Les problèmes d’application des lois (dans le temps et l’espace)

L’APPLICATION DES NORMES

Nous allons étudier l’application de la loi dans le temps et dans l’espace, et nous ne nous pencherons pas sur les difficultés d’application et le travail d’interprétation du juge.

SECTION 1 – L’APPLICATION DE LA LOI DANS L’ESPACE

Le principe, c’est que la loi s’applique de manière uniforme sur le territoire français. Cependant, il existe des exceptions.

La première exception a lieu quand il y a un élément d’extranéité. Par exemple, est-ce que la loi française est applicable à un belge et à une canadienne qui de sont mariés en Argentine et qui vont divorcer en France ? Ici, il y a conflit de loi résolu par les règles de droit international. Si le conflit de loi est réglé par les lois étrangères, le juge français va être amené à appliquer une loi étrangère

Lorsque l’application de la loi française dans l’espace a du tenir compte de certaines situation particulières. Par exemple, pour les départements d’Alsace-Lorraine, leur histoire justifie leur appartenance à une législation particulière. De plus, pour les DOM-TOM, il est tenu compte à des degrés distincts de leurs particularités propres en application de la loi. Dans les DOM (Réunion, Guyane, Martinique, Guadeloupe), c’est le principe d’assimilation législative qui est en vigueur : c’est donc la loi française qui est applicable, sauf dispositions contraires. En revanche, dans les TOM (Polynésie française, Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna, Terres australes et Atlantique), c’est le principe de spécialité législative qui s’applique : la loi française n’est applicable qu’en vertu d’une disposition expresse visant ces territoires.

SECTION 2 – L’APPLICATION DE LA LOI DANS LE TEMPS

Le principe est que la règle de droit est permanente, c’est-à-dire qu’elle s’applique à compter de son entrée en vigueur jusqu’à son abrogation.

1 – Les principes

a – L’entrée en vigueur de la loi

C’est à partir de son entrée en vigueur qu’une loi acquiert force obligatoire. L’entrée en vigueur de la loi et la force obligatoire de celle-ci sont liées. Pour qu’une loi entre en vigueur, deux conditions cumulatives doivent être réunies :

La promulgation de la loi : la formalité accomplie par le président de la république qui permet de rendre exécutoire la loi. La loi est la norme votée par le Parlement. Le Président prend un décret de promulgation dans les quinze jours qui suivent la transmission de la loi adoptée au gouvernement. Par exemple, les règlements et les décrets n’ont pas à être promulgué puisqu’ils sont l’œuvre du pouvoir exécutif et sont donc exécutoire par nature.

La publication de la loi : la loi doit être publiée au journal officiel et c’est cette publication qui assure sa diffusion au public puisque « nul n’est censé ignorer la loi ». Les lois doivent être publiées mais également les décrets et les traités ratifiés. Depuis une ordonnance du 20 Février 2004, la loi entre en vigueur sur tout le territoire français le lendemain de sa publication (Métropole + DOM-TOM). Cependant le législateur peut prévoir les conditions d’entrée en vigueur de la loi dans des dispositions transitoires. Celles-ci vont reculer la date d’entrée en vigueur de la loi ou vont aménager un régime de transition avec le régime antérieur.

b – L’abrogation de la loi

Première hypothèse : on a affaire à une loi temporaire, ce qui signifie qu’un terme a été prévu.

Deuxième hypothèse : ce sont les lois qui n’ont pas prévu de terme : la loi cesse de s’appliquer lorsqu’elle est abrogée. La loi est abrogée par l’autorité compétente. Ainsi, une loi sera abrogée par une autre loi, c’est ce qu’on appelle le principe du parallélisme des formes.

L’abrogation est expresse ou tacite. Lorsqu’elle est tacite, elle résulte d’une contradiction ou d’une incompatibilité avec un nouveau texte hiérarchiquement équivalent ou supérieur. On applique donc le nouveau texte et le texte ancien est abrogé tacitement. Lorsque l’on a un traité postérieur qui est contraire à une loi antérieure, la loi antérieure est tacitement abrogée.

2 – Les conflits de loi dans le temps

Lorsqu’une loi nouvelle entre en vigueur, la question qui se pose est de savoir à quelle situation concrète elle va s’appliquer : comment va s’opérer le passage de la loi ancienne à la loi nouvelle ?

La loi elle-même a pu prévoir la transition du régime antérieur au nouveau régime. L’objet des dispositions transitoires étant précisément de déterminer dans quelles conditions va s’opérer le passage du régime juridique antérieur au régime juridique nouveau et donc de préciser le champ d’application de la loi nouvelle.

Par exemple, la loi du 3 Décembre 2001 relative au droit du conjoint survivant et des enfants adultérins est une loi qui a modernisé diverses dispositions de droit successoral. Selon l’article 25, la présente loi entrera en vigueur le premier jour du septième mois suivant sa publication au journal officiel. Normalement la loi entre en vigueur le lendemain de sa publication au journal officiel. Par exemple, si la publication de la loi a eu lieu le 4 Décembre 2001, l’entrée en vigueur aura lieu le 1er Juillet 2002. L’article 25 ajoute que la présente loi sera applicable aux successions ouvertes à compter de la date prévue au grand 1, cela signifie que la loi s’applique aux successions ouvertes à compter du 1er Juillet 2002.

Lorsqu’il n’y a pas de dispositions transitoires, comment organiser la transition de la loi nouvelle à la loi ancienne ? On fait alors appel à des règles générales qui définissent

Selon l’article 2 du Code Civil, la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif. Ce qui veut dire qu’une loi nouvelle ne peut régir des faits qui se situent avant son entrée en vigueur.

3-Principe d’application immédiate de la loi nouvelle

a – Le principe de non rétroactivité de la loi nouvelle

Définition :

– Pour les situations juridiques qui se sont entièrement réalisées avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle Elles ne sont pas remises en cause. Ex : J’ai acheté une maison en 2000, la validité du contrat de vente dépendait du respect de règles juridiques précises. En 2005, les règles à respecter pour qu’un contrat d’immeuble soit valable sont plus nombreuses. Mon contrat de vente est-il toujours valable ?

La situation juridique s’est entièrement réalisée, la vente a été valablement formée sous l’empire de la loi de 2000, elle reste valable. On ne peut pas appliquer la loi de 2005 à la situation de 2000 car ce serait appliquer rétroactivement la loi de 2005. Cela veut dire que la loi nouvelle ne remet pas en cause les situations juridiques entièrement réalisées avant son entrée en vigueur.

– Pour les situations juridiques en cours, celles qui sont nées sous l’empire de la loi ancienne mais qui continuent à produire des effets – après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, le principe de non rétroactivité de la loi nouvelle interdit de revenir sur les conditions de constitution ou d’extinction d’une situation juridique antérieure à son entrée en vigueur.

Exemple 1 : Un contrat de bail commercial a été conclu en l’an 2000 pour 9 ans suivant les règles en vigueur en l’an 2000. Ces règles changent en 2003. La loi de 2003 ne peut remettre en cause les conditions de constitution du bail : ce qui était valable en l’an 2000 reste valable en 2003. La loi nouvelle ne s’applique pas aux effets déjà passés d’une situation juridique née avant son entrée en vigueur.

Exemple 2 : Une loi de 2000 interdit toute allocation pour les personnes ayant des animaux domestiques. Une loi de 2005 permet d’accorder une allocation de 30 euros par an à toute famille ayant un ou plusieurs animaux domestiques. Les Dupont ont un animal depuis 2000, ils vont pouvoir toucher une allocation de trente euros dès que la loi de 2005 entrera en vigueur. Cependant, pour la période entre 2000 et 2005, la loi de 2000 s’applique et les Dupont ne pourront prétendre à aucune allocation. La loi nouvelle ne vient pas s’appliquer aux effets passés d’une situation juridique.

  • Le fondement du principe de la non rétroactivité de la loi nouvelle

Il parait logique pour tout le monde qu’une loi ne puisse remettre en cause des situations antérieures à son entrée en vigueur. En effet, on ne peut exiger des sujets de droit qu’ils respectent une loi qui n’existe pas encore. Un premier argument est de sécurité juridique : admettre que les lois soient rétroactives, c’est admettre qu’il existe une certaine insécurité juridique. Deuxième argument : si la loi postérieure est rétroactive, c’est admettre qu’un sujet puisse se voir reproché d’avoir respecté une loi antérieure contraire à la loi nouvelle. Quel est l’intérêt de faire des lois qu’il faut respecter si des lois nouvelles contraires aboutissent à remettre en cause des situations régies par la loi ancienne ?

  • Les valeurs du principe de la non rétroactivité de la loi nouvelle

Ce principe a une valeur législative. Il s’impose donc au pouvoir exécutif, et également au pouvoir judiciaire. En revanche, cette règle ne lie pas le législateur qui peut déclarer rétroactive une loi nouvelle sauf si celle-ci est une loi pénale plus sévère (loi qui crée une infraction ou qui alourdit une peine). En effet, le principe de non rétroactivité de ces lois a une valeur constitutionnelle. Par exemple, la loi Perben II est une loi plus sévère puisqu’elle considère que la conduite en état d’alcoolisme n’est plus une contravention mais un délit.

  • Les exceptions au principe de non rétroactivité de la loi

-La loi interprétative a pour fonction de préciser le sens d’une loi qui existe déjà. Elle fait donc corps avec la loi qu’elle précise. Elle est donc rétroactive

-La loi directement rétroactive : dans ce cas, le législateur précise sans ambiguïté que la loi est directement rétroactive. Par exemple, la loi du 5/07/1985 relative à l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation, ou loi Badinter, est rétroactive car elle a été déclarée applicable aux accidents ayant donné lieu à une action en justice introduite avant la publication de cette loi.

-La loi pénale plus douce est rétroactive car elle s’applique aux infractions commises avant son entrée en vigueur dès lors qu’elle n’a pas été jugée définitivement.

b – Le principe d’application immédiate de la loi nouvelle

La loi nouvelle s’applique immédiatement à la constitution des situations juridiques postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.

La loi nouvelle s’applique immédiatement aux effets futurs d’une situation juridique extracontractuelle née antérieurement à son entrée en vigueur.

La loi ancienne survit pour les situations juridiques contractuelles sauf si la loi est d’ordre public. L’exception est en effet la loi d’ordre public, qui s’applique immédiatement aux situations contractuelles conclues sous l’empire de la loi ancienne.

Définitions à connaître : Rétroactivité / Non rétroactivité / Application immédiate de la loi nouvelle / Survie de la loi ancienne / Situation contractuelle / Situation non contractuelle