Les conditions de la vente du fonds de commerce

La cession du fonds de commerce

Elle a été organisée par une loi du 17 mars 1909 qui a reconnu la notion même de fonds de commerce sans pour autant la définir. Le législateur avait alors deux préoccupations :

La protection du vendeur à crédit d’un fonds de commerce car à cette époque la vente d’un fonds de commerce était souvent faite à crédit et la personne avançant l’argent était le vendeur qui acceptait de recevoir le prix correspondant à la valeur du fonds sur plusieurs échéances. Cet achat représentait une somme importante, il fallait donc favoriser la vente à crédit en garantissant le vendeur. La loi du 17 mars 1909 dans son article 1er aménage le privilège du vendeur de fonds de commerce.

La protection des créanciers du vendeur contre la vente inopinée du fonds car celui-ci constitue très souvent l’essentiel du gage des créanciers. La vente très rapide du fonds de commerce avec une dilapidation du prix pouvant être encore plus rapide, rendait la situation des créanciers du vendeur extrêmement incertaine. Cette loi a permis de protéger les créanciers du propriétaire futur vendeur du fonds de commerce.

Les lacunes de cette loi ont cependant du être comblées, le législateur s’est alors soucié de la protection des acheteurs car très souvent, l’acquéreur était mal informé de la valeur exacte du fonds de commerce et qu’il était particulièrement exposé aux manœuvres dolosives du vendeur. Les profits l’intéressaient plus que le fonds de commerce en lui-même, afin de pouvoir rembourser. La loi du 29 juin 1935 est venue organiser l’information des acheteurs de fonds de commerce. Ces deux lois sont devenus les articles L 1141-1 et L 1141-9 du Code de commerce.

Les conditions de validité de la cession du fonds de commerce sont de deux sortes. On va devoir respecter les règles classiques du Droit de la vente et parmi elles les conditions de validité des contrats en général. C’est faire appel aux articles 1101 et suivants du Code Civil. Il faut aussi évoquer les conditions spéciales à la cession du fonds de commerce. Il y a aussi les conditions de publicité qui fondent la validité de la cession.

1) Conditions générales de validité des contrats

  1. a) Le consentement des parties

Il doit être exempt de vices. L’acquéreur peut être trompé sur la valeur réelle du fonds de commerce parce qu’il est souvent très difficile d’apprécier l’étendue d’une clientèle et les chances de profit liées à son exploitation. La question s’est posée très tôt de savoir si l’erreur peut être invoquée et ainsi demander la nullité du contrat de vente. Le Droit des obligations retient comme cause de nullité des contrats l’erreur sur la substance de la chose mais jamais sur la valeur. Néanmoins, la jurisprudence commerciale de la Cour de cassation. est bien assise et considère que la clientèle est un élément essentiel du fonds de commerce et qu’elle peut donc être assimilée à la substance même du fonds. Par tant, l’erreur sur l’importance de la clientèle est considérée comme sur la substance qui peut générer la nullité du contrat, il faut alors que cette erreur ait été déterminante : arrêt de la Cour de cassation., chambre commerciale du 18 juin 1996 (Dalloz 1998 p.305).

La jurisprudence admet également que l’acheteur trompé puisse agir en garantie contre le vendeur. La clientèle est moins importante que l’a laissé croire le vendeur et cette différence entre l’espéré et l’obtenu peut être appréhendé comme un vice caché : article 1642 et suivants du Code Civil. L’acquéreur a alors la possibilité d’engager une action sur ce fondement et peut obtenir soit la résolution, action rédhibitoire, soit la diminution du prix versé, action estimatoire.

Le vendeur peut aussi avoir volontairement trompé l’acheteur auquel cas on débouchera sur le dol, par exemple s’il y a dissimulation de documents comptables ou fraude relative à la déclaration du CA. L’acheteur peut alors demander la nullité du contrat.

  1. b) La capacité

S’agissant du vendeur, la capacité requise est celle qui est exigée pour passer un acte de disposition. Depuis très longtemps, on considère que la vente d’un fonds de commerce peut s’apparenter à la vente d’un bien immeuble compte tenu de sa valeur.

S’agissant de l’acheteur, la capacité commerciale est requise car il va normalement exploiter lui-même le fonds de commerce. Il est donc normal que l’on ait affaire à un majeur capable.

  1. c) L’objet

L’obligation du vendeur a pour objet le fonds de commerce, les parties vont déterminer librement les éléments qui vont être compris dans la vente. Tous les éléments ne doivent pas être insérés dans la vente. Les éléments essentiels justifiant l’existence même du fonds, qui sont nécessaires à la conservation de la clientèle, doivent cependant être compris dans la vente. Si tel n’était pas le cas, on devrait opérer une requalification du contrat et on pourrait se trouver en présence d’un contrat de cession de brevet ou licence. Le vendeur doit clairement exposer ce qu’il vend.

S’agissant de l’acheteur, il a pour rôle de payer le prix. Ce prix doit être déterminé ou déterminable. L’article L 141-5 du Code de commerce expose que des prix distincts doivent être établis d’une part pour le groupe des éléments incorporels et d’autre part pour les marchandises et le matériel. Cette ventilation des prix est nécessaire pour que naisse le privilège du vendeur, la garantie de celui-ci. Toutefois, cette ventilation des prix n’est pas une condition de la validité de la vente.

Parfois, les parties peuvent être tentées de dissimuler une partie du prix. Dans cette situation, la sanction est particulièrement sévère puisque l’article 1840 du CGI déclare nulle la contre-lettre stipulant un supplément de prix. Seul est valable l’acte apparent contenant le prix apparent et l’acheteur peut s’en prévaloir. La sanction ne va frapper que le vendeur qui ne pourra pas réclamer la partie du prix ayant été dissimulée.

2) Les conditions spéciales de la cession

Ces conditions ont pour vocation essentielle de protéger le consentement de l’acheteur et l’article L 141-1 du Code de commerce prévoit la présence obligatoire de certaines mentions dans l’acte de vente. Ces mentions ont pour objectif d’informer l’acheteur sur la réalité du fonds.

– La première mention concerne les renseignements relatifs à une précédente vente : nom du vendeur, date, prix, etc…

– La deuxième concerne l’état des privilèges et nantissements grevant le fonds.

– La troisième concerne le CA et le bénéfice réalisé au cours des trois dernières années.

– La dernière concerne les informations relatives au bail, du moins quand le fonds est exploité dans des lieux loués.

Ces mentions, édictées par la loi de 1935 étaient à l’avant-garde de l’obligation précontractuelle d’information.

En cas d’absence de ces mentions obligatoires, il faut faire une distinction entre l’hypothèse où elles font totalement défaut et celle ou elles sont inexactes. L’article L 141-1 II du Code de commerce précise que l’omission des énonciations, pourra, sur la demande de l’acquéreur formée dans l’année, entraîner la nullité de l’acte de vente. Cette nullité n’est pas absolue, c’est à dire qu’elle est édictée seulement pour l’acheteur qui peut renoncer à celle-ci. Nin le vendeur, ni le tribunal ne peuvent soulever cette nullité d’office et la nullité doit être invoquée dans un très court délai. S’agissant du délai pour agir, il court à partir de la signature de l’acte selon la Cour de cassation. La Cour de cassation. prend l’article au pieds de la lettre concernant la notion « peut entraîner la nullité ».

La seconde hypothèse est celle dans laquelle les mentions sont inexactes, l’article L 141-3 du Code de commerce précise que le vendeur est nonobstant toute situation contraire, tenu de la garantie à raison de l’inexactitude des énonciations dans les conditions dictés par les articles 1644 et 1645 du Code Civil. Le vendeur est simplement tenu de garantir, mais surtout il devra, comme l’acheteur, considérer la vente valable, par contre, l’acquéreur pourra selon l’ampleur des inexactitudes demander soit la résolution judiciaire du contrat, soit une diminution du prix. L’inexactitude des mentions emporte une présomption simple de l’existence du vice caché. Le vendeur peut démontrer que l’acheteur avait connaissance des vices et donc de la valeur réelle du fonds.

La sanction de l’omission ou de l’inexactitude des mentions obligatoires peut apparaître relativement faible. Ces sanctions sont d’autant plus faibles si on les compare à celles prévues quand il est question de protéger un consommateur. Dans un contrat el que la cession d’un fonds de commerce, l’acquéreur n’est pas un commerçant mais il achète un bien meuble dont il espère tirer des fruits. Il est normal d’attendre de lui un minimum de vigilance.

3) Les formalités de publicité

Article L 141-12 du Code de commerce. La publicité se dédouble :

– Il faut procéder la publicité de la vente d’un un journal d’annonces légales, sous la forme d’un extrait ou d’un avis. Ce JAL (journal d’annonces légales) (les petites affiches lyonnaises) est celui de l’arrondissement ou du département dans lequel le fonds est exploité. La publicité doit intervenir dans les 15 jours de la vente. A la diligence de l’acquéreur. Ce délai est prescrit à peine de nullité. Il faut alors de nouveaux conclure l’acte : l’article L 141-13 insiste sur ce point en précisant les énonciations devant figurait dans la publication. La publicité doit être obligatoirement précédée de la formalité fiscale de l’enregistrement de l’acte : article 719 du CGI, à peine de nullité de la publication. Cette formalité donne lieu à des droits d’enregistrement perçus par l’État.

– Il faut publier aussi dans le BODACC (bulletin officiel des annonces civiles et commerciales), dans les 15 jours de l’insertion au JAL. Les tribunaux ne sanctionnent pas le non respect de cette formalité par la nullité de l’acte. Ce sera très souvent le greffier du Tribunal de Commerce qui proposera de le faire lui-même.

Ces formalités sont fondamentales car tant qu’elles n’ont pas été réalisées les créanciers du vendeur conservent leur droit d’opposition au paiement du prix. Le domaine de cette formalité est particulièrement large et l’article L 141-12 du Code de commerce utilise une formule très large en ce sens : est envisagé toute vente ou cession de fonds de commerce consentie, même sous condition ou sous la forme d’un autre contrat, ainsi que toute attribution de fonds de commerce par partage ou licitation.

Le juge va systématiquement devoir requalifier la situation. La publicité de la vente du fonds de commerce a pour but de protéger les créanciers du vendeur. Ceux de l’acquéreur sont aussi protégés mais d’une autre manière : article L 123-8 alinéa 2 du Code de commerce expose que le vendeur reste tenu solidairement avec l’acheteur des dettes souscrites par ce dernier pour l’exploitation du fonds et cela jusqu’à cde que le vendeur se soit fait radier du registre.

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