Le renouvellement du bail commercial

Le renouvellement du bail commercial à son expiration

Le statut des baux commerciaux manifeste à ce stade une grande originalité. Le souci principal est de protéger constamment le locataire commerçant. Il n’est pas envisagé un renouvellement automatique du bail.

Le législateur a accordé au locataire une protection renforcée qui va en réalité profondément déroger aux règles du Droit commun. Le Droit commun envisage que le bail prend fin aux termes convenus sans aucune indemnité. Le propriétaire peut reprendre pleine possession de ses lieux, également consentir à un renouvellement aux mêmes conditions ou d’autres.

Pour ce qui est des baux commerciaux, le preneur, en cas de non renouvellement, a le droit à une indemnité d’éviction. Parallèlement, il y a un formalisme très poussé qui doit être systématiquement respecté.

1) Les conditions du droit au renouvellement

Ce droit ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds de commerce. Le fonds de commerce doit avoir fait l’objet d’une exploitation effective au cours des trois années qui précédente le renouvellement, sauf hypothèses très particulière d’un motif légitime. Toute clause, stipulation, arrangement contractuel, qui aurait pour objet ou effet de faire échec au droit au renouvellement est réputée nulle et de nul effet. Cette procédure doit se dérouler avant l’expiration du bail en cours, elle peut être déclenchée à l’initiative du bailleur lequel va alors donner congé à son locataire avec offre de renouvellement plus de 6 mois avant l’expiration du bail. Cette démarche devra être réalisée par un acte extrajudiciaire, d’huissier. Le locataire peut également prendre l’initiative et demander le renouvellement du bail. Il peut le faire par acte extrajudiciaire dans les 6 mois qui précèdent l’expiration du bail mais aussi à tout moment au cours de la reconduction du bail. Le silence du bailleur dans un délai de 3 mois vaut aussi acceptation. L’inaction des deux parties emporte la continuité du bail à l’issu des 9 ans, sa durée est alors indéterminée. Dans une telle hypothèse, il y a tacite reconduction du bail auquel il peut tout de même être mis fin au travers d’un congé moyennant un préavis de 6 mois.

2) Les effets

Il faut s’intéresser au renouvellement du bail en lui-même et au non renouvellement du bail.

  • a) Le renouvellement du bail

Il faut partir du principe que le bail renouvelé est identique au bail précédent. Le nouveau bail comporte les mêmes clauses et conditions que l’ancien. Celui-ci est de nouveau d’une durée de 9 ans, sauf accord spécifique des parties pour une durée qui ne peut être que plus longue. Le loyer et surtout son montant va-t-il pouvoir être augmenté significativement ? Se présente le phénomène du plafonnement ou du déplafonnement du loyer.

  • Le plafonnement :

C’est le principe. Lors du renouvellement, le bailleur va très souvent en profiter pour augmenter le loyer. Le bailleur va indiquer dans le congé avec offre de renouvellement le nouveau montant du loyer. Si le locataire n’est pas satisfait, la contestation va devoir être présentée devant le président du TGI. Le but est de protéger le locataire afin d’éviter que le bailleur ne profite du renouvellement pour prévoir un loyer excessif. Le législateur indique que le montant du loyer renouvelé doit correspondre à la valeur locative des lieux loués. La variation du montant du loyer ne peut excéder la variation de l’indice national, trimestriel, du coût de la construction. C’est l’INSEE qui fixe cet indice.

  • Le déplafonnement :

En cas de modification notable des éléments déterminant la valeur locative, celui-ci est possible. Installation a proximité d’un centre commercial par exemple, ou la rue devient piétonne. Il peut aussi intervenir quand le bail renouvelé est d’une durée supérieure à 9 ans. Mais aussi quand il s’agit d’un contrat fondé sur une clause recette. Elle fait varier le montant du loyer en fonction des recettes du locataire : article 1134 alinéa 1 du Code Civil.

  • b) Le non renouvellement du bail

Si le bailleur le souhaite, il peut mettre un terme au contrat. Il donnera alors congé au locataire dans les délais et conditions fixés à l’article L 1145-9 du Code de commerce. Il pourra aussi refuser la demande de renouvellement présentée par le preneur. Le bailleur devra alors verser une indemnité d’éviction : article L 145-14 du Code de commerce. Il se peut que le bailleur n’ait pas a verser cette indemnité : article L 145-17 1° du Code de commerce. Ainsi, quand le bailleur peut invoquer une cause grave et légitime, à l’encontre du locataire, il peut refuser le renouvellement sans indemnité. Exemple : non paiement des loyers par le locataire, le locataire n’exploite pas le fonds de commerce pour une raison non fondée. Toutefois, la loi envisage un formalisme pointu exigeant du bailleur le respect de règles formelles très précises. Le bailleur doit avoir mis en demeure le locataire par acte extra judiciaire lui enjoignant de faire cesser l’infraction. Ce n’est qu’après un mois que le bailleur pourra prétendre reprendre les locaux par l’engagement d’une action. Le Code de commerce prévoit différents cas dans lesquels le bailleur peut refuser le renouvellement et reprendre les locaux sans indemnité même en l’absence d’une faute du locataire. Le propriétaire dispose donc tout de même de droits. Il s’agit des cas de l’insalubrité de l’immeuble, du caractère dangereux de celui-ci. Dans une telle situation, l’article L 145-17 I 2° s’applique. Le locataire dispose alors d’un droit de priorité pour louer un local commercial quand l’immeuble sera ultérieurement reconstruit. Il s’agit aussi du cas ou le bailleur souhaite reprendre le local d’habitation accessoire au local commercial pour l’habiter ou le faire habiter par les membres de sa famille et à condition que le bénéficiaire de la reprise ne dispose pas d’une habitation correspondant à ses besoins normaux : article L 145-22 alinéa 1.

En cas d’indemnité d’éviction, il y a deux hypothèses : les deux parties s’entendent sur le montant. Soit les deux parties ne sont pas d’accord, c’est alors le TGI qui va fixer l’indemnité. De quoi est composée cette indemnité ? L’article L 145-14 du Code de commerce précise que l’indemnité d’éviction répare le préjudice causé par le défaut de renouvellement. Le bailleur ayant tiré profit de la location va devoir réparer le préjudice que cause au locataire la perte de la jouissance des locaux. On est en présence d’une responsabilité sans faute. L’article L 145-14 alinéa 2 du Code de commerce fourni des éléments d’appréciation concernant le montant de l’indemnité. Elle comprend la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession, mais également les frais normaux de déménagement et de réinstallation et enfin les frais de mutation à payer pour un fonds de commerce de même valeur.

S’agissant des frais de déménagement et réinstallation, ils sont relativement faciles à chiffrer, il en est de même pour l’acquisition d’un fonds de commerce de même valeur, 8 % environ. Par contre, il est difficile de chiffrer le préjudice résultant de la perte de la clientèle. Le non renouvellement du bail va faire disparaître toute la clientèle. Il faut indemniser le plus justement possible. L’article L 145-14 alinéa 2 in fine permet de savoir sur quoi on se détermine. Il y a une présomption posée qui veut que le départ du locataire entraîne la perte totale de la clientèle et la disparition du fonds de commerce. L’ancien locataire va devoir procéder à l’achat d’un fons de même valeur mais la présomption n’est pas irréfragable et donc le bailleur peut prouver que le préjudice est moindre, parce que le locataire peut se réinstaller à proximité par exemple et donc conserver une partie de sa clientèle. Le bailleur peut aussi faire valoir que la clientèle du locataire n’est pas attachée au local en lui-même (en cas d’attachement à la marque par exemple). Pour établir la valeur du fonds, la jurisprudence indique qu’il faut tenir compte non seulement du CA mais aussi mais encore du potentiel de développement du fonds en raison de son emplacement. L’indemnité doit donc être calculée en tenant compte de la valeur de l’emplacement des locaux. L’indemnité peut donc être supérieure à la valeur actuelle du fonds. L’indemnité va souvent représenter une valeur particulièrement élevée en comparaison avec la valeur du bien immobilier. Le bailleur doit donc être bien sur de vouloir l’éviction. Le législateur a posé deux règles supplémentaires en faveur du locataire : article L 145-58, accorde au propriétaire un droit de repentir, s’il estime que l’indemnité fixée par le tribunal est trop élevée, il peut revenir sur sa décision et accorder le renouvellement du bail. Il doit alors se décider rapidement, sous 15 jours à compter du jour ou la décision est passée en force de chose jugée (après le délai d’appel). Il ne faut pas que le locataire ait déjà conclu un nouveau contrat de location avec une autre personne ou qu’il ait acheté un bien immeuble dans cet objectif. Le locataire doit encore utiliser les lieux. L’article L 145-28 alinéa 1 indique pour sa part que le locataire a le droit de se maintenir dans les lieux jusqu’au complet paiement de l’indemnité aux conditions et clauses du bail expiré. Il devra verser une indemnité d’occupation cependant.

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