Liberté et sécurité dans la formation du contrat

Liberté et sécurité dans la formation du contrat : liberté contractuelle = insécurité juridique?

Aujourd’hui dans la formation du contrat, l’homme est à la recherche d’un point d’équilibre entre un excès de libéralisme exacerbé et un dirigisme constricteur : comment peut-on aboutir lors de la formation contractuelle à une conciliation de deux impératifs fondamentaux : la liberté et la sécurité.

La vie de tous les individus est tissée de contrats, accords de volonté destinés à créer des obligations. Mais si cette notion de contrat dépend des idées philosophiques et économiques d’une époque donnée, la balance entre liberté et sécurité devrait être la même en permanence pour assurer le bon déroulement des opérations contractuelles.

On entend par liberté, une absence totale de contrainte, de servitude, mais aussi une possibilité d’agir, de penser, de s’exprimer selon ses propres droits ; ce qui s’entend ici par le pouvoir de choisir comment doivent de dérouler les opérations précontractuelles. La notion de sécurité par contre semble être plus floue, plus difficile à définir car elle présente une certaine ambiguïté. La sécurité est une situation dans laquelle quelqu’un ou quelque chose n’est exposé à aucun danger ; en l’occurrence le futur contactant doit bénéficier d’un minimum de garanties visant à assurer le bon cours des opérations de la formation du contrat. Mais comment comprendre cette «sécurité» ? La généralité que l’on peut faire des rapports entre la liberté contractuelle d’une part et de la sécurité juridique d’autre part repose sur un schéma illogique car il est vrai que la sécurité est inconcevable sans liberté (I) mais que trop de liberté, nuit inévitablement à la sécurité. (II)

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I La liberté contractuelle : condition essentielle à la sécurité juridique

Le principe de liberté contractuelle né au 19ème siècle va faire couler beaucoup d’encre : toutes les relations contractuelles sont désormais guidées par un principe de liberté(A)ce qui contribue à assurer un univers juridiquement sécurisé. Bien que ce principe existe toujours aujourd’hui, on assiste tout de même à un déclin de cette liberté en matière contractuelle (B), au détriment de la sécurité.

(A) Apogée du principe de liberté contractuelle dans le doit post révolutionnaire

Lors de la formation du contrat, la phase de l’accord de volonté est capitale. D’après le code civil, la volonté dans le processus contractuel, se suffit à elle-même. En d’autres termes, la volonté est autonome. La préférence de cette théorie se justifie dans la philosophie individualiste ou prône la thèse selon laquelle l’homme est fondamentalement libre et dans le libéralisme économique. La portée de cette théorie se manifeste lors de la création du contrat gouvernée par la liberté contractuelle tant sur le fond que sur la forme.

La liberté contractuelle sur le fond, s’exprime comme la liberté de contracter ou de ne pas contracter, de choisir librement son cocontractant et de déterminer librement le contenu du contrat. Il n’y a pas d’obligation juridique de contracter. Nul n’est forcé d’entrer en relation avec des semblables et chacun a le droit de refuser de céder les biens qui lui appartiennent ou de prendre à son service une personne dont il ne veut pas. Le refus de contracter n’est qu’une manifestation de la liberté.

La plupart des règles contractuelles sont supplétives de la volonté des parties en ce sens que les règles ne s’imposent pas aux cocontractants.

L’article 6 du code civil énonce que l’on peut déroger aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ; à contrario, les individus peuvent dans leurs contrats, déroger à toutes les lois qui n’intéressent ni l’ordre public, ni les bonnes mœurs.

De plus, dans la conception des rédacteurs du code civil, les contrats conclu «de gré à gré », sont le fruit d’une libre discussion entre les parties. Apres en avoir négocié les termes, les parties parviennent à un accord équilibré.

Au niveau de la forme, la théorie de l’autonomie de la volonté consacre le consensualisme. L’expression de la volonté (ou littéralement le consentement), suffit à former un contrat ; elle doit se manifester librement sans aucune condition de forme. Ainsi le principe du consensualisme par opposition au formalisme n’est autre que celui de la liberté de la forme. Les contractants sont libres de déterminer la forme de leur contrat. Le consentement peut s’exprimer par écrit (l’écrit peut être authentique ou non), par oral, par un geste…Le consensualisme est consacré par le code bien que ce dernier prévoie 4 types d’actes pour lesquels la validation d’un acte authentique est indispensable.

Mais si cette liberté, garantie de sécurité, nourrit tout le 19ème siècle, elle perd sa suprématie dans notre droit positif.

(B) La liberté contractuelle en déclin dans notre droit positif, source d’instabilité juridique

Identifiant à la fin du 19ème siècle, le contrat à la théorie de l’autonomie de la volonté, la doctrine s’est offusquée de ce rapprochement. Au postulat qui voulait que le libre jeu des volontés individuelles conduise à la justice, on a opposé que les hommes sont fondamentalement inégaux. La liberté contractuelle serait l’instrument qui permettrait au fort d’imposer sa loi au faible.

L’adage de Fouillé «qui dit contractuel, dit juste » se révèle être faux : il repose sur le postulat de l’égalité des contractants et sur la liberté de chacun or ce dernier, semble être un mythe, une utopie car nombreux sont les contrats lésionnaires ou déséquilibres, où l’un des contractants est en situation d’infériorité.

Quant à Lacordaire, il comprend le rôle de la liberté enchaînée lorsque les hommes ne sont pas égaux en énonçant qu’ «entre le fort et le faible, c’est la liberté qui asservit e la loi qui affranchit ».

De plus, on assiste à la renaissance du formalisme avec le développement des contrats solennels (de nombreux contrats sont soumis à la rédaction d’un acte authentique) et avec l’avènement du formalisme informatif (certains contrats doivent obligatoirement comporter des mentions informatives pour obliger le consommateur à réfléchir d’avantage).

Aussi, il existe des atteintes propres à la liberté de contractuelle dans le cas du contrat de bail (on ne détermine pas librement son contenu) et du contrat d’assurance (on est obligé de contracter).

Consacrer le principe de la liberté contractuelle, c’était oublier qu’égaux en droit, les hommes ne le sont pas en fait. Forts et faibles coexistent dans notre société et la liberté contractuelle devient alors le moyen pour les premiers d’imposer aux seconds, des conditions draconiennes. Ce danger traduisant une réalité sociale incontestable, liée à la société industrialisée et à la standardisation qu’imposent la production et la consommation, ne fait croître. Aussi bien certains auteurs ont-ils dénoncés la menace que représentait pour l’équilibre contractuel, les contrats d’adhésion. La conclusion de ces contrats d’adhésion résulte non pas d’une libre discussion comme l’imposait la conception classique du 19ème siècle, mais de l’adhésion (d’où son nom) de la partie économiquement faible au projet pré-rédigé par la partie forte. L’une des parties se borne à adhérer à un contrat dont le contenu a été unilatéralement fixé par l’autre et il arrive que la partie la plus forte abuse de sa situation, en insérant dans le contrat des clauses avantageuses pour elles, et que son client n’aura souvent même pas lues. Par exemple, un contrat conclu avec la RATP est un contrat d’adhésion.

Ainsi est-on en mesure de comprendre que les libertés de fond et de forme sont des éléments essentiels à la sécurité juridique. Ayant le choix, chaque individu, en tant que meilleur juge de ses intérêts consent des contrats qui ne lui portent pas préjudice, ceci consacre évidement la sécurité juridique. Et, réciproquement, l’absence de liberté en matière contractuelle (cas des contrats d’adhésion) renforce l’insécurité juridique.

Mais il ne faut pas pousser cette tendance «libérale » à l’extrême car trop de liberté amène l’insécurité.

II Trop de liberté : cause d’insécurité

En effet, quand trop de libertés sont concédées à un individu, ce dernier risque d’en faire un mauvais usage comme nous le montre la pratique dans les cas de l’offre et de la phase des pourparlers. Mais cette pratique qui consacre l’insécurité juridique(A) tente d’être combattue par le juge et par le législateur (B).

(A) L’offre et les pourparlers

L’offre est un acte unilatéral de volonté par lequel une personne fait connaître à une autre sa volonté de contracter. L’acceptation de l’offre précise et ferme entraîne la formation du contrat et l’offrant perd à cet instant toute possibilité de se rétracter. Qu’en est –il lorsque l’offrant veut rétracter son offre avant que celle ci n’ait été acceptée sachant qu’il peut se rétracter avant que le destinataire de l’offre n’en aie eu connaissance ?

Dans la perspective classique, on autorise l’offrant à révoquer son offre tant que celle-ci n’a pas été acceptée au motif que l’offrant n’est pas lié juridiquement par sa manifestation unilatérale de volonté. Ce principe de libre révocabilité d’une offre est évidement une triomphe de la liberté contractuelle au détriment de la sécurité même s’il en existe des tempéraments. La sanction en cas de rétractation non autorisée se limite à des dommages et intérêts.

De même, la caducité de l’offre peut poser des problèmes en matière de sécurité juridique : que devient l’offre quand l’offrant décède pendant le délai d’acceptation ?

Avant 1983, la mort de l’offrant survenue pendant le délai d’acceptation entraînait la caducité de l’offre. La 3ème chambre civile de la Cour de Cassation, le 9 novembre 1983 a modifié sa jurisprudence en décidant qu’en cas de décès de l’offrant, l’offre n’était pas caduque mais qu’elle se transmettait aux héritiers de l’offrant. La même chambre le 10 mai 1989 a opéré un second revirement de jurisprudence qui consacre la solution utilisée avant 1983. En matière de promesse de vente (offre soumise à un délai), la mort de l’offrant n’entraîne pas la caducité de l’offre.

Ainsi, la solution retenue par la jurisprudence énonce que la mort de l’offrant entraîne la caducité de l’offre ce qui empêche toute formation d’un contrat, ce qui est évidement un hymne à l’insécurité.

Dans la même optique d’insécurité juridique due à une trop grande liberté, on peut donner l’exemple des pourparlers. La période des pourparlers est une période exploratoire durant laquelle, les futurs contactants échangent leur point de vues, formulent et discutent les propositions qu’ils se font mutuellement afin de déterminer le contenu du contrat sans pour autant être assuré de conclure. Cette période pré contractuelle est placée sous le signe de la liberté notamment liberté de rompre à tous moments les négociations. La période des pourparlers est soumise à un régime de liberté surveillée mais cela n’empêche pas pur autant l’insécurité.

Lorsque la négociation s’effectue sans contrat, la liberté est canalisée par une éthique pré contractuelle qui contraint chaque pourparler à ne pas tromper la confiance légitime de son partenaire. En théorie, une négociation peut être rompue tant qu’aucun contrat n’a été formé sans mettre en jeu la responsabilité de celui qui rompt les pourparlers (Cour d’appel de Peau du 14 janvier 1969) puisque les pourparlers ne constituent aucune obligation future. A contrario, une rupture abusive des pourparlers (3ème chambre civile et commerciale de la Cour d’appel du 10 juin 1992 et la 1ère chambre civile du 6 janvier 1988) qui se manifeste entre autres par leur lenteur, leur coût, leur avancement par rapport à la signature du contrat, le comportement versatile du cocontractant est à sanctionner. La sanction d’une rupture abusive des pourparlers s’effectue uniquement en dommages et intérêts ; il n’est pas concevable qu’à titre de sanction, le négociateur soit obligé de conclure un contrat.

Pour faire face à l’insécurité qui trouve son illustration dans l’offre et dans les négociations pré contractuelles, le juge et le législateur s’efforcent de protéger les contractants contre les contrats futurs.

(B) La protection contre le contrat futur

Les contrats de consommation (entre un particulier consommateur et un professionnel) sont le plus souvent des contrats d’adhésion rédigés par les professionnels ou le consentement du consommateur est bien réduit.

Le contrat de consommation est source d’abus et d’excès de la part du professionnel. Ce danger de déséquilibre est omniprésent dans les relations de ce type. Les consommateurs qui sont en permanence sollicités pour consommer, pour emprunter, acheter… et sont vite «embarqués » dans une spirale infernale où les risques d’être lésé se multiplient.

Le législateur s’efforce de restaurer un équilibre pour concilier les deux impératifs de liberté et de sécurité. Ce dernier au fond a conclu une stratégie de dissuasion contractuelle ; c’est en quelque sorte un pouvoir de dire non. Concrètement, la stratégie se traduit par un ralentissement dans la formation du contrat. Le législateur substitue la durée à l’instantanéité. Le ralentissement se traduit par 2 séries de mesures outre le formalise informatif. Le législateur oblige le professionnel à maintenir son offre pendant un certain délai. Par exemple, un offre de crédit à la consommation doit être maintenue pendant 15 jours à partir de l’émission de l’offre alors qu’une offre concernant un crédit immobilier pendant 30 jours à partir de la réception de l’offre par le consommateur. Cette obligation de maintenir l’offre est une atteinte objective à la liberté de contracter du professionnel mais elle restaure la liberté du consommateur et de ce fait la sécurité.

Les lois nouvelles qui limitent la liberté contractuelle sont de plus en plus nombreuses et sont inspirées par le dirigisme économique et social. Elles ont vocation à protéger la partie la plus faible.

Les lois en matière contractuelle sont impératives dans la plupart des cas et non plus supplétives, laissant aux contractants la liberté sur le fond, cause d’insécurité.

La loi impose certains contrats qui ne sont plus choisi par les cocontractants.

On assiste à la montée du formalisme : certains contrats imposent pour leur validité, la rédaction d’acte authentique ; c’est le cas de la donation, de l’hypothèque, du mariage, de la subrogation conventionnelle consentie par un débiteur. Ces conditions de forme ont été mises en places pour protéger les contractants (un écrit prête plus à la réflexion) et les tiers contre les fraudes éventuelles.

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