). C’est le droit pour l’Etat d’imposer des lois à des sujets qui n’ont pas à donner leur avis.

Les limites : années 90. Elles concernent l’aide humanitaire (91 l’ONU prie 1 principe d’humanité –> on peut aller dans Etat même si l’Etat refuse).

Les Etats acceptent une atteinte à leur souveraineté dans l’UE –> disparition des monnaies au bénéfice de l’€uro.

2) La souveraineté dans l’Etat

Il a le droit de rendre la justice, de juger –> marque de la souveraineté d’un Etat. L’Etat exerce sa puissance sur son territoire et sa population.

De nos jours n’assistons-nous pas à la fin de la souveraineté ?

Ex : Les Etats sont de plus en plus fragiles, les ONG montent de plus en plus en puissance (Croix Rouge…), la multiplication des tribunaux internationaux, l’UE, la multiplication de grands groupes multinationaux (Nestlé..).

Les Etats ont de moins en moins d’emprise sur leur territoire. Après le 11 septembre 2001 on voit que les Etats les + puissants restent souverains.

L’Etat est le meilleur modèle qui existe.


B) Les théories de la souveraineté

La légitimité est variable en fonction des époques : la monarchie de droit divin était légitime car elle répondait aux croyances des gouvernés. A partir du moment où l’idéal démocratique, inspiré des penseurs grecs, se développe en Europe, ce qui avait paru légitime ne l’était plus. A partir de ce moment, on a considéré que la source du pouvoir résidait dans le peuple lui-même et non plus dans un homme ou dans une divinité : la légitimité s’est laïcisé et son fondement ne pouvait être que le Droit.


A la souveraineté monarchique, a succédé la souveraineté démocratique. Les questions centrales qui se posent à l’époque sont sur les fondements de cette souveraineté. Deux conceptions s’opposent :


– la conception littérale du mot « souveraineté » et qui correspond à la notion de souveraineté populaire


– la conception libérale qui conduit à la théorie de souveraineté nationale


1 – L’opposition souveraineté nationale / souveraineté populaire

Le mot « démocratie » signifie « pouvoir du peuple » : c’est le gouvernement du peuple par lui-même. Comme le disait Lincoln :
« C’est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple »
Cet adage est présent dans l’Art. 2 de la Constitution : c’est le principe de la V° république. Cette conception littérale repose donc sur la souveraineté populaire.

Rousseau développe cette théorie ; selon lui, par le contrat social « chacun se donnant à tous ne se donne à personne ». Au terme du contrat social, « au lieu de la personne particulière de chaque contractant, l’acte d’association produit un corps moral et collectif, composé d’autant de membres que l’assemblée a de voix ».


Dans ses conditions, le souverain n’est formé que des particuliers qui le composent. La souveraineté est fractionnée en autant de part qu’il y a de citoyens : c’est ces parts réunis qui forment l’Etat, qui est la source du pouvoir.
Mais, la souveraineté populaire se combine avec l’égalité entre les citoyens, comme insiste Alexis de Tocqueville. Dans cette théorie, « chaque individu est donc sensé aussi éclairé, aussi vertueux, aussi fort qu’aucun autre de ses semblables ». Le mérite de la souveraineté populaire, c’est de mettre l’accent sur l’idée que les citoyens possèdent un droit naturel, à participer à l’exercice du pouvoir, soit si possible directement, par le référendum, soit par une participation déléguée, c’est-à-dire indirecte.



Cela s’oppose à la conception libéral de la démocratie qui va conduire à la mise en œuvre de la souveraineté nationale : les libéraux, à l’époque les révolutionnaires bourgeois, considèrent que le pouvoir rend fou et qu’il conduit donc à des abus, surtout s’il est exercé au nom du peuple.
Ils ont de ce fait cherché à concevoir la démocratie davantage comme un mode d’exercice pur : c’est dans cette conception qu’est forgée la théorie de la souveraineté nationale, présente à l’Art. 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. A l’époque, cet article s’explique par le fait que les libéraux ont cherché à retirer le pouvoir suprême au Roi, mais éviter qu’il tombe aux mains du peuple.


Dans cette perspective, l’abbé Sieyès va théoriser cette souveraineté :
« La nation existe avant tout ; elle est à l’origine de tout »
Derrière cette abstraction de la nation, il y a la volonté d’écarter la conception patrimoniale de la souveraineté ; c’est une théorie profondément révolutionnaire. Cette théorie devient réactionnaire à partir du moment où elle n’a d’autre but que d’assurer la représentation exclusive de ceux qui paient l’impôt : c’est la bourgeoisie et non le peuple.



En pratique, la portée de cette opposition doit être relativisée, en raison de l’Art. 3 de la Constitution de 1958.



2 – Le dépassement de l’opposition : l’article 3 de la Constitution de 1958


Dans l’Article 3, on trouve :
– le titulaire de la souveraineté
– l’organisation de l’exercice de la souveraineté
– la réaffirmation du caractère inaliénable de la souveraineté



« La souveraineté nationale appartient au peuple…»
Ce n’est pas la nation mais bien le peuple qui en est le titulaire ; cette formule est reprise de la Constitution de 1946. Elle permet au peuple d’exercer une partie de l’exercice de la souveraineté : c’est celle qui a trait à la nation. La nation, c’est en fait une entité abstraite, construite par la Constitution et qui figure l’intérêt supérieur du pays.


Avec la Constitution de 1958, le peuple n’est titulaire de la souveraineté, qu’en vertu de la Constitution : il n’est pas souverain par nature. On peut comparer cette formule avec celle de l’Art. 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen :


« Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation »



« … qu’il exerce par ses représentants et par la voie du référendum »


En 1958, le peuple est considéré comme le propriétaire de la souveraineté : il n’est pas la souveraineté lui-même. Le peuple ne peut exercer sa souveraineté que conformément à la Constitution elle-même : il ne peut pas l’exercer directement. Cette compétence est explicitée dans l’Art. 11 de la Constitution, qui prévoit le référendum.


Le peuple n’a pas l’initiative du référendum, mais c’est le président de la République ; de plus, on ne peut pas le faire sur n’importe quoi, car seulement sur les matières que l’Art. 11 prévoit. En effet, on se méfie de la démocratie directe. Dans les autres cas, l’exercice de la souveraineté se fait par les représentants : ceux qui s’expriment le font au nom du peuple car le souverain les a désigné.



« Aucun section du peuple, ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice »


Ceux qui représentent le souverain et qui exercent la souveraineté au nom du peuple ne peuvent aliéner la souveraineté ; notamment, ils ne peuvent pas, en théorie, transférer la souveraineté à des autorités étrangères ou à des organisations internationales.


Le problème se pose au regard de la construction européenne, car dire désormais que l’Union Européenne est en charge de l’activité monétaire, c’est aliéner une fonction régalienne de l’Etat et donc aliéner une partie de la souveraineté française. Face à cette question, le conseil constitutionnel, selon l’Art. 54 de la Constitution, a rendu, à propos du traité de Maastricht, 2 décisions, le 2 et 23 septembre 1992.


Les transferts de souveraineté sont en principe interdits ; en revanche, les limitations de souveraineté sont autorisées. Le conseil constitutionnel va donc les autoriser en prenant appui sur l’Al. 15 du préambule de la Constitution de 1946 : il va étendre cette possibilité aux accords relatifs à la construction européenne : la logique consiste à dire que l’Union Européenne a été mise en place pour souder les nations, l’économie étant le socle de paix en Europe.
Le conseil va décider d’appliquer l’Al. 15 au traité de Maastricht : il autorise certains transferts qui constituent des limitations de souveraineté, mais non des transferts de souveraineté ; les transferts de compétence autorisés sont donc ceux qui ne portent pas atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté.


Parmi les compétences de l’Etat, il faut distinguer 2 blocs :

• les compétences qui peuvent être transférées : ce sont les compétences qui ne se rattachent pas aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale
Ex : la politique agricole

  • les compétences qui peuvent être transférées après révision de la Constitution : ce sont celles qui touchent aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale



Le débat des souverainetés est dépassé : quelle que soit la théorie en cause, la mise en œuvre d’un régime démocratique, de type occidental, suppose toujours la participations des gouvernés à l’exercice du pouvoir politique.