Les preuves imparfaites (témoignage, présomption, aveu, serment)

Les preuves imparfaites

On distingue les preuves parfaites des preuves imparfaites. Les preuves parfaites sont celles qui sont incontestables,et qui ont donc une plus grande valeur juridique. Il s’agit de l’écrit, ou preuve littérale, du serment décisoire et de l’aveu judiiaire. Les preuves parfaites le sont à différents degrés. L’acte authentique, l’acte sous seing privé établi par les parties entre elles. L’aveu judiciaire est lui aussi un moyen de preuve parfait.

Les preuves imparfaites sont plus nombreuses et leur validité dépend de leur qualité.’est par exemple le cas de l’aveu extrajudiciaire ou des témoignages. Dans ce dernier cas, il s’agit de déclarations qui émanent de tiers et qui relatent des faits dont ils ont eu connaissance. La preuve imparfaite est totalement soumise au pouvoir d’appréciation du juge.

L’élément commun des procédés de preuve imparfaits est qu’ils ne lient jamais le juge. Le juge reste toujours libre de son appréciation. On distingue quatre types de preuve imparfaits : le témoignage (A), les présomptions du fait de l’homme (B), l’aveu extrajudiciaire (C) et le serment supplétoire (D).

A – La preuve testimoniale

-Le Code civil n’envisage le témoignage que sous l’angle de l’admissibilité de ce type de preuve. Une définition du témoignage a été donnée par un auteur, M. Le Roy, « la preuve testimoniale est celle qui résulte des déclarations faites sous serment en justice, au cours d’une enquête par des personnes qui ont perçu avec leurs propres sens le fait contesté ». Aujourd’hui, la preuve testimoniale recouvre aussi les déclarations écrites sous forme d’attestations. Le témoignage peut donc revêtir une forme orale ou écrite.

-Qui témoigne ?L’article 10 du Code civil dispose « Chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité. Celui, qui sans motif légitime, se soustrait à cette obligation lorsqu’il en a été légalement requis, peut être contraint d’y satisfaire, au besoin à peine d’astreinte ou d’amende civile, sans préjudice de dommages et intérêts ». L’article 206 du Code de Procédure Civile plus spécifique au témoignage rappelle « Est tenu de déposer quiconque en est légalement requis ». Mais il prévoit des dispenses : « Peuvent être dispensées de déposer les personnes qui justifient d’un motif légitime . Peuvent s’y refuser les parents ou alliés en ligne directe de l’une des parties ou son conjoint, même divorcé ». On peut donc en conclure que ces personnes bénéficient d’une présomption de motif légitime quant à leur refus de témoigner. Les autres doivent en apporter la preuve. La loi a même prévu certaines hypothèses où le témoignage n’est même pas recevable.

Ainsi l’article 205 alinéa 3 du Code de Procédure Civile prévoit que « les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l’appui d’une demande en divorce ou en séparation de corps « .

-L’objet du témoignage est toujours ce que le témoin a personnellement vu ou entendu. Le témoin doit relater ce qu’il a perçu par ses propres sens (Mazeaud). Notre droit positif prohibe la preuve par commune renommée, ou preuve par « on dit ». Le déclarant se fait l’écho de bruits incontrôlables qui se colportent de bouche à oreilles. Cette preuve, courante sous l’ancien Droit, était et reste très dangereuse par son imprécision croissante au fur et à mesure que l’on s’éloigne du témoignage direct. Le danger est évident étant donné la grande probabilité de déformation des faits. Aussi, n’est-elle admise qu’à titre exceptionnel (cf. article 451 al. 3 du Code civil à propos du tuteur qui n’a pas fait inventorier le mobilier échu par succession à un mineur). Par contre, la Cour de cassation paraît admettre, de façon critiquable, le témoignage indirect qui est celui d’un témoin qui a personnellement entendu la déclaration d’une autre personne relatant ce qu’elle a constaté elle-même. Les juges devront bien sur apprécier souverainement la valeur probante de tels « témoignages ».

B – La preuve par présomptions

-On appelle présomptions de l’homme ou présomption du fait de l’homme ou encore présomption de fait, « les conséquences que le magistrat tire d’un fait connu à un fait inconnu ». C’est en fait l’intime conviction du juge qui, à partir de divers éléments de fait, va forger son intime conviction quant à l’existence du fait litigieux. Il s’agit d’un mode de raisonnement.

-Les indices à partir desquels le juge peut former son intime conviction sont nombreux. Il peut s’agir de constatations matérielles, de déclarations de personnes qui ne peuvent être entendues en qualité de témoins, tous les documents quelle qu’en soit la nature ou l’origine, de l’attitude des parties au cours d’une comparution personnelle (ex. refus de se soumettre à une expertise sanguine), des résultats d’une expertise, etc…

-Les présomptions du fait de l’homme ne sont, bien entendu pas un mode de preuve scientifique. On peut même dire qu’elles sont dangereuses. Elles sont néanmoins indispensables car il est bien rare que le fait litigieux précis soit prouvé, car c’est bien souvent le doute quant à son existence qui a été l’occasion de la saisine du juge. L’article 1353 recommande au juge la prudence quant à l’appréciation de ce procédé de preuve. Cet article dispose : « Les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, … » La formule légale n’est qu’un conseil de prudence adressé au magistrat. Aussi, il a été décidé qu’il peut se baser sur un indice unique (concordant ?) Le juge est libre quant à son appréciation, il est toujours libre de rejeter ces présomptions ou de les accueillir si elles lui paraissent déterminantes.

C – L’aveu extrajudiciaire

-Tout aveu qui n’est pas émis devant le juge compétent au cours de l’instance dans laquelle le fait est en cause est un aveu extrajudiciaire. Il ne présente pas les mêmes garanties que celui qui est fait au cours de l’instance en cause. L’aveu extrajudiciaire a pu être extorqué par violence, dol ou à la suite d’une erreur. L’aveu

extrajudiciaire n’a pas du tout la même force probante que l’aveu judiciaire. L’aveu extrajudiciaire ne lie pas le juge. C’est un mode de preuve qui se rattache à la catégorie des présomptions du fait de l’homme.

Même si le législateur ne l’a pas précisé, il faut ranger l’aveu extrajudiciaire dans la catégorie des modes de preuve imparfaits. On peut déduire cette conséquence de l’article 1355 du Code civil qui dispose que « l’allégation d’un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu’il s’agit d’une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible », c’est-à-dire pour la preuve des actes juridiques. La pertinence de l’aveu extrajudiciaire dépend entièrement de l’appréciation du juge, de son intime conviction.

D – Le serment supplétoire

-Le serment supplétoire est prévu par l’article 1366 du Code civil : « Le juge peut déférer à l’une des parties le serment, ou pour en faire dépendre la décision de la cause, ou seulement pour déterminer le montant de la condamnation ». C’est le juge qui défère d’office ce serment et non les parties. il s’agit pour lui d’un pouvoir discrétionnaire. Il choisit librement la personne à laquelle il défère le serment. C’est un moyen d’instruction réservé à son usage. Le serment ne vise qu’à éclairer le juge sur les circonstances de la cause. Aussi, le serment supplétoire ne lie pas le juge. Le juge reste libre de sa décision. Le serment n’est utilisé que pour compléter une preuve et fortifier la conviction du juge. Ce procédé de preuve, on s’en doute, est très peu employé. Le serment des parties n’offre aucune garantie sérieuse de véracité de leurs affirmations.

Le Cours complet d’Introduction au droit est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, biens, acteurs de la vie juridique, sources du droit, preuves, responsabilité…)