Les délais d’action devant une juridiction administrative

QUELLES SONT LES CONDITIONS RELATIVES AU DÉLAI D’ACTION DEVANT LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES?

Les délais d’action en contentieux administratif sont souvent brefs, l’action se portant sur un AA et mettant en cause la stabilité des relations juridiques, et l’efficacité de l’action administrative. Ces délais brefs ont également une durée variable.

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  • &1 : Durée du délai

Cette durée est variable, se divisant entre délai de droit commun et délais spécifiques.

A) Délai de droit commun

Le délai de droit commun pour déferrer au JA une action contre un AA est fixé à l’article R 421 – 1 du CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE, sauf en matière de travaux publics, à deux mois, à compter de la notification / publication de la décision attaquée, et ce, sauf disposition expresse instituant un délai différent ou dispensant l’action de délai (ex : travaux publics). Tous les justiciables ont un droit acquis à bénéficier des délais textuels à la date de leur recours. Le juge se place, pour apprécier le délai, à la date de l’introduction de la requête, c’est à dire son enregistrement au greffe, et non son envoi.

Il existe un système d’enregistrement par horodateur, etc., utile notamment en cas de délai expirant un jour férié. Le Juge Administratif pourra tenir compte de délais extraordinairement longs d’acheminement, notamment en raison de grèves, si le requérant prouve qu’il a envoyé sa requête à temps. C’est pour cela qu’il est parfois recouru aux télécopies, qui peuvent aussi être dangereuses.

B) Délais spéciaux

Il existe des dérogations au délai de droit commun.

  • Pour saisir un Juge Administratif outre-mer, le délai pourra être porté à trois mois, par exemple à Nouméa.
  • Le recours des tiers contre les décisions relatives aux autorisations d’exploitation des installations classées est enfermé dans un délai de 4 ans
  • Le délai est de 6 mois devant la Commission Nationale des Comptes de Campagne.
  • Il sera de 3 mois en matière de DALO.
  • A l’inverse, il ne sera que d’un mois en matière d’autorisations de plaider,
  • de 15 jours en matière de référés, de pourvois,
  • de 5 jours en matière d’élections municipales et universitaires,
  • 10 jours en matière d’élections régionales et européennes, 48h en matière d’obligation de quitter le territoire.

Le délai peut toujours être prorogé par des délais de distance, le CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE faisant ici un renvoi au CPC. La prorogation est d’un mois pour les personnes demeurant outre-mer et saisissant un JA métropolitain, et vice-versa. Elle est de deux mois pour les personnes demeurant à l’étranger. Le bénéfice de prorogation est lié au délai de distance, en prenant en compte la résidence du requérant au jour de publication / notification. Le fait d’être en simple déplacement à l’étranger ne fait pas bénéficier du délai de distance. Un étranger qui serait physiquement expulsé, s’il introduit son recours à son arrivée sur le sol étranger, bénéficiera du délai de distance ; mais pas en cas de requête a priori contre l’arrêté de reconduite à la frontière. Ces délais de distance ne s’appliquent pas aux JA spécialisées, sauf si un texte le prévoit expressément.

C) Dispense de délai

En certains cas, on pourra faire un recours à tout moment, Chapus qualifiant cette absence de délais de « naturelle et invariable ».

  1. Contentieux des travaux publics

Ce contentieux est particulier : il y a dispense de décision préalable, mais aussi de délais. Le Juge Administratif a une conception extensive de la matière, y incluant les travaux réalisés par une commune pour une personne privée si l’ouvrage peut éventuelle être un travail public. Il faudra simplement respecter la prescription quadriennale. Les dommages de travaux publics sont aussi applicables au contentieux de l’occupation du domaine, ainsi qu’au contentieux des états exécutoires ou titres de recettes portant sur une opération de travaux publics. La dispense ne jouera qu’en RPC, pas en Recours pour excès de pouvoir.

  1. Recours contre certaines décisions implicites de rejet

Ces décisions vont naitre du silence gardé pendant deux mois par l’administration (délai susceptible de dérogation par des textes spéciaux) (R 421 – 3 CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE). Cette dispense de délai vaudra en matière de RPC, mais aussi lorsque la décision relève du contentieux du Recours pour excès de pouvoir et que le silence de l’administration fait naitre une décision qui ne pouvait être prise que par ou sur avis d’une assemblée locale ou de tout autre organisme collégial (R 421 – 3, 2° CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE). Ex : requête adressée au Maire, alors que c’est le CM qui devait se prononcer sur la question ; rejet d’une demande d’agrément par le préfet alors que la décision doit être prise après avis obligatoire d’une commission.

  1. Contentieux de l’accès aux documents administratifs

Aucune difficulté à ce sujet.

  1. Contentieux de l’exécution des décisions d’une JA

Cela vise les décisions visant à ce que le Juge Administratif prenne des mesures pour faire exécuter un jugement par l’administration

  1. Actes inexistants

Aucun délai ne va courir pour agir contre ces actes inexistants, parfois nuls et non avenus, le juge pouvant à tout moment constater leur nullité ou inexistence à la demande d’un administré. Cela vaut aussi pour les actes obtenus par fraude. Ex d’inexistence : promotions pour ordre, sans affectation réelle ; actes pris par un fonctionnaire ayant dépassé la limite d’âge ; etc.

  • &2 : Computation du délai

A) Point de départ

Il démarre à 0h le lendemain du jour où l’existence et le contenu de la décision attaquée ont été portés à la connaissance du requérant par notification ou publication régulière.

  1. Actes règlementaires

Le délai démarre à compter de la publication de l’acte, mode usuel de pub des actes règlementaires. C’est aussi le mode usuel de pub pour une catégorie proche mais non assimilable, à savoir les décisions d’espèce, telles les DUP. Les autorités administratives sont d’ailleurs tenues de publier dans un certain délai les actes qu’elles édictent. Autorités centrales : publication au JO ou sous forme électronique. Ordonnance de 2004 pose le principe de la double publication Il est des actes pour lesquels la publication électronique suffit. Ex : actes règlementaires autres qu’ordonnances se rapportant à l’organisation administrative de l’Etat, aux fonctionnaires et agents publics, magistrats et militaires ; actes règlementaires des AAI et autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale.

Pour les actes des autorités locales, la publication se fait en fonction de la règlementation en vigueur si elle existe. Certaines Collectivités territoriales sont tenues à avoir un recueil d’actes administratifs. Loi ATR de 1992 impose aux communes et groupement de communes de publier le dispositif des décisions règlementaires dans un recueil. Dans les petites communes, en l’absence de règlementation spécifique, la pub est régulière quand elle permet l’info suffisante des administrés, en mairie ou dans un lieu accessible au public. Parfois, certains actes sont obligatoires soumis à plusieurs pub ou plusieurs modes de pub, comme par exemple affichage + publication. Ex : décision de la CDAC autorisation l’installation d’un hypermarché. C’est la publication la plus tardive des deux qui fera courir les délais.

Pour que la publication déclenche le délai, elle doit apporter une info suffisante sur l’existence de l’acte.

Au JO, pas de difficulté. Concernant les pubs locales, pour les CT, on considère par ex que le BO de la ville de Paris constitue une pub suffisante compte tenu des conditions de sa diffusion. En revanche, celle au BO d’un Ministère ne déclenche le délai qu’à l’égard des fonctionnaires du Ministère, pas des administrés. Un texte spécial peut prévoir une publication dans la presse (PLU). Tout sera alors fonction de la taille de la Collectivités territoriales et de la diffusion du journal en cause.

A l’info sur l’existence de l’acte, doit s’ajouter l’info sur le contenu, complet et précis, de l’acte. Le JO publie les textes normalement in extenso, ce qui simplifie la tâche. Il est fréquent que la pub par affichage ne se fasse que par extraits ; elle doit alors permettre à l’administré de connaitre l’auteur, la date et le contenu de l’acte. Elle est suffisante si elle dit comment se procurer le texte en totalité de l’acte. CE, Geouffre de la Pradel, 1986. Sans pub suffisante, le délai ne court pas.

  1. Actes individuels

Leur mode de pub, c’est la notification. Ils doivent être portés à la connaissance de leur destinataire par voie postale ou remise directe. La notification doit être certaine pour lancer le délai, d’où l’intérêt d’user du LRAR ou de la remise par un agent assermenté. Ils peuvent aussi dans certains cas être transmis sous forme électronique (décrets portant changement de nom, naturalisation etc.). La publication au JO fait courir le délai de certains actes individuels, selon le CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE, s’agissant de décisions relatives aux fonctionnaires notamment. D’autres courent à compter de la publication électronique.

Le refus de recevoir la notification par le destinataire n’empêche pas le délai de courir ; mais il est possible, par ex, que la notification ne soit pas faite. Si le destinataire va retirer le pli, le délai court à compter de la date du retrait ; s’il n’y va pas, il court à compter de la date de 1e présentation du facteur. CE, Préfet des Yvelines, 1997 : L’intéressé n’avait pu retirer son pli en raison de confiscation des papiers d’identité. Il fut relevé de la forclusion. Le parent ou concierge signant pour le compte du destinataire fera partir le délai.

La notification n’est régulière que si elle est faite à domicile ou résidence. En cas de changement d’adresse, la notification est réputée régulière si elle a été faite à la dernière adresse connue de l’administration. La notification doit par ailleurs être complète, comme la publication. Il faut remettre au moins tous les éléments permettant de connaitre la décision. Elle ne se fait qu’en français. Elle doit comporter certaines mentions (R 421 – 5 CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) : celle du délai de recours, des voies de recours, y compris le recours administratif dans le délai du recours contentieux.

La loi du 12/4/2000, modifiée en Mai 2000, dispose que le RAPO doit être mentionné. En cas de demande formulée par une personne morale, certaines administrations doivent envoyer un accusé de réception daté avant même de répondre, avec numéro et adresse du service en charge du dossier et délai de réponse : c’est le cas des administrations centrales, de l’Etat, les Collectivités Territoriales, les EPA, les organismes de Sécurité sociale, et ceux gérant un SPA. Il existe des dispenses d’accusés de réception, par exemple pour les requérants abusifs.

  1. Théorie de la connaissance acquise

Il faut normalement une pub de l’acte. Mais parfois, l’absence de publication ou de notification ne jouera pas, le délai étant déclenché par la connaissance de fait qu’a un administré de l’existence et du contenu de l’acte. La théorie s’est désormais amenuisée. Un administré formant un recours administratif démontre qu’il a eu connaissance de sa décision au plus tard à la date de son recours (CE, Mauline, 1998). Mais désormais, par ce même arrêt Mauline et un autre du même jour AP-HP de Paris, le Conseil d’Etat a décidé que le fait qu’un requérant forme un délai de recours administratif étant sans incidence sur l’obligation de mention des délais et voies de recours prévue au CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE. On privilégie la régularité de la notification. Si la décision ne comporte pas toutes ces infos, nonobstant le recours administratif de l’administré, le délai ne court pas.

La connaissance acquise joue dans de très rares cas. La plus connue vise les recours de membres d’organisme collégiaux contre les décisions de ces organismes. CE, de Peretti, 1989 : un conseiller municipal qui participe à une délibération du CM autorisant le Maire à signer un marché voit le délai de recours démarrer pour lui au jour de la séance du CM, même si son info n’était pas complète, par ex sur le marché. CE, Ville de Meudon, 24 Mai 1995 : extension de cette solution aux décisions prises au cours d’une séance d’un organisme collégial à laquelle le conseiller était convoqué, mais n’a pas participé.

  1. Cas du préfet

Le délai de recours du préfet, pour les actes soumis à transmission obligatoire, court à compter de la transmission. En cas de transmission incomplète, le préfet pourra demander le complément ; ce n’est qu’à la date du refus que le délai courra (CE, Mutuelle Générale des Collectivités Territoriales, 1988). Il appartient au JA de trancher sur le caractère complet ou non de la transmission. Pour les actes non susceptibles d’obligation de transmission, le délai partira pour le préfet aussi à compter de la pub.

L’administré pour demander au préfet de déferrer ; c’est son refus qui relance le délai de recours (CE, Brasseur, 1991).

B) Prorogation du délai

Le délai va être interrompu, et courra à nouveau au terme de la cause d’interruption. 1e cause : exercice d’un recours administratif. Toute décision administrative peut faire l’objet dans son délai de recours contentieux d’un recours gracieux ou hiérarchique. Le délai reprendra au jour de la réponse implicite ou explicite de l’administration. Parfois, on sera face à un RAPO. Ex : matière fiscale ; refus de visa ; contentieux militaire ; urbanisme commercial (décision de CDAC). En d’autres cas, le recours administratif est totalement facultatif. Lorsqu’un texte ne le prohibe pas, le requérant peut introduire un recours administratif, y compris en matière de titre de recette, à condition que ce recours parvienne dans le délai de recours contentieux.

Pour que le recours administratif facultatif interrompe le délai de recours contentieux, il doit constituer un vrai recours : qu’il soit gracieux ou hiérarchique, il doit demander à l’auteur de l’acte ou à l’autorité supérieure d’annuler ou de réformer l’acte. Des demandes de bienveillance ou trop vagues ne sont pas des recours administratifs. Il faut s’adresser à l’autorité compétente. Dans certains cas, il y aura obligation de transmission à l’autorité compétente : si les deux relèvent du même supérieur hiérarchique ; lorsque deux autorités sont consubstantiellement liées par leurs activités. Le ministre de la santé doit ainsi transmettre au directeur d’un hôpital public les recours contre une décision relative au personnel. CE, Ville de Metz, 1986 : le trésorier communal indument saisi devait transmettre au Maire. L’obligation de transmission est étendue par la loi du 12 Avril 2000 à toutes les administrations centrales d’Etat, organismes de Sécu / chargés de la gestion d’un SPA, les EPA.

Le recours administratif ne proroge le délai de recours contentieux que dans la limite des demandes formulées. Normalement, le recours administratif ne proroge le délai de recours contentieux qu’une seule fois. On ne peut exercer successivement deux recours administratifs : CE, 27/01/1950, Mlle Ducros (deux recours gracieux successifs) ; CE, 5/6/1953, Société Sapvin (deux recours administratifs successifs). Mais il est un cas exceptionnel. CE, 7/10/2009, Ouahrirou : le Conseil d’Etat a accepté l’hypothèse où un recours gracieux avait été formé, puis un recours hiérarchique, les deux dans le délai du recours contentieux. C’est le 2e recours qui fera courir le délai. Dans certains cas, les recours administratifs sont exclus par les textes.

C) Expiration du délai

Est en cause, la question du terme du délai. Le délai exprimé en mois exprime au jour du dernier mois portant le même quantième. Les délais sont francs : pour la computation des délais, on ne tient compte, ni du dies a quo, ni du dies a quem. Ainsi, un Recours pour excès de pouvoir contre une décision individuelle notifiée le 3 Janvier expire le 4 Mars à 24h.

  • &3 : Sanction des règles de délais

A) Irrecevabilité de la requête

La requête peut être prématurée, l’acte intervenant trop tôt. Cela est régularisable, la décision ayant pu naitre entre temps. Mais la question se pose surtout sous l’angle de la requête tardive, l’irrecevabilité n’étant alors pas régularisable : c’est la forclusion. Il s’agit d’un Moyen d’ordre public. L’irrecevabilité est alors courue sans que le requérant ne puisse soulever un fait justificatif, hormis, peut-être, le dysfonctionnement des services postaux. On vit en Mai 1968 un relevé de forclusion général adopté législativement en raison de la gravissime grève de 6 semaines des postes. Le recours formé contre un acte identique dans son objet comme son dispositif à la décision devenue définitive du fait de la tardiveté du recours sera également irrecevable, comme pour la décision confirmative. La notion a des limites, lorsqu’un intervient un élément de nouveauté entre les deux décisions, par ex lorsque le contexte législatif a évolué.

B) Caractère définitif de la décision administrative non contestée

Une décision administrative non attaquée dans le délai de recours contentieux devient définitive. Elle ne peut plus être attaquée par voie d’action et bénéficie, malgré l’illégalité dont elle peut être entachée, d’une immunité juridictionnelle. Une décision administrative créatrice de droits étant insusceptible de retrait, elle devient totalement consolidée à l’expiration du délai contentieux. Les décisions règlementaires sont susceptibles d’être modifiées, en revanche, et celles non créatrices de droit, retirées. Ce qui est obtenu par fraude peut être perpétuellement retiré.

L’acte règlementaire devenu définitif peut aussi être contesté par le biais d’une exception d’illégalité. Celle contre un règlement est perpétuelle. Il existe aussi la notion d’opérations complexes, qui joue entre les arrêtés individuels de cessibilités et la DUP, par exemple. Dans les procédures de recrutement dans la fonction publique, il y a opération complexe entre l’arrêté d’ouverture du recours et les décisions de nomination. L’acte contesté par voie d’exception doit avoir un caractère règlementaire. La décision faisant l’objet du recours doit avoir été prise en exécution de l’acte règlementaire.

Il peut y avoir obligation d’abroger un acte administratif illégal pour l’administration à la demande d’un administré, que l’illégalité soit d’origine ou survenue à la suite d’un changement de circonstances de droit ou de fait (CE, Compagnie Alitalia, 3/2/1989). L’application de la Jurisprudence fut étendue aux décisions règlementaires non créatrices de droit (CE, Association Les Verts, 1990 ; CE, Butin & Ahwon, 1982).

Le Cours de Contentieux Administratif est divisé en plusieurs chapitres :

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